Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI TOISON


TOISON, s. f. [Toa-zon.] La laine que l' on a tondûe sur une brebis, un mouton, etc. "Abatre la toison~. "Laver, éplucher les toisons.
   Si vous êtes jaloux du prix de vos toisons,
   Écartez les troupeaux des lieux pleins de buissons.
       Le Franc.

TOIT


TOIT, s. m. [Toa, monos.] 1°. La couvertûre d' un bâtiment, d' une maison. Monter sur le toit. Réparer les toits. = Les Poètes le disent pour maison.
   Que mon toit soit impénétrable
   Aux craintes, aux remords vengeurs.
       Gresset.
  Venez sous l' humble toit qu' habite ma vieillesse,
  Mépriser des grands Rois la trompeuse richesse.
       Oreste.
= 2°. Habiter sous le même toit, dans la même maison. Ces deux bénéfices sont sous le même toit, dans la même Église. = On dit Fig. d' aprês l' Évangile, publier, précher une chôse sur les toits; l' anoncer publiquement. Hors des Sermons, cette expression n' est que du st. famil. = On dit, en style proverbial, comencer la maison par le toit, comencer par où il faut finir.
   Mais vouloir avec elle employer la raison,
   C' est par le haut du toit comencer la maison.
       Rousseau.
= 2°. Toit de jeu de paûme: ais en forme de toit. De là cette expression proverbiale; servir un homme sur les deux toits; lui faciliter les moyens de réussir, de paraitre. = 3°. Dans les mines, la partie de la roche qui coûvre le filon. = 4°. Toit à cochons, la petite loge où l' on les enferme.

TOITURE


TOITURE, s. fém. Mot nouveau. Confection des toits. "La toiture d' une maison est fort chère. Journ. de Paris.

TôLE


TôLE, s. fém. [1re lon. 2e e muet.] Plaque de fer. batûe, dont on fait des poêles et d' aûtres ouvrages.

TOLÉRABLE


TOLÉRABLE, adj. TOLÉRANCE, s. fém. TOLÉRANT, ANTE, adj. TOLÉRANTISME, s. m. TOLÉRER, v. act. [2e. é fer. 3e lon. excepté au 1er et au dern.] Tolérer, suporter des abus, ou par prudence, ou par faiblesse. "Il faut tolérer ce qu' on ne peut corriger. "C' est une chôse qu' on ne devrait pas tolérer. = Tolérer, soufrir, permettre (synon.) On tolère les chôses, lorsque les conoissant et ayant le pouvoir en main, on ne les empêche pas: on les soufre, lorsqu' on ne s' y opôse pas, faisant sembant de les ignorer, ou ne pouvant les empêcher: on les permet lorsqu' on les autorise par un consentement formel. _ Tolérer et soufrir ne se disent que des chôses mauvaises, ou qu' on croit telles. Permettre se dit et pour le bien et pour le mal. GIR. Synon.
   TOLÉRABLE, qui peut être toléré. Il se dit ordinairement avec la négative ou l' équivalent. "Cela n' est pas tolérable. "Pensez-vous que cela soit tolérable? = * La Touche dit de tolérablement, adv. qu' il ne se dit que du style. "Il écrit tolérablement. Il avoûe que cet adverbe n' est point dans le Dictionaire de l' Académie.
   TOLÉRANCE, condescendance, indulgence pour ce qu' on ne peut empêcher, ou qu' on croit ne devoir pas empêcher. "Ce n' est pas un droit, mais une tolérance. "Il ne jouit de cela que par tolérance. = En matière de Religion, on distingue la tolérance civile, qui consiste à tolérer l' exercice d' une aûtre religion, aûtre que celle qui est établie par la Loi; et la tolérance théologique, qui consiste à enseigner qu' on peut se sauver dans toutes les religions. Celle-ci n' est pas diférente du Tolérantisme.
   TOLÉRANT, qui tolère. Il ne se dit qu' en matière de Religion. "Prince tolérant. = Qui est partisan du Tolérantisme. "les Philosophes tolérans sont les plus intolérans des hommes.
   Pleins de crédulité pour des faits ridicules,
   Et sur tout autre objet sottement incrédules....
   Préchant la tolérance, et três-intolérans.
       Paliss.

TOMBAC


TOMBAC, s. m. [Tombak.] Sorte de métal factice, composé de cuivre et zinc.

TOMBE


TOMBE, s. f. TOMBEAU, s. m. [Tonbe, bo: 1re lon. 2e lon. au plur. du 2d: tombeaux.] Tombeau, sépulcre, monument élevé à la mémoire d' un mort, dans l' endroit où il est enterré. = Tombe, grande table de pierre, de marbre, de cuivre, etc. dont on couvre une sépulture. = Tombe se dit aussi pour tombeau, sépulcre; comme tombeau, pour tout endroit où un homme est enterré. _ Descendre dans la tombe, mourir. (Style poétique).
   Ma flâme pour Hector fut jadis alumée;
   Avec lui, dans la tombe, elle s' est enfermée.
       Androm.
  Et qu' ont fait tant d' Auteurs, pour remuer leur cendre?
  Le tombeau contre vous ne peut-il les défendre?
       Boil.
  Évoqués par les cris de nos maitres nouveaux,
  Lucrèce, Spinosa sortent de leurs tombeaux.
       Le Franc.
= Mettre au tombeau; causer la mort. _ Tirer quelqu' un du tombeau, lui sauver la vie. _ Fouiller dans le tombeau de quelqu' un; rechercher sa vie aprês sa mort, pour noircir sa mémoire.
   Tombe, Tombeau, Sépulcre, Sépultûre, (synon.) La tombe et le tombeau sont des monumens élevés dans le dessein de perpétuer la mémoire des morts. Le sépulcre et la sépulture ne sont que des fosses creusées et des souterreins fermés pour en cacher les restes. La tombe est simple et modeste devant le tombeau: la tombe est sous nos pieds, le tombeau sur nos têtes: l' une n' est que pour le souvenir, l' autre est pour la gloire. Nous pleurons sur la tombe; et nous admirons le tombeau, ou sa vanité. = L' idée de la sépulture n' est pas aussi noire que celle du sépulcre; comme l' idée de la tombe n' est pas aussi vaine que celle du tombeau, etc. Extr. des Synon. Fr. de M. l' Abé Roubaud.

TOMBELIER


TOMBELIER, s. m. TOMBEREAU, s. m. [Tonbe-lié, ro: 1re lon. 2ee muet; 3e é fer. au 1er, lon. au plur. du 2d: tombereaux.] Tombereau est une sorte de charrette entourée d' ais, servant à porter de la boûe, du sâble, des pierres, etc. = Tombelier, charretier qui conduit un tombereau.

TOMBER


TOMBER, v. n. [Tonbé: 1re lon. 2e é fer.] 1°. Être porté de haut en bâs par son propre poids. Il se dit des persones et des chôses. "Il est tombé de son haut; à la renverse, à terre; sur les genoux; de cheval, d' une fenêtre, dans un fôssé, dans un précipice, etc. = Bâtiment qui tombe de vieillesse; qui tombe en ruine. "La maladie lui a fait tomber les cheveux: toutes les dents lui sont tombées. "La pluie, le brouillard, le serein, la neige, la grêle tombe. "Le tonerre est tombé, etc. = Il est quelque--fois impersonel: il tombe de la pluie, de la grêle, de l' eau. = Il régit des adjectifs et des participes: Tomber malade: il est tombé roide mort; et plusieurs prépositions;tomber de faiblesse, d' inanition; tomber dans une maladie; dans le crime, dans le péché;dans le mépris, dans la disgrâce. Tomber en défaillance, en syncope, en démence, en délire, en enfance, en apoplexie , en pauvreté, en disgrace, en faûte, etc. = Tomber, fondre sur. "Oiseau qui tombe sur une perdrix. Tomber sur les énemis. Tomber sur quelqu' un; lui tomber rudement sur le corps, etc. = Il s' unit à plusieurs autres noms, pour former avec eux des expressions proverbiales, qu' on trouvera en cherchant les noms avec lesquels il s' associe. Voy. Accord, Brâs, Friperie, Main, Nûe, Plume, Quenouille, etc. etc. = 2°. Échoir: "La maison lui est tombée en partage. "Le sort est tombé sur lui. "Les biens de cette maison sont tombés dans la vôtre. "Cela m' est tombé entre les mains. "Cela est tombé en de bones mains. "Le discours vint à tomber sur les afaires présentes. Faire tomber la conversation sur un sujet qu' on a en vûe. "Une chôse qui tombe dans l' esprit: "Cela ne tombe pas sous le sens comun; est contraire au bon sens. "Chôse, qui tombe sous les sens; qui est sensible. = 3°. Aboutir: "Chemin, rivière, qui tombe dans un ou une aûtre. = 4°. Cesser, discontinuer. "Le vent est tombé: la conversation tombe. = 5°. Être pendant: "ses cheveux lui tombaient sur les épaules. = 6°. Déchoir de réputation. "Ce livre a eu dabord quelque succês: mais il est tombé. "Cet homme est bien tombé dans l' esprit du Public. = 7°. Être afaibli de corps et d' esprit. "C' est un homme qui tombe, qui est tombé. "On s' apercevoit qu' il tomboit. Lett. Édif.
   REM. Tomber prend, dans ses tems composés, l' auxiliaire être: Je suis tombé: il était tombé. Cependant quelques Écrivains par distraction, ou par un goût particulier, l' associent au verbe avoir. "Sa pièce avoit tombé. Ann. Litt. "Dans un endroit où le tonerre avoit tombé. D. L. H. "La foûdre, qui avoit tombé prês de lui. Id. "Quelques maisons ayant tombé. TARGE. "Ce fut le premier vaisseau de guerre, qui eut encôre tombé au pouvoir des Espagnols. Hist. des Tud.
   Par le fer et le feu leur puissance établie,
   Eut-elle avec le tems tombé de toutes parts.
       Jeanne de Naples.
"On ne dit pas,  j' ai tombé, mais, je suis tombé. Par conséquent il fallait: fut-elle tombée, et non, eut-elle tombé: mais le vers eut été trop long. Journ. de Mons. = Fontenelle avait dit dans un de ses ouvrages: la pluie avoit tombé. On le consulta, dans une séance de l' Académie, sur cette phrâse, sans lui dire d' où on l' avait tirée. Il la fronda merveilleusement; et quand on lui montra la page et la ligne où elle était; point d' autre réponse, dit l' Abé d' Olivet, que celle d' un galant homme qui reconoit ses fautes sans biaiser. = Tomber, actif, est un gasconisme. "J' ai tombé mon livre, mon éventail, etc. Il faut dire: j' ai laissé tomber. = Aûtrefois on disait tumber, et on le dit encôre en quelques Provinces. _ Dans d' aûtres, on dit, se tomber: je me suis tombé. = l' Abé Poulle fait régir à tomber la prép. à: "L' autorité tombée à des âmes vulgaires, etc. Outre la singularité du régime, remarquez le participe tombé, employé adjectivement. = On dit, tomber sur, ataquer, fraper. Rollin dit, en ce sens, tomber contre, ce qui n' est pas aussi usité, ni aussi conforme à l' analogie. "Il menaçoit de tomber avec toutes ses forces contre (sur) quiconque refuseroit d' entrer dans cet accord. Hist. Anc. = Tomber en, pour dégénérer, est une aûtre expression vicieûse: elle est du P. Rapin. "Afin que la simplicité ne tombe point en bêtise, ni l' industrie en finesse. = L' usage ordinaire est de dire: tomber entre les mains, et non pas, aux mains de. VOITURE dit: en vos mains; et VOLTAIRE: dans leurs mains. _ Ce n' est qu' au propre, qu' on peut dire d' une chôse de peu de volume: elle m' est tombée dans la main; ou, dans un aûtre sens, sous la main. C' est le premier de ces saints Auteurs, qui m' est tombé sous la main. BOSS. = M. de Royaumont, c. à. d. M. de Sucy, dit: après qu' on a long-tems méprisé sa miséricorde, on tombe enfin dans la sévérité de sa justice. Cette expression n' est pas fort bone, dit Bouhours; et il aurait mieux valu dire simplement, on éprouve la sévérité de sa justice; ou, selon le langage de l' Écriture, on tombe entre les mains de sa justice. = BOSS. dit, tomber dans un sens. "Il veut exclurre un certain sens, où il supôse qu' on pourroit tomber. Cette expression a vieilli. On dit bien, dans le style familier, tomber dans le sens, ou le sentiment de quelqu' un; mais c' est aûtre chôse; et cela veut dire, être de même avis que lui. Être bien tombé; arriver à propôs.
   Ridicule jamais ne fut si bien daubé;
   Et vous êtes, pour rire, on ne peut mieux tombé.
       PIRON, Métrom.

TOMBEREAU


TOMBEREAU. Voy. TOMBELIER.

TôME


TôME, s. m. [1re lon. 2ee muet.] Volume d' un ouvrage imprimé ou manuscrit. "Le premier, le second tôme, etc. "Cet ouvrage est en trois tômes in-4°.
   On dit, proverbialement: faire le second tôme de quelqu' un, l' imiter, ou avoir le même sort.
   Le fils pourroit fort bien faire le second tôme.
C' est-à-dire, se tuer comme son père,
   Qui s' étoit endormi pour ne plus s' éveiller.
       Sidney.

TON


TON, pronom possessif. Il sert pour le masculin; ton livre, ton écritoire; et pour les noms féminins, qui comencent par une voyèle ou une h muette: ton audace, ton horreur. Il a au pluriel tes; pour les deux genres: tes livres; tes afaires.

TON


TON, s. m. Certaine inflexion de voix; certain degré d' élévation ou d' abaissement de la voix, ou de quelque aûtre son. "Ton de voix aigre ou doux; plus haut, ou plus bâs. Ton de conversation, de déclamation, etc. "Parler d' un ton de maitre; d' un ton impérieux, fier, hautain, moqueur, railleur: "Il nous demanda d' un ton sévère, quel étoit notre pays. Télém. "Je me fus à peine expliqué, d' un ton si décisif que, etc. = On emploie beaucoup aujourd'hui ce mot au figuré. Doner, prendre le ton; écrire sur le vrai ton, sur le mauvais ton. Monter ses ouvrages sur le haut ton; être sur un ton badin ou sérieux; parler à quelqu' un d' un bon ton, ou du bon ton. On disait dans le Dict. Gramm. Il y a plus de vingt ans que: "Il y a du précieux à tout cela; mais que tout cela prend faveur, et qu' on peut en bien augurer. = Doner le ton; dominer; le prendre sur un ton, sur un certain ton; avoir de certaines manières, un certain procédé (qui déplaisent).
   Ah! vous le prenezsur un fort joli ton.
       Le Joueur.
Baisser le ton. "À~ l' aproche du Comte de... tous les aspirans baissèrent le ton. MARM. _ Changer de ton, parler d' une aûtre manière. = D' un ton, régit quelquefois à et l' infinitif. "Elle dit cela d' un ton à faire trembler ses rivales. Marm. = On dit ordinairement: peser ses paroles ou ses mots. ROUSSEAU a dit: peser ses tons.
   Tout marque en lui la perle des Catons,
   Il ne rit point: il pèse tous ses tons.
On dit adverbialement, par air: M. l' Abé Royou a dit, dans le même sens, par ton. "C' est par ton que nos jeunes rimailleurs dans leurs épitres badines, plaisantent les vertus: et, si je ne me trompe, cette ridicule manie est du plus mauvais ton. Journ. de Mons.

TONDâILLE


*TONDâILLE, s. f. Je doute que ce mot soit françois, dit La Touche; l' Académie ne l' a point mis dans son Dictionaire. Elle dit, la tonte des moutons. L' Auteur des Réflexions admet tondâille pour le style familier, et cite Fleury: "Les tondâilles de leurs moutons. Il semble qu' on pourrait, qu' on devrait mettre une diférence entre tonte et tondâille: celui-là se dirait pour l' action de tondre; et celui-ci pour le tems, la saison où l' on tond: l' Académie met tonte dans les deux sens. Le Rich. Portatif met tondâille, pour la laine qu' on a tondûe; et tonte, soit pour l' action de tondre, soit pour le tems où l' on tond les moutons.

TONDEUR


TONDEUR, s. m. TONDRE, v. actif. TONTE, s. f. [1re lon. 2ee muet au 2d et au 3e.] Tondre, couper la laine ou le poil des bêtes: "Tondre les brebis, un barbet, etc. = On le dit, par extension, des draps, des feûtres, d' une palissade; en couper ce qui déborde, pour les rendre plus unis, plus râs. = On le dit même en plaisantant, des persones, dans le sens de râser, faire le poil, les cheveux. = On dit, proverbialement d' un avâre, qu' il tondrait sur un oeuf. = Tondeur, qui tond. "Tondeur de troupeaux, de draps, de buis, de palissade. = Tonte se dit, et de l' action de tondre, et de la laine qui a été tondûe, et du tems où l' on a coutume de tondre les troupeaux. = Tondu, participe de tondre. On dit, en style familier: Je veux être tondu, ou que l' on me tonde, si je fais cela. Il a été tondu; son avis n' a pas pâssé. Il est tondu, ruiné, perdu.
   Sans toi j' étois tondu, je le dois avouer.
   Vous n' avez qu' à parler; c' est un homme tondu.
       Le Joueur.
C. à. d. il échouera dans son projet. = Tondu comme un Moine, comme un Enfant de Choeur. = S. m. Il n' y avait que trois tondus et un pelé; c. à. d. un petit nombre de gens de peu de considération.

TONNANT


TONNANT, ou TONANT, ANTE, adj. TONER, v. n. TONERRE, s. m. [2e lon. aux deux prem. é fer. au 3e, ê ouv. et lon. au 3e.] Toner se dit du bruit causé par le tonerre; c. à. d. par les exhalaisons enflamées, qui sortent de la nue avec éfort. "Il tonait: le tonerre començait à gronder.
   Le bruit croît, il redouble, il vient comme un tonnerre,
   Qui s' aproche en grondant, et qui fond sur la terre.
       Mérope.
= On dit proverbialement, d' un grand bruit, qu' il était si grand, qu' on n' aurait pas entendu Dieu toner. = Toner se dit aussi du canon. "L' artillerie començait à toner. = Fig. Parler avec beaucoup de véhémence. "Ce Prédicateur tone en chaire. "Il a toné contre le luxe. "Sa voix tonoit, quand il faloit défendre les intérêts de la Patrie. Marm. = Menacer avec autorité.
   La justice de Dieu tonne contre le crime.
   Ce Dieu, qui tonne et se venge,
   Est un Dieu, qui s' atendrit.
       Le Franc.
= Tonerre se prend souvent pour la foûdre. "Il fut frapé du tonerre. "Le tonerre est tombé sur trois clochers.
   Brutes, mortels, tout tremble au bruit de son tonnerre,
   Ses coups portent l' éfroi jusqu' au sein de la terre.
       Le Franc.
_ Voix de tonerre, voix forte et éclatante. "Cet homme est un tonerre: il a une voix de tonerre. = Coup de tonerre ou de foûdre; aventûre facheuse et imprévue, qui acâble, quand on l' éprouve ou qu' on l' aprend.
   TONANT, qui tone. Il ne se dit au propre, que dans cette phrâse: Jupiter tonant. = Fig. Voix tonante, voix forte et éclatante. On dit proverbialement, d' un endroit où il y a beaucoup de bruit, de tapage, qu' on n' y entendrait pas Dieu toner.
   Dieu pour se faire ouïr toneroit vainement.
       Boileau.

TONNE


TONNE, s. f. TONNEAU, ou TONEAU, s. m. TONELLERIE, s. f. TONELIER, s. m. [Tone, no, nèlerie, ne-lié: 2e e muet au 1er et au dern. è moy. au 3e; la 3e est un e muet au 3e, un é fer. au 4e.] Tonne, grand vaisseau de bois à deux fonds, en forme de muids. "Tonne de vin. Tonne à mettre des marchandises. = Toneau, est 1°. petite tonne. "Toneau de vin, de cidre, etc. "Vider, enfoncer, défoncer un toneau. = En style proverbial, on apèle toneau percé, celui qui dépense son argent à mesûre qu' il le gâgne. = 2°. Mesûre de deux, trois ou quatre muids de liquides, plus ou moins grande, suivant la diférence des lieux. = 3°. En termes de Marine, poids de deux mille livres ou vingt quintaux. "Vaisseau de deux cens, de trois cens toneaux, du port de six cens, de mille toneaux, etc. = Tonelier, Artisan qui fait et qui racomode des toneaux. Tonellerie, profession de Tonelier.

TONNELER


TONNELER, ou TONELER, v. act. TONELEUR, s. m. TONELLE, s. f. [2e e muet aux deux prem., è moy. au 3e: tonèle.] Tonelle, est 1°. Berceau de treillage, couvert de verdûre. = 2°. Filet à prendre des perdrix. = Toneler, prendre à la tonelle. "Toneler des perdrix. = Fig. style familier: Faire, doner dans quelque piège. "On l' a si bien tonelé, qu' on lui a fait faire ce mariage. = Toneleur, qui prend des perdrix à la tonelle.

TONELIER


TONELIER,TONELLERIE: voyez TONNE.

TONNER


TONNER, TONNERRE; voyez TONNANT

TONSûRE


TONSûRE, s. f. TONSURER, v. act. [2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Tonsûre, cérémonie de l' Église, par laquelle celui à qui l' Évêque coupe les cheveux, entre dans la Cléricatûre. Tonsurer, doner la tonsûre. = Tonsûre se dit aussi de la couronne que l' on fait sur la tête aux Clercs, aux Sous-Diacres, Diacres, Prêtres, etc. en leur rasant les cheveux en rond. = Dans le 1er sens, on apèle bénéfice à simple tonsûre, celui qu' on peut posséder sans être obligé de prendre les Ordres Sacrés, ni de résider sur les lieux. _ Delà, on apèle proverbialement, Docteur à simple tonsûre, un Avocat, un Médecin, qui a peu de capacité; et bénéfice à simple tonsûre, un emploi lucratif, qui done peu de peine.

TONTE


TONTE. Voy. TONDEUR.

TONTINE


TONTINE, s. f. Sorte de rentes viagères sur le Roi, avec droit d' acroissement pour les survivans. La Tontine est ainsi apelée du nom de Tonti, qui en avait doné le projet. Depuis, il a paru des Tontines sous diférentes formes. _ On apèle Tontinier, Celui qui a des rentes de tontine.

TOPâZE


TOPâZE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] Pierre précieûse, de couleur jaûne.

TOPER


TOPER, v. n. C' est, au jeu de dés, demeurer d' acord d' aler d' autant que met en jeu celui contre qui on joûe. = Fig. st. famil. Toper ou dire tope (c. à. d. je tope) consentir à une proposition, à une ofre. "Je tope à cela. "Il y a topé.
   Et sur le premier mot d' un aûtre engagement,
   Elle a d' abord topé très amiablement.
       Le Flateur.
"Mon fils est de bonne compagnie et dit tope à tout. SÉV.

TOPIQUE


TOPIQUE, adj. et subst. [Topike: 3ee muet.] C' est, en parlant des remèdes, celui qui n' opère qu' étant apliqué sur la partie malade ou sur celle, qui y répond. "Remède topique. "C' est un excellent topique pour ce mal là.

TOPOGRAPHIE


TOPOGRAPHIE, s. f. TOPOGRAPHIQUE, adj. [Topogra-fi-e~, fike: dern. e muet.] Topographie est la description d' un lieu particulier. Topographique, qui apartient à la Topographie. "Cet Auteur a doné la topographie des environs de Paris. "Description, carte topographique.

TOQUE


TOQUE, s. f. [Toke: 2e e muet.] Sorte de chapeau, plat par dessus. "Les cent Suisses portent des toques de velours noir.

TOQUèT


TOQUèT, s. m. [Tokè: 2eè moy.] Bonèt, qui est à l' usage des femmes du menu peuple, ou des paysanes, en certaines Provinces. Les Dames ont adopté cette coifure de tems en tems, et l' on a vu paraitre des toquèts de toute espèce, la plupart fort bisârres.

TORCHE


TORCHE, s. f. Flambeau de cire, apliqué autour d' un long bâton de Sapin. On s' en sert à Paris à la Procession du Saint Sacrement. = Plusieurs apèlent aussi torche tout grand flambeau que les Laquais portent la nuit pour éclairer à ceux qu' ils acompagnent.
   Mais la discorde, hélas! aux Rois souvent fatale,
   Les embrasa du feu de sa torche infernale.
       Le Franc.

TORCHER


TORCHER, v. act. TORCHON, s. m. [2e é fer. au 1er.] Torcher c' est froter pour ôter l' ordûre. "Torcher un enfant. = Torchon, petite serviette de grôsse toile, dont on se sert pour torcher la vaisselle, la baterie de cuisine, les meubles, etc. _ On dit d' une femme mal-propre, que, c' est un torchon, qu' elle est faite comme un torchon. L' Acad. traite cette expression de populaire.

TORCHèRE


TORCHèRE, s. f. [2e è moy. 3e e muet.] Guéridon fort élevé sur lequel on met un flambeau, une girandole dans les salles des grandes Maisons.

TORCHIS


TORCHIS, s. m. Mortier de terre grâsse mélée avec de la pâille ou du foin. "En plusieurs Provinces, les murs des maisons dans les villages ne sont que de torchis.

TORCHON


TORCHON, Voy. TORCHER.

TORDRE


TORDRE, v. act. [Il se conjugue comme mordre.] Tourner en long et de biais en serrant. "Tordre du fil, des cordes, du linge. = Tordre la bouche, la tourner de travers. _ Tordre le cou à un poulet, etc. Le faire mourir en lui tournant le cou. _ Fig. "Si elle vous ressembloit, je lui tordrois le cou. DEST.
"Il poussoit des cris, il gémissoit, il soupiroit et se tordoit les mains. L. F. = Ne faire que tordre et avaler, manger goulument. st. famil. = Tordre un texte, une proposition, un principe; expression figurée, qui n' est pas du beau style. L' Acad. ne la met pas. Saurin dit de Bayle: "Grand Sophiste, prenant à tâche de confondre le faux avec le vrai, de tordre un principe, de renverser une conséquence.

TôRE


TôRE, s. m. [1re lon. 2ee muet.] Grôs anneau employé dans les bâses des colonnes; autrement, grôsse astragale.

TORON


TORON, s. m. Assemblage de plusieurs fils tournés ensemble, qui font partie d' une corde, d' un câble.

TORPEUR


TORPEUR, s. f. Latinisme. Engourdissement. Depuis quelque-tems, on l' emploie au figuré. "La torpeur philosophique s' est emparée de ces Théâtres, et en a banni la Saillie françoise, pour y substituer des morceaux de morale aussi maussadement traitée qu' inutile. Linguet.

TORPILLE


TORPILLE, s. f. [Mouillez les ll: 3ee muet.] Poisson, qui a la propriété d' engourdir la main de celui, qui le touche, soit à nu, soit même avec un bâton.

TORQUèT


TORQUèT, s. m. TORQUETTE, s. f. [Torkè, kète: 2e è moy.] Le 1er n' est d' usage que dans cette expression proverbiale; doner du torquèt à; tromper. Trév. L' Acad. dit, doner un torquèt, ou le torquèt à, activement, et doner dans le torquèt, neutralement. = Le 2d se dit d' une certaine quantité de marée entortillée dans de la pâille: "Une torquette de poisson.

TORRENT


TORRENT, s. m. [Tô-ran: 2 longue; l' r se prononce fortement.] Courant d' eau rapide, qui ne dûre que quelque tems. "Ce n' est pas une rivière; ce n' est qu' un torrent. "Il se forme de grands torrens dans les montagnes. "Les pluies d' orage, et la fonte des neiges, forment des torrens.
   Le bonheur des Méchans comme un torrent s' écoule
       Athalie.
= Fig. il se dit, ou par raport à l' abondance:un torrent de paroles, d' injûres, de larmes: "Ce ne fut plus qu' un torrent de prospérités, de conquêtes, etc. Bourdal. ou par raport à l' impétuosité; le torrent du monde, de la coutume, des passions.
   Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent,
   Achille va combatre et triomphe en courant.
       Iphigénie.
  À~ ce torrent vainqueur Rome longtems s' opose;
  Et de son Jupiter veut défendre la caûse.
       L. Rac.
  Quand une fois sa langue a pris l' essor,
  C' est un torrent. Je crois l' entendre encor.
       Les Méprises.
= À~ torrens, adv. "Verser à flots et à torrens. MASCAR. Neuville. = Par torrens. "La pluie, qui tomboit sur nous par torrens. VOY. d' ANSON. = Le besoin de la rime a fait dire à PIRON, par torrent. au singulier.
   À~ qui tout est suspect, tout est indiférent;
   Le sang des Suédois coulera par torrent.
       GUSTAVE.
= L' Acad. ne met ni à torrens, ni par torrens.

TORRIDE


TORRIDE, adj. fém. On apèle Zône torride, la portion de la Terre, qui est entre les deux tropiques. C' est tout l' emploi de ce mot.

TORS


TORS, TORSE adj. Le vrai participe du V. tordre est tordu. Cependant on ne laisse pas de dire, tors, torse: cou tors, fil tors, soie torse, colonne torse. _ Suivant La Touche, on dit quelquefois torte au féminin: jambe, bouche, gueule torte. Suivant l' Acad. celui-ci est populaire.

TORT


TORT, s. m. [Le t final ne se prononce jamais.] Ce qui est oposé à la justice et à la raison. "Il a tort, tous les torts du monde. "Tout le monde lui done le tort.
   C' est un danger; c' est peut-être un grand tort
   D' avoir une âme au dessus de son sort.
       Nanine.
= Il régit de et l' infinitif. "Vous avez {C701a~} eu tort de le faire. = Lésion, domage. "Il ne faut pas faire tort à son prochain. "Il ne lui a pas fait tort d' un écu. "Il ne fait tort qu' à lui-même. "Les gens, que vous hantez, font tort à votre réputation. = Tort, injûre (synon.) Le tort regarde particulièrement les biens et la réputation: il ravit ce qui est dû. L' injûre regarde les qualités personelles: elle impute des défauts. Le 1er nuit: le 2d ofense. "Le zèle imprudent d' un ami fait quelque--fois plus de tort que la colère d' un énemi. "La plus grande injûre, qu' on puisse faire à un honête homme est de se défier de sa probité. GIR. synon. = Mettre quelqu' un dans son tort; et mettre le tort sur quelqu' un, ont des sens diférens. L' un signifie, faire par sa conduite que le tort lui reste; l' aûtre, mettre la faûte sur lui; la lui atribuer. = Se faire tort; déshoneur. "Bien loin que je me sois fait tort en m' atachant à lui (à Pompée) il s' est fait honeur en se déclarant pour moi. Mongault Let. de Cic. à Att.
   REM. Avoir tort s' emploie quelquefois sans régime. "Il a tort: vous avez raison et je n' ai pas tort.
   ....Et qu' en pense Cléon?
   - - - Que vous n' avez pas tort et qu' Ariste a raison.
       Le Méchant.
= Mais avec la négative, doit-on dire, je n' ai pas tort, ou dire, je n' ai pas de tort? Le 1er est plus conforme à l' analogie; puisqu' on dit: il n' a pas raison, je n' en ai pas besoin; et non pas: il n' a pas de raison; je n' en ai pas de besoin. Quelques-uns pourtant préfèrent le 2d. "Je n' ai donc pas de tort de m' obstiner au silence. Créb. F. Je voudrais dire: je n' ai donc pas tort, etc. "Elle a bien plus tort que votre vieux gentilhomme. Volt. = Dit-on Doner tort ou le tort à quelqu' un? Il y a des autorités et des exemples pour l' un et pour l' aûtre.
   À~ tort, adv. Sans raison; injustement. "On l' acûse à tort. = À~ tort et à travers, sans discernement, sans considération. "Il parle, il frape à tort et à travers. = * Suivant La Touche, on dit aussi à tors et à travers, et Richelet ne met que celui-ci; mais s' il fut aûtrefois d' usage; il est aujourd'hui entièrement inusité. = Trév. dit, de tort et de travers, en ajoutant qu' à tort et à travers parait plus régulier. Ce {C701b~} n' est pas assez dire: celui-ci est le seul bon.

TORTE


TORTE, Voy. TORS.

TORTICOLIS


TORTICOLIS, s. m. Mal, qui fait qu' on ne peut tourner le cou sans douleur. "Il a un torticolis. = Adj. Qui porte le cou penché d' un côté. "À~ la suite de cet accident, il est demeuré torticolis. = Fig. Faux dévot. "Ne vous fiez pas à ce torticolis. st. famil. et mordant.

TORTILLEMENT


TORTILLEMENT, s. m. TORTILLER, v. act. et n. [Torti-glie-man; glié: 3ee muet au 1er, é fer. au 2d: mouillez les ll.] Tortiller au propre, tordre à plusieurs tours, en parlant du papier, de la filasse, d' un ruban, etc. = Fig. v. n. chercher des détours, des subterfuges. Il ne fait que tortiller dans les afaires. "Pourquoi tant tortiller: expliquez-vous clairement. st. famil. = Tortillement a ces deux sens: "Tortillement d' un câble, d' une corde. "Pourquoi ces tortillemens, ces détours?

TORTILLON


TORTILLON, s. m. [Torti-glion: mouillez les ll.] Coifûre d' une fille du bas peuple. D' où l' on apèle tortillon une petite servante prise au village.

TORTIONAIRE


TORTIONAIRE, adj. [Tor-cio-nère: 3e è moy. et long; 4e e muet.] Inique, extorqué. "Emprisonement, Saisie tortionaire. _ C' est un terme de Palais. Il est énergique et des Écrivains s' en sont servi. "Le traité tortionaire de Madrid. Journ. de Litt.

TORTU


TORTU, ÛE adj. Qui n' est pas droite: "Cet homme est tout tortu. "Il a les pieds tortus, les jambes tortûes. "Pièce de bois tortûe. "Chemin tortu. = Fig. st. famil. Avoir l' esprit tortu; faire des raisonemens tortus.

TORTûE


TORTûE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] Animal amphibie, qui marche fort lentement et dont tout le corps est couvert d' une grande écaille dûre, à la réserve de la tête, des pieds et de la queûe. "Tortûe de mer, de rivière, de terre. "Écaille, oeufs, chair de tortûe. "Bouillon de tortûe. = On dit, dans le discours familier, marcher à pâs de tortûe, c. à. d. três lentement. On le dit dans le propre et dans le figuré.

TORTUER


TORTUER, v. act. Rendre tortu. "Tortuer une aiguille. "Cet arbre comence à se tortuer.

TORTUEûSEMENT


TORTUEûSEMENT, adv. TORTUEUX, EûSE, adj. TORTUOSITÉ, s. f. [Tortu-eû--zeman, , eû-ze, ozité: 3e lon, aux 3 prem.] Tortueux, qui fait plusieurs tours. "Le cours tortueux d' un fleuve; chemin tortueux; le replis tortueux des Serpens, de la conscience.
   Indomptable taureau, dragon impétueux
   Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
       Phèdre.
"Je ne perdrai pas mon tems à fouiller dans des coeurs tortueux. L. F. Vie de S. Grég. de Naz. "Dans ce labyrinthe de détours tortueux (la Cour) où la prudence marche au hazard; où la route de la prospérité mène si souvent à la disgrace; etc. Neuville. _ Il ne se dit que dans des ocasions pareilles. = Tortueûsement, d' une manière tortueûse. Tortuosité, état de ce qui est tortueux. Ils sont peu usités. L' Acad. n' en done point d' exemple. Voy. SINUEUX.

TORTûRE


TORTûRE, s. f. *TORTURER, v. act. [2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Tortûre est en général, tourment qu' on fait soufrir. "Les Païens inventèrent de nouvelles tortûres contre les chrétiens. = 2°. En particulier, les tourmens de la question. "Mettre, apliquer à la tortûre. Doner la tortûre. Il vieillit en ce sens. On dit aujourd'hui, Apliquer à la question; doner la question. = On dit fig. se doner la tortûre; mettre son esprit à la tortûre, ou doner la tortûre à son esprit; se tourmenter, faire de grands éforts; travailler avec une grande contention d' esprit, pour, etc.
   REM. Tortûre dit plus que tourment, et il me parait trop fort dans ces vers de Rousseau, où il dit aux Mûses:
   Mais c' est par vous aussi
   Que sont venus mes ennuis, mes tortûres,
   Tous ces complots, ces lâches impostûres.
Ce mot est plus à sa place dans les vers suivans du même Poète.
   Ce qui fit leur bonheur deviendra leur torture;
   Et Dieu, de sa Justice appaisant le murmure,
   Livrera ces Méchans au pouvoir infernal.
       Rouss.
  *TORTURER, tourmenter. Il est vieux. "Bannir, emprisoner, torturer, tuer. Bayle, cité par d' Avrigni. M. Linguet l' a employé plus récemment. "Torturer des Acusés simplement suspects. "Ce sont les âmes qu' ils tortûrent. Et M. l' Ab. De Fontenai. "M. de Mayer s' est torturé, pour saisir le ton naturel. Ce mot peut être bon pour le style critique.

TOSTE


TOSTE, s. m. TOSTER, v. act. Termes empruntés des Anglais. Ils expriment l' action de porter dans un repâs à tous les convives la santé d' une persone absente. "Les tostes sont très-ennuyeux. "On a tosté Mde de, etc.

TôT


TôT, adv. [Le t ne se prononce pas devant une consone, ni à la fin de la phrâse.] Promptement, vite, Voy. VITE. = 1°. Tôt est un adverbe de tems relatif, exprimant un raport à un aûtre tems. Il est susceptible des degrés de comparaison; plutôt, aussitôt: il est arrivé plutôt, aussitôt que vous: mais il n' a point de superlatif absolu: on ne dit point très-tôt: il n' a que le superlatif relatif: venez le plutôt que vous le pourrez. = Tôt ne se dit guère au positif que quand il est joint avec tard. On dit, tôt ou tard; mais on ne dit point; vous êtes venu tôt, comme on dit, vous êtes venu tard. _ L' Acad. met à l' impératif: alez tôt, venez tôt: mais ce sont des phrâses consacrées par l' Usage. Hors de là on ne dit point tôt tout seul. = 2°. pour les aûtres adverbes, Tôt ne s' unit guère qu' à trop, assez, bien, si, aussi. "Il s' est déclaré trop tôt: il est venu assez tôt pour, etc. "Bientôt vous le verrez. "Votre afaire ne sera pas sitôt finie, aussitôt finie que la mienne. = On dit sitôt et non pas de sitôt, comme l' ont dit quelques Auteurs. "La Langue angloise ne fut pas de sitôt à la mode. H. d' Angl. "Ils ne seront pas imprimés de si tôt à. Voy. SI à la fin. = 3°. Sitôt que n' est pas aussi usité dans le discours soutenu que aussitôt que. L' Acad. n' en distingue point l' usage. = 4°. Aûtrefois Tôt s' unissait à un plus grand nombre d' adverbes. Bossuet a encore dit, tôt aprês et plus récemment encôre l' Ab. de Bouteville. = 5°. Tôt ou tard se met devant ou aprês le verbe, et dans les tems composés, ou entre l' auxiliaire et le participe, ou aprês le participe, ou devant l' auxilaire. "Tôt ou tard il y viendra: Il s' en repentira tôt ou tard: il sera tôt ou tard contraint de le faire: il en sera puni tôt ou tard: on peut prédire que tôt ou tard il en sera embarrassé.

TOTAL


TOTAL, ALE, adj. TOTAL, s. m. TOTALEMENT, adv. TOTALITÉ, s. f. [3e e muet au 2d et au 4e; en dans l' adv. a le son d' an.] Total, adj. complet, entier: "Le nombre total, la somme totale. "Renversement, abandonement total. = Total subst. Le tout. "Prenez le total. "Je vous abandone le total. "Le total de la succession, de la somme se monte à, etc. = Totalement, entièrement, tout-à-fait. "Il est totalement ruiné; totalement dévoué à cet homme-là. = Totalité, le total, le tout. "La totalité du bien, de la Succession. "Il a pris tant sur la totalité.
   Rem. 1°. Total n' a de pluriel qu' en parlant de comptes. "La somme des totaux. Il serait bon de rassembler les totaux, qui se trouvent dans chaque Intendance. L' Ab. de St. Pierre. = 2°. Plusieurs disent adverbialement, en total, pour dire, comparaison faite des avantages et des pertes, des vertus et des défauts, etc. Il se met à la tête de la phrâse. "En total, malgré cette aparence de liberté, le corps du peuple étoit moins libre que sous les gouvernemens, où l' exécution des lois étoit plus sévère. Hist. d' Angl. = D' aûtres disent, au total, qui, à mon avis, n' est pas si bon. "Au total, l' éloge du Mémoire est resté maître du champ de bataille. Le M. de C... à M. d' A... "Au total, malgré ces défauts, l' ouvrage a mérité les aplaudissemens qu' il a reçus. Merc. _ L' Acad. ne met ni au total, ni en total. = 3°. Total, adj. et Totalement, adv. ne paraissent pas comporter du plus ou du moins et par conséquent pouvoir être associés aux adverbes de comparaison. "Je ne puis, sans être alarmé, voir un changement si total. Anon. "Ah! si l' homme peut s' oublier, se perdre, se renoncer si totalement, que ce soit pour Dieu: la grandeur du Maître ennoblira le service. Neuville.

TOTON


TOTON, s. m. Espèce de dé, qui est traversé d' une petite cheville, sur laquelle on le fait tourner, et qui est marqué de diférentes lettres sur les quatre faces. "Jouer au toton.

TOUAGE


TOUAGE, s. m. TOûE, s. f. TOUER, v. act. [Tou-age, toû-e, tou-é: 1re lon. au 2d; 2e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Touer, c' est faire avancer un navire, en tirant un câble, ataché au rivage; au lieu qu' on remorque au moyen d' un bâtiment à rames. "Touer un vaisseau: "Nous fumes obligés de nous touer. = Touage ou Toûe est l' action de touer ou l' éfet de cette action. "Le touage du vaisseau avait fatigué tout le monde. "Il falut ramener le vaisseau à la toûe. = Toûe est aussi le nom de certains bateaux comuns sur les rivières, et sur-tout sur la Loire.

TOUâILLE


TOUâILLE, s. f. [Touâ-glie: 1re lon. 2e e muet: mouillez les ll.] Linge, qu' on pend sur un rouleau auprès d' un lieu, où l' on se lave les mains, et qui sert à les essuyer.

TOUCHANT


TOUCHANT, ANTE, adj. TOUCHANT, prép. TOUCHE, s. f. TOUCHER, v. act. et s. m. [Tou-chan, chante, chan, che, ché, 2e lon. aux 3 prem. e muet au 4e, é fer. au 5e.] Touchant, adj. ne se dit qu' au figuré. Qui touche le coeur, qui émeut les passions. "Sermon bien touchant. Musique touchante: il nous dit des chôses si touchantes que nous ne pûmes retenir nos larmes. = Cet adjectif suit ordinairement le substantif; mais quelquefois il le précède élégamment. "Le touchant spectacle: la touchante beauté des vertus sociales. "La tendre et touchante harmonie. Gress.
   TOUCHANT, prép. concernant; sur le sujet de: "Il m' a entretenu touchant vos afaires. "Touchant cela, je vous dirai que, etc.
   TOUCHE est 1°. Dans l' orgue, le clavecin, l' épinette, chacune des petites pièces d' ébène ou d' ivoire, qui en compôsent le clavier. = Dans le luth, la viole et aûtres instrumens qui ont le manche long, on apèle touches les cordes, qui embrassent le manche, et qui font la séparation des demi-tons. = 2°. Épreuve qu' on fait de l' or et de l' argent par le moyen de la pierre de touche. "On conut à la touche que cette pièce étoit faûsse. = Pierre de touche est une pierre noirâtre, dont on se sert pour éprouver l' or. = Fig. "L' adversité est la pierre de touche des amis: c' est alors qu' on reconait si leur amitié était vraie et solide. = 3°. Action de toucher, de fraper. Il ne se dit que dans cette phrâse proverbiale: il craint la touche: la critique, la réprimande, la contradiction: il est sensible et délicat. = Au fig st. famil. on le dit des disgraces, des revers, des maladies. "Il a perdu dix mille écus dans cette faillite: c' est une rude touche. "On a doné une rude touche à ce Négociant. "Il sort de maladie: qu' il est pâle et défait! Il a eu une terrible touche. = 4°. En termes de Peintûre, la manière dont le Peintre fait sentir le caractère des objets qu' il représente par certains coups de pinceau dans les ombres et les lumières: "La touche doit être, suivant les objets qu' on imite, hardie, fière, mâle, vigoureûse, ou moelleûse, fine, légère, etc. Dans les ouvrages des Artistes médiocres, elle est souvent molle, incertaine, faible, mesquine, etc. = Fig. on le dit en matière de Litératûre. "On ne peut se dissimuler que cette Histoire (de Louis XI par Duclos) n' ait une touche romanesque. Sabat. Trois siècles, etc. "Quant à sa touche poétique, elle ne ressemble en rien à celle des grands Poètes. Id. Art. Du Frenoy. = 5°. Touche se dit encôre, et d' un petit brin de bois ou de quelque aûtre chôse, dont les enfans, qui aprènent à lire, touchent les lettres qu' ils veulent épeler; et d' une petite espèce de baguette d' ôs ou d' ivoire, dont on se sert aux jonchets pour lever chaque pièce, aprês qu' on l' a fait tomber.
   TOUCHER, c' est 1°. Mettre la main sur, ou à quelque chôse. Il régit l' acusatif ou le datif: le 1er régime est le meilleur dans le sens propre, et le 2d pour le sens figuré. L' Acad. les met indiféremment. "Les laïques ne doivent pas toucher les vâses sacrés, ou aux vâses sacrés. "Ne touchez pas cela, n' y touchez pas. = Fig. Il ne parait pas y toucher.
   ..Mon Dieu, sa soeur, vous faites la discrette,
   Et vous n' y touchez pas, tant vous semblez doucette;
   Mais il n' est, comme on dit, pire eau que l' eau qui dort.       Mol.
  À~ ces simplicités, qui sortent de sa bouche;
  À~ cet air si naïf, croiroit on qu' elle y touche?
  Mais c' est une eau qui dort, dont il faut se garder.
       Regnard.
= Toucher, manier, (synon.) On touche plus légérement: on manie à pleine main. On touche une colonne, pour savoir si elle est de marbre ou de bois: on manie une étofe pour conaitre si elle a du corps et de la force. "Il y a du danger à toucher ce qui est fragile. "Il n' y a point de plaisir à manier ce qui est rude. GIR. Synon. = 2°. Se toucher, se joindre, de manière qu' il n' y ait rien entre deux. "Ces deux pierres, ces deux maisons se touchent. = 3°. Toucher, en parlant d' une somme d' argent, recevoir. "Il a touché ses apointemens; je lui ai fait toucher mille écus. = 4°. V. n. Ateindre à: il touche au plancher: il y touche de la tête, de la main. _ Être proche de; en parlant du tems. "Le terme n' est pas éloigné: nous y touchons. "Il touchait au dernier moment.
   La Reine touche presque à son terme fatal.       Phèdre.
= Toucher à quelque chôse; en prendre, en ôter. "On ne touchait au trésor que dans les grandes nécessités. _ Aporter quelque changement. "Il n' a pas voulu toucher à cet article. "Le Roi a révoqué tels Édits; mais il n' a pas touché à celui-là. _ Il ne se dit qu' avec la négative. _ Toucher de prês à quelqu' un; être son proche parent ou alié. = 5°. Exprimer. Cet Orateur touche bien les passions. "Il y a dans cette Tragédie des morceaux bien touchés. = 6°. Parler incidemment de: "Il a touché ce point là fort adroitement: il ne l' a touché qu' en pâssant. = 7°. Fig. Émouvoir. "Dieu lui a touché le coeur. "Cette nouvelle, cette mort, ce sermon l' a fort touché. "Il en a été touché jusqu' aux larmes.
   J' en juge par moi-même et ne m' en défends point,
   Je suis de ce malheur touchée au dernier point.
       Le Flateur.
= V. n. Sans régime. "Un Orateur parfait, c' est celui qui sait instruire son Auditeur, lui plaire et le toucher. Instruire est d' obligation, plaire est de surérogation; toucher est de toute nécessité. D' OLIV. Pens. de Cic. "Être touché de compassion: Se laisser toucher à la pitié, aux pleurs des misérables. = 8°. Concerner, regarder. "Cela ne me touche pas: je prends part à tout ce qui vous touche, à tout ce qui touche vos intérêts, etc. Voy. CONCERNER.
   TOUCHER, s. m. Le tact; le sens par lequel on conait les qualités palpables des corps. "Le sens du toucher: cela se conait au toucher.

TOûE


TOûE, TOUER; voy. TOUAGE.

TOUFFE


TOUFFE, ou TOUFE, s. f. TOUFU, ÛE, adj. [2e e muet au 1er, lon. au 3e.] Toufe est l' assemblage de certaines chôses, qui sont en quantité et prês à prês. On le dit des arbres, herbes, fleurs, cheveux et aûtres chôses pareilles. = Toufu, qui est en toufe; garni, épais. Bois, arbre toufu: fleur, chevelûre, barbe toufûe.

TOUFFEUR


*TOUFFEUR, s. fém. Chaleur étoufante. Barbarisme usité en quelques Provinces. "Il fait une grande touffeur. L' Acad. n' a eu garde de mettre ce mot.

TOUJOURS


TOUJOURS, adv. de tems. [On écrivait aûtrefois tousjours.] Continuellement, sans cesse, sans interruption, sans relâche, sans fin. = Toujours, continuellement, (synon.) Ce qu' on fait toujours se fait en tout tems et en toute ocasion; ce qu' on fait continuellement se fait sans interruption et sans relâche. "Il faut toujours préférer son devoir à son plaisir: il est dificile d' être continuellement apliqué au travail. GIR. Synon. = 1°. Toujours se met ou aprês, ou devant le verbe, ou entre l' auxiliaire et le participe. Je le dit toujours. _ Toujours je le dis. _ Je l' ai toujours dit; et non pas je l' ai dit toujours. = Il est des ocasions où une de ces constructions vaut mieux que l' aûtre: c' est à l' oreille et au goût à en décider.
   Ce Monarque toujours est l' objet de sa haine.
       Cromvel.
En prôse, il faudrait dire, est toujours l' objet, etc. = 2°. Avec toujours, et quand il est placé devant le verbe, on met quelque--fois le pronom nominatif aprês. "De quelque manière qu' on veuille le prendre, toujours faut-il nous rendre raison pourquoi, etc. = Cette construction est tout au plus du style modéré. = 3°. On disait aûtrefois à toujours, au lieu de pour toujours; et on le dit encôre en style de Chancellerie. "Le Roi Jean défendit les guerres privées à toujours et en tout tems. Le Gendre. _ On s' est servi de cette façon de parler dans une Gazette. "Je vous engage de favoriser, et à toujours, cet admirable systême, etc. _ Voy. JAMAIS. = 4°. Toujours signifie quelquefois, en toute rencontre. "Les plus grands esprits ne sont pas toujours les plus agréables. _ En ce sens, il se dit ordinairement avec la négative. = Le plus souvent, ordinairement: il est toujours gai, toujours de bone humeur: il ment toujours. = En atendant, cependant. "Je vous suivrai de prês: marchez toujours: prenez toujours cela présentement. st. famil. = Au moins: "Si je n' ai pas réussi, toujours ai-je fait mon devoir. = * Le Peuple l' emploie dans le sens de certainement. "Pardi, M. le Chevalier n' a pas profité~ de son voyage toujours. Th. d' Éduc.

TOUPèT


TOUPèT, s. m. [Tou-pè: 2eè moy.] Petite toufe de diverse chôses. "Il n' a qu' un toupèt de cheveux sur le front: il n' a qu' un toupèt de barbe.
   Il se souflettera d' une main mutinée,
   Se donnera du front contre une cheminée,
   S' arrachera de rage un toupet de cheveux,
   Qui ne sont pas à lui.      Le Joueur.
"Il a un petit toupèt de bois prês de sa maison. = Plus particulièrement et sans régime, il se dit du toupèt de cheveux qui est au haut du front, et qu' on réserve pour cacher le bord d' une perruque. = Fig. st. famil. moûvement d' impatience et de colère. "Quand son toupèt lui prend, il est insuportable.

TOUPIE


TOUPIE, s. f. TOUPILLER, v. n. [Tou--pi-e, piglié: 2e lon. au prem. 3e e muet au prem. é fer. au second: mouillez les ll.] Toupie est une sorte de jouet de bois, fait en forme de poire, armé d' un fer au bout, sur lequel on le fait tourner. = Toupiller, ne faire qu' aler et venir, comme une toupie. "Il ne fait que toupiller. Style familier.

TOUPILLON


TOUPILLON, s. m. [Tou-pi-glion: mouillez les ll.] Petit toupèt. "Toupillon de cheveux. _ Il se dit aussi des branches inutiles et confûses d' un oranger.

TOUR


TOUR, s. fém. et masc. Il est fém. quand on parle d' un bâtiment élevé, rond ou cârré, dont on fortifiait anciènement les murâilles des Villes. "Murâilles flanquées de tours. "Les creneaux d' une tour. "Ils parvinrent, sans être aperçus, jusqu' au pied de la tour. = Au jeu des échecs, pièces qu' on apelait aûtrefois roc. = Tour se dit aussi d' un clocher, bâti en forme de tour. = Il est masc. quand il signifie 1°. un moûvement en rond. "Tour de boule, de roûe, de broche, de meule. = 2°. Par extension, il se dit d' aûtres moûvemens, quoiqu' ils ne soient pas en rond. "Faire un tour, aler et venir. Faire un tour de jardin, ou dans le jardin; deux tours d' alée; un tour de promenade, ou absolument, un tour. = 3°. Circuit. "Le tour de la Ville, du parc, etc. _ Faire le tour de; aler autour de: faire le tour de la Ville, d' un jardin. "Il a fait le tour du monde. "Ce bracelet fait plusieurs tours autour du brâs. "Le tour du Village. _ Tour de lit, rideaux qui l' environent tout autour. "Cette tentûre de tapisserie a vingt aûnes de tour. = 4°. Il se dit de certaines chôses, dont on se sert soit pour l' habillement, soit pour la parûre, et qui sont mises en rond. "Tour de cou, de gorge, de bonèt, de cheveux, etc. = 5°. Trait de subtilité, d' adresse de main: tour de gibécière, de gobelets, de pâsse-pâsse, d' adresse, de souplesse, des tours de main. = Fig. Trait de rûse, de finesse: jouer un tour, ou d' un tour à, etc. = 6°. Procédé; manière d' agir. "Tour d' habile homme, d' ami, de fripon, de filou. "Vilain tour. "Il m' a joué un mauvais tour, ou d' un mauvais tour. Doner un bon ou un mauvais tour à une afaire; la présenter par les beaux ou les mauvais côtés. = 7°. En parlant de Poésie, d' éloquence, de style; il se dit de la manière de présenter et d' arranger ses pensées et ses termes. "Il done un tour agréable à ce qu' il dit. "Ces vers sont d' un tour noble, gracieux, etc. La pensée n' est pas nouvelle, mais le tour est nouveau. "Il y a du tour à cela. = On dit, dans le même sens, tour d' esprit. "Cet homme a un tour d' esprit agréable; ou, il a un tour agréable dans l' esprit. La première manière me parait préférable. = 8°. Rang successif, alternatif. "Ce n' est pas votre tour. "Je parlerai à mon tour. "Chacun à son tour; à tour de rôle. = 9°. Machine dont on se sert pour façoner en rond, le bois, l' ivoire, la corne et même les métaux. "Travailler au tour; cela est fait au tour. = Fig. qui est parfaitement bien fait. "Cet homme est fait au tour. = 10°. Armoire ronde et tournante, posée dans l' épaisseur du mur, qui sert à faire pâsser ce qu' on reçoit de dehors et ce qu' on y envoie. "Il y a des tours dans les Couvens de Religieûses à la porte, à la sacristie, dans les parloirs. Dans les conclaves, on établit des tours pour recevoir de dehors ce qui est nécessaire aux Cardinaux et aux persones de leur suite. = 11°. Tour de reins, ruptûre ou foulûre des reins, causée par quelque éfort. = Fig. st. famil. échec, revers, disgrace. "Il a eu, ou on lui a doné un tour de reins. = 12°. Tour entre dans quelques expressions adverbiales. À~ mon tour, à son tour:
   Entends donc et permets que je prêche à mon tour.
       Boileau.
= Il doit se raporter au sujet de la phrâse. Un Poète très moderne l' a fait raporter au régime: il dit du Roi:
   Ah! que deviendrons-nous, si ce Roi tout-puissant
   Pacifie à son tour l' Empire du Croissant.
       Mercure.
Cela n' est pas régulier. = Tour à tour, l' un après l' autre. "Toutes ces pensées contraires agitoient tour-à-tour son coeur, et aucune n' y étoit constante. Télém. = À~ tour de rôle et en un tour de main ne sont que du st. famil. "Vous pâsserez à tour de rôle. "On a vu aûtrefois cette maitresse des coeurs (l' Éloquence) remettre en un tour de main le calme dans un peuple ému et mutiné. P. Rapin. L' expression est trop familière et n' assortit pas le reste de la phrâse. = À~ tour de brâs; de toute la force du brâs. "Doner un souflèt à tour de brâs.

TOURBE


TOURBE, s. fém. [tour-be: 2ee muet.] 1°. Motte faite de terre bitumineûse, propre à brûler. "Il y a des pays où l' on se sert de tourbes pour se chaufer, faute de bois, ou parce qu' il est râre. = 2°. Multitude confûse de peuple. C' est un latinisme (turba). = On le disait autrefois dans le style sérieux. "Je ne me fie pas à cette tourbe de Barbâres. Vaug. _ Aujourd'hui on ne l' emploie que dans le style plaisant ou critique et mordant; et dans ce style, c' est un mot à la mode. "Il ne faut pas que j' aille me mettre à dos toute la tourbe philosophique, fait dire au Traducteur-Auteur, le soi-disant Curé Bas-Breton, dans le Tart. Épist. "Au milieu de cette tourbe littéraire. Ann. Lit. "La vile tourbe bourdone et triomphe: le sage se tait et gémit tout bâs. J. J. Rouss.
   La Morale elle même à l' usage soumise
   Dans cette tourbe d' insensés;
   Et l' honête-homme faible assez
   Pour toucher dans la main de celui qu' il méprise.
       Anon.
= M. Roucher l' a employé dans une Ode.
  Dans la tourbe des morts tu descends confondu.
Richelet dit que ce mot est un peu suranné: l' Acad. le traite de vieux.

TOURBILLON


TOURBILLON, s. m. [Tour-bi-glion; mouillez les ll.] Vent impétueux, qui va en tournoyant. "Furieux tourbillon. "La mer obscurcie par le sâble, qui bouillonnoit parmi ses ondes, rouloit de noirs tourbillons jusqu' au milieu des champs. Le Franc. = Fig. "Le tourbillon du monde, des afaires, des plaisirs.
   Ce tourbillon brillant de folles passions,
   Cette scène d' erreurs, d' excès, d' illusions,
   Du bonheur des mortels bornent-ils donc la sphère?
       Sidney.
= En Physique, une quantité de matière qui tourne autour d' un astre. = * Mde de {C707a~} Sévigné s' est servi de tourbilloner. "Je crains que l' air de Grignan ne vous tourbillone. _ C' est un de ces mots qu' on forge journellement dans la conversation. _ Dans le Journ. de Gen. on parle d' un vent très fort et tourbillonant. _ Les Physiciens emploient volontiers ce verbe. "Ces globules animés en même tems par ces deux forces (d' atraction et de projection) seront obligés de tourbilloner autour du globule infiniment petit du premier ordre. Paulian, Traité de paix.

TOURDILLE


TOURDILLE, adj. Un gris tourdille, un gris sale.

TOURELLE


TOURELLE, s. fém. [Tou-rèle: 2e è moy. 3e e muet.] Petite tour. "Il y a quatre tourelles à son château.

TOURIèRE


TOURIèRE, adj. f. [Tou-riè-re: 2e è moyen et long, 3e e muet.] Mot usité chez les Religieûses. Soeur Tourière, domestique de dehors, qui a soin de faire pâsser au tour toutes les chôses qu' on y aporte, et qui fait dans la Ville les comissions des Religieûses. Mère Tourière, la Religieuse préposée pour avoir soin du tour en dedans. En plusieurs Couvens, on l' apèle Soeur ou Mère portière.

TOURILLON


TOURILLON, s. masc. [Tou-ri-glion: mouillez les ll.] 1°. Gros pivot sur lequel tourne une porte cochère, un pont-levis, etc. = 2°. Il se dit des parties rondes qui sont vers le milieu du canon, sur lesquelles il est dans une espèce d' équilibre.

TOURMENT


TOURMENT, s. m. TOURMENTANT, ANTE, adj. TOURMENTER, v. act. [Tour--man, tan, tante, té: 3e lon. au 2d et au 3e, é fer. au 4e.] Tourment, grande, violente douleur corporelle. "Ce Chirurgien lui a fait soufrir de grands, de cruels tourmens. "Les Martyrs ont persévéré dans la Foi au milieu des plus horribles tourmens. "Les tourmens des damnés; les tourmens éternels. "Trop souvent on n' est arrêté dans la crainte de faire le mal que par celle des tourmens, que la société réserve au coupable. On s' y livreroit sans remords, au moins sans terreur, si on étoit sûr de l' impunité. Pastoret, Zoroastre, etc. = Ce mot vient souvent dans le jargon des Romans et des Pièces de galanterie. Trév. _ On dit poétiquement, les tourmens amoureux, les maux que l' Amour fait soufrir. Acad. = Il se prend alors, et dans d' aûtres ocasions, pour peine d' esprit. "Afaire qui m' a doné bien du tourment. "Cet enfant done bien du tourment à son père. {C707b~}
   Jusqu' à ce jour tu chérissois la rime,
   Moins par fureur que par amusement.
   Quel feu subit te transporte, t' anime;
   Et d' un plaisir va te faire un tourment?
       Gresset.
  Quoi, vous joignez encôre à cet ardent courroux
  La fureur des soupçons, le tourment des jaloux.
       Alzire.
= Il régit quelquefois de et l' infinitif. "Je préfère le tourment de ne vous voir jamais, à celui de vous voir malheureuse. Marm.
   REM. Tourment et Suplice ne sont pas synonymes, et l' on ne peut pas toujours les dire indiféremment l' un pour l' aûtre. Je n' ose condamner ce vers de la Tragédie de Cromvel, par le P. Marion, Jés.
   La mort est le tourment des scélérats vulgaires;
quoique la mort puisse être un suplice sans être un tourment; mais en prôse, on le blâmerait sans doute.
   TOURMENTER, faire soufrir quelque~ tourment de corps, ou quelque peine d' esprit~. "Les tyrans faisaient tourmenter cruellement les Chrétiens. "Les Chirugiens l' ont~ cruellement tourmenté. "Cet enfant tourmente~ fort son père. "Son procês, ses créanciers, etc. tout concourt à le tourmenter.~ = Au passif, il régit la prép. de des choses~, et la prép. par pour les persones. "Il~ est tourmenté de la goutte: être tourmenté~ des remors de sa conscience. * "Ils étoient~ presque autant tourmentés des Janissaires que~ des Voleurs. Voyageur Français. Je crois~ qu' il faut dire; par les Janissaires, par les voleurs. = Tourmenter, agiter violemment~. "Le vent tourmentait cruellement le~ vaisseau. "Ce cheval tourmente son Cavalier~. = Se tourmenter, s' agiter. "Tenez-vous en repôs: ne vous tourmentez pas tant. _ S' inquiéter. "Il ne faut pas se tourmenter pour les biens de ce monde. "À~ quoi sert de vous tourmenter si fort?
   Tu reviens donc enfin dans ta patrie.
   - - - Oui, je suis las de tourmenter ma vie,
   De vivre errant et damné comme un Juif.
       Volt.
"Voilà à quoi aboutissent ces fortunes, ces projets vastes, qui consument et tourmentent les plus belles années de votre vie. Moreau.
   Rem. Depuis quelque-tems, c' est la mode {C708a~} d' employer ce verbe au figuré.
   Les clairons, les tambours, les trompettes, les cors,
   Tourmentent les échos d' homicides acords.
       Roucher.
"Parallèle (de Voltaire et de Racine, par M. D. L. H.) tout rempli d' antithèses du plus mauvais goût, où l' on retrouve partout les mêmes idées, retournées, délayées, tourmentées dans une abondance fastidieûse de paroles vides et décolorées. Ann. Litt. "Séduit par l' éclat d' une pensée brillante, il (Ovide) la retourne en cent manières diférentes: il la tourmente en quelque sorte: il la présente sous toutes les formes, dont elle est susceptible. GEOFFROI, Journ. de Mons. Remarquez le correctif, en quelque sorte. "Les Jardins anglois ne peuvent convenir qu' à un petit nombre de riches, qui fatiguent et tourmentent leurs trésors, sans pouvoir les épuiser. Ann. Litt. "Tous, à l' envi, pour paroître neufs, tourmentent la langue et insultent au sens comun. Ibid. _ De toutes ces expressions, tourmenter une pensée et tourmenter la langue, semblent les plus recevables; mais j' avoue que tourmenter les échos, et sur-tout, tourmenter leurs trésors, me paraissent des métaphôres forcées, qui apartiènent au jargon précieux.
   TOURMENTANT, qui tourmente. Comme adjectif, c' est un mot assez nouveau. L' Académie le met, sans en doner d' exemple. "J' aimai mieux remporter ce desir, quelque tourmentant qu' il fût pour moi, que de m' en ouvrir à un homme, qui causoit déjà toute ma jalousie. Créb. F.

TOURMENTE


TOURMENTE, s. f. TOURMENTEUX, EûSE, adj. TOURMENTIN, s. m. [Tour--mante, teû, teû-ze, tein; 2e lon. 3e e muet au 1er, lon. au 2d et au 3e.] Tourmente, orage, bourasque, tempête sur la mer. "Il se leva une tourmente, une furieûse, une horrible tourmente. "La mer n' est pas si souvent émûe, que le calme n' y soit presque aussi ordinaire que la tourmente. = La Touche remarque que tourmente n' est pas aussi en usage que tempête. Il est vrai que ces mots ne sont point synonymes: le 1er dit plus que le 2d: la Tourmente est une violente tempête. De plus, Tempête est de tous les styles, du plus élevé, comme du plus simple: tourmente est tout au plus du style modéré. _ L' Académie le met sans remarque. = Tourmenteux, qui est sujet aux {C708b~} tourmentes. "Ces parages sont fort tourmenteux. Il n' est que du style simple. = Tourmentin, nom du perroquet du mât de beaupré.

TOURNANT


TOURNANT, ANTE, adj. TOURNANT, s. m. [Tour-nan, nan-te, an; 2e lon. Qui tourne: pont tournant, roûe tournante.] = S. m. Il se dit du coin des rûes et des chemins, et de l' endroit où le cours d' une rivière fait un coude. "Au tournant d' une rûe, d' un chemin, d' une rivière. = Lieu, espace où l' on fait tourner une voitûre. "Il n' y a pas assez de tournant. "Ce Cocher n' a pas bien ou a mal pris son tournant: il a pris son tournant trop court: il n' a pas bien pris ses mesûres pour tourner.

TOURNEBROCHE


TOURNEBROCHE, s. m. [2e et dern. e muet.] Il se dit et d' une machine servant à faire tourner la broche; et d' un chien qu' on met dans une roûe pour faire tourner la broche; et d' un petit garçon qui tourne la broche à la main.

TOURNÉE


TOURNÉE, s. f. [2e é fer. et long; 3e e muet.] 1°. En général, voyage qu' on fait en plusieurs endroits. On ne le dit proprement que des courses que des Oficiers font avec autorité dans leur ressort, dans leur département. "Il est alé faire, il a fait sa tournée. = Par extension, on le dit des marchands, qui vont en divers lieux pour leurs afaires. "Ce Marchand est alé faire sa tournée. = En style familier, petite course qu' on fait dans une ville, d' une rûe à l' aûtre.

TOURNELLE


TOURNELLE, s. f. [Tour-nele; 2eè moy. 3e e muet.] 1°. Aûtrefois, petite tour. "Le palais, la rûe, le quai des Tournelles. à Paris. _ Aujourd'hui, on dit Tourelle. = 1°. Chambre du Parlement, ainsi apelée, parce que les Juges qui la composent, y servent tour à tour, et sont tirés des aûtres Chambres. Elle conaît des matières criminelles. On dit la Tournelle, ou la Chambre de la Tournelle. "L' afaire est à la Tournelle, ou est de Tournelle.

TOURNEMAIN


TOURNEMAIN, s. m. [Tour-nemein; 2ee muet.] Il ne s' emploie qu' adverbialement et dans le style familier. En un tournemain; en aussi peu de tems qu' il en faut pour tourner la main. "Il change; il a fait cela en un tournemain.

TOURNER


TOURNER, v. act. et n. [Tour-né; 2e é fer.] 1°. Mouvoir en rond: "Tourner une roûe, une broche. "Dans un sens moins {C709a~} strict: tourner la tête, se tourner sur le côté; tourner les yeux, les regards vers, etc. "Se tourner dans son lit. = Tourner le dôs aux énemis, ou absolument, tourner le dôs, s' enfuir. = Tourner le dôs à quelqu' un, quiter quelqu' un par mépris, ou cesser de le protéger, de le servir. = Fig. "La fortune lui a tourné le dôs. = 2°. Fig. Diriger: "Tourner toutes ses pensées au Ciel, ou vers le Ciel: Tourner son coeur à Dieu, ou vers Dieu. "Ce prince a tourné ses armes, ses forces vers ce Royaume, cette Province, etc. "Il n' y a rien de si puissant pour agir sur les coeurs des peuples, et pour les tourner, soit vers le bien, soit vers le mal, que l' exemple du Prince. Maimb. "Mélédin avoit l' esprit naturellement tourné à la douceur et à la paix. Id. = 3°. Mettre en un aûtre sens. "Tourner les feuillets d' un livre: tourner une carte. = Figurément:Tourner un homme de tous les sens, de tous les côtés; lui faire diverses questions, diverses propositions, pour tirer de lui ce qu' il sait d' une afaire, ou pour savoir quel est son sentiment, son dessein. _ Le tourner à son gré, lui faire faire tout ce qu' on veut. _ Tourner bien, tourner mal une afaire; lui doner un bon, un mauvais tour. _ Tourner, interpréter en bien, en mal. Tourner les chôses à son avantage. _ Tourner en ridicule, rendre ridicule. _ Tourner une chôse en râillerie, la prendre comme dite en râillant, et ne pas s' en ofenser.. = 4°. Façoner au tour. "Tourner des colonnes, des chaises; l' or, l' argent, le cuivre. = V. n. sans régime. "Il s' ocupe à tourner: "Il tourne bien; il sait bien tourner. = 5°. En parlant des ouvrages d' esprit: leur doner un certain tour. "Il tourne bien un vers, une période, un compliment. "Il faudrait tourner aûtrement cette phrâse, ce morceau, cette épigramme.
   Je n' ai jamais ouï de vers si bien tournés.
       MISANT.
= 6°. Tourner, neutre; se mouvoir en rond: la Terre tourne autour du Soleil; et la Lune autour de la Terre: ou à droite à gauche. "Tourner de côté et d' autre. "Tourner du côté du midi. "Le vent tourne. "Saladin, sans perdre tems, tourne tout d' un coup vers son camp. Maimb. = Figurément: "Cet homme tourne à tout vent. "La tête lui tourne, se dit au propre; la tête lui a tourné, s' emploie au figuré. "Si jamais {C709b~} je suis assez sot pour prendre une seconde femme, je vous permets de dire que la tête m' a tourné. Dest. "Il y a un diable de brouillamini dans tout cela, qui m' a pensé faire tourner la cervelle. ID. Tourner du côté de quelqu' un, se ranger de son parti. _ "Cette afaire a bien ou mal tourné: elle a eu un bon ou un mauvais succês. "Je m' imaginai que cette rencontre pouvoit tourner à bien. MARIV.
   Monsieur, vous seul pouvez rétablir cette afaire:
   Elle tourne au plus mal.
       GRESSET.
* Mde. de Sévigné dit en ce sens, se tourner: "Nous verrons comme cela se tournera. _ Il aurait été mieux de dire, comme cela tournera. = 7°. Produire; contribuer à: "Cela tournera à sa gloire, à son honeur, ou à son déshoneur, à sa honte, etc. = 8°. Se tourner, changer. "La verdeur de ce vin se tournera en force. "Cet enfant se tourne au bien, au mal. "Cette fièvre tierce s' est tournée en quarte, en continûe. "Tout ce qu' il mange se tourne en bile. = 9°. Tourné, ée, partic. et adj. "Homme bien tourné, bien fait, qui a bon air. _ Esprit bien tourné, bon esprit. "Sans avoir cultivé son esprit par l' étude des Belles-Lettres, il l' avoit très-juste et très-bien tourné. MAIMB. parlant de Pierre l' Hermité. _ Esprit mal tourné, qui prend toute chôse de travers. _ Maison bien ou mal tournée, qui est dans une bone ou une mauvaise exposition. _ Apartement bien ou mal tourné, bien ou mal entendu, bien ou mal disposé. _ "Un Roi entièrement tourné à la guerre, voudroit toujours la faire. Télémaque. = 10°. * On disait aûtrefois, tourner pour traduire; et Bossuet a encôre dit: tourner la Bible; le livre étoit déja tourné en anglois, etc. _ L' Académie ne le désaprouvait pas dans les premières éditions. Dans les suivantes, elle dit qu' il est vieux. Dans la dernière, elle ajoute qu' il ne se dit guère que dans les Collèges. = * Les Gascons disent: il a tourné l' esprit, la tête, pour dire que l' esprit, la tête lui a tourné, qu' il est devenu fou. = 11°. On dit proverbialement, tourner autour du pot; user de circonlocutions, avant que d' en venir au fait. _ Tourner comme une girouette; tourner à tout vent, être léger et inconstant. _ Tourner la médaille, ou le feuillet; voir le contre, aprês avoir vu le pour. _ Il ne sait de quel côté se tourner; il est dans un grand embârrâs.
   Rem. * Dans le dernier siècle, on disait, tourner en fuite, pour mettre en fuite: "Ils leur font lâcher prise, les tournent en fuite. MAIMB.

TOURNESOL


TOURNESOL, s. m. [2e e muet.] Plante à fleur radiée, ainsi nomée, parce qu' on a prétendu qu' elle tourne et suit le cours du Soleil.

TOURNE-VIS


TOURNE-VIS, s. m. [2e e muet. On prononce l' s.] Petit instrument de fer, avec lequel on serre ou on desserre des vis.

TOURNEUR


TOURNEUR, s. m. [Tour-neur: ces huit lettres ne font que deux syllabes.] Artisan qui fait des ouvrages au tour.

TOURNOI


TOURNOI, s. m. [Tour-noa.] Assemblée convoquée, où l' on s' exerçait à plusieurs sortes de combats.

TOURNOIEMENT


TOURNOIEMENT, s. m. TOURNOYER, v. n. [Tournoa-man, noa-ié: devant l' e muet l' y se change en i, et cet e ne se prononce pas: il tournoie; ils tournoient; il tournoiera, tournoierait, etc. Pron. tour--noâ, noâ, noâ-ra, noâ-rè.] Tournoyer, c' est tourner en faisant plusieurs tours. "Cet homme ne fait que tournoyer. "Après avoir long-tems tournoyé, il retrouva son chemin. "Fleuve qui tournoie dans la plaine. = Figurément, Biaiser, prendre des détours. "Il a tournoyé long-tems avant que de répondre. = Tournoiement, action de tournoyer, ne se dit qu' au propre. "Le tournoiement de l' eau. = Tournoiement de tête, vertige. = * Les Gascons disent, tournement de tête: c' est un barbarisme.

TOURNOIS


TOURNOIS, adj. [Tour-noâ: 2e lon.] Nom d' une monaie ainsi apelée, parce qu' elle se batait à Tours, et qui était plus faible d' un cinquième que celle de Paris. = Livre tournois se dit aujourd'hui de la livre de compte, qui est de 20 sous, par distinction de la livre parisis, qui est de 25; mais ce mot n' est plus d' usage que dans le style des Notaires et du Palais.

TOURNOYER


TOURNOYER. Voy. TOURNOIEMENT.

TOURNûRE


TOURNûRE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] Tour (n°. 6°. et 7°.) "Nous verrons la tournûre que prendra cette afaire: "Il a une tournûre d' esprit agréable. Acad.Bouhours trouvait que ce mot était du style précieux ridicule. "Un tel est d' une agréable tournûre: la tournûre de son esprit est charmante. _ L' Académie le met sans remarque. Le Rich. Port. ne le dit que du tour d' esprit qu' on done aux chôses. Il semble en éfet que c' est son seul usage. "Plaisant de sang froid et toujours agréable, soit par le fond des chôses, soit par la tournûre dont il les décoroit. Creb. F. "Je craignois de m' engager dans quelque tournûre de compliment qui ne fût pas d' un goût convenable. Mariv. = Pour les afaires, tour est plus noble et plus usité que tournûre.

TOURTE


TOURTE, s. f. TOURTIèRE, s. fémin. [Tour-te, tiè-re: 2e e muet au 1er; è moy. et long au 2d.] Tourte, espèce de pâtisserie. "Tourte de pigeonaux, d' épinars, de confitûres , etc. = Tourtière, ustensile de cuisine, qui sert à faire cuire des tourtes.

TOURTEREAU


TOURTEREAU, s. m. TOURTERELLE, TOURTRE, s. f. [Tourtero, rèle, tour-tre: 2ee muet, 3e è moy. au 2d.] Tourterelle, espèce d' oiseau qui ressemble au pigeon, mais qui est plus petit. = Tourtereau, jeune tourterelle. = Quand on parle de cette espèce d' oiseau, comme bon à manger, on dit tourtre. "Manger des tourtres. "Plat de tourtres. _ Cela se disait autrefois: je ne sais si cela se dit encore. Marin.

TOURTIèRE


TOURTIèRE. Voy. TOURTE.

TOURTRE


TOURTRE. Voy. TOURTEREAU.

TOUSSAINT


TOUSSAINT (la), s. f. La Fête de tous les Saints. "On l' atend à la Toussaint.

TOUSSER


TOUSSER, v. n. [Tou-cé; 2eé fer.] Il se dit de l' éfort et du bruit que caûse la toux. "J' ai toussé toute la nuit. "Il ne fait que tousser et cracher. "Il tousse beaucoup, mais ne crache point. _ Quelques-uns disent Tousserie, et Tousseur.

TOUT


TOUT, TOUTE, adj. Pron. et subst. [Tou, toute; au pluriel, tous; aûtrefois touts.] Il se dit de l' universalité d' une chose considérée en son entier. "Tout l' univers, tout le monde; toute la terre; tous les hommes, etc. = 1°. Quand il est adjectif, il se décline et suit les règles des aûtres adjectifs; mais il précède toujours le substantif; et il a cela de particulier, que l' article se met entre lui et le substantif. "Tout le peuple, toute la ville; tous les animaux; toutes les plantes. Au génitif et au datif, les particules ou prépositions de et à se mettent devant tout, et l' article aprês; de tout le monde; de tous les savans;à toute la terre; à tous les Juges, etc. = 2°. Quand il est pronom, il est indéclinable; et l' ont dit, sans distinction de genre ou de nombre: il est tout aûtre: ils sont tout aûtres, elles sont tout aûtres; et non pas, tous, ni toutes aûtres. "Ils sont tout étonés, et non pas tous étonés, ce qui formerait un sens diférent. _ Alors, tout signifie tout-à-fait; et l' on devrait l' apeler plutôt adverbe que pronom. Le P. Buffier remarque, sur cette règle, qu' il faut y mettre une exception pour les substantifs féminins et pluriels, lorsque l' adjectif qui suit tout, comence par une consone; et qu' on dit: ce sont des nouvelles toutes fraîches, et non pas tout fraîches. Pour moi je trouve que cet excellent Gramairien resserre encôre trop cette exception, et qu' il faut l' étendre au singulier féminin. On doit dire: elle est toute fraîche, toute bonne; et non pas, tout fraîche, tout bonne. Vaugelas et Ménage ont fait deux longues observations sur ce sujet; mais ce que nous venons de dire, est le plus autorisé par l' usage. _ Ajoutons que tout employé au pluriel féminin, peut quelquefois ocasioner de l' équivoque; car, si l' on dit de plusieurs femmes, qu' elles sont toutes consolées; cela peut signifier, ou que toutes sont consolées, ou qu' elles le sont totalement. Si l' on a ce dernier sens en vue, il semble qu' il serait mieux de dire: elles sont tout consolées. = Pour ce qui regarde les adjectifs començant par une voyèle, on doit toujours dire tout au féminin pluriel, comme au singulier. Tout aimable qu' elle est; tout ingrate qu' elle peut être. = Devant tant, on dit tout au masculin, et toutes au fém.. "Tout tant que nous sommes: toutes tant qu' elles sont. On lit, dans presque toutes ls éditions de Racine:
   Maitre absolu de tous tant que nous sommes.
M. Racine le fils croit que c' est une faute d' impression. = Tout devrait être aussi adverbe et indéclinable devant un superlatif employé au génitif. "Elle est tout des plus jolies. Mde. de Coulanges le décline. "Mde. de Nevers trouva Mde. la Marquise de Grignan toute des plus jolies. = 3°. Tout se prend élégamment pour les persones: Tout se plaint; tout gémit: c. à. d. tout le monde se plaint, tout le monde gémit, etc. "Tout vous aime ici: j' aime et j' honore tout ce qui est là. Sév. = 4°. Tout signifie quelque--fois chaque: tous les jours, à toute heure; c. à. d. chaque jour, à chaque heure. = 5°. TOUT, adv. Entièrement. Voyez plus haut, Tout, pronom. "Il est tout malade: je suis tout à vous. = Le plus souvent, il n' est que particule explétive, qui rend plus énergiques les expressions auxquelles il se joint. "Tout en parlant. La Font. Il lui dit tout en riant: il sortit tout en grondant: tout comme vous voudrez. = Il s' unit à plusieurs adverbes. Tout haut, tout bâs; tout franc; tout net; tout doucement; tout au moins; tout de suite; tout contre; tout auprês, etc. = Il est aussi adverbe dans ces façons de parler: il est tout coeur, tout esprit; plein de coeur, d' esprit: Elle est tout oeuil, toute oreille : elle voit; elle entend tout. Et avec aûtre. "Devenus tout-à-coup de tout aûtres hommes, ils retournèrent à l' assaut comme des lions. Maimb. = Tout entre dans plusieurs locutions adverbiales. _ Aprês tout; dans le fond; tout bien considéré. "Aprês tout, est-ce un si grand mal? _ La Touche dit qu' il n' est bon que pour le style familier; mais l' Académie n' en restreint point l' usage; et l' on peut s' en servir dans le discours soutenu. _ Tout-à-coup, tout d' un coup. Voy. COUP. _ Du tout, joint avec rien ou point: nullement: "Il n' aura rien du tout: je n' en veux point du tout. _ Il ne vaut rien dans une phrâse afirmative. * Si les galions arrivent du tout, ils doivent bientôt paroitre. Voy. d' ANSON. Cela a tout l' air d' un anglicisme. Dites: si les galions sont en route, ils doivent paraitre. _ Montaigne a dit aussi:"La mémoire lui manquoit du tout. Il faut dire, totalement ou entièrement. _ En tout, sans rien omettre: tout étant compris. "En tout, cela lui revient à trente pistoles: cela fait cent écus en tout. = En tout et par--tout, est du style fam. Entièrement. "Je suis de votre avis en tout et par-tout. _ Par-tout, en tout lieu: il va, il pâsse, on dit par-tout; ou en quelque lieu que ce puisse être: "On reprend son bien par--tout où on le troûve: on se moque de lui par-tout où il va. _ Sur tout, Principalement. Voyez SUR. = * Comme tout, grandement; expression populaire: "Dame! voilà la plus jolie et la plus blanche encôre: les autres sont noires comme tout. Th. d' Éduc. _ * Anciènement on disait tout par--tout, et on le dit encôre en Franche-Comté, et âilleurs.
   Maintenant que la belle Flore
   Fait tout par-tout les fleurs éclorre.
       Guy de Tours.
Mde de Sévigné se moque de cette façon de parler. "Je ne puis rien imaginer qui ait pu l' engager à faire ce voyage. La pauvre persone! je ne m' étone pas qu' elle ait mal tout par-tout. "Ces coliques sont douloureûses: vous avez mal tout par-tout, comme Mde Reinié. Sév. _ Tout à pied, comme disent Les Gascons, n' est pas moins ridicule. "Il est venu tout à pied. Gasc. Corr. = TOUT, s. m. "Le tout est plus grand que sa partie. "Diviser un tout en plusieurs parties. "Je vous cède le tout. _ Et sans article. Tout en est bon: il veut tout avoir. Tout ou rien: est-ce là tout? Avez-vous tout dit? Se mettre, se faire, se préter à tout. Etre de tout, être de toutes les parties.
   Pour moi, je suis de tout, joueur, amant, convive.
       PIRON, Métro.
_ Tout compté, tout rabatu; toutes compensations faites, st. famil. _ Ce n' est pas tout (et non pas le tout). "Ce n' est pas tout: il faut que vous aliez encore là. _ Il régit quelquefois de et l' infinitif. "Ce n' est pas tout de croire en Dieu: il faut faire de bones oeûvres. _ Le tout, le plus important est de bien remplir ses devoirs.
   Rem. I. Quand Tout devant un nom fait suprimer l' article, il ne se met point au pluriel. "Ils demandoient d' être exempts de tous impôts. BOSS. C' est le style du Palais. Dans le discours ordinaire, je crois qu' on doit dire, de tout impôt et de tous les impôts; de tout genre, de toute sorte, de toute espèce; et de tous les genres, de toutes les sortes, de toutes les espèces, etc. _ Je ne dissimulerai pas qu' il y a plusieurs exemples contraires. La Fontaine dit de la Fortune.
   Elle est prise à garant de toutes aventures.
Fontenelle: comme toutes persones raisonables auroient fait
   Moi, qui n' ai pour tous avantages
   Qu' une musette et mon amour.      Id.
"Leurs lois ont fermé toutes issues à leurs propres passions. Anon. _ Mde B... met dans la même phrâse une fois le pluriel, et deux fois le singulier. "La mauvaise police du pays étoit un autre obstacle à tous progrès, rendoit toute comunication dangereuse et toute propriété incertaine. Hist. d' Angl. = On peut pâsser le pluriel aux Poètes génés par la rime, mais en prôse on doit dire, pour tout avantage, comme toute persone raisonable; tout progrês, toute issûe; ou avec l' article, toutes les persones, toutes les issûes, etc. _ La Règle, que j' établis sur l' usage le plus comun~ et~ le plus autorisé, est confirmée par une remarque de M. Brossette sur ces vers~ de~ Boileau:
   Répandant l' idolâtre et folle illusion
   Sur la terre en tout lieu, disposée à les suivre.
"Il faut ainsi, et non pas en tous lieux, comme le portent quelques copies. _ On dit pourtant, courir à toutes jambes, prendre à toutes mains au pluriel: mais ce sont des expressions familières consacrées par l' usage. = II. Tout, devant un nom sans article, signifie, de toute espèce, de tout genre. Quand on veut donc exprimer ce sens, il faut suprimer l' article devant les noms. "Ces précautions étoient le mieux entendûes pour écarter toute la jalousie entre les frères. Hist. d' Angl. Il falait dire, pour écarter toute jalousie entre les frères = III. Tout, sans article ou avec l' article, a souvent des sens diférens: tout homme; c' est tous les hommes; tout l' homme, c' est l' homme tout entier: "Tout homme est sujet à la mort, vérité utile: tour l' homme est sujet à la mort; erreur pernicieûse. Extr. de la Gram. Gén. de M. Beauzée. = IV. Tout ne doit se dire que des chôses, qui sont en nombre. "Les plus fervens disciples de tout sexe. Let. Édif. Il falait, des deux sexes; car il n' y en a que deux. Voy. Sexe. _ L' Acad. met dans tout le cours de son Dictionaire, adj. de t. g. c. à. d. adjectif de tout genre, et il n' y en a que deux. J' ôse dire qu' il faudrait mettre, des deux genres = V. Il y a long-tems que Bouhours a remarqué que tout, suivi d' un adjectif et de la conjonction que, régit l' indicatif, comme quelque régit le subjonctif. On dit: tout afligé qu' il était et quelque afligé qu' il fût. Cependant on lit dans une Edition de la Vie de St Ignace, composée par cet illustre Gramairien: "Tout languissant que je paroisse. Il est à croire que c' est une faûte d' impression. _ Il y a des Écrivains, qui mettent toujours le subjonctif. "Toute radoucie qu' elle paraisse: tout négligé qu' il puisse être P. Rapin. "Tout dévots qu' ils fussent. Hist. d' Angl. = Dans ce tour de phrâse le que est nécessaire:
   Mais il me reste un fils; et je sens que je l' aime;
   Tout~ rebelle qu' il est, et tout mon rival même.
       Fr. En.
M. Racine le Fils dit que, qu' il est, n' était pas nécessaire; et qu' il est suprimé élégamment. Cependant, en vers même, cela a l' air sauvage; et en prôse ce seroit une faûte. À~ ne mettre qu' une fois qu' il est, il vaut mieux le mettre aprês que devant. "Tout rebelle et tout mon rival qu' il est. = VI. Tout, substantif, employé sans article, se met toujours aprês le verbe, dans les tems simples, en quelques câs qu' il soit: il dit tout, il se charge de tout; il pense à tout: mais, dans les tems composés, il ne se met entre l' auxiliaire et le participe, que quand il est seul et régi à l' acusatif: il a tout dissipé, tout mangé. _ Que s' il est aux câs obliques, ou qu' étant régi à l' acusatif, il soit acompagné de quelque aûtre chôse, il doit se mettre aprês le participe. "Il s' est chargé de tout; il a pensé à tout: il a fait tout ce qu' il a pu; et non pas, il s' est de tout chargé; il a tout fait ce qu' il a pu, etc. _ Il suit la même règle devant l' infinitif: il veut tout faire: il a promis de se charger de tout: il veut faire tout ce qu' il pourra. _ Les Poètes ont peut-être le droit de mettre tout aprês l' infinitif, même quand il est seul: on peut pâsser à Boileau d' avoir dit dans sa IX Satire:
   Une fois en ma vie, il faut vous dire tout.
Mais on ne peut excuser Molière, qui, dans la Comédie de Pourceaugnac, laquelle est en prôse, fait dire au Médecin:j' ai déjà disposé tout, au lieu de: j' ai déjà tout disposé. = Aûtrefois on faisait suivre ou précéder tout indiféremment; et aujourd'hui encôre, il est des Auteurs, qui regardent cette construction comme indiférente. "Elle croit pouvoir tout. Fénél. "Humeur curieuse et indiscrète, qui cherche à découvrir tout et à raconter tout. NEUVILLE: "Il faut leur pardoner tout: ils ne pardonent rien. Id. "Visiter tout, nettoyer tout. PLUCHE. Ils voulurent expliquer tout. LINGUET. Dans toutes ces phrâses, il serait mieux que tout précédât l' infinitif. = Il est pourtant des ocasions, où tout fait mieux aprês. "Ils peuvent tout, mais à force de tout pouvoir, ils sapent le fondement de leur puissance. Télém. À~ force de pouvoir tout, serait mieux, tant pour ôter l' équivoque de tout pouvoir substantif, que pour mieux marquer une répétition élégante et énergique: ils peuvent tout; mais à force de pouvoir tout, etc. = VII. Tout est quelquefois précédé de substantifs sans article, qui lui servent en quelque sorte d' adjectifs: "Peuple, Grands, riches, pauvres, Rois, Sujets; tous seront cités au Tribunal du Souverain Juge. "Capitaines, Pilotes, tout le monde conclut que, etc. = VIII. Le féminin toutes ne s' emploie pas substantivement: on doit toujours l' associer à un pronom personel, dont il est l' adjectif. On ne dit point: toutes sont venûes: il méprise les lois; il se met au dessus de toutes: mais il faut dire: elles sont toutes venûes: il se met au dessus des Lois; il les méprise toutes. _ Mde B..... dit de la Valeur et de la Piété. "Vertus toujours imposantes.... et que dans ce Siècle on mettoit au dessus de toutes. Hist. d' Angl. Il falait répéter le mot vertus et dire, au dessus de toutes les aûtres vertus; ou simplement au dessus de toutes les aûtres, en sous-entendant vertus. = IX. Tout ce que régit le génitif. "Tout ce que j' ai trouvé de bon dans ce livre. * Mascaron lui fait régir dans la même phrâse, un substantif et un adjectif d' une manière, qui n' est, ni régulière, ni agréable. "Pour l' émouvoir par tout ce que l' amitié et l' estime peuvent trouver de douleur et de sensible dans une telle rencontre. Il falait dire, de douleur et de sensibilité. = X. Tout de même que est bâs, dit Vaugelas. Celui-là est tout de même que l' aûtre. Il vaut mieux dire, est tout comme l' autre.

TOUTEFOIS


TOUTEFOIS, adv. [Toute-foâ: 2ee muet, 3e lon.] Néanmoins, cependant. Il se met tantôt au comencement de la phrâse, tantôt aprês et, ou autre conjonction, tantôt au milieu du membre de la phrâse, tantôt même à la fin. "Toutefois il viendra: et toutefois il y consent: si toutefois la chôse est possible: je ne laisserai pas toutefois de le servir: il en est venu à bout toutefois. = Quand il est joint à quoique, bien que, parce que et aûtres conjonctions, dont le que est inséparable, toutefois se met toujours aprês. Pour les conjonctions qui prènent le que à leur suite, il peut se placer entre ces conjonctions et ce que: "Pourvu toutefois qu' il le veuille; afin toutefois qu' il puisse le faire; à condition toutefois qu' il y consente. _ Cependant, néanmoins, pourtant, suivent les mêmes règles.
   Rem. 1°. On écrivait anciènement toutes fois en deux mots; et cette ortographe a duré jusqu' au comencement de ce siècle. = Suivant LA TOUCHE, Toutefois n' est bon que dans les livres; encore, dit-il, je ne voudrois pas m' en servir dans un style enjoué. Cependant est bien plus usité. _ L' Acad. avait dit dabord que toutefois ne s' employait guère que dans le style soutenu. Elle a suprimé cette remarque dans la dern. Édition. = Anciènement on disait si toute fois pour et toutefois, et on faisait marcher le pronom nominatif aprês le verbe. On l' emploie encôre de la sorte dans le marotique.
   Si toutefois ne sont-ce ces bluettes
   Qui vous ont mis en l' estime où vous êtes.
       Rouss.

TOUTE-PUISSANCE


TOUTE-PUISSANCE, s. f. TOUT-PUISSANT, TOUTE PUISSANTE, adj. Ils expriment une puissance sans bornes. "La Toute-puissance de Dieu. "Dieu est tout-puissant. = L' adjectif se dit quelquefois par exagération. Qui a beaucoup de pouvoir, de crédit. "Cet homme est tout-puissant auprês de, etc. = Le P. Griffet ou son Imprimeur fait tout indéclinable et dit au fém. tout puissante. "La Secte des Ariens, qui était alors tout puissante auprês de l' Empereur. Ann. Chrét. Il faut dire, toute puissante. = En parlant de Dieu, on dit substantivement, le Tout-puissant.

TOUX


TOUX, s. f. [Tou et devant une voyèle touz.] Maladie, qui fait faire des éforts à la poitrine, avec bruit, pour pousser dehors une humeur âcre et piquante. "Avoir la toux; une toux violente. "Toux sèche, qui ne fait point cracher.

TOXIQUE


TOXIQUE, s. m. [Tokcike.] Nom générique, qui se done à toute sorte de poisons. _ Ce mot n' est en usage que chez les Savans.

TRACâS


TRACâS, s. m. TRACASSER, v. n. et act. TRACASSERIE, s. f. TRACASSIER, IèRE, adj. et s. m. et f. [Trakâ, kacé, ceri-e, cié, ciè-re: 2e lon. au 1er; 3e e muet au 3e, é fer. au 2d. et au 4e, è moy. et long au 5e.] Trâcas, moûvement acompagné de trouble, d' embârrâs. "Il y a bien du tracâs dans cette maison. = Fig. st. famil. "Le tracâs du monde, des afaires: se retirer du tracâs. = Tracasser, neutre; s' agiter pour peu de chôse. "Il ne fait que tracasser: il tracasse sans-cesse. = Actif, Inquiéter, tourmenter. "Cet homme tracasse tout le monde. _ Et en sous entendant le régime. "Ne le recevez pas dans votre société., il ne fera que tracasser. LA TOUCHE dit qu' il ne l' a jamais oui dire dans ce sens là: l' Acad. le met sans remarque, excepté qu' elle l' atribue au style familier. = Tracasserie est 1°. Chicane, mauvais incident: "Il m' a fait une tracasserie à laquelle je ne devais pas m' atendre. = 2°. Discours, raport propre à brouiller les gens, les uns avec les aûtres: "Il pâsse sa vie à faire des tracasseries. _ L' Acad. avait dabord omis ce mot: elle l' a mis dans les dern. édit.
   J' ai peu de goût, Monsieur, pour la tracasserie.
       PALISSOT.
  Tout languit, tout est mort sans la tracasserie,
  C' est le ressort du monde et l' âme de la vie.
       Le Méchant.
= TRACASSIER, qui tracasse. Il se dit dans les deux sens de tracasserie: "C' est un tracassier, qui ne fait que de mauvaises dificultés dans les afaires. = C' est un tracassier, un brouillon. C' est une tracassière, une bavarde, une indiscrète, qui n' est propre qu' à mettre le désordre par-tout où elle se troûve.
   REM. Bouhours remarque qu' on ne dit ces mots que dans le style familier. Richelet dit que tracassier et tracassière sont bâs: c' est trop dire. Ils ne sont pas à la vérité du style noble; mais ils sont du style simple et médiocre. L' Acad. les admet pour la conversation. Trév. dit, tracasser sa vie, se doner de la peine, s' intriguer pour gâgner sa vie. L' Acad. ne le met pas.

TRACE


TRACE, s. f. TRACEMENT, s. m. TRACER, v. act. et n. [2e e muet aux 2 prem. é fer. au 3e: dans le 2d, en a la son d' an: traceman.] Trace est 1°. Vèstige. Piste qu' un homme ou quelque animal, laisse à l' endroit, où il a pâssé. "Suivre la trace, ou, les traces. Suivre quelqu' un à la trace. = Fig. Marcher sur les traces de; suivre les traces de; suivre l' exemple; imiter. = 2°. Marque, impression, que laisse une voitûre. "Suivre la trace d' un chariot, etc. = On dit, par extension, la trace du tonnerre, quand il est tombé. "Les navires ne laissent point de trace dans l' eau = Fig. "Cet évènement laissa de profondes traces dans son cerveau. "Les Arts ont fleuri long-tems~ en ce pays-là: il y en reste encôre des traces.
   Moi, je m' arrêterois à de vaines menaces;
   Et je fuirois l' honeur, qui m' atend sur vos traces.
       Iphigénie.
  La hauteur n' a jamais produit que des malheurs;
  Mais la douceur atire et retient sur ses traces
  L' amitié, la faveur, la fortune et les grâces.
       La Chaussée.
= 3°. Ligne, qu' on fait sur le terrein, pour marquer le dessin d' un parterre. _ Et aussi, les premiers traits, qu' on fait sur du canevas, pour marquer le contour des figûres d' un ouvrage de Tapisserie.
   Rem. Dans les Frères Énemis, Jocaste dit à Éthéocle:
   Quelles traces de sang vois-je sur vos habits?
Les traces, dit M. Racine le Fils, sont sur la terre:
   De son généreux sang la trace nous conduit.
Mais on ne dit point des traces de sang sur un habit, pour des taches. = L' Ab. Prévot, aprês avoir dit que, dans l' Ile de St. Mathieu, qu' on trouve déserte, on remarque néanmoins plusieurs traces des Portugais, ne parle que d' arbres fruitiers, de troupeaux aprivoisés, d' inscriptions et de devises. Sont-ce là des traces d' hommes? = Traces, au figuré, ne se dit guère au singulier:
   Lis, admire tout haut Virgile, Homère, Horace;
   Et ceux qui, parmi nous, ont marché sur leur trace,
   Qui se forme sur eux peut seul les égaler.
       Le Franc.
  Me permets-tu de ramasser
  Quelques fleurettes sur ta trace;
  S' il en est encore au Parnasse
  Que ta main ait pu me laisser?
       Ep. à~ Mde De La Fayette.
On peut le pâsser aux Poètes, génés par la rime: mais en prôse, on dit, sur leurs traces, sur tes traces.
   TRACER, tirer les lignes d' un dessin, d' un plan, sur le papier, sur la toile, sur le terrein, etc. "Tracer un plan, un dessin, une alée, un parterre, un fort, un bastion, etc. = FIG. Tracer le chemin à quelqu' un, lui doner exemple. "Il suit le chemin que ses Ancêtres lui ont tracé. "Je lui ai tracé la conduite qu' il devait tenir. = Se tracer une route. Le se est un datif; tracer à soi-même.
   Dans la route que je me trace,
   La Fare, daigne m' éclairer.      Rouss.
Dans cette expression, le régime relatif est nécessaire. Je ne crois pas qu' on doive imiter un Auteur moderne, qui a dit: "Conduite qui trace celle de quiconque se sent né capable de faire valoir utilement ses talens. Il faut dire, ce me semble, qui trace celle qu' il doit tenir, à quiconque, etc. = * M. Du B.... dit, dans sa Tragédie de Nadir:
   Je vois du sang par-tout, par-tout j' en ai versé.
   Tiens, Morab, en voilà sur cette main tracé.
"On ne dit point, du sang tracé, ni tracer du sang. Le sang laisse des traces: on trace avec du sang; les chemins sont tracés de sang; mais le sang n' est point tracé dans les chemins. Ann. Litt. = Tracer se dit neutralement, des arbres, dont les racines s' étendent en rampant sur la terre, et ne s' enfoncent presque pas. Il est oposé à Pivoter. "L' orme, le noyer, trace beaucoup.
   TRACEMENT ne se dit qu' au propre. L' action de tracer, ou l' éfet de cette action: le tracement d' un fort.

TRACHÉE-ARTèRE


TRACHÉE-ARTèRE, s. f. C' est le nom du Canal, qui porte l' air aux poumons. Richelet veut qu' on prononce trakée-artère. On prononce trachée à la française.

TRACTATION


*TRACTATION, s. f. Action de traiter. Mot forgé par M. Tissot. "J' ai étendu la tractation de quelques articles, etc. Avis au Peuple sur sa santé.

TRADITION


TRADITION, s. f. [Tradi-cion.] En style de Pratique, action de livrer à: "La tradition de la chôse vendûe. "L' ordre de Portier dans l' Église se confère par la tradition des clefs. = En parlant de Religion et d' Histoire, c' est la voie par laquelle des dogmes et des faits se transmettent de main en main, de siècle en siècle. "Il y a une tradition écrite et une tradition non écrite, ou, orale. "Il y a des faits que la tradition seule nous a apris. * Bossuet emploie traditive comme un mot employé par les Protestans. "Ce qu' on apelait dans le Parti la traditive des Églises Protestantes. Hist. des Variat. _ On doit toujours dire Tradition; c' est un mot consacré.

TRADITIONEL


TRADITIONEL, ELLE, adj. [Tradi--cio-nèl, nèle: 4e è moy.] Qui a raport à la Tradition. "Lois, opinions traditionelles.

TRADUCTEUR


TRADUCTEUR, s. m. TRADUCTION, s. f. TRADUIRE, v. act. [Traduk-teur, duk-cion, duî-re: 2e lon. au dern.] Traduire, c' est 1°. Transférer une persone d' un lieu à un aûtre. "Traduire en prison; d' une prison à une aûtre. = 2°. Tirer une persone d' un Tribunal pour le mener devant un aûtre. "Ce chicaneur m' a traduit devant tous les Juges, devant tous les Tribunaux du Royaume. = 3°. Tourner un ouvrage d' une langue en une aûtre. "Traduire du latin en français. "Il a traduit un tel livre en anglais, en italien. "Le Président BOUHIER a traduit en vers français quelques morceaux d' anciens Poètes latins. Il pensait qu' on ne doit pas les traduire autrement; mais ses vers font voir combien c' est une entreprise dificile. Volt. = Fig. Traduire quelqu' un en ridicule, le tourner en ridicule, le ridiculiser. = Traducteur et Traduction ne s' emploient que dans le 3e sens de Traduire. _ Celui qui traduit. "Bon, fidèle Traducteur. "Les Traducteurs d' Homère, de Virgile, de l' Iliade, des Géorgiques, etc. _ Version d' un ouvrage dans une Langue diférente de celle, où il a été écrit. Traduction litérale, ou servile, ou libre. Traduction de la Bible, de Plutarque, etc. "Traduction en vers. "D' ABLANCOURT Traducteur élégant, et dont on apèle chaque Traduction, la belle infidèle. VOLT. "Vaugelas retoucha pendant trente ans sa traduction de Quinte-Curce. Tout homme, qui veut bien écrire, doit corriger ses ouvrages toute sa vie. Id. "Il est assez singulier que le genre le moins estimé, j' entends la Traduction, soit cependant le plus dificile. l' Ab. D' Olivet.
   Rem. 1°. La traduction est en langue moderne; la version en anciène. Les Bibles françaises sont des traductions; et les latines, grecques, syriaques des versions. GIR. synon. _Bossuet dit toujours version. On le dit aussi dans les collèges. Fréron préfère aussi version à traduction. M. Geoffroi aime assez à dire version, quoiqu' il emploie quelquefois aussi le mot de Traduction. M. l' Ab. De Lille emploie ordinairement celui-ci. Pour varier aparemment, il se sert une fois de l' aûtre. "Celle de Virgile par Dryden nous fait mieux connoitre Virgile que les meilleures versions. _ L' Acad. au mot Version, dit que son plus grand usage est, en parlant des anciennes traductions de l' Écritûre. = 2°. Mde de Sévigné se sert de Traduire dans le sens d' interpréter, et il fait fort bien dans l' endroit où elle le place; mais ce sont de ces expressions originales, qui ne sont bones qu' une fois. "À~ bien traduire ce que j' ai dit, c' est de l' amitié, c' est de l' intérêt, c' est du respect et de l' estime, etc. = 3°. Le P. Tarteron dit, oeuvres traduites pour Traductions. Parlant de M. Dacier: "Cet habile homme, dit-il, dont les oeuvres traduites passoient dans l' idée des bons conoisseurs pour renfermer plus d' érudition profonde et recherchée que de politesse et d' agrément. Les oeuvres d' Homère sont des oeuvres traduites; mais la version que M. Dacier en a faite, est une traduction. Ce mot a un sens actif: l' autre a un sens passif.

TRADUISIBLE


TRADUISIBLE, adj. Qui peut être traduit. On ne l' emploie guère qu' avec la négative. "La seconde moitié du Poème d' Hésiode n' est pas traduisible en vers. Le Franc.

TRAFIC


TRAFIC, s. m. TRAFIQUANT, s. m. TRAFIQUER, v. n. et act. [Trafik, kan, : 3e lon. au 2d, é fer. au 3e.] Trafic, Négoce, Comerce de Marchandises. "Il fait trafic de toutes sortes de marchandises. "Il fait un grand trafic en Espagne, etc. Voy. NÉGOCE. = Fig. Il fait trafic de son crédit: il n' est pas permis de mettre les chôses saintes en trafic. "Ces hommes infâmes, qui font un trafic honteux de la vérité et de l' inocence des autres Hommes. Massill. = Trafiquer, Faire trafic. Il est ordinairement neutre et régit la prép. en: il trafique en laines, en soies, en épiceries. _ Quelquefois pourtant, on l' emploie activement. "Trafiquer des billets, une lettre de change. = Il se dit três-noblement au figuré. Britannicus se plaint des témoins assidus.
   Qui choisis par Néron pour ce comerce infâme
   Trafiquent avec lui des secrets de mon âme.
       Rac.
  Et nos petits Auteurs, rimant malgré Minerve,
  Siflés de tout Paris, et qui savent pourtant
  Enchainer à leur char l' amour propre d' un Grand
  Trafiquer avec lui d' une vaine fumée
  Lui prouver que leurs vers feront sa renomée, etc.
       Palissot.
"Ces vils esclaves du mensonge et de la Fortune, qui corrompent la jeunesse des Rois, pour trafiquer de leurs vices et de leurs foiblesses. Ann. Litt. = Trafiquant ne se dit qu' au propre. Comerçant, Négociant. "C' est un gros trafiquant. = M. l' Ab. Guénée écrit traficant avec un c. le Rich. Port. met l' un et l' aûtre. L' Acad. ne met que le premier.

TRAGÉDIE


TRAGÉDIE, s. f. *TRAGÉDIEN, ou TRAGÉDISTE, s. m. [Tragédi-e, dien, dis--te: 2e é fer.] Tragédie, Poème dramatique, pièce de Théâtre, qui représente une action grande et sérieuse entre des persones illustres, qui est propre à exciter la terreur ou la pitié, ou toutes les deux ensemble. "Composer, représenter une Tragédie. "Ces Acteurs excellent dans la tragédie. "Les Tragédies de Sophocle, d' Euripide, de Corneille, de Racine. "La Tragédie d' OEdipe, de Cinna, de Phèdre, de Mérope, etc. "La véritable Tragédie ne consiste pas dans les sentimens galans, ni dans les raisonemens, mais dans une action pathétique, terrible, théatrale. Du Molard. = Fig. On le dit d' un Évènement funeste. "La Fortune joûe quelquefois de sanglantes Tragédies. Trév. "Tout ceci finira par quelque horrible Tragédie. "Il s' est passé d' horribles Tragédies dans cette Cour-là.
   TRAGÉDIEN ou Tragédiste, mots nouveaux, qui paraissent jusqu' à présent peu heureusement inventés. Auteur de Tragédie. On trouve le premier dans les Mémoires sur la Vie de Jean Racine, et dans les trois Siècles de Litératûre. _ Mr Fréron le Fils et Mr Mercier ont hasardé le second. _ M. Fréron Père disait volontiers Tragédien en parlant des Acteurs. "Le Kain ce tragédien célèbre étoit le Voltaire de la Déclamation. "Cet écart est bien pardonable en faveur de la première tragédienne de l' Europe. "Otez à Mr Gr.... la roideur du geste, la contrainte des moûvemens, un débit étudié, une âme souvent factice; et vous en ferez peut-être un tragédien. ANN. LITT. = Tragédien est actuellement reçu MARIN. = Plusieurs Écrivains ont dit, les Tragiques pour dire les Auteurs de Tragédies. "Ces passions, que les Tragiques aimoient à exciter sur les Théâtres.... la terreur et la pitié. La Bruy. "Quoique disciples des Tragiques d' Athènes, ils (Racine et Corneille) ont très-souvent égalé et quelquefois surpassé leurs modèles. Sabat. Trois siècles, etc. Un Auteur moderne (M. Jacques, Ex Jés.) dit aussi les Tragiques, dans un excellent Parallèle des Tragiques Grecs et des François. _ Et M. Geoffroi. "Les anciens Tragiques n' ont pas donné à leur Art toute la perfection, dont il étoit susceptible. _ On peut donc le dire au pluriel; mais je ne voudrais pas dire au singulier, un tragique: c' est le meilleur tragique. "Crébillon est un plus grand Tragique que Voltaire. Je croirais cette phrâse plus conforme à la vérité qu' à l' Usage. Rousseau a pourtant dit:
   Il s' acomode encor moins d' un comique
   Dont la froideur tient la joie en échec,
   Que d' un Tragique où l' oeil demeure à sec.
Mais c' est dans une Épitre en style marotique. Voy. TRAGIQUE. = L' Acad. ne met ni Tragédien, ni Tragédiste, ni Tragique subst. apliqué aux persones.

TRAGICOMÉDIE


TRAGICOMÉDIE, s. f. TRAGICOMIQUE, adj. La Tragicomédie est une pièce de Théatre, qui difère de la Tragédie en ce qu' elle ne finit par aucun évènement funeste. Un Auteur anonyme dit, dans le Mercure. "Toute Tragédie de Shakespear est essentiellement une Tragicomédie. Il veut dire pièce moitié tragique, moitié comique. Ce n' est pas le sens de ce mot. = Tragicomique ne se dit que dans le st. famil. d' un accident fâcheux, qui tient du comique. "Voilà une aventûre tragicomique. Ce que vous contez là est tragicomique.

TRAGIQUE


TRAGIQUE, adj. TRAGIQUEMENT adv., [Tragike, keman: 3e e muet.] Tragique, qui appartient à la Tragédie. "Poème, Poète tragique. "Il excelle dans le genre tragique; et substantivement, dans le tragique: il s' aplique au tragique: cet Acteur excelle dans le tragique. _ Les tragiques, les Poètes tragiques. Voy. TRAGÉDIEN. = Fig. En parlant des évènemens de la vie, funeste, déplorable. "Évènement, Mort, Histoire, tragique: il a fait une fin tragique. "Il n' a que des desseins, des idées tragiques. = Prendre une chôse au tragique; trop sérieusement.
   Cela finira mal - - Oh! tu prends au tragique
   Un débat, qui pour moi ne sera que comique.
       Le Méchant.
= Tragiquement ne se dit que dans cette deuxième acception. D' une manière tragique. "Il est mort, il a fini tragiquement.

TRAHIR


TRAHIR, v. act. TRAHISON, s. f. [Tra--i, tra-izon.] Trahir c' est faire une perfidie. Judas trahit notre-Seigneur. "Aprês avoir trahi son Prince, il trahit l' Énemi à qui il s' était livré. = Figurément, trahir ses sentimens, sa conscience, ses intérêts, parler, agir contre, etc.
   Ah! vous devez sentir qu' il en coûte bien plus
   À~ trahir son devoir qu' à vaincre sa faiblesse.
       La Chaussée.
= Se trahir soi-même, agir contre ses propres intérêts. _ Se trahir, c' est aussi se décéler, se découvrir, par imprudence ou par indiscrétion.
   Craignez de vous trahir par quelque négligence.
       Palissot.
= Trahir le secret de quelqu' un, le révéler. = Il se dit même des chôses comme sujet. "Mon étonement et mon chagrin m' ont trahi. St. Évr.
   Ma rougeur trahiroit les secrets de mon coeur.
       Créb.
L' Acad. ne met pas ce sens, qui est três-beau et três-usité.
   TRAHISON, perfidie. Action de celui qui trahit. "Lâche, noire insigne, détestable trahison. "Il a fait une trahison à son ami: il a tué son énemi en trahison, en traître. Voy. BRASSER.
   Rem. Les Anglais apèlent haute-trahison ce que nous apelons crime de Lèze-Majesté. Les Historiens Français de l' Angleterre et les Traducteurs d' ouvrages anglais se servent de cette expression. "Les crimes de haute-trahison... n' étoient jamais punis de mort. Hist. d' Angl. = M. Moreau s' est servi de ce mot dans ses Discours sur l' Histoire de France. "On ignore les détails des faits qu' il lui imputa: il parait seulement qu' il s' agissoit de haute trahison. _ L' Acad. ne l' admet qu' en parlant des afaires d' Angleterre. = * En style de Petit-Maître, au lieu de dire, c' est bien domage, on dit, c' est un meurtre, c' est une trahison. "Vous au Couvent, Mademoiselle! c' est un larcin, c' est une trahison. Marm.

TRAJèT


TRAJèT, s. m. [Trajè: 2eè moyen.] Espace à traverser d' un lieu à un aûtre, par eau ou par terre. "Le trajèt de Calais à Douvres est de sept lieûes. "Long ou petit trajèt.

TRâILLE


TRâILLE, s. fém. [Trâ-glie: 1re lon. 2e e muet: mouillez les ll.] Bac qui sert à passer les grandes rivières. On dit aussi pont-volant; mais trâille est le mot vulgaire. Acad. = La traille est la corde tendue d' un rivage à l' autre, sur laquelle roule une poulie qui tient au bateau par une autre corde, et non le bac. "La traille est cassée: le bac est brisé. On passe le bac, et on ne passe pas la traille. Il y a des bacs sans traille, et il n' y a pas de traille sans bac. MARIN.

TRAIN


TRAIN, s. m. [Trein, monos.] 1°. Alûre, façon d' aler. "Le train de ce cheval est doux, ou rude. "Il va grand train, ou un grand train. "Cet homme va bon train. "Ce Cocher mène bon train. = 2°. La partie de devant et de derrière des chevaux, boeufs et aûtres bêtes de service. "Ce cheval a le train de devant faible: il est estropié du train de derrière. = 3°. Le charronage qui porte le corps d' un carrosse, d' un chariot. "Faire faire un train neuf. = Train d' artillerie, tout l' atirail nécessaire pour la servir. = 4°. Suite de chevaux, de valets, de gens de livrée. "Marcher à grand train; augmenter ou retrancher, réformer son train. = 5°. Dans le figuré, il signifie tantôt l' humeur: je ne suis point en train de rire; tantôt la promptitude à faire quelque chôse: nous sommes alés bon train; tantôt le cours et l' état des chôses: le train des afaires: nos afaires prènent un bon train: son négoce va toujours le même train. Réflex. L. T.
   Ce qui se passe ici n' est que le train du monde.
   Vous vous êtes trompé jusqu' à ce triste jour,
   En vous imaginant qu' on vous faisoit la cour.
   Ce n' étoit point à vous: c' étoit à vos richesses.
       Dest. Le Dissip.
= 6°. Être en train se dit quelquefois sans régime:
   Mais quelqu' un troubla la fête
   Pendant qu' ils étoient en train.
       La Font.
Quelquefois aussi il régit de et l' infinitif: "Nous ne sommes point en train ni en humeur de faire des promenades extravagantes. Sév. = Se mettre en train est bâs et familier, et ne se dit que des persones. Un Anonyme qui a dit que: "Le mystère d' iniquité se mettoit en train, a donc péché et contre la propriété, et contre la bienséance du style. = Aler bon train, ou beau train, et aler son train, sont aussi du style famil. "Cette maladie alloit beau train, si elle n' avoit été arrêtée par les miracles ordinaires du quinquina. Sév.
   Le mal alloit toujours son train,
   Il fallut se résoudre à couper la chair vive.
       L' Ab. Reyre.
  L' afaire ira grand train. Par mon air de grandeur,
  J' ai frapé le bon homme.
       Dest. Le Glor.
Cela est fort bien dans une Lettre et dans une Fâble; mais dire comme Marsolier: "Comme tout se fait à Rome avec beaucoup de maturité, on a beau presser, on y va toujours son train, (Vie de S. Fr. de S.) c' est se servir d' un expression peu digne de la noble gravité de l' Histoire. = Faire du train, du tapage. = Mener un homme bon ou grand train; le faire aler bon ou beau, ou grand train, ne point le ménager dans la suite d' une afaire, d' une dispute. = Tout d' un train, adv. Tout de suite. "Je ne pensais pas en tant dire tout d' un train.

TRAîNANT


TRAîNANT, ANTE, adj. TRAîNE, s. fém. TRAîNEAU, s. m. TRAîNÉE, s. fém. TRAINER, v. act. et neut. TRAîNEUR, s. m. [Trênan, nante, ne, né-e, no, , neur: 1re ê ouv. et long, 2ee muet au 2d, é fer. au 4e et au 5e: l' ê est plus ouvert et plus long devant l' e muet, il traîne, il traînera, que devant la syll. masculine, traînant, traîner, traîneur; nous traînons, je traînais, etc.] Traîner, c' est 1°. en général et au propre, tirer aprês soi. "Traîner un carrosse, le canon, etc. en parlant des chevaux. "Traîner un cofre, une table. Traîner un homme en prison. On l' a traîné dans la boûe, dans le ruisseau. "La rivière traîne du sâble, des immondices. Cet homme traîne toujours aprês lui une longue suite de valets. Fig. "Cette action a traîné aprês elle une longue suite de malheurs. "Traîner une vie languissante et malheureûse. "Une vie traînée dans l' oprobre est le seul suplice qui puisse égaler ton forfait. Jér. Dél. = 2°. Alonger, diférer. "Il y a six mois qu' il me traîne pour la conclusion de cette afaire. "Il vous traînera long-tems avant de vous payer. = 3°. Se traîner, se glisser en rampant. "Il se traîna à travers les broussailles. _ Marcher avec grande peine. "Je me traînerai là comme je pourrai. = 4°. Traîner, neutre, a plusieurs significations. = Pendre jusqu' à terre: manteau, robe, qui traine. _ Demeurer exposé, au lieu d' être à sa place. "Il laisse traîner ses clefs. "Ces papiers ont long-tems trainé sur sa table. = Être en langueur sans pouvoir se rétablir. "Cet homme ne fait plus que traîner: il y a long-tems qu' il traîne. = N' avancer point: il y a deux ans que cette afaire traîne. = Discours qui traîne, qui est froid et languissant. = * Traîner carrosse. Voy. ROULER.
   TRAîNANT, au propre, qui traîne à têrre. "Robe, queûe traînante. = Au figuré, il se dit d' un style languissant, et qui renferme peu de chôses en beaucoup de paroles~. "Style traînant. "Les Harangues d' Arrien sont extrêmement longues et traînantes, sans aucun mouvement oratoire. GEOFROI, Journ. de Mons.
   Rem. On dit d' une guerre, comme d' une afaire, qu' elle traîne en longueur. Mde de B... a dit, en ce sens, une guerre traînante. "du moins auroit-ce été un bien, si cette guerre traînante, en épargnant le sang du peuple, eût également épargné les aûtres sortes d' opressions. Hist. d' Angl. _ Guerre traînante est un néologisme peu heureux; ou peut-être un anglicisme.
   TRAîNE se dit adverbialement. "Des perdreaux qui sont en traîne, qui ne peuvent pas encôre voler. "Bateau qui est à la traîne, qui est traîné par un aûtre. = Il entre aussi dans la composition de deux ou trois mots, qui sont du style familier et du genre masculin. Traîne-malheur, qui aporte le malheur avec soi. Traîne-potence, qui porte le malheur à ceux qui s' atachent à lui. Traîne-rapière, Bretteur; ou celui qui n' a pas d' aûtre profession que de porter l' épée. Voy. TRAîNEUR, plus bâs.
   TRAîNEAU, sorte de voitûre sans roûes, dont on se sert pour aler sur la neige, ou sur la glace. Aler, être mené en traineau. = Grand filet qu' on traîne dans les champs pour prendre des perdrix, ou dans les rivières pour prendre du poisson.
   TRAîNÉE, petite quantité de certaines chôses, épanchées en long. "Traînée de poûdre, de cendres. "Le sac s' est troué, et le plâtre, ou la farine, etc. a fait une longue traînée sur le chemin.
   TRAîNEUR, qui traîne. Chasseur au traîneau. _ Soldat qui ne marche pas avec la troupe, et qui demeure derrière, soit par infirmité, soit pour piller. _ Chien qui ne suit pas le grôs de la meute. = Traîneur d' épée ou de rapière, fainéant qui porte l' épée, et qui n' est engagé dans aucun service. St. famil. et mordant.

TRAINASSER


"TRAINASSER, v. act. Mot populaire. Traîner.
   Ha, n' allez pas trainasser notre afaire.
       Nanine.

TRAIRE


TRAIRE, v. act. [Trère: 1reè moy. et long. 2e e muet.] Je trais; nous trayons, vous trayez, ils traient; (pron. tré-ion, tré-ié, trê) je trayois ou trayais; nous trayions, vous trayiez, ils trayoient, ou, trayaient; j' ai trait; je trairai; je trairois, ou trairais. Trais, trayez; que je traie, nous trayions, vous trayiez, ils traient; trayant, trait. = Il n' a ni parfait défini, ni imparfait du subjonctif. Ainsi l' on ne dit ni, je trayis, ni je trayisse. WAILLY. D' aûtres Gramairiens lui suposent ces deux tems, et on les a suivis dans le Dict. Gram. _ L' Acad. ne les met pas. = Tirer le lait de certaines femelles des animaux. Traire les vaches, une brebis, une chèvre, une ânesse. = Le participe ne se dit que de l' or et de l' argent, qui est tiré par une filière, lorsqu' il n' est pas encôre mis sur la soie. "De l' or, de l' argent trait; et substantivement, des boutons de trait; une broderie de trait.

TRAIT


TRAIT, s. m. [Trê, ê ouv.] 1°. Il se dit et des flèches qui se tirent avec l' arc ou l' arbalète, et des dards, des javelos, qui se lancent avec la main. "Décocher, lancer des traits. _ Gens de trait, ceux qui tiraient de l' arc ou de l' arbalète, ou qui lançaient le javelot. = Fig. les traits de l' Amour: l' Amour l' a percé de ses traits,
   Mais c' est peut-être ici que le ciel irrité
   Veut se justifier de trop d' impunité:
   C' est ici que m' atend le trait inévitable,
   Suspendu trop long-tems sur ma tête coupable.
       Rhadamisthe.
= 2°. Longe de corde ou de cuir, avec quoi les chevaux tirent. "Des traits de volée: couper les traits. "Ce cheval tire bien: il bande sur le trait: il tire à plein trait. = 3°. Ce qui emporte l' équilibre de la balance et la fait trébucher. "Quand les marchandises sont en grand volume et d' un grand poids, le trait doit être plus fort. = 4°. Ce qu' on avale d' une liqueur en une gorgée. "Un trait de vin, de bière, de sirop. = Avaler tout d' un trait, tout d' une haleine: boire à long-traits, lentement, en savourant ce qu' on boit. Fig. Nous avalons à long traits les poisons qu' elle (la Volupté) nous verse, et l' oubli de nous-mêmes. Jér. Dél. = 5°. Ligne qu' on trace avec la plume. Trait de plume. "Il écrit son nom tout d' un trait. "Pâssez un trait sur cette ligne pour l' éfacer. = 6°. En Peintûre, ligne au moyen de laquelle on imite la forme d' un objet. = Copier trait pour trait, exactement, fidèlement. "Ces noirceurs (si bien peintes dans la Comédie du Méchant) pâssèrent pour des gentillesses, parce que tel qui se croyoit fort honête homme, s' y reconoissoit trait pour trait. J. J. Rouss.
   Le Discours d' Isabelle étoit votre portrait,
   Et son discernement vous a peint trait pour trait.
       Dest. Le Glor.
= 7°. Les linéamens du visage. "Ce fils a tous les traits de son père. "De beaux, de grands ou de petits traits. Des traits mignons, fins, délicats, agréables, etc. = 8°. Bon ou mauvais ofice. "Un beau, ou un vilain trait; un trait d' ami. = Acte, procédé. "Un trait d' habile homme, de fripon; ce sont de ses traits. "Un trait de prudence, etc. = 9°. Beaux endroits d' un ouvrage d' esprit. "Il y a de beaux traits dans ce discours. = Trait d' Histoire, morceau détaché d' une grande Histoire. = Trait de râillerie, etc.
   Molière a de son Art épuisé tous les traits.
   - - - C' est le talent qui manque et non pas les sujets.
       Palissot.
= 10°. Raport. "Cette afaire n' a point de trait à l' aûtre.
   Rem. On dit porter des coups à et lancer des traits contre. L' Ab. de Houteville dit, porter des traits; expression inusitée. "Quels traits ont été portés à la Religion, etc. = On dit, en matières de Litératûre, peindre, dessiner à grands traits. "J' essayerai de doner des couleurs et de la vie à ce corps (d' Histoire) dont j' aurai comencé à dessiner à grands traits une esquisse générale. Moreau. "On reconnoitra le même talent de peindre à grands traits et d' un seul coup de pinceau dans le morceau qui termine ce discours (le Panégyrique de S. Louis, par Mr. l' Abé Boulogne). Journ. de Mons.

TRAITABLE


TRAITABLE, adj. TRAITANT, s. m. TRAITE, s. f. TRAITÉ, s. m. [Trètable, tan, te, té: 1re è moy. 2e lon. au 2d, e muet au 3e, é fer. au 4e.] Traitable, doux; avec qui l' on peut aisément traiter. "Esprit doux et traitable: "Cet homme n' est pas traitable.
   Ah, si cet homme là ne le rend pas traitable.
   Il faut que son orgueuil soit un mal incurable.
       Dest. Le Glor.
"Il a reconnu par sa propre expérience que Lucius n' étoit pas si traitable, et que ce n' étoit pas ma faute, si je n' avois pas réussi. L' Ab. de Mongault, Let. de Cic. à Attic.
   TRAITANT, celui qui se charge du recouvrement des impositions, à certaines conditions, réglées par un traité. "On écrit beaucoup contre les Traitans, souvent sans raison. "Les Traitans ont beaucoup gâgné sur cette afaire.
   TRAITE est, 1°. étendûe de chemin qu' on fait sans s' arrêter. "Aler d' un lieu à un aûtre tout d' un traite. "Il y a une bone, une longue traite d' ici là. = 2°. Transport de marchandises, qu' on tire d' un endroit, pour les porter dans un aûtre. "On a permis la traite des blés. Faire la traite des Nègres. = 3°. Comerce des Banquiers qui tirent des lettres de change de place en place. = 4°. Certain droit, qu' on lève sur les marchandises qui sortent du Royaume, ou qui y entrent. "Les Traites foraines, domaniales, etc. Comis à la recette des Traites.
   TRAITÉ, ouvrage, où l' on traite de quelque art, de quelque science, de quelque matière particulière. Traité de la Sphère, de Physique, de Mathématique. Traité de la Grâce. = 2°. Convention sur quelque afaire importante. Traité d' alliance, de comerce, de paix. "Traité que les Fermiers font avec le Roi.

TRAITEMENT


TRAITEMENT, s. m. TRAITER, v. a. et n. TRAITEUR, s. m. [Trèteman, , teur: 1re è moy. 2ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Traiter a plusieurs sens. = 1°. Discuter, agiter. "Traiter un sujèt, une matière, une question. "Dans tous les sujets que les Anciens ont traités, on n' a jamais réussi qu' en imitant leurs beautés. Du Molard. = 2°. Négocier, travailler à un acomodement. "Traiter la paix, un mariage, une réconciliation. _ Et neutralement: traiter avec les énemis. "Il avoit demandé au Roi, qu' on pût traiter à l' amiable avec le Pape. Maimb. = 3°. En user bien ou mal avec. "Vous le traitez trop rudement: il vous a bien traité: vous ne le traitez pas fort bien. _ Traiter à la rigueur; de haut en bâs. Ce dernier n' est que du style familier. "Il envoya dire à Frédéric, en le traitant brutalement de haut en bâs, que, etc. Maimb. Cette expression est peu digne du style de l' Histoire. Voy. plus bâs vers la fin. = 4°. Reconaitre pour: qualifier de: "Traiter quelqu' un de Prince; le traiter de Majesté, d' Altesse. "Traiter quelqu' un de fat, de fou, d' impertinent. = 5°. Régaler; doner à manger. "Traiter quelqu' un magnifiquement, splendidement. = V. n. Traiter en viande, en poisson. "Ce Traiteur, cet Aubergiste, traite à tant par tête. Il traite proprement. = Se bien traiter, faire un bon ordinaire. "Cet homme se traite bien. = 6°. Panser, médicamenter: "Ce Chirurgien l' a traité de deux grandes blessûres. "C' est un tel Médecin qui le traite; qui l' a traité. "Il l' a traité d' une pleurésie, etc.
   Rem. Dans le premier sens, il est actif ou neut. On dit assez indiféremment, traiter une matière, un sujèt, une question, etc. ou traiter d' une matière, d' un sujèt, d' une question. Mais quand on spécifie la matière dont on traite, on met toujours l' ablatif. "Il a fort bien traité des plantes, des métaux, de l' Astronomie, etc. L. T. On lit dans l' Ann. Lit. "L' Auteur traite les moyens d' étudier l' Histoire. Je crois qu' il fallait dire, traite~ des moyens. = De même lorsque traiter signifie négocier une afaire, il régit ou l' acusatif, ou l' ablatif. "Ils traitent une importante afaire, ou d' une importante afaire; mais quand il s' agit de vendre, d' acheter, d' aquérir, de contracter, etc. il ne régit que l' ablatif. "Il a traité de cette charge, de cette têrre; je traiterai volontiers de toutes mes prétentions. L. T. "Il falloit que le Peuple autorisât ses Magistrats à convoquer des Assemblées pour traiter ses droits. Révol. Rom. Dites, pour traiter de ses droits. = Dans le sens marqué n°. 4°. on ne met la prép. de que devant les noms qui expriment les qualifications qu' on done. "Il le traita de fripon, d' imposteur. Aûtrefois on apliquait souvent fort mal ce régime.
   S' il ne vous traite ici d' entière confidence.
       Corn.
  Il traitoit de mépris les Dieux qu' il invoquoit.
      Idem.
  Vous le traitez d' un semblable langage.
       Molière.
"Ils crurent qu' il le falloit traiter de mépris. Maimb. "Ces invectives atroces dont les Grecs avoient coutume de se traiter les uns les aûtres. P. Rapin. "Il traite cette Princesse de la dernière indiférence. Id. Dans l' usage actuel, ces phrâses paraissent barbâres. Dans presque toutes, Il faut mettre avec au lieu de la prép. de. Traiter avec indiférence. Dans les aûtres, il faut prendre un aûtre tour, et employer un aûtre verbe. = Traiter de et traiter en ont des sens diférens. Traiter quelqu' un d' ami, lui en doner le nom. Le traiter en ami, agir à son égard, comme on le fait avec un ami.
   Puis-je porter ton sceptre et te traiter de Roi?
       Corn. Perthar.
Te traiter en Roi aurait mieux valu en cet endroit. = Traiter de haut en bâs n' est que du style proverbial. Le P. Rapin dit de Démosthène: "Dès qu' il est monté sur la Tribune, il traite Philippe de haut en bâs. _ Cette expression est au dessous du style modéré, ou de dissertation.
   TRAITEMENT se dit et de l' acueuil, de la réception qu' on fait à quelqu' un, de la manière d' agir à son égard: bon ou mauvais traitement. "On lui a fait, ou, il a reçu toute sorte de bons traitemens; et des apointemens qu' on done; des avantages qu' on fait: "Craignant qu' on ne leur fît le même traitement qu' à ceux d' Acre. Maimb. "Saladin fit à son prisonier le traitement que méritoit une si belle action. Id. "On a réglé son traitement: il est fort honête, avantageux; et des soins, des remèdes qu' un Chirurgien emploie pour traiter un malade: "Tant au Chirurgien pour ses traitemens et pansemens.
   TRAITEUR ne se dit que dans le 5e sens de Traiter. Celui qui done habituellement à manger pour de l' argent, ou qui entreprend de grands repâs de noces.

TRAîTRE


TRAîTRE, TRAîTRESSE, adj. s. m. et f. [Trêtre, trèce: 1reê ouv. plus ouvert pourtant au 1er qu' au 2d: 2ee muet au 1er, è moyen au 2d.] Perfide. "Cet homme est bien traître. Le coeur du monde le plus traître. Âme traîtresse. = Par extension, il se dit des animaux, qui mordent, qui rûent, qui égratignent, lorsqu' on y pense le moins, comme chiens, chevaux, chats. = On le dit aussi des chôses, comme des actions de trahisons. "Un procédé, un tour bien traître: des faveurs traîtresses; et de ce qui est plus dangereux qu' il ne le parait. "Ces sortes de maux sont traîtres. "Ce vin là est traître, une liqueur traîtresse. = Subst. Celui, celle qui fait une trahison. "C' est un traître: "On aime la trahison, mais on déteste les traîtres. "C' est une traîtresse. = En traître, adv. "Il le prit en traître. "Il l' a tué en traître. = On dit, en st. prov. traître comme Judas. _ N' être pas traître à son corps; ne se refuser aucune comodité.
   REM. Rollin fait régir à traître le génitif. "Lâche déserteur de son armée, et cruel traître de ses enfans qu' il abandonoit à la boucherie. Hist. Anc. Ce régime n' est pas d' usage. = * Maimbourg dit, se faire traître de quelqu' un, pour, le trahir. "De son protecteur il se fit son traître. _ Cette expression est bisârre, et je doute fort qu' elle ait jamais été en usage.

TRAîTREûSEMENT


TRAîTREûSEMENT, adv. [Trê-treû--zeman: 1re ê ouv. 2e lon. 3e e muet.] En traître. "Il lui dona un coup de poignard traîtreûsement. _ L' Acad. remarque qu' il n' est guère d' usage que dans les procédûres criminelles. On peut dire que c' est domage et qu' il ne déparerait aucun style.

TRAMAIL


TRAMAIL, s. m. [Tra-mail: mouillez l' l finale. _ Ai dans ce mot n' a pas le son d' é; mais l' a y conserve son propre son.] Filet qu' on tient de travers dans les rivières pour prendre du poisson.

TRAME


TRAME, s. f. TRAMER, v. act. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Trame est au propre, le fil pâssé et conduit par la navette entre les fils, qu' on nome chaîne, et qui sont tendus sur le métier, pour faire de la toile, du drap, etc. "Il y a des étofes dont la chaîne est de fil et la trame de soie. = Poétiquement, la trame, la durée, le cours de la vie, des jours.
   Grand Dieu, votre main réclame
   Les dons que j' en ai reçus:
   Elle vient couper la trame
   Des jours qu' elle m' a tissus.
       Rousseau.
= Fig. Complot. Être l' auteur d' une trame; ourdir une trame.
   Rem. Suivant La Touche, on dit trame, ou trème dans le propre; et les ouvriers se servent plutôt du dernier. Richelet dit que les habiles gens disent trame, et les Tapissiers, Tisserands, etc. trème, et ainsi de tramer et trémer. _ Dans le Rich. Port. à Treme, Trémer, on renvoie à Trame, Tramer. L' Acad. ne met pas même Trème.
   TRAMER, au propre, pâsser la trame entre les fils de la chaîne. "Tramer une étofe: la trame de fil, de soie, etc. = Au figuré, machiner, faire un complot. "Tramer une conspiration. "Il trame quelque chôse contre vous.

TRAMONTANE


TRAMONTANE, s. f. Il se prend dans la Méditerranée pour le vent du Nord; le vent de tramontane, ou, la tramontane; et pour l' étoile du Nord. De là on dit figurément, st. famil. d' un homme qui se trouble, qui ne sait plus ce qu' il fait, ni ce qu' il dit, qu' il a perdu la tramontane. "La Princesse de Tarente ne trouve pas ce procédé d' un fort bon goût. Elle a raison; mais il faut excuser des gens qui ont perdu la tramontane. Sév.

TRANCHANT


TRANCHANT, ANTE, adj. TRANCHANT, s. m. TRANCHE, s. fém. TRANCHÉE, s. f. TRANCHER, v. act. et n. [1re lon. 2e lon, aux trois premiers, e muet au 4e, é fermé aux deux derniers.] Trancher, c' est, 1°. couper; séparer en coupant. "L' acier de Damâs tranche le fer. "D' un seul coup, le bourreau lui trancha la tête. "Il fut condamné à avoir la tête tranchée. _ Poétiquement: "La Parque a tranché ses jours, le fil de ses jours.
   Il a su que d' Egiste on a tranché les jours.
       Mérope.
= Fig. Trancher la dificulté, le noeud de la dificulté; résoûdre tout d' un coup une question dificile; ou lever tout d' un coup un obstacle, une dificulté. Voy. MOT. = 2°. V. n. et au figuré, décider, déclarer hardiment. "Il tranche, il décide sur tout. Voy. COURT et NET. On ne dit pas trancher tout seul et absolument.
   Vous n' avez qu' à trancher et choisir de nous deux.
       Misantr.
_ Trancher du Grand Seigneur; faire le Grand Seigneur. = En parlant des couleurs, c' est avoir des nuances qui sont diférentes les unes des aûtres. "Le cramoisi tranche trop auprês du vert, ou sur le vert. _ Et sans régime: cela tranche trop.
   Rem. 1°. On dit trancher la tête; mais on dit couper, et non pas trancher les piés, les mains, etc. "Il (Joannice) ordonne qu' on lui tranche (à Beaudouin) les mains, les cuisses à des intervalles. Ann. Lit. = On dit trancher du grand Seigneur, du Docteur, du Souverain, etc. c. à. d. faire le grand Seigneur, le Docteur, le Souverain, etc. en prendre le ton, les manières. Suivant La Touche, cette façon de parler peut avoir sa place dans le beau style. Pour moi, je la troûve un peu familière. "Il lui dit que le Connétable de Luines tranchoit du Roi, mais qu' avant six mois il lui feroit rendre gorge de tout ce qu' il avoit pris D' Avr. = Rollin dit, trancher en maître: je doute que cette expression soit française. "Philippe n' avoit rien plus à coeur que de s' aproprier tout l' honeur de la guerre sacrée, et de paroître y avoir tranché en maître. = L' Ab. Prévot dit trancher d' égal, qui ne vaut pas mieux. "Ce Général aquit tant de puissance par sa valeur et sa conduite qu' il trancha d' égal avec son maître. = Bossuet a employé trancher tout seul; dans le sens de décider hardiment. "Que des hommes se hazardent à trancher sur l' avenir; il n' y a rien de fort merveilleux. C' est à l' imitation de cette expression proverbiale, trancher et tâiller, où pourtant trancher ne s' emploie pas tout seul. L' Acad. dit bien: il fait le Docteur, il tranche, il décide sur tout; mais outre que trancher, dans cette phrâse, est acompagné de décider, on peut dire que trancher sur tout est une expression consacrée par l' usage, qui ne doit pas tirer à conséquence, et que trancher sur l' avenir n' est pas du moins de l' usage actuel. _ Ailleurs Bossuet fait plus encôre, il fait régir à trancher la conjonction que, laquelle est le régime de décider. "M. de la Roque tranche hardiment que cette défense n' étoit que pour un tems. Ce régime est inusité. On dirait aujourd'hui, décide hardiment que etc. = Molière a dit aussi: il n' y a rien de si aisé que de trancher ainsi.
   Vous n' avez qu' à trancher et choisir de nous deux.
       Misantr.
"Pour trancher net, vous ne l' épouserez point Mariv. On troûve des exemples pareils dans d' aûtres Auteurs du siècle pâssé. Il y a aparence que ce verbe étoit alors à la mode.
   TRANCHANT, adj. Il se dit dans tous les sens de son verbe. "Couteau tranchant, épée tranchante. _ Des couleurs tranchantes, etc. _ Depuis quelque-tems on le dit d' un homme qui décide hardiment et légèrement, qui tranche sur tout. "Léger, tranchant et vif, il étoit constamment du parti de la mode. Marm. "Des Auteurs sans génie et sans talent; et tout à la fois ambitieux, vains et tranchans. L' Ab. Sabat. Trois Siècles, etc. "Une fermeté de décision plus invariable; une autorité dans le comandement plus tranchante et plus vigoureuse. Neuville. = L' Acad. ne le met pas en ce sens.
   TRANCHANT, s. m. Le fil d' une épée, d' un couteau, d' un rasoir. "Le tranchant est émoussé. Aiguiser le tranchant. Épée à deux tranchans
   TRANCHE est, 1°. En parlant des chôses qu' on mange, morceau coupé un peu mince. "Tranche de pain, de jambon, de pâté, de melon, etc. = 2°. En termes de Relieur et de Libraire, le côté par lequel les feuillets d' un livre ont été coupés. "Livre doré, marbré sur tranche.
   TRANCHÉE, fôssé que l' on fait pour divers usages. "Il fit, il tira de grandes tranchées dans le marais pour le dessécher. "Faire une tranchée pour planter de la charmille. = En termes de guerre, fôssé qu' on creuse et que l' on conduit en biaisant d' angle en angle, pour se mettre à couvert du feu, en faisant les aproches d' un Place assiégée. Ouvrir la tranchée. Monter la garde à la tranchée, ou monter, descendre la tranchée. _ Combler la tranchée des énemis. "Nettoyer la tranchée, chasser ou tuer ceux qui étaient dedans. = Tranchée est aussi, douleur violente et aigûe dans les entrâilles. "Les tranchées de l' acouchement. "Cette Médecine lui a causé de grandes tranchées.

TRANCHEFILE


TRANCHEFILE, s. f. TRANCHELARD, s. m. [1re lon. 2e e muet.] Ce sont deux composés de Tranche. Le premier comme substantif; le 2d comme présent du verbe trancher. = Le premier se dit d' un petit rouleau de papier ou de parchemin, qui est recouvert de soie ou de fil, que le Relieur met aux deux extrémités du dôs d' un livre, pour tenir les caïers assemblés et servir d' ornement. "Tranchefile double, ronde, etc. = Le second se dit d' un couteau à lame fort mince, et dont les Cuisiniers et les Rotisseurs se servent pour couper des tranches de lard.

TRANCHER


TRANCHER. Voy. TRANCHANT.

TRANCHèT


TRANCHèT, s. m. TRANCHOIR, s. m. [Tranchè, choar: 1re lon. 2eè moy. au 1er] Tranchèt est un outil à l' usage des Cordoniers et aûtres ouvriers, qui sert à couper le cuir. = Tranchoir ou Tailloir, plateau de bois sur lequel on tranche, on coupe la viande.

TRANQUILLE


TRANQUILLE, ou TRANQUILE, adj. TRANQUILEMENT, adv. TRANQUILISER, v. act. TRANQUILITÉ, s. fém. [Trankile, leman, lizé, lité: 3e e muet aux deux 1ers, dern. é fer. aux deux dern.] Tranquile, calme et sans émotion. Il se dit des persones et des chôses. "Je suis fort tranquile là dessus: tenez-vous tranquile. Avoir l' esprit, l' âme tranquile. Mener une vie tranquile. "Un tems doux et tranquile; mer calme et tranquile. "Le Médecin lui a trouvé le pouls fort tranquile. = Dans le discours ordinaire, il suit le plus souvent le substantif: dans le discours soutenu, et surtout en vers, il se plait à le précéder. "Elle ne lui laissa voir qu' une tranquille reconoissance. Marm.
   O paix! tranquille paix! secourable immortelle!
       Rousseau.
  Les sincères amours, peu conus dans nos Villes,
  Sous nos tranquilles toits ont choisi des aziles.
       Gresset.
= Racine lui fait régir le datif:
  Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes.
   Ce régime n' est bon que dans le haut style.
   TRANQUILEMENT, d' une manière tranquile. "Vivre; pâsser ses jours, sa vie; dormir tranquilement. "Il a reçu cette mauvaise nouvelle bien tranquilement.
   TRANQUILISER, calmer, rendre tranquile. "Tranquiliser les humeurs, en parlant des remèdes. Tranquiliser l' esprit, les sens. "Ce que vous me dites me tranquilise. = Se tranquiliser, se reposer, se tenir dans un état tranquile.
   Rem. Ce verbe, aprês avoir soufert de grandes rebufades s' est enfin introduit, disait Andry, à la fin du siècle dernier; et l' on peut fort bien s' en servir; mais sans afectation et à propôs; comme, tranquiliser un coeur, une conscience: mais, selon le même Auteur, ce serait parler ridiculement que de dire, par exemple, je me tranquilise, je tâche de me tranquiliser, etc. Depuis, ces expressions ont été admises par l' usage. _ L' Académie disait qu' il n' a proprement d' usage qu' en parlant des humeurs du corps, mais elle aprouvait, se tranquiliser. Dans la dernière édition, elle n' a plus restreint l' usage de l' actif, et elle done les mêmes exemples que nous avons doné plus haut. = On ne dit pourtant pas, tranquiliser un État, un Royaume: "Le Roi prit d' assez bones mesures, pour tranquiliser ses États. LETT. ÉDIF. Dites, pour remettre la tranquilité dans ses États.
   *TRANQUILISANT, qui tranquilise, est un néologisme qui me parait heureux. "C' est l' ouvrage où est déposée cette déclaration si tranquillisante, que l' on veut flétrir comme séditieux. Linguet. "Des arrangemens aussi flateurs pour moi, que tranquillisans pour le Public. Id. = Depuis quelque tems, on décline beaucoup de participes en ant, dont on fait des adjectifs verbaux; mais ils ne sont pas tous aussi sonores et aussi utiles que celui-ci.
   TRANQUILITÉ, état de ce qui est tranquile. "La tranquilité de l' air, de la mer, du someil. Dormir avec tranquilité. Pâsser sa vie dans une grande tranquilité. "La tranquilité de l' âme procède d' une bone conscience. "Faisons des voeux pour la tranquilité de l' État. = * Comme on dit: régner en paix, ROLLIN a cru pouvoir dire, règner en tranquilité. "Il régna plusieurs années en paix et en tranquilité. _ L' usage n' admet que le 1er.

TRANSACTION


TRANSACTION, s. f. [Tranzak-cion; en vers, ci-on.] Acte par lequel on transige sur un diférend. "Pâsser, faire homologuer une transaction.
   Rem. Les Traducteurs de livres anglais donent à ce mot, employé au pluriel, le sens de faits, évènemens, opérations, démarches. C' est qu' ils traduisent trop litéralement ce terme, qui, en anglais, a une signification plus étendûe qu' en français. M. Silhouette l' a employé dans le titre même d' un de ses ouvrages. Lettre sur les Transactions du Règne d' Elisabeth. = On ne dit ce mot dans le sens de l' anglais, que des Transactions Philosophiques, c. à. d. des Mémoires de la Société Royale de Londres.

TRANSCENDANCE


TRANSCENDANCE, s. f. TRANSCENDANT, ANTE, adj. [Transandance, dan, dante; les trois prem. sont longs, mais on apuie plus fortement sur la 3e.] Ils se disent d' une supériorité marquée, éminente. "Esprit, génie transcendant. Mérite transcendant, vertu transcendante.
   Ce Marquis aussi fat, à la Cour qu' à la Ville,
   Que chez nous sur le pied de Seigneur transcendant,
   A produit depuis peu monsieur notre Intendant.
       Rouss.
= Le subst. est peu d' usage.

TRANSCRIPTION


TRANSCRIPTION, s. f. TRANSCRIRE, v. act. [Transkrip-cion, krire; 2e lon. au 2d, 3e e muet.] Ils expriment l' action de copier un écrit. "Transcrire un caïer, des lettres. "La transcription d' un manuscrit.

TRANSE


TRANSE, s. f. [1re lon. 2ee muet.] Frayeur, grande apréhension d' un mal qu' on croit prochain. "Être toujours en transe, dans de grandes transes, dans des transes mortelles; dans les transes de la mort.
   ...Moi, je suis dans des transes
   Que tout ceci ne soit cruel pour vous.
       Volt.

TRANSFÉRENCE


*TRANSFÉRENCE, s. f. Action de transférer. Mot barbâre, employé par un Avocat de Province. "La transférence du cimétière avoit été autorisée par une Ordonance de M. l' Évêque de M.... On dit translation.

TRANSFÉRER


TRANSFÉRER, v. act. [1re lon. 2e et 3e é fer. Devant l' e muet, la 2e se change en è moyen: il transfère, transfèrera, etc.] Transporter, faire pâsser d' un lieu à un aûtre. Il ne se dit que de certaines chôses. "Transférer un prisonier d' une prison à une aûtre. "Transférer un corps mort, un corps Saint, des Reliques. "On l' a transféré de cet Évêché à celui-là. "Constantin transféra le Siège de l' Empire de Rome à Bysance, qui fut apelé Constantinople. = Transférer une Fête: la remettre d' un jour à un aûtre.

TRANSFIGURATION


TRANSFIGURATION, s. f. TRANSFIGURER, v. act. Ils ne se disent qu' en parlant de Notre Seigneur. "La Transfiguration de N. S. _ J. C. se transfigura sur le Thabor.

TRANSFORMATION


TRANSFORMATION, s. fém. TRANSFORMER, v. act. [Transforma-cion, mé: 1re lon. 3e é fer. au 2d.] Ils expriment l' action de changer en une aûtre forme. "La femme de Lot fut transformée en statûe de sel. "Circé transforma les Compagnons d' Ulysse en pourceaux; emblême des éfets de la volupté. "Le démon se transforme quelquefois en Ange de lumière. = Figurément, prendre plusieurs caractères pour tromper. "Cet homme se transforme en mille manières. = Le subst. ne se dit que des insectes. "La transformation d' une chenille en papillon. _ L' Acad. parle aussi des transformations-fabuleûses: on dit plus souvent, métamorphoses.
   Rem. M. l' Abé Mongin, dans l' éloge de Fléchier, se sert de transformer, dans un endroit où transporter était le mot propre. "Avec un livre à la main, vous êtes transformé (transporté en esprit) dans des sièges et des batâilles. C' est l' Orateur qui vous charme; et vous n' êtes ocupés que du Hérôs.

TRANSFUGE


TRANSFUGE, s m. [Dern. e muet.] Déserteur. Le 1er est plus du style relevé, et le 2d du style familier. On dit, dans le discours ordinaire: "Il y a eu beaucoup de déserteurs dans ce Régiment, dans cette Armée: il serait ridicule de dire transfuges, dans cette ocasion. = Il y a encore une diférence, c' est qu' au propre, transfuge, ajoute à déserteur l' idée accessoire de passer au service des énemis: le déserteur n' est qu' infidèle: le transfuge est traitre. Beauz. Synon. Au figuré, on dit indiféremment, transfuge ou déserteur de la Religion, de la Philosophie, etc. Id.ibid.
   Transfuge des routes ingrates,
   De l' infructueux Hélicon,
   Dans les retraites des Socrates,
   J' allois jouir de ma raison.
       Gresset.

TRANSGRESSER


TRANSGRESSER, v. act. TRANSGRESSEUR, s. m. TRANSGRESSION, s. fém. [Transgrè-cé, ceur, cion: en vers ci-on: 2e è moy. 3eé fer. au 1er.] Transgresser, contrevenir à quelque ordre, à quelque loi. "Cet Ambassadeur a transgressé les ordres qu' il avait. "Transgresser la loi divine, les comandemens de Dieu. = Les deux substantifs ne se disent que de la loi de Dieu. "Il est dit dans la loi de Moïse que: le transgresseur de la Loi sera puni de mort. "La transgression des comandemens de Dieu.
   Si quelque transgresseur enfreint cette promesse,
   Qu' il éprouve, grand Dieu, ta fureur vengeresse!
       Athalie.

TRANSIGER


TRANSIGER, v. n. [Tranzigé: 3eé fer.] Passer un acte, faire une transaction, pour acomoder un procês, un diférend. = Il se dit, ou sans régime: lâs de plaider, ils transigèrent. "Ils ont enfin transigé; ou avec les prépositions de ou sur: "Ils ont transigé sur tous les articles; de telle ou telle chôse.

TRANSIR


TRANSIR, v. act. [Tranci.] Pénétrer et engourdir de froid. "Il fait un vent qui me transit: le froid m' a transi: je suis transi de froid. = Il se dit aussi de l' éfet de la peur ou de l' afliction. "Cette nouvelle lui transit le coeur; et non pas, transit son coeur. "La peur l' avait transi. = V. n. "Transir de froid. "Il était transi de peur.
   Mes yeux ne voyoient plus, je ne pouvois parler.
   Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
       Phèdre.
= Transi ne se dit guère seul; et même alors il ne fait pas bien devant le substantif.
   Du hideux Hottentot jusqu' au transi Lapon.
       L. Rac.
L' inversion est dûre et choquante. = On dit, en se moquant, amoureux transi, de celui que l' excês de sa passion rend tremblant et interdit devant sa maîtresse. _ Faire l' amoureux transi auprês d' une femme; afecter cette passion timide.

TRANSISSEMENT


TRANSISSEMENT, s. m. [Tranziceman. 3ee muet.] État où est un homme transi. "Transissement de froid, de peur. "À~ cette nouvelle, il lui prit un transissement universel.

TRANSITION


TRANSITION, s. f. TRANSITOIRE, adj. [Tranzi-cion, zi-toâ-re: 3e lon. au 2e.] Transition, est la manière de pâsser d' un raisonement à un aûtre; de lier entre eux les divers morceaux d' un discours. "On ignôre aujourd'hui, ou du moins l' on néglige l' art des transitions. "La plupart des Orateurs modernes ne conaissent d' aûtres transitions que les exclamations et les apostrophes. = On apèle, en Gramaire, conjonctions transitives, celles qui servent aux transitions: Telles sont, au reste, du reste, or, cependant, et certes; pour ce qui est de, etc. quant à, etc.
   TRANSITOIRE, passager. Il sent un peu le gaulois, et n' est guère bon aujourd'hui que pour le marotique.
   Je veux du moins que ce rayon de gloire,
   Ne soit pour lui qu' un secours transitoire.
       Rouss.
L' Académie l' admet encôre dans cette phrâse. "Toutes les chôses de ce monde sont transitoires. Elle ne dit point à quel style ce mot apartient.

TRANSLATER


TRANSLATER, v. act. TRANSLATEUR, s. m. Traduire, Traducteur. = Dès le comencement du siècle, le Dict. de Trévoux les traite de vieux mots. Richelet les relègue dans le vieux burlesque et le comique: l' Académie dit qu' il sont vieux. = Quelques Auteurs modernes les emploient encôre dans le style plaisant, moqueur ou comique. "On m' aportoit tous les matins quelques lignes de votre écriture, et l' on venoit le soir me demander, avec humeur, à voir comment je les avois translatées en françois. Linguet. "Une histoire de Charles V (en anglois) translatée par un Affilié de la Philosophie, a tourné toutes les têtes frivoles de Paris. Id. Il emploie ailleurs translateur, dans le même goût. _ M. Formey s' en sert três-sérieusement. "Un emploi important, celui de translateur au Sénat. Et M. l' Abé de Fontenai: "Le translateur paroit avoir plutôt produit que traduit. _ C' est un éloge: pourquoi donc ne pas dire traducteur?

TRANSLATION


TRANSLATION, s. f. [Transla-cion; en vers, ci-on. 1re lon.] Transport. Action de faire pâsser d' un lieu en un aûtre. Il ne se dit, comme transférer, que de certaines chôses. "Translation d' un corps saint, des reliques, d' une fête. "La translation du Siège de l' Empire, etc. Voy. TRANSFÉRER. = * M. Formey dit, translocation, mot barbâre. "Ce fut à regret qu' il aprit l' intention du Souverain, qui le rapeloit à Halle, et il fit tous ses éforts pour détourner cette translocation.

TRANSMETTRE


TRANSMETTRE, v. act. [Transmètre. 2e è moy. 3e e muet.] Céder. Mettre ce qu' on a en la possession d' un aûtre. Il régit l' acusatif et le datif. "Le donateur transmet au donataire la propriété des choses donées.
   Le droit de comander n' est plus un avantage,
   Transmis par la nature, ainsi qu' un héritage.....
   C' est le prix du courage, et je crois qu' il m' est dû.       Mérope.
= Figurément: "Souvent les pères transmettent à leurs enfans leurs vices ou leurs vertus. _ Transmettre son nom à la postérité. Faire pâsser son nom jusqu' à la postérité.

TRANSMIGRATION


TRANSMIGRATION, s. f. [Transmi--gra-cion; en vers ci-on.] Passage d' un peuple, qui quitte un pays pour pâsser dans un aûtre. "La transmigration des peuples a été une des principales caûses du changement de leur langage. _ La transmigration de Babylone est le transport du Peuple Juif à Babylone, et le séjour qu' il y fit. = Régulièrement, on devrait dire, la transmigration des Juifs à Babylone: mais l' autre manière est tirée de l' Écritûre, et consacrée par l' usage. = La transmigration des âmes, est, suivant l' opinion des Pythagoriciens, le passage des âmes d' un corps dans un aûtre: on dit aussi, Métempsycôse.

TRANSMISSIBLE


TRANSMISSIBLE, adj. TRANSMISSION, s. f. [Transmicible, cion; en vers, ci-on. 1re lon.] Qui peut être transmis. "Il y a de certains droits qui ne sont pas transmissibles. = Action de transmettre. "La transmission d' un droit.

TRANSMUABLE


TRANSMUABLE, adj. TRANSMUER, v. act. TRANSMUTABILITÉ, s. f. TRANSMUTATION, s. f. Termes de Chimistes. Ils se disent de l' action de changer les métaux moins précieux en métaux d' un plus grand prix; comme le cuivre en or, l' étain en argent. "Transmuer les métaux. "Les Alchimistes croient que les métaux sont transmuables. "La transmutabilité des métaux. "Transmutation métallique. "Transmutation des métaux en or. = * Pluche a hazardé transmutateur. "Cela valoit-il la peine de se doner pour transmutateur?

TRANSPARENCE


TRANSPARENCE, s. f. TRANSPARENT, ENTE, adj. [Transparance, ran, rante; 1re et 3e lon. 2e três-brève.] Transparent, diaphane; au travers de quoi l' on voit les objet. Transparence, qualité de ce qui est transparent. "Le verre est transparent: l' eau est un corps transparent. "La transparence de l' eau, du verre. = Transparent, s. m. Papier où sont tracées plusieurs lignes droites; et dont on se sert pour s' acoutumer à écrire droit, en le mettant sous le papier sur lequel on écrit. = On dit aussi, une illumination en transparent.
   REM. Pluche et Mde. de B.... écrivent transparant avec un a devant l' n: c' était l' ortographe de Malherbe, de Ménage, et de quelques-uns de leurs Contemporains. = Mrs. Caraccioli et Linguet ont employé transparent au figuré: "Les hommes étoient transparens à ses yeux. Caracc. "Ce qui doit leur inspirer plus de terreur (aux Anglois) c' est de voir leur administration ainsi devenûe transparente, et ses mystères ainsi dévoilés aux étrangers.

TRANSPERCER


TRANSPERCER, v. act. [1re lon. 2eê ouv. 3e é fer.] 1°. Percer de part en part. "Le coup qu' il reçut le transperça. _ Il n' est plus d' usage au propre. = 2°. Fig. Pénétrer de douleur. "Cela me transperce le coeur, et non pas, transperce mon coeur. À~ cette nouvelle, il fut transpercé de douleur.

TRANSPIRABLE


TRANSPIRABLE, adj. TRANSPIRATION, s. f. TRANSPIRER, v. n. Ils expriment la sortie imperceptible des humeurs par les pôres de la peau. "Humeur transpirable, qui peut sortir par la transpiration. "Faire de l' exercice pour faciliter la transpiration. "L' insensible transpiration, ou la transpiration insensible. = Transpirer se dit et des humeurs qui sortent du corps par les pôres, et des corps, de la peau, par où sortent ces humeurs. "Les humeurs transpirent au travers de la peau. "Les animaux, qui transpirent beaucoup, s' en portent mieux. " = Au Fig. Il se dit comme verbe impersonel. "Il transpire quelque chôse de cette négociation: on comence à en découvrir quelque chôse.
   REM. Mallebranche emploie transpirer, comme réciproque passif: il est toujours neutre. "Il se transpire plus d' humeurs par les pores imperceptibles des artères et de la peau, qu' il n' en sort par les autres passages du corps. On doit dire: il transpire plus d' humeurs, etc. = Le P. Sicard parle de vases d' une terre subtile et transpirante. Quand cet adjectif verbal serait en usage, il serait mal employé dans cette phrâse; car ce n' est pas le vase qui transpire, mais l' eau à travers le vase. Transpirer, dans ce sens, ne se dit que du corps des animaux.

TRANSPLANTEMENT


TRANSPLANTEMENT, s. m. ou TRANSPLANTATION, s. f. TRANSPLANTER, v. a. [Transplanteman, ta-cion, : deux prem. lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 3e. = Des deux substantifs, le 1er est suspect; le 2d est le plus sûr, et peut-être le seul en usage.] Tranplanter se dit ordinairement des arbres, des plantes; c' est les planter dans un lieu diférent de celui où ils étaient auparavant. "Transplanter des arbres, des laitûes, de la chicorée. = Quelquefois il signifie transporter, transférer. "Cette Colonie fût transplantée en Asie. "Maison d' Italie, qui s' est transplantée en France. = Un Auteur moderne l' emploie au fig. "Pour juger des beautés des Anciens, il faut se transplanter dans leur siècle. Se transporter aurait été mieux, à mon avis. = On dit aussi, dans le style comique, que les Normands réussissent mieux, quand ils sont transplantés.

TRANSPORT


TRANSPORT, s. m. TRANSPORTER, v. act. [1re lon. le t final ne se prononce point dans le 1er: 3e é fer. dans le 2d.] Transport, est, 1°. l' action par laquelle on transporte une chôse d' un lieu à un aûtre. "Le transport de ses meubles lui a beaucoup coûté. "Le transport des terres est d' une grande dépense. "Ce malade n' est pas en état de soufrir le transport. = 2°. Cession juridique d' un droit. "Faire transport d' un billet, d' une rente à un tel. = 3°. Fig. Moûvement violent d' une passion, qui nous met, nous transporte, en quelque sorte, hors de nous-mêmes. "Transport de joie, de colère, d' amour, de jalousie. Transport amoureux; transport jaloux. "L' amour est un transport aveugle, une espèce de maladie, qui prend aux femmes. Duclos. = 4°. Transport au cerveau, sorte de délire.
   REM. Transport, au figuré, se dit plutôt du coeur que de l' esprit, sur-tout quand il est question de sentimens et de passion. Andromaque dit à Pyrrhus.
   Voulez vous qu' un dessein si beau, si vertueux,
   Passe pour le transport d' un esprit amoureux?
On peut croire que le Poète aurait dit, le transport d' un coeur amoureux, si la mesure du vers l' avait permis. = Depuis peu on dit, dans les Gazettes, transport, pour vaisseau de transport. "12 vaisseaux de guerre et 60 transports. _ On fait même parler ces transports. "Un transport françois raconte qu' il faisoit partie d' un convoi de 60 voiles. = Transport a un emploi plus étendu que translation: mais il ne doit pas être employé aux ocasions où translation est consacré. Voy. ce mot.
   TRANSPORTER, au propre, Porter d' un lieu à un aûtre. Il a trois régimes: l' acusatif, l' ablatif, et les prépositions à ou en. "Transporter des meubles, des marchandises, d' une Province à l' aûtre; d' une ville en une aûtre. = En st. du Palais, se transporter, se rendre sur les lieux. = Par extension, on dit: l' Empire a été transporté d' une Nation à une aûtre, comme des Médes aux Perses. Transporter une créance, un droit; les céder juridiquement, etc. = Fig. Mettre un homme hors de lui-même: la colère le transporte: la joie l' a tout transporté. "Il était transporté de joie, d' admiration. "J' étais transporté. = Mde de Sévigné par ellipse et pour abréger dit: "Il m' a écrit une lettre toute transportée de reconoissance. Une lettre ne peut être transportée en ce sens. On sous-entend, où il parait transporté, etc. Elle dit ailleurs, en parlant des vers de Corneille: Il y en a de bien transportans. Cet adjectif verbal n' est pas usité.
    Rem. Dit-on d' un homme qu' il est transporté d' un endroit à un aûtre, comme on le dit d' une marchandise? Je ne le crois pas. "Sir George Barclay.... fut transporté par le Capitaine Gill, avec quelques aûtres Officiers. Targe, Hist. de Smollet. Cela a tout l' air d' un anglicisme. = * Se transporter pour, se mettre en colère, me parait une expression tout au moins douteûse: "Il te transporte pour rien. Trév. L' Acad. ne le met, en ce sens, qu' à l' actif. = J. J. Rouss. dit transporté à, pour porté à. "Quand on sait que les Sauvages ne conoissent presque d' aûtres maladies que les blessûres et la vieillesse, on est transporté à croire qu' on feroit aisément l' histoire des maladies humaines, en suivant celle des sociétés civiles. _ Transporté n' est pas français en cette signification.

TRANSPOSER


TRANSPOSER, v. act. TRANSPOSITION, s. f. [Transpozé, zi-cion: 1re lon. 3eé fer. au 1er. Devant l' e muet, l' o est long: il transpôse, transpôsera, etc.] Transposer, c' est mettre une chôse hors de l' ordre, où elle devrait être. Il ne se dit que des mots, des phrases. = En termes de Musique, il se dit de ce qu' on chante ou ce qu' on joûe sur un ton diférent de celui sur lequel l' air est noté. "Cette pièce est notée en G-re-sol: on la transpôse en C-sol-ut.
   TRANSPOSITION est le renversement de l' ordre dans lequel les mots ont acoutumé d' être rangés, comme quand le verbe précède le nominatif, ou que le régime se place devant le verbe. Il y a des transpositions élégantes. = La Poésie admet plusieurs transpositions, qui n' ont pas lieu dans la prôse. On dit, en vers, par exemple:
   À~ des Dieux mugissans l' Égypte rend homage.
       L Rac.
Du Dieu, qui te conduit, adôre la grandeur.
BREB.
  Jamais de la Nature il ne faut s' écarter.
       BOIL.
  Pour les coeurs corrompus l' amitié n' est point faite.
      Volt.
Le bonheur des Méchans, comme un torrent s' écoule
Mais, en prôse, on dirait: "L' Égypte rend homage à des Dieux mugissans: "Adôre la grandeur du Dieu, qui te conduit: "Jamais il ne faut s' écarter de la Natûre. "L' Amitié n' est point faite pour les coeurs corrompus. "Le bonheur des Méchans s' écoule comme un torrent. Wailly. = On dit, en Musique, transposition d' un ton à un aûtre. Voy. plus haut Transposer.

TRANSSUBSTANTIATION


TRANSSUBSTANTIATION, s. f. TRANSSUBSTANTIER, v. act. [Transubs--tanci-a-cion, ci-é: 3e lon. dern. é fer. au 2d.] Ils expriment le changement d' une substance en une aûtre: mais ils ne se disent que du changement miraculeux de la substance du pain et du vin, en la substance du corps et du sang de J. C. "Le dogme de la transsubstantiation. "Les paroles sacramentelles transsubstantient le pain et le vin au corps et au sang de J. C. dans le Sacrifice de la Messe.

TRANSSUDER


TRANSSUDER, v. n. [Transudé: 1re lon. 3e é fer.] Pâsser au travers des pôres des corps par une espèce de sueur. "L' eau transsude au travers de certains corps, que l' air ne pénètre point. = Ce mot ne se dit que chez les Savans. Dans le discours ordinaire, on dit, tout bonement, transpirer.

TRANSVASER


TRANSVASER, v. act. [Transvazé: 1re lon. 3e é fer. Devant l' e muet, l' a est long: il transvâse, transvâsera, etc.] Verser une liqueur d' un vâse dans un aûtre. Transvaser du vin, une liqueur, etc.

TRANSVERSAL


TRANSVERSAL, ALE, adj. TRANSVERSALEMENT, adv. Ils se disent, en Géométrie, de ce qui coupe obliquement: Ligne transversale; Section transversale. "Cette ligne coupe ce carré transversalement.

TRANTRAN


TRANTRAN, mot factice et populaire. Le cours de certaines afaires; la manière ordinaire de les conduire. "Entendre, savoir le trantran. "Il sait le trantran des afaires; du Palais.

TRAPPE


TRAPPE, ou TRAPE, s. f. [2ee muet.] 1°. Porte couchée sur une couvertûre au niveau du plancher. Il se dit et de l' ouvertûre et de la porte même. "La trape était ouverte: il tomba dans la cave. Monter dans un grenier par la trape. "Lever la trape. = 2°. Porte ou fenêtre, qui se hausse ou se baisse dans une coulisse. "La trape d' un colombier. = Piège pour prendre des bêtes, dans un trou fait en terre et couvert d' une bascule, ou de branchages et de feuillages.

TRAPU


TRAPU, ÛE, adj. [2e lon. au 2d.] Grôs et court, en parlant des hommes et des animaux. "Petit homme trapu: femme trapûe: cheval trapu. = * Quelques-uns disent trapot, s. m. mais mal: C' est un petit trapot.

TRAQUENARD


TRAQUENARD, s. m. [Trakenar: 2ee muet: le d. final ne se prononce jamais.] 1°. Sorte d' amble ou d' entre-pâs: ce cheval va le traquenard~. = 2°. Sorte de piège, que l' on tend aux bêtes puantes.

TRAQUER


TRAQUER, v. act. [Traké: 2eé fer.] Terme de chasse. Faire une enceinte dans un bois, de manière qu' en la resserrant toujours on oblige le gibier d' entrer dans les toiles ou de pâsser sous le coup des chasseurs. On dit, ou traquer un bois pour prendre un loup; ou traquer un loup dans un bois. = Par extension, on dit, traquer des voleurs, des contrebandiers.

TRAQUèT


TRAQUèT, s. m. [Trakè: 2eè moy.] 1°. Piège, qu' on tend aux bêtes puantes. Fig. st. famil. Doner dans le traquèt, dans le piège. = 2°. Le claquèt ou le cliquèt d' un moulin. = On dit proverbialement, d' une persone, qui parle beaucoup, que c' est le traquèt ou le claquèt d' un moulin; que sa langue va comme un traquèt de moulin.

TRAVADE


TRAVADE, s. m. Terme de Marine. Vent, qui, en moins d' une heure, fait le tour du compâs, (de la boussole) et qui est ordinairement acompagé de pluie, d' éclairs et de tonerres.

TRAVAIL


TRAVAIL, s. m. TRAVAILLER, v. act. et n. TRAVAILLEUR, s. m. [Tra-vail, va--glié, glieur: mouillez l' l final du prem. et la double ll des deux aûtres: ai n' y a pas le son d' è; mais l' a y conserve son propre son; et l' i n' est là que pour marquer l' l mouillée. Au plur. travaux; pron. travô; 2e lon.] Travail est 1°. en général, la peine qu' on prend; la fatigue qu' on se done pour faire quelque chôse: il se dit de l' esprit comme du corps. On dit d' un homme d' étude, comme d' un artisan; qu' il aime le travail, qu' il s' est acoutumé ou endurci; qu' il se plait, se fait, se met au travail; qu' il quite, qu' il fuit le travail. "Ici (à St. Cyr) le travail amuse et le plaisir instruit. L' Ab. Du-Serre-Figon. "Le travail du corps n' est agréable que l' orsqu' il est modéré; mais le plus grand travail de l' esprit est quelquefois le plus délicieux. L' Ab. Trublet. = 2°. Il se dit de l' ouvrage, qui en est le fruit. "Ce Dictionaire est un grand travail: il serait glorieux pour l' Auteur que ce fût un beau travail: mais ce qui est sûr, c' est que c' est un travail de longue haleine. "Faire voir son travail à un ami, l' exposer à la censûre de, etc. = 3°. Il se dit de l' ouvrage, qui est à faire. "Distribuer le travail aux ouvriers. = 4°. En particulier, remuement de terre que font les troupes. "Cet Ingénieur conduisait le travail. "Nous comblâmes les travaux des Énemis. visiter les travaux; ruiner les travaux des Assiégés, etc. = 5°. Il s' emploie aussi au pluriel pour signifier certaines entreprises remarquables, comme les travaux d' Hercule; ou pénibles et glorieuses: ce guerrier n' a pas reçu la récompense de ses travaux; ou méritoires, quoique obscûres: si nous soufrons pour J. C. il nous donera le Ciel pour prix de nos travaux. "D' ordinaire, les succès de l' éducation sont achetés par de longs travaux; et qui ne sait pas les atendre, ne mérite pas de les obtenir. L' Ab. Du-Serre-Figon. = 6°. Travail d' enfant, ou simplement Travail; l' état où est une femme lorsqu' elle comence à sentir des douleurs pour acoucher. "Elle était en travail d' enfant, ou, en travail. La Sage femme l' avait mise trop tôt en travail. "Son travail fut long et périlleux. = 7°. Machine de bois à quatre piliers, entre lesquels les maréchaux atachent les chevaux vicieux pour les ferrer ou les panser.
   TRAVAILLER, neutre. C' est prendre quelque fatigue de corps ou d' esprit. "Travailler à la terre, au jardinage, à un bâtiment; à un Poème; à sa fortune; à son salut; {C731a~} à faire réussir un projèt, etc. "Il est tems que je travaille pour moi, puisque ceux à qui j' avais sacrifé mes intérêts, m' ont si mal servi. Cic. à Atticus. MONGAULT. Et sans régime. "Il travaille sans relâche; nuit et jour; continuellement. "Il se tûe de travailler. "Il s' est épuisé à travailler. "Travailler utilement. "Il travaille en vain. = On le dit aussi des chôses. _ Le poumon travaille, il soufre; il est opressé. Son estomac travaille; il a de la peine à digérer. "Ce bois, ce mur travaille, il se déjette; cette poûtre travaille: elle se déjette, parce qu' elle est trop chargée. Ces ressorts travaillent, ils sont dans un état violent. = V. act. Façoner. "Ils travaillent bien le fer, le marbre. = Faire avec aplication, avec soin. "Il a travaillé cette pièce, ce discours pendant long-tems et avec soin. "Poème, Discours bien travaillé. Les vers, pour être naturels et faciles, doivent être travaillés. l' Ab. Trublet. = Tourmenter, causer de la peine. "Cette fièvre le travaille cruellement. "J' ai eu un songe, qui m' a travaillé toute la nuit. "Il est travaillé de la goutte, de la pierre, etc. "Il se travaille pour rien: elle se travaille l' esprit, l' imagination. "Vous vous travaillez en vain, mon bon ami, à chercher la pierre philosophale. = * Il me semble qu' il vieillit en ce dernier sens: aûtrefois on en faisait un grand usage. "Un autre soin me travaille. BOSS. "Se travailler vraiment à réduire les comédies aux règles sévères de la vertu. Id. "Rome travaillée par ses dissensions civiles, négligea les afaires d' Asie. Montesq.
   Le soin, qui vous travaille,
   Vous le feroit chercher jusqu' au champ de bataille.
       Racine, Alexandre.
  Ne laissez point languir l' ardeur, qui vous travaille.
      Id. Ibid.
Cette dernière expression n' est pas aussi juste que la première, dit M. Racine le Fils: l' ardeur qui vous travaille a quelque chôse qui fait de la peine. Dans ces deux endroits, le Poète veut dire la même chôse; mais soin s' allie plus volontiers qu' ardeur avec travailler, tourmenter, agiter. La Chaussée a dit encore se travailler pour se tourmenter
   Dans la confusion de vos tristes pensées,
   Votre esprit se travaille et se perd à plaisir.
= On disait même aûtrefois travail pour {C731b~} inquiétude, sollicitude. L' Eglise, par le pieux travail qu' elle ressentoit pour les mourans, inculquoit l' importance de ce terrible passage. Boss. _ Voiture dit le travail de la mer. = On ne le dit plus que des douleurs de l' acouchement.
   La montagne en travail enfante une souris.
Voy. plus haut, Travail, n° 6°. = Mde de Sévigné emploie celui-ci au figuré. Elle dit à sa Fille. "Entrez dans ces raisonemens.... et ne vous mettez pas sitôt en travail: c' est domage de perdre vos douleurs; c. à. d. de vous inquiéter sans sujet.
   TRAVAILLEUR, celui, qui travaille à quelque ouvrage de corps ou d' esprit. "Il est médiocre ouvrier, mais grand travailleur: "C' est un travailleur: il travaille beaucoup. = Au pluriel, les soldats qu' on emploie à remuer la terre, à faire des retranchemens~. "Les Assiégés firent une sortie et tombèrent sur les travailleurs

TRAVÉE


TRAVÉE, s. f. [2e é fer. et long; 3e e muet.] Espace qui est entre deux poûtres. "Il y a tant de travées à ce plancher. = Travée de balustres, rang de balustres entre deux colonnes ou piédestaux. = Travée de grille, rang de barreaux entre deux pilastres.

TRAVERS


TRAVERS, s. m. TRAVERSE, s. f. TRAVERSÉE, s. f. TRAVERSER, v. act. TRAVERSIER, IèRE, adj. TRAVERSIN, s. m. [Travêr, vêrce, cé-e, , cié, ciè-re, cein: 2e ê ouv. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e, 4e, 5e, è moy. et long au 6e.] Travers est 1°. l' étendûe d' un corps considéré selon sa largeur. "Il s' en faut deux travers de doigt que ces planches ne joignent. = 2°. Biais, irrégularité d' un jardin, d' un bâtiment, d' une chambre. "Il y a bien du travers dans ce parc, dans cette maison. "Il faut planter un petit bois dans ce jardin, pour cacher les travers. = 3°. Fig. Bizârrerie, caprice, irrégularité de l' esprit et de l' humeur. "Il a du travers dans l' esprit: il est plein de travers; il a pris un travers dans cette afaire. = Au comencement du Siècle, on disait dans le Dict. de Trév. que c' était un mot de conversation. La Touche, qui était de ce tems-là, en parle comme d' un mot nouveau. "C' est un homme, qui a de grands travers, c. à. d. des sentimens extravagans, une conduite toute irrégulière. Il remarque que l' Acad. l' aprouve. = On dit aussi doner dans des travers: "Dans quels travers alliez vous doner l' autre jour? Coyer.
   Quels sont donc ces travers si grands et si fâcheux?
   - - - C' est l' amour, à mon âge, et l' amour malheureux.
       La Chaussée.
  Mon Dieu! Qu' il joint à tous ses airs grotesques
  Des sentimens et des travers burlesques.
       Volt.
  Vous allez vous doner un travers dans le monde.
      Sidney.
= 4°. Travers entre dans plusieurs locutions adverbiales. = En travers; d' un côté à l' aûtre, suivant sa largeur. "Cette table est fort longue: il faut mettre des barres, en travers, pour la tenir en état. = De travers, obliquement: regarder de travers. _ Fig. d' une manière, qui marque de l' aversion. _ À~ contre sens ou de mauvais sens: cela est mis, est fait tout de travers. _ Fig. "Il prend, il entend, tout de travers. "Il raporte de travers tout ce qu' on lui dit. "Il a l' esprit de travers, mal fait, mal tourné. "C' est un esprit de travers, qui done un mauvais tour aux actions les plus inocentes. Dest. = Au travers et à travers, prépositions. Tous deux sont bons; mais le 1er est beaucoup meilleur et plus usité: il régit le génitif, et à travers l' acusatif: on dit, au travers du corps; et à travers le corps: l' un et l' aûtre se disent au propre et au figuré. Regarder au travers des barreaux, ou, à travers les barreaux. "J' ai vu clair au travers de toutes ses finesses. À~ travers tous ces artifices, j' ai découvert que, etc. _ * Racine n' a pas distingué ces deux régimes diférens: il se sert d' à travers avec le génitif.
   Ses soupirs embrasés
   Se font jour à travers des deux camps oposés.
       Alexandre.
Il falait, ou au travers des deux camps, ou à travers les deux camps. D' Olivet. = Il est une ocasion où à travers est préférable, et c' est quand on veut marquer de l' égarement et de l' imprudence. "Ce Médecin done à travers ou tout à travers des purgations et des saignées. On dit, en ce sens, à travers les champs, à travers les blés, à travers les vignes; et proverbialement, tout au travers des chous, inconsidérément, sans jugement, sans aucun égard. = Par le travers, terme de Marine. À~ l' oposite; vis-à-vis. "La flote était par le travers d' un tel Cap.
   TRAVERSE, est 1°. Pièce de bois qu' on met en travers: Mettre une traverse; des traverses. = 2°. Tranchée, qui se fait dans le fôssé sec d' une place assiégée ou pour le pâsser, ou pour empêcher qu' on ne le pâsse. _ Retranchement que l' on fait pour une plus longue défense, et pour s' empêcher d' être enfilé. = 3°. Chemin, qui coupe d' un lieu à un aûtre par une route diférente du chemin ordinaire. "Chemin de traverse: il a pris la traverse. = On peut dire peut-être aussi, rûe de traverse, qui coupe d' une grande rûe à un aûtre; mais rûe traverse est, à mon avis, un gasconisme. = 4°. Fig. revers, disgrâce, obstacle, empêchement. "Il a eu, il a essuyé bien des traverses. = Ce mot ne s' unit pas bien avec les pronoms possessifs, ni avec la prép. de: on ne dit point ses traverses ou, les traverses de cet homme, ni en parlant de celui, qui les essuïe, ni en voulant parler de celui, qui les suscite. "L' enchaînement de ses traverses formoit une barrière insurmontable à ses efforts. Formey. Il faut dire de ses disgrâces, de ses malheurs. = En ce sens, il ne se dit qu' au pluriel et absolument: "Les gens de bien sont sujets à une infinité de traverses. L. T. = À~ la traverse, adv. Il se dit de ce qui survient inopinément et aporte quelque obstacle. "Tout aurait été fini si un tel ne fût venu, ne se fût jeté à la traverse.
   TRAVERSÉE est un terme de Marine, Trajet par mer d' un endroit à un aûtre. Dans l' Hist. de Perse par le P. Ducerceau, on voit souvent traverse pour voyage. "Il y a de Candahar à Ispahan une traverse de trois mois de chemin. Peut-être faut-il lire traversée, mais ce mot ne se dit qu' en termes de Marine.
   TRAVERSER, c' est 1°. Passer à travers, d' un côté à l' aûtre. "Traverser une Province, une forêt, une rivière. = 2°. Être au travers de: "L' alée, qui traverse le jardin. = 3°. percer de part en part. "La pluie a traversé tous ses habits. "Il est tout traversé de la pluie. "Un coup de mousquet lui traversait le corps, non pas, traversait son corps. = Fig. Susciter des obstacles à: "Traverser quelqu' un dans ses desseins, ou, traverser les desseins de quelqu' un. "Traverser une entreprise.
   Et j' irois, pour le prix d' un si rare service,
   De ses prétentions traverser la justice.
       Le Flateur.
Traversier a divers sens, suivant les noms auxquels il se joint. Vent traversier, qui soufle droit à l' embouchûre d' un port. "Le vent traversier, ou (s. m.) le traversier de ce port est le Nord. _ Barque traversière, qui sert ordinairement à traverser d' un endroit à un aûtre. _ Flute traversière, autrement flûte allemande dont on joûe, en la mettant de travers sur les lèvres.
   TRAVERSIN, chevet, oreiller long, qui s' étend de toute la largeur du lit.

TRAVESTIR


TRAVESTIR, v. act. TRAVESTISSEMENT, s. m. [Travèsti, ticeman: 2e è moy. 4e e muet au 2d.] Déguiser. Déguisement. "On le travestit en femme, il se travestit en paysan; et il sortit ainsi de la ville, sans être reconu. "Son travestissement lui réussit. = Le subst. ne se dit qu' au propre: le verbe s' emploie élégamment au figuré. "Les remontrances les plus justes... l' adulation les travestit en témérités punissables. Massill. _ Se travestir, changer sa manière ordinaire, déguiser son caractère. = Travestir un Auteur, traduire burlesquement un ouvrage sérieux. "Le Virgile travesti par Scarron.

TRAYON


TRAYON, s. m. [Tré-ion: 1reé fer.] Le bout du pis d' une vache ou d' une chèvre qu' on prend dans les doigts pour la traire.

TRÉBUCHANT


TRÉBUCHANT, ANTE, adj. TRÉBUCHEMENT, s. m. TRÉBUCHER, v. n. TRÉBUCHèT, s. m. [Trébuchan, chante, che--man, ché, chè: 1reé fer. au 3e lon. aux 2 prem. e muet au 3e, é fer. au 4e, è moy. au 5e.] Trébucher, 1°. en parlant des persones, faire un faux pâs. "Il ne peut faire un pâs sans trébucher: une pierre le fit trébucher. = FIG. Trébucher (broncher, faire un faux pâs) dans une afaire. St. famil. = 2°. En parlant de poids, emporter par sa pesanteur le poids, qui contre-pèse. "Cette pistole est de poids: elle trébuche.
   Rem. Anciènement, on disait trébucher, pour tomber.
   Puisse-tu voir sous les brâs de ton fils
   Trébucher les murs de Memphis.
       Malherbe.
  Ce n' est pas tout d' un coup que tant d' orgueil trébuche.
      Corn. Rodogune.
"Ce mot n' est plus de la belle Poésie, dit Ménage. = Il est encôre bon dans le style comique, critique, marotique ou burlesque:
   Votre Raison, qui n' a jamais floté
   Que dans le trouble et dans l' obscurité;
   Et qui, rampant à peine sur la Terre,
   Veut s' élever au dessus du tonerre,
   Au moindre écueuil, qu' elle trouve ici bâs,
   Bronche, trébuche et tombe à chaque pâs.
       Rouss.
Voy. TISSU, à la fin, où Rousseau emploie trébucher dans une Ode. L' Acad. dit qu' il est vieux dans le sens de tomber. Elle l' admet pourtant au figuré: trébucher du faîte des grandeurs. Je doute qu' on l' aprouvât dans le discours soutenu.
   TRÉBUCHEMENT, chûte, est vieux. "Le trébuchement de Pharaon.
   TRÉBUCHANT ne se dit que dans le 2d sens. Qui trébuche, qui est de poids. "Toutes ces pistoles sont trébuchantes.
   TRÉBUCHèT, est 1°. Machine pour atraper de petits oiseaux: "Cet oiseau a doné dans le trébuchèt, a été pris au trébuchèt. = Fig. et famil., prendre quelqu' un au trébuchèt, c' est l' engager par de belles aparences à faire une chôse, qui lui est désavantageuse, ou, qui est contraire à ce qu' il avait résolu.
   Vous êtes pilier né de tous les lansquenets,
   Qui sont pour la jeunesse autant de trébuchèts.
       Le Joueur.
= 2°. Petite balance, pour peser des monnaies~, ou aûtres chôses, qui ne pèsent pas beaucoup.

TRèFLE


TRèFLE, s. m. [1re è moy.] Herbe à trois feuilles. = Une des quatre couleurs d' un jeu de cartes, ainsi apelée, parce que les cartes de cette couleur sont marquées d' un trèfle.

TREILLAGE


TREILLAGE, s. m. TREILLE, s. f. [Trè--glia-ge, trè-glie: 1reè moy. mouillez les ll.] Treillage est un assemblage de perches, d' échalâs, ou de barreaux de fer, posés et liés l' un sur l' aûtre par petits cârrés, pour faire des berceaux, des palissades ou des espaliers, dans les jardins. "Berceau, pavillon de treillage. = Treille, berceau, ou couvert, fait de ceps de vigne entrelacés, soutenus par des perches, ou par des pièces de bois, ou par des barreaux de fer. _ En st. famil. et plaisant, le jus de la treille, le vin. = On a dit anciènement treille pour grille du choeur et des parloirs des Religieuses. "En présence du Père spirituel, qui sera assis à la treille. S. Fr. de S.

TREILLIS


TREILLIS, s. m. TREILLISSER, v. act. [Trè-gli, gli-cé: 1re è moy. mouillez les ll; 3e é fer. au 2d.] Treillis, 1°. assemblage de pièces de bois ou de fer, longues ou étroites, pâssées les unes sur les aûtres, et qui laissent plusieurs lozanges ou cârrés vides; tels que les grilles des couvens de Filles. "Il y a des treillis de bois à ces fenêtres. = 2°. Toile gommée, lissée et luisante. = 3°. Grôsse toile, dont on fait des sacs et dont s' habillent les paysans, les maneuvres, etc. = Treillisser, garnir de treillis. "Treillisser une fenêtre.

TREIZE


TREIZE, TREIZIèME, adj. TREIZIèMEMENT, adv. [Trèze, ziè-me, ziè-meman: 1re è moy. 2ee muet au 1er, è moy. aux deux aûtres, dont la 3e e muet. _ Plusieurs écrivent trèze, trèzième; et d' autres prononcent trège, trègième; ortographe et prononciation vicieûses.] Ils expriment un nombre, qui contient dix et trois. Le 1er est un nombre cardinal; le 2d un nombre d' ordre, ou ordinal. "Cette étofe coûte treize francs. "Ceux, qui ont l' esprit faible et superstitieux, évitent d' être treize à table. "Ce passage est dans le treizième chapitre. _ Subst. "Il ou elle est le ou la treizième dans la liste. Payer le treizième au Seigneur. "Je dis treizièmement que, etc. = Treize signifie quelquefois treizième. Grégoire treize, Pape; Louis treize, Roi de France, père de Louis quatorze.

TRÉMA


TRÉMA, s. m. [1re é fer.] C' est ainsi qu' on apèle les deux points placés sur une voyèle, pour la détacher, dans la prononciation, de la voyèle, qui la précède immédiatement: Haïr, laïque, héroïque, païen, Jouïr, ambigüe, ambigüité, Saül, etc. Sans ce tréma, sans ces deux points, on prononcerait, her, lèke, hé-roa-ke, péen, joui, monos. ambighe, ambighité, sol, etc. Le tréma avertit de prononcer ha-i, la-ike, héro-ike, pa-ien, jou-i, anbigû-e, anbigu--ité, Sa-ul, etc. = 1°. Le tréma ne se met que sur l' i, l' u, l' e muet. Il serait bon qu' on le mît aussi en certaines ocasions sur l' a et sur l' o pour diférencier; par ex. Il argüa, nous argüons, qui se prononcent argu-a, argu-on, de nargua, narguons, qu' on prononce nargha, narghon. Cette remarque est de Mrde Wailly. = 2°. On écrit, sans tréma, obéir, plebéien, réussir, etc. parce que l' accent aigu sur l' e sufit pour marquer qu' il ne forme pas une seule syllabe avec l' i ou l' u, qui suit. = 3°. Il n' est pas non plus nécessaire de mettre le tréma sur l' e dans charrue, la statue, la vue, l' étendue; parce que, sans le secours des deux points, on prononcera toujours de même. Il serait plus convenable de mettre l' accent circonflexe sur l' u, qui précède, parce que cet u est long. Charrûe, statûe, vûe, étendûe, etc. = 4°. On doit aussi écrire sans tréma les mots boete, coeffe, poele pour ne pas induire à prononcer bo--ète, co-èfe, po-èle, si on écrivait, comme le font mal à propôs plusieurs boëte, coëffe, poële. = On écrit aujourd'hui assez ordinairement boite, coife, poile, et cette ortographe est plus conforme à l' analogie et plus raprochée de la prononciation. = 5°. N' écrivez pas non plus avec le tréma les mots roïaume, emploïer, essaïer, païs, etc. Il faut écrire, royaume, employer, essayer, pays, etc. avec un y; parce que le tréma ne sert qu' à détacher une voyelle de l' autres; et que l' y fait fonction de deux i, dont le premier fait une diphtongue avec la première voyelle, et le 2d s' unit avec la voyelle suivante. C' est comme si l' on écrivait, roi--iaume, emploi-ier, essai-ier, pai-is, etc. En écrivant, par exemple, païs, essaïer, il faudrait prononcer pa-i, essa-ier; au lieu qu' on doit prononcer pé-i, ésé-ié. _ Pour royaume, moyen, employer, envoyer, etc. il m' a paru que les persones, qui parlent bien, prononcent roa-iome, moa-ien, anvoa--ié, anploa-ié, et d' ailleurs l' analogie le demande et l' ortographe l' indique. Que, s' il faut prononcer ro-iome, mo-ien, anvo-ié, anplo-ié, comme quelques-uns le soutiènent, il faut donc changer l' ortographe, et écrire roïaume, moïen, emploïer, envoïer, comme on l' a changée à Aïeul, païen, Camaïeu, Moïse, etc. qu' on écrivait aûtrefois et que plusieurs écrivent encôre aujourd'hui, ayeul, payen, Camayeu, Moyse, etc. Voy. Y. Voy. aussi l' Avertissement, qui est à la tête du 2d Volume. = 6°. Il ne faut pas non plus écrire Louïs, bouïllon, grenouïlle, etc. Car alors on prononcerait Lou-i, bou-i-glion, grenou-i-glie, au lieu qu' on doit prononcer, loui, monos., bou--glion en deux syllabes et gre-nou-glie en trois. _ Louis, nom propre d' homme, est bien dissyllabe en vers, mais alors même il ne faut pas mettre le tréma sur l' i.

TREMBLAIE


TREMBLAIE, s. f. TREMBLE, s. m. [Tranblê, tranble: 1re lon. 2e ê ouv. et long au 1er, e muet au 2d.] Tremble est une espèce de peuplier, ainsi apelé, parce que ses feuilles tremblent au moindre vent. Tremblaie est un lieu planté de trembles.

TREMBLANT


TREMBLANT, ANTE, adj. TREMBLEMENT, s. m. TREMBLER, v. n. TREMBLEUR, EûSE, s. m. et f. TREMBLOTANT, ANTE, adj. TREMBLOTER, v. n. [Tran--blan, blante, bleman, blé, bleur, bleû-ze, blotan, tante, té: 1re lon. 2e lon. aux 2 prem. et au 6e; e muet au 3e, é fer au 4e; la 3e est longue au 7e et au 8e, é fer. au dern.] Trembler, au propre, c' est être agité, être mu par de fréquentes secousses. "Les feuilles des arbres tremblent au moindre vent. "La fièvre le fait trembler. "Il tremble de froid, de peur. "La tête, les mains, les jambes lui tremblent. "La voix lui tremble, etc. = N' être pas ferme, s' ébranler facilement. "Plancher, pont, qui tremble, quand on pâsse dessus. = En parlant des persones, craindre, avoir grand' peur. "Tout le monde tremble devant lui. "Ce Prince fit trembler toute l' Europe.
   Un énemi de plus ne me fait pas trembler.
       RHADAMISTHE.
  Il fera trembler de peur,
  Le Roi d' Espagne et l' Empereur.
      Voiture.
"Je tremble de peur qu' il ne veuille venir. "Tremblez qu' il ne viène vous surprendre. "Tremblez qu' elles (ces malédictions) ne vous acompagnent dans la tombe. Ling. Il régit, comme le verbe craindre, le subjonctif précédé de la négative ne. Il a, comme ce verbe, un aùtre régime, la prép. de et l' infinitif. "Il faut donc que je tremble de revoir Nelson. Marm. _ Racine lui fair régir la prép. à:
   Je tremble à vous nommer l' énemi, qui m' oprime.
       Mithridate.
Si la mesûre du vers l' avait permis, il aurait peut-être dit, je tremble de vous nommer. _ L' Ab. Prévot, qui n' avait pas la même excûse à aporter, a dit aussi: "Le vaisseau est en si mauvais état que je tremble à lui confier plus long-tems ce que j' ai de plus cher. Hist. des Voy. = V. n. sans régime. "Dès qu' on arme dans l' Europe, il n' y a point de petit État, qui ne doive trembler. VOLT. = * Dans les Provinces méridionales, on fait trembler actif: on dit, trembler la fièvre; il tremble la fièvre. L' Acad. dit, la fièvre le fait trembler; et c' est ainsi qu' il faut dire. Elle dit plus bâs on dit, populairement, trembler la fièvre. _ Voy. GRELOTER. = * Que ça fait trembler! est un pâsse-par-tout des Gascons. "La rivière a grossi que ça fait trembler. DESGR. Gasc. Corr.
   TREMBLANT, qui tremble: pâle et tremblant.
   Du timide orphelin, de la veuve tremblante,
   Dieu protège les droits.
       Le Franc.
   Au nom d' Iarbe seul, vos énemis tremblans
   Respecteront vos murs encore chancelans.
       Didon.
   Tremblante pour un fils, que je n' osois trahir,
   Je te venois prier de ne le point haïr.
       Phèdre.
"La tête, la main, la voix tremblante. = Pièce tremblante; on sous-entend, de boeuf; Pièce de boeuf si grôsse et si entrelardée de graisse, qu' elle tremble au moindre moûvement.
   TREMBLEMENT, agitation de ce qui tremble. "Il lui prit un grand tremblement. "Tremblement de nerfs. = Tremblement de terre, secousses qui ébranlent violemment la terre. * On trouve dans Maimbourg tantôt tremblement de terre, tantôt tremble-terre. Celui-ci est un mot de mauvaise fabrique: il n' a pas été admis par l' usage. = En Musique, sorte de cadence précipitée, qui se fait en chantant, ou en jouant de quelque instrument. = Fig. Grande crainte. Il s' emploie absolument et sans régime, et il n' est guère usité que dans cette phrâse consacrée: il faut opérer son salut, avec crainte et tremblement. = * Mde de Sévigné lui done le régime de crainte, le génitif (la prép. de) Un saint tremblement des Jugemens de Dieu; mais une confiance toute fondée sur les mérites de J. C. _ Ce régime est contre l' usage.
   TREMBLEUR, EûSE, celui, celle, qui tremble. Il ne se dit qu' au figuré: "C' est un trembleur, une trembleûse; excessivement craintif, timide. = Trembleurs, secte en Angleterre. Espèce d' Anabaptistes.
   TREMBLOTER, TREMBLOTANT, sont des diminutifs de Trembler, Tremblant. "Le froid le faisait trembloter. "Je le trouvai tout tremblotant de froid.

TREMÉE


*TREMÉE, Voy. TRÉMIE.

TRÉMEUR


*TRÉMEUR, s. f. Frayeur, terreur. Latinisme, employé par Mde de Sévigné. "On atend des nouvelles d' Angleterre avec trémeur. _ Le mot est imprimé en italique, aparemment par les soins de l' Éditeur.

TRÉMIE


TRÉMIE, s. f. [1re é fer. dern. e muet.] On dit Trémée en quelques Provinces; mais mal: le vrai mot est Trémie. C' est un vaisseau de bois, par où tombe le blé, au dessous de la meule du Moulin.

TRÉMOUSSEMENT


TRÉMOUSSEMENT, s. m. TRÉMOUSSER, v. réc. et n. TRÉMOUSSOIR, s. m. [Tré-mou-ceman, , soar: 1re é fer. 3ee muet au 1er, é fer. au 2d. _ L' ancien Trévoux ne mettait point d' accent sur le 1ere: dans le nouveau et dans les aûtres Dictionaires, on y met un accent aigu.] Trémousser est ordinairement réciproque. Se trémousser, se remuer d' un moûvement vif et irrégulier. Il ne danse pas; il ne fait que se trémousser. = Fig. st. famil. Se doner du moûvement, faire des démarches, prendre des soins. "Il se trémousse fort pour réussir dans cette afaire. "Trémoussez-vous, il faut vous trémousser. = Trémousser, est aussi neutre, en parlant des oiseaux. "Ces oiseaux trémoussent de l' aile. = Trémoussement, action de trémousser. Il ne se dit que des oiseaux: trémoussement des ailes. = Trémoussoir; machine de nouvelle invention, propre à se doner du moûvement et de l' exercice sans sortir de la chambre.

TREMPE


TREMPE, s. f. TREMPER, v. act. et n. [Tranpe, : 1re lon. 2ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Trempe est, au propre, l' action de tremper le fer. "Doner la trempe. "Cet ouvrier a ou fait une trempe admirable. = C' est aussi la qualité que le fer contracte, quand on le trempe. "Cette épée est de bone trempe: la trempe en est bone. "La trempe de cet acier est excellente. = Il se dit au figuré, mais tout au plus dans le style médiocre. "Corps d' une bone trempe, bien constitué: homme robuste. Esprit de, ou d' une bone trempe, esprit ferme et solide; et ainsi du caractère, de l' humeur. "Notre conduite et nos entreprises dépendent de la trempe de notre âme, et nos succès dépendent de la fortune. Volt. "Voilà ce qui me touche jusqu' au coeur, de voir des amis de cette trempe. SÉV. "Cela supôse une âme naturellement délicate et noble: il en est peu de cette trempe; et ce n' est pas un bon présage du changement, que vous m' anoncez, que d' atendre, au sein même du vice, le moment d' être vertueux tout d' un coup. Marm.
   Vous trouvez un esprit de la trempe du vôtre;
   Et vous n' eussiez jamais réussi près d' un aûtre.
       Piron, Métrom.
= * Trempe, adjectif, pour, trempé est un barbarisme provençal: je suis tout trempe. Voy. plus bâs TREMPÉ.
   TREMPER, mouiller, imbiber, en mettant dans une liqueur. "Tremper un linge dans l' eau; du pain, du biscuit dans du vin. _ Tremper la soupe, verser le bouillon sur les soupes de pain. = Tremper du fer, de l' acier, les plonger tout rouges dans une eau préparée, pour les durcir. Tremper son vin, y mettre beaucoup d' eau. _ Tremper ses mains dans le sang inocent, comettre un meurtre, ou seulement l' ordoner, le conseiller, ou y consentir.
   Et les chiens tremperont leurs langues altérées
   Dans les flots de leur sang.
       Le Franc.
= Tremper est aussi neutre; et au propre; ce linge trempe depuis deux jours; laisser tremper, faire tremper, mettre tremper (et non pas à tremper, comme disent plusieurs) et au figuré; participer, être complice;tremper dans une sédition, dans une conjuration, dans un crime. _ Il est de tous les styles. _ Racine lui fait régir le datif, qui l' acomodait mieux que la prép. dans:
   Trempe-t' elle aux complots de ses perfides Frères?
   TREMPÉ, ÉE, partic. et adj. "Être trempé, avoir son habit tout trempé, extrêmement mouillé. _ Tout trempé de sueur, qui a beaucoup sué.

TRENTAINE


TRENTAINE, s. f. TRENTE, TRENTIèME, adj. et subst. [Trantène, trante, trantiè-me: 1re lon. 2eè moy. au 1er, et au 3e, e muet au 2d.] Ils expriment un nombre contenant trois fois dix; le premier comme nombre collectif, le 2d comme nombre cardinal, le 3e comme nombre d' ordre ou ordinal. "Une Trentaine de louis, de chevaux, etc. "Trente hommes, trente écus. "Il est mort dans sa trentième année. = Subst. "Il, ou elle, est le ou la trentième dans la liste. "Il est intéressé dans cette afaire pour un trentième. = Trente est aussi substantif, dans le sens de trentième. "Le trente du mois, le trente de Mai.
   Rem. On dit trente et un et non pas trente un; mais on dit, trente-deux, trente-trois, etc. sans et. Rich. Acad. Port.

TRÉPAN


TRÉPAN, s. m. TRÉPANER, v. act. [1re é fer. 3e é aussi fer. dans le 2d.] Le trépan est un instrument de Chirurgie, avec lequel on cerne en rond, et on enlève un morceau de crâne. = On le dit aussi de l' action de trépaner, et de l' opération qui se fait avec le trépan. = Trépaner, faire l' opération du trépan. "On l' a trépané: il falut le trépaner.

TRÉPâS


TRÉPâS, s. m. *TRÉPâSSEMENT, s. m. TRÉPâSSER, v. n. [Trépâ, pâceman, pâcé: 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Trépâs, Mort, Décês (synon.) Le premier est poétique; le second est du style ordinaire; le troisième tient un peu de l' usage du Palais. Mort se dit de toute sorte d' animaux; trépâs et décês ne se disent que de l' Homme. "Un trépâs glorieux est préférable à une vie honteûse. "La Mort est le terme comun de tout ce qui est animé sur la Terre. "Toute succession n' est ouverte qu' au moment du décês. GIR. Synon. _ On dit poétiquement et dans le discours soutenu; afronter, mépriser le trépâs. Un glorieux trépâs. "Les horreurs du trépâs.
   Son secours me fortifie
   Et me fait trouver la vie
   Dans les horreurs du trépas.
       Rousseau.
  *TRÉPâSSEMENT. Suivant le Dict. de Trév. (en 1704) il ne se dit sérieûsement que de la mort de la Ste Vierge. On ne le dirait pas aujourd'hui. _ Il est vieux. Acad.
   TRÉPâSSER, mourir. Il n' est que du style familier, et ne se dit que des persones qui meurent de leur mort naturelle. "Il trépâssa sur le minuit. "Il y a deux heures qu' il est trépâssé, Acad. et non pas qu' il a trépâssé, comme disent plusieurs. = Il n' est guère d' usage. Acad. On dit plutôt, il mourut, il est mort. Il est toujours bon dans le style plaisant.
   On vous croiroit brouillé, Monsieur, avec la vie.
   Vous ne venez, dit-on, ici vous enfoncer,
   Que pour vous y laisser lentement trépasser.
       Sidney.
= Trépâssé, s. m. Il n' est d' usage que dans ces phrâses: il est pâle comme un trépâssé: Priez Dieu pour les trépâssés. L' Acad. ajoute: Le jour des Trépâssés: On dit plus ordinairement: Le jour des Morts.

TRÉPIED


TRÉPIED, s. m. [Tré-pié: 2 é fermés.] Ustensille de cuisine, qui a trois pieds, d' où lui vient son nom. = Parmi les anciens Païens, siège à trois pieds, sur lequel la Prêtresse de Delphes rendait ses oracles.

TRÉPIGNEMENT


TRÉPIGNEMENT, s. m. TRÉPIGNER, v. n. [Trépigneman, : 1re é fer. mouillez le g; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Ils expriment l' action de batre des pieds contre terre, en les remuant d' un moûvement promt et fréquent. Il se dit proprement des chevaux, et par extension des hommes. "Voyez-vous comme il trépigne des pieds. Il ne fait que trépigner en dansant. Il trépigne de colère. _ Souvent il ne signifie que témoigner de l' impatience. "Il trépignait; il ne pouvait soufrir qu' on le fît atendre si long-tems. = Trépignement, l' action de trépigner. "Le trépignement des piés est souvent un signe de colère ou d' impatience.

TRèS


TRèS OU TRêS. [Il semble que l' accent circonflexe est plus convenable à cette particule que l' accent grâve, puisque l' ê y est ouvert et long: trê, et devant une voyèle, trêz.] Cette particule est en français le signe du superlatif absolu. "Bon, meilleur, três-bon. Mauvais, pire, três-mauvais: il est três-aimable, etc. = Três, fort, bien, (synon.) Le premier ne se dit que dans le sens naturel et litéral: cet homme est três-sage; les deux aûtres peuvent être employés dans un sens ironique; avec cette diférence que fort convient mieux lorsque l' ironie fait entendre qu' on pèche par défaut; et que bien est plus d' usage, lorsque l' ironie fait entendre qu' on pèche par excês. "C' est être fort sage (c. à. d. peu sage) que de quiter ce qu' on a pour courir aprês ce qu' on n' a pas. "C' est être bien patient. (c. à. d. trop patient) que de soufrir des coups de bâton, sans en rendre. GIR. synon. L' Auteur parle ici le langage du monde.
   REM. Três ne s' associe guère bien avec les participes, sur-tout avec ceux des verbes réciproques. "Il s' en est três-ocupé: "Cette nouvelle s' est três-répandûe. "Le nombre des Lettres est très-augmenté dans cette édition (des Lettres de Mde de Sévigné). Avertissement. Gènes étoit toujours très-menacée par les Piémontais. Volt. _ Il faut se servir de beaucoup, fort ou tel aûtre adverbe équivalent. = * Jusqu' à présent, on n' avait employé la particule três que dans les phrâses afirmatives; et on se servait de fort dans les phrâses négatives: il est três-exact: il n' est pas fort exact. Depuis peu, on dit et l' on écrit même três au lieu de fort. "Il n' était pas très-exact. Hist. d' Angl. "Quoique le Pape Grégoire ne fût pas très-vieux. Ibid. _ Cette mode (car c' en est une) a gagné tous les amateurs du néologisme, et jusqu' aux Journalistes qui lui déclarent la guerre. On ne voit dans des écrits de tout genre que des phrâses pareilles aux suivantes. "Cela n' est pas très-sur, très-vrai. "Il n' est pas très-aimable, très-véridique. "Cet ouvrage n' est pas très-bien écrit. "Il n' est pas très-étonant que, etc. Mercûre. "L' Auteur n' est pas doué d' une critique très-profonde. Ibid. "Cet effet, qui me paroit très-naturel, ne me paroit pas très-nouveau. Lalande. etc. etc. Je ne sais si l' usage adoptera cette façon de parler, mais elle a encôre, à mon avis, quelque chôse de sauvage ou de précieux, comme on voudra. Cette nouveauté n' est ni nécessaire, ni utile, et elle choque les oreilles délicates et acoutumées au langage de nos bons Écrivains.
   TRêS ne régit pas les substantifs: * Nous étions partis très-matin de cette Ville, dit Marivaux. Il faut dire, de três-grand matin.

TRÉSOR


TRÉSOR, s. m. TRÉSORIER, s. m. TRÉSORERIE, s. fém. [Trézor, zo-rié, reri-e: 1re é fer. 3e é fer. au 2d, e muet au 3e, dont la 4e lon. 5e e muet.] Trésor, amâs d' or, d' argent ou d' aûtres chôses précieûses, mis en réserve. Riche trésor, trésor inépuisable. = Dans la plupart des Églises, on apèle Trésor le lieu où l' on garde les reliques, l' argenterie, les vases sacrés, les riches ornemens. = C' est aussi, dans une Comunauté, le lieu où l' on garde les titres, les papiers. = Fig. Dans le langage de l' Écritûre, des trésors de colère; le trésor des Miséricordes de Dieu. _ Et dans le langage ordinaire, ce qui est d' une excellence ou d' une utilité singulière. "Un véritable ami est un trésor. Un bon domestique est un trésor dans une maison. = Trésorier, Oficier établi pour recevoir et pour distribuer les deniers du Roi, d' un Prince, d' une Comunauté, etc. = Celui qui est pourvu d' une dignité éclésiastique, qu' on apèle Trésorerie, et qui presque par--tout a succédé à un ofice claustral. C' est aujourd'hui une dignité sans fonctions. = Trésorerie ne se dit que de cette dignité, et dans certains lieux de la maison afectée au logement du Trésorier.

TRESSâILLEMENT


TRESSâILLEMENT, s. m. TRESSAILLIR, v. n. [Trè-sâ-glie-man; trè-sa-glir: 1re è moy. 2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er: mouillez les ll.] Tressaillir a au présent singulier de l' indicatif et du subjonctif: je tressâille, tu tressâilles, il tressâille, et non pas je tressaillis, et encôre moins je tressaus, comme dit Richelet. _ Au pluriel de l' indicatif, nous tressaillons, etc. Au subjonctif, nous tressaillions À~ l' imparfait de l' indicatif, je tressaillois, ou, tressaillais, etc. et non pas, je tressaillissois. _ Au futur, on dit, je tressaillirai, ou tressaillerai. Trév. _ L' Acad. dit le 1er; le 2d parait plus conforme à l' analogie des verbes de cette dernière terminaison, je cueillerai, recueillerai, etc.
   Je tressaillerai d' allégresse.
       Le Franc.
= Ce verbe se troûve rârement dans de bons Auteurs aux trois premières persones du présent de l' indicatif. M. Perraut a dit aûtrefois, il tressaut, il dresse l' oreille; et Voitûre, il tressaillit.
   En disant Louis de Bourbon,
   Elle tressaillit tout de bon.
J. J. Rouss. et M. Marin ont employé celui-ci. "Il tressaillit, prend cette main, la porte à son coeur. Pigmalion. "Ses yeux se baignent de de larmes avec une mère dans la douleur. Son coeur tressaillit de joie, lorsqu' un ami lui fait part de ses succès. l' Homme Aimable. Nous avons tort l' un et l' autre. MARIN. _ Mde de G... dit, tressaille. "Il fait un mouvement pour s' approcher de Zirphée: elle tressaille et fait quelque pas pour le fuir. Th. d' Éduc. = Tressaillir, être subitement ému par une agitation vive et passagère. "Il tressaille de joie. "À~ l' aspect de ce monstre, elle tressaillit de peur.
   D' aise, en lisant vos vers, je la vois tressaillir.
       PIRON, la Métrom.
  Pleine d' horreur et de respect,
  La Terre a tressailli sur ses voûtes brisées,
  Les monts, fondus à son aspect,
  S' écroulent dans le sein des ondes embrasées.
       Rousseau.
  Et les fondemens de la terre,
  Par ta course ébranlés, ont tressailli d' horreur.
      Le Franc.
= Nerf tressailli, déplacé. = Tressâillement; émotion subite d' une persone qui tressaille. "Il est sujet à des tressâillemens. "Tressâillement de nerfs. = * Ceux qui disent nous tressaillissons, je tressaillissois: disent aussi tressaillissement; mais on dit tressâillement, et c' est une nouvelle preûve qu' on doit dire, je tressâille, nous tressaillons, je tressaillais.

TRESSE


TRESSE, s. f. TRESSER, v. act. TRESSEUR, EûSE, s. m. et fém. [Trèce, trècé, ceur, ceûze: 1re è moyen, mais plus ouv. au 1er qu' aux aûtres; 2e e muet au 1er, é fer. au 2d, lon. au dern.] Tresse; tissu plat, fait de petits cordons, fils, cheveux, etc. pâssés l' un sur l' aûtre. "Tresse de cheveux, de soie, etc. Faire une tresse. = C' est aussi des cheveux assujétis sur trois brins de soie, dont les Perruquiers composent les perruques. = Tresser, cordoner en tresse. "Tresser des cheveux, etc. = Tresseur, eûse, celui, celle qui tresse des cheveux, pour en composer une perruque.

TRETEAU


TRETEAU, s. m. [Treto: 1re e muet. Plur. treteaux: pron. tretô: l' ô est long.] Le Rich. Port. met tréteau: un des Auteurs des Let. Édif. écrit traiteau: l' une et l' aûtre ortographe est contraire à la prononciation et à l' usage. = Pièce de bois longue et étroite, portée sur quatre pieds, et qui sert à soutenir des tables, des échafauds, des théâtres, etc. On dit d' un bâteleur, qu' il a monté sur les treteaux; et d' un plat boufon, d' un mauvais Comédien, qu' il n' est bon qu' à monter sur des treteaux.

TRèVE


TRèVE, s. fém. [1re è moy. 2e e muet.] Cessation d' hostilités pour un certains tems, par convention faite entre deux États qui sont en guerre. Demander, acorder une trève. Prolonger la trève. Rompre, enfreindre la trève. = Fig. relâche. "Son mal ne lui done point de trève. "Donez quelque trève à votre esprit. * Rollin dit, ne voir ni fin ni trève, c. à. d. ni cessation, ni diminution. "Ils ne voyoient ni fin, ni trève à leurs maux. On dit ordinairement, ni paix, ni trève. "Son mal ne lui done ni paix, ni trève. Acad. _ Avec faire, il régit la prép. à et s' emploie sans article. "C' est une bonté de la Providence que nous fassions trève aux tristes réflexions qui seroient en droit de nous acabler journellement. Sév. = Trève est aussi une espèce d' adverbe, qui a le sens de l' adverbe point. "Trève de cérémonies, de complimens, de râillerie, de comparaison.
   ......Oh! trève de morale!
   La vengeance est un bien qu' à mes yeux rien n' égale.
       Palissot.
Il régit de: dans l' Ann. Litt. on lui fait régir à: "Trève pour un moment aux discussions Litéraires. On sous-entend faisons, et alors ce régime est régulier.

TREUVER


*TREUVER, v. act. Vaugelas était d' avis que trouver et treuver étaient tous deux bons; mais que le premier était sans comparaison le meilleur. Ménage pensait de même. Les Poètes, pour la comodité de la rime, se servaient tantôt de l' un, tantôt de l' aûtre.
   Non, l' amour que je sens pour cette jeune veuve
   Ne ferme point mes yeux aux défauts qu' on lui treuve.
       Misantr.
Depuis long-tems on ne dit plus treuver, ni en prôse, ni en vers, excepté le Peuple en quelques Provinces.

TRIACLEUR


TRIACLEUR, s. m. Il est vieux dans le sens litéral. Vendeur de thériaque, Charlatan. _ Dans le sens fig. famil. Homme qui parle beaucoup, qui se vante, qui fait le Charlatan, pour tromper.

TRIAGE


TRIAGE, s. m. *TRIâILLE, s. fém. [mouillez les ll au 2d.] Triage se dit de l' action de trier, de choisir, et de la chôse triée, choisie. Faire le triage: voilà un beau triage. = * Triâille, rebut de ce qu' on a choisi, trié, est un gasconisme. Cartes de triâille; de la triâille de café.

TRIANGLE


TRIANGLE, s. m. TRIANGULAIRE, adj. [Tri-angle, gulère: 2e lon. 4eè moyen et long au 2d.] Triangle, figûre qui a trois côtés et trois angles. = Triangulaire, qui a trois angles. Figûre triangulaire.

TRIBU


TRIBU, s. f. Une des parties dont un peuple est composé. On ne le dit guère que des peuples anciens. "Le peuple d' Athènes, de Rome était divisé par tribus. "Les tribus d' Israël. "La tribu de Juda, etc.

TRIBULATION


TRIBULATION, s. f. [Tribula-cion, en vers, ci-on.] Afliction, adversité. "Dieu éprouve ses élus par des tribulations. = Ce mot ne se dit que dans le style de la Religion. "Vous l' avez déjà tiré d' un lieu d' horreur, d' un lieu de larmes, de tribulation et d' amertume. Patru.

TRIBUN


TRIBUN, s. m. TRIBUNAL, s. m. TRIBUNAT, s. m. TRIBUNE, s. fém. TRIBUNITIENNE, adj. fém. [Tri-beun, bunal, na, ne, niciène: 4eè moyen au dern.] Tribun, chez les Romains, était, 1°. un des Magistrats chargés de défendre les intérêts des Plébéiens. = 2°. C' était le nom des Oficiers qui comandaient en chef un Corps de gens de guerre. "Le Tribun de la première Légion. = Tribunat, Charge du Tribun (n°. 1°.) Briguer le Tribunat. = Le tems de l' exercice de cette Charge. Durant son tribunat. = Tribunal et Tribune nous viènent des Romains. L' un était le siège du Juge, du Magistrat; l' aûtre un lieu élevé, d' où les Orateurs Grecs et Romains haranguaient le Peuple. = Aujourd'hui Tribunal se dit de la Juridiction d' un ou de plusieurs Magistrats. "Il m' a traduit devant tous les Tribunaux de France. = On dit fig. le Tribunal de Dieu; le Tribunal de la Pénitence, ou de la Confession; le Tribunal de la conscience.
   Vengeur terrible, mais juste,
   Viens changer mon triste sort.
   De ton Tribunal auguste
   Partent la vie et la mort.
       Le Franc.
= Tribune est, parmi nous, un lieu élevé dans une Église, où l' on place ordinairement les Musiciens. = C' est aussi un lieu plus ou moins élevé au-dessus du rez-de-chaussée de l' Église, où d' aûtres persones se mettent pour entendre le service divin plus comodément. = Puissance tribunitienne, celle du Tribun; son autorité. "La Puissance tribunitienne faisait une partie essencielle du pouvoir des Empereurs Romains.

TRIBUT


TRIBUT, s. m. TRIBUTAIRE, adj. et subst. [Tribu, butère: le t final ne se prononce point dans le premier; 3e è moyen et long dans le second.] Tribut est, 1°. ce qu' un État paye à un aûtre de tems en tems, pour marque de dépendance. "Les Valaques et les Moldaves payent tribut au Grand-Seigneur. = 2°. Impôt qu' un Prince lève dans ses propres États. Imposer, lever un tribut. Payer le tribut. = 3°. Fig. "L' estime, le respect est un tribut dû à la vertu, au mérite, etc.
   Vous avez vu tomber les plus illustres têtes,
   Et vous pourriez encore, insensés que vous êtes,
   Ignorer le tribut que l' on doit à la Mort.
       Rousseau.
Rem. Parmi les Auteurs, les uns disent, payer le tribut à, les aûtres, payer tribut, sans article; le premier me parait le meilleur. "Tout le monde a eu des rhumatismes, ou des fluxions de poitrine: choisissez... Il falloit payer le tribut d' une façon ou d' une aûtre. Sév.
   Mais à l' humanité, si parfait que l' on fût,
   Toujours par quelque foible on paya le tribut.
       PIRON. Métrom.
  Mais la haute naissance est un rang importun,
  Elle impose aux grands noms un tribut dificile.
  Il faut être Pyrrus quand on est fils d' Achile.
       Le Franc.
"Les Princes me payoient tribut pour pouvoir faire des sotises en sûreté, dit Aretin dans les Dial. de Fonten. "On découvre quelques détails, où l' Orateur paye tribut au mauvais goût de son siècle. Ann. Lit.
   Le savant doit payer tribut à l' ignorance;
   Toujours quelque défaut obscurcit ses écrits.
       Du Resnel.
L' Acad. dit une fois payer tribut, et trois fois, payer le tribut. = Avec d' aûtres verbes, il faut toujours mettre l' article, ou le pronom un. _ D' Ablancourt dit: il ne tiroit point tribut de son savoir: Corneille, ofrir tribut, imposer tribut, etc. Il faut dire: il ne tirait aucun tribut: ofrir, imposer un tribut, etc. = Tribut est beau au figuré: "L' estime publique, ce tribut de gloire qu' on paye à la sagesse et à la vertu ne sont donc rien à tes yeux? Jér. Dél. "La gloire est le fruit pénible du tems, et souvent le tribut tardif de la postérité. Thomas. "Ô malheureuse Tyr! en quelles mains est-tu tombée? Autrefois la Mer t' aportoit le tribut de tous les Peuples de la Terre. Télém.
   Quel art a pu former ces enceintes profondes,
   Où l' Euphrate égaré porte en tribut ses ondes.
       Voltaire.
= Payer le tribut à la Natûre, mourir. Payer le tribut à la Mer, être malade la première fois que l' on s' embarque.
   TRIBUTAIRE, qui paye le tribut. Il régit de. "Les Moldaves sont tributaires du Grand-Seigneur. _ Subst. "Il se dit élégamment au figuré:
   Nous naissons tous, foibles hommes,
   Tributaires des douleurs.
       Rousseau.
  Un Marquis de hazard, fait par le Lansquenet,
  Qui croit de ses apas les femmes tributaires.
       Le Joueur.