Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI PRÉNOM


PRÉNOM, s. m. [Prénon: 1reé fer.] Nom, qui, chez les Romains, précédait le nom de famille. On distinguait le prénom, le nom et le surnom. Ainsi l' on disait, Caïus Julius C‘sar: Marcus Tullius Cicero.

PRÉOCUPATION


PRÉOCUPATION, s. f. PRÉOCUPER, v. a. [Pré-okupa-cion, kupé; 1reé fer.] Prévention d' esprit. Prévenir l' esprit de quelqu' un. "Il faut se défendre de toute préocupation, juger sans préocupation. "Je crains qu' on ne lui préocupe l' esprit. "Il ne faut pas qu' un juge se laisse préocuper. "Les esprits foibles se préocupent aisément. Ils se prènent toujours en mauvaise part. = Préocupation, prévention, préjugé (synon.) La 1re ôte la liberté de l' esprit; la 2e ôte l' impartialité du jugement; le 3e ôte le doute raisonable. La préocupation rend sourd et intraitable: la prévention rend partial et même aveugle: le préjugé~ rend indocile et opiniâtre... La jalousie est une préocupation continuelle: l' amour est une furieuse prévention: l' incrédulité n' est, pour l' ordinaire, qu' un préjugé conçu de mauvaise foi, etc. Extr. des Syn. Fr. de M. l' Abé Roubaud.

PRÉOPINANT


PRÉOPINANT, s. m. PRÉOPINER, v. n. [1re é fer. dern. lon. au 1er, é fer. au 2d.] Ils ne se disent que dans cette phrâse: être de l' avis du préopinant, de celui qui a préopiné, qui a opiné le 1er.

PRÉPARATIF


PRÉPARATIF, s. m. PRÉPARATION, s. f. PRÉPARATOIRE, adj. PRÉPARER, v. act. [Préparatif, ra-cion, ra-toâ-re, ré: 1re é fer. 3e é fer. aussi au dern. 4e lon. au 3e.] Préparer, c' est apréter, disposer, mettre en état de... Préparer une maison, un dîner, une médecine, etc. un discours, une harangue. Préparer des enfans, ou se préparer à faire la première Communion. _ Se préparer au combat, à un voyage, à la mort. = Se préparer se dit aussi des chôses. "Voilà un orage qui se prépare. Le tems se prépare à être beau. = Préparatif et préparation ont, à peu prês le même sens, celui d' aprêt; mais ils n' ont pas le même emploi: on dit, faire des préparatifs, de grands préparatifs pour une fête, pour un festin; et la préparation d' un remède: parler, précher sans préparation: toute la vie d' un Chrétien doit être une préparation à la mort. Ces exemples montrent assez la diférence de ces deux mots dans leur emploi. = Préparatoire, qui prépare. Il ne se dit qu' au Palais: procédûre, sentence préparatoire. = * Bossuet l' emploie substantivement. "Il n' y a qu' à venir au fond, et laisser tous ces préparatoires. On dit, tous ces préludes, tous ces préambules.
   REM. Se préparer, régit à devant l' infinitif. Le P. Barre met de à sa place. "L' Empereur se préparoit de faire la guerre à la France. Hist. d' Allem. Il falait, se préparait à faire, etc. = Le passif a le même régime, mais il est moins usité. Un Auteur, qui n' est ni ancien ni moderne, substitûe la prép. de à la prép. à. "Elle étoit préparée de ne participer point plutôt aux grâces de l' Église, que de changer de dessein. Vie de St. Pierre d' Alc. Il falait dire, elle étoit résolue, etc. Plutôt est dailleurs mal placé en cette phrâse. = Se préparer se dit des chôses sans régime. "De plus grands maux se préparoient encôre.

PRÉPONDÉRANT


PRÉPONDÉRANT, ANTE, adj. [1re et 3e é fer. 2e et dern. lon.] Qui a plus de poids qu' un aûtre. Voix prépondérante, qui l' emporte, en câs de partage. Dans plusieurs compagnies, chapitres, comunautés, la voix du chef est prépondérante. * Quelques-uns disent pondérative. Celui-ci est un barbarisme.

PRÉPOSER


PRÉPOSER, v. act. [Prépozé; 1re et dern. é fer. devant l' e muet l' o est long: il prépôse, prépôsera, etc.] Comettre, établir avec pouvoir de faire, etc. Il régit à ou pour. "On l' a préposé à la conduite des ouvrages, à la régie de cette ferme, pour l' administration de la justice. = L' Acad. dit aussi préposer sur. "Pharaon préposa Joseph sur toute l' Égypte. Elle réunit tous ces régimes dans la phrâse suivante. "Les Evêques sont préposés sur l' Église de Dieu, à la conduite de l' Église de Dieu, pour gouverner l' Église de Dieu.
   PRÉPOSÉ, adj. et subst. masc. "Oficier préposé à la garde de, etc. Comis préposé à recevoir les droits. = C' est un des préposés.

PRÉPOSITION


PRÉPOSITION, s. f. [Prépozi-cion: 1re é fer.] Particule indéclinable, qui se met devant le mot qu' elle régit. C' est même de cette place que les prépositions ont tiré le nom qu' elles portent. = Il y a des ocasions où il faut répéter les prépositions~, et c' est sur--tout lorsque le sens est comparatif. "Il n' y a point de Capitaine pour qui j' aie plus d' estime que pour César. Si l' on disait, que César, sans répéter pour, on ne parlerait ni correctement ni nettement. Il faut dire de même: Il n' y a pas de Poète à qui je ne m' atache plus volontiers qu' à Horace; il n' y a pas d' homme sur qui je compte plus que sur lui. = Cette règle est si véritable, qu' on doit mettre la préposition de la seconde partie de la comparaison, quoiqu' elle ne soit pas exprimée dans la 1re, pourvu qu' il y ait quelque chôse qui en tiène la place; par exemple: il n' y a pas de vérité, dont on puisse moins douter que de celle-là: il n' y a point de pays, où je me plaise mieux que dans la France. Là dont renferme de; point de vérité, de laquelle; et où renferme dans, point de pays, dans lequel, etc. = Les prépositions régissent les noms et sont régies par les verbes, qu' elles suivent ordinairement. En vers et dans la prôse poétique, elles peuvent les précéder, et paraitre même à la tête de la phrâse.
   Mais contre elle il est tems de venger tes enfans.
       L. Racine.
  Sous d' orgueilleux vainqueurs, quand les villes succombent.
      Idem.
Dans la prôse ordinaire, on dirait: il est tems de venger tes enfans contre elle. Quand les villes succombent sous d' orgueilleux vainqueurs. = Il y a des prépositions qui en régissent d' aûtres. Telles sont de, excepté, hors. _ De peut régir aprês, avec, en, entre, chez, par: je parle d' aprês un bon Auteur; ne pas bien distinguer une chôse d' avec une aûtre; il faut que la partie d' enhaut domine sur celle d' en bas; je sors de chez lui; de par le Roi. _ Excepté et hors, dans le sens d' excepté, peuvent régir toutes les autres prépositions. "J' ai joué contre tous, excepté contre vous; hors avec vous; j' ai été par-tout excepté chez vous, dans toutes les maisons, hors dans la votre, etc. etc. Wailly.
   On apèle encôre prépositions des syllabes, qui s' ajoutent aux verbes simples, pour en faire des verbes composés, et par le moyen desquelles ces verbes ont diférentes significations. _ Les plus comunes sont: = Ad ou A; mettre, admettre, prendre, aprendre. = Con, com, contre: courir, concourir; batre, combatre; venir, contrevenir. = De, dis: faire, défaire; paraitre, disparaitre. = E, en, em, entre, ex: puiser, épuiser; traîner, entraîner; porter, emporter; prendre, entreprendre; traire, extraire. = In, im, inter: disposer, indisposer; poser, imposer; rompre, interrompre. = Me, mau: conaitre, méconaitre _ dire, maudire. = Ob: tenir, obtenir. = ; Par, per, pré, pro, pour: venir, parvenir; mettre, permettre; munir, prémunir; poser, proposer; suivre, poursuivre. = Re, ré: comencer, recomencer; former, réformer. = Se, sou, sur, sus: courir, secourir; tenir, soutenir; prendre, surprendre; pendre, suspendre. = Trans: porter, transporter.

PRÉRIE


PRÉRIE. Voy. PRAIRIE.

PRÉROGATIVE


PRÉROGATIVE, s. f. [1re é fer. 4e lon. 5e e muet.] Privilège, avantage ataché à certaines fonctions, à certaines dignités, etc. = Prérogative, privilèges (synon.) La prérogative regarde les honeurs et les préférences personelles; elle vient principalement de la subordination ou des relations, que les persones ont entre elles: le privilège regarde quelque avantage d' intérêt ou de fonction; il vient de la concession du Prince, ou des statuts de la société. "La naissance done des prérogatives: les charges donent des privilèges. Gir. Syn.

PRêS


PRêS, prép. [Prê, ê ouv. et long; devant une voyèle, prêz.] Cette préposition marque proximité, ou de tems: il est prês de midi; ou de lieu: prês l' Église; prês du feu, etc. = Elle est susceptible de degrés de comparaison: plus prês, le plus prês, três-prês. = Elle se joint à des adverbes, qui la précèdent: fort prês, trop prês, aussi prês, extrêmement prês. = Quand prês est prép. de lieu: elle régit le génitif ou l' acusatif: prês de vous, prés la ville; le 1er est le meilleur; et avec les persones, on n' emploie pas le second. Pour les verbes, il régit de et l' infinitif. "Il est prês de mourir; il n' est pas prês d' avoir achevé.
   Rem. M. Wailly, d' aprês l' Acad. remarque que prês et proche, dans le discours famil. peuvent n' être pas suivis de la prép. de, (ou autrement peuvent régir l' acusatif) quand ils ont pour régime un substantif de plusieurs syllabes. Il loge prês ou proche le Palais royal. Mais ils prènent toujours de (ou autrement ils régissent le génitif) quand ils ont pour régime des monosyllabes; prês de lui, proche de vous.
   Prês est tantôt précédé, tantôt suivi de cette prép. de. "Ce qui est beau de loin, ne l' est pas toujours de prês. "Loin de vous je m' ennuie; prês de vous je suis content. Wailly. Il est à remarquer que quand de précède, prês est adverbe; et que quand de suit, prês est préposition. = Quelquefois, contre l' ordinaire des prépositions, il se met aprês le nom qu' il régit. "À~ cela prês, à peu prês. "Il est honête homme, à son humeur prês. "Ils sont d' acord, à deux louis prês. _ Dans ces ocasions, le nom régi se met aprês à et devant prês. "Selon tous les Historiens, à, Léti prês. D' Avr. c. à. d. excepté Léti. "Votre lettre est trop longue; elle vous a fatiguée: à cela prês, elle a bien tenu sa place dans nos tranquiles amusemens. Sév. = À~ cela prês est quelquefois suivi de la conjonction que; "Ne vous semble-t-il pas entendre le Dramaturge par excellence; à cele prês cependant, que Prousas parle en vers élégans, et que le Dramaturge est énemi par principe et par prudence de la Poésie. Ann. Litt. = Quelquefois~ aussi, il se dit sans régime; n' être pas à cela prês, ne se pas mettre en peine de. "Son mauvais goût se montre assez dans la préférence qu' il ôse doner à Sémiramis (de Voltaire) sur Athalie. Aux yeux de bien des Lecteurs, ce jugement aura l' air d' un blasphême, mais l' Orateur n' est pas à cela prês. Ann. Litt. c. à. d. cela n' empêche pas qu' il ne pâsse outre. Acad.
   Rem. Du tems de Vaugelas, plusieurs pensaient qu' à peu prês était une de ces façons de parler que l' usage autorisait contre la raison, et qu' il falait dire à fort prês, ou à plus prês, pour exprimer le sens qu' on avait en vue. Que ce sentiment fût fondé, ou non, il n' a pas fait fortune, et l' usage a toujours été de dire, à peu prês. "Je vous ai raporté à peu prês, à peu de chôse prês, la substance de cette harangue.
   À~ peu prês est souvent employé pour environ. "Je lui ai payé à peu prês cent écus. "Nous avons fait à peu prês dix lieûes.
   Prês ne s' acomode qu' avec peu et beaucoup, jamais avec plus et moins, ni même avec bien, signifiant beaucoup. On ne dit, ni à plus prês, ni à moins prês. Ôn dit; il n' est pas aussi savant à beaucoup prês, et non pas, à bien prês.
   Auprês de, pour au prix de. Voyez AUPRêS.
   Prês à prês est tantôt adverbe sans régime; il faut les semer prês à prês; tantôt préposition, régissant de. "Prês à prês l' un de l' aûtre.
   REM. Prês de et prêt à ont des sens diférens: le premier signifie, sur le point de: il est prês de partir; le second, préparé à: il est prêt à partir. Plusieurs Auteurs et des plus hupés, emploient le dernier dans les deux sens, mais avec la prép. de pour régime. "Lorsqu' elles se virent prêtes (prês) d' en être ataqués. Orig. des Lois. "Elle est prête d' acoucher. Sév. = M. de Voltaire, sur ce vers de Corneille:
   Si prês de voir sur soi fondre de tels orages.
prétend que prês de voir, n' est pas français, que prês de, veut absolument un substantif aprês lui et non pas un infinitif. M. de Volt. a tort... Prês de suivi d' un infinitif, se trouve dans nos meilleurs Écrivains; et ce qu' il y a de plus singulier, c' est qu' en voulant confirmer par des exemples la loi qu' il promulgue de son autorité, il en aporte un qui proûve précisément le contraire de ce qu' il prétend; car voici ses deux exemples: prês de la ruine, prês d' être ruiné. Ann. Litt. * Il dit ailleurs, prête de, pour prês de: "Le Roi avoit demandé la Bulle, pour prévenir un schisme: elle fut prête d' en causer un. Il falait, prês d' en causer. = Fénélon dit mieux: "Adraste, prês d' être surpris, fait semblant de retourner sur ses pas. Télém. = * M. Targe dit, prês à, ce qui est une faûte d' un aûtre genre: "Cet évènement alarma l' Empereur, qui se voyoit près à entrer en guerre avec les deux Courones. Hist. d' Angl. par Smollet. Il faut, prês d' entrer. * Crébillon dit prêt avec les deux régimes, de et à.
   Aussi prêts d' y périr, qu' à fondre sous les eaux.
Il faut, prês d' y périr et de fondre.

PRÉSAGE


PRÉSAGE, s. m. PRÉSAGER, v. act. [Pré--zage, zagé; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Signe par lequel on juge de l' avenir. "Cela est d' un heureux présage. "Cet accident fut regardé comme un présage de ce qui devait arriver. = Présager, dit des chôses, c' est indiquer, anoncer. "Cela ne nous présage rien de bon. _ Apliqué aux persones, conjecturer: je ne présage rien de mauvais de ce que vous me dites-là. * Un Auteur moderne fait présager neutre, et lui fait régir l' ablatif. Parlant d' un étranger, qui de Londres avait pâssé à Brest: "En quatre jours, dit-il, il avoit jugé les deux Nations, et présagé de la destinée de leurs armes. On dit: former des présages de, et présager la destinée.
   REM. Présage, augure (synon.) Il paroit que les augures s' entendoient des signes recherchés et interprétés suivant les règles de l' art augural et par les augures en titre d' ofice; et que les présages qui s' ofroient fortuitement, étoient interprétés par chaque particulier d' une manière plus vague et plus arbitraire. Le Gendre.

PRESBYTE


PRESBYTE, s. m. et f. [Prèsbite; 1re è moy. dern. e muet.] Celui ou celle qui ne voit que de loin, parce que le cristallin est aplati. Myope est tout le contraire.

PRESBYTÉRAL


PRESBYTÉRAL, ALE, adj. PRESBYTèRE, s. m. [Prèsbitéral, rale, bitère; 1re è moy. 3e é fer. aux deux prem. è moy. et lon. au 3e.] Presbytéral, est 1°. qui apartient à l' Ordre de Prêtrise: Bénéfice presbytéral, prébende presbytérale, qu' on ne peut tenir sans être prêtre. = 2°. Qui apartient au presbytère; c. à. d. à la maison destinée pour le logement du Curé dans une Paroisse. Maison presbytérale. "Le presbytère touche l' Église.

PRÉSCIENCE


PRÉSCIENCE, s. f. [Pré-cian-ce: 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Terme dogmatique. Conaissance de ce qui doit arriver. Il ne se dit que de Dieu. "La prescience de Dieu n' ôte pas la liberté de l' homme. = On ne dit point la prescience des Prophêtes.

PRESCINDER


*PRESCINDER, v. n. [Pré-cein-dé: 1er et dern. é fer. 2e lon.] Terme scolastique. Faire abstraction de. * Le P. Paulian écrit précinder sans s: c' est probablement une faûte d' impression. "On précinde ici du vent ou de toute autre caûse semblable, qui pousserait l' air extérieur dans la chambre. Let. sur l' Électricité.

PRESCRIPTIBLE


PRESCRIPTIBLE, adj. PRESCRIPTION, s. f. PRESCRIRE, v. act. et n. [Prèscriptible, krip-cion, crîre, 1re è moy. 2e. lon. au dern.] Prescrire, actif, c' est ordoner, marquer ce qu' on veut qui soit fait. "Prescrivez moi ce que vous voulez que je fasse. Prescrire des lois. Le Médecin lui a prescrit un régime rigoureux. _ Prescrire (assigner avec autorité) des bornes. "Je n' ai point pâssé les bornes que vous m' avez prescrites. _ Rouss. emploie le participe, absolument et sans régime relatif.
   Mais de son regne illimité,
   Les formes ne seront prescrites
   Ni par la fin des temps, ni par l' éternité.
Prescrites est là pour limitées. Je ne crois pas que l' usage l' admette en ce sens, même dans la haute poésie.
   Prescrire, neut. c' est, en termes de droit, aquérir un droit par une longue possession. On ne prescrit pas contre les mineurs. = Il est, en ce sens, quelquefois actif: prescrire un héritage, une dette.
   Prescription et prescriptible n' ont que cette seconde signification de prescrire. Action de prescrire. _ Qui peut être prescrit. "Aquérir, interrompre la prescription. _ Droit prescriptible. = * Prescriptions pour lois, ordres, ordonances, est un anglicisme. "L' ambition foule souvent aux piés toutes les prescriptions de la loi et de la justice.

PRÉSÉANCE


PRÉSÉANCE, s. f. [Dans ce mot, l' usage déroge à la règle, qui veut que l' s, placée entre deux voyèles, se prononce comme un z: suivant l' analogie, on devrait écrire presséance; 1re et 2e é fer. 3e lon. 4e e muet.] Droit de prendre place au-dessus de quelqu' un, ou de le précéder dans une assemblée, dans une cérémonie. Disputer la présséance à... Avoir la presséance sur...

PRÉSENCE


PRÉSENCE, s. f. PRÉSENT, ENTE, adj. PRÉSENT, s. m. [Prézance, zan, zante, zan, 1reé fer. 2e lon. 3e e muet.] Présence, est l' existence d' une persone dans un lieu. "La présence du Juge étone le criminel. "Honorez-nous de votre présence. _ En présence, régit ordinairement la prép. de: cela s' est pâssé en présence de plusieurs persones. _ En parlant des armées, on le dit sans régime. "Les armées étoient en présence, en vûe l' une de l' aûtre. _ Dans le langage ascétique, on l' emploie avec l' article: se mettre en la présence de Dieu, considérer Dieu comme présent à ce qu' on va faire: marcher en la présence de Dieu, faire atention à la présence divine, qui nous environe, nous voit, nous éclaire, etc. = La Bruyère dit aussi, en la présence des mystères. Voy. ASSAUT.
   Rem. Suivant La Touche, il signifie quelquefois l' air, les manières. "Il est d' une présence agréable. L' usage de ce mot est douteux dans cette acception: l' Académie ne le met pas. = On dit fort bien, avoir de la présence d' esprit, ou une grande présence d' esprit; faire et dire sur le champ ce qu' il y a de plus à propôs à faire et à dire.
   PRÉSENT, 1°. En parlant des chôses, se dit de ce qui est dans le tems où nous sommes: le tems, le siècle présent: le ministère, le gouvernement présent. "La douleur présente est toujours la plus sensible. _ Il s' emploie alors sans régime. = 2°. En parlant des persones, qui se rencontre au lieu, dont on parle; c' est l' oposé d' absent. Il régit alors le datif, ou dans, etc. "Ce témoin a été présent à l' action. "Dieu est présent à nos plus secrètes pensées. "J. C. est réellement présent dans l' Eucharistie.
   Rem. 1°. Cet adjectif ne doit être employé, qu' en parlant du tems où a vécu celui qui raconte. Rollin n' a pas fait cette atention. "Il ne paroit pas hors de propôs, dit-il, avant que d' entrer en matière, de tracer un portrait abrégé de l' état présent d' Athènes. Hist. Anc. Il devait dire, de l' état où était alors Athènes. Aûtrement on pourrait s' y tromper, et croire que l' Auteur va parler de l' état d' Athènes au 18e siècle. Voyez Jusqu' alors, au mot ALORS, un exemple d' une faûte en sens contraire. = 2°. Quelques-uns disent un poison présent, qui fait son éfet sur le champ. L' Acad. les autorise: elle met cette acception de ce mot dans son Dictionaire. C' est un latinisme: præsens venenum. Sen. = 3°. Ordinairement parlant, présent ne fait pas trop bien devant le substantif. "Quand les présentes passions, qui divisent les Nations, seront apaisées, dit Leibnitz. _ Les présentes passions ne vaut rien: les passions présentes ne vaudrait guère mieux. Il falait dire: quand les passions, qui divisent à présent les Nations seront apaisées. "C' est sur des mémoires fidèles... que je done la présente histoire, dit du Cerceau. Cette construction est vieille. = On dit seulement, en st. fam. Le présent porteur, le présent billet; aussi-tôt la présente lettre reçue. = On dit adverbialement, à présent, et pour le présent. Le 1er est de tous les styles: le 2d n' est que du st. fam. "Je n' y songe plus à présent. "Je vous en quitte dès à présent: il est à la campagne pour le présent. = À~ présent a une espèce de génitif: les Calvinistes d' à présent. * On disait autrefois, de présent. "Les Rois d' Espagne de présent, dit l' Acad. dans ses Sent. sur le Cid. _ De présent apartient au style des Notaires. "De présent résidant en tel lieu. = Du tems de M. Vaugelas, bien des persones ne pouvaient soufrir à présent: lui-même, quoiqu' il avoue que tout Paris le disait, que la plupart des meilleurs Ecrivains en usaient, conseille pourtant de dire plutôt, à cette heure, maintenant, présentement. Aujourd' hui à présent, est autant et plus usité que ces adverbes. Voy. PRÉSENTEMENT.
   PRÉSENT est aussi s. m. "Le pâssé, le présent et l' avenir. On le dit aussi des persones, mais en général et au pluriel, et dans cette seule phrâse. "Les présens délibèrent pour les absens. On ne dit, ni un présent, ni un des présens: il faut dire, un de ceux qui étaient présens. On ne dirait pas, même en parlant d' une action: les présens ont raporté que, etc. Il faudrait dire, ceux qui étaient présens, etc.
   PRÉSENT est un tems dans les verbes, qui marque qu' une chôse est ou se fait au tems où l' on parle: comme quand on dit: je suis malade: que voulez-vous? Que dit-il? nous voulons: nous disons que, etc. = On se sert encôre du présent en deux ocasions: 1°. Pour exprimer des chôses, qui sont vraies selon tous les tems: Dieu est tout-puissant: la vertu seule peut rendre les hommes heureux. 2°. Pour exprimer des chôses qu' on a coutume de faire, quoiqu' on ne les fasse pas dans le tems qu' on parle; comme: je joûe des instrumens: j' étudie les mathématiques, etc. = On s' en sert aussi quelquefois pour exprimer un futur três-proche. "Je vous suis, c. à. d. je vous suivrai bientôt: j' y vais. Le Roi part pour Compiegne, etc. = Précédé de si (suposé que) il a encôre la signification du futur. "Si mon frère vient, vous m' avertirez; c. à. d. quand mon frère viendra, suposé qu' il vienne. = Les Historiens mettent souvent le présent pour le pâssé: mais alors il faut que les verbes qui ont raport à ce présent, soient aussi au présent. Les phrâses suivantes ne sont pas correctes: "Le Centurion, envoyé par Mucien, entre dans le port de Carthage, et dês qu' il fut débarqué, il élève la voix. Il falait, et dês qu' il est débarqué, il élève, etc. "Ils vinrent en diligence et de grand matin, avant que le jour fût bien décidé; ils entrent avec violence dans le palais de Pison. Il falait dire, en employant par-tout le prétérit, ils entrèrent; ou en employant le présent: il viènent, et avant que le jour soit bien décidé, ils entrent, etc.
   Rem. Aûtrefois, comme on peut le voir dans la Gramaire de R. Étienne, les premières persones des verbes au singulier ne prenaient point d' s à la fin; on réservait cette lettre pour les secondes persones, et on mettait un t aux troisièmes (j' averti, je voi, tu avertis, tu vois, il avertit, il voit.) Par là chaque persone ayant sa lettre caractéristique, nos conjugaisons étaient plus régulières. Dabord les Poètes s' enhardirent à mettre une s à la première persone, afin d' éviter la fréquente cacophonie qu' elle aurait faite sans cela devant les mots, qui comencent par une voyèle, (je le di à vous, je li un livre, etc.) Comme ils n' avaient rien de semblable à craindre des verbes qui finissent par un e muet (j' aime, j' estime) parce que ceux-là s' élident, ce sont les seuls qu' ils laissèrent sans s. Insensiblement l' usage des Poètes est devenu si général, qu' enfin l' omission de l' s aux prem. persones des verbes, qui finissent par toute autre syllabe que l' e muet, a été regardée comme une négligence dans la prôse, et comme une licence dans les vers. Racine en fournit plusieurs exemples: je vous en averti rime avec parti: je reçoi, je croi; je voi rime avec emploi, avec moi. = Les Comentateurs de Vaugelas auraient dû faire observer que le verbe avoir est le seul de son espèce, qui n' ait pas subi la loi comune. On écrit toujours j' ai, quoiqu' on écrive je sais. D' OLIV. On peut remarquer aussi que c' est le seul, qui ne prène point de t à la 3e persone; excepté en Dauphiné, où l' on dit devant une voyèle, il at: "Il at apris, etc.

PRÉSENT


PRÉSENT, s. m. a un autre sens, qui n' a point de raport à présence et à présent adjectif. Don. Tout ce qu' on done par pûre libéralité. = Présent, Don, (synon.) le présent est moins considérable que le don: celui-là ne se dit guère que des chôses, qui se consument par l' usage, ou qui sont de peu de valeur: celui-ci se dit ordinairement de chôses d' un plus grand prix, et dont on transporte la propriété. "Il a fait présent à sa femme d' une belle montre: ils se sont fait un don mutuel de tous leurs biens. Extr.~ des Synon. de M. Beauzée.
   Rem. Présent ne régit pas le datif par lui même; mais seulement par le moyen des verbes, auxquels il est joint. On dit, faire, doner, ofrir des présents à, etc. Mais ne dites pas avec le traducteur de l' Histoire. d' Angl. "Ces prétextes apuyés de présens à Landais.... persuadèrent la Cour de Bretagne

PRÉSENTABLE


PRÉSENTABLE, adj. qui peut être présenté. Il n' est que du st. famil. et ne se dit qu' avec la négative. "Ce fruit, cette persone n' est pas présentable. "On n' avoit à leur reprocher autre chose que cette misère, qui les empêchoit d' être présentables. LING. _ Ce mot n' est pas dans les Dictionaires.

PRÉSENTATEUR


PRÉSENTATEUR, TRICE, s. m. et f. PRÉSENTATION, s. f. PRÉSENTER, v. act. [Présentateur, trice, ta-cion, té: 1re. é fer. 2e lon.] Présenter c' est 1°. en parlant des chôses, ofrir. "Présenter un bouquet, des fruits, du vin, de l' argent à. Présenter un fauteuil, un siége. _ Présenter à boire. _ Présenter la main, tendre la main pour aider à marcher. _ Présenter la chemise, la serviette au Roi etc. _ Présenter un placet, une requête aux Juges. _ En termes de guerre, présenter le mousquet, présenter les armes, se mettre en postûre de s' en servir. = V. n. Présenter à un bénéfice; désigner celui à qui le bénéfice doit être doné = 2°. En parlant des persones, introduire en la présence de. "On l' a présenté, ou il a été présenté au Roi. "Je vous prie de me présenter. = 3°. Se présenter se dit des chôses & des persones. "Ce palais se présente bien: il a une belle aparence. "Cet homme se présente bien, de bone grâce. Se présenter devant quelqu' un. "Toutes ces dificultés se sont présentées à mon esprit: ce nom ne se présente pas à ma mémoire. Dès que l' ocasion se présentera. = S' aparaitre: on dit qu' un fantôme se présenta à~ Brutus. = 4°. V. impers. "Il se présente beaucoup d' afaires: il s' est présenté diverses ocasions. "Il se présente une question à décider.
   PRÉSENTATION est l' action de présenter: mais le substantif n' a pas un emploi aussi étendu que le verbe. On ne le dit que de l' action de présenter au Parlement les lettres d' un Chancelier, d' un Gouverneur de province; de présenter à un bénéfice; de l' acte que prend un Procureur, qui se présente pour sa partie; et d' une Fête que l' Église célébre en l' honeur de la Ste. Vierge, et en mémoire de ce qu' elle fut présentée au Temple.
   PRÉSENTATEUR, TRICE, a un emploi encore plus borné: il ne se dit que de celui, de celle, qui a droit de présenter à un bénéfice.

PRÉSENTEMENT


PRÉSENTEMENT, adv. [prézanteman: 1re é fer. 2e. lon. 3e. e muet.] À~ présent, maintenant. "Maison à louer présentement. "Je viens de le quiter tout présentement. _ Il n' est que du st. famil. À~ présent et maintenant sont au contraire de tous les styles. Vaugelas préférait celui-là au premier de ceux-ci: l' usage a changé. = Il se met quelquefois, comme ces aûtres adverbes, à la tête de la phrâse. "Présentement il ne s' agit plus de, etc. PLUCHE. = Tout présentement est plus énergique; mais il n' est pas du beau style. "Je pars tout présentement, et je quitte avec regret cette solitude. Sév. Vous porterez tout présentement la peine dûe à l' injustice de votre père. Mde Dacier, Iliade. = On disait autrefois présentement que: il vieillit, et l' on dit, à présent ou maintenant que. "Présentement donc que j' ai résolu de ne plus combatre. Ibid. "Présentement que nous conoissons le goût des orientaux. Pluche. = L' Acad. ne met point présentement que.

PRESENTER


PRESENTER, Voy. PRÉSENTATEUR.

PRÉSERVATIF


PRÉSERVATIF, IVE, adj. PRÉSERVER. v. act. [Prézêrvatif, tive, prézêrvé: 1re é fer. 2e ê ouv. 4e lon. au 2d.] Préserver, garantir de, détourner un mal qui peut arriver. "Dieu m' a préservé d' un grand malheur. "Dieu nous en préserve. _ Il régit aussi de devant les verbes. Dieu me préserve d' en avoir la pensée. Remarquez que c' est un de ces verbes, qui s' emploient à la 3e persone de l' impératif sans la conjonction que
   M' en préserve le ciel! Qu' ici plutôt je meure!
On pourrait dire aussi avec la conjonction, que le ciel m' en préserve!
   PRÉSERVATIF, qui a la vertu de préserver. Remède préservatif = S. m. "C' est un souverain, un puissant préservatif contre le mauvais air, la peste, le poison. = L' adjectif ne se dit qu' en médecine. Le substantif s' emploie au figuré dans le langage comun. "Le travail, la tempérance sont un grand préservatif contre les tentations.
   *PRÉSERVATEUR, mot nouveau, employé par M. Linguet. "Voilà les principes préservateurs de leurs droits, qu' il faut leur inculquer. _ Ce mot est beau, et il manque à la langue.

PRÉSIDENCE


PRÉSIDENCE, s. f. PRÉSIDENT, DENTE, s. m. et f. PRÉSIDER, v. n. et act. [Pré--zidance, dan, dante, dé,: 1re é fer. 3e lon. aux 3 1ers, é fer. au dern.] Présider, c' est 1°. ocuper la première place dans une assemblée, avec droit d' en recueuillir les voix et de prononcer la décision. Il est ordinairement neutre et régit à. "Présider à une compagnie, à une assemblée. _ Il est quelquefois actif: celui, qui présidait la compagnie, répondit. _ Quelquefois il s' emploie sans régime: celui, qui présidait dit, etc. = Il régit aussi les persones: je suis son ancien, je le présiderai toujours; c. à. d. En l' absence de celui qui préside d' ordinaire, je présiderai à la compagnie, dont il est membre. = 2°. Avoir le soin, la direction. "La suprême intelligence, qui préside aux choses humaines, à la conduite de l' univers. "Ces lois sacrées, conûes dès les premiers tems de la monarchie, présidèrent à sa formation. "C' est lui, qui a présidé à la conduite de l' ouvrage. = * Rollin emploie singulièrement ce verbe. "Cette divinité, qui présidoit à la nation juive. Il voulait dire, qui la protégeait, qui vengeait l' injure faite à son temple. _ Dans ce 2d sens, présider ne régit point les persones. On dit mieux, dans le langage mithologique, que Junon préside aux nôces, Comus aux festins, Cérès aux moissons.
   PRÉSIDENCE est le droit de présider, la fonction de celui qui préside. "La présidence du Clergé, des États, etc.
   PRÉSIDENT, celui qui préside. "La Président du Clergé, de la Noblesse, des États. Le premier Président du Parlement, de la Chambre des Comptes. _ Président au Parlement. Président des Enquêtes. = Suivant Bouhours et Richelet, il faut dire Président au mortier, et non pas à mortier. Dans l' usage actuel, c' est tout le contraire. Wailli. Dans les premières éditions de son Dictionaire, l' Acad. sur le mot Président, disait Président à mortier; et au mot mortier, elle disait Président au mortier. Dans une autre édition, elle dit: Président à mortier, ou au mortier. Dans la dernière, elle ne dit plus qu' à mortier sous l' un & l' aûtre nom.
   PRÉSIDENTE, dans le sérieux, ne se dit que de la femme d' un Président. Mde la Présidente de, etc. Mde la première Présidente. Dans le style badin, plaisant, ou comique, ou critique, on peut le dire de celle qui préside. "Vous serez la Présidente de notre assemblée. Elle est le première Présidente de ce tripot, de cette Académie de jeu. = * On a dit, dans ce même style critique ou comique, présidental. "Si la première partie de la Sentence présidentale (du Président de Montesquieu) est évidemment faûsse, la seconde n' est pas plus vraie. Briatte.

PRÉSIDIAL


PRÉSIDIAL, ALE, adj. et subst. PRÉSIDIALEMENT, adv. [Prézidi-al, ale, ale--man: 1re é fer. 5ee muet. Plur. mascul. Présidiaux.] Présidial, s. m. Juridiction de certains Bailliages ou Sénéchaussées Royales, qui jugent en dernier ressort dans certains câs et pour certaines sommes. "Conseiller au Présidial. "Bien des gens voudraient que les présidiaux fussent plus multipliés. "Quand il y a plusieurs Présidens dans un présidial, le premier s' apelle, Président premier, et non pas premier Président. = Adj. Jugement présidial, Sentence présidiale. = Juger présidialement se dit dans les câs où un Présidial juge en dernier ressort et sans apel.

PRÉSOMPTIF


PRÉSOMPTIF, IVE, adj. [Présonptif, tive: 1re é fer. 2e lon. 3e lon. au 2d. _ Plusieurs prononcent présontif, et on l' a ainsi marqué dans le Dict. Gramm. Cette prononciation n' est pas autorisée.] On ne le dit qu' avec héritier, héritière. Celui, celle qui est regardé comme le plus proche héritier, la plus proche héritière, de sorte pourtant qu' il peut venir des enfans qui peuvent l' exclure. "Henri IV était l' héritier présomptif de Henri III, comme François I l' avait été de Louis XII; mais si l' un ou l' aûtre de ces Princes avaient eu des enfans mâles, Henri IV et François I auroient été exclus de la succession au trône de France.

PRÉSOMPTION


PRÉSOMPTION, s. f. PRÉSOMPTUEUX, EûSE, adj. PRÉSOMPTUEûSEMENT, adv. [Pron. prezonp-cion, prézonp-tu-eû, eû-ze, eû-zeman; et non pas prézoncion, etc. 1reé fer. 2e lon. 4e lon. aussi, 5ee muet.] Présomption a deux sens: 1°. Conjectûre; jugement fondé sur des aparences, des indices. "La présomption est, ou, il y a de grandes présomptions contre lui. "Ce que vous dites là n' est pas une preûve, ce n' est qu' une présomption, une légère, une faible présomption. "Les jugemens téméraires sont ceux qui ne sont fondés que sur des présomptions, sur des aparences fautives. = 2°. Opinion trop avantageuse de soi-même. "Il est rempli de présomption. "Sa présomption l' a perdu. "La présomption est la mère de la témérité.
   Présomptueux et présomptueûsement n' ont que ce dernier sens. On ne dit point jugement présomptueux, juger présomptueûsement; mais on dit: c' est un homme présomptueux, une femme présomptueûse, qui a une trop grande opinion de soi-même. "Il ou elle pense présomptueûsement de lui-même, d' elle-même. = S. m. C' est un présomptueux; jeune présomptueux.
   Jeune présomptueux! qui t' a rendu si vain?
   Toi qu' on n' a jamais vu les armes à la main.
       Le Cid.
On ne le dit guère au fém. = Ils signifient aussi téméraire, témérairement. Desirs présomptueux: Pensée, confiance présomptueûse: "Il s' est engagé présomptueûsement dans une entreprise au dessus de ses forces.
   Rem. Présomptueux, dans le style simple et le discours ordinaire, marche aprês le substantif: esprit présomptueux, confiance présomptueûse. En vers, et dans le discours relevé, il peut le précéder également. Présomptueux mortel, présomptueûse confiance. Il y a pourtant en ce genre des inversions dûres. Présomptueux Prince sonerait mal; présomptueux homme, de présomptueux airs formeraient une cacophonie insuportable.

PRèSQUE


PRèSQUE, adv. [Prèske: 1reè moy. 2e e muet.] On écrivait autrefois presques. _ Quelques-uns prononcent prèque, mais mal. Quelques Auteurs et Imprimeurs élident l' e muet et mettent une apostrophe à l' u, lorsque presque est suivi d' un mot començant par une voyèle. "Ils réussiroient presqu' aussi bien qu' en France. Let. Édif. "Occupées presqu' uniquement de, etc. Ann. Lit. "Presqu' aussi puissamment. Pluche. "Presqu' irrésistible, presqu' absolu. L' Ab. Prévot. "Presqu' indépendant. L' Ab. Millot. _ Cette ortographe est mauvaise. Le torrent des Auteurs écrit presque sans apostrophe. L' Acad. met dans les exemples, presque achevé, presque usé. Elle ne met l' apostrophe que dans presqu' île. = Prèsque, à peu prês, peu s' en faut. "Il est prèsque nuit; il était prèsque tout nud. "Il est prèsque persuadé.
   Rem. Prèsque se met aprês le verbe dans les tems simples. "Ce n' est prèsque rien: il ne pouvait prèsque pas parler. Dans les tems composés, il se place entre l' auxiliaire et le participe. "Il était prèsque arrivé lorsque, etc. "Il n' a prèsque pas parlé de mon afaire. _ Que si prèsque modifie un nom, il est mieux de le mettre immédiatement devant ce nom. "Persone presque, dit La Bruyère, n' est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d' un ouvrage. Prèsque persone seroit meilleur, s' il n' est pas le seul bon. "Chaque siècle presque en a vu de tristes exemples. Massill. _ Prèsque chaque siècle serait prèsque aussi dur. Je dirais donc: prèsque tous les siècles en ont vu, etc. "Un peu de froid, qui n' est quelquefois pas sensible presque. Anon. Dites, qui quelquefois n' est presque pas sensible. _ La mauvaise construction de cet adverbe peut ocasioner des contre-sens. "Soit dans le texte, soit dans les notes, qui sont presque au bâs de chaque page. Af. de Prov. L' Auteur ne veut pas dire que les notes ne sont pas tout à fait au bâs, mais qu' elles sont au bâs de presque toutes les pages. Il dit donc autre chose que ce qu' il veut dire. C' est donc un sens, qui n' est pas le sien qu' exprime la construction qu' il emploie. _ M. Arnaud avait dit aussi: "C' est une faute qui se trouve presque dans toutes les éditions de Cicéron. Dans cette phrâse, presque parait se raporter à qui se troûve, et il se rapporte, dans le sens de l' Auteur, à toutes les éditions. La construction serait plus nette, s' il avait dit, qui se troûve dans presque toutes les éditions, etc. = Presque ne s' associe à des substantifs que par le secours des verbes: "La presque impossibilité de diriger les ballons, dit M. Linguet. Cela me parait dur et sauvage.

PRèSQU' ÎLE


PRèSQU' ÎLE, s. f. [prèskîle: 1re è moy. 2e lon. 3e e muet. _ Comme on écrivait autrefois isle, on écrivait aussi presqu' isle.] Péninsule, terre presque entourée d' eau, et qui ne tient au continent que par un bout. _ Péninsule est plus latin et plus savant: presqu' île est plus français et plus du langage ordinaire.

PRESSAMMENT


PRESSAMMENT, adv. PRESSANT, ANTE, adj. PRESSE, s. f. PRESSER, v. a. et n. [prè-saman, san, sante, prèce, prècé: 1re è moy. 2e lon. au 2d et au 3e, e muet au 4e, é fer. au dern.] Presser, actif, c' est 1°. étreindre avec force. "Presser un citron, une grape de raisin, etc. = 2°. Aprocher une chôse ou une persone contre l' aûtre. "Presser les lignes. Presser l' écritûre. "Pressez vous un peu: il y aura place pour tous: il n' aime pas à être pressé. = 3°. Poursuivre sans relâche. "On pressa si fort les énemis qu' ils lâchèrent le pied. = Fig. On l' a pressé par de si bones raisons, qu' enfin il s' est rendu à ce qu' on lui demandait. = 4°. Hâter, obliger à se diligenter. Presser son départ, sa marche. "On le presse de partir. "Si vous ne vous pressez, vous arriverez trop tard. = 5°. V. n. Il se dit des chôses dans le 1er et le 4e sens. Une douleur presse, quand elle est vive et aigûe. Une maladie presse, lorsqu' elle exige un prompt secours. "Une ocasion, une afaire presse: il faut agir promptement pour profiter de l' une, pour mettre ordre à l' aûtre. = 6°. Participe: être pressé par le besoin, par la nécessité, par la faim. "Vous êtes bien pressé. Je suis si pressé que je ne puis m' arrêter un seul moment.
   Rem. 1°. Presser régit de et l' infinitif: "Pressez le de partir. M. Racine le fils y substitûe la prép. à: "Xipharès presse Monime à consentir à l' hymen de son père. Je crois ce régime vicieux. On dit presser de consentir. = 2°. Au passif, il régit la prép. par, qui est le régime de beaucoup de verbes employés dans ce mode. Les Poètes, qu' une syllabe de plus ou de moins incomode souvent, substituent souvent aussi l' ablatif à cette préposition. _ Dans les Frères Énemis, Éthéocle dit à Polinice, en parlant du trône à partager.
   L' un des deux, tôt ou tard, se verroit renversé;
   Et d' un aûtre soi-même on y seroit pressé.
Dans l' Oreste de Voltaire, Électre dit:
   De l' assassin d' Oreste il faut porter les fers;
   Et pressée en tout tems d' une main meurtriére
   Servir tous les bourreaux de ma famille entière.
En prôse, on dirait, pressé par un aûtre soi-même; pressée par une main meurtrière. = On lit aussi dans Bajazet:
   Déclarons le péril dont son frère est pressé...
   Des périls évidens dont vous êtes pressé.
   Les Poètes sont prodigues d' ablatifs: en bien des ocasions, ils ne sont ni à blâmer, ni à imiter. _ Cet ablatif ne fait pas bien devant les noms, même en vers. On dit, pressé de partir: On ne dit pas, pressé de son départ. "En me pressant d' un choix, dit Corneille: "Et déjà pressé de son devoir, dit Racine. Les ellipses sont familières aux Poètes: mais celles-ci me paraissent un peu fortes: pressé d' un choix, de son devoir, pour, de faire un choix, de faire son devoir. = Pressé de ne se dit que dans ces locutions familières: pressé d' argent, qui en manque. Pressé de son honeur, qui a un besoin~ pressant de décharger son ventre. = 3°. Leibnitz done à presser le sens de démontrer avec force; et il lui fait régir la conjonction que: "Je ne dis point que le monde corporel est une machine ou une montre, qui va sans l' interposition de Dieu; et je presse assez que les créatures ont besoin de son influence continuelle. C' est un latinisme. = On dit, en sens contraire, il ne faut pas trop presser ces comparaisons, ces bons mots; les examiner de trop prês.
   Pressant, qui presse (n°. 3°.) qui insiste sans relâche, en parlant des persones. "Vous êtes bien pressant, trop pressante: "C' est l' homme du monde le plus pressant. "Je dis une vérité sur le malheur d' avoir des dettes: Ceux qui nous pressent, sont pressans: Ceux qui ne nous pressent point, le sont encore davantage. Sév. = Recomandation pressante: argumens, remords pressans; raisons, prières pressantes. = Aigu et violent: douleur pressante. = Urgent, qui ne soufre point de délai (n°. 5°.) Mal pressant, maladie pressante: afaire, ocasion pressante.
   PRESSAMMENT, instament, d' une manière pressante. "Solliciter pressamment. Il est peu usité * On a dit aûtrefois pressément, adv. pour pressamment; et pressement, s. m. au propre, pour l' action de presser, d' étreindre.
   PRESSE est, 1°. Foule, multitude de persones, qui se pressent les unes les aûtres. "Je crains, j' évite tant que je puis la presse. Je n' aime pas aller où il y a trop de presse. Fendre la presse: se tirer de la presse. = En st. famil. "Je n' y ferai pas la presse. "Il n' y a pas grand presse à se charger de cela, à le faire, peu de gens se présentent pour le faire. "Il n' y a pas beaucoup de presse à rechercher ma conversation, dit Socrate à Montagne dans les Dialogues des Morts de Fontenelle. "Comme les habits étoient d' une grande magnificence, il y eut presse à les acheter. FONTEN. "Il y a presse à qui l' aura, dit Mde de Sévigné. Mde de Coulanges lui écrivant, fait suivre cette expression de la prép. de: "Il y a presse de cette dernière à la Cour: il ne se fait rien de considérable dans l' État, où elle n' ait part. "La presse est à cette étofe: elle se débite bien. "Ce Prédicateur a la presse: il est extrêmement suivi.
   Rem. On dit, une foule, une multitude: on ne dit point, une presse. VOLTAIRE l' a dit, et ce mot fait fort bien dans sa phrâse: "Oui, j' ai vu Paris... c' est un cahos, c' est une presse, où tout le monde cherche le plaisir, et où persone ne le trouve.
   2°. Machine par le moyen de laquelle on imprime des livres, des estampes. Faire rouler la presse. "Cet ouvrage est sous la presse (plusieurs disent sous presse): il s' imprime actuellement. = En st. plaisant, on dit d' un Auteur qui fait imprimer, qu' il fait gémir la presse.
   3°. Sorte de pêche qui ne quitte point le noyau. Elle difère du pavie en ce qu' elle ne se colôre pas.

PRESSÉANCE


PRESSÉANCE. V. PRÉSÉANCE.

PRESSENTIMENT


PRESSENTIMENT, s. m. PRESSENTIR, v. act. [Pré-santiman, pré-santi: 1reé fer. 2e lon.] Ils se disent d' un certain mouvement intérieur, dont la caûse n' est pas conûe, et qui fait craindre ou espérer ce qui doit arriver. "Il pressentait sa disgrâce: il avait de secrets pressentimens du malheur, qui lui est arrivé. = Le verbe a d' aûtres significations, que n' a pas le substantif. Découvrir, sonder les dispositions de quelqu' un. Il faut le pressentir sur cette afaire. Et, neutralement: "Tâchez de pressentir quelle est son intention, s' il agréera les propositions qu' on doit lui faire. = Le substantif de son côté, a un emploi que n' a pas le verbe. On dit, avoir un pressentiment de fièvre, de goutte; sentir quelque émotion qui nous la fait apréhender: on ne dit point pressentir la goutte, la fièvre.

PRESSER


PRESSER, voy. PRESSAMMENT.

PRESSIER


PRESSIER, s. m. PRESSION, s. f. PRESSIS, s. m. PRESSOIR, s. m. [Prè-cié, cion, ci, soar: 1re è moy. 2e é fer. au 1er.] Le 1er se dit d' un ouvrier d' Imprimerie, qui travaille à la presse; le second se dit en Physique, de l' action de presser: la pression de l' air; le troisième, c' est le jus que l' on fait sortir de la viande en la pressant; le 4e est une machine servant à presser du raisin, des pommes.

PRESSURAGE


PRESSURAGE, s. m. PRESSURER, v. a. PRESSUREUR, s. m. [Prè-surage, ré, reur: 1re è moy. 3eé fer. au second.] Pressurer, c' est, au propre, presser des raisins ou aûtres fruits, et en tirer la liqueur par le moyen du pressoir. _ Par extension, c' est les étreindre fortement avec la main pour en faire sortir le jus. = Au figuré, st. famil. épuiser par des impôs; par des taxes. "On a pressuré cette paûvre Province. "Pressurer la bourse de quelqu' un: lui tirer jusqu' au dernier sou. = Pressurage est l' action de pressurer. _ C' est aussi le vin qu' on fait sortir du marc à force de pressurer. "Vin de pressurage: Ce n' est que du pressurage. = Pressureur, ouvrier qui travaille à faire mouvoir le pressoir.
   Rem. Comme on dit pressoir, il semble qu' on devrait dire pressoirer, pressoirage, pressoireur; mais l' usage est pour pressurer, etc. L. T.

PRESTANCE


PRESTANCE, s. f. [Prèstance: 1reè moy. 2e lon. 3e e muet.] Bone mine, accompagnée de gravité et de dignité. "Homme de prestance, qui a de la prestance, qui a bone prestance; qui est de grande, de belle prestance. "Il n' a pas assez de prestance pour bien représenter. "Il a une belle prestance d' homme. Th. d' Éduc. _ Ce mot est tout au plus du style familier: l' Acad. le met sans remarque.

PRESTATION


PRESTATION, s. f. [Prèsta-cion: 1re è moyen.] Quoique ce substantif vienne du verbe prêter, on dit, prestation, & non pas prêtation: on a suprimé l' s dans le verbe, qu' on écrivait aûtrefois prester: on l' a conservée dans le nom prestation. Il ne se dit qu' au Palais, prestation de serment, action de prêter serment; prestation de foi et homage, action d' un vassal qui rend foi et homage à son Seigneur suzerain; prestation annuelle, redevance annuelle, en fruits ou en animaux en natûre.

PRèSTE


PRèSTE, adj. PRêSTEMENT, adv. PRèSTESSE, s. f. [Prèste, teman, tèce: 1re è moy. 2ee muet aux deux premiers, è moy. au 3e.] Prèste, au propre, prompt, adroit, agile. "Il est prèste: il a la main prèste: voilà un coup bien prèste. = Au figuré: "Réponse prèste. = Interj. Vîte, promptement. "Allez-là, dépéchez-vous: prèste! = Prèstement, habilement: il a fait cela prèstement. = Brusquement, à la hâte: "Il l' a fait plus prèstement qu' il ne faut. = Prèstesse; agilité, subtilité. "Il a fait cela avec une grande prèstesse. "La prèstesse du coup. _ Fig. "La prèstesse de l' esprit, la prèstesse de ses réponses, etc. "Ce qu' on a peine à concevoir, c' est la prestresse avec laquelle le parterre saisit les allusions les plus détournées, et les idées les plus profondes. Marin, Observ. sur l' Amante Ingénue. = M. Linguet lui donne le sens de précipitation. "Cette prestesse n' est pas moins suspecte, soit qu' elle préjudicie à l' innocence, soit qu' elle favorise l' impunité du crime. En ce sens, c' est un néologisme.

PRèSTIGE


PRèSTIGE, s. m. [1re è moyen, dern. e muet.] Illusion par sortillège, fascination. "Les Magiciens d' Egypte ne faisoient que des prèstiges. Il n' y a, à tout cela, que du prèstige. = Quelque Auteur a dit prestigiateur. Il est dans Trév. mais on y dit que ce mot n' est pas bien établi; et on le dit dès le commencement du siècle: il ne l' est pas mieux aujourd' hui. L' Auteur des Réflexions le trouvait fort bon: je le trouve tel aussi; mais l' usage n' a pas pensé de même. Il n' est point dans le Dict. Acad.

PRESTIMONIE


PRESTIMONIE, s. f. Fonds ou revenu afecté par un Fondateur à l' entretien d' un Prêtre, sans aucune érection en titre de bénéfice.

PRESTOLèT


PRESTOLèT, s. m. [Prèstolè: 1re et dern. è moy. _ Le Dict. de Trév. (en 1704) écrit prestolé, et cite l' Ab. de St. Réal. On a mis dans la suite prestolet.] Terme de mépris. Éclésiastique sans établissement et sans naissance. "Il fait l' Abbé d' importance, et ce n' est qu' un prèstolet.

PRÉSUMABLE


*PRÉSUMABLE, adj. PRÉSUMER, v. a. et n. [Prézumable, prézumé: 1reé fer. 3e dout au 1er, é fer. au 2d.] Présumer, c' est conjecturer, avoir opinion que, etc. "Que présumez-vous de tout cela? Je n' en présume rien de bon. = V. n. "Il n' est à présumer qu' il n' en demeurera pas là. "Il faut toujours bien présumer de son prochain. = Présumer de soi, avoir de la présomption. "J' ai trop présumé de mon coeur. Marm. Il présume trop de son crédit.
   Rem. Présumer, comme croire, penser, et les autres verbes qui marquent l' opinion, régit l' indicatif, quand la phrâse est afirmative, et le subjonctif, quand elle est négative ou interrogative. "Je présume qu' il est malade; je ne présume pas, ou présumez-vous qu' il soit malade? P. Corneille met le subjonctif, quoique le sens soit afirmatif.
   Tous présument qu' il ait un grand sujet d' ennui.
       Cinna.
Il falait dire, qu' il a, mais a aurait formé un hiatus avec le mot suivant un. Le Poète a mieux aimé prendre cette licence, que de changer son vers. On peut dire aussi qu' aûtrefois on employait le subjonctif ou l' indicatif assez indiféremment dans ces ocasions; et l' Abé Du Bos, bien moins ancien, en fournit beaucoup d' exemples. On est plus exact aujourd' hui, et l' on regarderait comme une faûte, même en vers, je présume qu' il ait.
   *PRÉSUMABLE, qu' on peut ou qu' on doit présumer. "Il n' est pas présumable que les Docteurs qui lui ont succédé jouissent de cette prérogative Anon. L' usage de ce mot est tout au moins douteux. Il n' est pas dans les Dictionaires. On dit: il n' est pas à présumer que, etc.

PRÉSUPOSER


PRÉSUPOSER, v. act. et neut. PRÉSUPOSITION, s. f. [Pré-zupozé, zi-cion: 1reé fer. dern. é aussi fer. au 1er. = Suivant l' analogie, on devrait écrire pressuposer, pour avertir par l' ortographe que l' s se prononce fortement. Aûtrement on devrait, suivant la règle, prononcer prézuposé, etc.] Suposer préalablement. Suposition préalable. "Ce que vous présuposez là n' est pas trop sûr. "Il faut au contraire présuposer que, etc. _ Cela présuposé, je dis, etc. _ L' Académie met présuposé que, comme conjonction: présuposé que cela fût ainsi. Cette conjonction paraît vieille. On dit plutôt, suposé que. = Faire une présuposition. "Il fait là une présuposition qu' on ne peut lui pâsser. "Votre présuposition est faûsse, inadmissible.

PRÉSURAGE


*PRÉSURAGE est un gasconisme. Desgr. Voy. PRESSURAGE.

PRÉSûRE


PRÉSûRE, s. f. [Prézûre; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Ce qui sert à faire prendre, à faire câiller le lait.

PRêT


PRêT, ÊTE, adj. [Prê, prête; 1re ê ouv. et lon. 2e e muet.] Qui est en état de... Qui est disposé, préparé à. Il régit à devant les noms et les verbes. "Il est prêt à tout. "Je suis prêt à faire tout ce qu' il vous plaira. "Le diner est prêt à servir: le canon était prêt à tirer. = On dit, dans le Dict. Gram. qu' il régit à et de: on le dit d' aprês l' exemple de plusieurs Auteurs, qui ont employé le second régime: mais c' est une inatention de leur part: ils ont confondu prêt avec prês; voy. PRêS, Rem. _ * Le P. Barre met à et de dans la même phrâse: Ferdinand était prêt à satisfaire Isabelle, et même de lui acorder des conditions avantageuses. Cela done à cette phrâse un air sauvage. * Montesquieu dit, prêt de. "Il n' y avoit point de services que les Peuples et les Rois ne fussent prêts de rendre, ni de bassesses, qu' ils ne fissent pour l' obtenir (le titre d' alliés des Romains.) On doit dire, prêt à rendre, prêt à partir, à bien faire. Ce serait une faûte, de dire, prêt de partir. Plusieurs font cette faûte. Acad. Wailly.

PRêT


PRêT, s. m. [Prê, ê ouv. et long.] Action par laquelle on prête de l' argent. "Ce n' est pas une vente, c' est un prêt. = La chôse prétée. Faire un prêt. "Prêt gratuit: prêt usuraire. = Ce qui est payé aux Soldats pour la solde ordinaire. Faire le prêt. "Il était dû aux Soldats quatre prêts.

PRÉTENDANT


PRÉTENDANT, ANTE, s. m. et f. PRÉTENDRE, v. a. et n. PRÉTENTION, s. f. [Prétandan, dante, tandre, tan-cion, en vers ci-on. 1re é fer. 2e lon. 3e lon. aux deux prem.] Prétendant, qui prétend, qui aspire. "Il y a plusieurs prétendans ou prétendantes à cette charge de la Cour. "Tant de prétendans ou de prétendantes se nuisent les uns aux aûtres.
   PRÉTENDRE, c' est 1°. demander avec assurance, comme une chôse qui est dûe. Il est actif, et s' emploie avec le régime simple, (l' acusatif) il prétend une moitié, un dixième dans cette société. Il prétend le pâs sur un tel. Il est aussi neutre, et régit l' infinitif sans préposition. "Il prétend marcher avant lui. Il prétend doner la loi par-tout. = On dit, prétendre aux dignités: mais on ne doit pas dire, prétendre à réussir, et encôre moins, de réussir, dit Th. Corneille. Il ne dit pas si l' on peut dire, prétendre réussir: on ne le dit point dans ce sens; et dans celui de soutenir ou de vouloir, il régit que et l' indicatif ou le subjonctif. Voy. plus bâs, 3°. = 2°. Aspirer à. Il régit alors le datif. "Il prétend à cette charge, à ce bénéfice. "Il n' y a rien de si élevé à quoi il ne puisse prétendre. = 3°. Soutenir que. "Il prétend que cela n' est pas vrai, qu' il réussira. = Vouloir, exiger. "Je prétends qu' on obéisse, qu' on fasse son devoir. = 4°. Avoir dessein. "Je prétends faire ce voyage. "J' ai prétendu badiner.
   Rem. Suivant ses divers sens, prétendre a divers régimes: dans le sens d' aspirer à, il régit le datif. Les Poètes ont peut-être le droit de lui faire régir l' acusatif, quand cela les acomode.
   Frapez, mettez en cendre
   Tout ce qui prétendra l' honeur de se défendre.
       Volt.
  Chacun prétendoit la victoire.
      Font.
En prôse, on dirait, prétendra à l' honeur, prétendait à la victoire. = M. Racine fils lui done pour 2d régime l' ablatif. "Atalide est coupable de tout ce trouble: qu' avoit-elle à prétendre de son amour? Ces deux régimes seraient plus réguliers avec atendre. = Dans le sens d' aspirer, il semble qu' on peut employer la prép. à devant l' infinitif, que condamne Th. Corneille. Du moins ce régime fait fort bien dans la phrâse suivante. "Nous pouvons bien prétendre à envoyer des influences à la Lune. Fonten. Dans cette ocasion prétendre envoyer n' exprimerait pas ce que l' Auteur voulait dire. _ Ce dernier régime est bon avec prétendre, signifiant avoir dessein. Rousseau, dans cette acception, dit prétendre de:
   C' est par une humble foi, c' est par un amour tendre,
   Que l' homme peut prétendre
   D' honorer tes autels.
Bossuet, Fleury et Mallebranche mettent les deux régimes, les deux premiers dans une même phrâse, l' aûtre dans deux phrâses qui se suivent; ce qui est bisarre et inconséquent. "Ils prétendoient, en général, devoir vivre selon leurs lois, et en particulier, d' être exempts de tous impots. Boss. "Ils prétendoient garder... ils prétendoient de tenir lieu, etc. Fleury. "Je ne prétends pas expliquer dans ce chapitre un sujet si vaste. Je ne prétends pas même de le faire entièrement dans tout cet ouvrage. Mallebr. Quand ces deux régimes seraient également bons, on ne devrait pas les employer tous deux dans la même phrâse. = Prétendre de se justifier, est condamné par Th. Corneille: il faut dire, prétendre se justifier. = Dans le sens de soutenir, ou de vouloir, il régit l' infinitif sans préposition, quand le verbe régi se raporte au nominatif du verbe prétendre, et que avec l' indicatif ou le subjonctif, quand il ne s' y raporte pas. "Je prétends d' être le premier qui ait montré comment l' âme s' aperçoit de ce qui se pâsse dans le corps. Leibnitz. Il falait, je prétends être, etc. "Je prétends que vous n' êtes pas le seul, etc. "Je prétends y aller moi-même: je prétends que vous y veniez avec moi. = Quand il signifie, vouloir, il régit toujours le subjonctif; quand il signifie soutenir, afirmer, il le régit quand le sens est négatif ou interrogatif; mais il régit l' indicatif, quand le sens est afirmatif: je prétends que vous avez tort: je ne prétends pas, ou prétends-je que vous ayiez tort? _ Plusieurs Ecrivains et des plus estimables, n' ont pas fait cette distinction: ils ont mis le subjonctif dans des phrâses afirmatives. "Dont on prétend qu' elle ait (a) rempli ses livres. Boss. "Moi, qui prétends que les siècles aient (ont) dégénéré. Fonten. "On prétend que l' oeuil en soit (en est) plus aisément séduit, etc. Du Bos. Le bon pour celui-ci, c' est que dans la suite de la phrâse, il met l' indicatif: "Et que ces dernières font ainsi facilement illusion. "Nous prétendons qu' il soit (est) moins en droit de nous comander. Bourdal. "L' opinion comune veut que Nemrod ait (a) été le premier Roi; quoique d' aûtres prétendent que Mizaraïm ait (a) régné plusieurs années avant Nemrod. Hist. Univ. Angl. On pourrait croire que c' est à cause de quoique, que le Traducteur a mis le subjonctif; mais quoique ne doit afecter que le verbe prétendre, et ne doit point étendre son influence jusqu' à son régime.
   PRÉTENDU, ÛE, adj. et subst. Il a des sens bien diférens, suivant qu' il est adjectif ou substantif. "Le prétendu, la prétendûe, c' est le futur mari, la futûre femme: "Voilà son prétendu, sa prétendûe: le prétendu mari, la prétendûe femme, c' est celui, celle qui pâsse pour mari ou pour femme, et qui ne l' est pas. Un Auteur moderne dit, dans des Mémoires assez maussadement écrits: "Je rougis alors d' avouer que j' aimais ma femme prétendûe. Il veut dire, la femme que j' étais sur le point d' épouser: mais il s' exprime fort mal. = Prétendu, adjectif, doit précéder le substantif: "Un prétendu Gentilhomme: la Religion prétendûe Réformée. = * Pluche emploie prétendu comme un adverbe, et le fait indéclinable. "Ces prétendu-faûsses fleurs. "Les prétendu-grands Physiciens, etc. Cet Auteur traite de même devenu. Voy. ce mot.
   *PRÉTENDUMENT, adv. est un barbarisme risqué par un Auteur moderne. "Il a engagé la R.... à relever le courage prétendument abatu de M. N.... Le M. de C..... à M. d' A...
   PRÉTENTION. On écrivait aûtrefois prétension. L' Acad. employa cette ortographe dans ses sentim. sur le Cid. Quelques Auteurs modernes l' ont employée aussi, entre aûtres M. Raynal. "Les Royalistes ont à combattre une autre prétension des Républicains. "Cette prétension parait assez mal fondée. Hist. du Parl. d' Angl. = Droit que l' on a, ou que l' on croit avoir de prétendre, d' aspirer à. "Venir à bout de ses prétentions. "Croyez-moi, renoncez à cette prétention. = Il régit de et l' infinitif. "C' est un bon homme, qui n' eut été que cela, si on ne lui avoit pas mis dans la tête la prétention de se conaitre à tout, de juger les Arts et les Lettres; d' être le guide et l' apréciateur et l' arbitre des talens. Marm. = Prétention, employé absolument, est d' assez fraîche date; et il est fort à la mode. "C' est un homme sans prétention. Une femme à prétentions. "Il y a de la prétention dans son style. "Quelles figures y voyez-vous? Des femmes sans prétentions, des Politiques, des Philosophes. Coyer. Comme rien ne se perd dans le monde, les femmes, lorsqu' elles sont à cet âge, qu' elles apèlent sans prétention, reprènent ordinairement les années, qu' elles avoient laissées en arrière. Marin. "Le plus grand malheur pour une femme à prétentions, c' est d' être quitée. Marm. "Des Critiques retrouvent trop souvent (dans l' Hist. de Louis XI par Duclos) le romancier dans l' historien, le bel esprit académique dans l' écrivain, l' homme à prétentions dans le moraliste. Sabatier. Il se prend en mauvaise part, et n' est pas un éloge, mais un blâme et une critique.

PRêTE-NOM


PRêTE-NOM, s. m. [1re ê ouv. 2e e muet.] Au plur. on doit écrire, prête-noms, et non pas prêtes-noms, comme écrit M. Linguet. Voy. PLURIEL, n°. 1°. et PORTE. = Celui qui prête son nom à quelqu' un, pour un bail, un contrat, une afaire de comerce, etc. Il n' est que prête-nom. "Ce ne sont que des prête-noms.

PRETENTAINE


PRETENTAINE, s. f. [Pretantène; 1re et dern. e muet; 2e lon. 3eè moy.] Il ne se dit que dans cette façon de parler du st. fam. Courir la pretentaine; courir ça et là sans sujet. "N' a-t' il pas bien su élever son fils, sans avoir pour cela besoin de lui faire courir la prétentaine. Th. d' Éduc. c. à. d. sans le faire voyager. = En parlant des femmes, il se prend en mauvaise part: c' est faire des promenades, des voyages contre la bienséance, ou dans un esprit de libertinage. On doit donc prendre garde, quand on emploie cette expression, en parlant des femmes ou à des femmes.

PRÉTENTION


PRÉTENTION; voyez aprês PRÉTENDRE, et PRÉTENDU.

PRÉTER


PRÉTER, v. act. et n. [Prété; deux é fer. Devant l' e muet, le 1er se change en ê ouv. Il prête, prêtera, etc. On écrivait aûtrefois prester: quand on suprima l' s on la remplaça par l' acc. circ. sur l' e, mais cet accent n' est bon que quand l' e est ouvert et long; ce qui n' est ainsi que devant l' e muet.] Faire un prêt, c. à. d. Doner, à la charge que celui à qui l' on done rendra ce qu' on lui done. "Préter des meubles, des livres, un cheval, de l' argent: je lui ai prété mille écus. = V. n. Préter sur gages, à intérêt, à usûre, etc. = On dit, sans article, préter serment, préter foi et homage, préter secours; aide, faveur; secourir, aider, favoriser. Préter silence, se taire, écouter. Préter l' oreille à, écouter celui qui parle, être atentif à ce qu' on dit. Préter la main à: aider. Préter sa voix, son ministère; parler, s' employer pour. = Préter le collet à: être prêt à combattre, à disputer contre. Prêter le flanc, doner prise sur soi. Se préter à, consentir par complaisance. "Il se prête à tout ce qu' on veut. "On peut se préter au plaisir, mais il ne faut pas s' y abandoner. "Les génies du premier ordre se prêtent également aux plaisirs et aux afaires. = Préter, neutre, se dit au propre et au fig. "Ce bâs, cette étofe prêtent, s' étendent quand on les tire. "Cette conduite prête (done lieu) à de mauvaises interprétations.
   PRÉTER est s. m. dans ces phrâses proverbiales, ami au préter, énemi au rendre. Un préter à jamais rendre, un prêt fait à un homme insolvable. On dit aussi, c' est un prété-doné.

PRÉTÉRIT


PRÉTÉRIT, s. m. [1re et 2e é fer.] Terme de Gramaire. Inflexion du verbe, par laquelle on marque le tems pâssé. = Il y a dans les verbes quatre tems, apelés prétérits. Le prétérit simple ou défini, que plusieurs apèlent aoriste, marque une chôse pâssée dans un tems dont il ne reste plus rien, et dans lequel on n' est plus: je fus malade l' année pâssée. Je reçus votre lettre hier. = Le prétérit indéfini marque une chôse pâssée dans un tems, que l' on ne désigne point; ou dans un tems désigné, dont il reste encôre quelque partie à écouler. Exemple du premier: il a pâssé par Rome: il est venu de Paris. Je ne désigne point le tems. Exemple du second: je suis venu ce matin: j' ai été malade cette semaine. Je désigne un tems qui n' est pas entièrement écoulé. = * Plusieurs, parmi les étrangers, parmi les Créoles et même parmi les Auteurs, confondent ces deux prétérits; et cette confusion met de l' équivoque dans le discours, outre qu' elle est contre les règles. Le P. Barre tombe habituellement dans cette faûte, qui est grossière. Il dit de Louis de Bavière, mort en 1347: "La manière dont il est mort, pour la manière dont il mourut. "Gunther, qui a disputé l' empire à Charles IV, au lieu de dire, qui disputa. _ Bossuet dit aussi, en parlant des Vaudois: "L' Abé de Fontcaud, qui en a vu les comencemens, en marque l' élévation. Le prétérit indéfini est là bien mal employé, parce que le tems dont parle Bossuet, est écoulé depuis long-tems. Il faut, dans des phrâses pareilles, se servir du plusque parfait. "L' Abé de Fontcaud, qui en avait vu les comencemens, en a marqué l' élévation. _ Cet illustre Auteur dit âilleurs: le seul Childebert s' échapa, et l' on ne sait ce qu' il est devenu: on dit qu' il pardona à~ Mérovée, mais depuis on n' a plus entendu parler de lui. Dans cette phrâse, Bossuet est inconséquent; car la raison qui lui fait dire, s' échapa et pardona, aurait dû lui faire dire aussi: on ne sait ce qu' il devint, on n' entendit plus parler de lui. Que si l' Auteur veut dire que l' histoire n' en parle plus, aprês cette époque, il est toujours vrai de dire qu' il s' est mal exprimé, et qu' on ne dit point d' un Prince mort, il y a mille ans pâssés, qu' on ne sait ce qu' il est devenu, qu' on n' a plus entendu parler de lui. = Citons encôre Leibnitz, Duclos et Velly: "C' est de ce pays que les Français ont fait (firent) depuis des courses dans les provinces romaines. Leibn. Il parle du 3e siècle. "Il ne pouvait pas être question du mariage du Comte de Charolois avec la Princesse d' Angleterre, quoiqu' il l' ait épousée (l' épousa) dans la suite. Duclos. Hist. de Louis XI. "Le Roi a souvent dit depuis, que si les Princes se fussent emparés de Paris, il ne lui restoit d' aûtre ressource que de passer en Suisse ou à Milan. Id. Ibid. Ne semble-t' il pas que l' Auteur parle du Roi régnant. "C' est de ce mariage qu' est né le Grand Clovis. Velly. Dites, que naquit. = Cette faûte est comune dans nos Îles Françaises de l' Amérique, où en racontant une histoire anciène, on dit, il est alé, il est venu, il a dit, comme si la chôse s' était pâssée le jour même; et où l' on dit au contraire, je fis ce matin, je dis cette semaine, au lieu de, j' ai fait, j' ai dit. = L' Acad. reprit aûtrefois cette faûte dans Corneille.
   Quand je lui fis l' afront, etc.
Il n' a pu dire, je lui fis; car l' action vient d' être faite. Il falait dire, je lui ai fait, puisqu' il ne s' était point pâssé de nuit entre deux. Sent. sur le Cid.
   Rem. Quand on met le prétérit défini ou l' aoriste dans un membre de la phrâse, on ne doit pas mettre l' indéfini dans l' aûtre. "Saturne ne fut pas le seul, à qui l' antiquité ait doné la faucille pour symbole. Il falait dire, n' est pas le seul à qui l' antiquité ait doné, etc. Que si c' était une chôse pâssée dans un tems, dont il ne restât plus rien, il faudrait mettre le prétérit défini dans l' un et l' aûtre membre de la phrâse: "Cicéron ne fut pas le seul qu' Antoine immola à sa fureur. = Par la même raison, quand on s' est servi, au comencement, du prétérit composé ou indéfini, on doit employer, dans la suite de la phrâse, le présent et non pas l' aoriste ou le prétérit simple et défini. "L' Empereur irrité de ce que celui-ci l' a trompé, fut sur le point de faire sa paix avec les Normans. Moreau. Il falait, indigné de ce qu' il l' avait trompé, fut sur le point, etc. ou bien, indigné de ce qu' il l' a trompé, est sur le point, etc.
   Le 3e prétérit est nomé antérieur: il exprime une chôse pâssée avant une aûtre, dans un tems, dont il ne reste plus rien. "Quand j' eus reçu mon argent, je m' en allai. Ce prétérit est presque toujours dans le même sens à la suite des conjonctions, quand, lorsque, dês que, aussi-tôt que, aprês que, etc. et alors il est toujours suivi du prétérit défini. Que si l' on avait besoin dans le 2d membre, du prétérit indéfini (le tems dont on parle n' étant pas tout-à-fait écoulé) il faudrait le mettre aussi dans le 1er: ainsi, si l' on parlait du jour même, on dirait: quand j' ai reçu mon argent, je m' en suis allé: ou bien on se servirait du prétérit antérieur défini, dont nous allons parler. = Le prétérit antérieur simple ou défini se forme du prétérit défini des verbes auxiliaires avoir ou être, et du participe passif du verbe. "Quand j' eus reçu, dês que je fus arrivé, j' allai, je fis, etc.
   Le 4e prétérit peut être nomé prétérit antérieur indéfini, ou préterit sur-composé; il marque une chôse pâssée avant une aûtre, dans un tems, qui n' est pas tout-à-fait écoulé. "Je suis sorti ce matin, quand j' ai eu achevé ma lettre. Il est composé du prétérit indéfini des verbes auxiliaires avoir ou être, et du participe passif du verbe, et il est suivi ou précédé du prétérit indéfini, dans l' aûtre membre de la phrâse. Ainsi, dans l' exemple cité, on peut dire indiféremment, dês que j' ai eu achevé, je suis sorti; ou bien, je suis sorti dês que j' ai eu achevé; et dans le 2d exemple aporté dans l' article précédent, il est aussi indiférent qu' on dise: quand j' ai eu reçu mon argent, je m' en suis allé; ou, je m' en suis allé, quand j' ai eu reçu mon argent. = Ce prétérit antérieur~ indéfini est moins usité que les aûtres prétérits. On y suplée, en se servant de la préposition aprês, suivie du prétérit de l' infinitif: "Aprês avoir achevé ma lettre, je suis sorti. Il y a pourtant des ocasions où ce prétérit antérieur indéfini rend plus précisément l' idée qu' on veut exprimer; par ex. il a quité la compagnie, aprês avoir diné, ne dit pas autant que: "Il a quité la compagnie, dês qu' il a eu diné.

PRÉTÉRITION


PRÉTÉRITION, s. f. [Prétéri-cion; 1re et 2e é fer.] Ce mot a deux sens, qui n' ont pas beaucoup de raport: 1°. Figûre de Rhétorique, par laquelle on fait semblant de ne pas vouloir parler d' une chôse, dont cependant on parle. "Je ne vous parlerai point de sa naissance, de sa valeur, etc. = 2°. En termes de Droit Ecrit, omission que fait un père dans son testament, d' un de ses fils, ou autre héritier nécessaire. "La prétérition annulle le testament.

PRÉTEUR


PRÉTEUR, s. m. PRÉTOIRE, s. m. PRÉTORIEN, ENNE, adj. PRÉTûRE, s. f. [Pré--teur, toâ-re, to-rien, riè-ne, tûre; 1re é fer. 2e lon. au 2d et au 5e; 3e è moyen au dern. Dans le 3e, en n' a pas le son d' an.] Préteur, était, chez les Romains, le nom d' un Magistrat, qui rendait la justice dans Rome, ou qui alait gouverner certaines provinces, qu' on apelait pour cela, Provinces Prétoriennes. = Dans quelques villes, surtout en Allemagne, il y a encôre des Magistrats qu' on apèle Préteurs. À~ Strasbourg, c' est le Chef des Magistrats Municipaux, et il est dans cette ville, ce qu' est le Prévôt des Marchands à Paris et à Lyon, et le Maire dans d' aûtres villes.
   PRÉTOIRE, était le lieu où le Préteur et quelques autres Magistrats rendaient la justice; à Rome, la maison du Préteur, à l' armée, son logement. = Préfet du Prétoire, celui qui comandait la garde de l' Empereur. Dans le Bâs-Empire, c' était le nom des premiers Magistrats des quatre grands départemens dans lesquels l' Empire était divisé. = En certaines villes, on apèle encôre prétoire, le lieu où l' on rend la justice.
   PRÉTORIEN, qui apartient à la Troupe comandée par le Préteur, ou par le Préfet du Prétoire. "Soldat prétorien; cohorte, garde prétorienne. = S. m. pl. "Les Prétoriens. = Provinces Prétoriennes. Voyez plus haut.
   PRÉTûRE, Charge de Préteur. "Il demanda: il obtint la Prétûre. "Pendant sa Prétûre.

PRêTEUR


PRêTEUR, EûSE, adj. et subst. m. et f. [L' e devrait être fer. Voy. PRÉTER; mais on le fait ouv. et long, pour distinguer ce mot du précédent, Préteur, Magistrat Romain; comme on distingue pêcheur, qui prend du poisson, de pécheur, qui comet un péché, prê-teur, teû-ze: 2e lon. au 2d.] Subst. Qui prête à un aûtre de l' argent. Un prêteur: une prêteuse sur gages. Adj. Qui n' aime pas à prêter. Il ne se dit qu' avec la négative. "Il n' est pas prêteur; elle n' est pas prêteuse de son naturel: il n' est pas autrement prêteur, ou elle n' est pas aûtrement prêteuse. = La fourmi n' est pas prêteuse, vers de la Font. qui est devenu proverbe. On l' aplique à une persone qui n' aime pas à prêter.

PRÉTEXTE


PRÉTEXTE, s. m. et f. PRÉTEXTER, v. act. [Prétèkste~, tèksté: 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Prétexte est fém. quand il signifie une robe bordée par le bâs d' une large bande de pourpre, et qui était une marque de la dignité Consulaire chez les Romains. = Il est masculin dans son sens le plus ordinaire, et où il signifie une caûse simulée et suposée, dont on se sert pour cacher le véritable motif d' un dessein, d' une action. Prétexte spécieux, plausible, {C262a~} faux, léger. "Cela lui a servi de prétexte; lui a doné prétexte de s' en aler. Prendre prétexte de; ou prendre une chôse pour prétexte. "Il ne cherche qu' un prétexte de se plaindre. = On dit beaux prétextes, pour dire, prétextes spécieux; et cela se dit ordinairement par ironie. "Un regard de Mentor lui ôtoit la parole, et faisoit disparoître tous ses beaux prétextes. Télém.
   Rem. 1°. Racine fait régir à prétexte la prép. à devant l' infinitif.
   Quoi! de vos ennemis devenez-vous l' apui?
   Pour trouver un prétexte à vous plaindre de lui.
En prôse, on dirait, de vous plaindre. "Il vouloit trouver quelque prétexte de dire au Roi que nous étions Phéniciens. Télém. = 2°. Sous le prétexte et sur le prétexte se disent presque également: mais quand on retranche l' article, il faut toujours mettre sous. "Sous prétexte de le secourir, il l' a ruiné. _ Ces expressions adverbiales régissent de devant les noms et les verbes, ou que avec l' indicatif. "Sous prétexte de dévotion: sur le prétexte, ou sous prétexte d' aler aux eaux; sous prétexte qu' il est mon ami. L' Académie ne met d' exemple que de, sous prétexte, avec le régime des noms: sous prétexte de justice, de zèle, de piété. = Avec le régime de la conjonction que; il semble que sous prétexte est plus usité que, sous le prétexte, ou sur le prétexte; cependant des Ecrivains estimables ont employé ceux-ci. "Sous le prétexte qu' il (Courtin) traite de la paresse et de l' emploi du tems, il parle de tout. L' Abé Des Font. "Sur le prétexte que les traités sont anéantis. Target. = Quand prétexte est sans régime, je pense que sur vaut mieux que sous. "Un homme, qui sous le moindre prétexte, se faisoit une maligne joie d' atenter à la liberté des étrangers. Ann. Litt. _ Je voudrais dire, sur le moindre prétexte.
   PRÉTEXTER, c' est, 1°. couvrir d' un prétexte. "Ce Magistrat prétexte ses violences de l' amour du bien public. "Les peuples prétextèrent leur révolte du zèle de la Religion. = 2°. Avec le seul régime direct, (l' acusatif) prendre pour prétexte. "Il prétexta une maladie, un voyage. = V. n. Il régit que et l' indicatif. "Il prétexta qu' il avoit la goutte, pour ne pas se trouver à cette assemblée. Trév. = * Un Auteur moderne lui fait régir de et l' infinitif. "Il prétexta d' être révolté des principes contenus dans ce {C262b~} Mandement. _ Ce régime est inusité. L' Auteur devait dire: il prétexta qu' il était révolté, etc.
   REM. Vaugelas n' aprouvait pas ce verbe: mais dês la fin du siècle pâssé, au témoignage d' Andry, il était employé par nos meilleurs Auteurs. Il cite cet exemple: Il prétexte des raisons pour ne pas se mettre à table. Aujourd' hui ce mot est si bien établi, qu' on ne soupçone pas qu' il ait soufert la moindre dificulté de la part de l' usage.

PRETINTâILLE


PRETINTâILLE, s. f. PRETINTâILLER, v. act. [Pre-tein-tâ-glie, tâ-glié, 1ree muet, 2e et 3e lon. mouillez les ll: dern. e muet au 1er, é fer. au 2d. = Le Rich. Port. l' anc. Trév. le Dict. Gram. metent un accent aigu sur le 1er e: l' Acad. l' Abr. de Trév. le Vocabulaire François ne mettent point d' accent. Dans le Dict. d' Ortogr. on a mis ces deux mots.] Pretintâille, ornement en découpûre, qui se met sur les robes des femmes. "Robe garnie de pretintâilles. = Pretintâiller, mettre des pretintâilles. "Cette jupe est trop simple: il faut la pretintâiller = Quelques Critiques l' ont dit au fig. en parlant du style, du discours chargé de petits ornemens afectés. "Style pretintâillé; discours chargé de pretintâilles.

PRÉTOIRE


PRÉTOIRE, PRÉTORIEN; voyez PRÉTEUR.

PRêTRâILLE


*PRêTRâILLE, s. f. [Prêtrâ-glie; 1re ê ouv. et long: 2e lon. aussi: 3e e muet: mouillez les ll.] Terme de mépris, dont quelques-uns se servent en parlant des Prêtres. C' est un fruit de la corruption et de l' irréligion du siècle. "Il ne s' agit point là de prêtrâille, dit, avec indignation, M. Linguet.

PRêTRE


PRêTRE, s. m. PRÉTRESSE, s. f. PRÉTRISE, s. f. [Prê-tre, prétrèce, prétrîze: 1reê ouv. et long au 1er, é fer. aux deux aûtres: 2e e muet au 1er, è moy. au 2d, lon. au 3e.] Prêtre, se dit et de celui qui, parmi les Chrétiens, a reçu l' ordre et le caractère du Sacerdoce; et des principaux Ministres, qui dans l' anciène Loi étaient consacrés au service dabord du Tabernacle, et ensuite du Temple; et de ceux, qui étaient destinés au service des faux Dieux parmi les Païens. = Dans le 1er sens, on dit vulgairement, qu' un homme s' est fait Prêtre, pour dire, qu' il a reçu l' Ordre du Sacerdoce.
   PRÉTRESSE ne se dit que d' une femme ou fille qui, chez les Payens, était atachée au service d' une faûsse Divinité. "La prétresse d' Apollon, de Diane, de Minerve, etc.
   PRÉTRISE, au contraire n' a d' usage qu' en parlant des Prêtres de la Religion Chrétiène. "L' ordre de Prétrise. Lettres de Prétrise. "Il a reçu la Prétrise.
   REM. Racine le fils observe que Prêtre et Prétrise ne sont pas des termes poétiques, qu' ils ne sont même d' usage, comme le dit l' Académie, qu' en parlant des Prêtres Chrétiens; et que pour les aûtres, on dit Pontife, Sacerdoce, que cependant son père (Racine) a employé, dans Athalie, le mot de prétrise, en parlant de Mathan, Prêtre de Baal. _ Cette remarque n' est juste que par raport au mot prétrise, car on a toujours dit, et l' on dit encôre, les prêtres des Idoles; les prêtres des faux Dieux; et l' on vient de voir que Racine le fils apèle lui-même Mathan, prêtre de Baal. Son père a employé dans Athalie, non-seulement le mot de prétrise, mais encôre celui de Prêtre. Abner y dit à Mathan, qui donait un conseil cruel:
   Eh quoi! Mathan, d' un Prêtre est-ce là le langage?
Vers aplicable à plus d' un Prêtre, non pour la cruauté, mais pour l' indécence et l' irréligion; et qui a été apliqué dans l' Ann. Litt. avec autant de justice que de justesse, à l' Ab. Coyer.
   Eh quoi~! C-r. d' un Prêtre est-ce là le langage?

PRÉTûRE


PRÉTûRE. Voy. PRÉTEUR.

PRÉVALENCE


*PRÉVALENCE, s. f. [Prévalance: 1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] Mot employé par Leibnitz, allemand, écrivant en français: "Il n' est pas possible que l' univers entier ne soit pas bien réglé, la prévalence en perfection étant la raison de l' existence de ce systême des chôses (l' optimisme.) Prévalence est un latinisme, pr‘valentia. C' est aussi un mot anglais, comme prévalent, dont s' est servi Mde. de B... "L' autorité prévalente de son ancien confédéré. Hist. d' Angl.

PRÉVALOIR


PRÉVALOIR, v. n. [Préva-loar: 1re é fer. = Il se conjugue comme valoir, excepté qu' au présent du subjonctif on dit prévale, et non pas prévaille. Corn. Acad. Regn. "M. Linguet a dit encôre, ils prévaillent; et M. l' Abé Royou: ne craignons pas qu' il se prévaille.] Avoir, remporter l' avantage sur; "Il ne faut pas que la coutume prévale sur la raison. Il s' emploie aussi sans régime: son adversaire a prévalu. = Il est aussi réciproque: tirer avantage de: "Se prévaloir de sa naissance, de son crédit: "il s' est prévalu de la faiblesse, de la simplicité de, etc. "Il se prévaut de tout.
   Rem. 1°. Se prévaloir ne se prend qu' en mauvaise part. Il ne signifie que vanité ou mauvaise finesse. "Il s' est prévalu de ma méprise, pour s' avantager à mon préjudice. Vaugelas l' emploie en bone part, dans le sens de profiter. "Il faut être assidu à la Cour et dans la fréquentation de ces sortes de persones (qui sont consomés dans la langue) pour se prévaloir de l' un et de l' aûtre. Peut-être le disait on ainsi de son tems; mais je doute fort que l' usage d' aujourd' hui l' aprouve. = 2°. Le régime ordinaire de prévaloir, neutre, est la prép. sur: Quelques Auteurs ont employé la prép. à."La raison d' État prévaut à toutes les considérations. Anon. "Son témoignage ne prévaut pas au crédit de Clodius. Vertot. = Le Dict. de Trév. done des exemples de ce régime du datif, mais sans citer d' Auteur. On dit, dans le Dict. Gram. que ce verbe est quelquefois suivi de la prép. sur, ou du datif: le 1er régime est le plus autorisé. L' Académie ne done d' exemple que de celui là.

PRÉVARICATEUR


PRÉVARICATEUR, s. m. PRÉVARICATION, s. f. PRÉVARIQUER, v. n. [Prévari--kateur, ka-cion, ké; 1re é fer. dern. é aussi fer. dans le verbe.] Prévariquer, c' est trahir la cause, l' intérêt des persones qu' on est obligé de défendre; c' est agir contre les obligations de son ministère. Prévaricateur, celui qui prévarique. Prévarication, action de prévariquer. "Cet Avocat, ce Procureur a prévariqué: c' est un prévaricateur: il est acusé de prévarication: sa conduite est une prévarication manifeste.
   Rem. Suivant La Touche, ces mots se disent proprement des Avocats et des Procureurs, qui trahissent leurs parties; mais ils ne laissent pas aussi de se dire des aûtres persones. "Nous sommes tous des prévaricateurs, qui avons trahi la cause de Dieu. "Il a prévariqué dans sa charge. = On le dit sur-tout des Ministres de la Religion, quand ils trahissent leur ministère.

PRÉVENANCE


PRÉVENANCE, s. f. PRÉVENANT, ANTE, adj. PRÉVENIR, v. act. PRÉVENTION, s. f. [Prévenance, nan, nante: pré--veni, van-cion, en vers, ci-on: 1re é fer. 2e e muet aux quatre prem. lon. au 5e; 3e lon. aux trois prem. 4e e muet.] Prévenir, est 1°. Arriver devant, venir le premier. "Le Courrier de France prévint celui d' Espagne. = 2°. Être le premier à faire ce qu' un aûtre voulait faire. "Il vouloit me venir voir; mais j' ai été bien aise de le prévenir. "Il vous perdra, si vous ne le prévenez. = 3°. Rendre de bons ofices, sans en être prié. "Il l' a prévenu par toutes sortes de bons ofices. = 4°. En termes de Droit, conférer, ou juger avant un aûtre Collateur, un aûtre Juge. "Le Pape, en certains câs, prévient l' Ordinaire; les Baillis et Sénéchaux préviènent les Juges subalternes. = 5°. En parlant du tems, anticiper. "La sagesse avait prévenu l' âge dans lui. "Je préviendrai l' heure, pour ne pas le faire atendre. = 6°. En parlant des maux, des dangers, les détourner par ses précautions. = 7°. Prévenir les objections; y répondre par avance. = 8°. Préocuper l' esprit de quelqu' un. "Il a prévenu ses Juges; l' esprit de ses Juges. "Il s' est laissé prévenir. = Se prévenir: "Vous vous prévenez trop aisément.
   REM. Se prévenir et être prévenu, dans ce dernier sens, régissent pour, en faveur ou contre. "Il ne faut pas se prévenir, ou se laisser prévenir aisément pour ou contre les gens. "Il est excessivement~ prévenu pour les Anciens, en faveur des Anciens; contre les, etc. _ La Bruyère fait régir au dernier la prép. de. "Médiocrement prévenu des Ministres et du Ministère. Dites prévenu pour ou en faveur de. = Prévenu ne régit l' ablatif que des chôses: prévenu d' une opinion, d' une passion; et au Palais, prévenu, (acusé) de crime. = Prévenir a ce même régime, dans le sens d' instruire. "N' aurois-je pas été obligé de le prévenir de tous les dangers, qui se trouvent ici (à la Cour.) Th. d' Éduc.
   PRÉVENANCE est une manière obligeante de prévenir. (n°. 3°.) "Il n' y a sorte de prévenance qu' il ne m' ait faite. Il s' emploie souvent au pluriel. "Ce n' étoient plus mêmes atentions, ni mêmes prévenances. FIELDING.
   PRÉVENANT, qui prévient (n°. 1°.) grâce prévenante. = Qui dispôse en faveur: air prévenant; mine, physionomie prévenante. = Gracieux; qui va au devant de tout ce qui peut faire plaisir. "C' est un homme fort prévenant.
   PRÉVENTION n' exprime l' action de prévenir, qu' en termes de Droit (n°. 4°.) Le Pape a droit de prévention sur l' ordinaire, etc. * Quelques-uns le disent pour prévenance, mais, mal. "Il s' agissoit de répondre aux préventions de ce Roi, qui vous invitoit au festin des Nôces de son Fils. La Rue. = L' usage ordinaire de ce mot est de signifier préocupation. Voy. PRÉVENIR, (n°. 8°.) Homme plein de préventions; sujet aux préventions. "Il faut se défaire, se dépouiller de toute prévention; juger des chôses sans prévention.

PRÉVISION


PRÉVISION, s. f. PRÉVOIR, v. act. [Prévi-zion, pré-voar: 1reé fer.] Prévoir se conjugue comme voir, excepté le futur et le conditionel, où l' on dit, je prévoirai, je prévoirois ou prévoirais, etc. = Juger par avance qu' une chôse doit arriver "Qui eût jamais pu prévoir cet accident. "Je l' avais bien prévu. "Vous auriez dû le prévoir.
   PRÉVISION, vue des chôses futûres. Il ne se dit que de Dieu. "La prévision des mérites, etc.

PRÉVôT


PRÉVôT, s. m. PRÉVOTAL, ALE, adj. PRÉVOTALEMENT, adv. PRÉVOTÉ, s. f. [1reé fer. 2e lon. au 1er seulement. On écrivait aûtrefois prévost, prévostal, etc. Quand on suprima l' s, on la remplaça par~ l' accent circ. mais cet accent ne convient qu' au 1er où l' o est long. On a continué par habitude à le mettre sur les aûtres, où il est bref: c' est une chôse à réformer parmi tant d' aûtres.] Prévôt est le nom qu' on done à certaines persones, préposées pour avoir soin, autorité, ou direction, etc. = Chef d' un Chapitre de Cathédrale et de quelques Collégiales. = Prévôt, ou Grand Prévôt; Prévôt des Maréchaux, ou de la Maréchaussée; Oficier préposé pour veiller à la sûreté des grands chemins, et prendre conaissance des délits qui arrivent dans une Généralité, etc. = Prévôt des Marchands, le chef de l' Hôtel de Ville à Paris, à Lyon, etc. etc. etc.
   Rem. Fréron a employé Prévote des Marchands, en parlant du Début poétique de Gilbert, dédié à Mde de la Verpillière.
   Prévotal et Prévotalement ne se disent qu' en parlant des crimes qui sont de la compétence du Prévôt des Maréchaux. "Un vol commis sur le grand chemin est un câs prévotal. "La fausse monaie est un des câs prévotaux. "Ce criminel a été jugé prévotalement. = L' Acad. avait dabord décidé qu' il falait dire, câs prevotable, quoique l' usage le plus général fût pour prévotal. Dans la dern. édit. elle ne met que celui-ci.
   PRÉVOTÉ se dit de la dignité de Prévôt dans un Chapitre; de la fonction et juridiction des Prévôts de robe et d' épée; ou du territoire où s' exerce cette sorte de juridiction. "Il a été nomé à la Prévoté d' un tel Chapitre. _ On l' a assigné à la prévoté. _ Il a été banni de toute la prévoté et Vicomté de Paris, etc.

PRÉVOYANCE


PRÉVOYANCE, s. fém. PRÉVOYANT, ANTE, adj. [Pré-voa-ian-ce, ian, iante: 1re é fer. 3e. lon. 4ee muet. = Richelet écrit prévoïance, prévoïant; mais cette ortographe ne rend pas la vraie prononciation de ce mot.] La prévoyance est une faculté ou une action de prévoir, et de prendre des précautions pour l' avenir. "Il a une grande prévoyance: rien n' échape à sa prévoyance. = Prévoyant, qui a de la prévoyance. "Il est bien prévoyant: la sagesse est prévoyante. Avoir l' esprit prévoyant.

PREûVE


PREûVE, s. f. [preû-ve: 1re lon. 2e e muet.] Ce qui établit la vérité d' une proposition, d' un fait. "Preûve convaincante, démonstrative, authentique, incontestable, etc. Preûves judiciaires, testimoniales ou litérales. = Faire preûve de noblesse; faire des preûves. _ Doner des preuves de sa valeur, de son savoir, etc. = On dit fig. avoir la preûve en main: "Il s' agit de décider sur le talent de... dans le genre dramatique. La matière est grave, et demande qu' on procède avec circonspection et la preûve en main. Ann. Litt. = Faire ses preûves se dit aussi au figuré. "Il a fait ses preûves: il s' est fait conaître pour homme d' honeur; pour savant, etc. = M. l' Ab. de Fontenai dit porter preûve: Cet article est plein de raison et d' exemples qui portent preûve _ J' ôse douter que cette expression soit admise par l' usage.
   PREûVE QUE, espèce de conjonction: "Ils voulurent expliquer tout, rendre raison de tout; preuve qu' on abusoit déjà des sciences qui començoient à naître. LINGUET, Siècle d' Alexandre.

PREUVER


*PREUVER, s' est dit autrefois pour prouver.

PREUX


PREUX, s. m. et adj. [preû, monos. long.] Vieux mot, Brave, vaillant: preux Chevalier. "Les neuf preux. On le dit encore en plaisantant et dans le marotique.

PRIÉ


PRIÉ, s. m. [pri-é: 2eé fer.] Celui qui est invité à un festin. On ne le dit qu' au pluriel: on ne dit point, c' est un prié; on dit: il est du nombre des priés.

PRIÉ-DIEU


PRIÉ-DIEU, ou PRIE-DIEU, s. m. [Le premier est le plus sûr et le plus autorisé. Dans le Dict. d' Ortogr. il est estimé moins bon. Ménage a dit au contraire, il y a long--tems qu' on dit un prié-Dieu, et non pas un prie-Dieu, et que c' est ainsi qu' on parle à la Cour. L' Acad. ne met que celui-là. _ Il est indéclinable, et ne prend ni l' s ni l' x, signes du pluriel "On avoit préparé plusieurs prié-Dieus, et non pas priés-Dieu, et encore moins~ prié-Dieux. "Sur un prié-Dieu à peu près semblable aux prié-Dieux de Prélats d' Italie. Let. Édif. Retranchez l' x.] Pupitre, acompagné d' un marche-pied, où l' on s' agenouille pour prier Dieu. _ Quelques-uns disent Agenouilloir: ce mot est suspect: il est dans Trév. L' Acad. ne le met pas.

PRIER


PRIER, v. act. et n. PRIèRE, s. f. [pri-é, pri-ère: 2e é fer au 1er, è moyen et long au 2d. Dans le verbe l' i est long. devant l' e muet: il prie; ils prient. Au futur et au conditionel, cet e muet ne se prononce pas, et quelques Poètes même ne l' écrivent pas: je prierai, il prierait: pron. prîré, prîrè, en deux syllabes.
   Alors, peut-être alors, vous le prîrez en vain.
       Corneille.]
PRIER c' est 1°. demander par grâce. Il régit l' acusatif et l' ablatif. "Prier quelqu' un d' une grâce. "Je vous en prie. _ Il régit, en ce sens, de devant l' infinitif. "Je vous prie de me faire ce plaisir; ou que avec le subjonctif; mais on emploie rârement ce régime, et seulement quand on veut intimer un ordre ou une menace: je vous prie que cela n' arrive plus. Hors delà, on emploie l' infinitif. "2°. Inviter, convier. Il régit alors de devant les noms, et à ou de devant les verbes: on m' a prié de la nôce. "Il m' a prié de l' acompagner. _ Prier à dîner ou de dîner. Il y a quelque diférence entre ces deux expressions. Prier à dîner marque un dessein prémédité: Prier de dîner est un terme de rencontre et d' ocasion. Mén. Bouh. Au passif, on dit toujours à: je suis prié à dîner. = Inviter à dîner, marque encôre plus de considération que prier à dîner. Beauzée. = 3°. S' adresser à Dieu pour lui demander des grâces, ou aux Saints, à la Sainte Vierge, pour les obtenir par leur intercession. Actif. "Prier Dieu. "Le prier de nous faire miséricorde; Le prier qu' il nous garantisse de tout danger. _ Prier la Ste. Vierge, les Saints, d' intercéder pour nous. Neutre: "Il faut prier les uns pour les aûtres, prier pour ses énemis, pour les morts, etc.
   Prier, suplier (synon.) Le premier est moins respectueux et moins énergique que le second, qui marque, et un desir plus vif, et un besoin plus urgent d' obtenir. Nous prions nos égaux et nos amis de nous rendre quelque service: nous suplions le Roi et les persones constituées en dignité de nous acorder quelque grâce, ou de nous rendre justice. BEAUZ. Synon.
   Rem. 1°. Nos Anciens ne faisaient pas dificulté de dire, je te pri' , je te suppli' pour je te prie, je te suplie.
   Passant je te suppli' d' arrêter pour entendre.
       Ronsard.
Par la supression de cette licence, prie ne peut plus paraître qu' à la fin du vers. = 2°. Prier, passif, régit-il de et l' infinitif? J' en doute. "Il fut prié de précher devant la Chambre des Comunes. Targe, traducteur de Smolet. Je crois que l' usage veut qu' on dise, en se servant de l' actif: on le pria de précher.
   PRIèRE est 1°. Demande à titre de grâce. "Humble, instante prière. Faire une prière à quelqu' un. Il l' a fait à ma prière. Acordez-le à ma prière, ou~ à mes prières. "Les prières des Grands sont des ordres. = 2°. Acte de Religion, par lequel on s' adresse à Dieu. "Les prières de l' Église. "Se recomander aux prières de quelqu' un. Faire sa prière ou ses prières. Assister à la prière. Soner la prière.
   Rem. Prière, avec le régime de la prép. de, a une signification active. La prière des Saints est la prière que les Saints adressent à Dieu, et non pas, comme l' entend Bossuet, la prière que nous adressons aux Saints.

PRIEUR


PRIEUR, EURE, s. m. et f. PRIEURÉ, s. m. [Prieur, monos. prieu-re, prieu-ré; 2e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Prieur est, 1°. celui qui a la supériorité dans certains Monastères de Religieux. = 2°. Celui qui jouit des fruits d' un prieuré et qui en porte le titre, sans avoir aucune autorité sur les Religieux. = 3°. Titre de dignité dans certaines sociétés. "Prieur de Sorbone, etc. = Prieure, Religieûse qui a la supériorité dans un Monastère de filles, ou en chef, ou sous une Abesse. = Prieuré se dit, et d' une Comunauté religieuse d' hommes sous la conduite d' un Prieur, et de filles sous la conduite d' une Prieure; et de la maison ou de l' Église de cette Comunauté, et de la maison du Prieur. _ Remarquez que cela ne s' entend que des Ordres monastiques, et non des Ordres mendians. = Prieuré simple, dans lequel il n' y a point de Religieux, et qui est souvent possédé par un Éclésiastique séculier. = Prieuré-Cure, auquel il y a une Cure annexée. Celui qui la possède s' apelle Prieur-curé, ou simplement Prieur.
   Rem. On a dit autrefois Prioré suivant l' étymologie latine, prior, prioratus. Quelques-uns, en certaines Provinces, le disent encôre aujourd' hui. Il faut dire prieuré, suivant l' analogie et l' étymologie française, Prieur, Prieure.

PRIMAT


PRIMAT, s. m. PRIMATIE, s. f. PRIMATIALE, adj. fém. [Prima, maci-e, ma--cia-le: on ne prononce point le t final dans le 1er, 3e lon. au 2d.] Primat est un Prélat dont la juridiction est au-dessus des Archevêques. = Primatie se dit, et de la dignité de Primat, et du ressort de sa juridiction, et du Siège même de cette juridiction. "Du Siège métropolitain on apèle à la Primatie. = Église primatiale, qui a pour chef un Primat.
   Rem. S' il en faut croire le Dict. de Trév. on dit, aller à la primace de Lyon, pour dire à la Primatie. Ce mot parait populaire. Il ne se trouve point dans les autres Dictionaires.

PRIMAUTÉ


PRIMAUTÉ, s. fém. [Primoté: 2e dout. 3e é fer.] Prééminence, premier rang: la primauté du Saint Siège, du Pape. "L' Église de Rome a la primauté sur toutes les autres. = Aux jeux des Cartes et des dés, primauté se dit de l' avantage qu' on a d' être le premier à jouer.

PRIME


PRIME, s. f. [2e e muet.] 1°. La première des petites heures canoniales. "Dire, chanter Prime, assister à Prime. "J' en suis à Prime, c. à. d. j' ai dit Matines et Laudes. _ Il ne prend point d' article. * Quelques-uns lui en donent un et l' emploient au pluriel. "Avez-vous dit vos primes; les primes d' aujourd' hui sont fort longues. Ils parlent mal. = 2°. Sorte de jeu où l' on ne done que quatre cartes: jouer à la prime, à la grande, à la petite prime. _ Avoir prime, avoir ses quatre cartes de couleur diférente. = 3°. En termes de comerce maritime, ce que l' assuré paye à l' assureur pour le prix de l' assurance, et qui est proportioné au risque que court celui-ci. = 4°. En termes de Joaillier, pierre demi-transparente: Prime d' émeraude, d' améthyste, etc. = Prime est adjectif dans cette expression adverbiale; de prime abord, au premier abord. "De prime abord je le pris pour un aûtre. = M. Dandré-Bardon dit au prime abord: ce n' est pas l' usage, au se dit avec premier et de avec prime. = Mrs. de l' Académie disaient que de prime abord était populaire; mais au mot Abord, ils n' en restraignaient pas l' usage. Dans la dern. édit. ils se contentent de dire qu' il est familier. _ * On a dit anciènement, de prime saut, de prime face. RICH.

PRIMER


PRIMER, v. n. et act. [Primé: 2eé fer.] Tenir la première place. Il ne se dit au propre qu' au jeu de la paûme. = Fig. sur--passer; avoir de l' avantage sur les aûtres. "Il prime en tout: il prime sur tous les aûtres. _ "Il aime à primer, à paraitre plus que tous les aûtres. = V. act. Devancer. Ce courrier a primé celui, qui était parti avant lui.

PRIME-VèRE


PRIME-VèRE, s. f. [2e et dern. e muet, 3e è moy. et long.] Sorte de fleur printanière. = M. de Saint Lambert dans son Poème des Saisons a fait ce mot masculin.
   L' odorant Primevère élève dans la plaine, etc.
L' Acad. le marque fém. et dit: il y en a de jaûnes, de blanches, de gris-de-lin. Il faut donc dire, l' Odorante prime-vère.

PRIMEUR


PRIMEUR, s. f. [Pri-meur en 2 sylabes] Première saison de certain fruits. On dit, des fraises, des pois, etc. dans la primeur, dans leur primeur. On dit aussi de certains vins qu' ils sont bons dans la primeur, qu' ils sont bons à boire incontinent après la vendange. = Quelques-uns disent absolument des primeurs, les primeurs, pour dire, les fruits dans leur primeur. "On sert sur sa table les primeurs dês qu' elles paraissent, et quoiqu' elles coûtent. Je done cette locution pour ce qu' elle vaut sans la garantir.

PRIMICIER


PRIMICIER, s. m. [Primi-cié: 3eé fer.] Celui, qui a la première dignité dans certains Chapitres. _ Recteur, dans certaines Universités.

PRIMITIF


PRIMITIF, IVE, adj. PRIMITIVEMENT, adv. [Primitif, tîve, tiveman: 3e lon. au 2d et 3e; 4e e muet.] Primitif; 1°. Le premier, le plus ancien; titre primitif; la primitive Eglise ou l' Eglise primitive (le 1er est le meilleur.) L' Église du tems des Apôtres. Curé primitif, celui, qui, originairement Curé, en conserve quelques droits utiles et honorifiques, et a sous lui un Vicaire perpétuel, qu' on apèle simplement Curé, et qui fait les fonctions curiales. = 2° En gramaire, mot original, dont se forment d' autres noms, qu' on apèle dérivés. "Juste est le mot primitif (ou le primitif) de justement, justice, justicier, etc.
   Rem. Excepté avec Église, l' adj. primitif aime à suivre le substantif. "Les quatre anciennes et primitives tribus d' Athènes, dit Rollin: l' inversion est dûre.

PRIMOGÉNITûRE


PRIMOGÉNITûRE, s. f. [3eé fer. 5e lon. 6e e muet.] Terme de Jurisprudence. Droit d' ainesse. "Ésaü vendit sa primogénitûre pour un plat de lentilles.

PRIMORDIAL


PRIMORDIAL, ALE, adj. Il ne se dit guère qu' avec titre. Le plus ancien, le premier en ordrem. Titre primordial.

PRINCE


PRINCE, s. m. PRINCESSE, s. f. PRINCIPAUTÉ, s. f. PRINCIPION, s. m. [Prein--ce, cèce, cipoté, cipi-on: 1re lon. 2e e muet. au 1er, è moy. au 2d.] Prince est celui, qui possède une Souveraineté en titre, ou, qui est d' une maison Souveraine; ou qui possède une Terre, qui a le titre de Principauté. "Les Princes d' Italie, d' Allemagne. Les Princes du Sang, les Princes Étrangers, le Prince d' Orange, de Dombes, etc. = Princesse, fille ou femme de Prince. "Jeune Princesse: c' était une grande Princesse. = Principauté se dit et de la dignité de Prince: on lui dispute sa principauté, et d' une terre, qui done la qualité de prince à celui qui en est Seigneur. "La principauté d' Orange, de Neuf-Châtel, etc. = Principion (st. famil. et méprisant) petit prince, qui n' a pas grand pouvoir. Suivant Trév. on dit aussi principiot.
   REM. Prince signifie quelquefois premier, comme quand on dit, le Prince des Philosophes, des Orateurs; le Prince de l' Éloquence Romaine: et dans le langage de l' Église, le Prince des Apôtres, les Princes des Prêtres. Bouhours dit que c' est l' ignorance, qui a introduit ces expressions, par la mauvaise traduction du mot princeps, qui en latin signifie premier et non pas Prince. = Il ne faut pas du moins étendre à d' aûtres mots cette expression abusive admise par l' usage pour quelques-uns; et dire, par exemple, en parlant d' un grand Monarque, le Prince des Rois, le Prince des Conquérans, des Héros, etc. Ainsi Mrs. de Port-Royal eussent mieux traduit cet endroit de l' Apocalypse: princeps regum terr‘ par, le Souverain des Rois de la terre, que par le Prince des Rois de la terre. BOUH. Rem. Nouv. _ Massillon apèle les Grands, les Princes du Peuple. On apèlle les Cardinaux, les Archevêques et Évêques, les Princes de l' Église; le Démon, le Prince des ténèbres.

PRINCIèRE


*PRINCIèRE, adj. Barbarisme, employé dans un Journal Politique. "Une anciène maison princière d' Allemagne.

PRINCIPAL


PRINCIPAL, ALE, adj. PRINCIPALEMENT, adv. PRINCIPALITÉ, s. f. [Prein--cipal, pale, paleman, palité: 1re lon. 4e e muet. au 2d et au 3e.] Principal, qui est le plus considérable, le plus remarquable en son genre. "Le principal emploi. Son principal but est de, etc. "Il en fait sa principale afaire.
   Rem. Quelques Auteurs font régir au pronom relatif, qui suit cet adjectif, le subjonctif des verbes. "C' est la principale raison qu' il ait aportée. Anon. "La rivière est le principal réservoir qui fournisse à l' entretien de cette fraicheur si nécessaire. _ On en trouve d' aûtres exemples dans l' Ann. Litt. et âilleurs. Principal est traité par ces Auteurs comme un superlatif (Voy. Premier.) Mais le plus grand nombre des Écrivains emploie l' indicatif. "C' est le principal motif qui l' a décidé, la principale raison qu' il a donée de sa conduite, etc.
   PRINCIPAL, est quelquefois substantif, et signifie: 1°. Ce qu' il y a de plus important, de plus essenciel, de plus considérable. "Le principal de l' afaire, c' est... Vous oubliez le principal. "Le principal doit aler avant l' accessoire. _ Avec le v. être, il régit de devant les verbes. "Le principal est de travailler à son salut. "Le principal est de guérir sa défiance. Télém. = 2°. Il se dit aussi sans régime, pour exprimer le fonds capital d' où l' on retire des intérêts.
   Je vous pairaî, lui dit-elle,
   Avant l' août, foi d' animal
   Intérêt et principal.       LA FONT.
= 3°. Au Palais, la première demande, le fonds d' une afaire, d' une contestation. "Le Parlement a évoqué le principal. 4°. PRINCIPAL, celui, qui est préposé dans un Collège, dans une Pension, pour en avoir la direction.
   PRINCIPALEMENT; particulièrement; sur-tout. "Ce qu' un père doit principalement recomander à ses enfans, c' est la crainte de Dieu. _ Il se met toujours aprês le verbe, même dans les tems composés; mais il peut précéder l' infinitif, comme on le voit dans la phrâse citée. On pourrait dire aussi en le mettant aprês, recomander principalement, etc.
   PRINCIPALITÉ, Ofice, Emploi d' un principal de colège ou de pension. Il faut dire principalité et non pas principauté, a dit depuis longtems l' Auteur des Réflexions, etc. La Touche dit pourtant, aparemment d' aprês Richelet, que d' habiles gens sont contraires à cette décision, et prétendent qu' il faut toujours dire principauté. (Soit qu' on parle d' un Principal ou d' un Prince). Cependant, ajoute-t' il, l' Acad. est pour principalité; et tel parait être en éfet l' usage de tous les colèges.

PRINCIPALITÉ


PRINCIPALITÉ, Voy. PRINCE.

PRINCIPE


PRINCIPE, s. m. [Prein-cipe: 1re lon. 3e e muet.] 1°. Première caûse. En ce sens, il ne se dit que de Dieu. "Dieu est le principe ou le premier principe de toutes chôses: le principe de tout bien, le souverain principe. = 2°. En Physique, caûse naturelle de l' action, du moûvement. "Les animaux ont en eux mêmes le principe du moûvement: les corps inanimés ne peuvent se mouvoir que par un principe, qui leur est étranger. = 3°. Dans les Arts, les premiers préceptes, les premières règles. "Les principes des beaux Arts. "Il parle d' un Art, dont il n' a pas même les premiers principes. = 4°. Maxime, motif. "Principes de conscience, d' honeur. "Il a de bons principes, ou absolument, il a des principes: il n' a point de principes: on entend de morale, de religion, ou de raisonement. "Agir ou parler sans principes. Voy. MAXIME.

PRINCIPION


PRINCIPION, Voy. PRINCE.

PRINTANIER


PRINTANIER, IèRE, adj. PRINTEMPS ou PRINTEMS, s. m. [Prein-ta-nié, niè-re; prein-tan: 1re lon. au dern. 3e é fer. au 1er, è moy. et long au 2d.] Printems est la première des quatre saisons de l' année. "Dans le printems, ou, au printems. "Les fleurs du printems. "Un beau jour de printems. = Fig. La jeunesse. "Dans le printems de sa vie, de son âge, de ses jours.
   Prétendois-tu que les Parques
   Dussent, filant tes instans,
   Signaler des mêmes marques
   Ton hiver et ton Printemps.       ROUS.
PRINTANIER, qui est du printems: "Fruit printanier. Fleurs printanières. La saison printanière. _ Richelet, qui retranche les doubles consones à tant de mots où l' usage les admet, écrit celui-ci avec deux n: printannier. Peut-être prétendait-il qu' on les prononçât toutes deux: printan-nié. L' Acad. ne met qu' une seule n.

PRIORAT


*PRIORAT, s. m. La durée de la supériorité et de l' administration d' un Prieur et d' une Prieure non perpétuels. Ce mot est usité dans plusieurs couvens d' Hommes et de Filles. M. l' Ab. Du-Serre-Figon l' a employé dans une note de son beau Panégyrique de Ste. Thérèse: mais il l' a mis en italique. "Sous le Priorat de la respectable Mère Julie de Jesus.

PRIORÉ


*PRIORÉ, Voy. PRIEURÉ.

PRIORITÉ


PRIORITÉ, s. f. [Pri-orité: dern. é fer.] Antériorité; primauté dans l' ordre du tems. Priorité de date, d' hypothèque. "Priorité de natûre, de tems, de raison, d' origine, de relation. = Ce mot n' est usité qu' en Jurisprudence, en Philosophie et en Théologie.

PRIS


PRIS, PRISE, Partic. du v. prendre. On l' emploie quelquefois adjectivement. Homme pris de vin; homme pris pour dupe; homme bien pris dans sa tâille, bien fait. L' Ab. Prévot dit: sa taille étoit bien prise: celui-ci n' est pas aussi sûr. _ Cheval bien pris, qui a le corsage bien fait. _ Au Lansquenet, on dit qu' un homme est pris, quand sa carte est faite. Delà l' expression proverbiale, avoir l' air d' un premier pris; avoir la contenance triste et embarrassée.

PRISE


PRISE, s. f. [Prîze; 1re lon. 2e e muet.] C' est, en général, action de prendre. En particulier, il signifie, 1°. Captûre, ou de ceux qui sont arrêtés par l' ordre de la Justice, ou de ceux qui sont pris prisoniers à la guerre, ou de tout ce qui s' y prend par la voie des armes. "La prise d' un voleur, d' un Général d' armée, d' une place, d' un fort, d' une redoute, etc. = Prise d' armes, est l' action de prendre les armes contre le Prince, ou l' État. "Il ne lui reste (à Luther) pour justifier cette prise d' armes, ni autorité, ni exemple. Bossuet. = 2°. L' endroit par où l' on prend certaines chôses. "Ce vâse n' a point de prise, point d' anse par où on puisse le prendre. = 3°. Dôse qu' on prend en une seule fois. "Une prise de thériaque: deux prises de rhubarbe, une prise de café, de thé, de chocolat. _ Une prise (une pincée) de tabac. = 4°. Querelle. Ils ont eu prise, ou une prise, ou quelque prise ensemble. = 5°. Il se combine avec d' aûtres noms, comme action de prendre. _ Prise d' habit, ou vétûre, cérémonie où l' on done l' habit religieux. _ Prise de possession, acte par lequel on prend possession d' un bénéfice, d' une charge, d' un héritage. _ Prise de corps, action d' arrêter, de saisir au corps un homme par autorité de Justice. _ Prise à partie, action de prendre à partie un Juge, et d' intenter action contre lui personellement. = 6°. Prise entre dans quelques expressions composées. _ Doner prise, et lâcher prise, où prise s' emploie sans article. Le 1er régit la prép. sur des persones, et la prép. à des chôses. "Vous donez prise sur vous: il done prise à la censûre. Il réunit quelquefois les deux régimes. Il a doné prise sur lui à tous ceux qui voudront l' ataquer. _ Trouver prise régit aussi la prép. sur.
   Et sur l' âme la mort ne trouve point de prise.
       L. Racine.
"Passages sur lesquels la critique avoit cru trouver prise. Anon. _ Doner prise, se dit sans régime, dans un sens figuré qui tient du propre (n°. 2°.) "Il prononça un discours très-fleuri sur des vertus si déliées, qu' elles ne donoient aucune prise. Coyer. _ Lâcher prise (abandoner, céder) se dit sans régime, et s' emploie au propre et au figuré. "On lui a fait lâcher prise: "Les dogues d' Angleterre ne lâchent jamais prise. "Ces deux Docteurs ont disputé long-tems; et comme c' est l' usage, aucun des deux n' a voulu lâcher prise. "Il n' étoit pas homme à lâcher si aisément prise. Mars. _ Être ou mettre aux prises; en être, en venir aux prises, se batre, se disputer, se quereller. Ils en sont aux prises. "Ils en vinrent aux prises: on mettoit aux prises ces deux hommes singuliers et si curieux à entendre (Piron et Voltaire.) Ann. Litt. = Être en prise, se dit des chôses exposées à être prises; hors de prise, de celles qu' on ne saurait prendre, ou auxquelles on ne peut ateindre. _ On dit aussi au jeu des échecs, qu' une pièce est en prise, et au jeu du billard, qu' une bille est en prise. = De bone prise, qu' on avait droit de prendre. "Ces marchandises, ces vaisseaux ont été déclarés de bone prise.
   7°. Prise, en termes de Marine, vaisseau pris sur les énemis. "Il est entré dans le port un grand nombre de prises. "Sa prise a échoué, naufragé, a été reprise, etc.

PRISÉE


PRISÉE, s. f. PRISER, v. act. PRISEUR, s. m. [Prizé-e, zé, zeur; 1re lon. devant l' e muet, il prise, prisera, etc. 2e é fer. aux 2 prem.] Priser, au propre, mettre le prix à une chôse, en faire l' estimation. "Deux Libraires ont prisé les livres de cette bibliothèque. Fig. style familier. Cet homme prise trop ses marchandises: il estime trop ce qui lui apartient. = 2°. Au figuré, Estimer. "On prise beaucoup ce Prédicateur, cet ouvrage. "Cet homme se prise trop pour priser les aûtres.
   PRISÉE et PRISEUR ne se disent qu' au propre. _ Action de priser. Faire la prisée de... En style prov. "Cette fille est demeurée pour la prisée: aprês avoir refusé de bons partis, elle vieillit sans se marier. = Huissier qui prise. "Un Huissier-priseur: le Juré-Priseur.

PRISMATIQUE


PRISMATIQUE, adj. PRISME, s. masc. [Pris-matike, prisme: dern. e muet.] Prisme est un corps solide, terminé par deux bâses égales et parallèles, et par autant de parallélogrammes que chacune des bâses a de côtés. Prisme pentagone, exagone, triangulaire, etc. _ Absolument, il se dit en Physique, d' un prisme triangulaire. "Prisme de verre. = Corps, figure prismatique, qui a la figure d' un prisme.

PRISON


PRISON, s. f. PRISONIER, IèRE, s. m. et f. [Prizon, zo-nié, nière: 3e é fer. au 2d, è moy. et lon. au 3e.] Prison, est le lieu où l' on enferme les acusés, les débiteurs, etc. "Mettre en prison; tirer de prison: Garder prison ou la prison. * D' Avrigni dit prison, pour emprisonement. "La prison du Gouverneur... servit à punir sa lâcheté. Le Rich. Port. met aussi prison, emprisonement: cela n' est pas exact. Prison ne régit pas les persones, mais les lieux où elle est située. On dit, dans les prisons d' Angleterre; mais on ne dit pas, la prison, on dit l' emprisonement d' un Anglais, d' un Français. = Prison est quelquefois beau au figuré: "Le corps est la prison de l' âme.
   Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre?
   Pour forcer ta prison, tu fais de vains efforts,
   La rage de tes flots expire sur tes bords.
       L. Racine.
On dit proverbialement et ironiquement: charmant comme une porte de prison. _ Être dans la prison de St. Crépin; avoir des souliers qui serrent trop. _ Le proverbe dit: il n' y a point de laides amours, ni de belles prisons.
   PRISONIER, Qui est arrêté pour être mis en prison, ou qui y est détenu. "On l' a mené, ou il s' est rendu prisonier. "On la retient prisonière depuis long-tems. Prisonier pour crime: prisonier d' État; prisonier de guerre. _ On dit ordinairement, en parlant de la guerre, faire des prisoniers: "On fit trois mille prisoniers. _ L' Acad. dit aussi, Il fut pris prisonier à une telle bataille. Celui-ci vaut mieux au passif qu' à l' actif, sur-tout quand on spécifie le nombre. "Il prit douze cens prisoniers, dit M. Targe. Je voudrais dire, il fit 1200 prisoniers, ou bien douze cens hommes furent faits ou furent pris prisoniers. * Il dit âilleurs, ils furent mis prisoniers, qui ne vaut pas mieux, ou qui est même plus mauvais. On dit, envoyer prisoniers; et ce Traducteur, toujours trop litéral, le dit de même en un aûtre endroit. Voyez ENVOYER. = En st. Poétique, prisonier se dit des chôses.
   Et le reflux bruyant des ondes turbulentes,
   Et le feu prisonier dans des forges brûlantes.
       De Lille.

PRISTINE


*PRISTINE, adj. f. Vieux mot. Anciène, précédente. "Ayant repris leurs forces pristines, dit St. Fr. de Sales. = On le dit encôre en badinant: "Rapelez votre vertu pristine.

PRIVATION


PRIVATION, s. f. PRIVATIF, IVE, adj. PRIVATIVEMENT, adv. [Priva-cion, tif, tîve, tîveman, 3e lon. 4e e muet au 3e et 4e.] Privation est la perte d' un bien qu' on avait ou qu' on devait avoir. C' est aussi quelquefois l' abandon volontaire qu' on en fait. "La privation de la vûe, de l' oüie. "La privation des privilèges. "S' imposer par vertu des retranchemens, des privations. = Manque des chôses nécessaires. "Être dans la privation de toutes chôses.
   PRIVATIF ne se dit qu' en Gramaire: particule privative, alpha privatif, (en grec) qui marque privation. "In est en français une particule privative. "Inaccessible, incorrigible, insoutenable, etc. L' alpha fait le même éfet dans la langue grecque. Les Traducteurs de quelques édits de l' Empereur, disent Acatholiques, pour dire, non Catholiques.
   PRIVATIVEMENT, est du langage comun, mais l' emploi n' en est pas fort étendu. À~ l' exclusion de... il régit à: on le lui a acordé privativement à tout autre.

PRIVAUTÉ


PRIVAUTÉ, s. f. [Privoté: 2e dout. 3e é fer.] Il dit plus que familiarité. "Il vit en cette maison avec beaucoup de privauté. "Ils savoient qu' il avoit été du festin du Roi, et dans toutes les privautés de la faveur. Vaugelas; Quinte-Curce. = Prendre des privautés, se dit le plus souvent des libertés, que les hommes prènent avec les femmes.

PRIVÉ


PRIVÉ, ÉE, adj. PRIVÉMENT, adv. [Privé, vé-e, véman; 2e é fer. lon. au 2d.] Privé, 1°. En parlant des persones, qui est simple particulier: vivre en homme privé, en persone privée. _ Vie privée. "Il mène depuis long-tems une vie privée. = Autorité privée se dit par oposition à autorité publique. "Faire quelque chôse de son autorité privée. = En son propre et privé nom signifie, pour lui-même, pour son compte; il s' est obligé en son propre et privé nom; ou bien de lui-même, sans en avoir reçu la charge, la commission: il parle, il agit en son propre et privé nom. = 2°. En parlant des animaux, aprivoisé. "Oiseau, moineau, canard privé. = Privé, aprivoisé (synon.) Les animaux privés le sont naturellement, et les aprivoisés le sont par l' art et l' industrie de l' homme. "Le chien, le cheval, le boeuf sont des animaux privés; l' ours et le lion sont quelquefois aprivoisés. _ Sauvage est oposé à privé, et farouche à aprivoisé. Gir. Synon. Cette distinction est assez juste, mais l' usage ne l' admet pas universellement. On dit d' un oiseau, qu' il est privé, quoiqu' il ne le soit pas naturellement~, et on le dit dans le même sens qu' aprivoisé.
   PRIVÉ, s. m. Lieu d' une maison, où l' on va faire ses nécessités.
   PRIVÉMENT, familièrement. "Ils ont toujours vécu privément ensemble. _ La Touche trouvait cet adverbe fort bon, aussi bien que privé, dans le sens de familier: "Il est fort privé avec son gouverneur. "Ils vivent fort privément ensemble. L' Académie dit de l' adjectif, qu' il est du style familier~; et de l' adverbe, qu' il comence à vieillir; et elle le dit depuis long-tems. Pourquoi laisser perdre ces mots sonores et utiles, au moins, pour varier la phrâse, et peut être pour doner plus de l' énergie à l' expression. Ils sont analogues à privauté, et ils disent plus que familier et familièrement.

PRIVER


PRIVER, v. act. [Privé: l' i est long devant l' e muet: il prive, il privera, etc.] Empêcher quelqu' un de jouir d' un bien, d' un avantage qu' il possédait; l' en dépouiller. Il régit l' acusatif de la persone, l' ablatif de la chôse: "Le Roi l' a privé de sa charge. = Se priver, s' abstenir. "Il faut savoir se priver des chôses qui ne sont pas nécessaires. = * M. de Bougainville, dans l' Anti-Lucrèce, fait régir à priver la prép. de devant l' infinitif. "Une mort prompte, en nous enlevant M. l' Abé DE ROTHELIN, l' a privé de présenter au Public l' ouvrage du Cardinal de Polignac. _ L' usage n' admet pas ce régime. Je crois qu' il falait dire:l' a privé de la satisfaction de présenter, etc.

PRIVILèGE


PRIVILèGE, s. m. PRIVILÉGIÉ, ÉE, adj. [3e è moy. au 1er, é fer. aux 2 aûtres, dont la 5eé aussi fer. L' Acad. écrit privilége avec un accent aigu sur le 1er e: il semble pourtant que devant l' e muet, cet e est moyen et non pas fermé.] Privilège est 1°. une faculté acordée à quelqu' un de jouir de quelque avantage, à l' exclusion des aûtres. "Demander, obtenir, acorder, refuser un privilège. "Privilège d' imprimer, de vendre, de débiter, etc. = 2°. L' acte qui contient cette concession. = 3°. Droit, prérogative. "C' est un privilège de sa charge. "Les Princes du sang ont de grands privilèges Voyez PRÉROGATIVE. = 4°. Hypothèque préférable. "Le bailleur de fonds est payé par privilège, a un privilège sur le prix de l' héritage. = 5°. Don naturel: "La raison, ce beau privilège, qui distingue l' Homme de la brute. = 6°. Liberté qu' on a ou qu' on se done de faire des chôses que les aûtres n' ôseraient faire. "Il a acquis le privilège de tout dire et de tout faire impunément.
   PRIVILÉGIÉ, qui a un privilège. Marchand privilégié: persone privilégiée (n°. 1°.) Créancier privilegié (n°. 4°.) Il est privilégié dans cette maison (n°. 6°.)

PRIX


PRIX, s. m. [Pri, et devant une voyèle, priz] 1°. Valeur, estimation de ce qu' une chôse vaut. "Chaque chôse a son prix. "C' est le prix, le juste prix. Voyez VALEUR = 2°. Ce qu' une chôse se vend. "Bâs prix, haut prix, prix moyen: vendre à vil prix, au prix coutant, au prix courant. = 3°. Ce qu' il en coûte pour obtenir quelque avantage. "Acheter la victoire au prix de son sang, de sa vie. = 4°. Mérite d' une persone, ou excellence d' une chôse. "Homme dont on ne conait pas le prix: je conais le prix de votre amitié; le prix de votre ouvrage. = 5°. Ce qui est proposé pour être doné à celui, qui réussira le mieux dans quelque exercice du corps ou de l' esprit. "Le prix de la course, de la peintûre, de la sculptûre, d' éloquence, de poésie. "Composer pour le prix, ou pour les prix. Remporter le prix. La distribution des prix. = Fig. Remporter le prix, surpasser les aûtres en quelque chôse. "Par-tout elle remporte le prix de la beauté. Il a remporté le prix de la danse. = Prix, Récompense (synon.) Les prix sont réglés, convenus; c' est afaire de justice: les récompenses sont plus ou moins arbitraires; c' est afaire d' équité... Le salaire d' un ouvrier est le prix de son travail: une gratification sera la récompense de son assiduité. Les gages sont le prix des services d' un domestique; un legs ou une pension de retraite sera la récompense de ses longs et agréables services, etc. Extr. des Syn. Fr. de M. l' Ab. Roub.
   REM. Doner les prix, pour récompenser, n' est pas une bone expression. M. Racine le fils la blâme dans les Frères Énemis:
   Si vous donez les prix, comme vous punissez.
   Relever le prix, ne se dit qu' au figuré; comme: sa modestie relève le prix de ses aûtres vertus. Dans le propre, on dit, augmenter le prix. Le P. Bouhours critique lui-même ce qu' il avait dit dans l' Entretien de la Mer. "Elles ne vaudroient pas tant (ces perles), si le luxe et l' opinion n' en relevoient tous les jours le prix. _ Il devait dire, n' en augmentaient le prix.
   À~ prix de, adv. "À~ prix d' argent. * M. l' Abé Poulle dit, à prix de travail. "La vérité est pour nous une conquête pénible: nous l' achetons à prix de travail. _ Je doute que cette expression soit aprouvée de tout le monde. _ À~ quelque prix que ce soit, quoiqu' il en coûte. Il se dit au propre et au figuré. "Il faut l' avoir; il veut en venir à bout, à quelque prix que ce soit. _ Pour prix de s' emploie sur-tout au fig. "Voilà ce que j' ai obtenu pour prix de mes soins: de l' ingratitude, des insultes, des perfidies. _ Prix pour prix: "Considérez les qualités de ces deux hommes, et vous verrez que, prix pour prix, l' un vaut bien l' aûtre.
   On dit, faire le prix, et mettre le prix, ou un prix à: le P. Rapin confond ces deux régimes. "Faisant lui seul le prix à tout ce qui en est digne. Il falait, mettant le prix à, etc. "Il n' a pas payé sa renomée par le prix qu' il faut ordinairement mettre à cette fumée; c' est-à-dire, par les tracasseries, qui empoisonent la vie d' un Homme de Lettres, en quelque genre que ce soit. Linguet. _ On dit, dans le même sens figuré, atacher du prix ou un prix à... "Ceux qui sont en état de sentir le prix de la sécurité domestique, et à en atacher un à l' éducation tranquille de leurs familles, etc. Id. "J' atache un grand prix à ce portrait (de mon fils); car je le destine à ma future Belle-fille. Th. d' Educ.
   Doit-on dire, acheter quelque chôse au prix de sa vie, ou bien, au prix de sa mort? il semble qu' on ne devrait dire que le 1er; et c' est le seul en éfet que dise l' Académie. Cependant l' Auteur des Réflexions, etc. assûre que l' usage a autorisé aussi le second. "J' acheterois de tout mon coeur le Paradis au prix de ma vie, au prix de ma mort. "L' honeur de vous plaire, dit le P. Bouhours, n' est pas une chôse si avantageûse, que je veuille l' acheter au prix de ma mort Andry de Bois-regard. L. T. = Au prix de, en comparaison de. Voy. AUPRèS et PRèS.
   On dit, proverbialement, que chacun vaut son prix, pour dire, qu' il ne faut pas tant élever le mérite d' une persone, qu' on rabaisse celui des aûtres. = Être hors de prix, extrêmement cher. _ N' avoir point de prix, être sans prix, être d' une três-grande valeur. "Ce tableau n' a point de prix: ce diamant est sans prix. _ Cet homme est sans prix, d' un mérite râre et extraordinaire. = Mettre la tête d' un homme à prix, promettre une somme pour récompense à celui qui le tuera.

PROBABILITÉ


PROBABILITÉ, s. f. PROBABLE, adj. PROBABLEMENT, adv. [2e dout au 2d; 3e e muet au 2d et au 3e: dans. celui-ci en a le son d' an.] Vraisemblance. Vraisemblable. Vraisemblablement. "Il n' y a pas, ou, il y a beaucoup de probabilité à ce qu' il dit. "Il n' est pas probable que cela soit ainsi que vous le dites. "Son procès n' est guère bon; et probablement il le perdra. = Quelques Auteurs font régir à l' adverbe la conjonction que. "Probablement qu' il prit dès-lors la résolution de les exterminer. Let. Édif. "Quand l' Auteur se dit toutes ces chôses à lui-même, probablement que persone ne l' écoute. Ann. Litt.

PROBANTE


PROBANTE, àdj. fém. On ne le dit qu' en cette phrâse du style du Palais, en forme probante, authentique. M. Linguet se moque de cette locution. "Il n' y a pas assez de tems pour vous démentir d' une manière probante, pour parler la langue de vos Jurisconsultes. _ C' est aussi un terme de l' École. "Mes preuves ne sont pas méprisables: présentons-les en forme probante. P. PAULIAN Traité de Paix entre Descartes et Newton. _ M. Necker, qui n' est ni Avocat, ni Professeur, s' est aussi servi de ce mot. "Les circonstances les plus probantes.

PROBATION


PROBATION, s. f. [Proba-cion.] Tems d' épreuve, Noviciat. _ Ce mot signifie dans quelques Ordres ou Congrégations le tems même du Noviciat; dans d' aûtres, le tems d' épreuve, qui le précède. Dans un de ces Ordres, on apèle probanistes ceux qui sont dans ce dernier câs.

PROBATIQUE


PROBATIQUE, PROBATOIRE, adj. [Pro--batike, toâ-re: 3e lon. au 2d.] Le 1er se dit de cette piscine, prês de laquelle JESUS-CHRIST guérit le Paralitique; et où l' on lavait les victimes, qu' on immolait dans le Temple. _ Le 2d ne se dit que des actes propres à constater la capacité des étudians. "Acte probatoire.

PROBE


*PROBE, adj. PROBITÉ, s. f. [Dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Probité, droitûre d' esprit et de coeur, qui se manifeste par les actions et la conduite. "Homme de probité, de grande probité; d' une probité reconûe ou, sans foi et sans probité. "Point de probité réelle et constante sans religion: point de religion véritable sans probité. = * Quelques uns disent probe pour signifier un homme de probité. "Il étoit laborieux, probe, obligeant. Retif. C' est un néologisme, dont je n' augûre pas trop bien.

PROBLÉMATIQUE


PROBLÉMATIQUE, adj. PROBLÉMATIQUEMENT, adv. PROBLêME, s. m. [Pro--blématike, tikeman: problême: 2e é fer. aux 2 1ers, ê ouv. et long au 2d, d' aprês l' Ab. d' Olivet. Le Dict. de l' Acad. met Problème avec l' accent grâve sur le 1er e: il serait à ce compte là moyen et bref.] Problême est 1°. une proposition, dont le pour et le contre peuvent également se soutenir. "Doctrine, qui est un vrai problême. = 2°. Proposition, par laquelle on demande la raison d' une chôse, qui n' est pas conûe. "Proposer un problême. "Ce problême est dificile à résoûdre. = Problématique et problématiquement se disent dans le 1er sens. "Doctrine fort problématique. "On peut traiter cette question problématiquement, soutenir avec une égale probabilité le pour et le contre.
   Problématique, Douteux, Incertain, (synon.) Dans les choses problématiques, l' esprit est indiférent pour et contre: dans les choses douteuses, il est embarrassé entre le pour et le contre, dans les choses incertaines, il voit le pour et craint le contre... On cherche la solution de ce qui est problématique; la vérification de ce qui est douteux, la confirmation de ce qui est incertain; etc. Extr. des Syn. Fr. de M. l' Ab. Roubaud.

PROCÉDÉ


PROCÉDÉ, s. m. PROCÉDER, v. n. [2e et 3e é fer. dans le verbe, comme dans le nom.] Procédé, manière d' agir, relativement aux persones. "Bon ou mauvais procédé. = Quand il est sans épithète, il se prend en mauvaise part. "Il a des procédés avec tout le monde. = * La Mothe le Vayer prétendait que le procéder était autant du bel usage que le procédé; mais Th. Corneille assûre qu' il ne voyait persone de son sentiment. Cette opinion n' a pas plus de partisans aujourd' hui: tout le monde dit et écrit procédé. = * Comme on dit, tenir une conduite, un Auteur moderne a cru pouvoir dire, par analogie, tenir un procédé: mais l' analogie trompe souvent en fait de langage. "Un procédé révoltant et que j' ai peine à comprendre est celui qu' on tient vis-à-vis le sexe. Du Plaisir.
   PROCÉDER, C' est 1°. Provenir de... "D' où procède ce trouble? Tout son mal ne procède que de chagrin, que de l' intempérie des humeurs, etc. = 2°. On dit, en parlant des personnes Divines, que le Fils est engendré du Père, et que le St. Esprit procède du Père et du Fils. Ce sont des termes consacrés. = 3°. Agir en quelque afaire. "Il y faut procéder avec ordre: quand nous aurons terminé cet article, nous procéderons au reste. = Au Palais, agir en justice; procéder à l' inventaire des papiers; à la vente des meubles, etc.Procéder criminellement contre quelqu' un. _ M. Linguet lui done le sens de conduire une procédûre: "L' Auteur présente le tableau des abus de notre manière de procéder, les frais, les vexations, les dangers qu' elle entraîne. = 4°. Il se dit, dans l' usage du monde, de la manière de se comporter envers les aûtres. "Procéder bien ou mal, en honête homme; en homme d' honeur. "Il a procédé en cette occasion d' une manière fort extraordinaire. "On ne peut que louer ses procédés, sa manière de procéder dans une circonstance si délicate. = 5°. Il se dit aussi d' un ouvrage d' esprit, dont le dessein et la marche sont dignes d' être aprouvés: "Cela procède bien.
   On dit, dans le st. famil. Tant a été ou tant fut procédé que. "De dons en dons toujours reçus et donés sans conséquence, tant fut procédé qu' il devoit enfin lui fonder une pension viagère. Mariv.

PROCÉDûRE


PROCÉDûRE, s. f. [2e. é fer. 3e lon. 4e e muet.] Il ne se dit aujourd' hui que de l' ordre judiciaire et de la forme de procéder en Justice: il entend la procédûre: procédûre civile, criminelle, extraordinaire; et des actes qui ont été faits dans une instance: "On a mis la procédûre entre les mains de: On a brûlé toutes les procédûres. = * Aûtrefois, on le disait pour procédé, démarche. "Cette procédûre trop romanesque dément ce premier discours. Scudery. Observations sur le Cid. "Cette épouvantable procédûre (de s' ofrir à Chimène tout couvert du sang de son père) choque directement le sens comun. Id. Ibid. "Corneille prétend en ses réponses examiner les oeuvres des aûtres, au lieu de justifier les siennes. Cette procédûre n' est pas bone. Id. _ Dans la Sophonisbe de Mairet, cette Princesse dit à Masinisse
   Je fais que Scipion
   Est venu pour troubler notre sainte union.
   C' est pourquoi j' ai voulu hâter ma procédûre.
   Car la chôse étant faite, il faudra qu' il l' endûre.
Mde. de B... a dit aussi: "La violence de leurs premières procédûres (démarches) avoit éteint l' afection du peuple pour eux. Hist. d' Angl. _ Proceeding, en anglais, signifie procédûre et procédé. Le Traducteur a choisi mal-à-propôs le premier sens.

PROCèS


PROCèS, s. m. PROCESSIF, IVE, adj. [Procê: 2e ê ouv. et long: procècif, cive: 2e è moy. 3e lon. au 2d.] Procês est une instance devant un Juge sur un diférend entre deux ou plusieurs parties. "Procês civil, ou criminel. "Avoir, intenter un procês. "Être ou entrer en procês. "Gagner ou perdre un procês, son procês. Vider un procês à l' Audience, etc. = Il signifie aussi toutes les pièces produites de part et d' autre: mettre un procês au grèfe.
   On dit, en st. famil. faire le procês à quelqu' un, le condamner: "Faire le procês à un mot. Voit.
   Faire, sans se flater, le procês à son vice.
       Boil.
= Gâgner ou perdre son procês, bien ou mal réussir. = Sans aûtre forme de procês, sans aûtre façon.
   Le Loup l' emporte et puis le mange
   Sans aûtre forme de procès.
       LA FONT.
"M. D. L. R. F. vous salue, sans autre forme de procès. SÉV. = Pendre un procês au croc, cesser de le poursuivre = Cet homme est un diable en procês; il est habile dans les afaires de la chicane; et il est dangereux d' avoir afaire avec lui. = On dit, au propre, mettre hors de cour et de procês; renvoyer les parties, sans les juger, parce qu' il n' y a pas lieu à prononcer juridiquement sur leurs diférends.
   PROCESSIF, Qui aime à intenter et à prolonger les procês. "Cet homme est processif; il a l' esprit processif. "Femme fort processive, qui a l' humeur processive.

PROCESSION


PROCESSION, s. f. PROCESSIONEL, s. m. PROCESSIONELLEMENT, adv. [Pro--cè-cion, cio-nèl, nèleman: 2e è moy. 4e è moy. aussi au 2d et au 3e, 5e e muet.] Procession est, 1°. en termes de Théologie, la production éternelle du St. Esprit, qui procède du Père et du Fils. Voy. PROCÉDER, n°. 2°. "La génération éternelle du Verbe: La procession éternelle du St. Esprit = 2°. Cérémonie de Religion où le Clergé séculier ou régulier, et les Fidèles marchent deux à deux, récitant des prières ou chantant les louanges de Dieu. "Ordonner, faire une procession: aler à la procession: suivre la procession: voir pâsser la procession. = Fig. st. familier, multitude de persones, qui marchent dans une rûe, dans un chemin. "Cette rûe, ce chemin sont fort fréquentés: c' est une procession continuelle. = On dit, proverbialement, qu' on ne peut pas soner et aler à la procession; (être au four et au moulin) être en diférens lieux en même tems, faire à la fois deux chôses incompatibles.
   PROCESSIONEL, livre d' Église, où sont écrites et notées les prières qu' on chante aux Processions. = Quelques uns disent processional; mais celui-ci n' est pas du bel usage.
   PROCESSIONELLEMENT, en procession. "Aler processionellement à telle Église.

PROCHAIN


PROCHAIN, AINE, adj. PROCHAINEMENT, adv. [Pro-chein, chène, chèneman: 2e è moy. 3e e muet au 2d et au 3e] Prochain, qui est proche. Il se dit du lieu et du tems: "Dans le prochain village; dans la ville prochaine: "Le mois prochain, l' année prochaine. = Il se dit mieux du tems que du lieu; et pour celui-ci, voisin vaut mieux que prochain. = Ocasions prochaines, ocasions qui portent par elles-mêmes, ou par les dispositions de la persone, à pécher, à ofenser Dieu.
   Prochain, proche, voisin, (synonim.) Proche anonce une proximité quelconque ou de lieu ou de tems, etc. et même un moindre éloignement: prochain, une grande proximité ou de tems ou de lieu; une proximité três-grande ou relativement grande: voisin, une grande proximité locale. Saint-Denis est proche de Paris: une saison est proche de sa fin. Quand vous partez de Calais, Douvres est le Port d' Angleterre le plus prochain: l' été prochain est le premier été, qui arrivera. L' Espagne est voisine de la France: mais une saison n' est pas voisine d' une aûtre. Roubaud. Synon.
   REM. 1°. Vaugelas, avait décidé que prochain ne soufre point les degrés de comparaison; que l' on ne doit pas dire, plus prochain, le plus prochain; mais qu' alors il faut se servir du mot de proche: c' est mon plus proche voisin. Ménage et Thomas Corneille étaient du même sentiment. L' Académie le combat dans ses Observations sur les Remarques. "Il perdit courage, quand il vit la mort plus prochaine. Dans le Dict. elle ne met point de pareil exemple. _ Mde. de Sévigné pensait aparemment comme Vaugelas: elle dit, assez proche, plutôt que, assez prochaine. "Il nous donne une espérance assez proche de le voir bientôt. = 2°. Prochain, aime assez à suivre le substantif qu' il modifie. "Au terme prochain: je vois sa perte prochaine. Il peut pourtant quelquefois précéder: dans la prochaine assemblée.
   Vertumne a changé ses livrées,
   Et nos campagnes labourées
   Me flatent d' un prochain retour.
       Rousseau.
Le plus souvent il fait un mauvais éfet, quand il marche devant, sur-tout quand on parle du tems: le prochain mois, la prochaine semaine, etc. formeraient une construction sauvage et gauloise.
   PROCHAIN est s. m. pour signifier chaque homme en particulier, ou tous les hommes en général; aimer le prochain ou son prochain comme soi-même. = Mais il me semble que cette locution n' est convenable que lorsqu' on parle des Chrétiens, et que l' on ne doit pas s' en servir en parlant des païens. * Le P. Rapin dit de Salluste, qu' il le trouve un peu trop chagrin contre sa patrie, et mal pensant de son prochain. Cela ne peut être bon que dans le comique ou le satirique burlesque.
   PROCHAINEMENT est un terme de Pratique. "Au terme prochainement venant, c. à. d. au terme prochain. _ * Quelques uns disent: il arrivera prochainement. Il faut dire, bientôt ou incessament.

PROCHE


PROCHE, adj. subst. adv. et prép. [2ee muet.] Adj. Voisin, qui est prês de... Il se dit du lieu et du tems. "La ville la plus proche: le tems est proche: sa dernière heure était proche. = Il régit quelquefois la prép. de. "Les maisons proches de la rivière, proches l' une de l' autre. = En parlant de parenté, il est adj. et subst. "C' est mon proche parent. "C' est un de mes proches: ce fut l' avis de tous ses proches. Quand il est subst. il ne se dit qu' au plur. = Adv. "Il demeure ici proche: il est tout proche, tout prês d' ici. = Prép. Elle régit l' ablatif ou l' acusatif:proche du Palais, proche le Palais, etc. L' ablatif est le plus usité; et le seul bon, quand proche est au comparatif ou au superlatif: proche de la ville, proche de chez moi: "Il est plus proche de ce village que... "Sa maison est la plus proche de l' Église.
   Rem. 1°. En parlant de parenté, proche doit marcher devant le substantif: ses proches parens. * M. Linguet le fait suivre, contre l' usage. "Dans un procês criminel, les parens proches sont dispensés d' obéir aux ordres généraux, qui prescrivent la révélation de tout ce qui peut aider à la conviction du coupable. _ Cette construction me parait vicieûse. = 2°. Vaugelas ne pouvait soufrir qu' on se servît de proches substantif, au lieu de parens, comme: je suis abandoné de mes proches. _ Chapelain et Th. Corneille étaient d' un sentiment contraire, qui est aussi celui de Mrs. de l' Académie. _ Patru, Mde. de la Fayette, Mrs de Port-Royal, et aûtres Auteurs tant anciens que modernes, en fournissent des exemples; et l' on s' en sert constament et sans dificulté. _ Mais proche, au singulier et avec la préposition de, est hors d' usage. * M. de Pinchesne dit de Voiture son Oncle: la vertu d' un homme, de qui j' étois si proche. Cela ne se dit plus. = 3°. * Corneille emploie proche pour prochain, voisin.
   Albin l' a rencontré dans la proche campagne.
Mais proche, en ce sens, quoiqu' il s' emploie adjectivement avec le verbe être, et avec la prép. de, n' est pas un pur adjectif qu' on puisse employer absolument. On dit que deux maisons sont fort proches, en sous-entendant l' une de l' aûtre. On dit, au superlatif, son plus proche voisin, ou son voisin le plus proche: on ne dit point, dans la proche maison, ni, dans la maison proche. = 4°. Proche, prép. est indéclinable: * Quand nous fumes proches des ÃŽles. Let. Édif. Retranchez l' s. = 5°. La Bruyère l' emploie au lieu de prês avec de et l' infinitif. "Il plaide depuis 40 ans, plus proche de sortir de la vie, que de sortir d' afaire. _ Il s' en sert avec le même régime, dans le sens de porté à: "Il est plus proche de se persuader qu' il les importune. _ J' avoûe que l' emploi de cette préposition, dans ce sens et avec ce régime, ne me déplait pas, et qu' il me parait utile et convenable en certaines ocasions.
   De proche en proche, adv. se dit au propre et au figuré. "Couper les bois de proche en proche. "La contagion du vice gâgne de proche en proche.

PROCLAMATION


PROCLAMATION, s. f. PROCLAMER, v. act. [Proklama-cion, klamé; dern. é fer. au 2d.] Publication solennelle. Publier à haute voix et avec solennité. "Faire une proclamation~, des proclamations. "L' Armée le proclama Empereur. "Il fut proclamé vainqueur aux Jeux Olympiques. = On voit que le verbe régit les noms sans article.

PROCONSUL


PROCONSUL, s. m. PROCONSULAT, s. m. [Le t du 2d ne se prononce pas.] Proconsul était, chez les Romains, celui qui gouvernait certaines Provinces avec l' autorité de Consul. = Proconsulat, dignité de Proconsul.

PROCRASTINER


*PROCRASTINER, v. act. Latinisme, employé par M. Sherlock. Diférer au lendemain. "Il (le Roi de Prusse) se lève à quatre heures, et se couche à neuf: il ne procrastine rien. Voyageur Anglais. _ On ne peut bien augurer de ce néologisme.

PROCRÉATION


PROCRÉATION, s. f. PROCRÉER, v. act. Génération, engendrer. _ Ils ne se disent sérieusement qu' en style de pratique. Hors de là, on ne peut s' en servir qu' en plaisantant.

PROCURATEUR


PROCURATEUR, s. masc. PROCURATION, s. f. PROCURER, v. a. PROCUREUR, PROCURATRICE, s. m. et f. [Prokura-teur, ra-cion, ré, reur, ratrice.] Procurer, c' est faire obtenir. Il régit le datif de la persone et l' acusatif de la chôse. "Je lui ai procuré cet emploi. = En parlant du mal, il signifie causer. "Son imprudence lui a procuré la mort. = Les trois autres mots ne sont dérivés de ce verbe que matériellement. Le 1er seul y a quelque raport pour le sens: qui administre, qui procure le bon ordre. Il ne se dit que d' une dignité des Républiques de Vénise et de Gènes. "Procurateur de Saint-Marc. "Les deux Procurateurs qu' on élit à Gènes, tous les deux ans.
   PROCURATION est le pouvoir doné à quelqu' un d' agir en notre nom, comme nous pourrions le faire nous-mêmes. "Doner procuration: être chargé, fondé de procuration. "Il a été chargé de la procuration de, etc. = * Autrefois on disait, en ce sens, procure, et on le dit encôre en Province: c' est un barbarisme.
   PROCUREUR, est 1°. celui qui a la procuration de quelqu' un, qui a pouvoir d' agir en son nom. "Agir par procureur. "Il l' a nomé son procureur général et spécial. = 2°. Oficier établi pour agir en justice au nom de ceux qui plaident en quelque Jurisdiction. "Ofice, clerc, étude de Procureur. "Établir, nomer, désavouer, révoquer un Procureur. = Ce nom a deux féminins: Procuratrice, qui correspond au premier sens: et procureuse, qui a raport au 2d. Le 1er signifie celle qui est chargée d' une procuration; le 2d, femme d' un Procureur. "Ma Fermière est ma procuratrice. "Mde. la procureûse une telle. Celui-ci ne se dit que dans le st. fam. et souvent critique ou moqueur. "Voilà bien de la vanité, du luxe et de la fierté pour une simple procureûse. = On dit, plus sérieusement et plus noblement: Mde. la Procureûse-générale, la Procureûse du Roi; la femme de M. le Procureur-général, ou Procureur du Roi.
   Rem. Quand on dit, procureur tout court, on l' entend de celui qui a un ofice de Procureur. Il y avait dans cette assemblée quatre Avocats et six Procureurs. * L' Auteur de la Géographie moderne (le P. Gibrat) dit que: "la Provence est un Pays d' Etats, dont l' Assemblée n' est aujourd' hui composée que d' un certain nombre de Procureurs, qui ont l' Archevêque d' Aix pour Président. C' est doner une bien petite idée de cette Assemblée. Il devait du moins dire, d' un certain nombre de Procureurs du Pays: c' est leur titre; et Procureur s' entend dans le 1er sens. Outre cela, il se trouve à cette Assemblée, des Évêques, et un certain nombre de Députés du Tiers-état.

PRODIGALEMENT


PRODIGALEMENT, adv. PRODIGALITÉ, s. f. [Prodigaleman, galité; 4e e muet au 1er, dern. é fer. au 2d.] Prodigalité, profusion, vice par lequel on est prodigue. Prodigalement, avec prodigalité. "La prodigalité est un vice moins honteux que l' avarice, mais c' est toujours un vice. "Cet homme a toujours vécu prodigalement. = Cet adverbe n' est pas fort usité. On dit plutôt avec prodigalité, que prodigalement.
   REM. Prodigalité ne régit rien par lui-même; il n' a de régime que par le moyen des verbes auxquels il est joint. "Il (Richard III) épuisoit en vaines ostentations, ou en prodigalité, à des favoris obscurs, les revenus de l' État. Hist. d' Angl. Il falait dire, ou en dons faits avec prodigalité à, etc.

PRODIGE


PRODIGE, s. m. PRODIGIEUX, EûSE, adj. PRODIGIEûSEMENT, adv. [3e e muet au 1er, lon. aux 3 aûtres; 4e e muet: gieû, gieû-ze, zeman.] Prodige, est 1°. un éfet surprenant, qui arrive contre le cours de la nature. "Cela tient du prodige. "Des prodiges étonans. Prodige, Miracle, Merveille (synonymes.) Le 1er est un phénomène éclatant, qui sort du cours ordinaire des chôses; le 2d, un étrange évènement, qui arrive contre l' ordre naturel des chôses; le 3e, une oeuvre admirable, qui éface tout un genre de chôses. _ Que, sans cause conûe, le Soleil perde tout-à coup sa lumière, c' est un prodige. Que, sans moyen naturel, le muet parle au sourd, étonné de l' entendre, c' est un double miracle. Que, par un savant artifice, l' homme s' élève dans les airs, c' est une merveille, etc. Extr. des Syn. Fr. de M. l' Abé Roubaud. = 2°. Il se dit, par exagération, des persones et des chôses qui excellent en leur genre. "Cet homme est un prodige; et avec la prép. de: un prodige de science, d' esprit, de mémoire, de valeur: "Cette statue est un prodige de l' art. = Excês dans le mal: "Prodige de cruauté.
   PRODIGIEUX, qui tient du prodige, en bien ou en mal. (n°. 2°.) Il ne se dit que des chôses: mémoire, grandeur, dépense prodigieûse. "Excês prodigieux de débaûche.
   PRODIGIEûSEMENT, d' une manière prodigieûse. "Il est prodigieûsement riche.
   REM. Prodige se disait aûtrefois comme le portentum des Latins, en mauvaise, comme en bone part. "Ce prodige de doctrine, l' ubiquité, dit Bossuet: "Manès... tâcha d' introduire ce prodige dans la Religion Chrétienne. Il veut parler des deux principes. Il dit âilleurs, monstre de doctrine, et c' est comme il faut dire. Il dit aussi, prodigieux, pour monstrueux: cette prodigieûse doctrine. _ Prodige et prodigieux, pour être pris en mauvaise part, doivent être acompagnés de noms qui en déterminent le sens: prodige d' impiété; excês prodigieux de libertinage. Mais prodige tout seul, ou prodige de doctrine, de science, et doctrine prodigieûse, ne peuvent se prendre qu' en bone part.
   Faire à quelqu' un des prodiges; le combler de civilités, est une expression de Mde. de Coulanges. "On présenta hier la nouvelle mariée au Roi et à toute la Cour. Mde. de Maintenon lui fit des prodiges. _ Ce sont-là de ces locutions éphémères, qui règnent quelque tems dans les sociétés, et qui s' évanouissent ensuite.
   M. l' Abé de Fontenai done à prodigieûsement le sens et le régime d' infiniment, extrêmement. "Il y a prodigieûsement de siècles que cet état du ciel a été dressé. _ Ce régime est un néologisme: on ne l' emploierait pas même avec les deux adverbes cités ci-dessus. On dit: il a infiniment, extrêmement d' esprit, plutôt que de l' esprit: mais on ne dirait pas: il y a infiniment ou extrêmement de siècles que, etc.

PRODIGUE


PRODIGUE, adj. et subst. PRODIGUER, v. act. [Prodighe, ghé: dern. e muet au 1er, é fer. au 2d; l' u est muet, il n' est là que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] Prodigue, qui dissipe son bien en folles dépenses. _ Adj. Il se dit, ou sans régime: il n' est pas libéral, mais il est prodigue: cette femme est trop prodigue: _ Enfant prodigue, jeune homme de famille débauché, qui retourne dans la maison paternelle. st. fig. famil. Allusion à la parabole de l' Évangile: ou il régit la prép. de: il est prodigue de son bien, de son sang, de sa vie; il ne les ménage pas assez: il est prodigue de paroles, de promesses; il promet beaucoup, mais il n' exécute pas. Il n' est pas prodigue de louanges: il ne loûe pas volontiers. Voyez un exemple au mot AVARE, n°. 2°. = S. m. Il s' emploie sans régime: "C' est un prodigue.
   REM. Corneille lui fait régir le datif de la persone.
   Et les nouveaux bienfaits, dont il lui fut prodigue.
À~ mettre un 2d régime, il faudrait se servir d' envers ou à l' égard. "Prodigue de vos biens envers les riches, vous en êtes avâre à l' égard des paûvres.
   PRODIGUER, doner avec profusion. "Prodiguer son bien, ses trésors, son sang, sa vie. Il est beau au fig.
   Ils vous prodigueront un encens dangereux.
Je ne sais si Racine n' en a pas dit plus qu' il ne voulait en dire, en disant dans Andromaque, que:
   Hermione à Pyrrhus prodiguoit tous ses charmes.
On voit, par les deux derniers exemples, que si le datif ne convient pas à l' adjectif, il fait três-bien avec le verbe.

PRODITOIREMENT


PRODITOIREMENT, adv. [Prodi-toâ--reman; 3e lon. 4e e muet.] Terme de Palais. En trahison. "Il l' a tué proditoirement.

PRODUCTION


PRODUCTION, s. f. PRODUIRE, v. a. PRODUIT, s. m. [Produk-cion; en vers, ci--on: pro-dui-re, dui; 2e lon. au 2d.] Produire, je produis, je produisois ou produisais; je produisis, j' ai produit; je produirai, je produirois ou produirais; produis; que je produise, je produisisse;produisant, produit. _ 1°. Engendrer, doner naissance. "Chaque animal produit son semblable: il est peu usité en ce sens. = 2°. Faire naitre, en parlant des fruits de la terre. "Ces arbres produisent de beaux fruits. "Ce pays produit de l' or; etc. = 3°. Doner, procurer de l' avantage, du revenu. Charge qui produit tant par an: argent qui ne produit point d' intérêt. = 4°. Faire, créer, en quelque sorte, en parlant des ouvrages de l' esprit et de l' art. "Cet Auteur a produit plusieurs bons ouvrages. "L' art n' a jamais rien produit de plus beau. = 5°. Être cause de... "La guerre produit de grands maux. Cela a produit un grand bien. = 6°. Exposer à la vue, à l' examen. "Produire des titres, des pièces, des témoins. Et neutralement, au Palais: les parties ont produit. = 7°. Introduire, faire conaître: produire un homme dans le monde, à la Cour, etc.
   PRODUCTION, et PRODUIT, sont à-peu-prês synonymes pour le sens, mais ils ne le sont pas pour l' emploi. Les productions d' une terre sont les fruits qu' elle produit: le produit, c' est le revenu qu' on en tire. Je pense donc que M de Bufon s' est servi d' un terme impropre, quand il a dit: "Cette bôsse du Bison, comme du Chameau, est moins un produit (une production) de la Natûre, qu' un éfet du travail. = Production, se dit des ouvrages de l' Art, comme de ceux de la Natûre. "On admire ses productions (en parlant d' un Auteur.) "C' est une des belles productions de l' Art. = Au Palais, titres et écritûres qu' on produit dans un procês. Sa production est en état: il a mis sa production au Greffe. = Produit se dit aussi en Arithmétique: c' est le nombre qui résulte de deux nombres multipliés l' un par l' aûtre. "Huit est le produit de deux et de quatre.
   Rem. Quelques Auteurs ont doné à produire des dérivés, que l' usage n' a pas admis. Productible, qui peut être produit. Productibilité, qualité de ce qui peut être produit. Productif, qui produit. Producteur, celui qui produit.

PROFANATEUR


PROFANATEUR, s. m. PROFANATION, s. fém. PROFANE, adj. PROFANER, v. act. [Profana-teur, na-cion, ne, né: 3e e muet au 4e.] On écrivait autrefois ces mots avec ph; et Richelet, contre ses principes, a doné le choix entre profane et prophane. Depuis long tems on les écrit avec une f. = Profaner, c' est abuser des chôses de la Religion; les traiter avec irrévérence; les employer à des usages profanes. Profanation, action de profaner. Profanateur, celui qui profane les chôses saintes. "Profaner les Vâses sacrés, les Temples, la parole de Dieu, le Saint ministère, etc. "La profanation des Églises, etc. "Les profanateurs des chôses saintes.
   Rem. Profaner ne signifie quelquefois que remettre à un usage profane. "Pour pouvoir réparer les Vâses sacrés, il faut comencer par les profaner; et le premier coup de marteau les profane.
   PROFANE est, 1°. qui est contre la révérence qu' on doit aux chôses~ saintes: discours, action profane. = 2°. Il se dit des chôses pûrement séculières, par oposition à celles qui concernent la Religion. "Les Auteurs profanes. "Autrefois les Avocats, comme les Prédicateurs, méloient dans leurs plaidoyers et leurs Sermons, le sacré avec le profane: ils citaient Horace et Ovide, pêle-mêle avec Saint Augustin et Platon, Aristote avec l' Écritûre-Sainte. = S. m. "Parler des chôses Saintes comme un profane, en profane. = On dit, en plaisantant: c' est un profane; il ne conait rien aux matières que nous traitons; ou, il n' est pas de notre société: nous n' en voulons point.

PROFÉRER


PROFÉRER, v. act. [Proféré: 2e et 3e é fer.] Prononcer, dire "Il n' a pas proféré une seule parole. "Ce sont les dernières paroles qu' il a proférées. L' usage de ce verbe n' est pas fort étendu.

PROFèS


PROFèS, ESSE, s. m. et fém. PROFESSER, v. act. et neut. PROFESSEUR, s. masc. PROFESSION, s. fém. [Profê, fèce, fècé, fè-ceur, fè-cion, en vers, ci-on: 2e ê ouv. et long au 1er, è moyen aux autres: 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Professer, c' est 1°. reconaître hautement: "Professer une Religion, une Doctrine. = 2°. Exercer: "Professer un métier, la Médecine. = 3°. Enseigner: "Professer la Rhétorique, la Philosophie, les Mathématiques. = Professeur ne s' emploie que dans ce dernier sens. "Professeur de Philosophie, ou en Philosophie. Professeur de mathématique. Professeur en Théologie, en Médecine, en Droit. = Profession, au contraire, n' a que les deux premières acceptions de professer. 1°. Déclaration publique. Faire profession de: "Il fait profession d' ignorance. "J' ai fait toute ma vie profession d' être votre serviteur, votre ami; d' être sincère, de tenir ma parole, etc. "Faire une profession de Foi. = 2°. État, condition, métier. "De quelle profession est-il? Embrasser, choisir une profession.; vivre selon sa profession. = 3°. Il a outre cela une signification que professeur~ n' a pas: acte solennel, par lequel un Religieux ou une Religieuse fait les voeux de Religion. "Faire profession dans un ordre aprouvé. "Assister à la profession de. "Depuis sa profession: il ou elle a tant d' années de profession. = Profês ne se dit que dans cette dernière acception.
   Rem. 1°. On n' appelle Professeur que celui qui enseigne un art ou une science: on ne done point ce nom à celui qui l' exerce ou qui en fait profession; on ne dit point de celui qui n' est que Médecin, professeur de Médecine; et de celui qui fait profession du Protestanisme, professeur de la Religion réformée. * On le disait autrefois: "Il leur fit un beau discours à la louange de la perfection évangélique dont ils étoient professeurs. Chron. _ M. l' Ab. Royou a dit tout récemment: "Ce sont les seuls Philosophes qui peuvent être, ces génies supérieurs, professeurs publics de l' immoralité. Cette phrâse est relative à une aûtre de M. de la Cretelle, qui parle de ceux qui, dans l' espoir d' une grande fortune, ont publiquement professé... ces afreux principes d' immoralité. Le verbe a ce sens et cet emploi: le subst. ne l' a pas. = 2°. On dit, faire profession de (sans article). "Il fait profession, ou une profession publique de Deisme, de matérialisme. "Il fait hautement profession d' être ataché aux bons principes en tout genre. * M. l' Ab. Du Bos dit faire une profession, comme on dit faire un métier. "Jamais père ne destina son fils à faire la profession de Poète. À~ ce compte, on pourrait dire, il fait la profession de Médecin, de Procureur, d' Orfèvre, ce qui n' est sûrement pas suivant l' usage. L' Acad. dit bien la profession d' Avocat, la profession de Médecin; mais non pas avec le verbe faire. _ Le même Auteur parle, à mon avis, plus correctement, quand il dit, dans un autre endroit: "Tous ces grands Poètes étoient éloignés, par leur naissance et par leur éducation, de faire leur profession de la Poésie. "La première profession d' Horace fut de porter les armes. = Exercer vaut mieux que faire avec profession: "La plupart de ceux qui se sont rendus illustres en exerçant ces professions, n' y ont pas été engagés par les conseils de leurs parens. Du Bos. Il serait ridicule de dire, en faisant ces professions. = On dit aussi, embrasser une profession. "En dépit de la profession qu' ils ont embrassée. Id. "Malgré les conseils de leurs parens, ils embrassent la profession des armes. = On dit, comme adverbialement, de profession, d' habitude. "Joueur, ivrogne de profession. = * Profession, pour place de Professeur est un germanisme. "On lui offrit (à Leibnitz) une profession en cette science (du Droit). De Neufville, Vie de Leibnitz.

PROFIL


PROFIL, s. m. PROFILER, v. act. [On pron. l' l finale du premier. * On disait autrefois porfil, ou pourfil.] Profil se dit, 1°. du trait, de la délinéation du visage d' une persone, vu par un de ses côtés, soit en éfet, soit en peintûre. En ce sens, il est oposé à Face. Tête, visage de profil: elle est plus belle de face que de profil. "Il est plus aisé de peindre de profil que de face. = 2°. De l' aspect, ou de la représentation d' une Ville ou de quelque aûtre objet, vu d' un de ses côtés seulement. En ce sens, il est oposé à Plan. "Le profil de la Ville de Paris. = 3°. En Architectûre, délinéation d' un bâtiment ou de quelqu' une de ses parties, représentés dans leur élévation comme coupés perpendiculairement: "Le profil d' un bâtiment, d' une corniche, d' un bastion, etc.
   PROFILER, représenter en profil. Il ne se dit guère que dans le dernier sens: profiler un entablement, une corniche. En Peintûre, on dit plus ordinairement, dessiner, ou peindre de profil.
   Rem. M. Formey a employé profil au fig. "C' est l' expression qui résulte de l' ensemble de son caractère et de ses actions. Mais on aurait pu s' y méprendre quelquefois en le regardant de profil, et en s' arrêtant à des faits isolés. _ On a dit aussi de l' Ab. Terrasson, à qui l' ignorance où il était sur la plupart des choses de la vie, donait une naïveté, que bien des gens taxaient de simplicité, qu' il n' était homme d' esprit que de profil. Dict. Hist. Cela est excellent dans un bon mot; mais je ne sais si l' on doit également l' aprouver dans un discours sérieux. N' est-ce pas une expression un peu précieûse, et qui a l' air de la prétention?

PROFIT


PROFIT, s. m. PROFITABLE, adj. PROFITER, v. n. [Profi; table, té: 3e dout. au 2d, é fermé au 3e. On écrivait et l' on prononçait aûtrefois pourfit.] Profit est, 1°. gain, émolument, avantage. "Tirer un profit, faire son profit de; faire un grand profit dans une afaire. Mettre à profit. "Ce sont les profits de sa charge. Voy. UTILITÉ. _ En style famil. C' est un profit tout clair. _ Fait à profit, de manière à durer long--tems. "Habit fait à profit. "On me mande que cette Heud... est à la Cour, laide comme un démon, avec un bâton, dont elle se soutient à profit: elle relève d' une maladie. Sév. = 2°. Progrês dans les études. Il a fait beaucoup de profit sous un tel maître.
   Rem. Mettre à profit est du beau style au figuré. "Acoutumée à s' entretenir seule avec Dieu, elle mettoit à profit sa solitude, et elle s' en servoit pour s' attacher davantage à son Créateur. Let. Édif. "La mesûre du bonheur, qui nous a été donée, est assez petite, et il n' en faut rien perdre. Il est bon d' avoir pour les chôses les plus comunes et les moins considérables, un goût qui les mette à profit. Fonten. = Au contraire, à profit de ménage n' est que du style famil. "Nous avons fait deux admirables feux devant cette porte: c' étoit la veille et le jour de Saint Jean (1680); c' étoient des feux à profit de ménage: nous nous y chauffions tous: on ne se couche plus sans fagots: on a repris ses habits d' hiver. Sév. = Au profit de s' emploie dans tous les styles et au figuré comme au propre: "Au profit des paûvres, à leur profit. J. J. Rouss. dit aux Femmes de Genève: "continuez de faire valoir en toute ocasion, les droits du coeur et de la natûre, au profit du devoir et de la vertu. = * Un pieux Biographe dit, faire profit à, comme on dirait, profiter à, être utile. "Le grand profit que le P. Jean De La Croix fit aux Religieûses de l' Incarnation pendant le tems qu' il y demeura. Cette expression est suranée.
   PROFITABLE, utile, avantageux. "Emploi profitable. "On lui avoit donné des avis profitables, s' il avait voulu les suivre. = Avec le v. être il régit le datif. "Cela ne lui sera guère profitable. = Utile, avantageux sont d' un emploi plus ordinaire et plus étendu.
   PROFITER, 1°. Faire un gain, tirer un émolument. "Il a beaucoup profité dans ce comerce, sur ces marchandises: il profite à ce marché. = Faire profiter son argent, en tirer un intérêt. = 2°. Tirer un avantage de... "Profiter du tems, de l' occasion, des conjonctûres, des bons avis, des bons exemples, des instructions, des faûtes d' autrui. "Il n' a pas, ou il a mal profité des avertissemens qu' on lui a donés. = 3°. Être utile à... "Cela n' a profité, ou n' a profité de rien, ni à lui, ni à sa famille. "Rien ne lui profite. "Déjeûnez en repôs, afin que cela vous profite. = Il n' est pas du beau style, et ne se dit point des persones comme sujet de la phrâse. * "Pour suivre le goût de celui, à qui il vouloit profiter. BOSS. "Nous devons profiter aux impies qui vivent avec nous, et profiter des impies avec qui nous vivons par la nécessité de notre état. Bourdal. "Qu' elle folie seroit-ce de ne songer qu' à divertir son siècle, lorsqu' on peut profiter à tous les siècles? P. Rapin. _ L' Acad. ne le dit que des chôses comme sujet. Apliqué aux persones, il est suranné. = * Le P. Rapin l' emploie en d' aûtres endroits sans régime: "La fin principale de la Poésie est de profiter (d' être utile) non seulement en délassant l' esprit; mais bien davantage encôre, en purifiant les moeurs. "Le plaisir n' est qu' un moyen pour profiter. _ Ce verbe ne s' emploie ainsi absolument que dans cette phrâse proverbiale: "Les biens mal aquis ne profitent point. = 4°. Faire du progrês. "Profiter en vertu, en sagesse, en science. "Il a beaucoup profité avec un tel maître, dans le comerce des honêtes gens. = Croître, se fortifier. "Cet enfant profite à vûe d' oeil. "Il a beaucoup profité en peu de tems. "Les arbres profitent extrêmement dans une terre nouvellement remuée. = * 5°. En certaines Provinces, on fait profiter actif: on lui fait régir l' acusatif. "Il faut profiter cette viande, ces fruits, puisqu' on les a achetés. _ C' est un vrai gasconisme.

PROFOND


PROFOND, ONDE, adj. PROFONDÉMENT, adv. PROFONDEUR, s. f. [2e lon. 3ee muet au 2d, é fer. au 3e, profondéman. = Il semble que l' analogie demanderait qu' on écrivît et qu' on prononçât profondement, avec un e muet, cet adverbe étant formé du féminin profonde; mais l' usage est pour profondément avec l' accent aigu sur l' e.] Ils se disent, au propre, des chôses dont le fond est éloigné de la superficie. "Puits profond: creuser profondément: arbre profondément enraciné. "La profondeur d' un précipice, d' une rivière, d' un abîme, d' un puits. = Au figuré, dont la conaissance est très-dificile. "Ce sont des chôses si profondes, que les hommes n' y conaissent rien: "Méditer profondément sur quelque chôse: "La profondeur des mystères, des Jugemens de Dieu. = En parlant des persones, qui est d' une grande pénétration, d' une grande habileté. "Homme, esprit, savoir profond. "Il est profond en cette matière. Le profond et judicieux Pascal. L' Ab. Royou. Profondément ne se dit pas en ce sens: profondeur ne se dit pas non plus des persones, mais de ce qui vient d' elles. On ne dit point la profondeur de cet homme, mais la profondeur de son savoir, de son esprit. = Grand, extrême en son genre, soit dans le physique, soit dans le moral. "Profond silence, someil, respect. Profonde mélancolie, érudition; douleur profonde. _ En st. famil. profonde révérence, profonde inclination, faite en se penchant extrêmement bâs. "Saluer profondément. _ On ne dit point profondeur en ce sens.
   Rem. Profond suit ou précède le nom qu' il modifie, au choix de l' Écrivain, guidé par l' oreille et le goût: "Les antres profonds: les profonds abîmes. "De profonds soupirs entrecoupoient toutes mes paroles. _ Il est en ce genre des inversions dûres et choquantes. Profond calme, par exemple, sonerait fort mal. = M. Moreau, apliquant profond aux persones, lui done un sens peu ordinaire, mais qui est beau. "Cet homme ambitieux et profond. Il veut dire, dissimulé; comme on dit profonde dissimulation. * Montesquieu emploie dans le même sens le substantif. "Le Sénat agissoit toujours avec la même profondeur. _ Cela peut signifier aussi, avec les mêmes vûes profondes, la même profonde politique. _ J. J. Rouss. se sert de ce mot, au figuré, d' une manière plus raprochée du sens propre. Il disait de Voltaire, peut-être avec un peu d' exagération, qu' il n' avait jamais fait un raisonement d' une ligne de profondeur.

PROFUSION


PROFUSION, s. f. [Profu-zion, en vers zi-on.] Excês de libéralité ou de dépense. Doner avec profusion. Faire de grandes profusions. "Tout y était en profusion. Cela alait jusqu' à la profusion. = Par lui-même ce nom ne régit rien, et il ne peut avoir de régime que par les verbes auxquels il est joint. "De là vinrent ses profusions à ses favoris. Hist. d' Angl. _ Ce régime est un anglicisme.

PROGÉNITEURS


*PROGÉNITEURS, s. m. pl. PROGÉNITûRE, s. f. [2e é fer. 4e lon. au 2d.] Le 1er est un latinisme employé par Leibnitz. "Ses progéniteurs, ses parens. = Le second est vieux, et n' est plus bon que dans le burlesque. La Fontaine dit Génitûre.
   Un fils qu' il aima trop, jusques à consulter
   Sur le sort de sa géniture,
   Le diseur de bonne aventure.
       La Font.
"Privée de cette progénitûre, elle tourna ses vues sur les biens de son mari. Causes Célèb. _ Cela ne peut être bon, au Palais même, que dans le style satirique et mordant.

PROGNOSTIC


PROGNOSTIC, vieille ortographe. V. PRONOSTIC, etc.

PROGRAMME


PROGRAMME, ou PROGRAME, s. m. Placard qu' on afiche au coin des rûes, ou qu' on distribûe par les maisons, pour inviter à quelque action publique. _ Ce mot n' est guère usité que dans les Collèges. Hors delà on dit Afiche.

PROGRêS


PROGRêS, s. m. [Progrê: 2eê ouv. _ On écrivait autrefois progrés ou progrez, ne pensant pas que le z, comme l' accent aigu, désigne l' é fermé, et que l' e est ouvert dans ce mot. On a écrit ensuite progrès avec l' acc. grâve, et c' est la pratique ordinaire. Nous croyons que l' accent circonflexe convient mieux. Voy. Accent grâve, et Rem. au mot Accent.] Litéralement, il signifie avancement, mouvement en avant. "Le progrês du Soleil dans l' écliptique; du feu, de l' incendie. = Figurément, suite d' avantages remportés à la guerre. "Ce Général a fait de grands progrês. "Arrêter les progrês des énemis. = Acroissement, augmentation en bien ou en mal. "Le progrés, ou les progrês d' une maladie, des maux, des erreurs. "Faire des progrês dans les études, dans les sciences, etc. "Les Arts, les Sciences ont fait beaucoup de progrês.
   Rem. Je ne sais si ce nom se combine régulièrement avec le pronom un. BOSSUET a dit: "Cette Secte (des Sociniens) n' a été qu' un progrês et une suite des enseignemens de Luther, de Calvin, etc. _ Une suite aurait sufi, et est certainement plus selon l' usage qu' un progrês. _ Je doute aussi que progrês se dise des persones avec les pronoms possessifs ou la prép. de. Voici trois exemples où ce mot leur est apliqué, et peut-être en trouverait-on d' aûtres. "Ceux qui s' intéressent véritablement à ses progrês (de M. l' Ab. Mauri) Sabat. Trois Siècles. "Clovis parvint à détruire tout ce qui pouvoit un jour, dans sa Nation, arrêter ou suspendre les progrês de sa Postérité. Moreau. _ L. Racine dit des Romains, relativement aux sciences.
   Tels étoient leurs progrès, lorsque du vrai savoir
   La fureur des combats éteignit tout espoir.
L' Acad. dit bien: les maux ont leurs progrês; mais elle ne le dit point des persones.

PROGRESSIF


PROGRESSIF, IVE, adj. PROGRESSION, s. f. [Progrècif, cive, cion, en vers ci-on: 2e è moyen, 3e lon. au 2d.] Ils ne se disent qu' avec mouvement: on dit, mouvement progressif ou de progression, au propre des animaux, au figuré des planètes. = Le substantif se dit aussi en Mathématique. "Progression arithmétique, géometrique, infinie, ou à l' infini.

PROHIBER


PROHIBER, v. act. PROHIBITIF, IVE, adj. PROHIBITION, s. f. [Pro-ibé, bitif, tive, bi-cion, en vers, ci-on: 3e é fer. au 1er, 4e lon. au 3e] Prohiber, c' est la même chôse que défendre, faire défense de faire, etc. Ceux-ci sont du langage comun; l' aûtre n' est usité, aussi bien que ses dérivés, qu' en style d' ordonances. M. Beauzée y trouve cette diférence, en ce que défendu se dit généralement de tout ce qu' il n' est pas permis de faire, en conséquence d' un ordre ou d' une Loi positive (divine ou humaine) et que prohibé ne se dit que des chôses qui sont défendûes par une loi humaine et de police. "La fornication est défendûe et la contrebande est prohibée. BEAUZ. Synon. "Loi prohibitive, qui prohibe. "Nous faisons très--expresse prohibition, défense de, etc.
   Rem. M. Linguet s' est servi de prohibitoire au lieu de prohibitif, dans la traduction de la protestation de Mylord Abingdon. "On met à la suspension des actes prohibitoires des réserves, auxquelles l' Angleterre n' est pas soumise. C' est un anglicisme, prohibitory. Nous disons en français, loix prohibitives.

PROIE


PROIE, s. f. [Proâ, monos. lon. = Tous les anciens ont écrit proye. BOUDOT, et quelques modernes, entre aûtres le P. Follard, ont écrit proïe avec l' ï trema: l' une et l' aûtre ortographe sont contre la prononciation: avec la 1re, il faudrait prononc. proâie; avec l' aûtre, pro-ie.] Ce que les animaux carnassiers ravissent, pour le manger. "Se jeter sur la proie. Emporter sa proie. Oiseaux de proie. = Butin qu' on fait à la guerre. "Ardent, âpre à la proie; partager la proie. = On dit adverbialement, au figuré: en proie à. "Être en proie à la médisance, à la calomnie, déchiré, noirci par, etc. "En proie à ses passions, à sa douleur, abandoné à, etc.
   Assez j' ai vu votre innocence
   En proie à leur férocité.
       Rousseau.
= Bossuet l' emploie sans régime: "Pour les Laïques, les biens de l' Eglise étoient en proie. "Il falait, en proie aux laïques, ou à leur avidité, etc.
   Proie, Butin (synon.) Le 1er sert proprement à désigner ce que les animaux carnaciers ravissent et mangent: le 2d est proprement afecté à désigner ce qu' on a pris sur l' énemi. Mais l' un et l' aûtre sont le plus souvent employés dans des sens plus vagues; le 1er avec son idée distinctive de destruction; le 2d, avec son idée caractéristique de pillage. L' animal carnacier court à sa proie: l' Abeille diligente vole au butin. Le Chasseur poursuit sa proie: le maraudeur fait du butin. = Le mot butin ne se prend pas toujours, comme proie, dans un sens odieux. Extr. des Synon. Fr. de M. l' Abé Roub.

PROJèT


PROJèT, s. m. PROJETER, v. act. et neut. [Projè, jeté; 2eè moy. au 1er, e muet au 2d. _ Devant l' e muet, la 2de se change en è moy. Je projette ou projète, projetterai ou projèterai, etc. _ On écrivait autrefois projetter, et plusieurs l' écrivent encôre de même, mais cette ortographe induit en erreur pour la prononciation, et ferait prononcer projèter.] Projèt, dessein, entreprise. Projeter, former un projèt. "Faire des projèts. Former un projèt. "Projeter une entreprise, un voyage, etc. = Et le nom et le verbe employés neutralement, régissent de et l' infinitif. "Il a fait le projèt, ou il a projété d' aler en Italie.
   PROJèT a un 2d sens, que n' a pas projeter: première pensée de quelque chôse mise par écrit. "Dresser un projèt d' articles pour un mariage; de ligue, de confédération, etc. = De son côté, projeter a une signification que n' a pas projèt: tracer sur un plan, ou sur une surface quelconque, la sphère, ou tel aûtre corps, suivant certaines règles. "Projeter les cercles horaires, etc. sur un cadran.

PROLÉGOMèNES


PROLÉGOMèNES, s. m. pl. [2eé fer. pénult. è moy. dern. e muet.] C' est, en parlant de la Bible, une longue et ample préface. Quelques-uns le disent aussi des Traités de Philosophie, de Théologie. "Les prolégomènes de la Bible. "Notre Professeur n' a encôre dicté que les prolégomènes.

PROLIXE


PROLIXE, adj. PROLIXEMENT, adverb. PROLIXITÉ, s. f. [Prolikce, ceman, cité; 3e e muet aux deux prem. dern. é fer. au 3e.] Ils se disent d' une mauvaise qualité du discours; qui est d' être long et difus. "Un discours devient froid et languissant, quand il est prolixe. "Cet Auteur écrit trop prolixement, avec une prolixité ennuyeûse. = L' adjectif se dit des persones mêmes: "C' est un homme prolixe dans ses discours. "Il écrit bien, mais il est prolixe.
   REM. Prolixe et prolixité ne datent que de la fin du dernier siècle. Prolixement est encôre plus nouveau. Le P. Bouh. dit des deux premiers, qu' ils ne valent guère dans le sérieux, et ne doivent se dire qu' en riant. Son observation aurait été plus juste, ce me semble, s' il avait dit qu' ils ne sont pas du haut style, et qu' ils ne sont bons que pour la critique et la dissertation. = À~ proprement parler, long et prolixe ne sont pas synonimes. Un discours et une lettre peuvent être courts et prolixes; ou être longs, sans être prolixes. "On n' est pas prolixe, quand on a beaucoup de chôses à dire, et qu' on ne dit pourtant que ce qu' il faut dire: "Cela demande une lettre à part, dit Leibnitz; celle que je viens d' écrire étant assez prolixe. Il devait dire, étant déja assez longue.

PROLOGUE


PROLOGUE, s. m. [Prologhe, et non pas prologû-e: 3e e muet: l' u ne se prononce pas; il n' est là que pour doner au g un son fort, qu' il n' a pas devant l' e.] 1°. Préface de certains livres anciens. "Les prologues de St. Jérôme sur les Livres de la Bible. "Le prologue de la Loi Salique. = Aujourd' hui on ne le dit plus que d' un petit ouvrage en vers ou en prôse, qui sert de prélude à une Pièce de Théâtre, sur-tout à un Opéra.

PROLONGATION


PROLONGATION, s. f. PROLONGER, v. act. [Prolonga-cion, longé; 2e lon. 3e é fer. au 2d.] Prolonger, c' est rendre de plus longue durée. Prolongation, action de prolonger. "Prolonger une trève, le terme d' un paiement, la vie, les jours de quelqu' un, les maux, les misères, la guerre. "Prolongation de terme, de la trève, etc.
   PROLONGER, est aussi, étendre, continuer. "Prolonger une ligne, une avenûe, etc. _ Prolongation ne s' emploie pas dans cette seconde acception. _ Le Gendre a dit prolongeable, (qui peut être prolongé.) "Le tems, qui est sans dificulté prolongeable à l' infini, ne peut être divisible à l' infini.

PROMENADE


PROMENADE, s. f. PROMENER, v. a. et réc. PROMENOIR, s. m. [2ee muet, 3e é fer. au 2d, dout. au 3e; né, noar] Promener, act. Mener çà et là: "Promener un enfant, promener des étrangers dans toute la ville. _ Promener un cheval, le faire marcher doucement, soit en le menant par la bride, soit même en montant dessus. _ Figurément. "Promener son esprit, sa pensée sur divers objets. "Promener ses regards, ses inquiétudes. = V. réc. Se promener, c' est son usage le plus ordinaire. "Allons nous promener au Cours, et non pas, promener sur le Cours, comme on dit en Provence: ce sont deux gasconismes en quatre mots. _ Mde. de G.... faisant parler une couturière, lui fait dire: "C' est demain fête; j' en suis bien aise. _ Oui, aprês l' Ofice nous irons promener. Th. d' Educ. On dit, nous irons nous promener. = Vaugelas autorise promener, neutre, au lieu de se promener, réciproque: mais l' usage a changé depuis.
   REM. Promener, act. est três-usité au fig.
   Il promène ici prês sa rêverie austère.
       Gresset.
"Ses malheurs l' ont promené (Ulysse) en diverses Contrées. Mde. Dacier. Odyssée. "Il promène autour de lui un oeuil gracieux, qui demande silence. Marm. "Vous en montrez chez vous (des ridicules), vous en portez dans les cercles; vous en promenez dans le public. Coyer. = M. Roucher fait promener la danse. "Les uns, dit-il:
   Dans les palais des Rois ennoblissent la danse,
   Que promène à grands pâs une grâve cadence.
Il veut peindre le menuet. Une grave cadence, qui promène la danse! Il n' est pas doné à tout le monde de sentir la beauté de cette peintûre. = Envoyer promener quelqu' un, se dit, d' ordinaire, au fig. et se dit en mauvaise part. Quand on l' emploie donc dans le sens propre, il faut l' expliquer, comme fait Mde. de Sévigné: "Il m' envoie promener; c. à. d. à Livri. Elle dit âilleurs, parlant de son fils, mais en badinant: "Je mande à mon fils, que je n' ai que faire de lui, que je me promène, et qu' avec cela je l' envoie promener.
   PROMENADE, se dit, et de l' action de celui qui se promène: aller à la promenade; et du lieu où l' on se promène: "Il y a de belles promenades autour de cette ville. = Promenoir n' a que ce dernier sens. "De beaux promenoirs. = L' Académie, dans la 2e édition de son Dictionaire, disait que ce mot vieillissait, et qu' on disait promenade: dans la dernière édit. elle le met sans remarque. = Quelques-uns mettent cette diférence entre promenade et promenoir, que le 1er se dit des promenoirs naturels, et le 2d, de ceux que l' art a formés.

PROMESSE


PROMESSE, s. f. PROMETTEUR, EûSE, s. m. et f. PROMETTRE, v. actif et neutre. [Promèce, mè-teur, teû-ze, mètre: 2e è moy. au 1er et au dern. é fer. aux 2 aûtres; 3e lon. au 3e.] Promesse est l' acte par lequel on promet; c. à. d. on done parole, de vive voix ou par écrit, de faire, de dire, etc. "Promesse verbale ou par écrit. "Promesses trompeûses. "Faire de grandes, de magnifiques promesses. "Tenir, garder sa promesse. Satisfaire à sa promesse, etc. = Promesse de mariage; écrit par lequel on s' engage à épouser une persone. = Promettre, actif, a pour 2d régime le datif: Est-ce donc là ce que vous lui aviez promis? _ Neutre, il régit le datif de la persone, et de avec l' înfinitif, ou que avec le futur. "Il m' a promis de venir: "Promettez-vous que vous le ferez? = Remarquez que quand le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse, l' infinitif vaut mieux: et que quand il ne s' y raporte pas, on doit se servir de la conjonction que:
   Promet-il à nos voeux de le pouvoir demain.
       Corneille, Polieucte.
Il (Dieu) est le sujet de la phrâse, et pouvoir se raporte à nous, qui est le régime. Il falait dire: promet-il à nos voeux que nous le pourrons demain?
   REM. 1°. Promesse régit de et l' infinitif. Fénélon y substitûe la prép. pour. "Je n' entends que de vaines promesses aux Dieux, pour leur faire des sacrifices. Télém. On peut remarquer encôre, dans cette phrâse, le régime des noms, promesses aux Dieux. Ce nom n' a point ce régime par lui-même: il ne l' a que par le moyen des verbes auxquels il est joint. "Promesses faites aux Dieux de leur faire des sacrifices. = 2°. On dit, sans article, promettre fidélité, promettre obéissance; mais cela ne s' étend point à toute sorte de mots. Corneille retranchait volontiers l' article, quand il en était géné.
   Vous acuserez Rome, et promettrez vengeance.
On ne le dirait point ainsi aujourd' hui. M. Moreau a hérité ce droit ou ce goût de Corneille. Il dit, promettre justice, promettre protection: Ils se promettent amitié et défense mutuelle. = 3°. Promettre, ne se dit au propre, que des persones; mais, au fig. on le dit élégamment des chôses. "Ces campagnes, si long-tems couvertes de ronces et d' épines, promettent de riches moissons. Télémaque. = On l' emploie aussi neutralement, pour dire, doner des espérances: "Ce jeune homme promet beaucoup: les blés, les arbres promettent beaucoup cette année. = 4°. Se promettre, espérer, régit l' ablatif (la prép. de.) "Il se promet cela de votre bonté. "Telle est la foiblesse et l' inconstance des hommes, qu' ils se promettent tout d' eux-mêmes, et ne résistent à rien. Telém. Il y a trois régimes dans ces sortes de phrâses; car se est au datif: ils se promettent (à eux-mêmes); tout est à l' acusatif: et d' eux est à l' ablatif. = Il régit aussi de devant l' infinitif. "Ils s' étoient bien promis de profiter de ces brouilleries. Charlev. "Je m' étois promis de rester garçon. Mariv. * Mde. de B... dit, se promettre vengeance, pour, de se venger. "Henri se promit vengeance de ce réfractaire. Je crois que c' est une traduction trop litérale de la phrâse anglaise. Se promettre régit encôre que et le futur. "Je n' ôse me promettre que vous me ferez cet honeur. = 5°. * Quelques persones disent promettre, pour assurer: je vous promets (assûre) que cela est ainsi, que je l' ai fait. Promettre ne regarde que le futur; et assurer se dit de tous les tems. = 6°. Promettre ne se dit que du bien: le peuple le dit aussi du mal: "Ce cachot qu' on m' a promis, empêchez qu' on ne me le tienne. Mariv.
   Le proverbe dit: ce n' est pas tout de promettre, il faut tenir; ou bien: promettre et tenir sont deux; ou encôre: Il y a grande diférence entre promettre et tenir. "Il ne vous promet pas poires molles; il menace de vous faire bien du mal. "Il ne sera pas si méchant qu' il a promis à son Capitaine: on n' a rien à craindre des menaces qu' il a faites. Voyez BEURRE et MONT.
   PROMETTEUR, se dit de celui qui promet légèrement, ou sans intention de tenir ce qu' il promet. "C' est un grand prometteur, un beau prometteur, une belle prometteûse. Il n' est bon que dans le st. fam. critiq. et chagrin. "Ce grand prometteur d' ouvrages, n' est pas extrêmement fécond. L' Abé Des Font.
   PROMIS, ISE: Il ne s' emploie adjectivement que dans cette phrâse: la terre promise, la terre de Chanaan, que Dieu avait promise à son Peuple. _ Fig. "Ce pays est la terre promise: il est extrêmement fertile. _ Le proverbe dit: chôse promise, chôse dûe; dês qu' on a promis quelque chôse, on est obligé de le faire, de tenir sa parole.

PROMISCUEMENT


*PROMISCUEMENT, s. m. (Néologisme et latinisme): pêle-mêle. "Ce mélange d' idolâtrie, et du signe de notre salut, (Diane et une Croix dans la même médaille) ne peut-il pas être regardé comme une preuve..... que les deux Religions avoient eu pendant quelque tems un libre exercice promiscuement dans Marseille. Grosson, Antiquaire et Acad. de Mars.

PROMISSION


PROMISSION, s. f. [Promi-cion; en vers, ci-on.] Il ne se dit qu' avec terre, dans cette phrâse: la Terre de Promission, ou la Terre Promise; la Terre de Chanaan, que Dieu avait promise au Peuple Hébreu. _ Fig. st. fam. "Ce pays est une Terre de Promission; il est três-fertile et três-abondant.

PROMONTOIRE


PROMONTOIRE, s. m. [Promon-toâ-re. 2° et 3e lon.] Pointe de terre élevée et avancée dans la mer. _ Ce mot n' a guère d' usage que dans la Géographie anciène: dans la moderne, on dit Cap.

PROMOTEUR


PROMOTEUR, s. m. PROMOTION, s. f. PROMOUVOIR, v. act. [Promo-teur, mo--cion, mou-voar.] Promouvoir, c' est élever à quelque dignité. Il se dit, principalement, d' un ordre, d' une dignité éclésiastique. "Le Pape l' a promu au Cardinalat: il a été promu aux Ordres, à l' Épiscopat. = Promotion est l' action par laquelle on élève, ou l' on est élevé à une dignité. Ainsi ce mot se prend activement et passivement. "Le Pape a fait une promotion de quatre Cardinaux: Il a promu quatre persones au Cardinalat. "Depuis leur promotion: c. à. d. depuis qu' ils ont été promus. = Rem. 1°. Ce verbe n' est d' usage qu' à l' infinitif et aux tems composés: il est promu, il fut promu, il a été promu, etc. = 2°. Le verbe se dit quelquefois dans des ocasions où l' on n' emploie pas le subst. On dit qu' un Prince a été promu à l' Empire, qu' un Magistrat a été promu à la dignité de Chancelier: mais on ne dirait pas bien, sa promotion à l' Empire, à cette dignité fut généralement aplaudie. _ D' aûtre part, on se sert de promotion dans des ocasions où l' on n' emploie pas promouvoir. On dit que le Roi a fait une promotion de Chevaliers, d' Oficiers Généraux: on ne dit guère: tels et tels ont été promus à la Croix, à tel grade, etc. Je crois pourtant que si on le disait, ce ne serait pas une faûte contre la langue.
   PROMOTEUR, n' est pas celui qui fait une promotion, mais celui qui prend le soin principal d' une afaire. Ainsi ce mot a plus de raport au sens propre et naturel de promouvoir, qu' à l' emploi que l' usage lui done. "Il n' est donc pas l' Auteur, mais le promoteur de cet établissement. = C' est aussi le nom qu' on done à celui qui fait fonction de Procureur d' office dans une Juridiction Éclésiastique. Promoteur de l' Oficialité, de l' Assemblée du Clergé, etc. = M. de Wailly, dans sa Gramaire, comprend promoteur au nombre des mots en teur, qui font trice au féminin. Dans le Richelet Portatif, il ne met que Promoteur, d' après l' Académie. Promotrice est un mot bien dur, et il est peu usité. "L' illustre souveraine, promotrice de la neutralité armée. Journ. de Litt.

PROMPT


PROMPT, OMPTE, ouPROMT, OMTE, adj. PROMTEMENT, adv. PROMTITUDE, s. f. [Pron, pronte, teman, titude: 2e. e muet au 2d et au 3e. = Le respect pour l' étymologie a fait conserver le p devant le t: mais on ne le prononce pas; et il vaudrait mieux ne pas l' écrire] Promt, 1°. en parlant des chôses; soudain qui ne tarde pas long-tems; promt retour, promte réponse. = Esprit promt, conception promte, esprit qui conçoit aisément. = 2°. En parlant des persones; actif, diligent. "Il est promt en tout ce qu' il fait. "Promt à servir ses amis. "La jeunesse est promte à s' enflamer. Télém. "Promt à censurer. Du Resnel. = 3°. Colère. "Il est promt: il a l' humeur promte.
   Achille déplairoit moins bouillant et moins promt.
       Boileau.
Promtement n' a que le 2e sens de promt. Avec diligence. "Allez-là; faites cela, revenez promtement. Voy. VITE.
   PROMTITUDE, C' est 1°. célérité, vitesse, diligence (synon.) La diférence de ces quatre mots, suivant M. Beausée, c' est que la promtitude fait comencer aussi-tôt; la célérité fait agir de suite; la vitesse emploie tous les moyens avec activité; la diligence choisit les voies les plus courtes et les moyens les plus éficaces. La promtitude exclut les délais: la célérité ne soufre point d' interruption; la vitesse est énemie de la lenteur; la diligence met tout à profit et fuit les longueurs. "Il faut obliger avec promtitude; faire ses afaires avec célérité, courir avec vitesse, au secours des malheureux, et travailler avec diligence, à sa perfection. Beauzée, synon. Voy. VIVACITÉ. = Promtitude régit, en ce sens, la prép. de et l' infinitif. "L' obéissance est un devoir: la promtitude à obéir est donc un mérite Cerutti. Apol. de l' Instit. = 2°. Colère, emportement: "Honteux de sa faûte, il gémissoit de sa promtitude. TÉLÉM. = Au pluriel, action de brusquerie. "ses promtitudes sont insuportables.

PROMULGATION


PROMULGATION, s. f. PROMULGUER, v. act. [Promulga-cion, ghé: 3e é fer. au 2d: l' u ne s' y prononce pas: il n' y est mis que pour doner au g un son fort, qu' il n' a pas devant l' e: cet u est inutile au substantif, parce que devant l' a, le g a ce son fort.] Ils expriment l' action de publier une loi avec les formalités requîses. "La promulgation des lois: promulguer une loi. "On ne peut prétendre caûse d' ignorance d' une loi, qui a été promulguée. = Quelques-uns écrivent et prononcent promulguer, mais divulguer, qui est un mot plus ancien, doit faire pencher pour promulguer, qui est d' âilleurs plus autorisé par l' usage. C' est le seul que mette l' Académie.

PRôNE


PRôNE, s. m. PRONER, v. act. et n. PRONEUR, EûSE, s. m. et f. [1re lon. au 1er, 2e e muet au 1er, é fer. au 2d, lon. au 4e = On écrivait autrefois prosne, prosner, etc. En suprimant l' s, qui ne se prononçait plus, on la remplaça par l' accent circonflexe: mais cet accent ne convient que devant l' e muet, pour marquer que la syllabe est longue: il prône, prônera, etc.] Prône est au propre, une instruction qu' on fait les Dimanches à la Messe paroissiale. Faire le prône: assister au prône. = Au figuré, st. famil. Remontrance importune. "Il lui a fait un beau (ironiquement), un long prône. "Il se moque de vos prônes. = On dit, proverbialement, être recomandé au prône. Mde. de Sévigné dit d' un Amant, esclave d' une maîtresse jalouse. "Il n' a pu sortir de classe (comme un écolier) pour venir ici: il faut que je sois bien recomandée au prône, c. à. d. qu' il ait exigé de lui qu' il ne me verroit point.
   PRONER ne se dit guère dans le sens propre et litéral que parmi les Eclésiastiques. "Il doit proner aujourd' hui: il a très-bien proné. Il est mieux de dire: il doit faire le prône, il a fait un bon, un beau prône. = Son usage le plus ordinaire est, comme verbe actif, de signifier, vanter, louer avec exagération. "Il le prône comme un homme extraordinaire. = C' est aussi faire de longs discours, d' ennuyeux récits. "Que nous pronez-vous là? Et neutralement, il ne fait que proner tout le long du jour. Dans l' un et l' autre sens, il n' est que du style familier. = Proneur, eûse, s' emploie dans ces deux acceptions. Celui, celle, qui loûe avec excès. "Il a ses proneurs, qui le font valoir. "Ouvrage vanté par les proneûses à la mode. = Grand parleur, grande parleûse, qui aime à faire des remontrances. "C' est un grand proneur; une proneûse perpétuelle.

PRONOM


PRONOM, s. m. PRONOMINAL, ALE, adj. [Pronon, nominal, nale.] Termes de gramaire. _ Pronom, comme le mot l' indique, est un nom qui se met à la place du nom substantif. Ainsi, au lieu de dire continuellement: Pierre est venu, Pierre a dit, Pierre s' est fâché, etc. Après l' avoir nomé une fois, on dit: il est venu, il a dit, il s' est fâché. De même, au lieu de dire, le livre, la maison, les biens de Pierre, on dit, après avoir parlé de lui, son livre, sa maison, ses biens. = On distingue diverses sortes de pronoms; les personels, les conjonctifs, les démonstratifs, les possessifs, les relatifs, les absolus. Voyez ces mots à leur place dans l' ordre alphabétique: = Pronominal, nom doné par certains gramairiens à une sorte de verbes que le comun apelle réciproques ou réfléchis, et qui se conjuguent avec deux pronoms de la même persone, comme: je me repens; nous nous blessons; il s' est rendu, etc. Voy. RÉCIPROQUE.

PRONONCER


PRONONCER, v. act. PRONONCIATION, s. f. [Prononcé, ci-a-cion: 2e lon. 3eé fer. au 1er.] Prononcer, c' est 1°. articuler les lettres; les syllabes, dans les mots. "Il y a des mots, des lettres plus dificiles à prononcer que d' autres lettres et d' autres mots. = 2°. Réciter: prononcer un discours, une harangue, de bone, ou de mauvaise grâce. = 3°. Déclarer avec autorité juridique; prononcer un arrêt, un jugement, une sentence. = Fig. "Cet homme a prononcé sa sentence, sa condamnation; il s' est condamné par ses propres paroles. = 4°. V. n. par extension, et entre particuliers, déclarer ses sentimens, décider, ordoner. "Vous n' avez qu' à prononcer; dês que vous aurez prononcé, on obéïra.
   PRONONCÉ, s. m. "Le prononcé d' un arrêt; ce qui a été prononcé par le Juge. = Adj. En Peinture, on dit que les muscles sont bien prononcés, trop prononcés, c. à. d. bien ou trop marqués, représentés. M. l' Ab. Grosier le dit du caractère dans les ouvrages d' esprit. "Cet Auteur (M. le Mierre) conu pour avoir de la verve, un caractère prononcé, une manière originale, etc. "Le contraste de leurs moeurs m' y paroit sufisamment prononcé. Ann. Litt. L' emploi de cette expression figurée pourra paraitre à quelques-uns, à plusieurs peut-être, précieux et afecté, et apartenir à ce qu' on peut apeler un style à prétention. On pourrait dire, en se servant de la même locution, que la métaphôre y est trop prononcée.
   PRONONCIATION, est l' articulation des lettres, des syllabes dans les mots. = Il y a en français deux prononciations diférentes; l' une pour les vers et le discours soutenu, l' aûtre pour la prôse comune et le discours ordinaire. Dans la première, on prononce la plupart des lettres, qui sont à la fin des mots, quand les mots suivans comencent par une voyèle, ou par une h muette. Dans la seconde, ce serait une afectation ridicule que de vouloir prononcer les consones finales, et même les s et les t. Le détail des règles, qu' il faut suivre pour l' une et l' autre prononciation, se trouve dans chaque article, et sur-tout au comencement de chaque lettre.
   Rem. Comme les Langues sont plutôt faites pour être parlées que pour être écrites; et que ce qui est écrit est fait pour être lu à haute voix, récité, ou déclamé, il faut éviter avec soin la rencontre des sons durs, la suite des mêmes consones, etc. Cela est sur--tout essenciel à observer dans les vers, dont la prononciation est plus marquée. Corneille, dans la suite du Menteur, écrit: vous vous entr' entendez, ce qu' on ne peut prononcer sans se disloquer la machoire; Racine dans Britannicus: "Bannissez-le loin d' elle. Ce le loin parait dur. Le leur, qui est dans le même câs, ne le parait pas tant; parce qu' il vient plus souvent dans le discours, et qu' on y est plus acoutumé. _ Ainsi quoique tous les noms terminés en trice soient durs, bienfaitrice, Impératrice le sont moins, parce qu' ils reparaissent plus fréquemment, que persécutrice, exécutrice, usurpatrice, dont on se sert plus rârement, et dont plusieurs bons Écrivains n' aiment pas à se servir. = Il ne faut pourtant pas recourir à une construction irrégulière pour éviter une prononciation dure: c' est tomber dans un défaut, pour en éviter un autre: in vitium ducit culpæ fuga. Ex. "On ne peut nier que ce n' ait là été la caûse du progrès de la secte. Boss. La Syntaxe demandait que l' Auteur dit n' ait été là la caûse: mais il a préféré une construction peu régulière, pour éviter la rencontre des deux là la, en quoi, à mon avis, il ne doit pas être imité. Il faut alors changer de tour, et dire, par exemple. "Ç' a été là, on ne peut le nier, la caûse du progrès de la secte.
   Prononciation, est encore 1°. la manière de réciter: "La prononciation est une des principales parties de l' Orateur. "Ce Prédicateur a la prononciation belle, ou une belle prononciation. = 2°. Action de prononcer un Jugement. "Après la prononciation de la sentence. Voy. ACCENT.

PRONOSTIC


PRONOSTIC, s. m. PRONOSTIQUER, v. act. [Pronostik, tiké.] On écrivait autrefois prognostic, etc.~ = Dans les Let. Édif. et dans l' Hist. d' Allem. par le P. Barre, on lit pronostique: dans l' Hist. Anc. de ROLLIN, tantôt pronostique, tantôt prognostic: mais le g ne se prononçant pas et le c final se prononçant légèrement, pronostic est le plus conforme à la raison, et il l' est aussi davantage à l' usage actuel. = Pronostic, jugement et conjectûre de ce qui doit arriver. Il se dit, au propre, en médecine. "Ce Médecin a le pronostic sûr: il a fait des pronostics fort justes sur cette maladie. "Son pronostic n' a pas été véritable. = Fig. "Les Politiques se trompent souvent dans leurs pronostics. "Des Historiens lui ont présenté (à cette Nation) les caûses de son élévation, ou les pronostics de sa chûte. Coyer.
   C' est là le pronostic d' une vertu mourante. Anon. "Je fus enchanté de ce petit discours, qui me parut être d' un heureux pronostic. = Dans le Rich. Port. on le marque aussi adjectif: signe pronostic. Ce n' est pas l' usage, ce me semble; l' Acad. ne le marque que substantif.
   PRONOSTIQUER: faire un pronostic: prédire. "Il a pronostiqué tout ce que nous voyons.
   * On a dit anciènement pronostication, action de pronostiquer. On dit encore pronostiqueur, mais il ne se dit qu' en plaisantant et en se moquant. L' Acad. le met sans remarque: celui, qui pronostique

PROPAGATEUR


PROPAGATEUR, s. m. PROPAGATION, s. f. SE PROPAGER, v. réc. [Propagateur, ga-cion, gé. 3e é fer. au 3e] Se propager, se répandre. Il se dit en Physique, de la manière dont le son et la lumière se répandent. "La lumière se propage en ligne droite, et le son en tout sens. = Propagation a un emploi plus étendu. La propagation de la lumière, du son; la propagation de la Foi. _ La propagation du genre humain, la propagation de l' espèce. = Propagateur ne se dit que de ce qui opère la propagation. "Le propagateur de la Foi, de l' hérésie, d' un système~ philosophique.

PROPENSION


PROPENSION, s. f. [Propan-sion, en vers si-on: 2e lon.] Au propre, pente naturelle. "Les corps pesans ont une propension à descendre. = Fig. penchant, inclination. "Propension au bien, au mal. "Ces troubles augmentoient la propension naturelle à la tyrannie. = Ce mot est peu usité au propre: il l' est au figuré moins que penchant et inclination. M. l' Ab. de Fontenai l' emploie au pluriel, mais c' est dans le style badin ou critique, qui a ses licences, comme le style poétique. "M. de Vinesac a quelquefois des propensions au rire.

PROPHANATION


PROPHANATION, PROPHANER, etc. C' est la vieille ortographe. Voy. PROFANATION, PROFANER, etc.

PROPHèTE


PROPHèTE, s. m. PROPHÉTESSE, s. f. PROPHÉTIE, s. f. PROPHÉTIQUE, adj. PROPHÉTIQUEMENT, adv. PROPHÉTISER, v. act. et n. [Profète, fétèce, féci-e, tike, tikeman, tizé: 2e è moy. au 1er, é fer. aux aûtres; 3eè moy. au 2d; 4e e muet au 2d, 3e, 4e et 5e, é fer. au dern.] Prophétiser, c' est prédire l' avenir par inspiration divine. Prophétie, prédiction de l' avenir. Prophète, prophétesse, celui, celle qui prophétise. Prophétique, qui tient du Prophète. Prophétiquement, en prophète. "Les Patriarches ont prophétisé la venûe du Messie. "Le don de prophétie: l' acomplissement des prophéties. "Le Prophéte-Roi, ou Royal, David. Le Prophète Isaïe, etc. "Les oracles des prophètes. "Débora la prophétesse. Anne la prophétesse. "Esprit, discours, style prophétique. Il a parlé prophétiquement.
   Rem. Prophète, prophétie et prophétiser se disent dans le discours familier pour signifier une prédiction qu' on a faite par conjectûre. "J' ai été prophète. "Ta prophétie est acomplie. Gresset. "Je vous avais bien prophétisé que cela arriverait. = Le proverbe dit: nul n' est prophète en son pays: c' est un proverbe tiré de l' Évangile.
   Vous savez que nul n' est prophète
   En son pays: cherchons notre avanture âilleurs.
       La Font.
"Il faut que la force du proverbe soit bien violente, s' il est vrai que vous ne soyez pas prophète en votre pays. SÉV. à M. de Coulanges. "Canaples va aux eaux de Vals, parce qu' il est à Paris, et M. d' Arles va à Forges, parce qu' il est dans le voisinage de Vals: tant il est vrai que, jusqu' à ces paûvres fontaines, nul n' est prophète en son pays. ID. = Faux Prophète, homme, qui se trompe dans les prédictions qu' il fait. Prophète de malheur, qui ne prédit jamais que des chôses désagréables.
   PROPHÉTIQUE, se plait à suivre le substantif. En vers, il peut le précéder, mais il sone mal devant un monosyllabe. En prophétiques vers de Gresset, forme une inversion dûre.

PROPICE


PROPICE, adj. PROPITIATION, s. f. PROPITIATOIRE, adj. et subst. [Tia a le son de cia: cia-cion, cia-toâ-re.] Propice, favorable. Celui-ci est d' un usage plus étendu: celui-là se dit proprement et principalement de Dieu, du Ciel, comme signifiant Dieu, et par extension du tems, de l' ocasion et des autres chôses de même natûre, quand elles sont favorables. = Suivant La Touche, il ne se dit que dans le style relevé et dans la poésie: ailleurs on dit favorable. Il avoûe pourtant que l' Acad. dit: ocasion propice, tems propice, saison propice: toutes les chôses lui ont été propices. _ Et en parlant à des personnes fort élevées, lors qu' il est question d' afaires fort importantes: soyez-moi propice. Il a le même régime que favorable, le datif. "Dieu nous soit propice: le ciel est propice à nos voeux.
   PROPITIATION, ne se dit qu' avec sacrifice. "Sacrifice de propitiation, ofert à Dieu pour le rendre propice. _ On dit, dans le même sens, adjectivement, sacrifice, ofrande propitiatoire. = S. m. Table d' or très--pur, qui étoit posée au dessus de l' arche: le propitiatoire.

PROPORTION


PROPORTION, s. f. PROPORTIONEL, NELLE, adj. PROPORTIONELLEMENT, adv. PROPORTIONÉMENT, adv. PROPORTIONER, v. act. [Propor-cion, cio-nèl, nèleman, néman, né: 4e è moy. au 2d, 3e et 4e; é fer. au 5e et 6e] Proportion est la convenance et le raport des parties entre elles. "Il faut qu' il y ait une certaine proportion de tous les membres du corps humain avec la tête. "Observer les proportions. "Ce Peintre, ce Sculpteur entend bien les proportions. = Par extension, il se dit de la convenance que toute sorte de choses ont les unes avec les aûtres. "Il n' y a nulle proportion de sa dépense avec son revenu, des biens spirituels avec les biens temporels: il n' y a entre eux aucune proportion. "Du fini à l' infini ou avec l' infini, il n' y a point de proportion. = À~ proportion, adv. se dit ou sans régime: "Du bled, du vin, et les aûtres denrées à proportion: ou avec la prép. de: il ne dépense pas à proportion de son revenu. = Plusieurs disent en proportion: 124 pièces d' artillerie... 800 barrils de poudre; et de toutes les autres munitions de guerre en proportion. LINGUET. "Ces harangues audacieuses (dans le Parlem. d' Angl.) dont les extraits scandalisent ou ravissent les étrangers en proportion de leurs penchans. Id. "Je veux, dit le Seigneur, que les honeurs de mes justes croissent en proportion de leurs humiliations. Neuville. "Il fait à son fils une leçon trop foible en proportion de ce qu' on peut apeler son crime. Mercure. "Les Rois ne peuvent devenir grands et puissans qu' en proportion de ce qu' ils rendront leurs peuples libres et heureux. Moreau. "Notre délicatesse semble augmentée en proportion de la corruption de nos moeurs. MARIN, Observ. sur l' Amante Ingénue. = Quelques-uns disent par proportion, d' aûtres proportion gardée. "Les deux autres s' élèvent l' un sur l' aûtre et diminuent par proportion. Spect. de la Nat. "L' or de la Chine est moins pur que celui du Brésil, mais aussi, proportion gardée, on l' achète moins cher. * Vertot dit à proportion que. "Il semble que les aûtres Capitaines devinssent ses énemis, (de Pompée) à proportion qu' ils aquéroient de gloire et de considération. Revol. Rom. Peut-être est-ce une faute d' impression, et faut-il lire, à proportion de ce qu' ils aquéroient de gloire, etc. ou bien, à proportion qu' ils aquéroient de la gloire, etc. La 1re manière est la meilleure. L' Acad. de tous ces adverbes, ne met que, à proportion; et par proportion. Elle ne done point d' exemple de celui-ci, et le met seulement sous l' adverbe proportionément, comme son synonyme.
   PROPORTIONÉMENT, par proportion, avec proportion. "Il n' a pas été récompensé proportionément à son mérite. Il régit le datif. "Proportionément aux faits que les Ecrivains de l' Antiquité ont pu me fournir.
   PROPORTIONEL et PROPORTIONELLEMENT sont des termes des Mathématiques, qui se disent de toute quantité qui est en proportion avec d' aûtres. "Lignes, quantités proportionelles; et substantivement, les deux proportionelles. "Réduire proportionellement un grand dessein à un petit.
   PROPORTIONER, c' est garder la proportion convenable. Il a pour 2d régime le datif. "Proportioner sa dépense à son revenu; son discours à l' intelligence et à la capacité de son auditoire.

PROPôS


PROPôS, s. m. [Propô et devant une voyèle propôz: l' ô est long] 1°. Discours, entretien. "Propôs, agréable, ou fâcheux. "Les propôs de table. "Tenir des propôs. "Mettre certains propôs sur le tapis. "Changeons de propôs. = Se mettre sur le propôs de, expression de la Fontaine.
   Il se jette à côté, se met sur le propôs
   De Castor et Pollux.
L' usage de cette locution est tout au moins douteux. = 2°. Proposition: Jeter des propôs d' acomodement. = 3°. Résolution. "Faire un ferme propôs de s' amender.
   À~ propôs; adv. se dit ou sans régime: parler à propôs; convenablement au sujet, au lieu, aux persones: il arriva à propôs, tout à propôs, extrêmement à propôs. = On dit, dans un sens contraire, mal à propôs et hors de propôs. "Il est venu bien mal à propos. "Cela est hors de propôs. = Ou avec la prép. de, devant les noms; et alors il se met quelquefois à la tête de la phrâse, et sert de transition d' une période à l' aûtre, mais seulement dans le style familier. "Il est toujours bien mieux de savoir ce qu' on fait, que de vivre en aveugle, en sourd et en muet. "À~ propôs de sourd, je vous prie que M. le Chevalier craigne autant que moi cette sorte de mal de famille. À~ propôs encôre de famille. M. de Lamoignon a la survivance de la charge de M. Nesmond. Sév. Il ne faut pas en mettre plusieurs de suite: s' il y en avait un 3e, il serait ridicule. _ Il se dit aussi, en ce sens sans régime. "À~ propôs j' oubliai de vous dire l' autre jour que... Alors il est relatif à la pensée et non pas au discours précédent de celui qui parle. "À~ propôs, vous parliez de nouvelles, il y en a une très-intéressante: alors, quoique sans régime, il a raport au sujet, dont on s' entretenait. = Il régit aussi de au milieu de la phrâse. "Il s' est fâché à propôs de rien, sans sujet. Et proverbialement. "Il est venu me quereller à propôs de bottes. = Avec le v. être impersonel, à propôs est une espèce d' adjectif, et signifie convenable. Il régit de et l' infinitif. "Il est souvent à propôs de se tenir en garde contre les récits des Grecs. = Remarquez au reste qu' on doit dire, ce qu' il est à propôs de faire, et non pas ce qui est à~ propôs de faire, comme disent certains. Ainsi l' on dit ce qu' il vous plaira, ce qu' il convient de faire, et non pas ce qui vous plaira, ce qui convient, etc. = Avec juger à propôs, on met ce régime de l' infinitif, quand le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse; et que avec le subjonctif, quand il ne s' y raporte pas. "Il juge à propos d' y aller lui-même. "Il jugea à propos que j' y allasse avec lui. = On fait quelquefois d' à propôs un substantif. "Ce sont de ces vers de société, qui hors de l' à propôs n' ont plus de sel, et qui dans l' à propôs même en manquent le plus souvent. Ann. Litt. "Il y a loin de ces petites productions, dont l' à propôs fait souvent le succès, aux grands ouvrages vraiment estimables, qui honorent une Nation. Linguet. _ L' Acad. ne le met point comme substantif, et il parait que dans cet emploi, c' est un néologisme. Du moins on ne l' employait guère qu' en conversation, et ce n' est guère que depuis peu de tems qu' il a pâssé dans les livres.
   À~ tout propôs, à chaque instant. "Les apostrophes ne donent de la chaleur au style que lorsqu' elles sont bien placées, et elles le refroidissent, quand elles afectent de se montrer à tout propôs et sans propôs. JOURN. DE MONS. Le second adverbe n' est guère usité: mais il fait fort bien ici, associé et en contraste avec le premier.
   De propôs délibéré: à dessein, de dessein formé. "Il l' a fait de propôs délibéré.

PROPOSABLE


PROPOSABLE, adj. PROPOSANT, s. m. PROPOSER, v. act. [Propozable, zan, zé: 3e dout. au 1er, lon. au 2d, é fer. au 3e: Devant l' e muet le 2d o est long: il propôse, propôsera, etc.] Proposer c' est mettre quelque chose en avant, pour l' examiner, ou pour en délibérer. "Proposer une question, une dificulté, un acomodement, des conditions. = Il a quelquefois le datif pour 2d régime: on lui a proposé un parti pour sa fille; quelquefois la prép. pour: on l' a proposé pour cette charge, pour cet emploi: "Proposer quelqu' un pour exemple, pour modèle. "Tous les chrétiens doivent se proposer J. C. pour modèle. Dans cette phrâse, il y a trois régimes, se étant au datif, J. C. à l' acusatif; pour fait le troisième. = Pour les verbes, il régit à ou de; le 1er, quand il est neutre, et qu' il n' a pas d' autre régime que le datif de la persone: on lui a proposé d' examiner cette question; le 2d, quand il est actif et qu' il a le régime simple ou direct (qu' il régit l' acusatif) proposer une question à examiner. = Se proposer, avoir dessein de, régit de et l' infinitif. "Il se propôse de partir dans peu de jours. * Boileau lui fait régir la prép. à: "Ces grands hommes que nous nous proposons à imiter. L' actif a ce régime, le réciproque ne l' a pas ici, parce qu' il n' y est pas réciproque actif, mais réciproque neutre; le pronom se étant au datif, et non pas à l' acusatif. De là la diférence de ces deux phrâses: vous vous proposez comme un modèle à imiter: vous vous proposez d' imiter ce modèle. Dans la 1re, se est à l' acusatif: vous vous proposez (vous-même) comme un modèle: dans la 2de, se est au datif: vous vous proposez (à vous-même) d' imiter, etc.
   Proposé à est un barbarisme: on dit préposé. Voy. ce mot.
   PROPOSABLE, qui peut être proposé: cette afaire n' est pas proposable. On ne le dit guère qu' avec la négative.
   PROPOSANT ne se dit que chez les Protestans. Jeune Théologien, qui étudie pour être Pasteur.

PROPOSITION


PROPOSITION, s. f. [Propozi-cion.] 1°. Discours, qui afirme ou qui nie. "Proposition universelle ou particulière; afirmative ou négative, etc. "Proposition de foi, ou en matière de foi. "Censurer, condamner une proposition. = 2°. chôse qu' on propôse. "La proposition, que vous me faites, me plait, ou me déplait. "Écouter, recevoir, accepter ou rejeter une proposition. = Pains de proposition que, dans l' anciène loi, on mettait, toutes les semaines, sur la table dans le Sanctuaire.

PROPRE


PROPRE, adj. PROPREMENT, adv. PROPRET, ETTE, adj. PROPRETÉ, s. f. PROPRIÉTÉ, s. f. PROPRIÉTAIRE, subst. [Propre, preman, prè, prète, preté, prié--té, tère: 2e e muet au 1er, 2d et 5e, é fer. au 6e et 7e: 3e é fer. au pénult. è moy. et long au dern.] Propre a plusieurs significations: 1°. Qui apartient à quelqu' un, à l' exclusion de tout aûtre: "C' est son propre fils: je l' aime comme mon propre frère: écrire de sa propre main: doner en main propre: Faire quelque chôse de son propre moûvement, etc. = Amour propre, l' amour déréglé de soi-même. Voy. AMOUR, à la fin. = 2°. Même: en propres termes: ce furent ses propres paroles. = 3°. En Gramaire, qui convient particulièrement à chaque mot. "Le nom, le mot, le terme propre. "Dans cette langue, il n' y a point de terme propre, pour signifier telle chôse. Prendre un mot dans le sens propre, ou, substantivement, au propre, dans le sens litéral, comme oposé au sens figuré et métaphorique. = 4°. Convenable à. Il régit le datif: cela lui serait extrêmement propre: cela est propre à toutes sortes de chôses. = 5°. Qui peut servir à, qui est d' usage pour: "Bois propre à bâtir; herbe propre à faire un tel médicament; propre à guérir les brûlûres. = Propre à et propre pour. La prem. de ces locutions désigne plutôt un pouvoir éloigné; et la seconde, un pouvoir prochain. L' homme propre à une chôse, a des talens relatifs à la chôse: l' homme propre pour la chôse a le talent même de la chôse. Un homme propre à tout, n' est pas également propre pour tout.... Un objet est propre pour faire, et propre à devenir. Ext. des Synon. Fr. de M. l' Abé Roubaud. = 6°. Net: Homme qui est três-propre, qui n' est pas propre. = 7°. Bien-séant, bien arrangé. "Il est fort propre dans ses habits, dans ses meubles: il a toujours des habits fort propres: il ou elle est propre jusqu' à l' excês. = 8°. S. m. Qualité, qui distingue un sujet de tous les aûtres. "Le propre des oiseaux, c' est de voler: c' est le propre de l' envie, non-seulement de se réjouir du mal, mais encore, d' en suposer, et d' en faire. Cerutti. Apol. de l' Instit. = 9°. Au plur. et en termes de Jurisprudence, les propres, les biens du mari ou de la femme, qui n' entrent point en comunauté.
   Rem. Cet adjectif a quelquefois un sens diférent, selon qu' il est placé devant, ou aprês le substantif. "Les propres termes, ce sont les mêmes mots, sans y rien changer; (n°. 2°.) Des termes propres, sont des mots qui expriment bien, et suivant l' usage, ce qu' on veut dire, (n°. 3°.) _ La justesse dans le langage, dit M. Beauzée, exige que l' on choisisse scrupuleûsement les termes propres: la confiance dans les citations dépend de la fidélité à raporter les propres termes des livres, ou des actes qu' on allègue. = Dans le 1er sens, il doit marcher devant le substantif: c' est son propre bien. Rousseau dit à Dieu:
   Mes jours sont ta propre cause,
   Et c' est toi seul, que j' opose
   À~ mes jaloux énemis.
* Quelques Auteurs l' ont placé mal-à-propôs aprês. Corneille dit, de ma main propre, pour, de ma propre main.
   Et tu dédaignes la victoire,
   Que j' ai~ de ma main propre atachée à tes pas.
La mesûre du vers a ocasioné cette construction irrégulière. "Votre expérience propre; MASC. "Le voilà vaincu, de son aveu propre; BOSS. "Le P. Robert de Nobilibus, neveu propre du Cardinal Bellarmin. Let. Édif. _ L' Académie elle-même a dit aûtrefois, dans ses Sentim. sur le Cid: "Il n' y avoit pas d' aparence de s' imaginer que Chimène se résolût à faire cette vengeance avec ses mains propres. L' équivoque de ces mains propres, (nettes) rend cette dernière transposition presque ridicule. Il faut, de ses propres mains; le propre neveu; de son propre aveu; votre propre expérience. = Corneille, dans deux vers, qui se suivent, le met une fois aprês, et une fois devant.
   Il veut de sa main propre enfler sa renomée,
   Voir de ses propres yeux l' état de son armée.
On serait plus exact et plus délicat aujourd' hui. = Dans le sens marqué n°. 5°, il régit à et l' infinitif: Mallebranche y substitûe toujours la prép. pour. "Une disposition de cerveau propre pour (à) recevoir des traces fort profondes. = Propre, employé substantivement, n' a pas pourtant tous les privilèges des substantifs. Il régit, comme la plupart, la prép. de; mais je ne crois pas qu' on puisse, comme avec les aûtres noms, la remplacer par des pronoms possessifs. On dit, c' est le propre de la vertu, de forcer ses énemis mêmes à la respecter: mais je ne crois pas qu' on puisse dire des passions: leur propre est de voiler l' esprit du bandeau le plus épais.
   EN PROPRE, adv. "Tous ceux qui ont des terres en propre (n°. 1°.) les font valoir par eux-mêmes. Hist. du Japon. "Les Religieux n' ont rien en propre.
   PROPRET, ne se dit que dans le 7e sens de propre, dont il est le diminutif: vieillard propret; personne proprette. = S. m. "C' est un propret.
   PROPREMENT a le 2d sens de propre: la Grèce, l' Asie, l' Afrique proprement dite; et le 3e sens: Cet homme parle, s' exprime proprement: ce mot se dit proprement dans un tel sens. = À~ proprement parler, et proprement dit; le 1er s' unit aux verbes, et le 2d aux noms. * Le Traducteur de l' Histoire d' Angl. emploie l' un pour l' aûtre. "Ils (les Députés) ne composoient pas, proprement dit, une partie essentielle du Parlement. Il devait dire: ne composaient pas, à proprement parler. "La retenûe des biens de Lancaster ne fut, proprement dit (à proprement parler) que la révocation d' une grâce, etc. "Ailleurs, il dit, proprement parlant. "Ce fut, proprement parlant, le 1er vaisseau de la Marine Anglaise. Proprement parlant, ne vaut guère mieux que proprement dit, avec les verbes. = Proprement signifie encôre, nettement, avec propreté, (n°. 6°. et 7°.) "On mange proprement chez lui: doner proprement à manger. = Avec adresse, ou d' une manière agréable. "Chanter, danser, travailler proprement. "Être habillé, mis, meublé proprement.
   PROPRETÉ et PROPRIÉTÉ ont des sens diférens: l' un correspond au n°. 6°. et 7°. et l' aûtre, au n°. 1°. et 3°. de propre. "La propreté du corps contribûe à la santé. "Il est d' une grande propreté sur sa persone. _ "La propriété des biens, la propriété des mots.
   * Autrefois on le disait pour propreté. "Le soin qu' on doit avoir pour la propriété et bienséance de toutes les chôses sacrées. Saint François de Sales. = Propriété, est aussi qualité, vertu: la propriété des plantes, de l' aimant. = Qualité essentielle. "L' impénétrabilité est une propriété de la matière dans son état naturel.
   PROPRIÉTAIRE ne s' emploie que dans le 1er sens; celui, celle qui possède en propre. "Le propriétaire de cette maison, de cette campagne. "Le propriétaire et l' usufruitier. Le propriétaire doit faire jouir le locataire, etc.

PROPRIÉTAIREMENT


*PROPRIÉTAIREMENT, adv. [Pro-prié--tèreman; 2e é fer. 3e è moy. et long, 4e e muet.] Néologisme, ou barbarisme, comme on voudra. "Lui et ses descendans en ont joui propriétairement. Descript. Hist. et Critiq. de l' Italie.