Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI POIRE


POIRE, s. f. POIRÉ, s. m. [Poâ-re, poa-ré: 1re lon. au 1er: 2e e muet au 1er, é fer. au second.] Poire, espèce de fruit à pepin, de figûre oblongue, et qui va en diminuant vers la queûe: il y en a un grand nombre d' espèces.
   En st. prov. garder une poire pour la soif, se réserver quelque chôse pour le besoin où l' on peut se trouver. "Songez que Bourbilli est à vous: c' est un petit morceau qu' il étoit bon de garder pour la soif, mais vous ne sauriez être plus altérée (endettée) que vous l' êtes. Sév. = Entre la poire et le fromage; au dessert, à la fin du repâs. = Il ne lui promet pas poires molles, se dit d' un homme qui en menace un aûtre.
   POIRÉ, boisson faite de poires, comme le cidre est une boisson faite de pommes.

POIREAU


POIREAU, ou PORREAU, s. m. [Poa--ro, pôro: r douce au 1er, r forte au 2d.] L' Acad. les admet tous deux, soit pour désigner une herbe potagère, soit pour signifier une espèce de verrûe. _ Plusieurs emploient le 1er dans le second sens, et le 2d dans le premier.

POIRÉE


POIRÉE, s. f. [Poa-ré-e: 2e é fermé et long, 3e e muet.] Plante potagère à larges feuilles, et à côte large et épaisse. = Quelques-uns disent porrée, mais mal En certaines Provinces, on l' apele bette. L. T. dans d' aûtres blette. Celui-ci est le plus mauvais.

POIRIER


POIRIER, s. m. [Poa-rié: 2eé fer.] Arbre qui porte des poires. En st. prov. je l' ai vu poirier, se dit d' un homme qui a fait fortune, et qu' on a vu paûvre. _ Ce qui a doné lieu à cette expression, c' est le mot d' un Paysan, qui ne voulait pas saluer la figûre d' un Saint de son Village, parce qu' elle avait été faite d' un poirier de son jardin. "Je l' ai vu poirier, disait-il.

POIS


POIS, s. m. [Poa, monos. long.] Légume qui est de figûre ronde, et qui vient dans une côsse. Pois verds. Petits pois. Pois chiches, pois gris, pois ramés, pois écossés. = Le style proverbial s' est exercé sur ce mot. _ Avaleur de pois gris, homme qui mange de tout, qui n' est point délicat. _ Aler et venir comme pois en pot, être sans cesse en moûvement. _ Doner un pois pour avoir une fève, c' est le même sens que quand on dit, doner un oeuf pour avoir un boeuf. _ S' il me done de pois, je lui donerai de fèves; s' il me done du chagrin, je lui en donerai encôre davantage. _ Manger des pois chauds, être embarrassé. "Il est un peu embarrassé; il mange des pois chauds, comme dit M. de L. R. F. quand quelqu' un ne sait que répondre. Sév.

POISON


POISON, s. m. [Poa-zon.] Venin. Suivant M. Beauzée, le premier, dans le sens propre, se dit des plantes ou des préparations dont l' usage est dangereux pour la vie; et le 2d, se dit du suc de ces plantes, et de la qualité de ces préparations. "La cigûe est un poison; le suc qu' on en exprime en est le venin. Le sublimé est un poison violent: il renferme un venin corrosif, qui done la mort avec des douleurs horribles. _ Pour les animaux vénimeux, on dit venin, et non pas poison. "Le venin de la vipère, du scorpion. Au figuré, poison désigne de l' art et du dessein; venin n' exprime qu' une malignité subtile et dangereûse. "Certains Philosophes modernes, afectent de répandre dans leurs écrits, un poison d' autant plus séduisant, qu' ils font continuellement l' éloge de l' humanité, de la raison, etc. Rien n' est plus subtil que le venin de cette audacieûse Philosophie, qui ataque les fondemens de la société même. Voy. VENIN.
   POISON est beau au figuré. "Tout le reste n' a servi qu' à augmenter le poison qui brûle déja dans mon coeur. Télém. "Le poison du vice me gâgne: mon coeur est déja corrompu. Marm.
   Pardonez au transport de mon ame éperdue:
   Je ne conoissois pas le poison qui me tue.
   Rem. Anciènement, on faisait ce mot féminin. On disait la poison: on le dit encôre dans quelques Provinces.
   Mon ame en vos yeux but la poison amoureuse.
       Ronsard.
  Je sentois la poison dans mes os écoulée.
      Desportes.
  D' où s' est coulée en moi cette lâche poison.
       Malherbe.

POISSARD


POISSARD, ARDE, adj. [Poa-sar, sar--de.] Qui imite le langage, les moeurs du bâs peuple. "Vaudeville poissard, chanson poissarde: le genre poissard. = S. f. Une poissarde. Il se dit des femmes de la lie du peuple, de la Halle.

POISSER


POISSER, v. act. [Poa-cé.] 1°. Enduire de poix. "Poisser du fil, un câble, un vaisseau, un toneau. = 2°. Salir avec quelque chôse de gluant. "Il a poissé son habit. "Il s' est poissé les mains, et non pas, il a poissé ses mains.

POISSON


POISSON, s. m. POISSONâILLE, s. f. POISSONERIE, s. f. POISSONEUX, EûSE, adj. POISSONIER, IèRE, s. m. et f. [Poa--son, sonâ-glie, nerie, neû, neû-ze, nié, nière: 3e lon. au 2d, au 4e et 5e, et au dern. e muet au 3e.] Poisson a deux sens qui n' ont point de raport l' un avec l' aûtre. = 1°. Petite mesûre des liquides, contenant la moitié d' un demi-setier. "Un poisson de vin, de lait.
   2°. Poisson, animal qui nait et qui vit dans l' eau. _ Poissonâille, petit poisson, fretin. _ Poissonerie, lieu où l' on vend le poisson. Poissonier, nière, celui, celle qui vend du poisson. _ Poissonière, poêlon de figûre ovale, qui sert à cuire le poisson. "Lac poissoneux, rivière poissoneûse.
   Rem. On dit, avec l' art. indéf. poisson de mer, de rivière; et avec l' art déf. poisson de l' océan.
   En st. prov. quand l' accessoire vaut mieux que le principal, ou que la dépense excède l' avantage qu' on en retire, on dit que, la saûce vaut mieux que le poisson. = La saûce fait manger le poisson; ce qui n' est pas agréable de soi même, le devient par les circonstances qui l' acompagnent. = Il ne sait à quelle saûce manger ce poisson, quel parti prendre dans le malheur qui lui est arrivé. _ On dit aussi que les grôs poissons mangent les petits. Mde de Sévigné aplique joliment ce proverbe. "Je ne le vois quasi plus en vérité: les gros poissons mangent les petits; c. à. d. il a fait des conaissances plus brillantes. "Voilà une lettre infinie; mais savez-vous que cela me plait de causer avec vous? Tous mes aûtres comerces languissent par la raison que les grôs poissons mangent les petits. = Être comme le poisson hors de l' eau, dans une situation peu conforme à son goût, à son habitude. _ Muet comme un poisson. _ Il avalerait la mer et les poissons se dit d' un goulu, d' un ambitieux insatiable. V. CHAIR, AVRIL.

POITRAIL


POITRAIL, s. m. [Poa-trail: mouillez l' l finale: ai n' a pas, dans ce mot le sens d' é, mais l' a y conserve son propre son. _ M. l' Ab. de Lille ou son Imprimeur, écrit poitral; mais l' i devant l' l est nécessaire pour faire mouiller cette~ l.] 1°.~ La~ partie~ de devant du corps du cheval. = 2°. La partie du harnais, qui se met sur le poitrail.

POITRINAIRE


POITRINAIRE, s. m. POITRINE, s. f. [Poa-trinère, poa-trine: 3e è moyen au 1er, e muet au 2d.] Poitrine est, 1°. la partie de l' animal, qui contient les poumons et le coeur. Avoir la poitrine découverte. "Se batre, se fraper la poitrine. 2°. Il se dit des parties que contient la poitrine, sur--tout des poumons. Avoir bone ou mauvaise poitrine; être malade de la poitrine. = 3°. Il se prend pour la voix. "Cet Orateur n' a point de poitrine; il a une bone poitrine. = Poitrinaire, qui a la poitrine ataquée. "Il ou elle est poitrinaire. _ Subst. "C' est un ou une poitrinaire.
   Rem. Malherbe ne pouvait soufrir le mot de poitrine. Ménage, au contraire, le croyait de la belle et haute poésie. Et Th. Corn. ne désaprouvait pas cette opinion. Le goût a changé: on ne le dit plus que dans le style simple. L' Acad. ne dit rien là-dessus.

POIVRADE


POIVRADE, s. f. POIVRE, s. m. POIVRER, v. a. POIVRIER, s. m. POIVRIèRE, s. f. [Poa-vrade, poâ-vre, poa-vré, vrié, vriè-re: 1re lon. au 2d, 2ee muet au 2d, é fermé au 3e et 4e, è moyen et long au dern.] Poivre est une sorte d' épicerie des Indes. Poivrier est l' arbrisseau qui porte le poivre; et aussi un petit vâse, ou une petite boîte où l' on met le poivre. Poivrière, boîte a compartimens, où l' on met du poivre, de la muscade, etc. _ Poivrer, assaisoner avec du poivre. Poivrade, saûce faite avec du poivre, du sel et du vinaigre.
   Poivre, au figuré n' est bon que dans le comique ou le satirique. Rousseau dit de Catulle, Poète latin, par trop obscène.
   Et suis marri que le poivre assaisone
   Un peu trop fort ses petits madrigaux.

POIX


POIX, s. f. [Poâ, monos. long.] Matière gluante et noire, faite de résine brûlée et mélée avec la suie du bois, d' où la résine est tirée. = On dit, proverbialement, noir comme poix; cela tient comme poix. = Poix résine, gomme jaunâtre, qui sort des arbres résineux, aprês qu' on les a incisés. = Poix de Bourgogne, poix d' un blanc jaunâtre: elle sert à divers usages, sur-tout à faire des emplâtres.

POLACRE


POLACRE, ou POLAQUE, s. f. et m. Il est fém. quand il signifie une sorte de bâtiment en usage dans la méditerranée, et masc. quand il signifie un Cavalier Polonais. Il parait que l' usage le plus comun et le plus autorisé préfère polacre pour le premier sens, et Polaque pour le second. L' Acad. les met tous deux indiféremment dans l' une et l' aûtre acception.

POLAIRE


POLAIRE, adj. PôLE, s. m. [Polère, pôle: 1re lon. au second: 2e è moyen et long au 1er.] Pôle est l' une des deux extrémités de l' axe de la terre. Le pôle artique, ou le pôle, tout court, est celui qui est du côté du septentrion: le pôle antartique est celui qui lui est directement oposé. = On dit, poétiquement, de l' un à l' aûtre pôle, comme on dit, du couchant à l' aurôre, dans tout l' univers. = Par similitude, on done deux pôles à tout corps sphérique, et à l' aimant. = Polaire, qui est auprês des pôles, ou qui apartient aux pôles: cercle, étoile polaire.

POLÉMARQUE


POLÉMARQUE, adj. [Polémarke: 2e é fer. dern. e muet.] Terme d' antiquité. Chef de la guerre, ou à la guerre.

POLÉMIQUE


POLÉMIQUE, adj. [Polémike: 2e é fer. dern. e muet.] Qui apartient à la dispute, à une guerre, à un combat littéraire. "Ouvrage, traité, style polémique. = D' aprês l' origine de ce mot, guerre polémique est donc un pléonasme, une répétition d' idées: "Quand on voit la République des Lettres ravagée par des guerres Polémiques, on croit voir un combat de dogues acharnés à s' entre-déchirer. Anon. On dit, ouvrages polémiques et guerres litéraires.

POLI


POLI, IE. Voy. POLIR.

POLICE


POLICE, subst. fém. POLICER, v. act. [Dern. e muet au 1er, é fermé au 2d.] 1°. Ils expriment l' ordre établi dans une ville pour tout ce qui regarde la sûreté et la comodité des habitans. "Établir, faire observer, exercer la police. "Policer une ville, un État, des peuples. = Police se dit aussi de la juridiction établie pour la Police. "Assigner quelqu' un à la Police.
   2°. POLICE, par extension, se dit de l' ordre établi dans quelque société que ce soit. Ainsi on dit la police d' un Camp, d' une Armée, d' une Comunauté.
   3°. POLICE est un contrat entre Négocians. Police de chargement, écrit par lequel le maître d' un navire reconait qu' il a reçu tel chargement, et s' oblige de le porter au lieu de sa destination. Ce mot se dit sur la méditerranée. Sur l' océan, on dit plutôt conaissement. = Police d' assurance est un contrat par lequel un particulier ou une société s' oblige de réparer les pertes et les domages qui peuvent ariver à un vaisseau, ou aux marchandises de son chargement, pendant un voyage, moyénant une certaine somme qu' on est convenu de lui payer.
   Rem. Police est emprunté de l' Espagnol, poliça, qui signifie cédule. Ce sont les Négocians de Marseille qui ont introduit ce mot dans le comerce.

POLIÇON


POLIÇON: Voy. POLISSON.

POLIMENT


POLIMENT, s. m. et adv. POLIR, v. act. POLITESSE, s. f. [Poliman, li, litèce: 3e è moy. au dern.] Polir, au propre, rendre clair, luisant, à force de froter et de limer, etc. "Polir le fer, l' acier, le marbre, etc. = Au figuré, cultiver, orner l' esprit, adoucir les moeurs, et rendre plus propre au comerce du monde. "L' étude des belles lettres polit les jeunes gens. "La fréquentation de la bone compagnie, polit l' esprit et les moeurs.
   POLI, IE, adj. se dit au propre et au fig. "de l' acier poli: un discours poli. "Un homme extrêmement poli. = S. m. "Doner le poli à du marbre, à des armes. "La Comédie n' avoit pas encôre, s' il est permis de parler de la sorte, son dernier poli. ANON. Malgré le correctif, cela tient un peu du précieux ridicule.
   POLIMENT, subst. s' emploie au propre. Action de polir. Doner le poliment à un diamant. = Adv. Il se dit au fig. D' une manière polie. "Parler, écrire, en user, recevoir le monde poliment.
   POLITESSE n' est en usage qu' au figuré. On dit, la politesse du style, la politesse de la Cour; mais on ne dit pas, la politesse des perles, du marbre, etc. BOUH. Bien des gens, dit La Touche, disent polissûre dans le propre. L' Acad. dit le poliment du diamant, du rubis, du marbre, pour l' action de polir le diamant, etc. Dans la dern. édit. (1762), elle dit aussi polissûre, pour l' action de polir et l' éfet de cette action. "La polissûre d' une vaisselle.
   Politesse, civilité ne sont pas parfaitement synonimes. La civilité est dans les manières; la politesse est dans les sentimens exprimés par l' atention à ce qui peut plaire, et dans les vrais égards. Il n' y a point de politesse sans civilité: mais bien des gens ont de la civilité sans vraie politesse. "Il y a une hypocrisie dans la politesse, ainsi que dans la Religion, dit M. Marin. L' Homme Aimable. Voy. HONêTE.

POLISSEUR


POLISSEUR, EûSE, s. m. et fém. POLISSOIR, s. m. POLISSOIRE, s. f. [Poli--ceur, ceû-ze, soar, soâ-re: 3e lon. au 2d et 4e.] Le 1er se dit de celui, de celle, qui polit certains ouvrages: polisseur de glaces, polisseûse d' argenterie; le 2d, d' un instrument dont on se sert pour polir certaines chôses: il faut passer par-dessus le polissoir; le 3e, d' une sorte de décrotoire douce: aportez-moi la polissoire.

POLISSON


POLISSON, s. m. POLISSONER, v. n. POLISSONERIE, s. f. [Poli-son, soné, nerie: 4e é fer. au 2d, e muet au 3e.] Polisson, c' est litéralement un petit garçon mal propre et libertin, qui s' amuse à jouer dans les rûes et les places publiques: c' est un vrai, un petit polisson. Par extension, on le dit d' un homme qui est dans l' habitude de faire ou de dire des plaisanteries bâsses. = Polissonerie, action, parole, tour de polisson; c. à. d. boufonerie, plaisanterie bâsse. Faire ou dire des polissoneries. = Polissoner, dire ou faire des polissoneries. "Il ne fait que polissoner.

POLISSûRE


POLISSûRE: Voy. POLITESSE, après POLIMENT.

POLITESSE

: Voy. POLIMENT.

POLITIQUE


POLITIQUE, adj. et subst. POLITIQUEMENT, adv. POLITIQUER, v. n. [Politike, keman, ké: 4e e muet aux deux prem. é fer. au 3e.] Politique, s. f. est l' art de gouverner un État. Bone ou méchante, faûsse, dangereuse politique. _ Par extension, la manière adroite dont on se conduit dans les afaires. "Il a de la politique. = S. m. Qui s' aplique à la conaissance des afaires politiques, qui les entend, "Un grand, un habile, un profond politique. = Homme fin et adroit, ou réservé et dissimulé. "Il est politique dans tout ce qu' il dit. "C' est un politique. "Il est trop politique pour avoir fait une telle imprudence. = Adj. Il se dit des chôses; qui concerne le gouvernement d' un État. "Gouvernement, maxime, réflexion politique. Discours politique, etc.
   POLITIQUEMENT: 1°. Selon les règles de la politique. "Ce n' est pas agir politiquement que de laisser agrandir son énemi. "C' est quelquefois agir politiquement, que de pardoner aux rebelles. = 2°. D' une manière fine et adroite. "Il agit politiquement en toutes chôses.
   POLITIQUER, ne signifie que raisoner sur les afaires publiques. Il s' amuse à politiquer. st. fam.

POLLUER


*POLLUER, v. act. POLLUTION, s. f. [Pol-lu-é, lu-cion.] Vieux mot. Souiller, Souillûre. Ils ne se disent plus qu' en parlant des Églises, et dans le sens de profaner, profanation.

POLTRON


POLTRON, ONE, adj. et subst. POLTRONERIE, s. f. [3e e muet, 4e lon. au dern.] Ils expriment la lâcheté, le manque de courage. "Il est fort poltron: elle est extrêmement poltrone. "C' est un poltron, une poltrone. "C' est une poltronerie sans exemple. Il a fait mille poltroneries.

POLYGAME


POLYGAME, subst. POLYGAMIE, s. f. [Poligame, mi-e: l' y grec n' est là que pour l' étymologie.] Ils se disent de celui qui est marié à plusieurs femmes, ou de celle qui est mariée à plusieurs maris en même tems. "C' est un polygame: elle est polygame. "La Polygamie est défendue par les lois, chez les Chrétiens. = Quelquefois polygamie, ne se dit que de l' état d' un homme qui a plusieurs femmes; et c' est ainsi qu' on l' entend, en parlant des Mahométans et des Idolâtres.

POLYGLOTTE


POLYGLOTTE, adj. [Poliglote.] Qui est en plusieurs langues. "Bible, Dictionaire Polyglotte. = S. f. Il ne se dit que de la Bible. "La Polyglotte de Paris, d' Angleterre.

POLYGôNE


POLYGôNE, adj. et subst. Qui a plusieurs angles et plusieurs côtés. "Figûre polygône. = S. m. Un polygône régulier, ou irrégulier.

POLYGRAPHE


POLYGRAPHE, s. m. [Poligrafe.] Auteur qui a écrit sur plusieurs matières.

POLYMATHIE


POLYMATHIE, s. f. [Polimatie, et non pas ci-e.] Terme d' érudition. Science étendue et variée. "Quand un homme se met en tête de devenir savant, et que l' esprit de polimathie comence à l' agiter. Mallebr. L' Académie ne met pas ce mot.

POLYSSYLLABE


POLYSSYLLABE, adj. Qui est de plusieurs syllabes. "Ce mot est polyssyllabe: c' est un polyssyllabe.

POLYTHÉISME


POLYTHÉISME, s. m. POLYTHÉISTE, s. m. et f. [3e é fer. dern. e muet.] Systême de Religion, qui admet la pluralité des Dieux. _ Celui, ou celle qui professe le Polythéisme.

POMMADE


POMMADE, ou POMADE, s. f.POMADER, v. act. [Dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Pomade est une composition molle et onctueuse, faite avec de la chair de pomme, ou de la cire, ou de la graisse de quelques animaux, préparée avec divers ingrédiens, suivant les divers usages qu' on en veut faire. "Pomade pour les cheveux, pour les lèvres, etc. = Pomader, mettre de la pomade. On ne le dit que des cheveux. "Pomader une perruque.

POMME


POMME, s. f. POMMIER ou POMIER, s. m. [Pome, mié: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Pomme est une sorte de fruit à pepin, de forme ronde, bon à manger, dont on fait le cidre. = Pomier, arbre qui porte les pommes. _ Ustensile dont on se sert, pour faire cuire les pommes devant le feu.
   On dit, proverb. emporter la pomme, gâgner le prix. Voy. Discorde. = Et pour exagérer la faiblesse d' une chôse, on dit qu' on l' abatrait à coups de pommes cuites.
   Par similitude, on dit, pomme de pin de la noix que produit le pin; pomme de chêne, d' une petite excroissance qui vient quelquefois en forme de boule sur les feuilles de chêne; et pomme d' églantier, d' une aûtre excroissance plus grôsse, qui vient quelquefois aux branches d' un rosier sauvage. = Pomme dorée ou pomme d' amour, plante qui produit un fruit grôs comme une petite pomme, d' un jaûne rougeâtre. C' est la tomata des Espagnols. = Pomme se dit encore des choux et des laitûes, dont le dedans est fort serré, "Pomme de chou, de laitûe: n' en prendre que la pomme. Voy. Pommer.
   POMME, ornement de bois ou de métal, fait en forme de pomme: la pomme d' une canne, d' un chenet. Les pommes d' un carrosse.

POMMÉ


POMMÉ, s. m. [Pomé.] Cidre fait avec des pommes.

POMMEAU


POMMEAU, ou POMEAU, s. m. Petite boule qui est au haut de la poignée d' une épée. = Petite pomme, qui est au haut de l' arçon de devant d' une selle.

POMMELER


POMMELER (SE), v. réc. [Pomelé: 2e e muet, 3e é fer. Devant la syllabe féminine, la seconde se change en è moyen. Il se pomelle, ou pomèle; se pomellera, ou pomèlera, etc.] En parlant du Ciel, se former en petits nuages ronds, de couleur blanche ou grisâtre. "Le Ciel se pomelle, s' est pomelé. = En parlant des chevaux, se marquer de gris et de blanc par petites rouelles. "Ce cheval comence à se pomeler. = Il s' emploie sur-tout au participe. "Tems, Ciel pomelé. "Cheval gris-pomelé. = Le Proverbe dit: tems pomelé et femme fardée, ne sont pas de longue durée.

POMMER


POMMER, ou POMER, v. n. Se former en pomme, en parlant des choux et de certaines laitûes. "Ces choux et ces laitûes commencent à pomer. _ Chou pomé, laitûe pomée. _ Fig. fou pomé, fou achevé; sotise pomée, complète.

POMMERAIE


POMMERAIE, s. f. [Pomerê: 2ee muet, 3e ê ouv.] Lieu planté de pommes.

POMMETTE


POMMETTE, ou POMETTE, s. f. [Po--mète: 2e è moy. 3ee muet.] 1°. Ornement de bois ou de métal, fait en forme de petites pommes. = 2°. Petit noeud de fil, fait à des poignets de chemises, et à d' aûtres ouvrages de linge.

POMMIER


POMMIER: Voy. POMME.

POMPE


POMPE, s. fém. POMPER, v. act. POMPEUX, EûSE, adj. POMPEûSEMENT, adv. [Ponpe, pé, peû, peû-ze, peû-zeman: 1re lon. 2ee muet au 1er, é fer. au 2d, lon. aux 3 dern.] Pompe a deux sens qui n' ont aucun raport ensemble. 1°. Machine pour élever de l' eau. "Pompe aspirante. Pompe foulante. "Le corps, le piston, la soupape d' une pompe. = Pomper, élever, puiser l' eau avec une pompe. Pomper l' eau d' un vaisseau. = V. n. On a pompé toute la nuit pour vider les câves.
   2°. Pompe: apareil magnifique. "Pompe royale, superbe. "La pompe d' un triomphe, d' une entrée solennelle. Marcher avec pompe, ou sans pompe. = Aimer ou fuir l' éclat et la pompe. = Au figuré, il se dit du discours, du style, des vers, de l' éloquence. = Au pluriel, vanités. Renoncer aux pompes du monde.
   POMPEUX, qui a de la pompe. Équipage pompeux, suite pompeûse. = Fig. style, discours pompeux. = Pompeux galimathias, grands mots, vides de sens. _ Il suit ou précède. Ofrandes pompeûses; pompeûses ofrandes.
   Peuples, ce ne sont point vos pompeuses ofrandes
   Qui le peuvent payer de ses dons immortels.
       Rousseau.
  De cette pompeuse largesse,
  Ici, tout partage le prix. Id.
  POMPEûSEMENT, avec pompe. "Marcher pompeûsement. = Fig. "S' exprimer pompeûsement, en termes empoulés. Style critique.

POMPONS


POMPONS, s. m. pl. Petits ornemens que les femmes ajoutent à leur coifûre. "Elle aime les pompons. Il n' est que du style familier et critique. On l' a dit, dans ce style, du discours et des ouvrages d' esprit.

PONANT


PONANT, s. m. L' occident, le couchant. Vice-Amiral du ponant. "La mer du Ponant. Vent de ponant. = À~ Marseille on apèle Ponantais les marins et les vaisseaux venus des ports de l' Océan.

PONCE


PONCE, s. f. [1re lon. 2ee muet.] Il ne se dit qu' avec pierre. On dit pierre-ponce, et non pas pierre de ponce, comme dit l' Ab. Prévot (Hist. des Voy.) Dans les Additions au grand Richelet, on dit que l' Acad. observe qu' on dit également pierre ponce, et pierre de ponce. Dans la dern. édit. (1762) elle dit que l' usage de ce terme est renfermé dans cette phrâse, pierre ponce, qui se dit d' une sorte de pierre poreûse et légère.

PONSEAU


PONSEAU, s. m. [Ponso.] 1°. Pavot sauvage, d' un rouge fort vif, apelé autrement coquelicot. = 2°. Rouge très-vif et très--foncé. "Un fort beau ponceau. _ Adj. ruban ponceau.

PONSER


PONSER, v. act. 1°. Pâsser sur un dessin piqué du charbon en poûdre, pour contre--tirer ce dessin sur le papier, sur de la toile, etc. = 2°. Rendre de la vaisselle matte, avec de la pierre ponce. = On apèle poncis un dessein poncé.

PONCHE


PONCHE, s. m. Mot emprunté de l' anglais punch. Liqueur qui est un mélange de jus de citron, d' eau de vie, de vin blanc, d' eau et du sucre. "Faire, servir, boire du ponche.

PONCIS


PONCIS: Voy. PONCER.

PONCTION


PONCTION, s. f. [Ponk-cion.] Ouvertûre faite dans le ventre d' un hydropique, pour en tirer les eaux qui y sont épanchées. On fait la ponction dans d' aûtres parties du corps.

PONCTUALITÉ


PONCTUALITÉ, s. fém. PONCTUEL, ELLE, adj. PONCTUELLEMENT, adv. [Ponk--tu-alité, èl, èle, èleman: 1re lon. 3e è moy. aux 3 dern. 4ee muet au 3e et au 4e.] Ponctualité est l' exactitude à faire les chôses au moment qu' on se l' est proposé, ou qu' on l' a promis. Ponctuel, qui fait, à point nomé, ce qu' il doit faire, ce qu' il a promis de faire. Ponctuellement, avec ponctualité. "Être d' une grande ponctualité: être fort ponctuel: se rendre ponctuellement à l' heure.
   Rem. Ponctualité ne se dit que des persones. Dans l' Ann. Lit. on l' aplique aux chôses par une figûre hardie, et qui l' est peut-être trop. Mahomet a-t-il pu compter sur la ponctualité du poison pour se justifier par l' aparence d' un miracle? Sur le Mahomet de Voltaire.

PONCTUATION


PONCTUATION, s. f. PONCTUER, v. act. [Ponktu-acion, tué.] Ils expriment l' action de mettre les points et les virgules dans un discours par écrit, pour en distinguer les périodes et les membres, et le rendre plus aisé à entendre. "Peu d' Auteurs et d' Imprimeurs entendent bien la ponctuation: la plupart des livres sont fort mal ponctués.
   Rem. On se sert pour la ponctuation de la virgule (,), du point avec la virgule (;), des deux points (:), du point (.), du point interrogatif (?), du point admiratif (!), de l' apostrophe (' ), du trait d' union (-), des deux points ou du tréma sur la voyèle (ù), de la cédille ou c renversé (÷), et de la parenthèse ( ) = 1°. La virgule sert à distinguer les membres de la phrâse, comme boire, manger, dormir, jouer, se promener, sont les ocupations du grand monde. Les conjonctions et, ou, ni, comme tiènent lieu de la virgule, quand les termes qu' elles assemblent sont simples et courts. Cela n' est ni beau ni laid; l' un et l' aûtre; celui-ci ou celui là. = La virgule fait fort bien devant les pronoms relatifs: l' homme, qui devait venir, n' a pas paru. Le livre, dont je vous ai parlé, n' a pas rempli l' atente du public. = Il convient aussi de l' employer pour séparer les phràses incidentes, qui sont comme en parenthèse dans la période. "La première chôse, à laquelle j' ai pensé, dès le moment de mon arrivée, a été de demander de vos nouvelles. "Si, comme je le crois, il est de bone foi, nous serons bien d' acord. "Cet homme, qui, comme vous le savez, done lieu à tout le monde de se plaindre de lui, se plaint aussi de tout le monde. = Quelquefois, le défaut d' une virgule nuit à la netteté du discours; et une virgule mal placée, ocasione des équivoques, ou même des contre-sens. = 2°. Le point avec la virgule s' emploie pour séparer les principaux membres d' une période quand ils sont longs et qu' ils renferment d' aûtres parties séparées par des virgules. Il se met sur-tout devant la conjonction que régie par un verbe, lorsqu' elle est répétée. "Il lui dit qu' en vain il se flatait de réussir sans leur secours; que, quand même il réussirait, il aurait commis une grande imprudence de ne l' avoir pas imploré; qu' après tout il leur devait cet égard de le leur demander, etc. Ce tour est familier aux Historiens. = 3°. Les deux points marquent un plus grand repôs que le point avec la virgule; et ils servent à distinguer des phrâses ou membres, qui supôsent les premiers, sans en dépendre absolument. "Il le veut: vous le voulez: nous le voulons tous: qui nous empêche de conclûre? = Mais est ordinairement précédé des deux points, quand il est à la tête d' une phrâse. "On vous aimera tant que vous vous comporterez bien: mais, si vous venez à vous déranger, vous encourrez la haine ou le mépris de tout le monde. = 4°. Le point se met à la fin d' une phrâse, dont le sens est entièrement fini. On l' emploie aussi dans les abréviations: adj. adv. adjectif, adverbe. Dans le premier câs, on met aprês le point une lettre majuscule, parce qu' elle comence une aûtre phrâse: dans le second câs, il ne faut mettre qu' une petite lettre, à moins que quelque aûtre raison n' oblige à employer une majuscule. = 5°. Le point interrogatif se met à la fin des phrâses, qui expriment une interrogation. "Est-il venu? = 6°. Le point admiratif doit être mis à la fin des phrâses qui expriment une admiration, ou une exclamation: "Oh! que cela est beau! Qu' il est grand! Ô honte! Ô douleur! = On l' emploie aussi avec les interjections: "Eh! hola! hélas! ah! courage! = 7°. L' apostrophe marque la supression d' une voyèle finale à la rencontre d' une aûtre voyèle, ou d' une h muette. Il n' y a guère que des monosyllabes qui prènent l' apostrophe, tels que le, la, de, articles: l' acord, l' harmonie, d' acord, etc. me, te, se, pronoms: vous m' obligerez, je t' avertis, il s' ocupe; ce, pronom démonstratif, c' est la vérité; que, pronom ou conjonction: la batâille qu' Alexandre a gâgnée: je crois qu' il aime; ne, particule négative: vous n' obéissez pas; si conjonction: s' il étudie; jusque, préposition: jusqu' à Rome; quelque, devant un: quelqu' un. = L' adjectif féminin grande, prend quelquefois une apostrophe, au lieu de l' e final: Grand' Messe, grand' chambre, etc. Voy. GRAND. = 8°. Le trait d' union sert à joindre deux mots pour les prononcer, comme s' ils n' en faisaient qu' un. Il se met dans les mots composés, comme demi-Dieu, contre--ordre, etc. et entre le verbe et le pronom nominatif, lorsque celui-ci se met aprês le verbe: Arrivera-t' il? le fera-t' elle? viendrez-vous? peut-être pourrez-vous le faire, etc. Sur quoi remarquez, que, quand on ajoûte au verbe, finissant par une voyèle, un t, qu' il n' a pas dans son état naturel, comme dans les deux premiers exemples, c' est pour éviter l' hiatus, le bâillement désagréable, que produirait la rencontre de deux voyèles: arrivera-il, fera-elle. _ Il y en a qui mettent ce t entre deux tirets ou traits d' union: arrivera-t' -il, fera-t' -elle? cela parait plus régulier: mais on peut s' en dispenser, à mon avis, sans grand inconvénient. = On met encôre le trait d' union, lorsque les persones de l' impératif sont suivies d' un pronom conjonctif: réjouis-toi: donez-moi, etc. Voy. IMPÉRATIF. Enfin, quand les monosyllabes, ci, là, ça sont joints à d' aûtres mots: celui-ci, celle-là, cet homme-ci, là-haut, etc. = 9°. Les deux points se mettent sur une voyèle, pour marquer qu' elle ne doit pas faire une même syllabe avec la voyèle précédente, comme aïeul, haï, naïf, etc. poëte, poësie, etc. j' avouë, il louë, etc. pour les premiers les deux points sont nécessaires, pour qu' on ne soit pas induit à prononcer é-eul, e, nef, la diphtongue ai ayant le son de l' e; pour les aûtres, les deux points sur l' e et l' u sont avantageûsement remplacés par les accens: poète, poésie; j' avoûe, il loûe, etc. = 10°. La cédille ou le c renversé se met sous le c devant les voyèles a, o, u, pour lui doner un son plus doux, et tel qu' il l' a devant e et i: il comença, leçon, reçu. Voy. C. = 11°. La parenthèse est figurée par deux espèces de crochets, qui renferment un petit nombre de paroles, qu' on insère dans le discours, qui en interrompent le sens, et qu' on croit pourtant nécessaires pour l' intelligence de la phrâse: "Cet homme-là croyait (du moins je me l' imagine) que, etc. = Quand la phrâse interposée est três-courte, on se sert plutôt de virgule. Rest.
   À~ la rigueur, ces derniers caractères, depuis l' apostrophe jusqu' à la parenthèse, n' apartient pas à la ponctuation proprement dite; mais nous les avons réunis aux aûtres, pour mettre, sous un même point de vûe, tous les accessoires d' une ortographe exacte et régulière.

PONDEUR


*PONDEUR, s. m. Qui pond des oeufs. Mot forgé par La Fontaine. Voyez GRILLER.

PONDRE


PONDRE, v. act. [1re lon. 2ee muet.] Il n' est guère usité qu' aux troisièmes persones: il pond; il pondoit ou pondait; il pondit; il a pondu; il pondra; pondroit ou pondrait; qu' il ponde; qu' il pondit. = On disait aûtrefois pons ou ponnu, pour le participe. On dit, aujourd' hui, pondu. = Se délivrer de ses oeufs, en parlant des oiseaux et des animaux ovipares. "Les perdrix pondent ordinairement quinze ou seize oeufs. "La tortûe pond ses oeufs dans le sâble. = V. n. sans régime. "Cette poule pond tous les jours. = On dit, proverbialement, d' un homme qui est fort à son aise, et qui jouit tranquillement de son bien, qu' il pond sur ses oeufs.

PONT


PONT, s. m. [On ne prononce le t que dans pont-aux-ânes, pont-aux-choux et Pont-à-mousson, Ville de Lorraine.] 1°. Bâtiment de pierre ou de bois, élevé au dessus d' une rivière, d' un ruisseau, d' un fôssé, etc. pour la facilité du passage. "Les arches, la culée, les piles d' un pont de pierre. = Pont de bateaux, plusieurs bateaux atachés ensemble et recouverts de grosses planches. = Pont tournant, construit de manière que quand on veut on peut le retirer à l' un des bords en le tournant. = Pont-levis, petit pont qui se lève et s' abaisse sur un fôssé. = Pont dormant, qui est fixe et ne se hausse point. = Pont de corde: tissu de cordes entrelacées, dont on se sert quelquefois dans les armées, pour traverser des rivières.
   On dit, en st. famil. faire un pont d' or à quelqu' un, lui céder beaucoup pour se débarrasser d' une fâcheuse afaire. _ Laisser pâsser l' eau sous les ponts, ne se pas mettre en peine de ce qui ne nous regarde pas. = On dit aussi, d' une chôse, à laquelle il n' y a pas d' aparence, ou qui n' arrivera pas sitôt: il pâssera bien de l' eau sous les ponts entre ci et là. Voy. FOIRE. = On apèle pont-aux-ânes, les réponses triviales, dont les plus ignorans ont coutume de se servir dans les questions qu' on leur propôse; et aussi, ce que tout le monde sait et qu' il est honteux d' ignorer. "Vous ne savez pas cela: c' est le pont aux ânes.
   2°. PONT se dit du tillac et des diférens étages d' un vaisseau. "Il était sur le pont. "Les plus grands vaisseaux de guerre n' ont que trois ponts.

PONTE


PONTE, s. f. et m. PONTÉ, ÉE, adj. PONTER, v. n. [1re lon. 2ee muet au 1er, é fer. aux aûtres.] Ponte est féminin, en parlant du tems où certains oiseaux pondent leurs oeufs; et masculin dans certains jeux de cartes. Au jeu de l' Hombre, c' est l' as de coeur, quand on fait jouer en coeur, et l' as de carreau, quand on fait jouer en carreau. Au jeu de la Bassette et du Pharaon, c' est celui ou celle qui met de l' argent sur des cartes contre le banquier.
   PONTÉ se dit d' un vaisseau ou d' une frégate qui a un pont.
   PONTER, être ponte, jouer contre le banquier. "Voulez-vous ponter? "Il ponte toujours.

PONTIFE


PONTIFE, s. m. * D' anciens Auteurs ont écrit Pontif; et le P. Sicard a encôre employé cette ortographe: "Les quatre Pontifs. = Chez les Juifs, on ne le disait que du Grand-Prêtre. Chez les Romains, il y avait un Colège de Pontifes. Le chef s' apelait Grand-Pontife: César l' était. _ Chez les Chrétiens, on ne le dit que du Pape, qu' on apele souverain Pontife; excepté en termes de Bréviaire, où l' on dit, l' Ofice des Confesseurs Pontifes, c. à. d. des Saints Évêques. "Un tel Saint Pontife et Martyr. = L' Acad. ajoute qu' il se dit dans le style sublime, en la même acception. "Et vous, sacré Pontife, achevez d' ofrir pour nous, au Père Eternel, le sacrifice de réconciliation. Par le style sublime; elle entend le style élevé, le haut style.
   Rem. Pontife est toujours masculin: on doit dire la femme du Pontife, et non pas la Pontife. On lit dans les oeuvres de Bossuet: "Jesabeth, soeur d' Ochosias et femme de Joïada, souveraine Pontife, etc. C' est sans doute une faûte d' impression; et il faut lire, souverain Pontife, en le faisant raporter à Joïada.

PONTIFICAL


PONTIFICAL, ALE, adj. PONTIFICALEMENT, adv. PONTIFICAT, s. m. [5e e muet au 2d et au 3e; l' l du premier se prononce, mais non pas le t du dernier: kal, kale, kaleman, ka.] Pontifical, qui apartient à la dignité de Pontife, d' Évêque. "Habits, ornemens pontificaux. = Qui apartient à la dignité de Souverain Pontife. "Il parvint à la dignité pontificale. = Pontificalement, avec les habits pontificaux. Oficier, célébrer pontificalement. = Pontificat, dignité de Grand-Pontife chez les Romains. César brigua, obtint le Pontificat. = Le temps que durait cette dignité: il réforma le calendrier durant son pontificat. = Parmi les Chrétiens, la dignité du Pape et le tems que dûre son règne. "Aspirer, parvenir, être élevé au Pontificat. "Sous le Pontificat de Grégoire le Grand. "Son pontificat ne dura guère. On peut le dire de plusieurs Papes.
   On dit, proverbialement, d' une persone qui est dans son plus grand éclat, qu' elle est en son Pontificat. Trév.

PONTON


PONTON, s. m. PONTONAGE, s. m. PONTONIER, s. m. [Dern. e muet au 2d, é fermé au dern. nage, nié.] Ponton est un pont flotant, composé de deux bateaux, joints par des poûtres, sur lesquels on met des planches pour faire pâsser une rivière, un ruisseau à du canon, à de l' Infanterie, à de la Cavalerie, sans qu' il soit besoin d' un pont entier. = On le dit depuis quelque tems, de certains petits bateaux de cuivre, avec lesquels on pâsse des troupes d' un bord de la rivière à l' aûtre. = En termes de Marine, barque plate, qui porte un mât, et qui sert au radoub des vaisseaux; ou sans mât et à roûes, dont on se sert pour nétoyer, pour curer les ports.
   Pontonage et Pontonier n' ont pas raport à ponton, mais à pont: ce sont, pour le passage des ponts, des bacs, ce que péage et péager sont pour le passage par terre. "Droit de pontonage. "Pontonier est celui qui reçoit ce droit. = Trév. met pontenage ou pontonage.

POPULACE


POPULACE, s. f. POPULAIRE, adj. POPULAIREMENT, adv. POPULARITÉ, s. f. [3e è moy. et long, 4e e muet au 2d et au 3e; lère, lèreman.] Populace est un terme collectif. Le bâs peuple: le menu peuple. Ce mot a un sens indéfini: la populace: soulever la populace: il ne doit pas être modifié par le pronom une.
   La raison n' agit point sur une populace.
       Rac. Fr. Én.
Sans le besoin d' une syllabe de plus, ce grand Poète aurait dit: sur la populace, et il aurait bien dit.
   POPULAIRE a plusieurs sens: en parlant des chôses: 1°. Qui est du peuple, qui concerne le peuple. "Émotion, erreur, façon de parler populaire. = 2°. Gouvernement populaire, État où l' autorité est entre les mains du peuple. Démocratie. = 3°. Maladie populaire, maladie contagieûse, qui court parmi le peuple. = 4°. En parlant des persones, afable, qui se fait aimer du peuple. "Cet homme est fort populaire. * Le Gendre le fait subst. et lui fait signifier homme du peuple, du tiers-état. "Les Éclésiastiques, aussi bien les Nobles que les populaires sont exclus (à Venise) de toutes les charges. En ce sens, c' est un barbarisme. = * Rousseau a employé populaire dans le sens de vulgaire.
   Et c' est un don, que les Dieux tutélaires
   N' acordent point aux Héros populaires.
C. à. d. sans doute aux Hérôs vulgaires, aux Hérôs du comun, ce n' est que la force du sens qui fait atribuer ce sens à populaire, dans cette ocasion: l' usage ne l' admet pas. _ Je ne sais si ce vers
   N' acordent point à des hommes vulgaires.
eût été aussi poétique que l' aûtre; mais il aurait été plus conforme pour la vérité de l' expression, à la pensée du Poète.
   POPULAIREMENT: à la manière du peuple. "Parler, vivre, populairement, pour gâgner les bones grâces du peuple. C' est tout l' emploi de cet adverbe.
   POPULARITÉ, afabilité, caractère d' un homme populaire (n°. 4°.) "Ce grand a beaucoup de popularité. "Ce Sénateur afectait la popularité.
   Rem. Ce mot a un sens actif: il signifie le témoignage de l' amour d' un homme pour le peuple, et non pas l' amour du peuple pour cet homme. * M. Targe, traduisant trop litéralement Smollet, lui done un sens passif, quand il dit que: "Le Duc d' Ormond avoit aquis la plus grande popularité (il veut dire, l' afection du Peuple) par le succès de son expédition de Vigo. = Il dit âilleurs: "La popularité (la faveur du Peuple) est peu solide, quand elle est exposée aux mouvemens de deux factions contraires. = En Anglais, popularity a deux sens: 1°. esprit populaire: 2°. populace. C' est dans le premier sens qu' il faut entendre le mot popularité dans la phrâse suivante: "Le moûvement actuel dirige la popularité, (l' esprit, l' afection du peuple, de la Nation) en faveur de la prérogative. Journ. de Gen. C' est encôre un anglicisme.
   * D' Avrigni a employé se populariser: "Louis XIV se popularisa avec toutes les persones qui l' aprochèrent, mais sans s' avilir. _ Ce mot est hasardé, et l' usage ne l' a pas admis; mais il semble qu' il serait utile dans les ocasions, comme celle-ci, où se familiariser serait un mot trop familier.

POPULATION


POPULATION, s. f. *POPULATEUR, s. m. [Popula-cion, la-teur.] Mots nouveaux, sur-tout le second. Le premier a le sens passif, et se dit d' un pays qui est peuplé: la population de la Chine est presque égale à celle de toute l' Europe. = Le 2d a un sens actif, et se dit de celui qui peuple. M. Linguet le dit des Auteurs qui ont écrit sur la population; et qui peuplent les États à coups de plume. "Jusqu' ici, les populateurs les plus prodigues n' avaient doné au sceptre de la France, que vingt millions d' individus pour soutien. = Population est fort d' usage aujourd' hui. Il n' est que dans le Vocabulaire Français. _ Pour populateur, c' est un néologisme que, dans ce sens, nous croyons peu heureux; et qui ne peut être bon que dans le style plaisant ou critique.

POPULEUX


*POPULEUX, EûSE, adj. Peuplé. Aûtre mot nouveau, et dont l' usage est encôre incertain. "L' ancienne Atlantide, cette région si vaste, si populeuse, aûtrefois célébrée par Platon. L' Ab. Grosier. "Dans les cités populeûses. Mercier.

POPULO


POPULO, s. m. Terme populaire. Petit enfant grâs et potelé. "Un joli petit populo.

PORACÉ


PORACÉ, ÉE, adj. Terme de Médecine. Qui tire sur la couleur du porreau. "Pus poracé, bile poracée.

PORC


PORC, s. m. [Le c ne se prononce que dans porc-épic, comme un k. M. Marin croit qu' on doit faire sentir le c dans Porc.] Cochon. Ce mot n' est pas du langage ordinaire. On dit presque toujours cochon. Voy. ce mot. Dans les Relations et l' Histoire Naturelle, on dit indiféremment l' un ou l' aûtre. _ Suivant Richelet, on se sert du mot porc, quand on parle de chair de cochon: le porc frais n' est pas sain. _ L' Acad. le met sans remarque; et dans les exemples qu' elle done, elle parle de l' animal vivant, comme de sa chair, quand il a été tué. "Le porc se vautre dans l' ordûre. "Langue de porc, pied de porc. _ Porc frais, la chair d' un cochon qui n' est pas salé.
   On dit, proverbialement, d' un homme mal-propre et gourmand, que c' est un vrai porc; et populairement, de celui qui est dans un lieu où il a tout à souhait, qu' il est comme le porc à l' auge.

PORC-ÉPIC


PORC-ÉPIC, s. m. [Por-képi: 2e é fer.] Animal semblable au hérisson, mais plus grand, et dont le corps est couvert de piquans.

PORC-MARIN


PORC-MARIN, s. m. Grôs poisson, apelé aussi, et plus comunément, Marsouin ou Dauphin.

PORC-SANGLIER


PORC-SANGLIER, s. m. On l' apelle ordinairement sanglier, tout court. Voy. ce mot.

PORCELAINE


PORCELAINE, s. f. [Porcelène: 2e et dern. e muet, 3e è moyen.] On a dit anciènement pourcelaine et porceline. = Sorte de terre cuite, três-fine, travaillée dabord à la Chine et au Japon, et imitée avec succês en Europe. "Porcelaine de la Chine, du Japon. "Porcelaine de Saxe, de St. Cloud, de Chantilly, de Vincennes, de Sève. = Porcelaine se dit aussi des vâses faits de porcelaine. "Il a beaucoup de porcelaine, de belles porcelaines. = Adj. Cheval porcelaine, dont la robe est grise et tâchée de poils bleuâtres, et couleur d' ardoise.

PORCHE


PORCHE, s. m. Portique. Lieu couvert {C210a~} à l' entrée d' une Église. Porche est familier, et se dit d' un portique simple et sans ornement. Portique est plus noble, et s' emploie quand il est régulier et orné.

PORCHER


PORCHER, s. m. [2e é fer.] Celui qui garde les pourceaux. _ Fig. st. fam. Homme grossier, mal-propre et mal-apris. "C' est un porcher, un vrai porcher.

PôRE


PôRE, s. m. POREUX, EûSE, adj. [1re lon. au 1er: 2e e muet au 1er, lon. aux deux aûtres, reû, reû-ze.] Pôre se dit des petites ouvertûres presque imperceptibles, qui sont parsemées dans la peau de l' animal, par où sortent les sueurs. Il n' a d' usage qu' au plur. "En été, les pôres sont plus ouverts. "Le froid resserre les pôres. = Par extension, on le dit de toute sorte de corps. "Les pôres du verre, du bois, des métaux. = Poreux, qui a des pôres. On ne le dit point des animaux, parce que cela s' en va sans dire. On le dit des aûtres corps. "Le verre est fort poreux: tous les corps sont plus ou moins poreux. "La pierre-ponce est fort légère et poreûse.
   * Rem. 1°. Les ignorans font pôre fémin. "Le froid bouche toutes les pôres: il faut dire, tous les pôres.
   2°. M. L' Ab. De Fontenai emploie ce mot figurément. "Il semble qu' on se soit doné le mot pour faire entrer de gré ou de force la science par tous les pôres, s' il nous est permis de nous servir de ce terme. _ Je lui répondrais volontiers: il vous est permis.

POROSITÉ


POROSITÉ, s. f. [Porozité: dern. é fer.] Qualité d' un corps poreux. "La porosité du verre. = On ne le dit point des animaux.

PORPHYRE


PORPHYRE, s. m. PORPHYRISER, v. a. [Porfîre, firizé: 2e lon. au 1er.] Porphyre est une sorte de marbre extrêmement dur, dont le fond est ordinairement rouge, et quelquefois verd; et qui est marqué de petites taches blanches. "Table, colone, buste de porphyre.
   PORPHYRISER. est un terme de Chimie. C' est broyer une substance sur du porphyre, pour la réduire en une poûdre três-fine.

PORT


PORT, s. m. [Le t ne se prononce pas.] I. Dans son acception la plus ordinaire, c' est un lieu propre à recevoir des vaisseaux, et à les tenir à couvert des tempêtes. "L' entrée du port est aisée ou dificile. "Ce port {C210b~} a un fond de vâse. "Ce port n' est propre que pour de petits bâtimens, etc. = Fig. asîle, lieu de repôs, de tranquilité, d' assurance. "Il s' est retiré du monde et des afaires: il est dans le port. = Le port du salut se dit d' un lieu où l' on est à couvert de quelque danger. "Les maisons religieuses sont des ports de salut, où l' on est à l' abri des dangers du monde. = On le dit, dans un sens qui tient du propre, d' un lieu où l' on se retire aprês une tempête, et où l' on est en sûreté. = En st. famil. faire naufrage au port, ruiner une afaire au moment qu' on la croit achevée. _ Conduire ou arriver à bon port, achever heureûsement ce qu' on a entrepris. "Il commence à rire de ce ton que vous connoissez; et lisant et pamant toujours, il arrive à bon port, sans s' interrompre. Sév. = Aborder à bon port, se dit aussi au propre, comme prendre port et surgir au port, mais toujours dans le style simple.
   Il part, il arrive à bon port
   Dans ces solitaires retraites.
       Gresset.
"À~ quatre heures nous prîmes port, nous surgimes au port. Ce dernier vieillit.
   Rem. Demeurer sur le port, se promener sur le port sont des gasconismes; il faut dire au port. Voy. Sur.
   II. Port se dit de diférentes chôses, par raport à diverses significations du verbe porter. = 1°. Le port d' un vaisseau, ce qu' il peut porter de marchandises. "Vaisseau du port de trois cents tonneaux. = 2°. Ce qu' on paye pour la voitûre des hardes, etc. "Tant pour le port de cette malle. "Dépenser beaucoup en ports de lettres. = 3°. Le port d' armes, l' action, le droit de porter les armes. = 4°. À~ certains jeux de cartes, celles qu' on réserve pour les joindre à celles qu' on doit tirer du talon. "Mon port était fort beau, mais il m' est rentré vilain jeu. = 5°. Maintien: manière de porter sa tête et tout son corps, quand on est debout, ou qu' on marche. "Port noble et majestueux. _ Et en st. famil. "Cette femme a le port d' une reine.

PORTABLE


PORTABLE, adj. Qui doit être porté. Terme de coutumes. "Il y a des coutumes où le cens est portable, où il doit être porté par le tenancier au manoir du Seigneur. = * Qui peut être porté. "Cet habit n' est plus portable. En ce sens, c' est un gasconisme. Desgr.

PORTAGE


PORTAGE, s. m. 1°. L' action et la peine de porter. "Il faut tant pour le portage. = 2°. Dans la Marine marchande, ce que chaque Oficier ou Matelot peut porter et embarquer pour son compte. "Il a droit de portage pour tant de quintaux. = 3°. Dans certains fleuves de l' Amérique, les endroits où, à cause des chûtes d' eau, il faut porter le canot jusqu' à un autre endroit où la rivière est navigable. "De là jusqu' à Quebec, il y a tant de portages.

PORTAIL


PORTAIL, s. m. [Por-tail: mouillez l' l finale: ai n' y a pas le son d' e, mais l' a y conserve son propre son.] On le dit, et de la principale porte, et de la façade entière d' une Église: mais on ne le dit point des palais et des hôtels; et portail pour porte cochère, est un gasconisme. Desgr. C' en est un aussi que de le dire de la porte flamande d' un jardin et des portes d' une ville. C' est du gascon et du provençal habillés à la française.

PORTANT


*PORTANT, ANTE, adj. Qui se porte en parlant de la santé: bien portant, mal portant. Autre gasconisme. "Des gens bien portans. TISSOT. Il avait pris cette façon de parler à Montpellier. * D' autres font pis, et disent portant tout seul: il est portant, elle est portante: il ou elle a de l' embonpoint. _ Il faut dire, qui se porte bien. = Dans le Rich. Port. on met, à bout portant, adv. "Il a été tué d' un coup de pistolet à bout portant, tiré de fort prês. Et fig. style famil. "Il lui a dit ces chôses à bout portant, en face. Voy. BOUT. _ L' Acad. le met aprês porter. = L' un portant l' autre: compensation faite du plus au moins. "Il a mille livres de revenus, une année portant l' aûtre, compensation faite des mauvaises années, où il en a moins, avec les bones, où il en retire davantage. L' Acad. ne met pas cette locution, et je ne saurais la garantir. Marivaux l' a employée, mais il l' a mise dans la bouche d' un paysan, et il l' emploie d' une manière burlesque. "Tant que mon âme et moi nous serons ensemble, nous vous suivrons par-tout l' un portant l' autre.

PORTATIF


PORTATIF, IVE, adj. Qu' on peut aisément porter. "Les petits livres sont comodes, parce qu' ils sont portatifs. = Depuis quelque-tems on a doné ce nom à des Dictionaires abrégés des grands. Dictionaire portatif de, etc. = Il se dit quelquefois des persones. Mde. de Sévigné voyageant avec son oncle l' Abé de Coulanges, qui était dans l' âge, et qu' elle apelait le bien bon, écrit à sa fille: "Quand on a un bien bon, on n' est pas si portative; c. à. d. on ne peut pas aler si vîte.

PORTE


PORTE, s. f. Il se dit, et de l' ouvertûre faite pour entrer dans un lieu fermé, et pour en sortir. "La baie, le seuil d' une porte. La porte d' une maison, d' un jardin; et de l' assemblage de bois ou de fer, qui sert à fermer cette ouvertûre. "Porte de bois de noyer. Ouvrir, fermer, tirer la porte. Heurter à la porte. = Figurément, on apèle porte d' une agraphe, la petite ouvertûre où entre le crochet. = Porte-verte, est un chassis couvert d' étofe verte, qu' on met devant les portes des chambres, pour empêcher le vent d' y entrer.
   PORTE fournit à quelques expressions, qui sont presque toutes du style familier. _ On dit d' un homme, qui s' est enrichi en peu de tems, que le bien est entré chez lui par toutes les portes. L' Abé Poulle le dit de l' ennui. "L' ennui, cet énemi capital, qu' on s' éforce d' écarter de ces lambris dorés, et qui rentre par toutes les portes. _ L' expression me parait peu digne de la Chaire. _ Fraper ou heurter à une porte, c' est, figur. implorer la protection de... "J' ai frapé vainement à toutes les portes. "Il a frapé à la bone porte. "Faut-il Carette (Médecin) ne le faut-il pas? Faut-il fraper à une autre porte? Mde. de Coulanges. = Mde. de Sévigné dit, fermer la porte, pour fermer les yeux sur; expression peu comune. "Sa femme fermant la porte à un point de vue si brillant, ne l' ouvrit qu' à la crainte qu' un si grand voyage ne fût mal--heureux à la vie de M. de Chaulnes. _ Elle dit mieux âilleurs: "Peut-on, avec un si bon esprit, fermer les yeux et la porte à cette vérité; c. à. d. ne pas la reconaitre, et ne pas vouloir qu' on nous la fasse conaitre. = Écouter aux portes, est une grande incivilité, et souvent une curiosité odieûse. On aplique figurément et joliment cette locution dans l' Ann. Litt. en rendant compte du Tom-Jones de M. Desforges. "La vraisemblance est trop souvent sacrifiée aux effets de la Scène. Les surprises, les coups de Théâtre s' opèrent presque toujours par des gens, qui écoutent aux portes, c. à. d. qui arrivent à point nomé, comme s' ils écoutaient aux portes. = Ouvrir la porte, est du style noble au figuré. "C' est ouvrir la porte à une infinité de larcins. Pascal. _ Mais les expressions suivantes ne sont que du style familier. Refuser ou faire refuser la porte à quelqu' un, ne vouloir pas recevoir sa visite. _ Forcer la porte ou la barrière, entrer dans une maison où l' on nous dit qu' on ne reçoit pas. "M. de Chaulnes a fort galamment forcé sa porte, et en a fait un fort joli portrait. = Doner la porte à quelqu' un, le faire pâsser le premier. = Mettre à la porte, chasser.
   Même vers ses pareils s' étant refugié,
   Il fut par eux mis à la porte.
       La Font.
= Je suis logé à sa porte, auprês de sa maison. = Toutes les portes lui sont ouvertes: il a un libre accês par-tout. = Il faut qu' une porte soit ouverte ou fermée: il faut prendre son parti d' une manière ou d' aûtre. = Il a été aux portes de la mort, à l' extrémité. = On dit d' un importun, que si on le chasse par la porte, il entrera par la fenêtre. = Souhaiter quelqu' un derrière la porte ou derrière la tapisserie; c' est souhaiter qu' il eût été à portée d' entendre ce qu' on disait. "Il la releva bien de sentinelle sur toutes les sotises qu' elle lui disoit, et il vous eut bien souhaitée derrière la porte. SÉV. De porte en porte, adv. De maison en maison. "Tout le quartier auroit retenti de mon aventure: elle auroit été la conter de porte en porte. Mariv. _ Dans l' Ann. Litt. on dit, de portes en portes. Ce pluriel est contre l' usage et l' analogie. "Quel spectacle touchant de voir ce vénérable vieillard solliciter de portes en portes des secours pour les paûvres. = Voyez Derrière, Fenêtre, fermante, ouvrante, Prison.
   PORTE, Cour Orientale. On dit dans le Dict. Gramm. que ce mot est uniquement consacré à signifier la Cour Ottomane. Des Auteurs l' ont dit des autres Cours de l' Orient. "Le Czar a, pour l' ordinaire, un Résident à la Porte du Kan. Miss. du Lev. "Il est d' usage, dit Voltaire, dans toutes les Cours, ou plutôt dans toutes les Portes Orientales. _ L' Acad. ne le dit que de la Cour de l' Empereur des Turcs. "La Porte Ottomane; Ambassadeur à la Porte. _ Certainement on ne dit pas la Porte, mais la Cour de Perse, du grand Mogol, etc.
   PORTE, tems présent du verbe porter, entre dans la composition de plusieurs mots, et il est toujours du genre masculin, quel que soit le genre du mot, auquel il est joint. Porte-assiette, porte-baguette, porte-bannière, porte-bouquet, porte-drapeau, etc. = Or, comme porte est un verbe, il ne doit pas dans ces mots composés, prendre le signe du pluriel. M. Linguet ou son Imprimeur, écrit portes-balles, portes-faix, comme il écrit, prêtes-noms, gardes-malades. On lit aussi dans les Let. Édif. "Deux portes-encensoirs, et deux portes-baguettes. On doit écrire porte-balles, porte-faix, porte-encensoir, porte-baguettes, comme garde-malade et prête-noms. Voy. GARDE et COMPOSÉ.

PORTÉE


PORTÉE, s. f. [2e é fer. et long, 3e e muet.] 1°. Ventrée: tous les petits que les fémelles des animaux portent ou font en une fois. "Première, seconde portée. "Il y a des chiènes qui font jusqu' à neuf et dix chiens en une portée. = 2°. Il exprime jusqu' où les armes à feu et les armes de trait peuvent porter. "À~ la portée du mousquet, du pistolet. Hors de la portée du canon. = 3°. On le dit dans le même sens, de la main, de la voix, de la vue; jusqu' où elles peuvent s' étendre. "Cela n' est pas à la portée de ma main, de ma vue: mettez-vous à la portée de ma voix. = 4°. Ce que peut faire, ou concevoir, ou produire l' esprit d' une persone. "On ne doit rien entreprendre au delà de sa portée, de la portée de son esprit. S' acomoder à la portée des Auditeurs. On pourrait dire à quelques Prédicateurs; "Je ne sais si vous vous comprenez; mais nous ne vous comprenons pas: mettez-vous à notre portée. = 5°. Ce que peut faire une persone relativement à sa naissance ou à sa fortune. "Cette charge est au-dessus de sa portée. Il fait une dépense fort au-dessus de sa portée. = 6°. L' étendûe d' une pièce de bois mise en place: cette poutre a trop de portée: elle n' est pas assez forte, eu égard à sa portée.
   Rem. On dit adverb. à la portée et à portée de; l' un avec l' article, l' aûtre sans article: le 1er signifie, qui est proportioné à l' intelligence de ou à la distance, ou à l' étendûe (n°. 2°. 3°. 4°.) l' aûtre proche, qui a ou qui done des facilités. * Mallebranche dit, de la portée, pour à la portée: et La Fontaine, à portée, auprês, pour à portée de. "Les gens d' imagination ne parlent d' ordinaire que sur des sujets faciles, et qui sont de la portée des esprits du commun. On dit comunément, à la portée des, etc.
   Jamais auprès des fous ne te mets à portée.
En prôse, La Fontaine aurait dit, jamais ne te mets à portée des fous. = À~ la portée se dit ordinairement des chôses, et ne régit que les noms: à portée se dit des persones, et régit les verbes. "Cet ouvrage n' est pas à ma portée, à la portée de tout le monde. 2°. Je suis à portée de le servir. * Il me semble que M. l' Abé de Fontenai a mis par distraction l' un à la place de l' aûtre. Il dit d' un portrait de J. J. Rousseau: "Ses traits parfaitement ressemblans procureront aux persones qui n' ont pas été à la portée de le voir, l' avantage de se représenter un Écrivain, etc. _ Il faut en cet endroit, ce me semble, à portée de le voir. C' est peut-être une faute d' impression, et j' aime à le croire. = * L' Auteur provincial d' un Journal Historique du passage de Dom Philipe en Provence, fait de l' adverbe à portée, un adjectif. "Les autres Dames ocupoient les places les plus aportées du fauteuil du Prince. C' est un grossier barbarisme d' ortographe.

PORTER


PORTER, v. act. [Porté: 2eé fer.] 1°. Avoir un fardeau sur soi. "Porter un sac, un ballot, une hotte, etc. "Porter sur le dôs, sur les épaules, sur la tête, à brâs, au brâs. = 2°. Fig. Assister de son crédit. "Il y a des persones puissantes, qui le portent: il est porté par des persones puissantes. = 3°. Transporter d' un lieu dans un aûtre: portez ces papiers dans mon cabinet. = 4°. Avoir sur soi; il ne porte jamais d' argent sur lui: il porte toujours quelque livre dans sa poche. = 5°. Avoir sur soi, comme servant à l' habillement. "Porter des habits brodés, du velours, du satin, du drap. "Porter le deuil, la perruque, la haire, le cilice, l' épée, la soutane, le petit collet, etc. = 6°. Tenir "porter la tête haute, les pieds en dehors, le bras en écharpe. = 7°. Pousser, étendre. "Arbre qui porte sa tête dans les nûes. "Ce Prince a porté ses armes jusqu' aux confins de l' Europe. = Fig. Porter son ambition, ses espérances, ses desirs jusqu' aux plus grandes chôses. Porter la confusion, la terreur par-tout. = 8°. Fig. aussi avec des noms sans article: être caûse; porter bonheur, malheur, guignon à... = 9°. Adresser: porter un coup d' épée, une botte: on lui porta plusieurs coups, mais il les para tous. = Porter ses regards, sa vue en quelque endroit. Porter ses vûes bien haut, bien loin. = 10°. Être étendu en longueur: "Cette poutre porte trente pieds: cette pièce de drap doit porter vingt aûnes. = 11°. Produire: "Terres qui portent du froment: arbre qui porte de beaux fruits. _ Somme, qui porte intérêt. = 12°. Soufrir, endurer. "Il porte impatiemment sa disgrace: il en portera la peine. = Les enfans portent quelquefois les iniquités de leur père: phrâse consacrée. = 13°. Induire, exciter à... C' est un des emplois les plus ordinaires de ce verbe. "Ils l' ont porté à la vengeance, à la débauche, à cette démarche odieuse, à ataquer, à acuser, à se plaindre, etc. = 14°. Il se combine avec plusieurs noms, et forme avec eux des expressions composées:porter amitié à quelqu' un, et être porté d' amitié pour lui, l' aimer. Porter afection, honeur, respect: aimer, honorer, respecter. Porter envie, envier. = Porter la parole: parler au nom d' une Compagnie. Porter parole de, promettre au nom de quelqu' un: Je lui ai porté parole de dix mille écus. _ Porter témoignage: témoigner, atester pour ou contre. = 15°. Déclarer, assurer. "L' arrêt porte condamnation: la déclaration porte que "les lettres d' aujourd' hui portent que la guerre est déclarée.
   16°. V. n. Poser, être soutenu. "Tout l' édifice porte sur ces colonnes. "Poutre, qui porte à faux. Et fig. Ce raisonement porte à faux. = 17°. Ateindre. "Le canon ne saurait porter si loin. "Cette coulevrine porte à une demi-lieue. "Si tous les coups qu' on tire portaient, il échaperait peu de soldats dans un combat.
   18°. V. r. Il se dit de l' état de la santé. Se porter bien, se porter mieux. _ De la pente, de l' inclination: se porter au bien, à la vertu, au mal, à la débauche. _ De l' aplication: se porter avec ardeur à ce qu' on fait ou à ce qu' on doit faire. _ De la manière de se conduire: "Il s' y est porté en homme de coeur ou mollement, en homme indolent.
   Rem. On disait plus souvent aûtrefois qu' aujourd' hui, porter pour suporter. "Il portera patiemment cette perte. Boss.
   Et qui s' aident l' un l' autre à porter leurs malheurs.
       Rac. Britannicus.
"Ils ne peuvent porter ni la tranquillité d' une vie privée, ni la dignité d' une vie publique. Mass. "Porter les plus dures fatigues, et afronter les plus grands dangers. Rollin. _ Quelques Auteurs le disent encôre: mais porter, en ce sens, vieillit. Andry se contente de dire que, porter impatiemment est une expression d' usage: elle porta fort impatiemment l' afront qu' elle reçut alors. Je ne l' admettrais que de cette manière. Je ne voudrais pas dire avec BOSSUET, porter patiemment, ni avec l' Acad. "Il a porté son malheur, son afliction en homme de bien. = Suivant Andry, on dit aussi quelquefois porter, pour comprendre. "Les hommes n' étoient pas encôre en état de porter des vérités si relevées. Fleury s' en est servi: "Leur disant tout ce qu' il avoit apris de son Père, autant qu' ils étoient capables de le porter. = On ne trouve point dans le Dictionaire de l' ACAD. porter pour comprendre; mais suivant La Touche, cela ne prouve pas qu' il ne soit pas bon dans ce sens-là. C' est qu' il peut avoir été oublié. Pour moi je ne le crois bon aujourd' hui que dans la traduction de ce passage de l' Évangile: sed non potestis portare modo, qui est l' origine de cette expression. = Selon l' Acad. on dit porter son jugement de quelque chôse, ou sur quelque chôse; je pense avec La Touche, que le dernier est beaucoup meilleur.
   Se porter, relativement à la santé, se dit sans régime. On dit absolument, je me porte bien: il ne se porte pas trop bien. Mde. de Sévigné lui fait régir la prép. de: "J' ai envie de savoir comment~ vous vous portez de votre saignée. On dit plus comunément, comment vous vous trouvez de. Mde. de Coulanges dit même, se bien porter d' une colique qu' on a eûe; je sais que vous vous en portez bien présentement. Cela est encôre plus mauvais. Je ne crois pas non plus que se bien porter se dise des parties du corps en particulier. Ses yeux se portent bien, dit encôre Mde. de Sévigné. Je ne conseille pas de le dire aprês elle. = On ne doit pas dire dans l' afirmative, je me porte mal; il faut dire: Je ne me porte pas bien, ou trop bien. Mais avec la négative, se porter mal peut se dire: je ne me porte pas mal. On le dit sur-tout avec la prép. en: "Je travaille horriblement depuis dix-huit mois? et je ne m' en porte pas plus mal. = l' Acad. met en exemple, se porter mal. Je doute qu' il soit du bel usage. Bouhours l' a aussi employé. "Il avoit ordoné que, dès que quelqu' un se porteroit mal, on l' en avertît. Vie de St. Ign. L' expression est impropre, d' autant plus que se porter mal, ne peut se dire d' une maladie subite, mais de l' état habituel de la santé: il faut dire, en parail câs, dês que quelqu' un se trouverait mal. Enfin, j' ai lu, se porter mal, dans les Mém. de Mde. de Maintenon, par la Baumelle: mais il y est employé en plaisanterie et en épigramme, style qui fait passer bien des expressions. "Scarron avoit une pension en qualité de malade de la Reine: sa Veuve en sollicitait le rètablissement. Le Cardinal demanda si la Supliante se portait bien. Oui, Monseigneur, lui dit-on. Eh bien! repliqua-t-il: elle est donc inhabile à succéder à la pension d' un homme, qui se portait mal. = Ne s' en porter pas mieux, se dit au propre et au figuré. "Il a pris bien des remèdes: il ne s' en porte pas mieux. "Je crois que dans ce pays-là une paûvre planète est agitée assez rudement, et que ses habitans ne s' en portent pas mieux. Fonten. Mondes.

PORTEFAIX


PORTEFAIX, s. m. PORTEUR, EUSE, s. m. et f. Celui ou celle dont le métier est de porter quelque fardeau. "Il y a des porteurs et des porteûses dans les marchés. Portefaix ou Crocheteur, se dit de celui qui porte de grands fardeaux; porteur, de celui qui en porte de moindres. Pour un panier de fruit, on n' a pas besoin d' un portefaix, mais d' un porteur ou d' une porteûse. Pour le féminin, on ne dit que le dernier, et portefaisse est un mot si ridicule, qu' il est étonant qu' un seul homme l' ait employé. Cependant il l' a été plus d' une fois, et il l' est encôre par des étrangers et des Provinciaux.
   PORTEUR, se dit ordinairement tout seul, pour porteur de chaise. "Alez-moi chercher des porteurs. "Elle a deux laquais porteurs. = On dit, avec le régime: porteur, porteûse d' eau; porteur de charbon, de blé, de sel, etc. _ Dans le comerce, porteur de lettre de change, de billet: billet payable au porteur, à celui qui le présente. = On dit familièrement, porteur de bones ou de mauvaises nouvelles. Et Mde. Dacier a dit: des oiseaux porteurs de présages.

PORTIER


PORTIER, TIèRE, s. m. et f. [Por-tié, tiè-re: 2e é fer. au 1er, è moy. au 2d.] Portier, est celui qui a soin de garder, d' ouvrir et de fermer la principale porte d' une maison. = Quand il est Suisse, et qu' il porte l' épée et le baudrier, on dit, le Suisse et non pas le portier. "Tout le monde n' a pas le droit d' avoir des Suisses: des gens três-riches et três-hupés ne peuvent avoir que des portiers. = Portière a plusieurs sens: 1°. Dans les Monastères de Filles, la Religieuse qui a soin de la porte, pour répondre aux persones du dehors, apeler les Religieûses qu' on demande, ouvrir et fermer la porte pour faire entrer et sortir, quand le cas y écheoit, etc. "La portière, et adjectivement, la Soeur ou la Mère Portière. = 2°. Ouvertûre du carrosse par où l' on monte et l' on descend; et ce qui sert à fermer cette ouvertûre; et la place où l' on se met dans un carrosse, vis-à-vis de la portière. = 3°. Espèce de rideau qu' on met devant une porte, ou pour empêcher le vent ou par ornement.

PORTION


PORTION, s. f. [Por-cion.] En général, partie d' un tout. "Portion de maison à vendre, à louer. "Partager un héritage en quatre ou cinq, etc. portions égales ou inégales. Portion de cercle, etc. = On dit, en style familier, plaisant ou critique, pour sa part et portion. "On ne voit pas pourquoi M. S... veut y contribuer pour sa part et portion. Ann. Litt.
   PORTION se dit, en particulier, d' une certaine quantité de pain, de viande, etc., qu' on done dans les Couvens et Comunautés à chacun en particulier. "Bonne ou mauvaise, petite portion. = Portion congrûe, ou simplement congrûe, la somme que les gros Décimateurs sont obligés de fournir aux Curés pour leur subsistance.

PORTIQUE


PORTIQUE, s. m. [Portike, 3ee muet.] Terme d' Architectûre. Galerie ouverte, dont le comble est soutenu par des colonnes ou par des arcades. Voy. PORCHE. = En parlant des Philosophes anciens, on dit le Portique, pour désigner les Stoïciens, comme on dit, le Lycée, pour distinguer les Disciples d' Aristote.

PORTRAIRE


*PORTRAIRE, v. act. PORTRAIT, s. m. PORTRAITûRE, s. f. [Portrère, trè, trètûre: 2e è moy. long au 1er, 3e lon. aussi au 3e.] Portraire, s' est dit autrefois pour, faire le portrait de: c. à. d. la représentation d' une persone au naturel, avec le pinceau, le crayon, etc. L' Acad. avait dabord dit que ce mot vieillissait: dans la dern. édit. elle dit qu' il est vieux. "Il s' est fait portraire. On doit dire: il a fait faire son portrait. = On dit qu' un portrait est flaté, quand il diminue les défauts du visage; et qu' il est chargé, quand il les augmente. = Portrait ne signifie quelquefois que ressemblance: "Ce fils est le portrait de son père, son portrait, son vrai portrait. = C' est aussi la description qu' on fait dans le discours, d' une persone, tant pour le corps, que pour l' esprit. "À~ la fin du dernier siècle, c' était la mode de faire des portraits. FLÉCHIER fit le sien, et il est à la tête de ses oeuvres. "Beaucoup d' Historiens ont fait des portraits d' imagination. "Les histoires du Parlement d' Angleterre, et du Stathoudérat ne sont guère qu' une galerie de portraits de fantaisie. "C' est le défaut de plusieurs Panégyristes de remplir leurs discours de portraits antithétiques: c' est un mauvais goût.
   Rem. Avec le régime du génitif, portrait se dit de celui qui est peint, et non pas du Peintre qui l' a peint: ainsi ce mot a un sens passif. Le défaut d' atention au vrai sens de ce mot, rend fausse la pensée suivante. "Jamais le portrait de l' Auteur n' est à la place de celui du Hérôs. Avert. à l' Hist. des Tudors. L' Auteur veut dire que l' Historien ne substitûe pas des portraits d' imagination aux vrais portraits des Hérôs, et sa phrâse prise à la rigueur, signifie que la ressemblance ou la représentation de l' Auteur n' est point à la place de la ressemblance ou de la représentation de ses Hérôs. = On dit, à la vérité, d' un Historien comme d' un Peintre, que ses portraits sont ressemblans: mais on le dit ainsi, pour abréger, et pour signifier que les portraits qu' il trace des personages, sont peints d' aprês natûre. Si l' on disait au singulier, le portrait de ce Peintre, de cet Historien, ou bien son portrait est parlant, est ressemblant, on donerait à entendre qu' il y est peint, et non pas qu' il l' a peint.
   PORTRAITûRE s' est dit autrefois pour portrait. On ne le dit plus qu' en termes de Peinture. Livre de Portraitûre, qui enseigne à dessiner toutes les parties du corps humain.
   * Quelques-uns ont dit aûtrefois Portraitiste: d' aûtres ont dit portrayeur: on ne dit ni l' un ni l' aûtre: on dit, faiseur de portraits. Richelet; ou mieux, Peintre en portraits.

PORTULAN


PORTULAN, s. m. Livre qui contient le gisement et la description des ports de mer et des côtes, etc. "Le Portulant de la Méditerranée.

POSAGE


POSAGE, s. m. PôSE, s. f. [Pozage, pôze. 1re lon. au 2d.] Ces deux mots, relativement à certains ouvrages, ont le même sens, mais ils n' ont pas le même emploi. Le premier se dit assez généralement du travail et de la dépense qu' il faut faire pour les poser. "Tant pour le posage de ces tuyaux, de ces portes, de ces fenêtres. Le 2d ne se dit que des pierres. "La pôse des grandes pierres est dificile. "Tant pour la tâille de ces pierres, et tant pour la pôse.
   PôSE se dit, outre cela, dans un sens que posage n' a pas. C' est, en termes de guerre, des Sentinelles qu' on pôse aprês la retraite batûe. = On apèle Caporal de pôse, celui qui est chargé de poser et de relever les Sentinelles.

POSÉ


POSÉ, ÉE, adj. POSÉMENT, adv. [Pozé, zé-e, zéman: 2eé fer. long au 2d.] Posé ne se dit que des persones et des chôses qui les concernent, qui y ont raport. Modeste, rassis, grâve. "Enfant, esprit posé: persone, humeur posée. = Posément, lentement, sans se presser. "Parler, marcher posément.

POSER


POSER, v. act. et n. [Pozé: 2eé fer. devant l' e muet, l' o est long: il pôse, il pôsera, etc.] 1°. En général, mettre, placer: "Pôser un vâse sur un bufet. "Il faut prendre garde où l' on pôse le pied dans un terrein glissant. = Poser une colonne, une figûre sur un piédestal. Poser les fondemens d' un édifice, la première pierre d' une Église. = En termes de guerre, poser un corps de garde, des gardes, des sentinelles. = Poser les armes, mettre les armes bâs. Il se dit au propre et au figuré. = 2°. En matière de doctrine, établir pour véritable, pour constant. "Poser un principe, ou pour principe, ou pour maxime, pour fondement. = En style famil. Poser en fait que, etc. = 3°. En matière de dispute: Suposer. "Posons la chose comme vous la dites, qu' en conclurez-vous? Posons que cela soit; et plus familièrement, posons le cas que cela soit. = Et comme nominatif absolu. "Cela posé, il s' ensuit que. = Posé que, conjonction: elle régit le subjonctif: posé que, ou posé le cas que cela fût, que feriez-vous? Posé que me parait vieux: on dit plutôt, suposé que. L' Acad. le met sans remarque. Avec le câs, on doit dire posé et non pas suposé.
   3°. V. n. avec la prép. sur, il a le sens passif: Être posé. "Cette poutre ne pôse pas assez sur le mur.

POSEUR


POSEUR, s. m. [Po-zeur.] Pris absolument et sans régime, c' est celui, qui dans un bâtiment pôse ou dirige la pôse des pierres. = On dit, avec le régime, poseur de sonettes.

POSITIF


POSITIF, IVE, adj. POSITIVEMENT, adv. POSITION, s. f. [Pozitif, tîve, veman, zi-cion; en vers, ci-on: 3e lon. 4ee muet au 2d et au 3e.] Positif est, 1°. Certain, constant. "Cela est positif; parole promesse positive. * On ne le dit point des persones. On dit afirmatif, décisif. "Henri n' était pas moins positif dans cette seconde doctrine, qu' il l' avoit été dans la première. Hist. des Tud. C' est un anglicisme. To be positive in a thing, afirmer positivement une chose. Dict. Angl. de Boyer. = 2°. Dans le dogmatique, il est oposé à relatif. "Il n' y a de grandeur positive que dans Dieu. = 3°. Il se dit par oposition à négatif. "Comandemens positifs, qui ordonent; négatifs, qui défendent de faire. Louange positive, quand on loue quelqu' un de quelque bonne qualité: louange négative, quand on le loue de n' en avoir pas de mauvaises. = 4°. En parlant de droit, il est oposé à naturel. Le Droit positif divin; le Droit positif humain. = 5°. En parlant de Théologie, il est oposé à Scolastique et Morale. _ La Théologie Scolastique procède suivant la méthode de l' École: la Théologie Morale a pour objet les préceptes moraux et les câs de conscience. La Théologie positive comprend l' Écriture Sainte, l' Histoire Éclésiastique, la Doctrine des Pères et les Décisions des Conciles sur le Dogme et la Discipline.
   6°. POSITIF, s. m. Terme de Gramaire. Le premier degré dans les adjectifs, qui admettent comparaison. "Le positif est beau, etc. le comparatif, plus beau, le superlatif, três-beau, ou le plus beau de tous. = C' est aussi le nom qu' on a doné au petit bufet d' orgues, qui est au devant du grand orgue. Il y a des orgues qui n' ont point de positif.
   POSITIVEMENT, d' une manière positive, (n°. 1°.) Je ne le sais pas positivement. = Précisément: voilà positivement ce qu' il m' a dit, ce qu' il m' a chargé ou ordoné de vous dire.
   POSITION, 1°. Situation. Point où un lieu est placé. "La position des lieux dans une carte. "La position d' une Armée. = 2°. Point de doctrine dans une thèse. "On a cru trouver une hérésie dans une position ou dans une des positions de ses thèses, dans une de ses positions. = 3°. En termes de Manège, l' assiète du Cavalier. "Ce Cavalier a une belle position à cheval. = 4°. En termes de Danse, les diférentes manières de poser ses pieds, l' un aprês l' aûtre. "Portez le pied droit à la quatrième position.

POSSÉDER


POSSÉDER, v. act. POSSESSEUR, s. m. POSSESSION, s. f. POSSESSOIRE, s. m. [Po--cédé, cé-ceur, cé-cion, cé-soâ-re: 2e é fer. 3e lon. au dern. Devant l' e muet, la 2de se change en è moy. Il possède, possèdera, etc.] Posséder, c' est 1°. Avoir à soi, en son pouvoir. Posséder de grands biens, une terre, une maison, un héritage, un ofice, un bénéfice, une charge. = V. n. "Posséder justement ou injustement; de bone foi; à bon titre, à juste titre; légitimement. Voyez AVOIR. _ Les Bienheureux possèdent Dieu: ils possèdent la gloire éternelle. _ Posséder les bones grâces de; posséder l' esprit de quelqu' un, avoir du pouvoir sur lui; posséder son coeur, en être extrêmement aimé. = 2°. En parlant du démon, s' être emparé de... "Le démon le possède: il est possédé du Démon. On le dit figurément, st. famil. d' un homme emporté, qui ne veut pas entendre raison. = On dit aussi, dans le même sens: l' ambition, l' avarice, la colère le possède; et par exagération, la rage le possède: il est possédé d' ambition, d' avarice. = 3°. Se posséder a un beau sens: c' est être maître de soi et de ses passions, sur-tout de la colère, de la vivacité naturelle. "Je me possède et je suis sûr de moi. Mariv. Langage ordinaire de la présomption, et qui est souvent confondu. "Il ne se possède point. "Un général qui se possède, dans le combat, a un grand avantage sur l' énemi. "Orateur, Prédicateur, qui se possède, qui ne se trouble point. Joueur, qui se possède également dans la perte et dans le gain. = Ne pas se posséder de joie (st. famil.) en être transporté. = Posséder son âme en paix, expression tirée de l' Écritûre: elle est du style simple, comme du style soutenu. Posséder son âme ne se dit que dans la traduction de ce passage. In patientiâ vestrâ possidebitis animas vestras. = 4°. Figurément, avoir une parfaite conaissance de... Posséder les sciences, les belles lettres, les mathématiques, le latin, le grec, la musique, etc. "Cet homme possède bien sa langue, et les langues étrangères. _ Posséder les Auteurs. "Il possède parfaitement Horace, Virgile, les poètes, etc.
   POSSÉDÉ, adj. et subst. (n°. 2°.) Homme possédé du démon: exorciser les possédés. Proverbialement, il se démène comme un possédé.
   Rem. Ce verbe ne régit pas les persones, excepté dans le sens marqué n°. 2°. Posséder quelqu' un, c. à. d. l' avoir chez soi ou en jouïr, le voir à son aise, est une expression qui ne plaisait pas à Mde de Sévigné. "Que ne peut-on, dit-elle à sa fille, courir~ à Grignan pour vous embrasser et vous posséder un peu, comme on le dit en ce pays (en Bretagne). _ L' Ab. Des Fontaines s' en sert dans une lettre à M. Swift, qui devait venir à Paris. "On se flate, Monsieur, qu' on aura bientôt l' honeur de vous posséder ici. _ On lit aussi dans le Journ. de Brux. "On se flate de posséder ici leurs Altesses pendant un mois. = Cette façon de parler a un sens peu honête, quand on parle d' une femme, ou qu' on lui écrit; et c' est une inatention dans Fénélon de s' en être servi en parlant de Pénélope et de ses Amans. "Ne cherchez plus, ni votre Père, qui doit être péri... ni votre Mère, que ses amans possèdent depuis votre départ. Télém. Il dit mieux âilleurs: "quelqu' un d' entr' eux aura épousé votre mère. _ L' Acad. ne dit pas posséder dans ce sens. = * L' Auteur anonyme de quelques notes assez plates sur Télémaque, dit, être possédé, pour, être gouverné. "Louis XIV ne s' ouvroit pas, même à ses Maîtresses: il eut la gloire de n' en être pas possédé. Gouverné eut mieux valu. On dit bien qu' on possède l' esprit de quelqu' un ou son coeur; mais on ne dit pas qu' il est possédé de nous, qu' il en est possédé. = Posséder se dit ordinairement des persones, relativement aux chôses; mais quelquefois aussi il se dit des chôses, relativement aux persones. "Cet esprit de discorde et de faction possédoit toutes les Comunautés du Royaume. Voltaire. Voy. n°. 2°.
   POSSESSEUR, celui qui possède quelque bien fonds, quelque héritage. "Légitime, paisible possesseur: un possesseur de bone foi, de longue main. "Depuis la mort du dernier possesseur. _ En parlant de maisons, on dit plutôt propriétaire, du moins dans le langage comun.
   POSSESSION est 1°. jouïssance d' un héritage, d' un bénéfice, d' une charge, etc. "Possession légitime ou injuste, immémoriale, non interrompue, triennale, etc. = Avec les verbes être, prendre, entrer, se mettre, etc. il régit la prép. de: "Il est en possession de ce fief: il les envoya prendre possession des terreins concédés. Charlev. Il est entré en possession de cette terre depuis long-tems. "Il s' est mis en possession des meubles, etc. "Il est troublé dans la possession de ce bénéfice. = Être en possession régit de plus cette prép. de devant l' infinitif des verbes: "Il est en possession de dire, de faire tout ce qu' il lui plait. = 2°. Possession se dit aussi de toutes les chôses que les Hommes recherchent avec ardeur. "Les plus grandes passions diminuent par la possession. = 3°. L' état d' un homme possédé par le démon. "La possession difère de l' obsession, en ce que dans celle-là le diable agit au dedans, et qu' il agit au dehors dans celle-ci.
   *POSSESSIONÉ, employé par M. Mallet du Pan. "Les invalides non possessionés, (qui n' ont point de possession) pourront être obligés à faire des corvées seigneuriales. Journ. Polit. de Gén. Traduct. d' un rescrit de l' Empereur.
   POSSESSOIRE ne se dit qu' au Palais. Le droit de posséder. En matière de bénéfice, on dit plutôt récréance. "Contester, plaider, juger, gâgner le possessoire.

POSSESSIF


POSSESSIF, adj. m. Terme de Gram. Nom doné aux pronoms qui marquent la possession et la propriété de quelque chôse. M. de Wailly apèle ces pronoms conjoints, parce qu' ils sont toujours joints à un subst. = Il y a deux sortes de pronoms possessifs; les absolus et les relatifs. = I. Les possessifs absolus sont, mon, ton, son, qui font au fém. ma, ta, sa, et au plur. mes, tes, ses; notre, votre, leur, et au plur. nos, vos, leur. Ils précèdent toujours les noms auxquels ils sont joints, et s' emploient sans article, comme les noms propres: mon livre, de ma table, à mes enfans: mes biens; de vos terres, à vos valets, etc. = 1°. On doit répéter ces pronoms possessifs absolus, comme on répète les articles: mon père et ma mère; son frère et sa soeur, et non pas ses père et mère, ses frère et soeur, etc. BUF. = On ne les répète point, quand il y a deux adjectifs modifiant un même nom, et ayant à peu près le même sens: "Il lui a fait voir ses plus beaux et plus magnifiques habits. Mais on doit les répéter quand les deux adjectifs ont des sens diférens: "Il lui a montré ses plus beaux et ses plus vilains habits. Vaug. Th. Corn. = 2°. Ces pronoms possessifs s' emploient au lieu du génitif des pronoms personels. Ainsi au lieu de dire, l' état de moi, la maison de lui, le livre de vous; on dit: mon état, sa maison, votre livre, etc. = Quelquefois pourtant au lieu du pronom possessif, on se sert du génitif des personels. On dit, pour l' amour de vous: c' est le sentiment de mon frère et de moi; mais ce tour n' est pas ordinaire; et pour le second exemp. il serait mieux de dire: c' est le sentiment de mon frère et le mien. BUF. * Aûtrefois, on mettait les pronoms possessifs à la place des personels, non-seulement pour le génitif, mais pour les aûtres câs. P. Corneille dit en plusieurs endroits de ses tragédies: vous serez nôtre, je meurs tienne, pour dire, vous serez toute à nous: je meurs toute à toi. = La Fontaine a dit aussi:
   Dieu prodigue ses biens
   À~ ceux qui font voeu d' être siens.
   On dirait aujourd' hui, d' être à lui. = Dans certaines Provinces, on dit encôre, un mien frère, une tiène soeur; un sien ami. On doit dire: un de mes frères, une de tes soeurs, un de ses amis. = 3°. On ne doit pas employer les pronoms possessifs, quand ils sont précédés de quelque pronom personel, qui en rend inutile l' usage. On ne dira pas, j' ai mal à mon estomac, puisque je détermine assez que je parle de moi même, et que je ne puis avoir mal à l' estomac d' un aûtre. Par une raison contraire, on dira: je vois que ma jambe s' enfle, parce que je vois ne détermine pas assez que c' est de ma jambe que je veux parler. On lui rendit sa liberté, dit Mde de B... Hist. d' Angl. Il falait dire la liberté; car on ne pouvait pas lui rendre la liberté d' un aûtre. "Il garde son lit est donc un gasconisme, un pléonasme. Voy. GARDER. Rem. n°. 3°. = 4°. Les pronoms possessifs donent souvent aux substantifs, auxquels ils sont joints une signification active. Quand je dis mon atachement, je parle de l' atachement que j' ai pour un aûtre, et non pas de celui qu' on a pour moi, et dont je suis l' objet. La Bruyère a donc mal parlé, à mon avis, lorsqu' il a dit: "On ne saurait surpasser les anciens que par leur imitation; c. à. d. l' action par laquelle ils sont imités; tandis que le pronom semble énoncer l' action par laquelle ils imitent. Il falait prendre un aûtre tour et dire: on ne peut sur--passer les Anciens qu' en les imitant. = Voyez. MON, TON, SON, etc.
   II. Les possessifs relatifs sont, le mien, le tien, le sien, le vôtre, le nôtre, le leur, qui ont au féminin, la mienne, la tienne;la sienne, la leur, la nôtre, la vôtre; et au plur. les miens, les miennes, etc. les leurs, etc. Ceux là ne sont pas joints à un substantif, mais le supôsent énoncé auparavant, et y ont relation. Ils sont substantifs eux-mêmes, et sont précédés de l' article, le mien, du sien, au tien, etc. = On dit, le tien, le mien, etc. absolument pour dire, mon bien, ton bien: et au pluriel, les miens, les tiens, etc. pour dire, mes parens, tes parens, etc. = 1°. Les pronoms possessifs relatifs ne peuvent se raporter à des chôses qui se disent pour la persone, comme âme, esprit, plume, épée et aûtres semblables. Ainsi, on ne dira pas: cela n' est pas digne d' une belle âme comme la vôtre: il n' y a pas de meilleure plume que la sienne; il faut dire: comme vous, que lui, etc. = Ils ne peuvent pas non plus se raporter à un nom pris indéfiniment. On ne dira point: il n' est point d' humeur à faire plaisir, et la miène est bienfaisante. "Dans les premiers âges du monde, chaque père de famille gouvernoit la sienne avec un pouvoir absolu. Il faut prendre un aûtre tour, et dire, par exemple, il n' est pas d' humeur à faire plaisir, et moi je suis d' une humeur bienfaisante~; ou bien, et moi j' aime à rendre service. "Dans les premiers âges du monde, chaque père de famille gouvernoit ses enfans avec un pouvoir absolu. _ Faire raporter ces pronoms à des mots pris dans une signification indéfinie, c' est passer du général au particulier; ce qui est contre la bone logique. = 2°. Malherbe ne pouvait soufrir qu' on mît les pronoms possessifs relatifs à la place des absolus, et qu' on dît, par ex. quel aveuglement est le vôtre? au lieu de dire: quel est votre aveuglement? Il dit que ce sont les Italiens qui parlent ainsi: che sciocchezza è la vostra? VAUGELAS au contraire, dit avoir apris des Maîtres, que l' un et l' aûtre est français; mais qu' à la vérité le second est plus naturel que le premier. Chapelain, sur cette Remarque, a écrit. que si le second est plus naturel, le premier est plus élégant. Th. Corneille a peine à croire qu' on puisse rien décider là dessus. Pour moi je suis tout-à-fait de l' avis de Chapelain; et que ce soit des Italiens ou non que nous ayions emprunté cette construction, l' usage la préfère à celle qui est plus naturelle. = Voy. NOTRE.

POSSESSION


POSSESSION, POSSESSOIRE, Voy. POSSÉDER.

POSSIBILITÉ


POSSIBILITÉ, s. f. POSSIBLE, adj. [Po--cibilité, cible.] Possible, qui peut être, ou qui peut se faire. Possibilité, qualité de ce qui est possible. "Cela est ou n' est pas possible. "Je trouve de la possibilité à ce que vous proposez.
   POSSIBLE, joint au verbe être, impersonel, régit de et l' infinitif, ou que avec le subjonctif; le premier, quand on parle indéterminément; le second, quand on parle déterminément: "Il est possible de le faire: il n' est pas possible que vous le fassiez. "Est-il possible que cela soit? * On lit dans le Journ. Polit. de Brux. autant que possible, pour autant qu' il est possible. "Arrangement propre à concilier, autant que possible, les intérêts, etc. Il y a aparence que le Mémoire où est cette locution a été composé en Allemagne. = Il est quelque--fois s. m. "J' ai fait tout mon possible pour, etc. Je ferai le possible et l' impossible pour réussir. Le Prés. Hénaut dit de Charles XII, Roi de Suède. "Le possible n' avoit rien de piquant pour lui: il lui falloit des succès hors du vraisemblable. = * Quelques uns confondent, qui m' a été possible et qu' il m' a été possible, comme on confond ce qui me plait avec ce qu' il me plait. Voy. PLAIRE. "J' ai dessiné cette plante avec le plus d' exactitude, qui m' a été possible. Let. Édif. Il falait dire, qu' il m' a été possible: on sous-entend de le faire. = * Plusieurs disent possible tout seul: "Pour rendre cette collection la moins dispendieûse possible. MERC. Au lieu de, qu' il a été possible de le faire. "Il faut s' arranger avec ces Puissances le plutôt possible. JOURN. POLIT. Ce tour est plus laconique, mais est-il régulier et admis par l' usage? J' en doute. = Au possible, adv. Autant qu' il est possible, est une de ces expressions que les Petits-maîtres rendent ridicule à force de la répéter à tout propos: il faut en user sobrement. Sarrazin dit de Valstein. "Artificieux au possible, et principalement à paraître désintéressé. _ Cette locution n' est que du st. fam. L' Acad. ne la met pas.
   *POSSIBLE s' est dit aûtrefois pour peut-être. Dès le tems de Vaugelas, les uns l' acusaient d' être bâs, les aûtres d' être vieux. Chapelain ne le trouvait ni vieux ni bâs, et le croyait même une élégance du style médiocre. Il plaisait encôre plus à La Mothe Le Vayer; mais Vaugelas, Ménage et Th. Corneille l' ont condamné, et l' usage a confirmé leur arrêt. Au comencement du siècle, l' Acad. l' admettait sans répugnance: elle a changé depuis. = La Fontaine s' en est encôre servi.
   Elie grimpe chez l' aigle, et lui dit: notre mort
   Ne tardera possible guére.
   POSSIBILITÉ est un mot à la mode. "Il perd la possibilité, c. à. d. tout ce qu' il est possible de perdre. "Elle avoit toujours parlé sans lui laisser la possibilité de répondre un mot. Th. d' Educ. Ce sont là de ces expressions éphémères, qui naissent dans la liberté de la conversation, qui pâssent rarement dans les écrits, et qui ne dûrent pas long-tems, même dans le discours familier, parce qu' elles sont chassées par d' aûtres locutions du même goût, qui les remplacent.

POSTE


POSTE, s. f. [2e e muet.] 1°. Il se dit de l' établissement des relais, pour faire diligemment des courses et des voyages. Prendre la poste: aller en poste. "On a établi des postes des deux en deux lieûes. Courir ou courre la poste. = 2°. De la maison, où sont ces relais. = 3°. De la distance qu' il y a d' une de ces maisons à l' aûtre. "De cette Ville à telle autre, il y a dix, vingt, trente postes. = 4°. De l' exercice qu' on fait en courant la poste à cheval. "La poste fatigue beaucoup. = 5°. Du Courrier qui porte les lettres. = 6°. Du Bureau où on les envoie, et où elles sont distribuées.
   On dit, Fig. st. famil. Faire tout en poste, ou, en courant la poste, à la hâte. Et d' une afaire qui demande du temps et des soins, que ce n' est pas une chôse qui se fasse en courant la poste. = À~ poste, adv. à certains termes diférens. Acheter, prendre un bijou à poste. = À~ sa poste, à sa disposition. Mettre en certains endroits des gens à sa poste. * Quelques-uns disent mal-à-propos, à son poste. = Cette locution, ainsi que la précédente, n' est que du style familier. Elle est peu digne du style de l' Histoire. D' Avrigni l' a employée. "Ils ne pouvoient désirer de Métropolitain plus à leur poste.
   7°. POSTE, petite balle de plomb, dont on charge un fusil, un pistolet.

POSTE


POSTE, s. m. POSTER, v. act. [2e. e muet au 1er, é fermé au 2d.] Poste est, 1°, en termes de guerre, lieu où un soldat, un Oficier est placé par son commandant; et aussi, un lieu où l' on a placé des troupes, ou qui est propre à y en placer. Poste avancé. Poste avantageux, ou mauvais, délicat, dangereux. Garder son poste. Quiter un poste. Forcer les énemis dans leur poste: les déloger d' un poste, etc. = Il se prend aussi pour les soldats qu' on a mis dans un poste. Enlever, retirer un poste. 2°. Emploi: "Être dans un poste élevé; dans un beau, un grand poste. * L' Éditeur des oeuvres de Bossuet se sert du mot poste dans un endroit où il est ridicule. "Au poste près, que Mde de la Valière ocupoit à la Cour, elle se conduisoit avec une sagesse et une douceur qui la firent aimer de tout le monde. _ Est-ce un poste que d' être la Maîtresse d' un Roi?
   POSTER, placer dans un poste. Il ne se dit bien que dans le 1er sens de ce subst. "Poster des troupes. On les posta avantageûsement. = Dans le second sens, on ne le dit que dans le style familier: "On l' a bien posté: il méritait d' être mieux posté. _ Dans le style simple même, on doit dire placé.

POSTÉRIEUR


POSTÉRIEUR, EURE, adj. POSTÉRIEUREMENT, adv. POSTÉRIORITÉ s. fém. [2e é fer. 4e lon. au 2d et au 3e, dont la 5e e muet.] Ils se disent de ce qui est aprês, dans l' ordre des tems, comme antérieur, etc. exprime ce qui est avant. L' adj. et l' adv. régissent la préposition à: Son droit est postérieur au mien; votre hypothèque est postérieure à la mienne. "L' invention de la poûdre est postérieure à cette époque. Cela est arrivé postérieurement à ce que vous dites. = Postériorité de date, de tems, d' hypothèque. _ Il ne se dit que dans ces phrâses.
   POSTÉRIEUR a un autre sens, que postérieurement et postériorité ne partagent pas. Qui est derrière. "La partie postérieure de la tête.

POSTÉRITÉ


POSTÉRITÉ, s. f. [2e. et dern. é fer.] 1°. En parlant des particuliers, suite de ceux qui viènent d' une même origine. Descendans. "La postérité d' Adam, d' Abrahain. "Il a laissé une nombreûse postérité. "Il est mort sans laisser de postérité. = 2°. En parlant en général; tous ceux qui viendront aprês ceux qui vivent. "Transmettre son nom à la postérité. Écrire pour la postérité. "Vouloir plaire à son siècle est souvent une raison pour déplaire à la postérité. MARIN.

POSTFACE


*POSTFACE, s. f. Mot burlesque. Avertissement, qui est à la fin d' un livre, comme préface se dit de celui qui est au commencement. "Ce que M. P... vous a apris du mérite de son Poème dans ses volumineuses préfaces, postfaces, avertissemens, etc. Ann. Lit.

POSTHUME


POSTHUME, adj. et subst. [Postume: dern. e muet.] Au propre, qui est né aprês la mort de son père: un ou une fille posthume. C' est un posthume. = Au figuré, qui a paru aprês la mort de l' Auteur: "Ouvrage posthume.
   Rem. Ce terme se raporte toujours au défunt, mais activement: c' est ce qui est émané de lui qui est posthume. Ling. Ainsi, comme adoption a un sens passif, le terme de posthume ne lui convient pas. M. D' Alembert a donc eu tort de dire que l' adoption de Molière, faite par l' Académie, était une adoption posthume, parce qu' elle avait été faite aprês sa mort. Si adoption avait un sens actif, elle voudrait dire que l' Académie serait morte, et qu' elle aurait adopté Molière par un codicille. Les oeuvres d' un Auteur, imprimées aprês son décês, sont des OEuvres posthumes; mais le jugement qu' en portent des critiques vivans, n' est pas un jugement posthume. = Fontenelle dit aussi de Descartes, qu' il n' a reçu que des honneurs posthumes. Cette phrâse pèche par le même endroit que celle de M. D' Alembert; car ceux qui rendent ces honeurs à Descartes ne sont pas morts.

POSTICHE


POSTICHE, adj. Ce mot signifie ce qui est fait et ajouté aprês coup: "Les ornemens de ce portrait sont postiches. = Il se dit aussi~ de ce qui est ajouté, et ne convient point, comme, cet épisode est postiche. L. T. On apèle de faûsses dents et de faux cheveux, des dents postiches, des cheveux postiches. Id.

POSTILLE


*POSTILLE, s. f. Vieux mot, d' où est venu le mot apostiller. On le disait sur-tout des notes marginales de la Bible.

POSTILLON


POSTILLON, s. m. [Posti-glion: mouillez les ll.] Valet de poste, qui conduit ceux qui courent la poste. C' est de là que lui vient son nom. = Par extension, on l' a dit du valet qui monte sur un des chevaux de devant d' un atelage; puis de celui qui mène une chaise de poste, un cabriolet ou autre chaise roulante.

POSTPOSER


*POSTPOSER, v. act. Ce verbe est tout latin, dit Andry: il est bon de ne point s' en servir. Bayle l' a employé: "Postposer l' honêteté à l' utilité. Il faut dire, préférer l' utilité à l' honêteté.

POST-SCRIPTUM


POST-SCRIPTUM, s. m. [Postkriptome, et non pas toun: l' e sur-ajouté à l' m fort muet.] Ce qu' on ajoute à une lettre ou à un mémoire aprês l' avoir écrit. On met en abrégé: P. S. = Quelques-uns disent post--scrit, voulant franciser ce mot, emprunté du latin. Le Rich. Port. le met, et ajoute que post-scriptum est plus usité. L' Acad. ne met pas postscrit.

POSTULANT


POSTULANT, ANTE, s. m. et fém. POSTULATION, s. f. POSTULER, v. act. [3e. lon. aux deux premiers, é fermé au dern. lan, lante, la-cion, lé.] Postuler, c' est demander avec instance. "Postuler un emploi, une place dans une maison religieûse, etc. = Au Palais, il se dit d' un Procureur, qui fait toutes les procédûres dans une afaire. = Postulant se dit dans les deux acceptions; mais dans la première, on ne le dit guère au sing. que des places dans les maisons religieuses. On dit bien, il y avait bien des postulans pour cette charge; mais on ne dit point il est postulant pour cette charge, comme on dit en parlant d' un Religieux ou d' une Religieuse; il a été long-tems postulant: elle est postulante depuis long-tems. = Dans plusieurs couvens de Filles, on dit prétendante. = On apèle Avocat Postulant, celui qui a la faculté de faire fonction de Procureur. = Postulation ne se dit qu' au Palais. Fonctions d' un Procureur qui postule dans une afaire, pour une partie.

POSTûRE


POSTûRE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] Au propre, situation où se tient le corps. Postûre comode ou incomode; libre, ou contrainte; indécente, ridicule, ou modeste, respectueuse. "Plusieurs sont ou se tiennent dans l' Église, dans une postûre indécente. = Se mettre en postûre de faire est une phrâse qu' on traite de barbâre dans le Dict. Néol. L' Acad. la met sans remarque. Je la crois bone pour le discours familier~. Quelques Auteurs l' ont employée. "Il se mit en postûre de l' empêcher. D' Avr. "Les Bretons se mirent en postûre de venger leur souverain. Hist. d' Angl. _ Se mirent en devoir aurait été une expression plus noble et plus convenable. = Au figuré, État où est quelqu' un par raport à sa fortune. "Il est en bone postûre à la Cour; auprês de ce Prince. Il y est en mauvaise postûre. "La joie que j' avois de me voir en si bone postûre, me rendit la physionomie plus vive encôre. Mariv.
   Rem. Postûre, atitude, (synon.) Le 1er marque la position, et le 2d la contenance... La postûre a toujours quelque chôse qui, sortant de la nature du corps, se fait remarquer: l' atitude est l' expression naturelle du caractère, de l' état actuel de l' âme... Les Baladins font des postures ridicules pour exciter le rire: les Acteurs prènent des atitudes pour représenter leur personage, etc. Extr. des Synon. Fr. de l' Ab. Roubaud.

POT


POT, s. m. [Le t final se prononce excepté devant une consone: un pot, pot-à-l' eau; pot de vin: on ne le prononce pas dans la dernière phrâse.] 1°. Sorte de vâse de terre ou de métal, servant à divers usages. = 2°. Une mesûre des liquides, qui contient deux pintes. = 3°. Pris absolument, le vâse où l' on met bouillir la viande. = 4°. Pot-en-tête. Casque, habillement de tête d' un homme de guerre.
   Rem. POT (n°. 1°.) a divers sens, suivant qu' il régit à ou de. Un pot à fleurs est un pot propre à mettre des fleurs: un pot de fleurs est un pot où il y a des fleurs. Pot à confitûres, destiné à mettre des confitûres: pot de confitûres, où il y a des confitûres. Pot à l' eau (* et non pas pot à eau: celui-ci est un gasconisme) pot destiné à mettre de l' eau: pot d' eau, ce que contient un pot à l' eau, ou la mesûre d' un pot d' eau (n°. 2°.) etc.
   POT fournit à plusieurs expressions proverbiales. = Quand les faibles luttent contre les puissans, on dit: c' est le pot de terre contre le pot de fer: allusion à une Fable de La Fontaine. = Payer les pots câssés, réparer le domage, ou avoir à s' en repentir. = Découvrir le pot aux rôses, les sotises ou les intrigues secrètes. = Doner dans le pot au noir, dans le piège. = Tourner autour du pot, user de circonlocutions. = Être à pot et à rôt chez quelqu' un, y être comme chez soi. = N' en pas mettre plus grand pot au feu: ne pas faire plus de dépense. Il se dit au figuré comme au propre. "La Duchesse de V... est favorite chez MADAME: Elle n' en met pas plus grand pot au feu, pour l' esprit et pour la conversation. Sév. = On dit, d' un homme, qui a la voix câssée, qu' il parle comme un pot câssé; d' une maison où tout manque, qu' il n' y a, ni pot, ni écuelles. = Ce n' est pas par-là que le pot s' enfuit: ce n' est pas là le défaut qu' on peut reprendre dans cette persone, ou, ce n' est pas par-là que l' afaire peut manquer.
   Pot-à-feu: pot de fer rempli d' artifice, dont on se sert à la guerre. = Pièce de feu d' artifice, faite en forme de pot.
   Pot de vin, ce qui se done par manière de présent, au delà du prix qui a été arrêté entre deux persones pour un marché.
   Pot-pouri, au propre, diférentes sortes de viandes assaisonées et cuites ensemble avec diverses sortes de légumes. Au figuré, ouvrage d' esprit, composé du ramâs de plusieurs chôses, sans ordre, sans liaison et sans choix. St. famil. critique.
   Vieux pot pourri de prose délabrée.

POTABLE


POTABLE, adj. Qui se peut boire. "Ce vin n' est pas excellent, mais il est potable. "Ce vin est mauvais: il n' est pas potable. = Or potable, or rendu liquide, et qu' on peut boire. C' est une des chimères des Alchimistes.

POTAGE


POTAGE, s. m. Du bouillon avec des tranches de pain trempées dedans. "Potage aux choux, aux oignons, aux herbes, etc. * Plusieurs disent habituellement potage pour soupe, et même pour bouillon. M. Desgrouais l' a remarqué dans ses Gasconismes corrigés. En priant quelqu' un à dîner, ils disent: "Faites-moi l' honeur de venir manger mon potage. Il faut dire, ma soupe. = Pour tout potage, adv. En tout: "Il ne rencontra pour tout potage, etc. La Fontaine. Il n' a eu pour tout potage que mille écus. L' Académie traite cette locution de populaire.

POTAGER


POTAGER, s. m. et adj. [Potagé: 3e é fer.] 1°. Foyer élevé, pratiqué dans une cuisine, pour y dresser les potages. = 2°. Jardin destiné pour y cultiver toute sorte d' herbages, de légumes et de fruits. = Adj. "Jardin potager. _ Herbes potagères, qu' on cultive dans un jardin potager.

POTE


POTE, adj. fém. On ne le dit qu' avec main. Grosse et enflée et dont on ne saurait s' aider que mal aisément. "Il a la main, ou une main pote. Et, proverbialement: il n' a pas les mains potes, quand il faut recevoir de l' argent. {C223a~}

POTEAU


POTEAU, s. m. [Poto: 2e dout. elle est longue au pluriel: poteaux.] 1°. Pièce de bois, dont on fait des cloisons, et aûtres pareils ouvrages. = 2°. Pièce de bois posée en terre pour divers usages. "Atacher un criminel à un poteau. Mettre des poteaux dans une rûe, pour empêcher les cârosses de pâsser. "Poteaux pour marquer les chemins, etc.

POTÉE


POTÉE, s. f. [2e é fer. et long, 3e e muet.] 1°. Ce qui est contenu dans un pot. "Une potée d' eau. = Proverbialement: éveillé comme une potée de souris, se dit d' un enfant fort gai et remuant. = 2°. Potée d' étain; étain calciné, qui sert à polir. On dit aussi, potée d' émeri, et potée tout seul, en termes de Fondeur.

POTELÉ


POTELÉ, LÉE, adj. [2e e muet, 3e é fer. long au 2d.] Grâs et plein. "Enfant; brâs potelé: jouës, mains potelées. Il ne se dit que des enfans et des jeunes persones.

POTENCE


POTENCE, s. f. [Potance; 2e lon. 3e e muet.] 1°. Assemblage de trois pièces de bois, dont l' une est posée debout, l' aûtre est mise dessus en travers, et la troisième est entée dans la première, pour soutenir la seconde. = 2°. Instrument servant au suplice des criminels que l' on pend. Voy. GIBET. = Gibier de potence, scélérat. = 3°. Potences, au pl. deux longs bâtons, traversés par en haut par un aûtre bâton fort court, dont un homme faible ou estropié se sert pour marcher, en les mettant sous les aisselles. "Marcher avec des potences.

POTENTAT


POTENTAT, s. m. [Potanta: 2e lon.] Celui qui a la puissance souveraine dans un grand État. "Tous les Potentats de l' Europe. "C' est un des plus grands Potentats (st. soutenu.)

POTERIE


POTERIE, s. f. POTIER, s. m. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] La poterie se dit de toute sorte de pots de terre. "Faire, vendre, acheter de la poterie. = Potier tout seul se dit de celui qui fait toute sorte de vaisselle de terre. = Pour celui qui fait et vend de la vaisselle d' étain, on dit potier d' étain.

POTION


POTION, s. f. [Po-cion.] Terme de Médecine. Boisson, breuvage. "Potion cordiale.

POTIRON


POTIRON, s. m. Espèce de grôs champignon. = Sorte de citrouille toute ronde.

POU


POU, s. m. [Monos. dout. long au plur. poux.] Vermine qui s' atache sur-tout aux cheveux et à la tête des enfans et des gens mal--propres. "Il est plein de poux, mangé de poux; les poux le mangent. {C223b~}

POUACRE


POUACRE, s. m. [Poua-kre: 2ee muet.] Terme populaire et de mépris. Salope, vilain. "C' est un pouacre, un vilain pouacre. "Il faut être bien pouacre, pour faire de ces saletés là.

POUCE


POUCE, s. m. [Pou-ce: 2e e muet.] 1°. Le plus grôs des doigts de la main. = 2°. Mesûre qui est de douze lignes, et la douzième partie d' un pied. = Pouce d' eau, la quantité d' eau qui s' écoule par une ouvertûre d' un pouce de diamètre. = On dit proverbialement, serrer les pouces à quelqu' un; lui faire quelque violence, pour lui faire avouer ce qu' on veut savoir. = Il s' en mordra les pouces (On dit plus comunément les doigts) il s' en repentira. = Jouer du pouce; compter de l' argent. = J' aimerais autant baiser mon pouce, se dit d' une chôse dont on ne se soucie guère. = n' avoir pas un pouce de terre: n' avoir aucun bien fonds. = Quand quelqu' un abûse de la liberté qu' on lui done, on dit: si on lui en done un pouce, il en prendra long comme le bras.

POUDING


POUDING, s. m. Mot anglais, naturalisé en France. Mets composé de mie de pain, de moelle de boeuf, de raisins de Corinthe et d' autres ingrédiens.

POûDRE


POûDRE, s. f. POUDRER, v. act. POUDREUX, EûSE, adj. POUDRIER, s. m. [1re lon. au 1er, 2e e muet au 1er, é fer. au 2d et au dern. lon. au 3e et au 4e. dre, dré, dreû, dreûze, drié.] Poûdre est 1°. poussière: il y a beaucoup de poûdre à la campagne. = 2°. Il se dit de diverses compositions médicinales, desséchées et broyées: poûdre purgative, etc. = 3°. Ce qu' on met sur l' écriture pour la sécher. = 4°. Amidon pulvérisé, pour dégraisser les cheveux. = 5°. Composition de soufre et de salpêtre mélés avec du charbon, dont on charge les armes à feu.
   REM. Poûdre (n°. 1°.) se dit plus en vers et dans le haut style, que dans le style familier. "Il le jette sur la poûdre, et coûvre ses yeux d' une éternelle nuit. Mde. Dacier, Iliade. Quoique dans un poème en prôse, j' aimerais mieux poussière que poûdre en cet endroit, et avec le verbe jeter. Avec mettre et réduire, il vaut mieux.
   Il parle, et nous voyons leurs Trônes mis en poudre.
       Rouss.
  Le corps né de la poûdre, a la poûdre est rendu.
      L. Racine,
  Mais veux-tu, prês d' Elis, dans un torrent de poûdre,
  Guider un char plus prompt, plus brûlant que la foudre.    De Lille.
Poûdre est plus poétique que poussière, précisément parce qu' en ce sens il est moins usité en prôse. Dailleurs souvent la rime lui fait doner la préférence. Dans le style simple, j' aimerai toujours mieux dire, la poussière et le soleil, que la poûdre et le soleil, comme dit la Bruyère. Voy. POUSSIèRE.
   On dit, d' un homme qui a peu d' esprit, qu' il n' a pas inventé la poûdre: on sous-entend, à canon. "Votre Président me voit quelquefois. Je ne crois pas que ce soit lui qui ait inventé la poudre à canon et l' Imprimerie. Sév. Voy. MOINEAU et PLOMB. = "Où sont, parmi les hommes, les génies brûlans dont vous nous parlez, dit M. Marmont. à J. J. Rousseau: en voulez-vous former une République? Qui les gouverneroit, bon Dieu! Le monde moral seroit un magasin à poudre.
   POUDRER ne se dit que dans le sens du n°. 4°. Couvrir les cheveux de poûdre. = Poudreux, dans le sens du n°. 1°. Plein de poûdre, de poussière. "Habit, chapeau, souliers poudreux: tapisserie toute poudreuse. = Poudrier se dit, et de celui qui fait de la poûdre à canon; et d' une petite boîte où l' on met de la poûdre (n°. 3°.) pour sécher l' écritûre. = Trév. et le Rich. Port. le disent aussi de celui qui fait et vend de la poûdre parfumée. On dit, ce me semble, parfumeur, en ce sens. = On done, sur mer, ce nom aux horloges de sâble. = Plusieurs enfin, apèlent de la sorte une boîte ou un sac où l' on met de la poûdre à poudrer. L' Acad. ne met que les deux premiers sens. = *POUDRIèRE, magasin à poûdre. Chambre où l' on se poûdre. Ce sont des mots de Province.

POUFFER


POUFFER, ou POUFER, v. n. On dit, (style famil.) Poufer de rire, pour éclater de rire. C' est tout l' usage de ce mot. "Ses bons mots faisaient pouffer de rire toutes les Soeurs. Th. d' Éduc.

POUILLES


POUILLES, s. f. pl. POUILLER, v. act. [Pou-glie, glié: mouillez les ll: 2ee muet au 1er, é fer. au 2d.] On apelle pouilles, des injûres grossières. Pouiller, c' est dire des pouilles à quelqu' un. "Il lui a chanté pouilles: il lui a dit mille pouilles. "Il l' a étrangement pouillé. "Ils se sont pouillés l' un l' aûtre. = L' Acad. dit du substantif, qu' il est du st. fam. et du verbe, qu' il est populaire.
   POUILLÉ, s. m. [Pou-glie: mouillez les ll: 2e é fer.] État et dénombrement de tous les bénéfices, qui sont dans un Diocèse.

POUILLEUX


POUILLEUX, eûse, adj. POUILLIER, s. m. [Pou-glieû, glieû-ze, glié: mouillez les ll: 2e lon. aux 2 prem. é fer. au 3e.] Pouilleux, qui a des poux, ou qui est sujet aux poux. "Enfant pouilleux, tête pouilleûse. = Pouillier est un terme de mépris. Méchante hôtellerie. "Ce n' est qu' un méchant pouillier. = Quelques-uns disent pouillis. Acad.

POULâILLE


*POULâILLE, s. f. C' est un mot de Rousseau le Poète: il le dit pour volâille.

POULâILLER


POULâILLER, s. m. [Poulâ-glié: 2e lon. 3e é fer. Mouillez les ll. = Quelques-uns écrivent poulaillier. Pluche met poulalier: il ne mouillait donc pas les ll.] Il se dit et du lieu où les poules se retirent la nuit; et de celui qui fait métier de vendre de la volâille. = On dit, proverbialement, d' un homme qui se met au hasard de gâgner ou de perdre beaucoup, qu' il veut être riche marchand, ou pauvre poulâiller.

POULAIN


POULAIN, s. m. [Pou-lein.] Cheval nouveau-né. On done ce nom aux chevaux, jusqu' à l' âge de trois ans.

POULAINE


POULAINE, s. f. [Pou-lène: 2eè moy. 3e e muet.] Terme de Marine. Pièces de bois, terminées en pointe, qui sont à l' avant du vaisseau.

POULARDE


POULARDE, s. f. POULE, s. f. POULèT, s. m. POULETTE, s. f. [Pou-larde, le, lè, lète: 2e e muet au 2d, è moy. aux deux dern.] Poule, oiseau domestique, la fémelle du coq. "Poule qui pond, qui coûve, qui glousse. Mettre une poule au pot. = On done aussi ce nom à la plupart des fémelles volatiles, mais en y ajoutant le nom de l' espèce. Poule faisane, poule d' inde, poule d' eau, etc. = On dit, en st. prov. faire le cul de poule, avancer les lèvres. = Tâte-poule; celui qui se mêle trop du ménage. = Ce n' est pas à la poule à chanter devant le coq: une femme ne doit point se méler de décider en présence de son mari. = Chair ou peau de poule, peau qui n' est pas lisse, et qui a des élevûres pareilles à celles qui paraissent sur la peau d' une poule plumée. On dit, figurément, st. fam. d' une chôse qui fait frissoner, qu' elle fait venir la peau ou la chair de poule.
   POULARDE, jeune poule engraissée. = Poulèt, le petit d' une poule. = Fig. style fam. Billet de galanterie. Il vieillit et l' on ne le dit guère plus. = Poulette, jeune poule qui n' a pas encôre pondu: aûtrement on dit, poularde.

POULICHE


POULICHE, s. f. C' est le féminin de poulain. Cavale, jusqu' à trois ans.

POULIE


POULIE, s. f. [2e lon. 3ee muet, Pou-li--e.] Roûe, dont la circonférence est creusée en demi-cercle, et sur laquelle pâsse une corde pour élever ou pour descendre des fardeaux. "La poulie d' un puits, d' un grenier.

POULINER


POULINER, v. n. Mettre bâs, en parlant d' une cavale. "La jument a pouliné.

POULINIèRE


POULINIèRE, adj. f. [3e è moy. et long, 4e e muet.] Il ne se dit qu' avec jument. Cavale, qui sert ordinairement à porter des poulains.

POULMON


POULMON: Voy. POUMON.

POULPE


POULPE, s. f. POULPETON, s. m. [L' l ne se prononce point: 2e e muet: pou-pe, peton.] Poulpe, ce qu' il y a de plus solide dans les parties charnûes de l' animal. = Chair de certains fruits: "La poulpe du coco. "Poulpe blanche et épaisse. Rayn.
   POULPETON, ragoût fait de viandes hachées, recouvertes de tranches de veau.

POULS


POULS, s. m. [On ne prononce point l' l: pou, monos. Devant une voyèle pouz.] Mouvement des artères, qui se fait sentir à plusieurs endroits du corps, et particulièrement vers le poignet. "Avoir le pouls fort ou faible, réglé ou déréglé, etc. Tâter le pouls d' un malade, ou à un malade. = Fig. st. famil. Tâter le pouls à quelqu' un, c' est tâcher de découvrir sa pensée, ou éprouver son savoir. Leibnitz l' a employé dans ce dernier sens: "Pour tâter un peu le pouls à nos analystes anglois, ayez la bonté de leur proposer ce problème. Voy. TâTER. = Le pouls lui bat: il a peur. = Se tâter le pouls: consulter ses forces avant que de rien entreprendre.
   Je sonde ma portée, et me tâte le pous.

POUMON


POUMON, s. m. [Pou-mon.] Le principal organe de la respiration dans l' animal. "Les lobes du poumon. "Maladie, inflamation, hydropisie du poumon. "Cracher son poumon. ou ses poumons: il ûse son poumon, ou il s' ûse le poumon, à force de crier. = Avoir de bons poumons, la voix forte. = Il l' a emporté dans la dispute par la force de ses poumons, plutôt que par la force de ses raisons.

POUPARD


POUPARD, s. m. [On ne prononce point le d.] Terme de nourrices. Enfant au maillot. "Joli, beau, grôs poupard.

POUPE


POUPE, s. f. [2e e muet.] L' arrière d' un vaisseau. "Aller de poupe à proûe. Avoir le vent en poupe, se dit au propre et au fig. st. fam. Dans ce dernier emploi, c' est, être en faveur, en prospérité; réussir, être protégé.

POUPÉE


POUPÉE, s. f. [Pou-pé-e: 2e é fer. 3e e muet.] Petite figûre humaine, qui sert de jouet aux enfans. Poupée de bois, de plâtre, de cire, de carton. = Figurément, st. famil. on dit, d' une petite persone fort parée, que: c' est une vraie poupée; d' une jeune persone, qui a le visage mignon et coloré, que: c' est un visage de poupée; d' un homme qui prend plaisir à enjoliver un cabinet, une petite maison, etc. qu' il en fait sa poupée.

POUPELIN


POUPELIN, s. m. [Pou-pe-lein: 2ee muet.] Pièce de four, qu' on fait imbiber dans du beurre avec du sucre.

POUPIN


POUPIN, INE, adj. POUPON, ONE, s. m. et fém. [Pou-pein, pine, pon, pone: dern. e muet au 2d et au dern.] Poupin, qui est d' une propreté afectée. "Il est extrêmement poupin. _ Faire le poupin, st. famil. = Poupon, one, jeune enfant, jeune fille, qui a le visage plein et potelé. "Joli petit poupon: jolie poupone.

POUR


POUR, prép. Cette préposition sert à marquer, ou la fin et l' objet qu' on se propôse dans ce qu' on fait: travailler pour le bien public; étudier pour son instruction; ou le motif et la caûse qui fait agir: Dieu a tout fait pour sa gloire: doner l' aumône pour l' amour de Dieu; ou, l' usage auquel une chôse est destinée: fonder un Hopital pour les malades: il a tant à dépenser pour sa table; ou, à quoi une chôse est propre: cheval bon pour le carrosse. = Il est quelquefois oposé à contre, et il a le sens de en sa faveur: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? = Quelquefois aussi, il a le sens de, eu égard, par raport à: "La cour est trop petite pour la maison. = Il sert à marquer échange: doner l' un pour l' aûtre. = Il a le sens d' au lieu, en la place de: "J' y irai pour vous: il sert pour moi; ou de, comme, de même que: "Je vous done pour sûr: je le paye pour bon; ou de, en qualité de: "Il l' a pris pour laquais; ou de, à caûse de: "On l' a puni pour ses crimes, ou de, quant à: "Pour moi je dis, etc. "Pour moi je ne m' en mets pas en peine: "Pour les étrangers, il les recevoit avec bonté. Télém. _ * Marivaux faisant parler un paysan, fait régir à pour la prép. à: "Pour à de l' argent, j' y rêve comme au Mogol. On dirait, en voulant parler correctement: "Pour ce qui est de l' argent, je n' y pense pas plus qu' au grand Mogol. = Pour s' unit mieux à ces quatre prépositions, aprês, dans, devant, derrière: "Ce sera pour aprês le dîner; pour dans quinze jours: celui-ci est destiné pour devant la porte; cela est pour derrière le lit, etc. = Il s' associe aussi avec beaucoup, peu, rien, jusque, quand: "Pour lors, les Soldats étoient pour beaucoup (dans un combat naval), et les gens de l' art (les Marins) pour peu. À~ présent les Soldats sont pour rien, ou pour peu; et les gens de l' art pour beaucoup. "Le Roi est à Marli pour jusqu' à samedi. Mde de Coul. "M. de Langlée gardez ces familiarités pour quand vous jouerez avec le Roi. Sév. Bon mot du Comte de Grammont. _ Pour lors: alors. "Pour lors nous verrons ce qu' il y aura à faire. = Joint à un verbe, il régit l' infinitif, ou que avec le subjonctif: "Il fait cela pour avoir de l' argent. "Pressez-vous pour que vous reveniez plutôt. Il signifie alors afin que. * Quelques-uns même les joignent ensemble, et disent: pour afin que vous reveniez plutôt. C' est un barbarisme grossier.
   Rem. Pour ne doit régir l' infinitif que lorsque cet infinitif se raporte au sujet de la phrâse, au nominatif du verbe précédent. Aûtrement il faut se servir de que avec le subjonctif.
   Elle a, pour le blâmer, une trop juste cause.
       Corn.
  Je venois te chercher pour servir mon amour.
      Mol.
Il faut, du moins en prôse, dire, pour qu' on la blâme; pour que tu serves. = D' Olivet reprend la même faute dans Racine:
   Qu' ai-je fait, pour venir accabler, en ces lieux,
   Un héros, sur qui seul j' ai pu jeter les yeux?
Qu' ai-je fait, dit Axiane, pour que vous veniez, vous Alexandre, acabler, etc. Il ne s' agit pas de savoir si pour que ferait ici un bon éfet: il s' agit seulement de faire sentir l' équivoque, qui est dans la phrâse de Racine, où l' on croit que ces mots, pour venir, regardent la persone qui dit, qu' ai-je fait? D' OLIV. = M. Racine le Fils dit sur cette Remarque, que pour venir est une ellipse; et qu' on doit aprouver en vers tout ce qui contribûe à~ la vivacité, sans nuire à la clarté. On pourrait grandement abuser de cette dernière maxime. Il est beaucoup d' expressions, qui contribuent à~ la vivacité, sans nuire à la clarté, et qui ont un air sauvage, parce que l' usage n' y a pas acoutumé. Dailleurs, três-souvent ce faux raport du verbe régi au sujet de la phrâse, y jète non-seulement de l' obscurité, mais de l' équivoque et un contre-sens. Quand M. l' Ab. Millot dit, dans un de ses Discours Académiques: "Le Créateur se fait sentir à l' intelligence humaine, pour lui rendre hommage, il semble que c' est le Créateur, qui veuille rendre hommage à sa créature. S' il avait dit: pour qu' elle lui rende hommage, il n' y aurait eu ni contre-sens, ni équivoque. = Pour que, aprês assez et trop, ne date que du tems de Vaugelas; et Bouhours dans ses Remarques Nouvelles, ne l' admet que pour la conversation; mais depuis on l' a dit et on l' a écrit sans dificulté. "Il est assez riche pour que cette dépense ne puisse l' incomoder; il est trop puissant pour qu' on puisse l' ofenser impunément. "Je ne suis pas assez heureux; ou, je suis trop malheureux pour qu' un tel bonheur m' arrive. = Pour avec l' infinitif, se met quelquefois au lieu de parce que. "Vertus, qui commençoient à se faire remarquer, pour n' être plus si communes parmi les Romains. Révol. Rom. C. à. d. parce qu' elles n' étaient plus si communes.
   POUR demande le même ordre dans la construction de son régime actif et de son régime passif, c. à. d. du mot qui le régit, et de celui qu' il régit lui-même. Si le premier verbe est à l' actif, le second ne doit pas être au passif. On dira: je vous cherchais pour vous mener au concert, et non pas pour être mené, si c' est moi qui vous dois mener; et si c' est vous qui devez me mener, on dira: pour que vous me meniez. Il faut dire, au contraire: je fus poursuivi tout le jour pour être présenté à cette assemblée, et non pas pour me présenter. Cette remarque paraitra peu nécessaire, tant cette construction semble naturelle. Cependant, plusieurs en emploient une toute contraire. Fleury a dit, par exemple: "St. Athanase étoit alors dans le désert, persécuté et cherché pour le faire périr. H. Écl. Il falait, persécuté par de cruels énemis, qui le cherchaient pour le faire périr. = On peut faire la même observation sur pour, régi par le v. être, impersonel. "Montesquieu avoit déjà doné le Temple de Gnide, dit M. l' Ab. de Fontenai; et il seroit fâcheux pour lui de ne l' avoir pas fait. _ Je voudrais dire, qu' il ne l' eût pas fait. = Quand pour régit l' infinitif, il ne doit pas en être trop séparé, et tout au plus, doit-il y avoir, entre deux, une ou deux particules, comme, pour y venir, pour en partir, pour de là passer, etc. Mais, dire, comme font certains: "Je suis venu de bone heure, pour, après avoir resté une heure avec vous, aller en tel endroit; et comme Corneille:
   Pour de ce grand hymen renverser les projets.
C' est employer une construction vicieûse. = Autrefois on ne faisait pas dificulté de mettre un adverbe entre pour et son régime. Bossuet fournit plus d' un exemple de cette construction. "Pour maintenir revenir à la confession d' Ausbourg: pour enfin s' oposer à ces désordres: pour ensuite l' embarrasser davantage.
Cette manière de construire la phrâse serait désaprouvée aujourd' hui. On mettrait l' adverbe aprês l' infinitif: pour revenir maintenant, etc.
   POUR s' unit quelquefois à des noms qu' on redouble, et se place entre deux: prix pour prix. "Dangers pour dangers. Il valait mieux que je me livrasse à ceux du lieu, où l' on me destinoit, qu' à d' autres où je périrois peut-être sans aucun fruit. Let. Édif.
   POUR s' unit aussi aux adjectifs et aux participes, dans le sens de quelque que, avec le subjonctif: "pour aimable qu' il puisse être, pour protégé qu' il soit; ou de quoique avec l' infinitif. "Pour être fété par-tout, il n' en est pas plus fier: "O céleste justice, tes vengeances, pour être lentes et tardives, n' en sont que plus terribles. Jér. Dél. C' est-à-dire, quoiqu' il soit fété, quoiqu' elles soient lentes, etc. = La Touche trouve la première manière vicieûse, et il dit que les persones qui ont quelque goût pour la langue ne peuvent soufrir ces phrâses: pour riche qu' on soit, pour belle qu' elle soit. Je doute que cela fût vrai de son tems (au comencement du siècle); mais aujourd' hui ces locutions sont aprouvées de tout le monde.
   Pour peu que régit le subjonctif: pour peu que vous le pressiez, il viendra.
   Pour est quelquefois employé seul et sans régime, quand il est oposé à contre: être pour, être contre.
   Il faut cacher sa marche et faire belle montre,
   Paroître qu' on est pour, tandis que l' on est contre.
       DUCERC.
  POUR entre dans quelques locutions, dont l' usage est douteux ou suranné. N' être pas pour faire, n' être pas capable de, ou n' être pas disposé à: "De pareils engagemens n' étoient pas pour arrêter un coeur ambitieux. "Il n' était pas pour en demeurer là. = Faire pour quelqu' un, lui être favorable: "La preuve qu' il aporte fait pour moi: elle confirme ma proposition. = En pour, en récompense, en dédomagement: "Il va le matin à l' Église; mais en pour, il va le soir à la Comédie. * Pour ce, à cause de cela, et pour ce que, parce que, sont de vieilles locutions. La seconde aurait été bone à conserver dans les ocasions, où pour ce que exprimerait mieux que par ce que le motif, qui fait parler ou agir.
   POUR, répété deux fois dans une phrâse, avec diférens régimes, ne fait pas~ un bon éfet: je suis venu pour préparer pour vous, etc. Il faut se servir alors d' afin de: "Je suis venu afin de préparer pour vous, etc. = Mais si le régime est le même, on peut le répéter, et même élégamment: "Je suis venu, pour voir, pour examiner, pour tout disposer. "J' ai tout préparé pour vous, pour votre frère, etc.

POURCEAU


POURCEAU, s. m. [Pourso: 2e dout. Elle est longue au plur. pourceaux.] C' est la même chôse que porc et cochon. Voyez ces deux mots. = On dit, d' une maison mal-propre que, c' est une vraie étable à pourceaux; et d' un homme, qui met son unique plaisir à manger, que c' est un vrai pourceau. = Jeter des fleurs ou des perles aux pourceaux (l' Acad. dit, des marguérites: c' est, ce me semble un latinisme et une vieille locution) parler de chôses savantes devant les ignorans.
   Faire là des sermons si beaux,
   C' est jeter des fleurs aux pourceaux.
       Scarron.
Cette locution proverbiale est tirée de l' Évangile.

POURCHAS


*POURCHAS, s. m. Vieux mot. Profit, avantage obtenu à force de chercher. "Ses pourchas lui valent plus que ses rentes. Trév.

POURCHASSER


POURCHASSER, v. act. [Pourchacé: 3e é fer.] Rechercher, poursuivre. Trév. et l' Acad. disent que ce mot est vieux. Il parait pourtant qu' on l' emploie encôre dans le style famil. plaisant ou critique. "Il y a long-tems que cet homme pourchasse cet emploi.

POURFENDRE


*POURFENDRE, v. act. [Pourfandre: 2e lon. 3e e muet.] Fendre un homme de haut en bas d' un coup de sâbre. = Ce verbe est vieux et ne se dit plus qu' en plaisantant. On disait aussi pourfendeur: on ne l' emploie plus que dans le burlesque.

POURFIL


*POURFIL, POURMENADE, POURMENER se sont dits anciènement pour Profil, Promenade, promener.

POURPARLER


POURPARLER, s. m. [Pour-parlé: 3eé fer.] Conférence entre deux ou plusieurs persones, pour parler d' acomodement, ou pour traiter d' afaires. "Il y a un pourparler entre, etc. "Être ou entrer en pourparler. "On entra en pourparler: mais Richard persista toujours à exiger que Sommerset fût dépouillé de ses emplois. Hist. d' Angl. "Elle détermina les Habitans à entrer en pourparler d' acomodement. Hist de Perse. "Cette cruelle, quoique juste exécution, ôta toute espérance de venir à aucun pourparler de paix. Ibid.

POURPENSER


*POURPENSER, v. neut. Ce mot est dans le Richelet. On dit seulement qu' il est un peu vieux, et ne se dit qu' en riant. "Il faut un peu pourpenser à cela. = Ce mot est aujourd' hui entièrement hors d' usage.

POURPIER


POURPIER, s. m. [Pour-pié: 2eé fer.] Plante potagère.

POURPOINT


POURPOINT, s. m. [Pour-poein: 2e lon.] Ancien habillement français, qui ne couvrait le corps que depuis le cou jusqu' à la ceintûre. = On apèle, proverbialement, le corps, le moule du pourpoint.
   De plus hupés que vous, pour ne vous flater point,
   Y laissent, bien souvent, le moule du pourpoint.
       Ducerc.
À~ brûle pourpoint, adv. Au propre, à bout portant. "Tirer un coup à brûle pourpoint. Au figuré, st. famil. crûment, grossièrement, sans ménagement. "Il le lui a reproché à brûle pourpoint. = On dit d' un homme qui devient grôs et grâs, qu' il commence à remplir son pourpoint; et de celui qui a fait un bon repâs, qu' il a bien rempli son pourpoint; et, populairement, d' un homme qu' on a mis en prison, qu' on lui a doné un pourpoint de pierre de tâille.

POURPOINTERIE


POURPOINTERIE, s. f. POURPOINTIER, s. m. [Pour-poein-terie, tié: 2e lon. 3ee muet au 1er, é fermé au 2d.] Pourpointier, tailleur d' habits. Pourpointerie, métier de pourpointier. = Ces deux mots étaient fort en usage aûtrefois, où l' on portait des pourpoints. Ils sont peu usités aujourd' hui.

POURPRE


POURPRE, s. m. et fém. [Pour-pre: 2e e muet.] Ce mot est masculin, quand il signifie une sorte de maladie maligne, qui parait au dehors par de petites taches rouges; le poisson à coquille, d' où l' on tirait une teintûre três-précieûse, et une sorte de couleur, qui est un rouge foncé, tirant sur le violet. "Ce drap, cette robe est d' un beau pourpre. = Il est féminin, quand il signifie la teintûre précieûse tirée du pourpre, et l' étofe teinte de cette couleur, en usage parmi les Anciens. = On le dit figurém. dans ce genre de la dignité royale, dont elle était autrefois la marque: La pourpre des Rois: être né dans la pourpre; et de celle des Cardinaux, qui sont habillés de rouge: la pourpre romaine.

POURPRÉ


POURPRÉ, ÉE, adj. [2e é fer. long au 2d.] De couleur de pourpre: rouge pourpré. = Acompagné de pourpre. Fièvre pourprée.

POURPRIS


*POURPRIS, s. m. Vieux mot, aûtrefois fort employé par les Poètes. Enceinte, enclôs. Gresset s' en est encôre servi.
   Jugez si toute solitude,
   Qui nous sauve de leurs vains bruits,
   N' est point l' asile et le pourpris.
   De l' entière béatitude.
   Ce mot est sonôre et poétique. Les Poètes ne devraient pas le laisser perdre.

POURQUOI


POURQUOI, conjonct. [Pour-koa.] Il sert ordinairement à demander la raison d' une chôse: Pourquoi êtes-vous venu si tard? = On s' en sert aussi, dans certaines ocasions, pour confirmer ou pour justifier ce qu' on avait dit auparavant; et alors on le fait précéder ordinairement par la prép. aussi: comme p. ex. "Aussi pourquoi se mêle-t' il de ce qui ne le regarde pas? = On l' emploie enfin sans interrogation, avec des verbes, qui marquent conaissance ou ignorance; et il régit l' indicatif, même dans la phrâse négative, ce qui est à remarquer. "Je sais pourquoi il en ûse de la sorte: je ne sais pas pourquoi il fait le dificile. = 1°. S' il y a une négation aprês pourquoi, il ne faut pas se contenter de mettre la négative ne: il faut y ajouter pas. "Pourquoi ne veniez-vous? est vicieux: il faut dire: que ne veniez-vous; ou bien, pourquoi ne veniez-vous pas? = 2°. On met quelquefois avec pourquoi l' infinitif, au lieu de l' indicatif: pourquoi être venu si tard? Pourquoi vous méler de cette afaire? = Il régit aussi les noms sans verbe: "Pourquoi ce mystère? Pourquoi tant de fracâs pour si peu de chôse? On sous-entend, faites-vous, fait-on. = Mais cela n' est bon que dans la phrâse interrogative; et je ne crois pas qu' on doive imiter l' Auteur de la phrâse suivante: "Voici pourquoi l' enchantement de l' Écrivain. Réfut. des Let. Pacif.
   Sans savoir pourquoi, espèce d' adverbe. "Parlant ainsi, il rougissoit sans savoir pourquoi. = On dit, familièrement, Il fera cela, ou il faut qu' il dise pourquoi, pour dire, il faut qu' il le fasse, il le faut absolument. "J' ai senti toute la force de la phrâse, dont s' est servi votre fils, pour cette estime, qu' il faut bien qui vienne, ou qu' elle dise pourquoi. Sév.
   POURQUOI est quelquefois employé substantivement, mais seulement dans le style simple. On dit souvent: il veut savoir le pourquoi et le comment. Mais je n' aime pas entendre dire à Bossuet: "Ne demandons point de pourquoi à Dieu. = Quand pourquoi est ainsi employé comme substantif, il est sans régime. N' imitez pas l' Auteur de l' Hist. du Droit Éclés. Fr. "On veut qu' ils devinent le pourquoi on les a arrêtés. Retranchez-le et dites, qu' ils devinent pourquoi, etc. = Voy. Substantif.

POURRIR


POURRIR, v. act. et neut. POURRITûRE, s. fém. [Pou-ri, ritûre, r forte, 3e lon. 4e e muet au 2d.] Pourrir, actif, altérer, corrompre, gâter: l' eau pourrit le bois. = Neut. s' altérer, se corrompre, se gâter. "Les fruits pourrissent, quand on les garde trop long-tems. = Quelques-uns disent, se pourrissent; mais pourrissent vaut mieux. Desgr. = On dit, Fig. style simple, pourrir dans le vice, y persister. = Membre pourri de l' État, de l' Église, mauvais citoyen; mauvais catholique, homme rebelle aux décisions de l' Église. = En st. prov. on dit, faire pourrir quelqu' un en prison, l' y tenir long-tems. _ Ne pas pourrir dans un endroit, n' y pas faire un long séjour.
   POURRITûRE, corruption, état de ce qui est pourri. "Tout ce qu' il mange se tourne en pourritûre.

POURRISSANT


*POURRISSANT, ANTE, adj. verb. Mot employé, et peut-être forgé par Pluche. Il ne fait point mal dans la phrâse où il l' emploie. "Une certaine humidité pourrissante, que les terres exhalent. Spect. de la Nat.

POURSUITE


POURSUITE, s. fém. POURSUIVANT, s. masc. *POURSUIVEUR, s. masc. POURSUIVRE, v. act. [Pour-sui-te, sui-van, sui--veur, sui-vre: dern. e muet au 1er et au dern.] Poursuivre c' est courir aprês pour ateindre. Poursuite est l' action de poursuivre. Ils se disent au propre et au figuré. "Il poursuivit les énemis pendant deux jours. Il se mit à la poursuite de l' énemi. "Poursuivre une charge, un emploi. Poursuivre un procês, une afaire. Poursuivre quelqu' un au Parlement, au Conseil. _ Poursuivre (rechercher) une fille en mariage. "Il a obtenu cet emploi, cette fille en mariage, aprês deux ans de poursuite. Il m' a chargé de la poursuite de ses afaires, etc. On dit, au Palais, faire ses poursuites; et, à la poursuite et diligence de, etc.
   POURSUIVRE a un 3e sens que poursuite n' a pas: continuer ce qu' on a comencé. "Aprês quelque interruption, il poursuivit son discours. _ V. n. "Poursuivez! Vous n' avez qu' à poursuivre.
   POURSUIVANT ne se dit point au propre: c' est, au figuré, celui qui poursuit un emploi, une fille en mariage; et, au Palais, celui qui poursuit un décret, un ordre, une distribution de deniers.
   *POURSUIVEUR est un mot du style comique-burlesque.
   Un jeune Duc, grand poursuiveur de Belles.

POURTANT


POURTANT, conjonct. [Pour-tan.] Néanmoins. Cependant. Il ne se met jamais à la tête de la période, comme ceux-ci peuvent le faire. Il se met, ou devant le verbe, lorsqu' il est précédé de la conjonction et; ou aprês, quand il est seul: "Il ne le fait pas, et pourtant il me l' avait promis. "Je crains sa vivacité: je lui ferai pourtant des reproches. = Dans les tems composés, on le met entre l' auxiliaire et le participe. "Quoiqu' il soit habile, il a pourtant fait une grande faûte. = Dans la phrâse négative, on le met entre ne et pas: "Il ne m' a pas invité: je ne laisserai pourtant pas d' y aller. _ Voy. TOUTEFOIS.

POURTOUR


POURTOUR, s. m. Terme d' Architectûre. Le tour, le circuit d' un corps. "Ce pavillon, cette colonne a tant de pourtour.

POURVOIR


POURVOIR, v. n. et act. POURVOYEUR, s. m. [Pour-voar, voa-ieur.] Le verbe se conjugue comme voir, excepté les tems suivans, l' aoriste, je pourvus; le futur, je pourvoirai; le conditionel, je pourvoirois, ou pourvoirais; et l' imparfait du subjonctif, je pourvusse. = 1°. Neutre, doner ordre à quelque chôse. "Voilà bien du désordre: il faut y pourvoir. On y a pourvu. Pourvoyez à cette afaire. La Providence pourvoit aux besoins de ses créatûres. "Pourvoyez à tenir vos armées en campagne, jusqu' à ce que la victoire et la paix les ramènent dans leurs foyers. Linguet. = Pourvoir à un bénéfice: le conférer. = Actif: Munir, garnir. Il régit l' acusatif et l' ablatif. "Pourvoir une place de vivres, de munitions. "Le Ciel l' a pourvu de mille bonnes qualités. = Conférer. "Le Roi l' a pourvu de cette charge: ce bénéfice, dont le Pape l' avait pourvu. = Avec le seul acusatif, établir par un mariage, ou par quelque charge. "Il a bien pourvu tous ses enfans. Cette fille est bien pourvûe. = Se pourvoir régit l' ablatif, le pronom se étant à l' acusatif. "Pourvoyez-vous de tout ce qui vous est nécessaire. _ Au Palais, intenter action devant un Juge. "Se pourvoir en justice, pardevant un tel Juge, au Conseil. Se pourvoir contre, etc. = Se pourvoir en Cour de Rome, demander au Pape quelque bénéfice, quelque dispense, etc.
   POURVOYEUR, a un emploi fort borné: il ne se dit que de celui qui fournit la viande, la volaille, le gibier, le poisson à un certain prix. "Le pourvoyeur d' une telle maison, d' un tel Prince. = On ne dit point le pourvoyeur d' une place de guerre, d' une charge, d' un bénéfice, etc.

POURVU QUE


POURVU QUE, conjonct. [On écrivait aûtrefois pourveu que.] À~ condition que. "Ils travailleront, pourvu qu' on les paye bien. _ Il régit toujours le subjonctif: pourvu que vous les payiez bien.

POûSSE


POûSSE, s. fém. POUSSÉE, s. f. POUSSER, v. act. [Poû-ce, pou-cé-e, cé: 1re long. dans le 1er: 2ee muet au 1er, é fer. aux deux aûtres.] Pousser, c' est, en général, faire éfort contre, pour ôter de place, pour faire avancer. "Ne me poussez pas. Pousser quelque chôse avec le pied. _ Et figurém. porter, étendre; pousser la râillerie trop loin; pousser l' impudence, la fourberie, la patience, la constance trop loin, ou jusqu' au bout. = Jeter: pousser des cris, des soupirs. = Avancer, favoriser. "C' est un tel qui l' a poussé à la Cour, dans l' Église, etc. = Ataquer, ofenser: "Si vous me poussez davantage, je serai obligé de me défendre, et vous vous en répentirez. _ On dit, en ce sens, pousser à bout. "Vous me poussez à bout. "Vous poussez à bout ma patience. = Pousser à bout, c' est aussi réduire à ne pouvoir répondre.
   POUSSER, conseiller, inciter. Il régit à devant les noms et les verbes. "On l' a poussé à cette démarche, à intenter ce procês, etc.
   POUSSER, neutre, se dit en parlant des arbres et des plantes, et du mouvement qui s' y fait au renouveau. "Les arbres comencent à pousser. "Les blés ont déjà poussé. _ En parlant des chevaux, batre des flancs par une respiration dificile. "Ce cheval poûsse beaucoup. = En parlant des murâilles, se jeter en dehors, faire ventre. "Ce mur poûsse en dehors. _ En parlant des persones, aler se porter vers, etc. "Poussons donc où le plus grand danger nous apelle. Mde Dacier. "Il poûsse à toute bride vers les vaisseaux. Idem. "Il tourna bride, et poussa contre eux. Rollin. "La Cavalerie poussa aux énemis. "Ne poussons pas plus avant, n' alons pas plus loin sur cette matière.
   On dit, en st. fig. famil. qu' un homme poûsse les beaux sentimens, pour dire qu' il fait le passioné auprês des femmes. = Pousser le tems avec l' épaule; tâcher de gâgner du tems. = Pousser la porte au nez à quelqu' un; l' empêcher d' entrer. = Pousser une botte à une persone; l' ataquer de paroles, et la presser vivement. = Pousser à la roûe, aider. "Il aurait obtenu cet emploi, si quelqu' un avait poussé à la roûe.
   POUSSÉ, ÉE, partic. et adj. "Cheval poussé de nourritûre, qu' on a trop laissé manger. = Vin poussé, qui se gâte par une chaleur qui le fait fermenter hors de saison.
   Rem. Pousser à bout, se dit des persones, et pousser à l' excès des chôses en régime. * Bossuet, dit fort bien: La Réforme poussée à bout sur la question de l' Église, etc. parce que la Réforme est mise là pour les Réformés; mais il dit mal, à mon avis, quand il dit: à force de pousser à bout la prédestination et la grâce. Je voudrais dire, pousser trop loin la doctrine de, etc. _ De même l' on a dit: les chôses sont poussées à de tels excês, que, etc. mais je ne crois pas qu' on doive dire avec le grand Homme cité: cela se pousse à de tels excès, que, etc. car on pousse les chôses, ou, elles sont poussées; mais elles ne se poûssent pas elles-mêmes. Le réciproque n' a pas ici un sens passif. Le même Auteur dit âilleurs. "La vie humaine, qui se poussoit jusqu' à près de mille ans, se diminua peu à peu. On dit bien qu' un homme qui est mort fort âgé, a poussé fort loin sa carrière; mais on ne dit pas, ce me semble, que sa carrière s' est poussée fort loin.
   POûSSE est, 1°. Les jets, les petites branches que les arbres poûssent au printems et au mois d' Août. La première, la seconde poûsse. = 2°. Maladie des chevaux, qui les fait soufler extraordinairement et batre du flanc. "Ce cheval a la poûsse. "Quand on vend un cheval, on est obligé à le garantir de poûsse, morve et courbatûre.
   POûSSE-CUL, s. m. Terme populaire, qui se dit de ceux, qui aident les Sergens à mener des gens en prison.
   POUSSÉE, action de pousser, ou éfet de ce qui poûsse. On ne le dit proprement que des voûtes, des terrasses. "Cette voûte a beaucoup de poussée. "Ces arcs-boutans ne sont pas assez forts pour soutenir la poussée de cette voûte, de cette terrasse. = En style populaire, doner la poussée à quelqu' un, c' est le poursuivre vivement, le traîner, le tirâiller. "Les Sergens lui ont doné la poussée.

POUSSIER


POUSSIER, s. m. POUSSIèRE, s. f. [Pou--cié, ciè-re: 2e é fer. au 1er, è moyen et long au 2d.] Ces deux mots signifient, dans le fond, la même chôse: terre réduite en poûdre, fort menûe: mais le premier ne se dit que de la menûe poûdre, qui demeure au fond d' un sac de charbon. Le second a un emploi plus étendu "Il fait beaucoup de poussière: il s' éleva des tourbillons de poussière. "Des livres pleins de poussière. Secouer la poussière d' un habit, de ses souliers. Mettre, réduire en poussière. "L' homme n' est devant Dieu que cendre et poussière. = On dit, élégamment, en poésie, faire mordre la poussière à un énemi, lui ôter la vie. _ Racine a dit, en ce sens, faire mordre la poûdre.
   J' ai fait mordre la poudre à ces audacieux.
       Fr. Énem.
  Pour dissiper leur ligue il n' a qu' à se montrer,
  Aussi-tot dans la poudre il les fait tous rentrer.
       Esther.
Et Rousseau, dans son Ode sur la bataille de Petervaradin:
   Il tient cette même foudre
   Qui vous fit mordre la poudre
   En ce jour si glorieux..
Le P. Marion fait aussi dire à Cromvel:
   Le Ciel a beau tonner: mais je crains peu sa foudre,
   Pourvu que sur le trône elle me mette en poudre.
Cela est bon en vers; mais en prôse, poussière est le terme propre. Voy. POûDRE. = On dit, figurément, dans le haut style, d' un homme de guerre, qui s' est trouvé dans plusieurs ocasions dangereûses, qu' il s' est couvert d' une noble poussière; et dans tous les styles, d' un homme de néant, qu' on a tiré de la nécessité, qu' on l' a tiré de la poussière. _ Jeter de la poussière aux yeux est du style figuré-médiocre: c' est éblouir~ par de grands raisonemens et de belles promesses. Plusieurs disent, jeter de la poûdre aux yeux. "Ces discours là me jetoient de la poûdre aux yeux.

POUSSIF


POUSSIF, ÃŽVE, adj. [Pou-cif, cîve: 2e lon. au 2d, 3ee muet.] Qui a la poûsse. (n°. 2°.) Il se dit, au propre, des chevaux; et par extension, d' un grôs homme qui a peine à respirer. "Cheval poussif. _ "C' est un grôs poussif; il est poussif.

POUSSIN


POUSSIN, s. m. [Pou-cein.] Petit poulet nouvellement éclôs. "La poule et les poussins. = On dit, proverbialement, d' un homme qui s' embarrasse trop de peu de chôse, qu' il est empêché comme une poule, qui n' a qu' un poussin.

POûTRE


POûTRE, s. f. [Poû-tre: 1re lon. 2e e muet.] Grôsse pièce de bois cârrée, qui sert à soutenir les solives ou les planches d' un plancher. "Poûtre de chêne, de sapin. "Écârrir une poûtre: Mettre une poûtre en place.

POUTRELLE


POUTRELLE, s. f. [Pou-trèle: 2eè moy. 3e e muet.] Petite poûtre. "Pour ce petit plancher, il ne faut que des poutrelles.

POUVOIR


POUVOIR, v. act. et n. [Pou-voar.] Je puis, (et quelquefois, je peux) tu peux, il peut: nous pouvons, vous pouvez, ils peuvent; je pouvois ou pouvais; je pus, j' ai pu, je pourrai, je pourrois ou pourrais; que je puisse, je pusse, pouvant, pu. = La conversation et la poésie soufrent je peux. Académie. = Le participe passif ne se décline jamais: on ne dit point, chôses qu' il a pues, comme on dit, qu' il a faites.
   POUVOIR, neutre: avoir la faculté de... Il régit l' infinitif sans préposition. "Je puis le faire. = V. impers. "Il peut se faire, il peut arriver que, etc. = V. act. Avoir l' autorité, le moyen, la faculté. "Vous pouvez tout sur son esprit. "Il est dificile, quand on peut tout ce qu' on veut, de ne vouloir que ce qu' on doit. Il peut bien des chôses; mais il ne peut pas celle-là. "Il peut beaucoup: je ne puis rien en cela.
   Rem. On écrivait autrefois, au prétérit: je peus, tu peus, il peut, nous peumes, vous peutes, ils peurent. On écrit depuis long-tems, je pus, etc. nous pûmes, etc. = Bossuet dans un de ses ouvrages, done à pouvoir le v. être pour auxiliaire: qui ne s' est pu faire pour, qui n' a pu se faire. L' illustre Auteur, en mettant, selon son usage, le pronom se devant le verbe régissant, et non pas devant l' infinitif régi, a été induit en erreur; car le pronom se traine toujours à sa suite l' auxiliaire être. M. Arnaud a dit aussi: je ne sais comment vous vous êtes pu promettre que, etc. Et Pluche, comment s' est-il pu faire, etc. C' est la même faûte, produite par la même erreur. = Pouvoir s' emploie à l' impératif, ou, pour mieux dire, à l' optatif, sans la conjonction que: Puissent les Dieux vous conserver à vos enfans. Télém. "Puisse votre exemple aprendre aux enfans combien il est dangereux de s' écarter de l' obéissance paternelle et du chemin de la vertu! Marin, Julie.
   On dit, dans le st. fam. n' en pouvoir plus: il ne faut pas le confondre avec ne pouvoir plus. Le 1er signifie, être fatigué, harassé; le 2d, n' avoir plus le pouvoir de faire: N' en pouvoir plus, n' est pas une expression noble. elle est à sa place dans une Fable:
   Un Lion décrépit, goutteux, n' en pouvant plus,
   Voulut que l' on trouvât remède à sa vieillesse.
       La Fontaine.
Mais quand on lit dans Bossuet: la Foi Chrétienne s' affermissoit et s' étendoit tous les jours; mais l' Empire d' Occident n' en pouvoit plus: on desirerait que cet illustre Écrivain eût choisi une aûtre expression. = N' en pouvoir mais, était, du tems de Vaugelas, une expression ordinaire à la Cour: mais il la trouvait bien bâsse. On ne peut s' en servir en écrivant, dit-il, si ce n' est en satire, en comédie, en épigramme, encôre faut-il que ce soit dans le burlesque. _ Elle est du style proverbial. Acad. = On dit, dans le st. familier: Je ne puis qu' y faire, pour, je ne sais qu' y faire. "On va crier au paradoxe: je ne puis qu' y faire: qu' on prouve que j' ai tort. Linguet. = On dit aussi, je ne puis que je ne fasse, pour, je ne puis m' empêcher de faire:
   Je ne puis qu' en cette préface;
   Je ne partage entre elle et vous,
   Un peu de cet encens qu' on recueille au Parnasse.
       La Fontaine.
Un des Auteurs des Let. Édif. ajoute pas, contre l' usage, ce me semble. "On ne peut pas qu' on ne soit affligé de voir le mêlange de leurs erreurs avec des vérités catholiques. = Avec l' infinitif, on met pas aux deux membres de la phrâse: je ne puis pas ne pas faire. MALHERBE a retranché le second pas.
   Ne peuvent pas n' être surpris.
   Il faudrait dit~ Ménage: ne peuvent pas n' être pas surpris. Et moi je dis, qu' à retrancher un pas, il faudrait que ce fût le premier. Je ne condamnerais pas Malherbe, s' il avait dit:
   Ne peuvent n' être pas surpris.
Car avec le verbe pouvoir, on retranche volontiers la négative pas, et je ne puis le faire, est tout aussi bien, et souvent mieux que, je ne puis pas le faire. = Je ne puis, joint à des verbes à l' infinitif, qui expriment l' opinion, régit la conjonction que, la particule ne et le subjonctif. "Je ne puis croire que vous ne l' ayiez trouvé. "Il ne pouvoit s' ôter de l' esprit que sa femme ne lui fut infidèle. Let. Édif. = Dans le style fam. on suprime quelquefois le verbe pouvoir dans des ocasions où le sens parait l' exiger. "Il est bon d' avoir quelqu' un avec qui se délasser. MARM. On sous-entend, l' on puisse. _ Il se peut, régit aussi que et le subjonctif: il se peut qu' il le veuille: mais j' en doute. "Pourquoi cette délicatesse te paraît-elle si étrange? _ Et comment se pourroit-il qu' elle ne me le parût pas? Font. = C' est une négligence d' employer le verbe pouvoir avec peut-être, possible, impossible. "Peut-être, avec le secours de ses amis, pourra-t-il réussir? Dites, réussira-t-il? "Il est impossible qu' on puisse s' imaginer quelle douleur lui causa cette mort. Dites: on ne peut s' imaginer, etc. Wailly. = On pourrait faire, etc. se dit quelquefois en menaçant. "Obéissez à l' Empereur, sans quoi l' on pourrait vous faire souffrir de cruels tourmens. GRIFET, Ann. Chrét. _ Cette expression n' est pas fort noble, et n' est guère bonne que dans le st. fam.
   POUVOIR, s. m. Autorité, crédit, faculté de faire. Il régit de devant les noms et les verbes. "La femme est au pouvoir du mari: "Il sied bien de mépriser les injûres, quand on a le pouvoir de s' en venger. = Pouvoir, puissance, faculté (synon.) Le 1er vient des secours ou de la liberté d' agir; le 2d, des forces; le 3e, des propriétés naturelles. "L' homme sans la grâce n' a pas le pouvoir de faire le bien (surnaturel), la jeunesse manque de sagesse pour délibérer, et la vieillesse, de puissance pour exécuter. L' âme humaine a la faculté de raisoner, et en même tems la faculté de le faire tout de travers. Gir. Synon. = Le pouvoir diminûe: la puissance s' afaiblit: la faculté se perd. "L' habitude diminûe beaucoup le pouvoir de la liberté: l' âge n' afaiblit que la puissance et non le desir de satisfaire ses passions: l' âme ne perd de ses facultés, que par les accidens qui arrivent aux organes du corps. Id. Ibid.
   Rem. 1°. Pouvoir ne se dit au pluriel, que de l' étendûe de la comission ou de l' autorité donée à des Envoyés, à des Médiateurs, à des arbitres. "Ses pouvoirs sont fort étendus. Il a pâssé ses pouvoirs. = On dit, en ce sens, pleins-pouvoirs, et l' on doit dire des pleins-pouvoirs, et non pas, de pleins pouvoirs, comme on dit des petits-maitres, et non pas de petits-maitres. "Il fit expédier des pleins pouvoirs à son frere. Hist. de France.

PRAGMATIQUE


PRAGMATIQUE, adj. et subst. [Prononcez comme s' il était écrit praghe-matike; l' e sur-ajouté très-bref.] _ Adj. Il se dit d' un Règlement fait en matière éclésiastique. "La Pragmatique Sanction de St. Louis. = S. f. L' Ordonance faite à l' Assemblée de Bourges, en 1438. "Le Concordat a révoqué la Pragmatique. = En quelques pays, Acte qui contient la disposition que fait le Souverain, concernant ses États et sa Famille. "La Pragmatique de l' Empereur Charles VI.

PRAIRIE


PRAIRIE, s. f. [Préri-e: 1reé fer. 2e lon. 3e e muet.] Mde. Dacier et le Rich. Port. écrivent prérie. Celui-ci est plus conforme à l' étymologie française (pré), mais l' usage lui est contraire. = Étendûe de terre, où croît l' herbe dont on fait le foin, ou qui sert au pâturage. Faucher l' herbe d' une prairie. Aler à la prairie, se promener dans la prairie, dans les prairies.

PRALINE


PRALINE, s. f. Amande qu' on fait rissoler dans du sucre.

PRATIC


*PRATIC, adjectif masc. La Bruyère s' est servi de ce mot. "Un Magistrat alloit, par son mérite, à la première place: il étoit homme délié et pratic dans les afaires. = peut-être eut-il mieux fait, dit Andry, de dire versé ou expérimenté. On peut retrancher peut-être, et dire, qu' il eût mieux fait. Pratic ne se dit point. L' Acad. avait dabord aprouvé ce mot en ce sens-là; mais elle écrivait pratique. Il ne se trouve plus dans les aûtres éditions du Dict. Acad.

PRATICABLE


PRATICABLE, adj. [Pratikable: 3e dout. 4e e muet. _ L' analogie demanderait qu' on écrivît pratiquable: mais l' usage est pour praticable.] Qui se peut pratiquer, qui peut être pratiqué. _ À~ en juger par la remarque du P. Bouhours, ce mot n' est pas ancien dans la langue. "Ce mot, dit-il, et son composé impraticable, se disent et s' écrivent par les persones qui entendent le mieux notre Langue: cela n' est pas praticable: tout l' arrête et lui paroit impraticable dans la Loi de Dieu: cette route n' est pas praticable, est impraticable. = On dit aussi qu' un homme est impraticable, qu' il est d' un esprit impraticable, pour dire qu' on ne saurait vivre avec lui. = Praticable se dit ordinairement avec la négative: mais il peut quelquefois s' en pâsser. "Il a employé tous les moyens praticables pour venir à bout de cette afaire.

PRATICIEN


PRATICIEN, s. m. [Prati-cien: ien n' a pas le son d' ian.] On ne le dit absolument et substantivement, que des Procureurs et des Médecins. "Ce Procureur est un grand, un habile praticien: il entend bien l' ordre et la manière de procéder en Justice. "Ce Médecin est un bon praticien, il a beaucoup d' expérience dans son art. = * Un Traducteur de Swift le dit de ceux qui mettent des règles en pratique: "L' Auteur avertit tous les Praticiens de faire atention aux préceptes qu' il leur done, et de les suivre exactement. L' Art du mensonge politique. Quand nous disons, les Praticiens, nous entendons les Procureurs, mais ce n' est pas eux que Swift a en vûe. Ce mot dans cette phrâse est un vrai anglicisme.

PRATIQUE


PRATIQUE, s. f. et adj. [Pratike; 3ee muet.] 1°. En général, il est oposé à Théorie: il se dit de ce qui se réduit en acte dans un art, dans une science. "La pratique ne répond pas toujours à la théorie. _ La pratique du Théâtre, l' art de composer des Pièces de Théâtre. = 2°. Exécution: mettre des préceptes en pratique. = 3°. Usage, coutume: "Telle est la pratique de ce pays-là. = 4°. L' expérience des chôses du monde: "La pratique des afaires. "Je n' ai aucune pratique de ces sortes d' afaires. = 5°. Au pluriel, menées, intrigues, intelligences secrètes avec des persones d' un parti contraire. Faire de sourdes pratiques. "Entretenir des pratiques avec le Comandant d' une place.
   6°. PRATIQUE, chalandise, chaland. "Ce Marchand, ce Tâilleur a bien des pratiques. "Chaland se dit plutôt des marchands, et pratique des Ouvriers. = On le dit au sing. des Procureurs, des Médecins, Chirurgiens, etc. "Ce Procureur a plus de pratique que tous ses confrères: ce Médecin, ce Chirurgien a beaucoup de pratique. = On ne dit guère en ce sens, c' est ma pratique, sa pratique: on dit une de mes ou de ses pratiques. _ C' est une bone pratique, ou une méchante pratique: il y a beaucoup ou peu à gâgner avec lui; il paye bien ou il paye mal.
   7°. PRATIQUE se dit absolument de la procédure et du style des actes, qui se font dans la poursuite d' un procês. "Il entend bien la pratique. "Ce sont des termes de pratique. = C' est de ce mot, pris en ce sens, qu' est venu le terme de praticien.
   8°. PRATIQUE, adj. Qui ne s' arrête pas à la simple spéculation, mais qui tend, qui conduit à l' action, à l' exécution. "Instruction, morale, vertu pratique. _ Géométrie pratique, etc.
   Rem. On dit, en style fam. (n°. 6°.) qu' un homme a bien de la pratique, qu' on lui done bien de la pratique, c. à. d. de l' ouvrage, de la besogne; et par manière de menace: je lui donerai bien de la pratique, de l' exercice, de l' embarrâs. = Atendre pratique, c. à. d. l' ocasion de faire quelque chôse.
   Je ne jurerois pas qu' en attendant pratique,
   Il ne divisât tout dans~ votre domestique.
       Gresset.

PRATIQUER


PRATIQUER, v. act. [Pratiké; 3eé fer.] Il a divers sens: 1°. Mettre en pratique: "Il pratique tous les devoirs du Christianisme. = 2°. Ménager une place: "J' ai pratiqué un cabinet dans ma chambre. = 3°. Fréquenter: "Pratiquer les honêtes gens. _ En ce sens, je ne crois pas qu' il se dise des persones en particulier, simplement et absolument. * Leibnitz dit: comme j' aimais un peu la chïmie, je pratiquai aussi M. Boyle. Et âilleurs: "j' y pratiquai (en France) M. Huygens. _ L' Acad. dit bien: j' ai assez pratiqué cet homme-là, pour savoir de quoi il est capable; mais il est aisé d' apercevoir la diférence de cette phrâse, d' avec les aûtres. _ Être pratiqué, en parlant des lieux, dans cette acception, régit la prép. de: "Il s' égaroit dans des lieux qui n' étoient pratiqués que des bêtes féroces. Let. Édif. = 4°. Suborner: il pratiqua quelques scélérats, pour faire cet assassinat. = 5°. Pratiquer des intelligences, se les ménager. = 6°. Exercer: "Pratiquer la Médecine, la Chirurgie. _ Et neutralement: la théorie ne sufit pas; il faut pratiquer. = 7°. L' Auteur des Réflexions y ajoute un autre sens, qui me parait peu usité: "Pratiquer, dit-il, signifie encôre arranger: "Les couleurs sont três-bien pratiquées dans cette étofe. _ L' Acad. ne done pas cette signification à ce verbe, et je ne me souviens pas de l' avoir vûe employée aûtre part que dans M. Andry.

PRÉ


PRÉ, s. m. [L' é est fer.] Prairie, terre, qui porte de l' herbe, dont on fait le foin, ou qui sert à pâturage. "Faucher un pré. "Les boeufs, les chevaux paissent dans les prés. = * On disait aûtrefois:se trouver, se porter sur le pré, se trouver au lieu assigné pour un combat singulier.
   PRÉ, syllabe empruntée du mot latin pr‘, laquelle se joint à plusieurs mots de notre Langue, et leur done un sens de supériorité, ou d' antériorité. "Prédominer, préexistant.

PRÉALABLE


PRÉALABLE, adj. et subst. [Pénult. dout. dern. e muet.] Adj. Qui doit être dit, ou fait, ou examiné, etc. avant que de pâsser outre. "Sommation préalable. Question, discussion préalable. "Pour juger du droit de.... Il est préalable de savoir, etc. = S. m. "Avant de procéder au jugement, c' est un préalable que de, etc. _ Au préalable, adv. Avant toutes chôses. On dit aussi, préalablement. "Il faut, au préalable, ou préalablement, voir si, etc. = Dans la 2de édition de son Dictionaire, l' Acad. disait, qu' au préalable est vieux: dans la dernière, elle le met sans remarque.

PRÉAMBULE


PRÉAMBULE, s. m. [Préanbule: 1re é fer. 2e lon. dern. e muet.] Espèce d' exorde, d' avant-propos. "Faire un préambule. "Sans préambule: point de préambule. = Suivant La Touche, dont j' adopte l' opinion, ce mot ne se dit guère qu' en mauvaise part. "À~ quoi tend tout ce préambule? "Je hais les faiseurs de préambules: ceux qui demandent à emprunter, ont coutume de comencer par quelque préambule. _ Il ajoute que l' Acad. n' en distingue point l' usage. _ Par les exemples qu' elle done, il paroit qu' il se dit en bien comme en mal. Elle met: long, ennuyeux préambule; préambule inutile: point de préambule, allons au fait; mais elle met aussi: préambule élégant, ingénieux, nécessaire. = * Le P. Paulian emploie ce mot adjectivement; c' est une nouveauté. "Ce sont-là plutôt des notions préambules à la physique céleste, que la physique céleste elle-même. Traité de paix entre Descartes et Newton.

PRÉAU


PRÉAU, s. m. [Pré-o; 1reé fer. plur. préaux.] Autrefois, petit pré. = Il ne se dit plus que de la cour d' une prison et de cet espace découvert, qui est au milieu du cloître des maisons Religieûses.

PRÉBENDE


PRÉBENDE, s. f. PRÉBENDÉ, ÉE, adj. PRÉBENDIER, s. m. [Prébande, dé, dée, dié: 1reé fer.] Prébende est, 1°. le revenu éclésiastique ataché à une chanoinie. = 2°. Le canonicat même. = 3°. En certaines Eglises, les bénéfices du bâs choeur. = Prébendé, qui jouit d' une prébende: "Chanoine prébendé: Chanoinesse prébendée. _ Prébendier, en certains Chapitres, Bénéficier inférieur aux Chanoines.

PRÉCAIRE


PRÉCAIRE, adj. PRÉCAIREMENT, adv. [Prékère, reman; 1re é fer. 2e è moy. et long. 3e e muet.] Qui ne s' exerce que par permission d' un aûtre. "Pouvoir, autorité, possession précaire. _ En termes de pratique: ne jouir que par précaire, à titre de précaire. = Précairement, d' une manière précaire; jouir précairement.

PRÉCAUTION


PRÉCAUTION, s. f. PRÉCAUTIONÉ, ÉE, adj. PRÉCAUTIONER, v. act. [Préko--cion: en vers, ci-on, cio-né, né-e, né: 1re é fer. 2e dout. 4e é fer. aux 3 dern.] Précaution, ce qu' on fait par prévoyance, pour éviter quelque mal, quelque inconvénient. Prendre ses précautions. "C' est une précaution nécessaire, ou inutile. Se purger, se faire saigner par précaution. = Le proverbe dit: trop de précaution nuit. = c' est aussi circonspection, ménagement. "Il est des erreurs, des préjugés, qu' on ne doit ataquer qu' avec précaution.
   PRÉCAUTIONER, prémunir. "Précautioner les Fidèles contre l' erreur. = Se précautioner; prendre ses précautions:se précautioner contre le chaud, le froid, etc.contre les maux dont on est menacé.
   PRÉCAUTIONÉ, prudent, avisé. "Homme fort précautioné. = Quelques-uns disent, précautioneux; c' est un barbarisme. = Précautioné ne se dit que des persones. "Cette aventûre le rendit encôre plus précautioné qu' il ne l' étoit auparavant. Marsolier. "Il n' est pas étonant que des gens si précautionés dans les préliminaires (en se fesant payer d' avance), dédaignent de s' ocuper des suites, (c. à. d. de la reconnoissance ou de l' exactitude de leurs cliens.) Linguet.

PRÉCÉDEMMENT


PRÉCÉDEMMENT, adv. PRÉCÉDENT, ENTE, adj. PRÉCÉDER, v. act. [Précéda--man, dan, dante, dé; 1re et 2eé fer. 3e lon. au 2d et au 3e, é fer. au dern.] Précéder, 1°. Aler, marcher devant. "Un grand nombre de gens de livrée précédoient le carrosse de l' Ambassadeur. "Il étoit précédé par ou de, etc. _ Et par raport au tems, à la date: "La musique précéda le souper. "Cet accês de fièvre avoit été précédé d' une grande lassitude. = 2°. Tenir le premier rang; avoir le pâs sur un aûtre. "Précéder en dignité, en honeur. "Les Ducs et Pairs précèdent les Marquis, les Comtes, etc.
   PRÉCÉDENT, qui précède (n°. 1°.) "Le jour, l' ordinaire précédent; l' assemblée, la séance précédente. "Dans le chapitre précédent, dans la page précédente.
   PRÉCÉDEMMENT, auparavant, ci-devant. "Comme nous avons dit précédemment. Il n' a d' usage que dans de pareilles phrâses.

PRÉCELLENCE


*PRÉCELLENCE, s. f. PRÉCELLER, v. n. Le substantif est peu usité; le verbe l' est encôre moins. Dict. Gram.

PRÉCEPTE


PRÉCEPTE, s. m. [Précèpte; 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet.] 1°. Règle, enseignement. "Les préceptes de l' art, de la Rhétorique, de la morale. Doner des préceptes; suivre les préceptes qu' on nous a donés. = 2°. Comandement. En ce sens il ne se dit que de ceux du Seigneur et de l' Église. "Les préceptes de la Loi, de l' Évangile. "Cela est de précepte. "Ce n' est pas un précepte: c' est un conseil.

PRÉCEPTEUR


PRÉCEPTEUR, s. m. PRÉCEPTORAL ou PRÉCEPTORIAL, adj. PRÉCEPTORAT, ou PRÉCEPTORIAT, s. m. [Précèpteur, toral, ri-al, tora, ri-a; 1re é fer. 2e è moy.] Précepteur, qui est chargé de l' instruction d' un enfant. "Il a doné un précepteur à son fils. Fig. "Les animaux sont les précepteurs des Hommes dans la Fâble. La Font. "Les Philosophes sont les précepteurs du genre humain. D' Ablanc. Quels précepteurs! = Préceptoral est un mot de M. Mercier. "Ce ton préceptoral (de précepteur) dans Boileau. = Préceptoriale se dit d' une prébende afectée à un Maitre de Gramaire, qui doit enseigner les jeunes Clercs. C' est aujourd' hui, presque par-tout, un titre sans fonctions. "Prébende préceptoriale. _ S. f. "Il y a dans cette Église une préceptoriale. = Préceptorat ou Préceptoriat, qualité de Précepteur. La Beaumelle a dit le 1er; il est dans le Rich. Port. Le 2e est dans Trév. et dans le Dict. Gram. _ L' Acad. ne met ni l' un ni l' aûtre.

PRêCHE


PRêCHE, s. m. PRÉCHER, v. n. et act. PRÉCHEUR, EûSE, s. m. et f. [Prê-che; 1re ê ouv. et long; 2e e muet: préché, cheur, cheû-ze: 1re é fer. 2eé fer. au 1er, longue au dern. = On écrivait aûtrefois presche, prescher, etc. on suprima ensuite l' s, et on la remplaça par l' acc. circonflexe; mais cet accent ne convient que devant l' e muet: il prêche, il prêchera, etc.] Prêche; autrefois, sermon. Aujourd' hui il n' est d' usage qu' en parlant des assemblées des Protestans, et des sermons qu' y font leurs Ministres. "Aller, assister au prêche. = Précher, instruire par des sermons. "Précher la parole de Dieu, l' évangile. Précher l' Avent, le Carême, une Octave: précher les Fidèles, les Gentils, ou aux Fidèles, aux Infidèles. = V. n. sans régime. "Il prêche bien; il prêche mal. "Vous avez préché comme un Ange, en Apôtre. "Il prêche apostoliquement, etc. = En st. fam. Faire une remontrance à... "On le prêche inutilement là-dessus. "Je l' ai préché long--tems, sans pouvoir rien gâgner sur lui. = Dans le même style, louer, vanter. "Il prêche ses exploits à tout le monde. = Précheur, qui prêche. Il ne se dit sérieûsement qu' en parlant de l' ordre des Frères Précheurs, que Bossuet apèle l' Ordre des Prédicateurs, et qu' on apèle plus comunément, les Dominicains ou les Jacobins. Hors de là, on ne le dit que par mépris des mauvais Prédicateurs. "Un paûvre précheur; et dans le second sens, un précheur éternel, un homme qui fait sans cesse des remontrances. = On dit du P. Grifet, dans l' Ann. Litt. "Lorsqu' il eut aquis les connoissances, que demande, dans cette partie, le génie le plus heureux, et que néglige la foule des Précheurs modernes, il monta dans la chaire évangélique: il y parut avec le plus grand éclat.

PRÉCIEUX


PRÉCIEUX, EûSE, adj. PRÉCIEUSEMENT, adv. [Pré-cieû, cieû-ze, zeman: 1re é fer. 2e lon. 3ee muet. = Quelques-uns écrivent prétieux avec un t; entre aûtres, l' Ab. de Houteville: c' est un latinisme d' ortographe.] Précieux: 1°. Qui est de grand prix: "Meuble précieux: étofe précieûse. Pierre précieûse. _ Fig. "Il n' y a rien de si précieux que le tems. "Votre tems vous est précieux, etc. _ Les momens sont précieux: il n' y a pas de tems à perdre. = 2°. Qui nous est extrêmement cher. "gage précieux de l' union conjugale, de l' amitié, etc. "La vie de cet homme est précieûse à sa famille, à l' État, etc. La mort des Saints est précieûse devant Dieu. = 3°. Afecté. "Air, langage, style, précieux; manières, locutions, expressions précieûses. = S. f. "C' est une précieûse. La Comédie des Précieûses ridicules. Ce mot se prenait aparemment en bone part du tems de Molière, puisqu' il ajouta à Précieûses l' adjectif ridicules; et que dans sa Préface, il distingue celles-ci des véritables précieûses: aujourd' hui il ne se dit qu' en critiquant, et l' on dit absolument les Précieûses. La Fontaine a dit, en ce sens, préciosité.
   Sa préciosité changea lors de langage.
Ce mot n' est bon que dans le comique outré, ou le satirique.
   Rem. Cet adjectif suit ou précède au gré de l' orateur ou du Poète: avantage précieux: précieux avantage: "Mon époux m' a laissé le plus précieux héritage, le goût de la médiocrité, l' habitude de vivre de peu. Marm. = Il est de trois syllabes en vers:
   Précieux jours, dont fut ornée
   La jeunesse de l' univers,
   Par quelle triste destinée
   N' êtes-vous plus que dans nos vers?
       Gresset.
= Dans le sens de cher, l' adj. précieux en a le régime, le datif. "Cette multitude de petits faits n' est guère précieûse qu' aux petits esprits.
   PRÉCIEûSEMENT, avec grand soin. "Garder, conserver précieûsement. Il ne se dit guère qu' avec ces deux verbes. "Conserver précieûsement le souvenir d' un bienfait.

PRÉCIPICE


PRÉCIPICE, s. m. [1re é fermé, dern, e muet.] Lieu fort bâs, au-dessous d' un lieu fort haut et escarpé. "Ce lieu est plein de précipices. Marcher à travers des précipices, entre deux précipices. "Être sur le bord du précipice. "Tomber dans un précipice. _ Figurément, grand malheur, grande disgrâce. "Les passions, les mauvais conseils entraînent les hommes dans le précipice.
   Et ton coeur, pétri d' artifice,
   Contre ton frère encouragé,
   S' aplaudissoit du précipice
   Où ta fraude l' avoit plongé.
       Rousseau.
"Il marche sur le bord du précipice, il tient une conduite capable de le perdre. "On l' a tiré du précipice, d' une afaire três--dangereûse. _ Ces deux phrâses sont de tous les styles.

PRÉCIPITAMMENT


PRÉCIPITAMMENT, adv. PRÉCIPITATION, s. f. [Précipitaman, ta-cion, en vers, ci-on.] Précipitation, extrême vitesse, trop grande hâte. "Marcher, courir avec précipitation. = Figurément, trop grande vivacité, que l' on a, soit à former quelque dessein, soit à dire ou à faire quelque chôse. "La précipitation gâte les meilleures afaires. "Pensez, parlez, agissez sans précipitation. = Précipitamment: avec précipitation. "Courir, agir précipitamment. "Ne faites rien précipitamment. = * Précipitément est bon, dit Vaugelas, mais précipitamment est meilleur, et j' en voudrois toujours user. On en use en éfet toujours, et l' aûtre est entièrement aboli. Ménage le traite de mot abominable. Le terme est un peu fort. _ * Le P. Giry (Vie de S. Fr. de Paule) dit précipitemment.

PRÉCIPITÉ


PRÉCIPITÉ, ÉE, adj. PRÉCIPITER, v. act. [1re et 4e é fer. tant au verbe qu' à l' adjectif.] Le verbe a deux sens: 1°. Jeter dans un lieu profond. "Précipiter un homme du haut des murâilles dans le fôssé. "Les Anges rebelles furent précipités dans les enfers. "Sapho se précipita dans la mer. _ "Le Nil se précipite, avec grand bruit, du haut des rochers. "Fleuve, torrent qui se précipite, qui tombe de haut avec rapidité. = Figurément. "Se précipiter dans le danger, dans les ocasions périlleûses, s' y exposer témérairement.
   Rem. Racine fait régir le datif à précipiter.
   Et lui-même, à la mort, il s' est précipité.
Ce régime est irrégulier. Il ne faudrait pas du moins l' employer en prôse.
   2°. Précipiter, hâter trop. "Il précipite toutes les afaires. Voy. Précipitation. = Avec pâs et cours, il a un bon sens. "Il précipite ses pâs: il marche fort vite. "Rivière qui précipite son cours, qui coule avec rapidité.
   PRÉCIPITÉ, n' a que cette seconde signification. "À~ pâs précipités: départ précipité: course précipitée. * M. De Bufon l' emploie dans un sens qui tient à la première. "Les Lapons descendent, avec ces patins, les fonds les plus précipités. C' est une acception de ce mot, peu comune et peu autorisée. = Cet adjectif, même dans son sens ordinaire, ne se dit pas, ce me semble, des persones. "L' Amérique (anglaise) ne vérifiera de long--tems les pronostics brillans que bien des spéculateurs précipités avoient cru pouvoir tirer de ses premiers efforts. Linguet. J' ai lu quelque part: des hommes précipités dans leurs jugemens, et il me semble qu' on peut le dire; mais, des hommes précipités, pour dire, qui se hâtent trop de juger, de pronostiquer, ne s' est pas encôre dit, que je sache.

PRÉCIPUT


PRÉCIPUT, s. m. Ce que le testateur ou la coutume done à un des cohéritiers par--dessus les aûtres. "Il a eu cette charge, cette maison, cette terre par préciput. = Quelques-uns confondent mal-à-propôs préciput avec avancement d' hoirie. = C' est aussi ce qu' un de ceux qui sont en comunauté (de biens) a droit de prendre avant le partage.

PRÉCIS


PRÉCIS, ISE, adj. PRÉCISÉMENT, adv. PRÉCISION, s. f. [Préci, cize, zéman, zion, en vers, zi-on. 1reé fer. 2e lon. au 2d, 3e é fer. au 3e.] Quelques-uns écrivent et prononcent, três-mal-à-propôs, précisement, avec un e muet à la 3e syllabe.
   PRÉCIS, adj. 1°. En parlant du tems; fixe, déterminé. "Au jour, au terme précis: à l' heure précise: à cinq heures précises. = Prendre des mesures précises, des mesûres justes. Au Palais, faire des demandes précises, expresses et formelles. = 2°. En parlant de style et de discours, concis, net et exact. Il se dit des persones et des chôses: "Cet homme est fort précis dans ses discours. "Ce que vous dites là est fort précis. = Précis, concis (synon.) Le premier, regarde les idées; et le second, l' expression. L' oposé du précis est le prolixe; et du concis, c' est le difus. Extr. des Synon. de M. Beauzée. Voy. CONCISION. = Précis, dans aucun des deux sens, n' aime à précéder le substantif qu' il modifie: la précise quantité d' air et d' eau, comme dit Pluche, forme une inversion dûre et sauvage.
   PRÉCIS, s. m. Sommaire, abrégé de ce qu' il y a de plus essenciel dans une afaire, dans un livre, etc. "Il nous a doné le précis de cette afaire, de ce mémoire, etc.
   PRÉCISÉMENT, exactement, sans manquer à rien. Arriver précisément au tems où on l' avait promis. Répondre précisément. Dire précisément ce qu' il faut, et rien de plus. = En style familier, il signifie quelquefois, oui, tout juste, vous l' avez deviné. "Vous parlerez de tête? _ Précisément. Th. d' Éduc.
   PRÉCISION est, 1°. exactitude dans le discours, par laquelle on se renferme tellement dans le sujet dont on parle, qu' on ne dit rien de superflu. "Il parle toujours avec une grande précision. Voy. plus haut, PRÉCIS, n°. 2°. Voy. aussi CONCISION. = 2°. Dans le Didactique, abstraction d' une chôse d' avec une aûtre. "On ne peut bien conaitre la natûre des chôses que par une précision exacte. "Ce sont là des précisions trop subtiles. "Il en raporte tous les dogmes, jusqu' aux moindres précisions. BOSS. = Dans le 1er sens, il n' a point de pluriel. "Il rencontroit de grandes obscurités dans les principes, mais il marquoit beaucoup de précisions dans les conséquences. Vie de S. Jean de la Croix. Il faut: beaucoup de précision, au singulier. _ Voy. JUSTESSE, n°. 1°. et 3°.

PRÉCISER


*PRÉCISER, v. act. Dire des chôses précises. "Tous ces faits sont vagues: elle ne précise rien. Linguet. Je ne sais si ce mot est de l' invention de ce célèbre Écrivain, ou s' il est usité au Barreau: il n' est point dans les Dictionaires.

PRÉCOCE


PRÉCOCE, adj. PRÉCOCITÉ, s. fém. [Prékoce, cité: 1reé fermé, dern. e muet au 1er, é fermé au 2d.] Précoce, mûr avant la saison. Fruit précoce. _ S. fém. Cerise qui vient avant toutes les aûtres. On a servi des précoces. Cerisier précoce, qui porte des précoces. Voy. HâTIF. = Fig. dont il n' est pas encôre tems de parler: "Ce que vous dites-là est précoce. _ Et en parlant d' un enfant qui a l' esprit plus avancé que son âge ne comporte: c' est un esprit précoce, un fruit précoce. "Ces enfans, ces esprits précoces deviènent souvent des avortons.
   Voilà le sort et le fatal écueuil
   Où, tôt ou tard, vient échouer l' orgueuil
   De tous ces nains, petits géans précoces,
   Que leurs flateurs érîgent en colosses.
       Rousseau.
  PRÉCOCITÉ, qualité de ce qui est précoce. Il ne se dit que des fruits. "La précocité des fruits nuit souvent à l' arbre qui les porte.

PRÉCOMPTER


PRÉCOMPTER, v. act. [Prékonté: 1re et dern. é fer. 2e lon.] Compter par avance. Déduire. "Sur ces dix mille livres, il faut précompter les mille écus que vous avez déja reçus.

PRÉCONISATION


PRÉCONISATION, s. f. PRÉCONISER, v. act. [Prékoniza-cion, nizé: l' i est long devant l' e muet: il préconise, préconisera, etc.] Ils expriment, au propre, l' action par laquelle un Cardinal, ou quelquefois le Pape même, déclâre en plein consistoire, qu' un tel sujet, nomé à un Évéché par son Souverain, a toutes les qualités requises. = Le substantif ne s' emploie que dans ce sens. Le verbe signifie, figurément, louer excessivement. On~ ne le dit qu' en critiquant. "On loûe, on préconise des sujets indignes, des actions injustes: on érige les crimes en vertus.
   *PRÉCONISEUR, s. m. Qui préconise. Mot fabriqué par Rousseau. Il n' est bon que pour le style comique ou le satirique.
   Ne pense pas pourtant qu' en ce langage
   Je vienne ici, préconiseur peu sage,
   Tenter ton zèle humble, religieux,
   Par un encens à toi-même odieux.

PRECURSEUR


PRECURSEUR, s. m. [Prékur-seur: 1re é fer.] Celui qui vient devant quelqu' un pour l' anoncer. On ne le dit sérieûsement des persones, qu' en parlant de St. Jean-Baptiste, qu' on apèle le précurseur du Messie ou de J. C. = Dans le style familier, on le dit en badinant, d' un homme qui en anonce un aûtre, dont il est suivi. "Le voici qui vient, je suis son précurseur. = Apliqué aux chôses, il se dit, au figuré, dans le discours soutenu~. "Ces présages sont les précurseurs de quelque grande calamité. _ Avant-coureur est plus usité en ce sens.

PRÉDÉCÉDER


PRÉDÉCÉDER, v. neut. PRÉDÉCêS, s. m. [Prédécédé: 4 é fermés, prédécê: 1re é fer. 3e ê ouv. et long.] Termes de Palais. Mourir avant un autre. Mort de quelqu' un avant celle d' un aûtre. Celui des deux qui viendra à prédécéder: En câs de prédécês.

PRÉDÉCESSEUR


PRÉDÉCESSEUR, s. m. [Prédécè-ceur: 1re et 2e é fer. 3e è moy.] Il se dit proprement de celui qui a précédé un aûtre dans un emploi. "Il marche sur les traces de son prédécesseur. = Au pluriel, ceux qui ont vécu avant nous dans le même pays, dans la même société, comunauté, etc. "Nos prédécesseurs étaient plus sages, plus réguliers, plus réligieux que nous.

PRÉDESTINATION


PRÉDESTINATION, s. fém. PRÉDESTINER, v. act. [Prédèstina-cion, né: 1reé fer. 2e è moy.] Prédestination est le Décret par lequel Dieu prédestine, c. à. d. destine de toute éternité au salut. "Le dogme de la prédestination. "C' est un signe de prédestination. = Il se prend quelquefois pour fatalisme. = "Dieu a prédestiné les élus. "C' est un âme prédestinée. = S. m. Être du nombre des prédestinés. = En st. famil. on le dit à l' ocasion des évènemens extraordinaires, qu' il semble qu' on ne pouvait éviter. "Cet homme était prédestiné à se noyer. _ C' est un abus du terme.

PRÉDICAMENT


PRÉDICAMENT, s. m. [Prédikaman: 1re é fer.] Terme de la vieille École. Il est resté dans cette phrâse proverbiale: être en bon ou en mauvais prédicament; en bone, ou en mauvaise réputation.

PRÉDICANT


PRÉDICANT, s. m. On ne le dit que par mépris, d' un Ministre Protestant. J. J. Rousseau, s' en étant servi, dit dans une note. "Je n' aurois point employé ce terme, que je trouvois déprisant, si l' exemple du Conseil de Genève, qui s' en servoit en écrivant au Cardinal de Fleuri, ne m' eût apris que mon scrupule étoit mal fondé. _ Je ne sais si on le dit encôre sérieûsement à Genève; mais en France, c' est un terme de mépris.

PRÉDICATEUR


PRÉDICATEUR, s. m. [Prédika-teur: 1re é fer.] Celui qui anonce la parole de Dieu. "Prédicateur zélé, éloquent, pathétique, etc. Voy. PRÉCHEUR.

PRÉDICATION


PRÉDICATION, s. fém. [Prédika-cion, en vers, ci-on: 1re é fer.] 1°. Action de précher: "La prédication de l' Évangile. = 2°. Sermon. L' Ab. Girard trouve cette diférence entre ces deux mots, qu' on nome prédications, les discours faits aux Infidèles, pour leur anoncer l' Évangile; et Sermons, ceux qui sont faits aux Chrétiens pour nourrir leur piété. "Les Apôtres ont fait autrefois des prédications, remplies de solides vérités: les Prêtres font aujourd' hui des Sermons, pleins de brillantes figûres. _ Quand on dit (absolument) la prédication, on entend l' art de la chaire. "On s' aplique à la prédication et l' on fait un Sermon: l' une est la fonction du Prédicateur: l' aûtre est son ouvrage. "Les jeunes éclésiastiques, qui cherchent à briller, s' atachent à la prédication, et négligent la science. La plupart des Sermons sont de la troisième main dans le débit: l' Auteur et le copiste en ont fait leur profit avant l' Orateur. GIR. Synon. = L' Académie ne dit prédication, dans le sens de Sermon, que dans un sens général et indéfini. "Aler, assister à la prédication. Entendre la prédication. _ Il me semble que, même dans cet emploi, Sermon est plus d' usage. Dans un sens particularisé, on dit toujours Sermon. "Voilà un beau Sermon: ainsi parlent les honêtes gens. Le Peuple dit: "Voilà une belle prédication.

PRÉDICTION


PRÉDICTION, s. f. PRÉDIRE, v. act. [Prédik-cion, en vers, ci-on, prédire: 1re é fer. 2e lon. au 2d.] Prédire se conjugue comme dire, excepté qu' à la 2de persone du pluriel du présent de l' indicatif, il fait, vous prédisez, et non pas, vous prédites. Il a, au prétérit, je prédis, et non pas, je prédisis. = 1°. Au propre, prophétiser, anoncer par inspiration divine ce qui doit arriver. "Les Prophètes ont prédit la venûe de J. C. = 2°. Par extension, anoncer, par des règles certaines, une chôse à venir: prédire une éclipse. = 3°. Par abus, anoncer par une prétendue divination. "On lui a prédit, s' il faut l' en croire, bien des chôses, qui lui sont arrivées. "Le Démon ne conait pas l' avenir, il ne peut donc pas le prédire. = 4°. Dire ce qu' on prévoit par conjectûre. "Je lui avais prédit tout ce qui lui est arrivé. = * 5°. Autrefois on lui donait un sens qu' il n' a pas aujourd' hui: "Comme je l' ai prédit, dit souvent un sieur Santeul, Traducteur des Chroniques de St. François. Il veut dire, comme je l' ai déja dit, comme je l' ai dit auparavant, ou ci-dessus.
   PRÉDICTION se dit, et de l' action de prédire: faire une prédiction; et de la chôse prédite: "Sa prédiction est arrivée.

PRÉDILECTION


PRÉDILECTION, s. fém. [Prédilèk-cion; 1re é fer. 2e è moyen.] Préférence d' afection. Avoir, marquer de la prédilection pour, etc.

PRÉDIRE


PRÉDIRE, Voy. PRÉDICTION.

PRÉDOMINANT


PRÉDOMINANT, ANTE, adj. PRÉDOMINER, v. neut [1re é fer. 4e lon. aux deux premiers, é fermé au 3e.] Prédominer, c' est prévaloir, éclater par dessus. "L' ambition, ou la modestie, ou la charité prédomine dans lui, dans ses actions. _ "La bile prédomine en lui. = V. act. C' est l' intérêt qui le prédomine. _ En ce sens, il dit quelque chôse de plus fort, et il est plus énergique que dominer. = Prédominant, qui prédomine. "Vice prédominant: humeur, passion, vertu prédominante. = Et le verbe et l' adjectif régissent quelquefois les prép. à ou sur: "Il y avoit dans son coeur un amour qui prédominoit à tous les aûtres: c' étoit l' amour de la justice. Mascar. Or. Fun. de M. de Turenne. On pourrait dire aussi, prédominant, ou qui prédominait sur tous les aûtres. _ L' Acad. les met tous deux sans régime.

PRÉÉMINENCE


PRÉÉMINENCE, s. fém. PRÉÉMINENT, ENTE, adj. [Pré-éminance, nan, nante: 1re et 2e é fer. 4e lon.] Ils expriment un avantage, une prérogative qu' on a sur tous les aûtres, en ce qui regarde la dignité et le rang. "La prééminence des Évêques sur les Prêtres, des Archevêques sur les Évêques, etc. "L' homme a une grande prééminence sur les aûtres animaux. D' où vient cette passion de se distinguer par l' esprit, sinon du desir d' avoir une prééminence de raison au dessus du reste des hommes. Fléch. = "Dignité prééminente.

PRÉEXISTENCE


PRÉEXISTENCE, s. f. PRÉEXISTANT, ANTE, adj. PRÉEXISTER, v. n. [Pré-ègzis--tance, tan, tante, té: 1re é fer. 2e è moy. 4e lon. aux trois premiers, é fermé au dern.] Ils se disent de l' existence d' un être antérieure à celle d' un aûtre.

PRÉFACE


PRÉFACE, s. fém. [1reé ferm. dern. e muet.] 1°. Discours préliminaire, qu' on~ met ordinairement à la tête d' un livre. = 2°. Préambule (st. famil.) Laissons-là toutes ces Préfaces. "Point de Préface: venons au fait. = 3°. Partie de la Messe qui précède ordinairement le Canon. "Chanter la Préface.

PRÉFECTURE


PRÉFECTURE, s. f.~ [Préfèktûre: 1re é fer. 2e. è moy.] C' était le nom de plusieurs charges principales dans l' Empire Romain. Charge, dignité du Préfet. Ce mot est encore usité dans l' État éclésiastique et ailleurs. "La Préfectûre d' Urbin, etc.

PRÉFÉRABLE


PRÉFÉRABLE, adj. PRÉFÉRABLEMENT, adv. PRÉFÉRENCE, s. fém. PRÉFÉRER, v. act. [Préférable, bleman, rance, ré: 1re et 2e é fermé, 3e dout. au 1er, lon. au 3e, é fermé au dern.] Préférer, doner l' avantage à... au dessus de... "Il faut préférer l' honête à l' utile; son salut à toutes chôses. = Préférable, qui doit être préféré. "La vertu est préférable à tous les biens du monde. "Le style de Cicéron est préférable à celui de Sénèque. = Préférence, choix que l' on fait d' une chôse ou d' une persone, plutôt que d' une aûtre. Doner la préférence à... sur... "Voilà ce qu' à la longue doit produire la préférence des talens agréables sur les talens utiles. J. J. Rouss. Demander, obtenir, mériter la préférence. = Préférablement, par préférence: "Il faut aimer Dieu préférablement à toutes chôses, et à soi-même. "On l' a choisi pour cet emploi, préférablement à tous ses concurrens.
   Rem. 1°. Préférer est quelquefois neutre, avec le seul régime de la prép. de et de l' infinitif. "On préfère de croire que le tems n' a pas permis aux aûtres vaisseaux de sortir. Un Auteur anonyme lui fait régir l' infinitif sans préposition. "J' étois né pour la vertu; et j' allois être criminel: j' ai préféré mourir. Je crois que de mourir vaut mieux. _ L' Acad. ne done point d' exemple de ce régime~. = 2°. Mde Dacier écrit préférance avec un a: c' était l' ortographe de Malherbe et de plusieurs Auteurs de son tems. = 3°. On dit, adverbialement, par préférence, et de préférence; le premier, avec la prép. à; le second, sans régime. "Cet emploi lui a été doné, par préférence à tout aûtre. "Il a pris celui-là de préférence. Plusieurs bons Écrivains emploient le premier sans régime: le second est aujourd' hui le plus à la mode; et on s' en sert même avec le régime. "Vous l' aimez uniquement? _ Non: mais je l' aime, comme je le dois, de préférence à tout autre.

PRÉFET


PRÉFET, s. m. [Préfè: 1re é fer. 2e è moyen.] 1°. Chez les Romains, celui qui possédait une Préfectûre. "Le Préfet de Rome: le Préfet du Prétoire, etc. = 2°. Dans les Colèges, celui qui a une inspection particulière sur les études des écoliers et le bon ordre. "Le Préfet des classes: le grand Préfet. = Dans les Pensions, celui qui prend un soin particulier de plusieurs écoliers, ou d' un seul. Préfet de pension; Préfet de salles; Préfet particulier.

PRÉFIX


PRÉFIX, IXE, adj. PRÉFIXION, s. f. [Préfiks, fikce, fik-cion.] Un Auteur moderne écrit préfixe au masculin: "Le point préfixe; l' instant préfixe. L' usage est pour préfix. = Qui est déterminé. L' Auteur des Réflexions dit que ce mot n' était déjà plus guère en usage de son tems. Alors pourtant l' Acad. ne le désaprouvait point. Elle dit dans les Éditions suivantes de son Dict. que ce mot ne se dit guère que dans ces phrâses: "Jour, terme, tems préfix. _ Douaire préfix, somme préfixe. Ces deux-ci ne se disent qu' au Palais.
   PRÉFIXION est un terme de Pratique. Détermination. "On lui a donné deux mois pour toute préfixion et délai. _ Il ne se dit que d' un tems, d' un délai qu' on acorde.

PRÉJUDICE


PRÉJUDICE, s. m. PRÉJUDICIABLE, adj. PRÉJUDICIER, v. n. [1re é fermé, pénultième dout. au 2d, ci-able, é fermé au dern. ci-é.] Préjudice, tort, domage. Préjudicier, nuire, porter préjudice. Préjudiciable, nuisible, qui préjudicie. "Porter préjudice à, etc. Causer, faire un grand préjudice. "Être d' un grand préjudice. "Au préjudice de, à mon préjudice. _ "La débauche préjudicie beaucoup, est fort préjudiciable à la santé. = On dit, sans préjudice de. * Rollin substitûe à de la prép. à. "Alcibiade aimoit la gloire, mais sans préjudice à son penchant pour les plaisirs. H. Anc. On dit, porter, causer, faire préjudice à, et au préjudice de, sans préjudice de. = Tourner à préjudice, me parait une expression un peu vieille: "Ses vertus mêmes lui tourneront à préjudice. J. J. Rouss. _ Cette expression eût été bone à conserver. = On dit, au préjudice de sa parole, de son honeur; au préjudice de la vérité, c. à. d. contre, etc. = Préjudicier a pour régime le datif; et quand il est employé comme réciproque, il est convenable de répéter le pronom correspondant: "Je me préjudicierais à moi-même; tu te préjudicies à toi-même, etc. Leibnitz l' emploie sans autre régime que le pronom personel. "Le parti, qui fait seul les frais des avances, se préjudicie. Il falait ajouter, à lui-même.

PRÉJUDICIELLE


PRÉJUDICIELLE, adj. fém. [Préjudi--ciè-le: 1re é fer. 4 è moy. dern. e muet.] Terme de Palais. Question préjudicielle, qui doit être jugée avant la contestation principale. _ C' est tout l' emploi de cet adjectif.

PRÉJUGÉ


PRÉJUGÉ, s. m. PRÉJUGER, v. act. [1re et dern. é fer. dans les deux.] Préjuger se dit rarement hors du Palais. C' est rendre un jugement interlocutoire, qui tire à conséquence pour la décision d' une question qui se juge aprês. C' est comme qui dirait juger d' avance. "La Cour, par ce jugement, a déja préjugé la question. "Question, afaire préjugée. = Dans le discours ordinaire, c' est prévoir par conjectûre. "Cela arrivera ainsi, autant qu' on peut le préjuger, à ce qu' on en peut préjuger.
   PRÉJUGÉ est d' un usage plus comun. Outre le sens qu' il a au Palais, pour signifier ce qui a été jugé auparavant dans un câs semblable ou aprochant: Cet Arrêt est un préjugé pour notre caûse; et dans le sens du verbe: "Quand on élargit un prisonier à caution, c' est un préjugé en sa faveur; il signifie, 1°. marque, signe de ce qui arrivera. "Le bon acueuil qu' on lui a fait est un préjugé pour le succês de son afaire. = 2°. Prévention, préocupation. "Faux, dangereux préjugé. "Il est plein de préjugés. "Il est dificile de se défaire des préjugés de l' enfance. Voy. FAGOT.

PRÉJUGISTE


*PRÉJUGISTE, s. m. Néologisme peu heureux à mon avis. Homme dominé par les préjugés. "Des préjugistes qui pensent qu' il est des Hommes plus qu' hommes, et des Hommes moins que les bêtes. Anon.

PRÉLASSER


*PRÉLASSER (SE), v. récip. Marcher gravement comme un Prélat. TRÉV. La Fontaine s' est servi de ce mot dans la Fâble du Meunier, son Fils et l' Âne.
   L' âne, se prélassant, marche seul devant eux.
Le Rich. Port. cite ce mot, comme étant dans Trév. L' Acad. ne le met pas.

PRÉLAT


PRÉLAT, s. m. PRÉLATûRE, s. f. [1re é fer. le t ne se prononce pas dans le 1er; 3e lon; 4e e muet au 2d.] Prélat est celui qui a une dignité considérable dans l' Église, avec juridiction éclésiastique, comme les Archêvêques et Évêques, les Généraux d' Ordres, les Abés Réguliers, etc. "Cet Évêque est un digne Prélat. = À~ la Cour de Rome, on apèle Prélats, tous les Eclésiastiques de la Cour du Pape, qui ont droit de porter le violet. = Prélatûre est la dignité de Prélat. = À~ la Cour de Rome, l' état des Eclésiastiques~, qui ont le titre de Prélat, qui sont employés dans les afaires, ou qui sont dans la voie qui y conduit. Entrer en prélatûre. "Toute la prélatûre de Rome parut à cette fête.
   Rem. 1°. Le mot de Prélat est consacré pour désigner ceux qui possèdent des dignités éclésiastiques parmi les Chrétiens. Des faiseurs de relations s' en servent fort mal à propôs, en parlant des principaux Ministres des faûsses Religions. Le mot est impropre et même indécent. = Ce mot ne me parait pas non plus convenable pour caractériser les Évêques des premiers siècles. Je ne voudrais pas dire que St. Chrisostome était un grand Prélat, St. Augustin un savant Prélat, comme on le dirait de Fénélon et de Bossuet: j' aimerais mieux dire, Évêque. M. Fréron dit de St. Césaire, Évêque d' Arles: "Il n' est point de Prélat du sixième siècle, dont la réputation fut mieux établie. Selon moi, il falait dire: il n' est point d' Évêque, etc.
   2°. Prélatûre ne se dit que de la dignité ou de l' état de Prélat. Velly le dit pour diocèse, district. "Ils firent cesser l' ofice divin dans toute l' étendûe de leur prélatûre. Hist. de Fr. _ Ce mot n' est point usité en ce sens.

PRêLE


PRêLE, s. f. [1re ê ouv. et long: 2e e muet.] Plante, dont les tiges sont rudes au toucher; c' est pourquoi on s' en sert en certains endroits pour laver et nétoyer la vaisselle, et plusieurs ouvriers s' en servent aussi pour polir leurs ouvrages.

PRÉLEGS


PRÉLEGS, s. m. Legs particulier, qui doit être pris sur la masse, avant le partage. _ Préléguer, c' est faire un ou plusieurs prélegs.

PRÉLèVEMENT


PRÉLèVEMENT, s. m. PRÉLEVER, v. act. [1re é fer. 2e è moy. au 1er, dont la 3e e muet; e muet au 2d, dont la 3e é fer. Pré--lèveman, levé. Dans le verbe, la 2de se change en è moy. devant l' e muet; il prélève, prélèvera, etc.] Prélever, c' est lever préalablement une certaine portion sur le total. Prélèvement, action de prélever. "Sur cette somme, il faut prélever mille francs pour les frais. "Soit dans le partage des profits, soit dans le prélèvement à faire annuellement. Consultation. "Ce prélèvement une fois fait, l' excédent sera porté dans le garde-meuble de Sa Majesté. Édit du Roi. = Le substantif n' est point dans les Dictionaires; mais il est aussi utile que le verbe, et l' on peut s' en servir sans dificulté.

PRÉLIMINAIRE


PRÉLIMINAIRE, adj. et subst. [Préli--minère; 1re é fer. pénult. è moy. et long.] 1°. Qui précède la matière principale qu' on traite, et qui sert à l' éclaircir. Discours, question préliminaire. = 2°. Qui doit être réglé avant la discussion des aûtres articles. "Articles préliminaires dans un traité de paix, dans un acomodement. = S. m. "Les préliminaires de la paix.
   REM. Fleuri emploie l' adjectif dans le sens de précurseur, d' avant-coureur. "Les persécutions leur paroissoient préliminaires du Jugement universel. Il devait du moins dire, leur paraissaient être les préliminaires du Jugement. Le régime aurait été plus régulier. = Le P. Paulian fait régir à cet adjectif la prép. à: "Cette seconde lettre lui présentera... les connoissances préliminaires à la révélation surnaturelle. Préf. du Dict. Philos. Théol. Je trouve ce régime utile; mais il est peu usité.

PRÉLUDE


PRÉLUDE, s. m. PRÉLUDER, v. n. [1re é fer. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Prélude est proprement ce qu' on chante ou ce qu' on joûe sur un instrument, ou pour se mettre dans le ton dans lequel on veut chanter ou jouer, ou pour essayer la portée de sa voix, ou pour juger si l' instrument est d' acord. = Les Musiciens apèlent aussi préludes, certaines pièces de musique, composées dans le goût des préludes, qui se font sur le champ. = Préluder, c' est jouer des préludes, ou faire des préludes sur un instrument. "Préluder de caprice. "Il fatigue, à force de préluder: il prélude sur tous les tons. = C' est aussi essayer sa voix par une suite de sons diférens, avant que de chanter un air.
   PRÉLUDE, au figuré, ce qui prépare à.. "Les fréquens bâillemens sont souvent les préludes de la fièvre. "Ces malheurs n' étoient que le prélude des calamités dont on étoit menacé. = Préluder ne se dit point en ce sens. Un Auteur moderne l' emploie activement. "Le Socinien, à l' exemple d' Abailard, qui semble avoir préludé le Socinianisme, ne veut rien recevoir, qui ne soit de la portée de sa raison. _ Je ne désaprouverais pas l' emploi de ce verbe avec la prép. à pour régime: qui semble avoir préludé au Socinianisme. _ L' Acad. ne le met que neutre, sans régime, et seulement au propre, en parlant des Musiciens.

PRÉMATURÉ


PRÉMATURÉ, ÉE, adj. PRÉMATURÉMENT, adv. PRÉMATURITÉ, s. f. [Préma--turé, ré-e, réman, rité; 1re é fer. 4e é fer. aux 3 prem. ce qui est sur-tout à remarquer dans l' adv.] L' adjectif et l' adverbe se disent au propre et au fig. de ce qui vient ou se fait avant le tems. "Fruits prématurés, esprit prématuré: sagesse prématurée: afaire, entreprise prématurée: "Des fruits cueuillis prématurément. "Intenter une action, un procês prématurément. = Le substantif ne s' emploie qu' au fig. "Prématurité d' esprit. = Nous avons dit, dans le Dict. Gram. que ce mot était peu usité, et nous le pensons encôre de même: l' Acad. ne le dit point.

PRÉMÉDITATION


PRÉMÉDITATION, s. f. PRÉMÉDITER, v. act. et n. [Préméditacion, té; 1re et 2e é fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Préméditer, c' est méditer quelque tems sur une chôse avant que de l' exécuter. Préméditation, action de préméditer. "Préméditer une démarche. Depuis long-tems il préméditoit de la faire. _ "Il l' a faite avec préméditation, ou, il ne l' a pas faite sans préméditation. = Il me parait que le substantif est beaucoup moins usité que le verbe, et qu' on dit plus souvent, avec réflexion, sans réflexion.
   On dit adjectivement, dessein, coup prémédité, action, démarche préméditée; et adverbialement, de dessein prémédité. "Il l' a fait, non par étourderie, mais de dessein prémédité.

PRÉMICES


PRÉMICES, s. f. pl. [1re é fer. dern. é muet. _ Il se dit toujours au pluriel, et il est distingué par l' ortographe de prémisses, terme de Logique. _ Il faudrait dire primices, du latin primitif mais l' usage est pour prémices.] Au propre, les premiers fruits de la terre ou du bétail. Ofrir à Dieu les prémices de tous les fruits, de ses troupeaux. = Au figuré, les premières productions de l' esprit, de l' art, etc. "Je vous consacre les prémices de mon foible génie, de mon travail.
   Rem. L' Abé d' Olivet avait critiqué ce vers de Racine:
   Toujours la tyrannie a d' heureuses prémices.
L' Abé Desfontaines répondit qu' avoir d' heureuses prémices est une façon de parler poétique et élégante, qu' on peut employer, même en prôse, dans le style noble. Racine le fils trouve que l' Abé Desfontaines a raison; et cela n' est pas étonant. Pour moi, je pense que cette expression va fort bien dans ce vers de Racine, et que dans un grand nombre de phrâses elle irait fort mal. C' est une de ces expressions délicates, qui ont besoin d' être placées à propos, et dont l' emploi n' est pas indiférent. = Racine dit âilleurs:
   Cependant Rome entière, en ce même moment....
   De son regne naissant célèbre les prémices.
On dit les prémices de mon travail. On peut donc dire aussi, les prémices d' un règne, c. à. d. ses comencemens.

PREMIER


PREMIER, IèRE, adj. PREMIèREMENT, adv. [Pre-mié, miè-re, miè-reman: 1re e muet; 2e é fer. au 1er, è moy. et lon. aux 2 aûtres. _ Richelet et quelques aûtres aprês lui, ont écrit prémier avec l' accent aigu sur le 1er é: cette ortographe est contraire à la bone prononciation.] 1°. Qui précède par raport au tems, à l' ordre, au lieu, à la dignité, à la situation. "Nos premiers parens. Le Dimanche est le premier jour de la semaine. "La première pièce d' un apartement: tenir le premier rang. Les premières pensées ne sont pas toujours les meilleures. = 2°. Le plus excellent. Cicéron et Démosthène étaient les premiers Orateurs de leur tems. "Le P. de Neuville a été le premier Prédicateur de ce siècle, Bourdaloue et Massillon l' ont été dans le siècle précédent. "C' est le premier homme du monde pour la guerre, pour la négociation. = 3°. Qui avait été auparavant. "Il a recouvré sa première santé. "Les chôses ont été remises dans leur premier état.
   Rem. Cet adjectif numéral aime à précéder le nom auquel on le joint. Les Poètes le font suivre.
   Il était la gloire première
   Des bois et des hameaux.      Gress.
  La plus pure lumière
  Va rendre à la vertu sa dignité première.
      Ã‰douard.
* Au lieu de dire, au premier objet, La Fontaine dit, à l' objet le premier. Cela n' est pas régulier, même dans une Fâble.
   Laridon négligé témoignoit sa tendresse
   À~ l' objet le premier passant.
Le relatif, qui suit premier, régit le subjonctif. "Les Égyptiens sont les premiers, qui aient écouté ces merveilleux maîtres. = Être le premier, régit quelquefois à et l' infinitif: être le premier à faire et à dire, etc. "Elle est la première à jeter du ridicule sur ces Savantes, dont Molière fit autrefois justice à son siècle. Ann. Litt.
   * Premier, adv. et premier que, conjonction, sont des barbarismes. "Il faut faire cela premier; dites auparavant. "Premier que je vienne. Dites, avant que, etc. Ces locutions sont usitées dans les Provinces Méridionales. Elles étaient universellement admises aûtrefois. "Il fut jugé que le Duc de Montpensier Prince du Sang et Pair, pourroit bailler ses roses premier que le Duc de Nevers, Pair plus ancien.Du Tillet. "Cet ouvrage est si dificile que premier que le comencer, il faut s' en conseiller avec Dieu. Chron.

PRÉMISSES


PRÉMISSES, s. f. pl. [Il se prononce comme prémices, mais il s' écrit avec deux s. Un Auteur moderne l' écrit avec un c, et qui pis est, le fait masculin. "Cette conclusion demandoit de longs prémices. Il falait, de longues prémisses.] Terme de Logique. Les deux premières propositions d' un syllogisme.

PRÉMUNIR


PRÉMUNIR, v. act. [1re é fer.] Munir par précaution, précautioner contre. "Il faut le prémunir contre la séduction. "Se prémunir contre le froid, contre les accidens de la fortune; contre les erreurs, contre les mauvaises doctrines.

PRENABLE


PRENABLE, adj. [1re et dern. e muet; 2e dout.] Qui peut être pris. Il est peu usité dans l' afirmative; cette place est prenable; guère plus dans la négative; elle n' est pas prenable.: on dit plutot imprenable. On ne le dit guère bien qu' avec ne et que. "Cette place n' est prenable que par cet endroit, que par la faim; et au figuré, dans la phrâse négative: "Cet homme n' est prenable (il ne peut être séduit), ni par or, ni par argent.

PRENANT


PRENANT, ANTE, adj. [1ree muet, 2e long.] L' usage de cet adjectif est fort borné: partie prenante, celle qui reçoit les deniers. Carême prenant, le mardi grâs = Le P. Paulian l' a employé dans le sens d' engageant, séduisant. "Il serait dificile de présenter les chôses d' une manière.... plus agréable et plus prenante que l' a fait ce célèbre Physicien (l' Abé Nollet) Let. sur l' Électricité. "Ce raisonement est prenant. Ibid.

PRENDRE


PRENDRE, v. act. [Prandre; 1re lon. 2e e muet.] Je prends, tu prends, il prend: nous prenons, vous prenez, ils prennent, ou prènent; je prenois ou prenais, je pris, j' ai pris, je prendrai, je prendrois ou prendrais; prends, que je prenne ou prène, je prisse, prenant, pris. _ * On disait aûtrefois, il prind, ils prindrent. = 1°. Litéralement, c' est saisir avec la main. "Prendre un livre, une épée, un cheval par la bride, un homme par la main, etc. = 2°. Mettre sur soi. "Prendre sa chemise, son habit, son manteau, etc. = 3°. Dérober, emporter en cachette: "On lui a pris son chapeau: on m' a pris ma bourse, etc. = 4°. Empoigner une chôse ou une persone par force. "Il prit le pistolet de son énemi: il le prit au collet, à la gorge, par les cheveux, etc. = 5°. Arrêter quelqu' un pour le conduire en prison. "On a pris les voleurs: ils ont été pris. = 6°. Se rendre maitre de. "Aprês six mois de siège, on prit enfin la place: elle a été prise d' emblée, de vive force. = Et à la chasse, prendre des oiseaux à la pipée, des renards au piège, etc. Prendre du poisson à la ligne, au filet, etc. = 7°. Fig. Comprendre, concevoir. "Prendre bien le sens d' un Auteur. Il prend mal ce passage, le sens de ce texte. "Prendre les chôses de travers, à contre-sens, etc. "Il a bien pris ce qu' on lui a dit de votre part. Vous prenez mal mes paroles. _ Prendre quelque chôse en bone, ou en mauvaise part, etc. = 8°. Recevoir, accepter: "Prenez ce qu' on vous donera, ce petit présent, etc. = 9°. Avaler, humer: Prendre un bouillon, un verre de vin, une médecine, etc. = 10°. Il se dit des maladies qui se gâgnent par le mauvais air. "Il a pris la fièvre d' un tel. = 11°. V. n. Il y a des plantes, qui prènent en tout pays, c. à. d. qui y prènent racine, qui y réussissent. = Fig. Cet Ouvrage~ a pris, n' a pas pris: il a, ou n' a pas réussi. "Les grandes nouvelles, qu' on débite, ne prènent pas autant qu' on le désirerait. Journ. Polit. = 12°. Qui fait impression à la gorge ou au nez. "Ce ragoût est trop épicé: il prend à la gorge: cette odeur est trop forte: elle prend au nez. = 13°. Se geler: "La rivière a pris: elle prendra bientôt; ou se câiller; si l' on veut que le lait prène, il faut y mettre, etc. = 14°. V. imperson. "Il vous en prendra mal de vous ataquer à lui.
   Mal prend aux volereaux de faire les voleurs.
       La Fontaine.
"Bien vous en a pris de prendre les devans dans l' esprit de ce public. = Il lui prit une envie de rire, etc. = 15°. V. réc. S' atacher à: Il s' est pris à cet arbre heureusement: autrement il était perdu. "Un homme qui se noie, se prend à tout ce qu' il peut. = S' acrocher à; Il s' est pris à un clou, et son habit s' est déchiré. = Comencer à. "Il s' est pris à rire; elle se prit à pleurer. = Se figer: "L' huile se prend dans un endroit frais: le sirop va bientôt se prendre.
   16°. PRENDRE, se joint à plusieurs noms substantifs qu' il régit sans article; prendre conseil, faveur, heure, jour, langue, médecine, part, patience, séance, terre, etc. etc. ou avec l' article: Prendre le deuil, l' habit, la perruque; Prendre l' avantage, le change, le fait et cause, le parti, les intérêts de, etc. etc. Voyez ces noms, et aûtres, à leur place.
   REM. Bossuet dit prendre, des hommes, comme on le dit des animaux à la chasse. "Les Romains rendoient meilleurs tous les peuples qu' ils prenoient~. _ On ne le dit, dans un sens aprochant de celui-là, que des malfaiteurs, qu' on saisit pour les mettre en prison. = On dit, prendre pour, regarder comme; "Me prenez-vous pour un fripon? Vous me prenez pour un aûtre. "Qui que vous soyez, mortelle ou déesse, quoiqu' à vous voir, on ne puisse vous prendre que pour une divinité. Télém. _ Prendre à honeur, à injûre, est tout au plus du style médiocre. = Prendre que est du st. fam. "Prenez que je n' ai rien dit. "Prenez qu' on m' a surpris. Gresset, Méch. = Être pris dans des liens, des filets, des lacets, etc. n' est pas une expression noble. Racine dit, dans l' Alexandre:
   Comme si les beaux noeuds, où vous me tenez pris,
   Ne devoient arrêter que de foibles esprits.
M. Racine le fils pâsse condamnation sur ce vers. _ Bien des gens y sont pris (atrapés), dit La Fontaine. Cela est bien dans une fâble. = Il ne faut pas confondre se prendre à, et s' en prendre à: le 1er, signifie saisir quelque chôse, pour ne pas tomber (n°. 15°); l' aûtre imputer à quelqu' un son malheur: "Je m' en prendrai à vous, si l' afaire ne réussit pas; et non pas, je me prendrai sans en. Quelques Auteurs l' ont retranché. "Il ne se prenoit point à lui, d' une pièce qu' il voyoit qui partoit de ses ennemis. Font. "Le peuple ne pouvoit se prendre de sa misère qu' à sa propre intempérance. Vertot. "Ils se prenoient aux derniers Rois de cette race de tous les maux qu' ils avoient soufferts. Henaut. "Le Roi se prenoit avec raison au Duc de Lorraine de toutes les entreprises de Gaston. Id. = Marsolier dit, au contraire, s' en prendre, pour se prendre. "Un homme, qui se noie, est en droit de s' en prendre où il peut. Dites, se prendre. = Dans le sens de s' ataquer à, on doit aussi dire, s' en prendre, et non pas, se prendre. Dans une Fable de La Fontaine, la Lime dit au Serpent.
   Pauvre ignorant! et que prétends-tu faire?
   Tu te prens à plus dur que toi
Il faut, tu t' en prends à, etc. Bouhours pense que se prendre est bon en ce sens. L' Acad. n' en done point d' exemple. = On dit encôre, dans un autre sens: je ne sais comment m' en prendre, ou m' y prendre; le 1er est tout au moins douteux; le 2d est plus sûr. "Enseignez-moi comment je dois me prendre à chatier ces insolens. Odyss. "On s' y prend mal; on n' agit pas comme il faut pour réussir. Voyez plus bâs, s' y prendre. = Prendre, neut. se dit en diférens sens, des persones et des chôses. "Il prend beaucoup sur soi, il se modère et se surmonte. _ Il régit quelquefois de et l' infinitif: il ne saurait prendre sur lui d' être sévère. = Prendre sur soi, c' est aussi agir sans ordre. "Il a pris sur lui de proposer ces conditions. = Prendre sur; changer. "Ce goût naissant ne prit rien sur ses habitudes. Marm. = Prendre avec le datif. "Cette sagesse vous prend un peu tard.
   Mais dis-moi, ces accês te prènent-ils souvent?
       Gresset.
= Il se dit sans régime, même des persones, dans le sens de réussir (n°. 11°.) "Il a bien pris dans le monde. "Un pareil homme ne pouvoit manquer de bien prendre dans une Cour corrompûe. = Se laisser prendre à, se laisser gâgner. "Le style de la Calprenède est détestable, et cependant je ne laisse pas de m' y prendre, comme à de la glu. Sév. "Ne vous laissez pas prendre à tous ces beaux dehors. = S' y prendre, prendre les moyens de. "Je parlerai à Duchêne de votre petit Médecin, à qui nous donerons, dans notre quartier, quelques malades à tuer, pour voir un peu comme il s' y prend. Sév. = Il me semble que pour les pensées et les chôses de l' esprit, on dit emprunté de, et pris dans; cette pensée est empruntée d' Horace, prise dans Virgile. "Le P. Rapin dit toujours pris de. "Outre ce fonds de capacité prise de la lecture des Pères. "Ce qu' il y a de bon à ce sujet, est pris d' Aristote. _ Je voudrais dire, prise dans la lecture, etc. Pris dans Aristote. = Dans le Dict. Gram. on n' aprouve pas se prendre de confiance, d' amitié, de passion pour. L' Academie en done pourtant des exemples, et de bons Auteurs modernes l' ont employé. "On se prend d' afection et de goût pour certains animaux, pour certaines méthodes. Bufon. "Je ne serois pas étonée qu' on se prît pour vous d' inclination. Marm. "Se prendre d' amitié ou d' aversion pour quelqu' un. Acad. = On dit, se prendre de vin, s' ennivrer. Se prendre de paroles, se quereller; M. Marin dit, se prendre de dispute. "Damis et Valère se prènent de dispute sur un ruban. L' Homme Aimable. = On dit, dans le style fam. où avez-vous pris que, c. à. d. sur quel fondement dites-vous que. "Où avez-vous pris, Madame, que Mde. la Duchesse de Bourgogne a eu la rougeole? Mde. de Coul. * Bossuet a employé cette expression, peu digne de la Chaire. "Où a-t-on pris que la peine et la récompense ne soient que pour les jugemens humains? Or. Fun. de la Princesse Palatine.
   À~ tout prendre, adv. En considérant, en compensant le bien et le mal, les avantages et les inconvéniens. "Le tems que j' aurois mis à cultiver mon bien, je l' ai mis à m' instruire: à tout prendre, ai-je eu tort? Réponse d' Anaxagore, raportée dans le Dict. de Phys. du P. Paulian.
   PRENDRE est substantif dans cette phrâse proverbiale: Avoir le prendre, ou le laisser. Voy. LAISSER.

PRENEUR


PRENEUR, EûSE, s. m. et f. [Pre-neur, neû-ze; 1re e muet, 2e lon. au 2d.] Celui, celle qui prend, qui est acoutumé à prendre; Preneur d' oiseaux, d' alouettes. Preneur, preneûse de tabac, de café. _ Il est du style simple. Aûtrefois on disait, même dans le haut style, preneur de villes, Conquérant.