Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI


M



M


M, s. f. On prononce ème, suivant l' apellation anciène, et me suivant la nouvelle. _ C' est la 13e lettre de l' Alphabet, et la neuvième des consones. = Quand elle est au comencement de la syllabe, c' est une des consones apelées liquides, parce que le son en est doux et coulant, et une des labiales, parce qu' elle se prononce des lèvres: ma, me, mi, mo, mu. Quand elle termine la syllabe, elle forme avec la voyèle ou la diphtongue qui la précède, une voyèle nazale. Ainsi, am, em, im, om, um, sont de vraies voyèles, des sons simples; quoiqu' ils soient exprimés avec deux caractères. Voy. la lettre N. _ Dans ces ocasions, ils ont le son d' an, en, in, on, un; excepté à la tête des mots començant par imm, où les deux m ont leur son naturel. _ Remarquez, 1°. que ces syllabes, am, em, im, om, um peuvent se trouver devant une voyèle ou devant une consone. Si elles se troûvent devant une voyèle, la voyèle précédente fait toute seule une syllabe, et l' m apartient à la voyèle suivante: elle n' est point alors nazale; mais labiale. Ainsi dans Image, Amitié, etc. I et A ont leur son propre, et m se joint à l' a ou à l' i suivant: I-ma--ge, A-mitié. _ Devant un b ou un p, elles sont nazales et ont le son d' an: Am--bition, empêcher, etc. prononcez an-bi-cion, an-pêché, etc. = 2°. Si l' m est redoublée aprês l' a, on n' en prononce ordinairement qu' une, Grammaire, Épigramme, abondamment, etc. pron. gramère, épigrame, abon--daman, etc. _ Aprês l' e, elle est nazale, et a le son d' an: emmanché. Pron. Anmanché. = 3°. Devant l' n, elle se prononce dans amnistie, hymne, indemnité, et ses dérivés, automnal, calomnie, somnambule, et quelques mots grecs, comme Memnon, Agamemnon. Prononcez comme s' ils étaient écrits a-me-nistie, hi-mè-ne, inda-me-nité, etc. l' e muet surajouté extrêmement bref. Il ne se prononce point dans damner et ses dérivés, condamner, condamnation. Prononcez condâné, condânation. Et ainsi de solemnel, si on l' écrit avec une m. Aujourd' hui on écrit solennel avec deux n. = 4°. Les voyèles nazales prènent l' m au lieu de l' n devant b, p, ph, et m: chambre, ample; amphithéâtre; puissamment; embarras, empire, emmener; imbu, importun, Nymphe, immortel; tomber, trompeur, triomphe, nommer, humble, etc. = 5°. L' m finale se prononce toujours, mais elle prend le son de l' n. "Nom, renom, faim, etc. Pron. non, renon, fein, etc. _ Exceptez Jérusalem, Éphrem, qu' on prononce Jérusalème, Éphrème, l' e final très-muet. = 5°. L' m se redouble ordinairement après les syllabes, im, com, gom, pom, som, hom; immense; commerce; pomme, gomme, somme, homme, hommage, etc. mais comme, exceptez après im, la 2e m ne se prononce pas, M. Duclos écrit, come, gome, home, some, et nous écrivons nous-mêmes comerce, comode, homage. _ Dans l' anciène ortographe, qui prévaut encôre, il n' y a d' aûtre exception que comète, comédie et ses dérivés, comité, concomitance. _ Dans toute aûtre circonstance l' m n' est point redoublée, à six mots près, qui sont dommage, femme, lemme, dilemme, nommément, où l' on n' en prononce qu' une. M. Duclos écrit fame: nous écrivons domage, nomément: on pourrait aussi écrire lème, dilème.
   Le son de l' m consone est le même en français que celui de morgen en allemand, de mind, en anglais, de meno en italien, de memar en Espagnol.

MA


MA, pron. possess. fém. On ne le met que devant les noms, qui comencent par une consone ou une h aspirée: ma femme, ma haine; et non pas mon femme, mon haine, comme disent les étrangers qui ne savent pas bien le français.

MACÉRATION


MACÉRATION, s. fém. MACÉRER, v. act.[Macéra-cion, en vers, ci-on: céré; 2e é fer.] Ils expriment l' action de mortifier son corps par diverses austérités. "Ses grandes macérations ont abrégé ses jours. "Il macéroit sa chair par les jeûnes. = En Chimie, c' est faire tremper un mixte dans une liqueur, pour le préparer à la distillation, à la dissolution.

MâCHEFER


MâCHEFER, s. m. MâCHEMOURRE, s. f. [1re lon. 2e e muet.] Le 1er se dit de la scorie, qui sort du fer à la forge, lorsqu' on le bat rouge sur l' enclume; le 2d du débris du biscuit qu' on done aux matelots.

MâCHELIèRE


MâCHELIèRE, adj. fém. [1re lon. 2e e muet, 3e è moy. et long.] On le dit des dents de derrière, autrement apelées molaires, parce que, comme de petites meûles, elles servent à mâcher, à broyer les alimens. On dit, adjectivement, les dents mâchelières: ou substantivement, les mâchelières du dessus, du dessous.

MâCHER


MâCHER, v. act. MâCHEUR, s. masc. MâCHICATOIRE, s. m. [Mâché, cheur, chika-toâ-re: 1re lon. 2e é fermé au 1er.] Mâcher, c' est broyer, moûdre avec les dents. "Mâcher du pain, de la viande; avaler sans mâcher. = On dit d' un cheval, qu' il mâche son frein, lorsqu' il se joûe de son mors, et qu' il le ronge. = Mâcher à quelqu' un les morceaux (st. prov.), c' est faire pour lui presque tout l' ouvrage, ou le lui préparer, et l' ébaucher de manière qu' il faille peu de travail pour le finir. On dit mâcher à vide: voir manger et ne pouvoir manger; attendre un bien qui n' arrive pas; être trompé dans ses espérances. "Il m' a fait mâcher à vide, il n' a pas tenu sa promesse. Marin.
   MâCHEUR ne se dit, dans le bon style, que dans cette phrâse, mâcheur de tabac. _ Le peuple dit, c' est un grand mâcheur, une grande mâcheûse: il ou elle mange beaucoup. Cette façon de parler est bâsse, et les honêtes gens ne s' en servent pas.
   MâCHICATOIRE, action de mâcher du tabac, ou quelque aûtre drogue, sans l' avaler. On ne l' emploie qu' adverbialement: "Prendre du tabac en mâchicatoire, en le mâchant.

MACHINAL


MACHINAL, ALE, adj. MACHINALEMENT, adv. [4e e muet, nale, leman.] Machinal se dit des moûvemens naturels, où la volonté n' a point de part. "Mouvement machinal. Action machinale. _ Agir machinalement, d' une manière purement machinale.

MACHINATEUR


MACHINATEUR, s. m. MACHINATION, s. fém. MACHINER, v. act. [na-teur, na--cion, : dern. é fer. au 3e.] Machiner, c' est former quelque mauvais dessein; faire des menées secrettes. Machination, action par laquelle on machine. Machinateur, celui qui machine. "Machiner une trahison. Il machine votre perte. "Il est le machinateur de cette intrigue. "Il a fait manquer cette afaire par ses intrigues, par ses machinations. = * Ces mots expriment un dessein formel de nuire. Ainsi, le terme de machinateur ne me parait pas propre dans la phrâse suivante. "Les vrais machinateurs de sa perte (du Chev. de L. B.) sont ces prédicateurs indiscrets (les Philosophes) qui avoient commencé par ébranler son cerveau. Linguet. Les Auteurs de ces livres pernicieux pouvaient bien avoir été les auteurs, les causes de la perte de ce malheureux jeune homme; mais pour en être les machinateurs, il faudrait qu' ils eussent eu le dessein de le conduire sur l' échafaud, en le poussant aux impiétés qui le firent condamner.

MACHINE


MACHINE, s. fém. MACHINISTE, s. m. [Dern. e muet.] Machine est un instrument propre à faire mouvoir, et à traîner ou à lancer quelque chose. Machine pour tirer de l' eau, élever des fardeaux. Machine de guerre. "Belle, grande machine. = Fig. invention, rûse, adresse d' esprit, dont on se sert dans quelque afaire. "Les machines, qu' ils ont fait jouer, n' ont pu nous nuire.
   Surtout refusez les présens,
   Des machines d' amour c' est la plus redoutable.
       La Font.
On dit (st. prov.) d' un homme dificile à émouvoir, qu' on ne le remue que par machine, qu' il faut des machines pour le remuer. = L' Acad. dit que les Poètes apèlent l' Univers, la machine ronde. C' est de la poésie familière qu' elle entend parler. On ne le dirait pas aujourd' hui dans le haut style.
   MACHINISTE, celui qui invente, ou qui conduit des machines. C' est un grand machiniste. Il ne se dit qu' au propre. On ne le dirait pas au figuré d' un intrigant, d' un habile politique.

MACHINISME


*MACHINISME, s. m. Mot nouveau, qui a besoin du sceau de l' usage. "Ces tragédies, où le sentiment a beaucoup plus d' apareil et de machinisme, que de naturel et de réalité. Sabat. Trois Siècles, etc.

MâCHOIRE


MâCHOIRE, s. f. MâCHONER, v. act. [Mâ-choâ-re, choné: 1re lon. 2e lon. au 1er.] Mâchoire est l' ôs dans lequel les dents de l' animal sont plantées, sont emboîtées. "La mâchoire inférieure, ou du dessous, est mobile. = On dit, proverbialement, jouer de la mâchoire, branler la mâchoire, remuer les mâchoires, faire aller les mâchoires, manger. = Avoir la mâchoire pesante, ou une grôsse mâchoire, être stupide et grossier. _ On dit aussi d' un homme qui parle pesamment et mal, que c' est une mâchoire, une vraie mâchoire. "Cet Avocat est un homme lourd, sans grâce, sans mérite... ce qu' on apèle, en termes familiers, une vraie mâchoire. Ling. _ L' Acad. ne le met point.
   MâCHONER, mâcher avec dificulté, ou avec négligence. "Il ne fait que mâchoner. "Il ne mange pas, il mâchone.

MâCHURER


MâCHURER, v. act. [mâchuré: 1re lon. 3e é fer. devant l' e muet, l' u est long: il mâchûre, mâchûrera, etc.] Barbouiller, noircir. "Mâchurer du papier, des habits, le visage. _ Il est familier. L' Acad. le traite de populaire.

MAÇON


MAÇON, s. m. MAÇONAGE, s. m. MAÇONER, v. act. MAÇONERIE, s. f. [3e é fer. au 3e, e muet au 4e. _ Plusieurs Auteurs et Imprimeurs écrivent Masson et ses dérivés avec deux ss. Boileau suivait cette ortographe, et l' Ab. du Bos et M. Coste, l' Ab. Prévot, Crousaz, etc. Richelet met l' un et l' autre, Maçon et Masson, etc. Trév. L' Acad. le Rich. Port. ne mettent que le 1er.] Maçon, ouvrier qui fait tous les ouvrages des bâtimens. "Un bon Maçon. _ Fig. (st. famil.) On dit d' un ouvrier qui travaille grossièrement sur des ouvrages délicats, que c' est un maçon, un vrai maçon. _ On traite les compilateurs de maçons. _ Aide à maçon, manoeuvre qui sert au Maçon à corroyer le mortier, à gâcher le plâtre, et à porter les matériaux.
   MAÇONAGE, travail du maçon. "Ce maçonage est bon. "Tant pour le maçonage, etc. = Maçoner, bâtir. "Il y a bien à maçoner en cette maison. = Boucher une ouvertûre. "Maçoner une porte, une fenêtre. = Figurément (style familier) travailler grossièrement. "Il n' a pas travaillé cet ouvrage, il l' a maçoné. = Maçonerie: l' ouvrage d' un Maçon. "Une bone maçonerie. "Cloison de maçonerie. "La maçonerie seule de cette maison coûte quarante mille francs.

MACQUE


MACQUE, s. f. MACQUER, verbe act. [Make, maké: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Macque, instrument propre à briser le chanvre. "Macquer du chanvre, le briser avec la macque.

MACULATûRE


MACULATûRE, s. fém. MACULER, v. act. [3e é fer. au 2d, 4e lon. au 1er.] Maculer, en parlant des feuilles imprimées et des estampes; c' est tacher, barbouiller. "Il ne faut pas batre des feuilles fraichement imprimées, de peur de les maculer~. = V. n. "Des feuilles nouvellement imprimées maculent. = Maculatûre, en termes d' Imprimerie, est une feuille si mal tirée, qu' on ne s' en sert ordinairement qu' à faire des envelopes. " Il faut enveloper cela avec des maculatûres.

MADAME


MADAME, MADEMOISELLE, s. fém. [Madame, made-moa-zèle 2e du 2d et dern. de tous les deux e muet, 4e du 2d è moy. _ Plusieurs disent en conversation, ma--me, mamezèle. Richelet dit qu' il n' y a que le Parisien, qui est badaut, ou les Provinciaux, qui disent mamezelle. _ Mde de Genlis, faisant parler une villageoise, lui fait dire: "Oh! mamzelle, je ne suis pas la plus méritante, tant s' en faut. Th. d' Éd.] Madame, titre d' honeur qu' on ne donait, autrefois, qu' aux femmes de qualité, et que l' on done aujourd' hui comunément aux femmes mariées, aux Religieûses. = Madame tout court, c' est, ou la fille ainée du Roi, ou la femme de Monsieur, premier frère du Roi. Pour des domestiques, c' est la maîtresse de la maison. "Madame vous demande: Madame est sortie. Ils disent même en tierce personne, Monsieur, Madame, au lieu de dire, vous. "Madame est si pénétrante, pour, vous êtes si pénétrante, Madame. "Madame a un fond de morale qui me charme toujours. Th. d' Éduc.
   MADEMOISELLE, titre qui se done ordinairement aux filles. On apelait Mademoiselle, tout court, la fille aînée de Monsieur, frère de Louis XIV.
   Rem. On dit, par mépris, des Madames, une Madame, cette Madame; et ainsi de Mademoiselle. "Quelle est cette Madame, me dit Mr. A... Mr. c' est ma soeur, lui répondis-je: il fut honteux. Anon. "Quand il me vient des Madames, je prends vite mon ouvrage. Sév. Quand on veut parler avec politesse, on doit dire: qui est cette Dame? Quand il me vient des Dames, etc.

MADRAGUE


MADRAGUE, s. f. [Madraghe: dern. e muet; l' u ne se pron. point: il n' est là que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e] Pêcherie faite avec des câbles et des filets, pour prendre des thons et autres poissons.

MâDRÉ


MâDRÉ, ÉE, adj. [1re lon. 2e é fer.] Tacheté: "Porcelaine mâdrée, bois mâdré, léopard mâdré. = En parlant des persones, rusé, matois. "Il est mâdré, elle est mâdrée. _ Subst. "C' est une mâdrée. st. famil.

MADRIER


MADRIER, s. m. [ma-drié: 2e é fer.] Ais fort épais. "Il faut des madriers pour faire la plate forme d' une baterie de canon.

MADRIGAL


MADRIGAL, s. m. Petite pièce de poésie, qui renferme, dans un petit nombre de vers, une pensée ingénieûse. = M. de Balzac a dit Madrigals au pluriel; mais l' usage est pour Madrigaux.

MAFFLÉ


MAFFLÉ, ou MAFLÉ, ÉE, adj. (style familier) qui a de grôsses joûes. "Visage maflé. _ Subst. "C' est une grosse maflée. = La Fontaine dit mafluë.
   La voilà, pour conclusion,
   Grasse, mafluë et rebondie.
Les Dictionaires ne mettent que maflé.

MAGASIN


MAGASIN, s. m. MAGASINIER, s. m. [Maga-zein, zinié: 4e é fer.] Magasin est un lieu où l' on garde un amâs de marchandises, de denrées, de provisions. "Magasin d' étofes, de livres, d' armes, de poudres, de blé, de farine, etc. = On dit, en style prov., d' un homme qui a acheté plusieurs chôses de même nature, qu' on croit qu' il veut faire magasin. = Magasin se dit au fig. mais seulement dans le style badin ou satirique. "Il y a plus d' esprit, de science, d' érudition dans la génération où il y a plus de librairies, plus d' Académies, plus de cercles de savantes. Or, tous ces magasins d' esprit ont doublé, triplé, etc. Coyer.

MAGE


MAGE, s. m. Nom qu' on done, chez les Perses et autres Peuples Orientaux, à des hommes savans dans l' Astrologie et la Philosophie, telle qu' elle existait alors. "Zoroastre était le Chef et fut le Législateur des Mages. "Les Mages vinrent adorer N. S. à Bethléem.

MAGICIEN


MAGICIEN, ENNE, s. m. et f. MAGIE, s. f. MAGIQUE, adj. [Magi-cien; il n' a pas le son d' ian, ciè-ne; 3e è moyen, 4e e muet. Magî-e, 2e lon. 3e e muet; Magi--ke.] Magie, art chimérique, par lequel on prétend produire, contre l' ordre de la nature, des éfets merveilleux et surprenans. Magicien, qui fait profession de magie. Magique, qui a raport à la magie. "Magie naturelle ou magie blanche. Celle-là se prend en bonne part, et ne consiste que dans des secrets inconus au vulgaire. Magie noire, qui semble faire ses opérations par le moyen des démons. "Cela ne peut se faire sans magie. _ * Grand Magicien; fameûse Magiciène. = * Art, caractère magique: paroles magiques.
   REM. 1°. Magie, au fig. est l' illusion qui nait des arts d' imitation. "La magie du style, d' un tableau, du clair-obscur. = On dit, en style fam. d' une chôse facile à faire, qu' il ne faut pas là de magie. = 2°. Magique, suit ou précède, au choix de l' Écrivain. "Opérations magiques. "L' art des magiques acords. Gresset. Il aime à précéder en vers, et à suivre dans le discours ordinaire.

MAGISTER


MAGISTER, s. m. [3e ê ouv. C' est un mot tout latin.] Maître d' École de village. Il ne se dit que par râillerie. Quand on ne veut pas se moquer, on dit Maître d' École.

MAGISTèRE


MAGISTèRE, s. m. [3e è moy. et long, 4e e muet.] Il se dit et de la dignité du Grand-Maître de Malte: "Il prétend au Magistère; et du tems du Gouvernement d' un Grand-Maître. "Pendant son magistère.

MAGISTRAL


MAGISTRAL, ALE, adj. MAGISTRALEMENT, adv. [4e e muet: en, au 2e, a le son d' an.] Magistral, qui convient à un maître. "Parler d' un air, d' un ton magistral; d' une voix magistrale. _ On ne le dit guère que pour critiquer ou pour se moquer. = Magistralement, d' une façon magistrale. "Parler magistralement.

MAGISTRAT


MAGISTRAT, s. m. MAGISTRATûRE, s. f. [Le t ne se prononce point dans le 1er, 4e lon au 2d, dern. e muet.] Magistrat est un Oficier établi pour rendre la justice ou pour maintenir la police. Il ne se dit que des Juges Royaux, et l' on ne done point ce nom aux Oficiers de certaines Juridictions particulières, et encôre moins aux Juges des Seigneurs. = Magistratûre est, ou la dignité du Magistrat, ou le tems pendant lequel il exerce sa charge. "Exercer la Magistratûre. "Durant sa Magistratûre. = On emploie quelquefois Magistrat au singulier, pour signifier le corps des Magistrats Municipaux. "Il n' étoit pas décidé qu' un maître qu' on se donerait y remédiât mieux (aux vices du Gouvernement) que le Magistrat. Rayn. "Le Magistrat de Groningue entendoit trop bien ses intérêts. Formey. _ L' Acad. dit seulement qu' en quelques endroits on dit simplement le Magistrat, pour le Corps des Magistrats. _ Mais on ne le dit, même en ces endroits, que des Magistrats Municipaux.

MAGNANIME


MAGNANIME, adj. MAGNANIMEMENT; adv. MAGNANIMITÉ, s. f. [Mouillez le g; 4e e muet aux deux prem. en, dans le 2e a le son d' an.] Magnanime, qui a l' âme grande et élevée. = Magnanimement; d' une manière magnanime. = Magnanimité; vertu de celui qui est magnanime. Coeur magnanime, Prince magnanime. "Il s' est comporté magnanimement dans cette ocasion. "Il a montré beaucoup de magnanimité. = L' adv. est peu usité.

MAGNÉTIQUE


MAGNÉTIQUE, adj. MAGNÉTISME, s. m. [1re é fer. dern. e muet. _ On dit mal-à-propôs, dans le Dict. Gram. qu' on mouille le g dans ces deux mots. On s' est trompé; on ne le mouille point: on prononce magne-né--tike, tisme: l' e muet surajouté, extrêmement bref.] Magnétique, qui a raport à l' aimant. "Vertu magnétique. = Magnétisme, propriétés de l' aimant considérées collectivement. "Les éfets du magnétisme. "Le magnétisme animal.

MAGNIFICENCE


MAGNIFICENCE, s. f. MAGNIFIQUE, adj. MAGNIFIQUEMENT, adv. [Mouillez le g. Mag-nifi-sanse fike, fikeman: 4e lon. au 1er; 5e du 1er et 4e des autres e muet.] Magnifique, splendide, somptueux en dons et en dépense. Magnificence, qualité du magnifique; et en parlant des chôses, somptuosité, dépense éclatante. Magnifiquement, avec magnificence. "Il est fort magnifique. "Il les traita magnifiquement. "Il est fort porté à la magnificence. "On ne vit jamais telle magnificence. = Il est rârement employé au plur. "Les magnificences n' y furent guère moins grandes qu' à Alexandrie. Rollin.

MAGOT


MAGOT, s. m. [On ne prononce point le t: l' ancien Trév. écrivait mago; le nouveau écrit mâgot avec un accent circonfl. sur l' a.] 1°. Au propre, gros singe _ Figûre de la Chine. = Au fig. style famil. Homme fort laid. "C' est un magot, un vrai magot; laid comme un magot. = 2°. Dans le même st. amas d' argent caché. "On a trouvé son magot.

MAI


MAI, s. m. [Mé; é fer.] Le 5e mois de l' année. "Les arbres reverdissent au mois de Mai. "Le 15e Mai. = Mai est aussi un arbre qu' on a coupé et qu' on place, le 1er jour de Mai, devant la porte de quelqu' un, pour lui faire honeur. _ On dit: planter le mai; un grand, un beau mai.

MAJESTÉ


MAJESTÉ, s. f. MAJESTUEUX, EûSE, adj. MAJESTUEûSEMENT, adv. [2e è moy. 4e lon. 5e e muet; en, dans le 3e, a le son d' an; tu-eû, eû-ze, eû-zeman.] Majesté, grandeur auguste et souveraine. Il se dit par excellence de Dieu; et par extension, des Rois, des Empires, des Lois. "La Majesté Divine. "La Majesté des Rois. "Crime de lèse-majesté divine et humaine. "La majesté du Sénat, du Peuple Romain. "Ce n' est pas de la majesté de la Loi dont ils sont jaloux; c' est la gloire et la faveur de Daniel qu' ils haïssent. Mass. = Dans le st. oratoire, on dit aussi la majesté d' un temple, d' un édifice magnifique, etc.
   Rem. En parlant aux Rois, quand ce mot est joint à un pur adjectif, ou à un participe, on met le fémin. "Votre Majesté est victorieûse; votre Majesté est fort élevée au-dessus des autres Souverains. Mais quand il est joint à des substantifs employés adjectivement, les sentimens sont partagés sur le genre. Les uns disent: "Depuis que votre Majesté est maître, d' aûtres disent, maîtresse de la Corse. Cependant maître est plus suivant la raison et l' usage. Voyez BOUH. Rem. nouv. On dit: Sa Majesté est le Père et le Protecteur de son Peuple (et non pas, la Mère, la Protectrice) on doit donc dire de même: "Sa Majesté est maître, (et non pas maîtresse) de la Franche-Comté. Ibid.
   MAJèSTUEUX, qui a de la majesté. Majestueûsement, avec majesté, avec grandeur. "Air majestueux, tâille, démarche majestueûse. "Temple majestueux; style majestueux. "Marcher majestueûsement. Prononcer majestueûsement un arrêt.

MAJEUR


MAJEUR, EURE, adj. [Ma-jeur, jeû-re, 2e lon. au 2d, 3e e muet.] Qui a atteint l' âge porté par les lois du pays, pour user de ses droits. "En Normandie on est majeur à vingt ans. À~ Paris et dans les Pays de droit écrit, il faut en avoir vingt-cinq pour être majeur. = * Anciènement on disait, nos majeurs, pour dire, nos ancêtres. = Force majeûre, à laquelle on ne peut résister. _ Caûses majeures, d' une grande importance.
   MAJEURE, s. f. 1re proposition d' un syllogisme. "J' acorde la majeure, et je nie la mineure.

MAIGRE


MAIGRE, adj. MAIGRELET, ETTE, adj. MAIGREMENT, adv. MAIGRET, ETTE, adj. [Mègre, grelè, lète, greman, grè, grète; 1re è moy. 2e e muet aux 4 prem. è moy. aux 2 dern. 3e è moy. au 2d et au 3e.] Maigre, apliqué aux persones, qui a très peu de graisse, qui est sec et décharné. "Il ou elle est fort maigre. _ On le dit aussi des animaux, sur-tout de ceux qu' on mange. "Chapon maigre. "Ces boeufs sont maigres. Il faut les engraisser avant que de les vendre aux bouchers. _ On dit, prov.: aler du pied comme un chat maigre, fort vîte. = 2°. Apliqué aux chôses, il a diférens sens. "Terre fort maigre, aride, qui raporte peu. _ Maigre sujet; léger et qui fournit peu. _ Style maigre et décharné, sans agrémens, sans ornemens. _ Maigre divertissement, peu agréable. _ Maigre chère, mauvaise chère. _ Jours maigres, auxquels l' Église défend de manger de la viande. = S. m. La partie de la chair où il n' y a pas de la graisse. "Je ne veux point du grâs; je veux du maigre. = Adv. Faire ou manger maigre, s' abstenir de manger de la chair. _ Traiter en maigre, faire servir du poisson et autres mets, sans aucune viande.
   Maigrelet et Maigret, diminutifs. Un peu maigre. "Il est maigrelet, un peu maigret: elle est maigrelette, maigrette. Selon l' Ac. le 1er ne se dit que des enfans et des jeunes persones.
   Maigrement n' est pas en usage au propre. _ Dans le fig. fam. Petitement. "Il a de quoi vivre, mais fort maigrement. "Il nous a traités fort maigrement.

MAIGREUR


MAIGREUR, s. f. MAIGRIR, v. n. [Mè--greur, gri: 1re è moy.] Maigreur est l' état du corps des hommes et des animaux maigres. Maigrir, devenir maigre. "Il est dans une grande maigreur. "Il ou elle maigrit à vue d' oeil, de jour en jour. Voyez AMAIGRIR. _ "Je le troûve bien maigri: elle est bien maigrie.

MAIL


MAIL, s. m. MâILLE, s. f. MâILLER, v. act. MAILLET, s. m. [Dans ces mots l' a se fait sentir, et ai n' a pas le son d' e: mouillez l' l final du 1er et les deux ll des aûtres: mail, monos. Mâ-glie, Mâ-glié, Ma-gliè: 1re lon. aux deux prem. 2e e muet au 2d, é fer. au 3e; è moy. au 4e.] Mail, masse de bois garnie de fer par les deux bouts, qui a un long manche un peu pliant, dont on se sert en poussant une boule de buis. "Ce mail est un peu trop pesant: "Le jeu de mail est un beau jeu. Jouer au mail. = Mail se dit aussi de l' alée où l' on joûe au mail. "Ce mail est long de douze cens pâs. "Faire deux, trois tours de mail.
   MâILLE, 1°. Petit anneau, dont plusieurs réunis font un tissu. "Les mâilles d' un filet. _ Dans un sens aprochant; les mâilles des bâs d' estame, de soie. "Il y a une mâille rompûe à votre bâs. = 2°. Anciènement, annelets de fer dont on faisait des armûres. " Chemise de mâilles. "Jaque, cotte de maîlles. = 3°. Taches qui se font sur les plumes du perdreau, quand il devient grand. = 4°. Tache ronde qui vient sur la prunelle de l' oeil. = 5°. Anciène petite monoie. Ce mot est resté dans ces locutions proverbiales. _ Faire la mâille bone, garantir que le compte est juste. _ N' avoir ni sou ni mâille, être extrêmement paûvre. _ Ils ont toujours maîlle à partir (partager) ensemble; ils ont toujours quelque diférend.
   MâILLER, armer de maîlles. Il ne se dit aujourd' hui que des chiens, qu' on mène à la chasse du sanglier. "Il a fait mâiller ses chiens. (n°. 2°.) = Se mâiller, se dit des perdreaux, à qui les mâilles viènent (n°. 3°.) "Les perdreaux comencent à se mâiller. = Fer mâillé, treillis de fer, qui se met à une fenêtre.
   MAILLET, espèce de marteau de bois à deux têtes.

MAILLOT


MAILLOT, s. m. [Ma-glio: mouillez les ll.] Langes et bandes, dont on envelope un enfant en nourrice. "Un enfant en maillot. "Il étoit encôre au maillot.

MAILLûRE


MAILLûRE, s. f. [Ma-gliû-re; 2e lon. 3e e muet.] Mouchetûre ou mâille sur les plumes d' un oiseau de proie.

MAIN


MAIN, s. f. [Mein, monos.] Partie du corps humain qui est au bout du brâs, et qui sert à toucher, à prendre, etc. "Les doigts de la main. Le creux, le dedans, la paûme de la main. "Tendre la main; tenir, avoir à la main ou dans la main. "Se laver les mains, et non pas laver ses mains. = Il se prend au fig. en plusieurs sens. _ Doner la main, a deux significations, outre celle, dont nous parlons ci-dessous. Il veut dire, assister quelqu' un: "Donez-moi, ou prêtez-moi la main en cette afaire. "Les jours pâssent, et je leur done la main, pour aller plus vîte. Sév. "Il est nécessaire pour la perfection de cette science, (l' Astronomie) que les Astronomes de tous les siècles se transmettent leurs connoissances et se donent la main. Fontenelle. "Grenier public, où l' abondance et l' architectûre se donent la main. Coyer; ou doner la main droite et le lieu d' honeur. "Un Prince ne done jamais la main à un simple Gentilhomme, en quelque lieu que ce soit. _ Doner, ou prêter les mains à une chôse, y consentir. "Il a doné les mains à ce mariage. _ Cette expression ne s' emploie que relativement aux chôses; elle ne se dit pas des persones en régime. On dit: je done volontiers les mains à cette proposition; mais on ne dit pas, je vous done les mains, pour dire, je consens à ce que vous me proposez. * Triomphez, ô Sociniens, s' écrie M. Bossuet, M. Jurieu vous done les mains. = Doner la main, épouser. Quelques Poètes ont usé de cette expression.
   O coeur vraiment romain,
   Et digne du héros, qui vous dona la main.
       Corn.
  Hélas! suis-je en état de vous donner la main?
Doner la main, en ce sens n' est pas une expression bien française. Ces Poètes disent aussi: prêter la main, en parlant d' un mariage aparent. Prêtez-moi votre main, je vous done l' Empire. Mais, prêtez-moi votre main, prêtez-moi votre bras, signifieraient plutôt et plus proprement, aidez-moi à me venger. Bouh. = Doner la main à une Dame, c' est lui aider à marcher, à monter en carrosse, etc.
   Avoir la main rompûe à une chôse, l' avoir faite et dressée à cela. "Il a la main rompûe à l' écritûre. = Être en main ou à main pour.... c. à. d. comodément, en situation de le faire facilement. "Je ne suis point en main ou à main pour faire cela. = Avoir les armes bien en main, être adroit aux armes.
   Mettre aux mains, se dit dans le propre et dans le figuré. "Sans vouloir ici la mettre aux mains (la milice romaine) avec la milice française. Bossuet. "Je la suivis dans la cuisine, où elle me mit aux mains avec un reste de ragoût de la veille et des volâilles froides. Mariv. = Mettre la dernière main à un ouvrage, le retoucher, le polir. _ C' est une expression consacrée, qui n' est pas susceptible de changement dans les mots qui la compôsent. On peut pardoner à la Fontaine, qui avait besoin d' une syllabe de plus, d' avoir dit:
   J' ai du moins ouvert le chemin:
   D' autres pourront y mettre une dernière main.
Mais je n' excuserais pas si volontiers M. Racine le fils, qui écrivait en prôse, d' avoir répété plusieurs fois dans les Remarques sur les Tragédies de son Père, que: "cet illustre Poète n' a point mis une dernière main à ses Tragédies profanes. _ Pourquoi ne pas dire, la dernière main, puisque c' est l' usage. _ M. Moreau dit, dans le même sens, doner la dernière main: "Plan auquel Charlemagne dans la suite, comptoit doner la dernière main. Cet illustre Auteur dit ailleurs, mettre, etc. L' Acad. dit les deux: mais il me semble que mettre est beaucoup plus usité. _ Il y a des Auteurs qui ont dit, mettre la première main, pour dire comencer. "J' eus le bonheur d' être choisi, pour mettre la première main à cette bone oeuvre. Lettr. Édif. _ Cette façon de parler est douteûse. L' Académie ne la met pas.
   Porter les mains sur, atenter à, etc. "Je ne puis consentir qu' on porte les mains sur l' Oint du Seigneur. Rayn. = Lier les mains à.... empêcher d' éxécuter ce qu' on voudrait faire. "Ce discours n' éleva pas l' ame de Jean, mais il lui lia les mains. Id. "Il a une puissance absolûe pour faire le bien, et les mains liées, dès qu' il veut faire le mal. Télémaque. = Pâsser par les mains: "Tout lui pâssoit, pour ainsi dire, par les mains: il vouloit tout conoitre par lui-même. Vertot. Révol. Rom. L' expression ne me paraît pas assez conforme à la dignité de l' Histoire. = Prêter main forte, soutenir, apuyer de son autorité.
   Prêter main forte à mon foible courroux.
       Rouss.
Faire main bâsse sur; tuer, massacrer. "Ils se mirent... à faire main bâsse sur tout ce qui s' oposoit à leur furie. Mde. Dacier. Odyss. _ On l' emploie aussi au fig. "Vous avez agi en homme de goût, lorsque vous vous êtes déterminé à faire main bâsse sur les questions plutôt métaphysiques que physiques, que Descartes a cru devoir faire entrer dans la 2e partie de son livre des Principes. Paulian. = Batre des mains, aplaudir. = Faire tomber les armes des mains, fléchir, apaiser.
   On dit figurément, mettre la main à l' oeuvre. Bossuet a dit simplement, mettre la main à, pour dire, se méler, prendre conaissance de: "Déjà cette opinion partageoit les esprits, lorsque le Magistrat y mit la main. _ Cette expression est bone dans le propre, mais elle ne vaut rien dans le figuré. Mettre la main à une opinion, n' est pas une métaphôre naturelle. = Il y a de la diférence entre, mettre l' épée à la main, et mettre la main à l' épée. Voyez ÉPÉE. _ On peut dire aussi que, mettre le chapeau à la main, et mettre la main au chapeau, sont diférens. Le premier marque qu' on se tient quelque tems la tête découverte; au lieu que le 2d montre qu' on fait une simple révérence, en ôtant le chapeau et le remettant incontinent aprês. Andry. On dit toujours, mettre la main à la plume, et jamais mettre la plume à la main.
  Se payer par ses mains, se dit au fig.
  Je conclus donc que notre vrai salaire
   Doit se borner au plaisir de bien faire;
  Et qu' à l' écart laissant là les humains,
  Le Sage doit se payer de ses mains.
       Rouss.
Faire sa main; faire des profits illicites.
  Tout fait sa main, le plus habile
  Done aux autres l' exemple, etc.
       La Font.
Rem. On lit dans la Bérénice de Racine.
  Et lors qu' avec mon coeur ma main peut s' épancher,
  Vous fuyez mes bienfaits tout prêts à vous chercher.
On ne dit point, de la main, comme on le dit du coeur, qu' elle s' épanche: la métaphôre n' est pas juste. Mais l' épanchement du coeur a produit celui de la main. N' en faisons pas un crime au Poète. Tenons-lui plutôt compte de la beauté de la pensée.
   On dit, en style proverbial: avoir les mains dans les poches; ne rien faire. _ Avoir les mains nettes; ne pas s' être laissé corrompre par argent. _ N' y pas aler de main morte; fraper de toute sa force. Fig. "Ce Critique n' y va pas de main morte. _ Mettre à quelqu' un le pain à la main: être la première cause de sa fortune. _ Tenir la main haute à une persone, la tenir de court; lui lâcher la main; ne plus y veiller, la laisser faire. Voyez DOIGT, LâCHER, LAVER. = On dit encôre de quelqu' un qui a envie de se batre, que les mains lui démangent. = Je vous baise les mains; c. à. d. je ne crois rien de ce que vous dites; ou bien: adieu, j' y renonce.
   S' il est ainsi, je vous baise les mains.
   Une main lâve l' aûtre, il faut s' aider les uns les aûtres. = Entre gens de la même profession, il n' y a que la main; ils ont les mêmes principes, ils doivent être unis. = Coup de main, coup hardi. À~ la guerre, ataque qui se fait sans artillerie. Homme de main, homme d' exécution. Homme de la main, homme propre à bien exécuter ce qu' on lui ordonera. = En un tour de main, en aussi peu de tems qu' il en faut pour tourner la main. = Sous-main, secrètement. = Sous la main, prês, à portée. Il signifie quelquefois sous la dépendance. "Ce jeune homme est sous sa main. "Il se remet tout entier sous la main de la douleur. Jér. Dél. "Sa plaie saigne et s' aigrit encôre sous les mains qui tentent de le guérir. Ibid. _ Dans la main de a le même sens. "Arbitre de mes pensées, il me comande, il m' instruit, et mon âme est dans sa main. _ Ces trois dernières phrâses sont d' un style plus noble que les précédentes, et les suivantes. = De main en main, d' une persone à l' aûtre. _ On le disait autrefois pour successivement. "Plusieurs évènemens qui arrivèrent de main en main. = De la main à la main, secrètement, en parlant d' argent doné. "Quelques louis donés de la main à la main. = De longue main, depuis long-tems. "Il étoit venu au Concile avec une acusation méditée, et des récits préparés de longue main. Moreau. "Il (Pierre de Cugnières) prononça~ un discours qu' il avoit préparé de longue main. Villaret, Hist. de France. = À~ la main se dit au propre avec tenir, et en main, au figuré avec avoir. * Pluche dit, en mains au pluriel. "On a en mains la facilité la plus grande, etc. On dit, avoir en main au singulier, et entre les mains au plur. = À~ pleines mains, largement.
   Et cet amas de fécondes largesses,
   Que jour et nuit, la mère des humains,
   Sur ses enfans, répand à pleines mains.
       Rouss.
Tours de main, tours de subtilité et d' adresse; tels que ceux des Escamoteurs.
   MAIN de papier, vingt-quatre ou vingt-cinq feuilles de papiers pliées ensemble. "Il y a vingt mains à la rame.
   MAIN entre dans la composition de plusieurs mots. = Main-d' oeuvre; le travail de l' ouvrier. Il n' a point de pluriel. "La main d' oeuvre de cet ouvrage a beaucoup coûté. = Main-levée, permission qu' on obtient en justice, de disposer des biens qui ont été saisis. "Il a eu, il a obtenu main levée. Il se dit sans article. _ Doner main levée, faire un acte par lequel on se désiste de la saisie. = Main-mise, saisie. Il se dit sur--tout de la féodale. _ User de main-mise, fraper quelqu' un. Il est bâs et populaire, à mon avis. L' Acad. ne dit pas à quel style il apartient. Il ne va pas de main-morte, il va rudement. = Main-morte; état de ceux dont les biens ne sont pas sujets à mutation, comme les gens d' Église, Hopitaux, etc. qu' on apèle gens de main-morte, ou main-mortables. _ On apèle aussi gens de main-morte, les habitans de certains lieux, qui sont dans quelque sorte de servitude.

MAINT


*MAINT, MAINTE, adj. MAINTE-FOIS, adv. Plusieurs. _ Plusieurs fois. = Du tems de M. Coeffeteau on se servait de l' adjectif en vers et en prôse. Il dit lui-même, qu' un législateur avoit fait maintes belles lois. Vaugelas ne l' aprouvait que dans un poème héroïque, et voulait encôre qu' on ne l' employât que rârement. Ménage disait que, quoique vieux et presque décrépit, ce mot étoit encôre en usage dans la haute poésie et dans le style burlesque; mais qu' ailleurs on ne s' en servait plus. Th. Corneille pensait qu' il n' a de grâce que dans le burlesque et le comique. La Monnoie lui en trouvait encôre dans ce qu' il apèle le sublime enjoué, et citait ces vers de la Sat. VI de Boil.
   maint grec afamé, maint avide argien,
   Au travers des charbons va piller le troyen.
Rousseau a dit aussi dans une ode de ce st. enjoué.
   Bannis l' erreur générale,
   Qui jadis en maint écrit,
   Plaça la saine morale.
   Aujourd' hui maint n' est usité que dans le marotique.
   Certain ivrogne, après maint long repâs,
   Tomba malade.
       Rouss.
  La vigne se plaignoit un jour au vigneron
  De ce qu' il lui coupoit maint et maint rejeton.
       L' Ab. Reyre.
Voy. Fortune des mots, au terme MOT.
Pour maintefois, dès le tems de Vaugelas on ne le disait à la Cour qu' en râillant, et de la même façon qu' on disait ains au contraire: on ne l' écrivait plus. Aujourd' hui il ne s' écrit pas non plus, excepté dans de petites poésies badines ou comiques.
   Moi-même maintes fois je m' y suis brûlé l' aile...
   Moi-même maintes fois j' ai manqué d' y rester.
       L' Ab. Reyre.
Cet aimable Auteur écrit comme l' Acad. Il me semble qu' on doit écrire maintefois, sans s en un seul mot; comme on écrit toutefois, et non pas toutes fois, d' autant mieux que maint s' est toujours dit plus souvent au singulier qu' au pluriel. = M. Marin est d' un avis contraire, et pense qu' on le met indiféremment au singulier ou au pluriel.

MAINTENANT


MAINTENANT, adv. [Mein-tenan: 1re lon. 2e e muet.] À~ présent, à cette heure. "Aûtrefois on respectoit la religion: maintenant plusieurs l' insultent et l' outragent.
   Rem. 1°. On dit que maintenant vieillit, disait La Monnoie; mais peut-être ne dira-t' on de long-tems, il est vieux. En éfet, on ne peut pas le dire encôre, et il est toujours en usage. Il ne s' emploie pourtant pas aussi souvent que, à présent. _ Il s' unit a dès et non à jusque, avec lequel à présent s' associe fort bien. On dit indiféremment dès maintenant, dès à présent; mais quoiqu' on dise jusqu' à présent, on ne dit pas jusqu' à maintenant. Bossuet l' a dit, et c' était l' usage aûtrefois. _ * "Depuis ces premières années jusqu' à maintenant. Let. Édif. = 2°. Maintenant se dit du tems présent, par raport à celui qui parle, qui raconte. Ainsi un Historien ne doit pas s' en servir pour signifier un tems, qui n' est présent que par raport à ceux, dont il parle. L' Ab. Prévôt (H. des Stuarts) dit, des Comunes: "Elles renouvelèrent leurs éternelles complaintes sur les progrès du Papisme; toujours le premier et maintenant l' unique sujet de leurs chagrins. Il devait dire, et alors l' unique sujet, etc. _ Mde de B. a dit aussi (Hist. d' Angl.) "Jean, assuré maintenant de la France... se livra tout entier à sa passion. _ Il falait, alors assuré, etc.

MAINTENIR


MAINTENIR, v. act. MAINTENûE, s. fém. MAINTIEN, s. m. [Mein-teni, te--nû-e, tien: 1re lon. 2e e muet aux deux 1ers, 3e lon. au 2d.] Maintenir, c' est 1°. tenir au même état: "Cette bârre de fer maintient la charpente. "Maintenir les lois. "Il a été maintenu en possession par l' Arrêt. = Se maintenir. "Toute cette charpente se maintient bien. "Cette femme se maintient bien pour son âge. "Se maintenir dans les bones grâces de... "Les lois se maintiènent en vigueur. "La discipline s' est toujours maintenûe dans ce corps.
   2°. Afirmer. Je vous maintiens que cela est vrai. Il a les mêmes régimes qu' Affirmer. Voyez ce mot.
   MAINTENûE ne se dit qu' au Palais. "Arrêt de maintenûe, qui confirme la possession provisoire.
   MAINTIEN est, 1°. conservation: "Le maintien des lois, de l' autorité, de la discipline. = 2°. Contenance; l' air du visage, le port du corps. "Grâve, noble maintien. = Maintien, contenance (Synon.) Le maintien est pour montrer des égards aux aûtres hommes; la contenance est pour imposer. Le maintien est pour la société, il est de tous les tems; la contenance est pour la représentation: hors de là c' est pédantisme: "Il ne faut avoir de la contenance, que quand on est en exercice; mais il faut toujours avoir un maintien honête et décent. Encycl. Beauzée; (Synon.)
   Rem. Dans le sens d' air, mine, il ne se dit que dans le burlesque, dit La Touche. Il cite en preuve ce vers de Boileau.
   Il est vrai que Quinaut est un esprit profond,
   A repris certain fat, qu' à sa mine discrète,
   À~ son maintien jaloux j' ai reconnu Poète.
   On ne voit pas aisément ce qu' il y a de burlesque dans cette expression. Ce Gramairien entendait sans doute par ce mot, le style critique ou satirique; et voulait doner à entendre que maintien ne se disait qu' en dénigrement _ D' abord l' Acad. ne le désaprouvait pas: dans les éditions postérieures, elle dit qu' il vieillit. Dans la dernière, elle l' a mis sans remarque. Il est aujourd' hui, plus que jamais, employé sans dificulté, et dans tous les styles, et se dit en bien comme en mal, suivant l' épithète qui le modifie.

MAJOR


MAJOR, subst. et adj. Oficier de guerre, ordinairement chargé du détail du Régiment, et qui fait exécuter les ordres qu' il reçoit du Comandant. _ Adj. L' État Major, composé du Colonel, Lieutenant-Colonel, Major, Aide-Major, Aumonier, Chirurgien-Major, etc.

MAJORDôME


MAJORDôME, s. m. [3e lon. 4e e muet.] Maître d' Hôtel. Il ne se dit que de ceux qui servent en cette qualité à la Cour de Rome, et dans celles d' Espagne et d' Italie.

MAJORITÉ


MAJORITÉ, s. f. [dern. é fer.] 1°. État de celui qui est majeur. "L' âge de majorité. = 2°. Charge de Major. "Le Roi l' a nomé à la majorité de cette place.

MAIRE


MAIRE, s. m. [Mère: 1re è moyen et lon.; 2e e muet.] Le premier Oficier d' une Maison de Ville. = Maire du Palais, sous la première race de nos Rois, était le premier et le principal Oficier qui, sous le nom du Roi, avait la disposition de tous les afaires de l' État.

MAIRIE


MAIRIE, s. f. [Mèrî-e: 1re è moy. 2e lon. 3e e muet.] Il se dit, et de la charge et dignité de Maire. "Il a été élevé à la Mairie; et du tems qu' on exerce cette charge: "Pendant sa mairie. = On a dit aussi mairerie.

MAIRRAIN


MAIRRAIN, voy. MERRAIN.

MAIS


MAIS, conjonct. [mê; ê ouv. et long.] Cette conjonction sert à marquer, 1°. Contrariété, exception, diférence. "Il est fort honête homme, mais il a un tel défaut. "Elle n' est pas aussi belle, mais elle a plus d' esprit. = 2°. Augmentation ou diminution. "Non seulement il est bon, mais encôre il est brâve. "Elle est assez bien faite, mais elle n' est pas grande. = 3°. Elle sert quelquefois de transition. "Mais c' est assez parler de cela, passons à un autre article non moins important.
   Rem. I. Mais est une particule ou conjonction adversative. On ne doit donc point l' employer quand il n' y a pas d' oposition entre les deux membres de la phrâse. "Les desirs de Rachel se sont élevés vers le ciel... mais on en a vu descendre des Josephs. Les desirs de la femme d' Helcana se sont élevés vers le ciel... mais on en a vu descendre des Samuels, etc. etc. Mascar. Il y a dans cette phrâse une suite de mais, qui seraient mieux remplacés par Et; car il y a liaison, et non oposition entre les prières et leurs éfets. = Mais est aussi déplacé dans la phrâse suivante. "Elle étoit encore très-jeune, mais d' une beauté extraordinaire. Rollin. Pourquoi ce mais? Il n' y a pas d' oposition entre la jeunesse et la beauté. Âgée, mais encôre belle; laide, mais jeune: voilà où le mais est bien placé. Il falait donc, jeune et d' une beauté, etc. = II. Mais, liant deux membres de phrâse, exige le même ordre dans la construction de ces deux membres. Les phrâses suivantes pèchent contre cette règle, prescrite par l' amour de la netteté et de la clarté. "On peut mettre hardiment ce systême au nombre de ceux qu' enfante une imagination vive et féconde, mais qui, dénué de la moindre vraissemblance, se troûve absolument démenti, etc. Orig. des Lois. En vertu de la conjonction, qui devrait se raporter au même antécédent que le relatif que, c. à. d. ceux: et l' Auteur le fait raporter à systême. Ce tour de phrâse est sauvage et irrégulier. "Les Vaudois s' avisèrent que les Apôtres n' étoient pas seulement pauvres, mais encôre prédicateurs. Boss. Le transport de la négative ocasione de l' embarras. Il falait: étoient non seulement paûvres, mais encôre prédicateurs; ou bien, qu' ils n' étoient pas seulement paûvres, mais qu' ils étaient encôre prédicateurs. "Le premier témoin qui s' offre à M. Bailly c' est Diodore de Sicile, qui ne lui aprend rien de la position de Atlantes, mais seulement de leur antiquité. Ann. Litt. Le premier membre de cette phrâse est négatif, le 2d, qui n' est déterminé que par mais, doit l' être aussi. On peut donc croire, d' aprês cette construction, que Diodore n' aprend rien de l' antiquité des Atlantes, comme il n' aprend rien de leur position. Il y a donc dans cette phrâse, non seulement de l' embarras, mais un contre-sens. Il fallait: Diodore, qui n' aprend rien de la position des Atlantes, mais qui parle seulement de leur antiquité. = III. Vaugelas justifie mais même, contre l' opinion de ceux qui le trouvent trop dur. "Non seulement il lui a pardonné, mais même il lui a fait du bien. Dans le Dict. Gram. On préfère mais encôre. L' Acad. ne met que celui-ci. = IV. Plusieurs mais de suite dans une phrâse, font un mauvais éfet. "Mais il me répondit: Je suis fâché de le faire; mais ce n' est pas une action volontaire, mais forcée.
   N' en pouvoir mais ne peut plus trouver sa place que dans le burlesque. Vaug. Corn. Andry. L. T. Ces Gramairiens entendent par ce mot de burlesque, le style familier. On les distingue aujourd' hui. "Je n' en puis mais: en puis-je mais? Ce n' est pas ma faûte: est-ce ma faute?
   MAIS, comme si, s' emploie substantivement dans le style familier. "Ennuyé de vos mais, il vous avoit plantée là. Marm. c. à. d. ennuyé des dificultés que vous formiez sans cesse.
   * Mais que, pour lorsque, ou pourvu que, est vieux et hors d' usage. "Venez-moi quérir, mais qu' il soit venu; lorsqu' il sera venu; mais qu' il viène, pourvu qu' il viène.

MAISON


MAISON, s. f. [mè-zon: 1re è moy.] Logis, bâtiment pour y loger. "Belle, grande maison. Une maison comode, logeable. "Maison à louer, à vendre. "Il ne bouge de la maison: il ne sort pas.
   Rem. 1°. Maison, est synonyme de Logis pour le sens, mais il ne l' est pas pour l' emploi. Voy. LOGIS. = On dit faire maison neuve, chasser tous ses domestiques à la fois, pour~ en prendre d' aûtre. Boileau avait cru pouvoir dire en conséquence, faire logis neuf.
   Et que dans son logis fait neuf en son absence,
   Il cherche vainement quelqu' un de connoissance.
Mais on lui fit remarquer, que quoiqu' on dise faire maison neuve, ou ménage nouveau, on ne disait pas, faire logis neuf, au même sens. Brossette. Il changea donc le vers et mit en place.
   Et que parmi ses gens chassés en son absence.
   2°. Maison de campagne et maison des champs, c' est la même chôse; mais le 1er est plus noble. = 3°. Quand on parle des Princes et des gens de qualité, on dit, la maison et non la famille. "Il est de bone maison. "Cette maison est éteinte. "Il a relevé sa maison. Au contraire, quand on parle de bourgeois, marchands, gens d' afaire, on dit famille, au lieu de maison. Ce qui se dit, en d' autres ocasions, même des gens de qualité, comme en matière de médailles; quand il s' agit des anciens Romains; et quand on prend le mot de famille dans un sens plus étroit pour signifier le Père, la Mère, les Enfans et les parens les plus proches. = Il y a de la diférence entre établir sa maison et établir sa famille. On dit, d' un homme, qui a amassé de grandes richesses, qu' il a bien établi, ou avancé sa maison. Qui diroit, avancé sa famille, ne parlerait pas correctement. Bouh. _ On dit aussi, au même sens, faire une bone maison, amasser beaucoup de biens. "Cet homme a fait une bone maison. = 4°. Maison entre dans plusieurs expressions du style familier. _ Tenir maison, tenir ménage. Lever maison, comencer à tenir ménage. Faire sa maison, prendre des domestiques. Faire maison nette, les renvoyer tous. Faire maison neuve, en prendre d' aûtres. _ Faire bien les honeurs de sa maison, recevoir bien le monde chez soi. _ Garder la maison, ne pas sortir pour caûse d' incomodité. Je garde ma maison, dit Madame de Sévigné. Il me semble qu' il faut dire, je garde la maison. Voy. Garder le lit, au mot GARDER.
   On dit, proverbialement, que, les maisons empêchent de voir la ville, et que la trop grande atention aux petits détails fait perdre de vûe le fond, le principal d' une afaire. "Vous avez mille afaires ici. Prenez garde de voir vos afaires domestiques de trop près, et que les maisons ne vous empêchent de voir la ville. Madame de la Fayette à Madame de Grignan. = Cela a été vendu par dessus les maisons, excessivement. = C' est la maison de Dieu, on n' y boit, ni n' y mange, se dit d' une maison, où l' on ne done à manger à persone.
   Maison-de-Ville: Hôtel où s' assemblent les Oficiers de la Municipalité.
   Petites-maisons, Hôpital des fous. = On doit dire, des petites-maisons, et non pas de petites-maisons, parce que petites-maisons, quoique composé de deux mots ne forme qu' un seul nom substantif, comme Petit-maître, Grand-homme, etc. _ Heureux! dit Boileau, en parlant d' Alexandre.
   Si la Grèce avoit eu des petites-maisons.

MAISONÉE


MAISONÉE, s. f. [Mèzonée: 1er è moy. 3e é fer. 4e e muet.] Tous les gens de la famille, qui logent dans une même maison. "J' ai mis dans ma hotte toute la maisonée d' Armagnac, qui m' ocupe beaucoup. M. de Coulanges. _ Trév. dit, que c' est un terme populaire. _ Le Rich. Port. le met sans remarque. L' Acad. l' admet pour le style familier. "Toute la maisonée est venûe dîner chez moi.

MAISONETTE


MAISONETTE, s. f. [Mèzonète: 1re et 3e è moy. dern. e muet.] Petite maison. "Il est logé dans une maisonette.

MAîTRE


MAîTRE, MAîTRESSE, s. m. et f. MAîTRISE, s. f. MAîTRISER, v. act. [Mêtre, trèce, trize, tri-zé: 1re lon. mais plus au 1er qu' aux deux aûtres; 2e e muet au 1er, è moy. au 2d, lon. au 3e] Maître, Maîtresse, 1°. Celui, celle, qui a des domestiques, des esclâves. "Bon maître; bone maîtresse. = 2°. Qui enseigne. "Maître à danser. Maître de Musique. Maître, ou maîtresse d' école. = 3°. Celui, celle qui est reçu dans quelque corps de métier. "Maître cordonier. Maîtresse lingère. = 4°. Maître, savant, expert en quelque art. "Homère, Virgile sont deux grands maîtres en Poésie. "Les Maîtres de l' art. "Il prêche en maître. "Coup de maître. _ On ne dit point maîtresse en ce sens. = 5°. Titre doné aux Avocats, Gréfiers, etc. Maître tel. = 6°. En termes de Marine, le premier Oficier marinier, qui comande toute la manoeuvre. Sur la mer méditerranée on l' apèle Nocher. = 7°. Maîtres, au pluriel, cavaliers. "Une Compagnie de cinquante maîtres. = 8°. En parlant de certaines chôses, il est adj. Premier ou principal. "Le maître autel. "Le maître brin d' une plante, etc.
   Rem. On dit, se rendre maître d' un Royaume, le conquérir; et se rendre le maître dans un royaume, y devenir le plus fort. Plusieurs Auteurs ont confondu ces deux expressions. "Maxime se rend Maître à Rome. Boss. Il falait dire, suivant le sens qu' avait en vue l' Auteur; se rend maître de Rome, ou se rend le maître à Rome. "Non-seulement, il se rendit le maître de cette Province, mais il y joignit la Cilicie. Let. Édif. "Avant que les Maures s' en fussent rendus les maîtres. Ibid. _ Je crois qu' il falait; il se rendit maître de, etc. Avant qu' ils s' en fussent rendus maîtres. = Être maître, et être le maître, ont aussi des sens et des emplois diférens. Le 1er se dit dans le figuré et signifie, dominer, assujétir, se rendre maître de. Il régit le génitif.
   Cette haine atachée aux restes de mon être
   A pris un ascendant, dont je ne suis plus maître.
       Gresset, Sidney.
"Il parait être maître de tous les autres hommes, mais il n' est pas maître de lui-même. Télém. _ Être le maître, se dit dans le propre et sans régime des noms. Il signifie comander. "Ici, je suis maître et vous êtes esclâve. Marm. L' oposition de maître et d' esclâve fait passer l' irrégularité de l' expression. Il aurait été mieux de dire: ici je suis le maître et vous êtes l' esclave, le serviteur: je suis fait pour comander et vous pour obéïr. Être le maître régit de devant les verbes. "Vous êtes le maître de faire ce que vous voudrez. = Passer maître se dit, dans le propre, des artisans, qui sont reçus à la maitrise. Être maître passé se dit, au figuré, d' un homme habile et rusé. "Retournant à la charge, comme maître passé en l' art oratoire. _ La Fontaine dit, dans la Fable du Renard et du Bouc.
   Celui-ci ne voyoit pas plus loin que son nez,
   L' autre étoit passé maître en fait de tromperie.
La contrainte de la mesûre lui a fait placer pâssé devant maître. = De main de maître, adv. Parfaitement. "Vous serez satisfait de la description d' un orage (dans le Poème des saisons) elle est de main de maître. ANN. LITT. "Ce portrait (des Philosophes, dans l' Homme Dangereux) est tracé de main de maître.
   Le proverbe dit: l' oeil du maître engraisse le cheval: il faut tout voir par soi-même, et ne pas s' en raporter aux aûtres. _ Tel maître, tel valet; les valets imitent les maîtres. _ Trouver son maître, un plus habile que soi. _ "C' est un maître gonin; un homme fin, rusé; un maître coquin, un grand coquin.
   MAITRESSE, Amante, n' est plus depuis long-tems du beau style. Racine le bannit du style noble, et s' il se troûve deux fois dans ses pièces, c' est dans un sens de mépris. _ Phénix dit à Pirrhus, qui renvoie Oreste à Hermione.
   Ainsi vous l' envoyez aux pieds de sa maîtresse.
Et Mithridate dit en colère.
   J' ai besoin d' un vengeur et non d' une maîtresse.
Cependant les Tragiques modernes et Voltaire lui-même ont employé maîtresse pour la comodité de la mesure ou de la rime.
   PETIT-MAîTRE, jeune homme, qui se distingue par un air avantageux, par des manières libres et étourdies. _ L' origine de ce mot est le tems de la Fronde. "On avait apelé la cabale du Duc de Beaufort, celle des Importans, on apelait celle du Prince de Condé, le parti des Petits-Maîtres, parce qu' ils voulaient être les maîtres de l' État. Il n' est resté de tous ces troubles d' autres traces que ce nom de Petit-Maître, qu' on aplique aujourd' hui à la jeunesse avantageûse et mal élevée. Siècle de Louis XIV. "Un Petit-Maître, avec ses grimaces, est aussi loin du caractère d' un galant homme, qu' un faux dévot, avec son air sanctifié, est éloigné du caractère d' un homme véritablement religieux. MARIN, l' Homme Aimable. = Peite-maîtresse, femme, qui afecte les manières d' un petit-maitre. _ Celui-ci est plus nouveau, parce que le ridicule qu' il représente est devenu depuis quelques années plus outré et plus comun. = On doit dire, au pluriel, des petits maîtres, des petites-maîtresses, et non pas de petits-maîtres, etc. Voy. MAISON, à la fin.
   MAîTRISE, qualité de maître, en parlant des Arts et Métiers. Il a acheté la maîtrise. _ Grande-maîtrise, se dit de certaines dignités, ou charges. La grande-maîtrise de Malte. "La grande maîtrise des Eaux et Forêts.
   MAîTRISER, gouverner en maître. "C' est une injustice de vouloir maîtriser ses égaux. "Ne vous laissez pas maîtriser. = Il est beau au figuré avec le régime des chôses. "Le pêcheur est l' esclâve des passions qu' il croit maîtriser. P. Berthier. "Maîtrise enfin une douleur, qui te conduit à une double mort. Jér. Dél. "Cette fière Princesse, qui savoit si bien juger et maîtriser le danger. Hist. des Tudors. * L' Ab. Prévot (Hist. des Stuarts) a employé maîtrisant adjectivement. "Son naturel (de Cromwel) lui dictoit une impérieuse et maîtrisante politique. "L' esprit maîtrisant des Presbytériens. _ c' est un anglicisme.

MAJUSCULE


MAJUSCULE, adj. et subst. Capital, en parlant des lettres. "Caractère majuscule, lettre majuscule. = S. f. "Il faut mettre une majuscule devant les noms propres.

MAL


*MAL, MALE, adj. Méchant, mauvais. Ils ne se disent pas tout seuls, mais ils entrent dans quelques mots composés. Malheur, mal-aise, mal-encontre; male-rage, male--peste, male-mort, à la male heure, etc. = L' e de male est ordinairement muet, mais dans malédiction et maléfice, il est fermé.
   MAL, s. m. et adv. [Le pluriel du substantif est maux; pron. , long.] Mal, est 1°. En général, ce qui est contraire au bien. "Il n' y a pas de bien sans quelque mélange de mal. "Il n' y a pas de mal à cela. = 2°. Défaut, imperfection. "Il ne faut pas dire du mal de son prochain. = 3°. Vice, mauvaise action. "Il faut éviter le mal et faire le bien. "Enclin, endurci au mal. = 4°. Douleur, maladie. Mal dangereux, contagieux, invétéré, incurable. "Ce remède guérit bien des maux. = Quoiqu' on dise, avoir mal aux dents, aux reins, à la rate, à l' estomac; on doit dire: mal de dents, d' oreilles, de tête, de ventre, etc. Dans les premières locutions, c' est avoir, et non pas mal, qui régissent la prép. à. Voy. DOULEUR. = 5°. Domage, perte, calamité. "La gelée a tout perdu: il y a encôre plus de mal que l' on ne croit. "Cela ne fait ni bien, ni mal. = Vouloir mal, haïr. "Vous ne lui ferez pas grand mal, en lui voulant du mal: vous vous en ferez bien plus à vous-même. = 6°. Inconvénient, malheur: "C' est un grand mal qu' il soit absent. = 7°. Incomodité, peine, travail. "Il a bien du mal à gâgner sa vie. Acad. st. famil.
   Le Proverbe dit: de deux maux, il faut éviter le pire. = Mal sur mal n' est pas santé: on est bien à plaindre, quand plusieurs aflictions arrivent à la fois. = Tomber de fièvre en chaud mal, d' un petit accident en un plus grand.
   Tourner une chôse en mal, ou l' expliquer en mal, lui doner un mauvais sens. _ La prendre en mal, ou fort mal, s' en ofenser. "Il prend tout en mal, il a pris cela fort mal.
   Mettre une femme à mal; la séduire. = Faire beaucoup de mal, (n°. 5°.) se dit toujours au singulier. Madame Dacier emploie le pluriel. "C' étoit quelque bête, qui étant devenûe enragée avoit fait beaucoup de maux. Iliade. Dites, beaucoup de mal.
   MAL, adv. Aûtrement qu' il ne se doit. "Cette afaire va mal. "Il a mal réussi. "Il chante mal;, j' ai mal entendu, etc. = Il se place après le verbe dans les temps simples; mais il vaut mieux le placer devant l' infinitif et le participe, dans les tems composés. "Il en ûse mal; il en a mal usé; je ne croyais pas mal faire, etc. = Quelquefois pourtant le goût de la construction et l' harmonie du discours permettent et exigent même qu' il marche après l' infinitif. "Un élève, qui a du génie, aprend à bien faire, en voyant son maître faire mal. DU BOS. = Quelques--fois aussi, il done à l' expression des sens diférens, suivant qu' il est devant ou aprês, comme par exemple, se mal trouver, et, se trouver mal. Le 1er ne se dit qu' au figuré, et seulement à l' infinitif et dans les tems composés: il signifie, tirer un mauvais fruit d' une démarche, et ce qu' on apelle, en style proverbial, en être mauvais marchand. "Il pourrait s' en mal trouver: "Il s' est mal trouvé de n' avoir pas suivi vos conseils. _ Le 2d se dit dans le propre. Il n' a point de régime, et signifie, ressentir une incomodité, tomber en faiblesse. " Je me troûve mal aujourd' hui. Il se troûve mal toutes les fois qu' on le saigne.
   Mettre mal avec, brouiller. "Je vous mettrai mal avec les Poètes. Scar. _ Être mal avec quelqu' un; être brouillé avec lui. _ Être mal dans ses afaires; comencer à devenir paûvre. = * Un Auteur moderne a dit, tomber mal, pour dire, tomber malade, ou se trouver mal. Voy. MALADE. Rem. 2°.

MALADE


MALADE, adj. Qui soufre quelque altération dans la santé. "Il, ou elle est bien malade; légèrement ou grièvement malade. "Il s' est chagriné; il en est malade. = Il se dit aussi de l' esprit. "Il est plus malade de l' esprit que du corps. "Elle est malade d' imagination. = S. m. "C' est un bon ou un fâcheux malade. "Visiter, garder les malades. Il fait le malade.
   Rem. 1°. M. l' Ab. Richard (Mém. d' Ital.) fait régir à malade la prép. de. "François I. faisant la cérémonie de toucher les malades d' écrouelles, etc. Ainsi l' on pourrait dire: c' est un malade de fistule; j' ai visité les malades de pleurésie, etc. Mais non: Malade subst. se dit toujours absolument et sans régime. Malade, adj. régirait plutôt l' article défini. "Il est malade de la poitrine. Encôre n' est-il pas beaucoup d' ocasions, où ce régime pût faire un bon éfet. = 2°. Tomber malade est du style familier. "Je trouve que dès qu' on tombe malade à Paris, on tombe mort. Sév. _ M. Fréron dit, tomber mal: je ne crois pas cette expression française.
   On dit, proverbialement, de celui, qui se plaint d' une petite peine: le voilà bien malade. Et pour se moquer d' un danger, d' un mal, qu' on exagère: il n' en mourra que les plus malades.

MALADIE


MALADIE, s. f. MALADIF, IVE, adj. [3e lon. au 1er et au 3e, 4e e muet.] Maladie, altération dans la santé. Maladif, valétudinaire, sujet à être souvent malade. "Il court de fâcheuses maladies cette année. "Il relève de maladie. = Fig. "Les passions sont les maladies de l' âme. "Homme maladif; femme maladive.
   MALADIE, au figuré; passion déréglée qu' on a pour quelque chôse. "Il a la maladie des médailles. "Il aime à bâtir; c' est sa maladie. = Maladie du pays, désir violent de retourner en son pays jusqu' à en être malade. "Il a la maladie du pays. = En style proverbial, avoir des maladies en poche, c' est savoir les feindre quand il est nécessaire.
   Un écolier, toujours, a maladie en poche.
       L' Ab. Reyre.
* Faire une maladie, est un gasconisme. On dit, avoir une maladie. Desgr. Gasc. Corr. "Il a eu une grande maladie, et non pas, il a fait, etc.

MALADRERIE


MALADRERIE, s. f. Nom doné aux Hopitaux des Lépreux, qu' on apelait aussi Léproserie.

MAL-ADRESSE


MAL-ADRESSE, s. f. MAL-ADROIT, DROITE, adj. MAL-ADROITEMENT, adv. [Mala--drèce, droa, droa-te, droa-teman: 3e è moy. au 1er, 4e e muet au 1er, au 3e et au 4e.] Mal--adresse, défaut d' adresse. Mal-adroit, qui manque d' adresse. Mal-adroitement, sans adresse. "La mal-adresse d' un ouvrier, d' un domestique. "Il est mal-adroit en tout ce qu' il fait. _ S. m. C' est un mal-adroit. "Il fait toutes chôses mal-adroitement. = L' adj. et le subst. s' emploient au figuré, en parlant du défaut d' adresse dans la conduite. Ils sont même à la mode. "Il y a bien de la mal-adresse dans ce discours, dans cette apologie. "Cela n' est pas d' un mal-adroit. "Cela n' est pas mal--adroit. = Mal-adresse, régit à ou de, suivant que l' article qui le précède est indéfini, ou défini. "Il y a de la mal-adresse à se justifier par des raisons si pitoyables. "Il a eu la mal-adresse de faire des aveux, qui le chargent. "Ils ont souvent la mal-adresse de laisser croire que la vérité leur déplait. Moreau. Voy. MAL-HABILE.

MAL-AîSE


MAL-AîSE, s. m. [Malèze; 2e è moy. et lon. 3e e muet.] État fâcheux, incomode. "Il n' est pas acoutumé à soufrir le mal-aise. _ Mal-aise, mal-aisance, mésaise. De ces trois mots, dit-on, dans le Dictionaire de Trév. le dernier est le meilleur et le plus usité: encôre ne l' est-il guêre. Mal-aise est aujourd' hui assez en usage, et ce me semble, encôre plus que mésaise. On ne dit plus, mal-aisance. L' Acad. met les deux premiers, chacun à leur place, sans les comparer et sans doner la préférence à l' un sur l' aûtre.

MAL-AISÉ


MAL-AISÉ, ÉE, adj. MAL-AISÉMENT, adv. [Malèzé, zé-e, zéman; 2e è moy. 3e é fer.] Dificile; dificilement. "Il est malaisé de le faire. "Elle est mal-aisée à gouverner. _ On met de, quand le verbe être est impersonel, et à, quand il a son emploi ordinaire. "Vous réussirez mal-aisément à ce que vous entreprenez. = Mal-aisé signifie aussi incomode, en parlant des chôses. "Instrument, escalier mal--aisé; et en parlant des persones, qui n' a pas d' aisance en ses afaires. "Riche mal-aisé.

MAL-AVISÉ


MAL-AVISÉ, ÉE, adj. [Malavizé, zé-e: 4e é fer. lon. au 2d.] Imprudent, indiscret. "Il est fort mal-avisé. "Elle est bien mal--avisée. = Subst. "C' est un mal-avisé, une mal-avisée. "Vous êtes un mal-avisé de parler de la sorte.

MAL-BâTI


MAL-BâTI, IE, adj. Mal-fait, mal tourné. "C' est un homme bien mal-bâti. = Subst. "C' est un grand mal-bâti. _ On ne le dit guère des femmes. = Se sentir tout mal-bâti, c. à. d. indisposé. = Dans les deux sens, il n' est que du style fam. "Quel est ce mal-bâti de Romain, qui vient après ce chaud Amoureux? Boil. Dial. des Romans.

MAL-CONTENT


MAL-CONTENT, ENTE, adj. *MAL-CONTENTEMENT, s. m. [Mal-kontan, tante, tanteman; 2e et 3e lon. 4e e muet.] Mal-content, mal-satisfait, mécontent. "Vous ne serez pas mal-content de moi. _ Selon l' Acad. Il se dit sur-tout du Supérieur à l' égard de l' inférieur. "Le Roi est mal-content de lui. * Mal-contentement est vieux. "Le prétexte de la conjuration d' Amboise étoit la Religion, combien que le bruit fût qu' il y avoit plus de mal-contentement que d' huguenoterie. Journ. de Brulart. _ Ce mot eut été bon à conserver; et comme nous avons mal-content et mécontent, nous aurions eu mal-contentement et mécontentement. Voyez MÉCONTENT.

MâLE


MâLE, adj. et subst. [1re lon. 2e e muet.] Qui est du sexe le plus noble et le plus fort. "Enfant mâle, perdrix mâle. = Subst. "Le mâle et la fémelle. = En style plaisant et mordant. "Un laid mâle; un vilain mâle, un homme fort laid. = Fig. "Un courage mâle: "Vertu mâle. "Résolution mâle et vigoureûse. "Voix, discours mâle. _ "Un style mâle, une poésie mâle. = Et en Peintûre; contours mâles, figure mâle. "Composition mâle. = Il ne se dit point adjectivement des persones dans ce sens figuré. "Les femmes y sont (à Socotra) si mâles, qu' elles vont à la guerre. Hist. des Voy. _ On dirait, elles ont un courage si mâle, que, etc.

MALE


MALE, s. f. Voy. MALLE.

MALEBêTE


MALEBêTE, s. f. [2e et dern. e muet. 3e ê ouv. et lon.] Persone dangereûse et dont on doit se défier. "C' est une malebête. "Ce sont des malebêtes.

MALÉDICTION


MALÉDICTION, s. f. [Malédik-cion, en vers, ci-on. 2e é fer.] Imprécation. "Doner sa malédiction, ou mille malédictions à.... En style fam. La malédiction est sur cette maison, sur cette afaire; le malheur y parait ataché. _ Il y a de la malédiction sur ce travail, sur cet ouvrage: on y trouve des dificultés insurmontables.

MALEFAÇON


MALEFAÇON. Trév. Rich. Voyez MALFAÇON.

MALÉFICE


MALÉFICE, s. m. MALÉFICIÉ, ÉE, adj. [2e é fer. 4e e muet au 1er, 5e é fer. aux deux dern.] Maléfice est l' action de faire du mal, soit aux hommes, soit aux animaux, et aux fruits, par de prétendues opérations magiques. "Il a été acusé de maléfice. L' Acad. met le poison au nombre des maléfices. = Suivant La Touche, ce mot est peu usité, si ce n' est dans le style bâs. Il veut dire dans le style simple.
   MALÉFICIÉ, malade, incomodé. L' Acad. dit langoureux: elle a voulu dire languissant. "Cet homme est tout maléficié. style familier.

MALÉFIQUE


MALÉFIQUE, adj. Terme d' Astrologie Judiciaire. Il se dit des Planètes, auxquelles les Astrologues atribuent de malignes influences. = * Un pieux Auteur apèle esprit maléfique le démon, qu' on apèle quelquefois esprit malin.

MALENCONTRE


MALENCONTRE, s. f. MALENCONTREUX, EUSE, adj. MALENCONTREûSEMENT, adv. [Malankontre, treû, treû-ze, treûzeman: 2e et 3e lon. 4e e muet au 1er, lon. aux 3 autres. 5e e muet.] Malencontre, malheur, mauvaise fortune. Malencontreux; en parlant des persones, malheureux; en parlant des chôses, qui porte malheur. Malencontreusement, par malencontre. "Fuyons; que ce fou ne nous cause quelque malencontre. Lucien de d' Abl. "Je suis quelque--fois assez malencontreûse pour dire quelque chôse qui lui plaise. Sév.
   Et pour surcroit de maux, un sort malencontreux.
       Boil.
"Le scribe, tout intrépide qu' il étoit, a dû s' arrêter sur ce paragraphe, placé si malencontreûsement sur sa route. Ann. Litt. M. Fréron l' a mis en italique. Je le crois encôre bon pour le style badin ou critique. _ L' Académie dit, du subst. et de l' adv., qu' ils sont vieux; et de l' adj. qu' il est du style fam.

MAL-ENGIN


*MAL-ENGIN, s. m. [Malangein.] Vieux mot: dol, tromperie. "Il a fait cela par dol, astuce et mal-engin.

MAL-ENTENDU


MAL-ENTENDU, s. m. [Malantandu; 2e et 3e lon.] 1°. Paroles prises dans un autre sens qu' elles n' ont été dites. "C' est un mal--entendu. "Il y a plus de mal-entendu que de véritable dificulté dans cette dispute. Bossuet. = 2°. Et plus ordinairement, erreur, méprise. "Il y a eu du mal-entendu dans cette afaire.

MALEPESTE


MALEPESTE. [On prononce mal pèste.] Interjection, qui exprime une sorte d' étonement. Malepeste! que ce potage est chaud! st. famil.

MALÉVOLE


MALÉVOLE. Mot nouveau, ou renouvelé, formé d' après bénévole, et qui est son contraire. M. l' Abé Grosier s' en est servi. L' Acad. l' admet pour le burlesque.

MALFAÇON


MALFAÇON, s. f. [Trév. et le Rich. Port. écrivent malefaçon.] Ce qu' il y a de mal fait dans un ouvrage. "Il y a de la mal-façon dans ce mur, cette charpente, cet habit, etc.

MAL-FAIRE


MAL-FAIRE, v. n. [Malfère; 2e è moy. et lon. 3e e muet.] Faire de méchantes actions. Il ne se dit qu' à l' infinitif, et dans ces phrâses: il est enclin à mal-faire: il ne se plait qu' à mal-faire. = * On ne dit pas, nous mal-faisons, dit M. de Wailly; il faut dire, nous faisons mal. Il me semble que ce Gramairien, presque toujours si judicieux, fait ici erreur, et qu' il confond mal-faire, faire du mal, qui est un composé de faire, et faire mal, qui est une expression composée de deux mots séparés. La raison pour laquelle on ne dit pas, nous mal-faisons, c' est que mal, comme bien, se met après les tems simples des verbes. _ Dailleurs, nous faisons mal, n' a pas le même sens que, nous mal--faisons, que l' usage n' admet pas. Pour supléer à celui-ci, il faut dire, nous faisons du mal.

MALFAISANT


MALFAISANT, ANTE, adj. MALFAITEUR, s. m. [Malfézan, zante, malfèteur, 2e é fer. aux 2 1ers, è moy. au 3e. _ Quelques Auteurs et M. Linguet, entre aûtres, écrivent malfesant, bienfesant, nous fesons, je fesois, etc. L' Acad. écrit malfaicteur, comme aussi bienfaicteur. Le Rich. Port. l' a suivie. Voy. BIENFAITEUR.] Malfaisant, apliqué aux persones: malin, qui se plait à mal faire; apliqué aux chôses, nuisible, qui fait du mal. "Homme, esprit malfaisant; d' une humeur malfaisante. "Les ragoûts sont malfaisans. "Les liqueurs sont malfaisantes.
   MALFAITEUR, qui fait des crimes, de mauvaises actions. "C' est un malfaiteur. "Il faut punir les malfaiteurs.

MAL-FAMÉ


MAL-FAMÉ, ÉE, adj. Qui a mauvaise réputation. "Cette femme est mal-famée. "Cet homme est mal-famé. St. famil.

MAL-GRACIEUX


MAL-GRACIEUX, EûSE, adj. MAL-GRACIEûSEMENT, adv. [Mal-gra-cieû, cieû-ze, cieû-zeman: 3e lon. 4e e muet.] Mal-gracieux, rude, incivil. "Il est mal-gracieux: elle est mal-gracieûse. = Mal-gracieûsement, d' une manière Mal-gracieûse. "Parler, répondre mal-gracieûsement. = L' Acad. dit de l' adj. qu' il est du style familier et de l' adv. qu' il vieillit.

MALGRÉ


MALGRÉ, prép. Contre le gré de... Il régit l' acusatif. "Malgré vous, malgré lui; malgré le Prince. = Nonobstant. "Il est parti malgré la rigueur du tems. = Malgré, et nonobstant s' emploient quelquefois indiféremment devant les noms. On dit également bien, nonobstant tout ce que je lui ai dit, ou, malgré tout, etc. Mais il n' en est pas de même dans beaucoup d' autres phrâses. On dit, p. ex. nonobstant l' apel, et l' on ne pourrait pas dire, malgré l' apel. On dit malgré moi, malgré tout le monde; on ne pourrait pas se servir dans ces phrâses de nonobstant. = Malgré, se dit des persones et des chôses; nonobstant, ne régit que les chôses. = Malgré que, et nonobstant que, peuvent encôre moins s' employer l' un pour l' aûtre; car celui-ci n' a que le sens de quoique: l' autre a un sens plus dur: malgré que vous en ayiez, c. à. d. malgré tous vos éforts. Dâilleurs, il ne peut supléer pour quoique, et l' on ne doit pas dire, malgré que vous m' en ayiez prié, pour, quoique vous m' en ayiez prié. _ L' Acad. ne met point malgré que.

MAL-HABILE


MAL-HABILE, adj. MAL-HABILETÉ, s. f. [Malabile, leté: 4e e muet, 5e é fer.] Ils expriment un manque d' habileté, de capacité, d' adresse. = Malhabileté, maladresse (Syn.) Dans le sens propre, le 1er se dit du manque d' aptitude aux fonctions de l' esprit, et le 2d du peu d' aptitude aux exercices du corps. "Un négociateur est mal--habile; un joueur de billard est mal-adroit. = Mais au figuré, on nomme quelquefois mal-adresse, le manque d' intelligence et de capacité pour les opérations, qui dépendent des vûes de l' esprit: mais il n' y a pas réciprocité, et l' on ne nommera jamais mal-habileté le défaut d' aptitude aux exercices corporels. _ On peut donc dire que: "Un négociateur est mal-adroit; mais on ne dira pas qu' un joueur de billard soit mal-habile. (Beauzée.) Il faut ajouter, ce me semble, à moins qu' on ne parle de la conduite du jeu et du choix entre les divers moyens de parvenir au but qu' on se propôse. Car en ce dernier câs, mal-habile serait le terme propre.

MALHEUR


MALHEUR, s. m. MALHEUREûSEMENT, adv. MALHEUREUX, EûSE, [Ma-leur, leu--reû, reû-ze, reû-zeman, et non pas malu--reû, etc. 3e lon. 4e e muet.] Du tems de Malherbe, on écrivait malheureux, et l' on prononçait malur. À~ caûse de cela, ce Poète avait pour maxime de ne point le faire rimer avec douleur: il n' y a manqué que deux fois. Ménage dit qu' on ne doit point faire dificulté d' employer cette rime, ce qui prouve que la prononciation de ce mot avait changé. Aujourd' hui cet avis paraîtrait inutile et même ridicule. Il n' est plus que le peuple de certaines Provinces, qui prononce malur. Voy. HEUREUX.
   Malheur, accident, désastre (Synon.) Ces trois mots anoncent et désignent un fâcheux évènement: mais malheur s' aplique particulièrement aux évènemens de fortune et de chôses étrangères à la persone; accident, regarde proprement ce qui arrive dans la persone même; désastre, dit quelque chôse de plus général. "C' est un malheur de perdre son argent; c' est un accident de tomber, d' être blessé, etc. C' est un désastre de se voir tout d' un coup ruiné et déshonoré dans le monde. _ On dit, un grand malheur, un cruel accident; et un désastre afreux. GIR. Syn.
   On dit, en st. famil. être en malheur, jouer de malheur; et en parlant des chôses, porter malheur. "Vous soutiendrez votre transaction contre Aiguebonne: il est en malheur. SÉV. "Je trouvai hier Choiseul avec son cordon: il est bien. Ce serait jouer de malheur que de n' en pas rencontrer cinq ou six (cordons bleux) tous les jours. La même. = Par malheur, adv. "Il est arrivé par malheur que, etc. = Malheur, interj. Il régit la prép. à. "Malheur aux impies! ou la prép. sur: "Malheur sur eux et sur leurs enfans!
   On dit, proverbialement, à quelque chôse malheur est bon: quelquefois une infortune nous procûre des avantages, que nous n' aurions pas sans elle. Malheur est là sans article. _ On dit aussi, il arrive malheur, sans le faire précéder de l' article: "L' ouvrage (les Fastes) a été trop lu en société et trop annoncé d' avance. Or, il arrive presque toujours malheur à ces lectûres et à ces anonces précoces. Anon.
   Rem. * M. Fallet (dans sa Tragédie de Tibère) dit, le malheur, pour, les malheureux.
   Est-il rien, en effet, rien de plus glorieux
   Que de tendre au malheur une main secourable,
   Que de le soutenir, quand le destin l' accâble.
Peut-on dire que le destin accâble le malheur, demande M. Geoffroi (Ann. Litt.) Soutenir le malheur, pour secourir les malheureux?
   MALHEUREUX, 1°. Qui n' est pas heureux, tranquile, content, satisfait. "Les méchans sont malheureux. "Les damnés seront malheureux à jamais. = 2°. Qui manque de ce qui peut rendre l' homme content. "Mener une vie malheureûse. "Être dans un état malheureux. "Il est fort malheureux. = 3°. Qui a du malheur, qui est infortuné. "Malheureux à la guerre, au jeu, dans le comerce. = 4°. En parlant des chôses; qui semble anoncer le malheur. "Avoir la physionomie malheureûse. = On dit au jeu qu' un homme a la main malheureûse, quand celui, qui le dit, ne gâgne point lorsque cet homme done; et hors du jeu, quand cet homme ne réussit point à ce qu' il entreprend. "Il a la main malheureûse; dès qu' il touche à quelque chôse, il le câsse. = 5°. En parlant des persones, mauvais en son genre. "Malheureux Auteur, malheureux Écrivain. En ce sens, il doit toujours précéder le substantif. = Apliqué aux chôses; fort médiocre, insufisant. "Il n' a qu' une malheureûse chambre, un malheureux valet.
   Rem. I. On ne doit pas employer indiféremment malheureux et misérable, quoiqu' ils paraissent avoir le même sens. Misérable, semble marquer un état fâcheux, soit que l' on y soit né, soit qu' on y soit tombé Malheureux semble marquer un accident, qui arrive tout-à-coup et qui ruine une fortune naissante ou établie. "On plaint les malheureux; on assiste les misérables. _ On dit, également bien, une vie malheureûse, une vie misérable; et de même, c' est un malheureux, c' est un misérable, en parlant d' un méchant homme. Mais on dit, qu' on est malheureux au jeu, on ne dit pas qu' on y est misérable. Le 1er anonce plutôt un accident passager, et le 2d un état plus permanent d' infortune: mais on peut devenir misérable, à force d' être malheureux. = Racine distingue fort bien le sens de ces deux mots. Il fait dire à Aman.
   Haï, craint, envié, souvent plus misérable
   Que tous les malheureux que mon pouvoir accâble.
Dans le sens de mauvais, on dit d' un Auteur, d' un ouvrage, c' est un Auteur misérable; cela est misérable. Suivant le P. Bouhours on n' emploie point malheureux en cette ocasion. Suivant l' Acad. on peut s' en servir. Voy. n°. 5°.
   II. MALHEUREUX, dans son sens le plus comun, peut précéder ou suivre le nom qu' il modifie. Racine, dans Andromaque, dit: un enfant malheureux; dans Athalie, il dit; un malheureux enfant. Celui-ci est plus doux. L. Rac. _ Mais malheureux astre, comme dit Rousseau, forme une inversion dûre.
   MALHEUREUX, s' emploie souvent en exclamation. "Malheureûse! Je craignois la mort et je n' osois la fuir. Jér. Dél. On sous-entend, que je suis, que vous êtes, qu' il est, etc. = Il précède le verbe:
   Perfides courtisans, malheureux est un Roi,
   Qui jamais a sur vous fondé son espérance:
   Vous êtes moins à lui qu' à sa toute-puissance.
       P. Marion, Cromvel.
III. MALHEUREUX, régit de et l' infinitif. "Ne suis-je pas malheureux d' avoir voulu me croire moi-même dans un âge, où l' on n' a ni prévoyance de l' avenir, ni expérience du pâssé. Télém. _ Mais ce régime n' est bon que quand le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse (au nominatif du verbe régissant) s' il ne s' y raporte pas, il faut mettre que et le subjonctif. "Je suis bien malheureux que vous ne vouliez pas croire ce que je vous dis.
   MALHEUREUX, subst. Scélérat. "Ce malheureux, cette malheureûse. "Télémaque reçut avec amitié ce malheureux, qui avoit vu Ulysse en Sicile. Fénélon.
   MALHEUREûSEMENT, par malheur. "Il est arrivé malheureûsement que, etc.

MALHONNêTE


MALHONNêTE, ou MALHONêTE, adj. MALHONêTEMENT, adv. MALHONêTETÉ, s. f. [Malonête, teman, teté; 3e. ê ouv. et long, 4e e muet.] Ils expriment ce qui est contraire à la civilité et à la bienséance. L' adj. se dit des persones et des chôses. "C' est un homme très-malhonête. "Procédé malhonête; action malhonête. "Il y a de la malhonêteté dans son procédé. "Il en a usé malhonnêtement.
   Malhonête homme, c' est l' oposé d' honète homme, dans ce qui touche la probité et les sentimens d' honneur. En ce sens, malhonête doit toujours précéder. Ainsi un malhonnête homme et un homme malhonête sont deux chôses bien diférentes.
   Malhonête déshonête. (Syn.) Le 1er est contre la civilité, et quelquefois contre la bonne foi, contre la droitûre; le 2d est contre la pureté. Un procédé déshonête serait mal dit, s' il ne s' agissait pas de pureté. Il faudrait dire un procédé malhonête. Ce ne serait pas non plus bien parler que de dire une parole malhonête, pour dire une parole sale. _ Déshonête, ne se dit que des chôses; mal--honête, se dit également des chôses et des persones. Extr. de Bouh. Rem. Nouv.

MALICE


MALICE, s. fém. MALICIEUX, EûSE, adj. MALICIEûSEMENT, adv. [3e lon. aux trois derniers, 4e e muet, cieû, cieû-ze, cieû-zeman.] Malice est, 1°. Inclination à mal faire, et à faire du mal. "Il a un fonds de malice. "Il y a en cela une noire malice, une malice noire. = 2°. L' action même qui est l' éfet de cette inclination. "Il m' a fait une grande malice. Une malice noire; une action de méchanceté horrible et réfléchie.
   Malice, malignité, méchanceté (Synon.) Il y a dans la malice de la facilité et de la rûse, mais peu d' audace, peu d' atrocité. Dans la malignité, il y a plus de suite, plus de profondeur, plus d' atrocité que dans la malice, mais elle n' est pas aussi atroce que la méchanceté: elle fait verser des larmes; mais elle s' atendriroit peut-être en les voyant couler. Encycl.
   MALICE se prend quelquefois en bonne part, sur-tout au pluriel, pour signifier des tours de gaîté qu' on fait pour se divertir. "Inocente malice, agréables malices. = Y entendre malice, c' est dire ou faire les chôses à mauvais dessein. = Le peuple dit d' un homme malin, qui fait le simple, que c' est un inocent fourré de malice.
   MALICIEUX, qui a de la malice. "Il est malicieux; et, proverbialement, malicieux comme un vieux singe. "Il l' a fait, il l' a dit malicieûsement. "Il interprète tout malicieûsement. = Malicieux, mauvais, méchant, malin. Voy. MALIN.

MALIN


MALIN, INE, adj. MALIGNEMENT, adv. MALIGNITÉ, s. f. [ma-lein, line, ligneman, lignité: 3e e muet au 2d et au 3e; mouillez le g aux deux derniers.] Malin, qui prend plaisir à faire ou à dire du mal. Il se dit des persones et des chôses qui ont raport à la persone. "Il est malin; c' est un esprit malin. Discours malin, interprétation maligne. Il a le regard malin, etc. = En parlant des choses inanimées, nuisible. "Un suc malin. "Vertu, qualité maligne. _ Fièvre-maligne, acompagnée de venin et d' accidens plus fâcheux que le pouls ne semble l' indiquer. = On dit aussi un ulcère malin., une plaie maligne.
   Malin, mauvais, méchant, malicieux, (Synon.) Le malin l' est de sang froid: il est rusé; le mauvais l' est par emportement, il est violent; le méchant l' est par tempérament, il est dangereux; le malicieux l' est par caprice, il est obstiné. L' Amour est un Dieu malin; le poltron fait le mauvais, quand il ne voit point d' énemis; les hommes sont quelquefois plus méchans que les femmes, mais les femmes sont toujours plus malicieûses que les hommes. GIR. Synon.
   On dit, le malin esprit, l' esprit malin, pour dire le démon. = * Bossuet dit, le malin. "St. Bernard répondoit que par un juste jugement de Dieu, le malin pouvoit avoir puissance, non seulement sur les corps des hommes, mais encôre sur leurs coeurs. _ L' Acad. dit qu' il est familier; je le crois populaire; mais qu' il soit l' un ou l' autre, il n' est pas du bon style: il se dit, mais il ne s' écrit pas, si ce n' est en plaisantant.
   MALIGNEMENT, avec malignité. "Interpréter les chôses malignement.
   MALIGNITÉ, 1°. Inclination à faire ou à dire du mal. La malignité de cet homme: la malignité du siècle, du coeur humain. Voy. MALICE. = 2°. Qualité nuisible. "La malignité de l' air, d' une fièvre. "La malignité du sort.

MALINGRE


MALINGRE, adj. [Ma-lein-gre: 2e lon. 3e e muet.] Qui a peine à recouvrer ses forces après une longue maladie; ou, dont les forces diminûent sans aucune maladie aparente. Il est encôre bien malingre. _ Je ne sais ce qu' a cet enfant; il est tout malingre. _ Il n' est que du style familier. "Mais ce malingre (le Pape) mourir au bout de l' an! Sév. _ Trév. dit que c' est un terme populaire.

MAL-INTENTIONÉ


MAL-INTENTIONÉ, ÉE, adj. [ma--lein-tan-cioné, né-e, 3e lon. 5e é fer.] Qui a de mauvaises intentions. "Homme mal-intentioné. "Persone mal-intentionée. = S. m. "Les mal-intentionés ont répandu ces nouvelles. _ Il ne se dit point substantivement au singulier.

MALITORNE


MALITORNE, adj. et subst. (st. famil.) Mal-adroit, inèpte. "Ce valet est bien malitorne. "C' est un malitorne.

MAL-JUGÉ


MAL-JUGÉ, s. m. Faûte du Juge. "Prouver le mal jugé.

MALLE


MALLE, s. f. [male, 1re br. 2e e muet.] Coffre couvert de peau, qui est propre pour porter des hardes en voyage. On a fouillé dans sa malle. = Faire sa malle, y ranger ce qu' on veut porter dans le voyage. = Trousser en malle, enlever par surprise. "On a troussé cet homme en malle. "Il avoit trouvé de la vaisselle d' argent et l' avait troussée en malle. = On dit proverbialement, et bâssement, chier dans la malle de quelqu' un, lui déplaire sans ressource, par quelque trait qui l' a vivement choqué. "Il a bien chié dans ma malle.

MALLÉABLE


MALLÉABLE, adj. MALLÉABILITÉ, s. f. [On pron. les deux ll sans les mouiller.] Ils expriment la qualité de ce qui se peut batre, forger et étendre à coups de marteaux. "Ce seroit une belle invention que de rendre le verre malléable; de lui procurer la malléabilité.

MALLETTE


MALLETTE, s. f. MALLIER, s. m. [Malète, ma-lié: 2e è moy. au 1er, è fer. au 2d.] Petite malle. _ Cheval sur lequel on charge la malle. "Il avoit sa mallette sur le dôs. "Il étoit monté sur le mallier. = On apelle aussi mallier le cheval qu' on met entre les brancards d' une chaise de poste.

MAL-MENER


MAL-MENER, v. act. [malmené: 2e e muet. 3e é fer. _ Devant l' e muet, la 2de se change en è moy. il mal-mène, mal-mènera, etc.] Batre, maltraiter de coups ou de paroles. "Les troupes des énemis furent mal menées. "Il l' a mal-mené dans cette dispute.

MALOTRU


MALOTRU, adj. m. Terme de mépris. Misérable, méprisable. "C' est un homme des plus malotrus. = S. m. "C' est un malotru.

MAL-PLAISANT


MAL-PLAISANT, ANTE, adj. [Malplè--zan, zante: 2e è moyen, 3e lon.] Désagréable, fâcheux. Il se dit ordinairement des persones, et quelquefois des chôses. " Évènement mal-plaisant. "Aventûre mal-plaisante. "Cet homme est bien mal-plaisant. = L' Acad. dit qu' il vieillit.

MAL-PROPRE


MAL-PROPRE, adj. MAL-PROPREMENT, adv. MAL-PROPRETÉ, s. f. [3e e muet: en, dans le 2d, a le son d' an.] Sale, salement, saleté. "Homme, femme mal-propre: "Habits, meubles, mains, chambres mal-propres. "Manger mal-proprement; avec une mal-propreté dégoûtante. "Sa chambre est d' une grande mal-propreté.
   Rem. 1°. Mal-propre ne signifie plus que sale. On l' a dit autrefois pour signifier, qui n' est pas propre à... "Des filles mal--propres, et sur-tout sans vocation. St. Fr. de Salles. = On le met dans le Rich. Port. en ce sens. Qui n' a pas les dispositions requises pour réussir à une chôse. L' Acad. ne le met pas. On dit, qui n' est pas propre, etc.

MAL-SAIN


MAL-SAIN, AINE, adj. [mal-sein, sène 2e è moy. au 2d, 3e e muet.] En parlant des persones, qui n' est pas sain, qui est sujet à être malade. "Homme mal-sain, femme mal-saine. = En parlant des chôses, qui est contraire à la santé. "Air mal-sain , viande mal-saine.

MAL-SÉANT


MAL-SÉANT, ANTE, adj. [2e é fer. 3e lon.] Messéant, qui est contraire à la bien--séance. "Cela est mal-séant. V. MESSÉANT.

MAL-TALENT


*MAL-TALENT, s. m. Vieux mot. Ressentiment. "Je n' ai aucun mal-talent contre M. de Bonne-Corse, du beau poème qu' il a composé contre moi. Boil. Let. à M. Brossette. = Ce mot vient de ce que talent signifiait autrefois volonté et désir. Il le signifie encôre en Espagnol: Ste. Thérèse vouloit que ses religieuses fussent de buen talento, de bonne volonté. Trév.

MALTôTE


MALTôTE, s. fém. MALTôTIER, s. m. Ils se disent d' une exaction indûe, et de celui qui la fait. On le dit abusivement de ceux qui lèvent les impositions. = On écrivait autrefois maletôte, maletôtier. D' autres disent même maltoute, maltoutier.

MALTRAITER


MALTRAITER, v. act. [maltrèté, 2e è moy. 3e é fer.] Il dit quelque chôse de pis que traiter mal; il marque des traitemens violens, qui vont jusqu' à fraper (excepté qu' on n' ajoute, de paroles). Traiter mal marque seulement des paroles injurieûses. Quand on explique la natûre du traitement, on dit toujours maltraiter (en un seul mot). "Il m' a maltraité de paroles. Andry L. T. = Suivant Mr. BEAUZÉE, maltraiter signifie faire outrage à quelqu' un, soit de paroles, soit de coups de main: traiter mal signifie faire mauvaise chère à quelqu' un, ou n' en pas user à son gré. _ Il observe judicieûsement que dans les tems composés du verbe traiter mal, le génie de notre langue exige que l' adverbe mal- passe avant le participe traité (il m' a maltraité) ce qui semble le raprocher du verbe maltraiter; mais alors la diférence des sens que l' on vient d' indiquer, doit toujours avoir lieu; et elle se remarque jusque dans l' ortographe: maltraité, en un seul mot, vient de maltraiter; mal traité, en deux mots, vient de traiter mal. Nous ajouterons, que cette diférence n' étant pas sensible, dans la prononciation, il est bon pour prévenir l' équivoque d' ajouter bien ou fort à mal; car alors il pourra marcher après le participe. "Il m' a maltraité; il m' a traité fort mal. = Suivant Andry et La Touche, dans le sens de faire mauvaise chère, le v. maltraiter ne se dit qu' au passif. "On est fort maltraité dans cette Auberge. L' Acad. le disait ainsi dabord. Elle ne l' a plus mis dans les éditions suivantes. _ Il vaut mieux dire, on est traité fort mal.
   MALTRAITER signifie aussi faire tort, ne pas traiter favorablement. "Il a été maltraité dans le testament de son père. "Il a été maltraité dans cet Arrêt. "Cet Auteur a été maltraité dans cet ouvrage.

MALVEILLANCE


MALVEILLANCE, s. f. MALVEILLANT, ANTE, adj. [Mal-vè-glian-ce, glian, glian--te: 2e è moy. 3e lon. mouillez les ll.] Haine. Qui hait. "Ce sont des effets de sa malveillance. "Il ne faut pas ajouter foi aux malveillans. = L' Acad. ne condamnait pas dabord ces mots. Dans les éditions suivantes, elle dit que le subst. vieillissait, et que l' adj. començait à~ vieillir. Elle le répète dans la dern. édit. = J. J. Rouss. a employé malveuillant; c' est ainsi qu' il l' écrit (c' est l' ortographe de Richelet), et il en fait un substantif. "J' ai eu des amis sûrs, et d' autres qui ne l' étoient pas. J' ai été environné d' espions, de malveuillans, et le monde est plein de gens qui me haïssent à cause du mal qu' ils m' ont fait.

MALVERSATION


MALVERSATION, s. f. MALVERSER, v. n. [Malvêrsa-cion, : 2e ê ouvert.] Malverser, c' est se conduire mal dans un emploi, y comettre des malversations; c' est-à-dire, des exactions, des concussions, des larcins. "Il est acusé d' avoir malversé dans sa charge; d' avoir commis des malversations.

MALVOISIE


MALVOISIE, s. fém. [Mal-voa-zî-e] 1°. Espèce de vin grec. = 2°. Vin muscat cuit.

MAMAN


MAMAN, s. f. M' AMIE, M' AMOUR, s. f. Le 1er signifie ma mère. Dabord c' était un mot de mignardise qu' on avait suggéré aux enfans. Ensuite ç' a été un mot de tendresse, employé par des persones plus âgées. Mde. de Sévigné s' en sert en écrivant à Mde. de Grignan. "Vous êtes trop aimable des soins et des attentions que vous avez pour votre maman. On ne le dit que dans le st. famil. et avec les pronoms possessifs. Votre maman, sa maman. On ne pourrait dire qu' en plaisantant, la maman de cette demoiselle, de ce jeune homme. = Pour m' amie et m' amour, il n' y a guère que les petits bourgeois, qui se servent de ces termes de caresse. _ On se sert seulement quelquefois de m' amie, en parlant à une femme de basse condition, et fort au dessous de soi. L. T.

MAMELLE


MAMELLE, s. f. MAMELON, s. m. MAMELU, ÛE, adj. [Mamèle, melon, melu, lû-e: 2e è moyen au 1er, e muet aux autres. _ Trév. écrit ces mots avec deux m; mammelle, etc. Cela est plus conforme à l' étymologie, mamma; mais cette étymologie trompe souvent pour la prononciation. On doit savoir gré à l' Acad. de n' avoir mis qu' une seule m. _ Richelet écrit maméle: il devait du moins écrire mamèle.] Partie du sein des femmes, où se forme le lait. On le dit aussi, dans les hommes, de la partie charnûe, qui est placée au même endroit que la mamelle des femmes. Il a été blessé deux doigts au dessous de la mamelle. = Mamelon, le petit bout des mamelles, tant de l' homme que de la femme. = Mamelu, qui a de grosses mamelles. "Homme mamelu; femme mamelûe. = Subst. (st. famil.) c' est un grôs mamelu; une grosse mamelûe.

MAMMAIRE


MAMMAIRE, adj. [Manmère: 2e è moy. et long.] Qui porte le sang aux mamelles. "Les deux artères et les deux veines mammaires.

MANANT


MANANT, s. m. En style de Pratique, Habitant. "Les manans et habitans de cette Paroisse. Hors de là c' est un vieux mot, en ce sens. = En st. famil. rustre. "C' est un manant, un vrai, un grôs manant.

MANCHE


MANCHE, s. m. et f. MANCHETTE, s. f. [1re lon. 2e e muet au 1er, è moy. au 2d, chète.] Manche, s. m. La partie d' un instrument par où on le prend pour s' en servir. "Le manche d' une coignée, d' un couteau, etc. Voy. BRANLER, COIGNÉE. = S. f. Partie du vêtement où l' on met le brâs. "La manche ou les manches d' un habit, d' une robe, d' une soutane, etc. = En st. prov. Avoir ou tenir quelqu' un ou quelque chôse dans sa manche; l' avoir en sa disposition. "Faites agir M. de Chaulnes, il tient les bons Pères (les Capucins) dans sa manche, comme vous tenez M. de Chaulnes dans la vôtre. Sév. Voy. PAIRE.
   MANCHETTE, morceau de toile ou de dentelle, etc. plissée, qui s' atache au poignet de la chemise.

MANCHON


MANCHON, s. m. Fourrûre, en façon de manche, dans laquelle on met les deux mains, pour les garantir du froid.

MANCHOT


MANCHOT, OTE, adj. [Le t final ne se prononce point dans le 1er] Estropié de la main ou du brâs. "Il est manchot de la main droite. Son mari étoit manchot: elle acoucha d' une fille manchote. = On dit figurément (st. famil) qu' un homme n' est pas manchot, pour dire qu' il a de l' adresse, de la finesse d' esprit.

MANDAT


MANDAT, s. m. MANDATAIRE, s. m. [Manda, datère: 3e è moyen et long au 2d, 4e e muet.] Mandat, rescrit du Pape, par lequel il mande à un Collateur ordinaire de pourvoir celui qu' il lui nomme, du premier bénéfice qui vaquera à sa collation. "Les Mandats n' ont pas lieu en France. Voy. MANDEMENT. = Mandataire, celui en faveur de qui le Pape a fait expédier un Mandat. = Au Palais, celui qui est chargé d' une procuration pour agir au nom d' un aûtre.

MANDEMENT


MANDEMENT, s. m. MANDER, v. a. et n. [Mandeman, mandé: 1re lon. 2e e muet au 1er, é fermé au second.] Mander c' est, 1°. faire savoir par lettres ou par messages. "Je lui ai mandé cette nouvelle. "Tout ce que vous me mandez est très-plaisant. Sév. _ Il a quelquefois un troisième régime, comme le verbe dire. "Je ne sais rien de Philisbourg, que ce que je vous en ai mandé. = Neut. il régit le dat. des noms, et la prép. à et l' infinitif, ou que et le subjonctif des verbes. "Je lui ai mandé de venir, ou qu' il vint. = 2°. Mander, avec le seul régime direct (l' acusatif) c' est doner avis ou ordre de venir. "On a mandé tous les parents. "Le Roi a mandé le Parlement. "Il a été mandé à la Cour. = On dit aussi mander son cârosse, ses équipages, etc. doner ordre qu' on les envoie. = * Mander, envoyer, est un gasconisme. "Il ne me mande point d' argent. Desgr. Gasc. corr.
   MANDEMENT, ordre de la part d' une persone qui a autorité et juridiction. "Le Mandement d' un Évêque, de l' Intendant, du Recteur de l' Université. = On dit, en style de Chancellerie: "Si donons en mandement, etc. = C' est aussi un billet qu' on done à quelqu' un, portant ordre à un Receveur ou Fermier de payer une somme mentionée dans le billet. "Il a doné un mandement de telle somme sur son Fermier. = Les Négocians disent en certaines places de Comerce, mandat au lieu de mandement.

MANDILLE


MANDILLE, s. f. [Mandi-glie: mouillez les ll: 3e e muet.] Casaque que les laquais portaient autrefois. On dit encôre par mépris. "Je l' ai vu laquais, il portoit la mandille.

MANDUCATION


MANDUCATION, s. f. [manduka-cion.] Action de manger. Il ne se dit que de l' action par laquelle on mange le Corps de N. S. J. C. dans l' Eucharistie. "Le Seigneur n' a pas borné sa présence réelle dans son Sacrement au tems du sacrifice, et de l' actuelle manducation de la divine victime.

MANèGE


MANèGE, s. m. [2e è moy. 3e e muet.] L' Acad. écrit manége, avec l' acc. aigu: mais l' e n' est point fermé, et l' acc. grâve est plus convenable. = Au propre, exercice qu' on fait faire à un cheval pour le dresser. C' est aussi le lieu, où on exerce les chevaux. = Au figuré, manière d' agir adroite et artificieûse. "Je ne suis pas encore faite à ce manège. "Ne conoissez-vous pas le manège de ces gens là. "Le manège des afaires: il entend le manège. = On écrivait aûtrefois maneige.

MâNES


MâNES, s. m. pl. [1re lon. 2e e muet.] Nom que les Anciens donaient aux âmes des morts. On le dit toujours au pluriel, même quand il s' agit d' un seul. "Polixène fut sacrifiée aux mânes d' Achille.

MANGEABLE


MANGEABLE, adj. MANGEâILLE, s. f. MANGEANT, ANTE, adj. [Manjable, jâ-glie, jan, jante: 2e dout. au 1er, lon. aux trois autres: l' e devant l' a est entièrement muet: il n' est là que pour doner au g un son doux qu' il n' a pas devant l' a.] Mangeable, qui est bon à manger. "Il mange de tout ce qui est mangeable. Il se dit plus ordinairement avec la négative. "Cela n' est pas mangeable. = Mangeâille est proprement ce que l' on donne à manger à quelques animaux domestiques, sur-tout à la volâille. = On le dit, en style plaisant des hommes. = Mangeant, qui mange. Il n' est employé que dans cette phrâse du st. famil. "Il est bien buvant et bien mangeant. Je l' ai laissée bien buvante et bien mangeante, se portant fort bien. "Il a six enfans qui se portent bien, tous biens buvans et bien mangeans.

MANGEOIRE


MANGEOIRE, s. f. *MANGEOTER, v. n. [man-joâ-re, joté: 1re lon. 2e lon. au 1er, br. au 2d. l' e devant l' o est muet. Voy. les mots précédens.] Mangeoire, aûge où les chevaux mangent. "Mettre l' avoine dans la mangeoire. = On dit, figurém. (st. famil.) qu' un homme tourne le cul à la mangeoire; pour dire, qu' il fait tout le contraire de ce qu' il devrait faire pour arriver à son but.
   "MANGEOTER est un mot de Province. Manger un peu. "Le malade comença à mangeoter.

MANGER


MANGER, v. act. et neut. et s. masc. MANGERIE, s. fém. MANGEUR, EûSE, s. m. et f. [Manjé, jeri-e, jeur, jeû-ze: 1re lon. 2e é fermé au 1er, e muet au 2d, lon. au dern. _ Devant l' a et l' o on met un e après le g: il mangea, nous mangeons, il mangeoit, mais cet e ne se prononce pas: manja, jon, .] Manger c' est, 1°. mâcher et avaler quelque aliment pour se nourrir. "Manger du pain, de la viande, du fruit. = V. neut. "Il n' a ni mangé, ni bu. "Il mange bien: il mange comme un chancre. (st. prov.) = 2°. Prendre ses repas. "Il mange à l' auberge. = 3°. En parlant de certaines chôses, ronger, détruire. "La rivière a mangé tous ses bords. "Un ulcère lui mange la jambe; et non pas, mange sa jambe. "La rouille mange le fer. etc. = 4°. Subst. Ce qu' on mange. "C' est un bon, un friand manger: c' est un manger de roi. "Il est tellement ocupé de cette afaire, qu' il en perd le boire et le manger. = 5°. On dit, proverbialement, de quelqu' un qui nous plait beaucoup, qu' on voudrait le manger. "Cette bonne petite Princesse est si tendre et si jolie, qu' on voudrait la manger. Sév. _ Manger quelqu' un de caresses; lui faire de grandes caresses. _ Ils se sont mangé le blanc des yeux: ils se sont querellés fortement. _ Il sait son pain manger: il entend bien ses intérêts. _ Si vous vous familiarisez avec lui, il viendra vous manger dans la main: il abusera de la familiarité que vous lui permettrez. _ Je le mangerais avec un grain de sel, dit-on par jactance; je suis bien plus fort que lui. = Il est à manger, il est joli à manger, extrêmement joli. = Manger les mots, ne pas bien prononcer. "On ne l' entend pas bien: il mange la moitié des mots.
   MANGERIE ne se dit qu' au figuré; exactions par lesquelles on ruine les pauvres gens. "On invente tous les jours de nouvelles mangeries. "Les frais de chicane sont d' odieûses mangeries, stile famil.

MANGEUR


MANGEUR, EûSE, celui, celle qui a coutume de manger beaucoup, ou peu. "Un grand, un petit mangeur. "Une grande, une petite mangeûse. Il se dit toujours avec un de ces deux adjectifs. _ On dit absolument et adjectivement; il n' est pas mangeur; elle n' est pas mangeûse. = En style prov. Mangeur de charrettes ferrées ou de petits enfans; fanfaron. Mangeur de viandes aprêtées; fainéant qui aime à faire bone chère, sans se doner aucune peine, ou qui veut tirer du profit d' une afaire où il n' a pas eu de part. Mangeur de crucifix, ou d' images, ou de saints. Bigot, faux dévot.

MANGEURE


MANGEURE, s. f. [On prononce man--jûre. 1re et 2e lon. 3e e muet: l' e n' est après le g que pour lui doner un son plus doux, qu' il n' a pas devant l' u: sans cet e, on prononcerait mangûre.] Endroit mangé d' une étofe, d' un pain, etc. "Mangeure de vers, de souris, etc.

MANIABLE


MANIABLE, adj. [3e dout. 4e e muet.] Au propre, aisé à mettre en oeuvre. "Ce fer, ce cuivre est doux et maniable. = Au fig. (style fam.) Traitable. "Esprit qui n' est pas maniable.

MANIAQUE


MANIAQUE, adj. et subst. [Mani-ake.] Possédé de quelque manie. "Il ou elle est maniaque. "C' est un ou une maniaque. _ * Le peuple, en certaines Provinces, dit maniacle.

MANIE


MANIE, s. f. [2e lon. 3e e muet.] Aliénation d' esprit, qui va jusqu' à la fureur. "Sa folie se change en manie. = Dans un sens moins odieux: passion portée à l' excès. "Sa manie pour les coquilles, pour les éditions râres l' a ruiné. _ Depuis quelque tems, il est entré dans la composition de plusieurs mots: Anglomanie, bibliomanie, etc. Quelqu' un a même dit, Voltairomanie. D' où l' on a fait ensuite anglomane; bibliomane. Tous ces mots, et ceux qu' on peut forger, en imitation, apartiènent au style plaisant, ou satirique.

MANIEMENT


MANIEMENT, s. m. MANIER, v. act. [Manîman, manié; 2e lon. au 1er, br. au 2d; devant l' e muet elle est longue: il manîe, ils manîent. Au futur, cet e muet ne se prononce pas: il maniera, manierait: prononc. manîra, manîrè.] 1°. Au propre, l' action de manier. "On conaît la bonté de cette étofe au maniement. _ Il est mieux de dire, au manier. = Au fig. il est plus usité. "Le maniement des deniers, des afaires.
   MANIER, dans le sens propre, c' est prendre et toucher avec la main. "Manier une étofe, des papiers, etc. = Figurément, Avoir en sa disposition, en son administration. "Manier les deniers du Roi. _ Manier les afaires, les administrer. _ Manier les esprits, les gouverner avec adresse. "Ainsi Antiope... maniera le coeur de son époux, comme elle touche maintenant sa lyre, quand elle en veut tirer les plus tendres accords. Télémaque. _ Manier un sujet, le traiter. "Je crois cette situation, dans une pièce de Théâtre, bien dificile à manier. Créb. fils. "Ce Poète Dramatique manie bien les passions. _ Manier bien le pinceau, le ciseau, la plume, le crayon, etc.
   REM. Vigneul-Marville avait critiqué cette phrâse de la Bruyère: "La véritable Grandeur se laisse toucher et manier. Il prétendait que cela ne pouvait se dire que des chôses corporelles. Mais, outre que la critique était pédantesque, le Censeur était tombé lui-même dans cette faûte, si c' en est une, en disant d' un Orateur, qu' il avait manié, agencé, tourné les pensées de son discours.
   Au Manier, adv. Voyez MANIEMENT.

MANIèRE


MANIèRE, s. f. [2e è moy. et lon., 3e e muet.] 1°. Façon, sorte. En ce sens, il s' emploie adverbialement. En toute manière; de cette manière. "Je lui écrirai de la bone manière. De quelque manière que ce soit. = 2°. Avec les pronoms possessifs, usage, coutume. "C' est sa manière d' agir, de parler, ou absolument; C' est sa manière. "À~ la manière acoutumée. "C' est ce qu' Horace insinûe aussi à sa manière. P. Rapin. = 3°. Il se dit comme espèce, de ce qui a l' aparence de la chôse dont on parle. "Il vint une manière de demoiselle, une manière de valet de chambre. Mais, en cet emploi, il n' est que du style familier, et quelquefois plaisant et moqueur. Le P. la Rue, traduisant ces paroles du chapitre II. de St. Jean: cùm fecisset quasi flagellum de funiculis, dit: Jesus ayant fait une manière de fouet avec des cordes. Je crois que dans le discours soutenu cette expression est trop familière. _ De plus, manière, ainsi employé, n' est bien qu' avec le pronom une. Je ne voudrais pas dire avec Voiture: "Je ne pouvois croire qu' il fût possible qu' elle eût rencontré à si bien écrire de cette sorte, n' ayant jamais lu de cette manière de livres. Je dirais, de cette espèce de livres, ou de livres de cette espèce. = 4°. Manières (au plur.) Façons. (synon.) Les manières sont l' expression des moeurs de la Nation; les façons sont une charge des manières, ou des manières plus recherchées dans quelques individus. "Les manières deviènent façons, quand elles sont afectées, Encycl. Beauzée. Synon. Voyez FAÇON.
   REM. 1°. Avoir une manière, ou avoir de la manière, sont des chôses bien diférentes en termes de Peinture. Quoique la nature n' ait point de manière... on apèle une belle, une grande manière, le faire de ceux qui l' imitent dans un style savant. C' est un éloge que la manière prise dans ce sens: elle n' est qu' une élégante exagération de la vérité. Mais lorsqu' on dit qu' un Dessinateur met de la manière dans tout ce qu' il fait, qu' il est maniéré dans son trait, dans sa manoeuvre, dans ses éfets; c' est un reproche: on fait entendre qu' il sort en tout du ton de la nature; que ses contours ne sont point justes... que son clair obscur est altéré, etc. Dandré-Bardon.
   2°. Le style et la manière ne sont que la même chôse sous des noms diférens. L' usage a assigné le terme de manière à la Peintûre, et le terme de style à l' art de bien dire. Ainsi l' on dit: ce tableau est dans la manière de Raphaël; comme on dit, ce plaidoyer est dans le style de Cicéron. _ Depuis quelque tems, come les changemens plaisent dans les expressions, come dans les modes, on parle de style en peintûre, et de manière dans les Belles-Lettres.
   De manière est suivi, ou de que, ou de la prép. à. "Faites les chôses de manière que tout le monde soit content; de manière à contenter tout le monde. "Mde. de Maintenon sera placée d' une manière à surprendre. Sév. * Bossuet dit, à la manière que, en quoi il s' écarte de l' usage. "À~ la manière qu' il nous les propose. = De manière peut se mettre quelquefois à la tête de la phrâse, avec raport à la phrâse précédente. "De manière, Messieurs, que pour former un coeur à la vertu, il n' est pas nécessaire, etc. Mascaron. Voyez De façon que, au mot FAÇON.

MANIÉRÉ


MANIÉRÉ, ÉE, adj. [2e et 3e é fer. lon. à la 3e du 2d.] Qui a des afectations fort marquées. "Cet homme est fort maniéré. "Style, Auteur maniéré. _ En Peintûre, figûres, draperies maniérées. Voyez MANIèRE. Rem. n°. 1°. = M. Conrart avait fait maniéreux, mais l' usage ne l' a point adopté.

MANIEUR


*MANIEUR, s. m. Mot forgé par la Bruyère. Il peut être bon dans le style burlesque ou satirique. "Le manieur d' argent, l' homme d' affaires est un ours qu' on ne sauroit aprivoiser. _ Trév. le met; l' Académie, non.

MANIFESTATION


MANIFESTATION, s. f. MANIFESTE, adj. et subst. MANIFESTEMENT, adv. MANIFESTER, v. act. [Manifèsta-cion, te, te--man, té: 3e è moy. 4e e muet au 2d et au 3e, é fer. au dern.] Manifèste, notoire, conu de tout le monde. Manifestement, clairement, évidemment. Manifester, rendre manifèste. Manifestation, action par laquelle on manifèste. "Erreur, crime manifèste. "Il est manifèstement coupable. "Dieu a manifesté son pouvoir. "Notre-Seigneur se manifesta aux Apôtres. "Après une manifèstation si évidente de la puissance de Dieu. = L' Acad. remarque que le subst. et le verbe ont plus d' usage dans les matières de Religion que dans les aûtres. = * Un Auteur moderne done à manifester l' emploi et le régime du verbe prouver. "On ne disconvient pas que le plaisir des sens puisse coopérer au bonheur: le spectacle enchanteur des merveilles de la natûre le manifèste à chaque instant. _ À~ quoi se raporte ce le? À~ cette demi-phrâse, que le plaisir des sens peut coopérer au bonheur. On dirait donc manifèster que, comme on dit, prouver que, ce qui n' est pas. Voyez DÉCLARER, Rem. 1°.
   Manifeste, Notoire, Public, (synon.) Le 1er est oposé à caché; le 2d à incertain; le 3e à secret. Il n' y a point à dissimuler sur ce qui est manifeste; à contester sur ce qui est notoire; à se taire sur ce qui est public. "Reconu par les parties, un fait est manifeste: vu par une foule de témoins, il est notoire; su de tout le monde, il est public, etc. Extr. des Synon. de M. l' Abé Roubaud.
   MANIFESTE, s. m. Écrit public, par lequel un Souverain rend raison de sa conduite en quelque afaire importante. = On le dit par extension, d' une persone de grande considération, d' un parti, etc. et alors il signifie apologie. "Le manifeste du Roi de... des États de Hollande. "Vous en verrez les raisons dans son manifeste.

MANIGANCE


MANIGANCE, s. f. MANIGANCER, v. act. [3e lon. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Intrigue, intriguer. Ceux-ci sont plus nobles: les aûtres sont du style fam. "Il y a de la manigance dans cette afaire. "C' est lui qui a manigancé cette afaire-là.
   Manigance, machination, manège (synon.) Le 1er est un mot bâs; le 2d est un mot noble; le 3e est de tous les styles. Manigance est un emploi de petites manoeuvres cachées et artificieûses pour parvenir à quelque fin: machination est l' action de concerter et de conduire sourdement des artifices odieux, qui tendent à une mauvaise fin: manège est une conduite adroite, avec laquelle on manie si bien les esprits, qu' on les amène insensiblement à ses fins. Extr. des Synon. de M. l' Abé Roubaud.

MANIMENT


MANIMENT. Voyez MANIEMENT. On pourrait et l' on devrait peut-être écrire ce mot sans e, puisqu' il y est inutile et qu' il peut induire en erreur pour la prononciation. Quelques Écrivains ont employé cette ortographe.

MANIPULE


MANIPULE, s. m. Chez les anciens Romains, c' était le nom des compagnies, dont la Cohorte était composée. = Chez nous, bande d' étofe que le Prêtre, le Diacre et le Soudiacre portent au brâs gauche, dans la célébration de la Messe.

MANIVELLE


MANIVELLE, s. f. [Manivèle; 3e è moy. 4e e muet.] Pièce de fer ou de bois, placée à l' extrémité d' un arbre ou essieu, et qui sert à le faire tourner. "La manivelle d' un gouvernail, d' un moulin à café.

MANNE


MANNE, s. f. [On prononce mâne, dit l' Acad. Il faudrait donc l' écrire de même, puisque l' â est long; et l' on ne devrait pas craindre de le confondre avec mânes, âmes, ou ombres des morts, chez les Païens, parce que celui-ci se dit toujours au pluriel. On dirait de la mâne et les mânes.] 1°. Espèce de suc congelé, qui se recueuille en quelques pays sur les feuilles de certains arbres et de certaines plantes. "Mâne de Calabre. "On purge avec de la mâne. = 2°. Nom doné à la nourriture que le Seigneur fit tomber du ciel, pour nourrir les Israélites dans le désert. = Fig. La mâne céleste, la grâce, la parole de Dieu. = Style fam. Une bone mâne, une vraie mâne, se dit de quelque production de la terre, fort abondante dans un pays, et qui sert à nourrir un grand nombre de persones.

MANNE


MANNE, s. f. MANNEQUIN, s. m. [Ma--ne, ne-kein; ils difèrent du mot précédent par la 1re, qui est brève; 2e e muet.] Panier d' osier. Le 1er se dit de celui où l' on met ordinairement le linge, la vaisselle qu' on porte sur la table, et d' un berceau d' osier où l' on met coucher les enfans au maillot. = Le 2d se dit d' un panier long et étroit dans lequel on aporte des fruits ou de la marée au marché; et d' une figure d' homme faite de bois ou d' osier, qui se plie dans toutes les jointûres des membres, et que les Peintres et les Sculpteurs acomodent comme il leur plait, pour disposer leur draperie, etc. _ On dit qu' une figûre sent le manequin, pour dire: qu' elle n' a pas été étudiée sur la natûre. _ On dit aussi, draperie manequinée, disposée avec afectation.

MANOEûVRE


MANOEûVRE, s. m. et f. MANOEUVRER, v. n. MANOEUVRIER, s. m. [Il serait à souhaiter qu' on écrivît comme on prononce, maneûvre, maneuvrer, maneuvrier; 2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er, é fer. aux deux suiv.] Maneûvre, s. m. Aide à maçon. "Il faut à chaque maçon deux maneûvres pour le servir. = S. f. Terme collectif, qui se dit des cordages destinés à manier les voiles et à faire les autres services du vaisseau. = C' est aussi tout ce qui se fait pour le gouvernement d' un vaisseau. "Il entend bien la maneûvre. "Il changea de maneûvre. _ En ce sens, il se dit par extension, des moûvemens qu' on fait à la guerre. "Ce Général fit une maneûvre qui déconcerta les énemis. "Cette savante maneûvre fut admirée. = Fig. Conduite dans les afaires du monde. "Il a fait une maneûvre, qui a gâté l' afaire.
   MANEUVRER et MANEUVRIER ne se disent que dans le sens de maneûvre, subst. f. "L' équipage a bien maneuvré; et activement, maneuvrer les voiles. "Ces troupes ont bien maneuvré. = "Il a maneuvré sourdement pour chasser son rival de ce poste. L' Acad. dit qu' on l' emploie le plus souvent en mauvaise part. On dit pourtant très-souvent: Il a bien maneuvré dans cette afaire. C' est le sens général de la phrâse, qui en détermine donc la signification et l' emploi. "Un bon, un excellent maneuvrier, qui entend bien la maneûvre des vaisseaux. On ne le dit point des troupes de terre.
   REM. 1°. Maneûvre ne se dit sérieusement que des aides des maçons et des couvreurs. On ne peut le dire des ouvriers que par mépris. "Il était avantageux pour l' État de mettre en mouvement ces travailleurs et ces maneuvres. Rollin, Hist. Anc. Il s' agit là de charrons, cordiers, charretiers, paveurs, fouilleurs de mines, etc. Le terme de manoeuvre y est impropre. Il falait dire, ouvriers.
   2°. Maneuvrier ne se dit que de l' art de la maneûvre dans la navigation. Dans les autres arts, on dit maneûvre ou ouvrier; et pour la cultûre des terres, on dit manouvrier. * L' Abé Du Bos dit des Peintres et des Poètes sans génie, qu' ils "restent toute leur vie de vils ouvriers et des manouvriers, dont il faut payer les journées. Il devait dire, des maneûvres ou des manouvriers.

MANOIR


MANOIR, s. m. [Ma-noar.] Demeure, maison. Il n' est plus en usage qu' au Palais et dans la Poésie badine. "Le principal manoir. "Le manoir abbatial.
   C' étoit l' image prophétique
   Des manoirs que j' ofre à vos yeux.

MANOUVRIER


MANOUVRIER, s. m. Ouvrier qui travaille de ses mains et à la journée. Acad. quelques-uns donent ce nom aux paysans qui travaillent à la journée, que d' aûtres apèlent journaliers. Le Dict. de Trév. le dit des compagnons artisans, qu' on apèle plus proprement ouvriers. Voyez MANOEUVRIER, après MANOEUVRE, Rem. 2e.

MANQUE


MANQUE, s. m. et adv. MANQUEMENT, s. m. MANQUER, v. act. et n. [Manke, ke--man, ; 1re lon. 2e e muet aux deux prem. é fer. au 3e.] Manque, subst. Défaut, en parlant des choses. Il régit l' art. indéfini de. "Le manque de foi, d' argent, de parole, etc. * "Le bon sens suplée au manque de l' éducation. ANON. = Il falait, au manque d' éducation. = De manque, de moins. "Il a trouvé dans ce sac de mille francs, dix écus de manque. = Manque de, adv. Faûte de. "Il n' a pu le faire manque d' argent, d' amis. "Il a fait cette erreur manque de mémoire, d' atention. _ On dit, plus ordinairement: "Faûte de, que manque de. Ils régissent l' un et l' aûtre l' infinitif. "L' éternité nous touche peu, manque (ou faûte) d' y faire réflexion.
   MANQUEMENT, se dit des persones, comme manque des chôses. Faûte d' omission, par laquelle on manque de faire ce qu' on doit. "Il n' y a persone, qui ne soit sujet à quelque manquement. _ On dit pourtant, manquement de parole, de foi, de respect. Mais on ne dit pas manquement, mais manque d' argent, d' amis, etc.
   MANQUER a divers sens suivant qu' il est neutre ou actif, sans régime, ou avec régime. = 1°. Manquer, fâillir, tomber en faûte. "Tous les hommes sont sujets à manquer. *Les gascons disent, se manquer. "Il s' est manqué dans cette ocasion. "Ce Prédicateur se manque souvent. = "Ses deux pistolets manquèrent; son fusil manqua, ils ne prirent pas feu; ils manquèrent de tirer. = 2°. Manquer de: avoir faûte de. "Manquer d' argent, de munitions; de coeur, de résolution, d' ocasion, etc. Manquer de parole, manquer de foi, ne pas tenir sa parole, n' avoir pas de bonne foi. L' article doit être indéfini. * "Elles manquent de l' équité et de la modération. Leibnitz. Il falait, d' équité et de modération. = 3°. Manquer à: ne pas faire ce qu' on doit. Manquer à son devoir, à ses amis, à ce qu' on a promis; à son honeur, à sa parole. "Celui, qui manque à aimer Dieu, manque à la principale obligation de la Loi. _ L' Acad. ne done point d' exemple de ce régime des verbes. = Quand la phrâse est négative, on met la prép. de. "Il ne manquera pas de se plaindre. = Dans le sens de faillir, penser, être sur le point de; on met aussi la prép. de, quoique le sens soit afirmatif. "Il a manqué de tomber; d' être tué. = 4°. Tomber, périr. "Cette maison manque par les fondemens; ce cheval manque par les jambes. _ Et sans régime. "Si cet homme vient à manquer, sa famille est ruinée. = 5°. Défaillir. "Les jambes lui manquent: le coeur lui manque. "La parole, les forces me manquent. "Les vivres manquent aux assiégés. La poudre leur manque. "Cet homme est parfait: il ne lui manque rien. = 6°. Laisser échaper; ne pas trouver. "Manquer son coup; manquer un homme, une ocasion. = Manquer une perdrix ou autre gibier; les tirer et ne pas les tuer. _ Manquer des voleurs qu' on cherche, ne les pas prendre. = On dit, proverbialement, la manquer belle, échaper à un grand danger. On dit d' un portrait bien ressemblant, qu' il n' y manque que la parole.
   REM. Se manquer, pour manquer, faire une faûte, est un gasconisme. "Je me suis manqué. Voy. n°. 1°. Mais se manquer à soi-même, manquer à ce qu' on se doit, se faire tort, est une expression élégante. "Il s' est manqué à lui-même, encôre plus qu' aux aûtres. "La partie est arrangée, et certainement je n' y manquerai pas. _ Pardonez-moi, vous y manquerez, pour ne pas vous manquer à vous-même. Marm. = On dit assez indiféremment; il manque d' argent, de poûdre, de munitions; ou l' argent, la poudre, les munitions lui manquent. Dans la 1re manière la persone est sujet, et la chôse régime; dans la 2de la personne est régime et la chôse sujet.

MANSARDE


MANSARDE, s. f. Toit de maison, dont le comble est presque plat, et les côtés presque à plomb. Il tire son nom de l' Architècte Mansard, qui en a été l' inventeur. On apèle aussi mansarde un logement au comble d' une maison qui prend du jour sur le toit.

MANTE


MANTE, s. f. MANTEAU, s. m. MANTELET, s. m. [1re lon. 2e e muet au 1er et au 3e; dout. au sing. du 2d, manto, lon. au plur. Manteaux, pron. Mantô: 3e è moy. au 3e mantelè.] Mante, grand voile de deuil que portent les dames de haute qualité dans les cérémonies. "Toutes les Dames étaient en mante. = On done aussi ce nom dans quelques monastères à certains habits, que portent les religieûses.
   MANTEAU, vêtement fort ample, qu' on porte par dessus l' habit, ou la robe: il y en a de plus ou moins longs. _ Manteau long, manteau court, que portent les éclésiastiques. _ Manteau de nuit ou de lit, dont se servent les femmes et les malades. = Vendre sous le manteau, en cachette. = Fig. prétexte, dont on se coûvre. "Sous le manteau de la dévotion, il cachait ce noir dessein. Voile est plus noble.
   Se couvrir du manteau d' une austère vertu.
   On dit, proverbialement, garder les manteaux; ne point participer aux divertissemens de ceux qu' on a acompagnés. Voy. GARDER.
   Manteau de cheminée, la partie de la cheminée, qui sert de chapeau et de manteau au foyer.
   MANTELET, espèce de petit manteau; comme le camail des Évêques. "Les femmes portent des mantelets de diverses couleurs. = En termes de guerre, machine composée de plusieurs madriers, que l' on pousse devant soi dans l' ataque des places, pour se mettre à couvert des coups de mousquet.

MANUEL


MANUEL, ELLE, adj. MANUELLEMENT, adv. [Manu-èl, èle, èleman: 3e è moy. 4e e muet.] Manuel, qui se fait avec la main. Manuellement, de la main à la main. "Ouvrage, travail manuel. Distribution manuelle. = S. m. Livre abrégé et portatif. Le manuel d' Épicthète, de St. Augustin: manuel lexique: titres de livres. = Doner, recevoir manuellement.

MANUFACTûRE


MANUFACTûRE, s. f. MANUFACTURER, v. act. MANUFACTURIER, s. m. [L' u est long devant l' e muet, bref devant la syllabe masculine: dern. e muet au 1er, é fer. aux deux aûtres.] Manufactûre, fabrication de certains ouvrages, qui se font à la main; et lieu où l' on les fabrique. "Manufactûre de draps, d' étofes, etc. "Aler à la Manufactûre. = Manufacturer. Fabriquer. Celui-ci est plus usité. = Manufacturier, fabriquant. L' Acad. le dit des ouvriers. Il se dit plus proprement de celui qui fait fabriquer et qui est le maître de la manufactûre.

MANUSCRIT


MANUSCRIT, ITE, adj. et subst. Écrit à la main. "Ouvrage manuscrit. Pièce, histoire manuscrite. = S. m. "Il y a dans cette bibliothèque beaucoup de manuscrits.

MANUTENTION


MANUTENTION, s. f. [Manutan-cion: 3e lon.] Action de maintenir. "La manutention des Lois, des privilèges, de la discipline.

MAPPEMONDE


MAPPEMONDE, s. f. [3e lon. 2e et dern. e muet.] Carte géographique, qui représente les deux hémisphères.

MAQUIGNON


MAQUIGNON, s. m. MAQUIGNONAGE, s. m. MAQUIGNONER, v. act. [Makig-non, nonage, noné: mouillez le g.] Maquignon, marchand de chevaux. Maquignonage, métier de maquignon. Maquignoner, user d' artifice pour faire paraître les chevaux meilleurs qu' ils ne sont. "C' est un bon maquignon. "Il entend bien le maquignonage. "Ce cheval a été maquignoné. = Ces trois mots se disent au figuré, en style plaisant ou satirique. Maquignon de charges, de mariages. "Je n' entends rien à ce maquignonage. "Il maquignone, il s' intrigue pour faire vendre des charges, etc.

MARAîCHER


MARAîCHER, s. m. MARAIS, s. m. [Marêché, marê: 2e ê ouv. et long. _ Quelques Auteurs ont écrit marets, et dans les noms propres de plusieurs familles, les uns écrivent Desmarais, les aûtres Desmarets. M. l' Ab. Regnier-Desmarais; le Poète Desmarets.] Marais, terres abreuvées de beaucoup d' eaux, qui n' ont point d' écoulement. "Pays de marais. Forteresse située au milieu des marais. = Marais salans, où l' on fait venir de l' eau de la mer, pour faire du sel. = En st. prov. Se sauver par le marais, c' est, se tirer d' embârras par de mauvaises raisons.
   MARAîCHER, Jardinier, qui cultive un marais.

MARASME


MARASME, s. m. Maigreur extrême, consomption. "Tomber dans le marasme.

MARâTRE


MARâTRE, s. f. [2e lon. 3e e muet.] Belle-mère. Il ne se dit que dans un sens odieux de celle qui maltraite les enfans d' un premier lit, et d' une mère qui traite cruellement ses propres enfans. "Cruelle marâtre. "Ce n' est pas une mère: c' est une marâtre. _ M. Desgrouais, dit qu' à Toulouse, on le dit pour Belle-mère. C' est un des gasconismes les plus remarquables.

MARAûD


MARAûD, AûDE, subst. MARAUDER, v. n. MARAUDEUR, s. m. [Marô, rôde, rodé, rodeur: 2e lon. aux deux premiers, dout. aux deux aûtres.] Maraûd, est un terme de mépris. Coquin, fripon. "C' est un maraûd; un franc maraûd; une coquine, une maraûde. = Maraûde, terme de guerre. Action de butiner (en parlant des soldats) sans la permission du Comandant. Marauder, aler en maraûde. Maraudeur, celui qui va en maraûde. Ces mots sont peu dignes du style de l' Histoire. "Plusieurs s' écartant pour la maraude... sont surpris et tués par la Cavalerie. Rollin, Hist. Anc. Il me semble que pillage aurait été plus convenable.

MARAUDâILLE


*MARAUDâILLE, s. f. [Marodâ-glie: mouillez les ll.] C' est un mot de Madame de Sévigné. Canâille. "Ces maraudâilles de Paris disent que Morphorio demande à Pasquin pourquoi on prend en une même année Philisbourg et Mastrich; et que Pasquin répond que c' est parce que M. de Turenne est à St. Denis, et M. le Prince à Chantilli.

MARBRE


MARBRE, s. m. MARBRIER, s. m. MARBRIèRE, s. f. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d, è moy. et long au 3e, bre, brié, briè-re.] Aûtrefois on prononçait abre, mabre, trouvant trop dure la prononciation de marbre, arbre. On est revenu depuis longtems de cette prononciation radoucie. Th. Corn. Voîture. = Marbre, pierre calcaire extrêmement dure et solide, qui reçoit le poli. "Dur, froid, comme marbre. Scier, polir le marbre. = Fig. Il est de marbre, c' est un homme dur et froid. "Son coeur, tout marbre qu' il est, s' amollit à cette vûe. Jér. Dél. Dans cette phrâse, il est employé adjectivement. On dirait, dans la prôse ordinaire, tout de marbre qu' il est. "Je restai comme un marbre à ce discours. Mariv. c. à. d. interdit, immobile.
   MARBRIER, ouvrier, qui travaille à scier et à polir le marbre. Acad. Qui travaille en marbre ou en façon de marbre. Rich. Port. Ouvrier, qui taille, qui polit le marbre, qui le tire des carrières. Trév. Il se dit aussi du Maître, qui conduit et entreprend les ouvrages. Ibid. La définition de l' Acad. est la moins bone de toutes. On ne dit pas marbrier absolument de celui qui ne fait que scier et polir le marbre. Il ne se dit guère que de celui, qui le tire de la carrière, de l' ouvrier qui le façone et qui en fait divers ouvrages, et du Maître, qui fait travailler, et qui vend ces ouvrages façonés.
   MARBRIèRE, carrière d' où l' on tire le marbre.

MARBRER


MARBRER, v. act. MARBREUR, s. m. MARBRûRE, s. f. Ils expriment l' action d' imiter par la peintûre la disposition des diférentes couleurs, qui se troûvent en certains marbres, et l' éfet qui en résulte. "Faire marbrer un chambranle. Marbrer du papier, la couvertûre d' un livre; marbrer (un livre) sur tranche. "Papier marbré, etc. = Marbreur, artisan, qui marbre du papier. Il ne se dit que de cette espèce de marbrûre.

MARC


MARC, s. m. [le c ne se pron. point. Acad.] 1°. Poids, qui contient huit onces. "Les ouvrages d' or et d' argent se vendent au marc. = On apèle poids de marc, celui où la livre a deux marcs ou 16 onces, à la diférence du poids de table, où la livre n' a que douze onces, et d' autres poids où elle en a quatorze, etc. "Trois livres poids de marc. = 2°. Ce qui reste de plus grossier, de quelque fruit ou herbe qu' on a pressée. "Marc de raisins, de pommes, d' olives, etc. "Le marc des herbes, qui ont été pressées dans une serviette.

MARCASSIN


MARCASSIN, s. m. MARCASSITE, s. f. [Marka-cein, cite.] Le 1er se dit du petit d' un sanglier; le 2d d' une pierre minérale, composée de fer ou de cuivre et de soufre, d' une figure anguleûse.

MARCHAND


MARCHAND, ANDE, subst. MARCHANDER, v. act. MARCHANDISE, s. f. [2e lon. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e, lon. au 4e, de, dîze.] Marchand, qui fait métier d' acheter et de vendre. "Grôs, petit marchand. "Marchand en grôs, en détail, en magasin. "Marchand drapier, de soie. "Marchande lingère, etc. = Adj. Il se dit des chôses. Qui a les qualités prescrites par les Ordonances pour être vendu. "Vin, blé, marchand, qui n' est pas marchand. _ Rivière marchande, qui a assez d' eau, pour le transport des marchandises. _ Cette Ville est fort marchande: il s' y fait un grand trafic. _ Place marchande, comode pour vendre. _ Vaisseau marchand, qui n' est destiné qu' à porter des marchandises. = On dit quelquefois le marchand, pour, les marchands. Voy. SINGULIER, à la fin. = En st. prov. n' être pas bon marchand d' une chôse; n' y pas trouver son compte. "Vous n' en serez pas bon marchand. "Il n' a pas voulu suivre mon conseil: il s' en troûvera mauvais marchand. = Tromper le marchand, acheter à bâs prix. = N' est pas marchand, qui toujours gâgne. = Marchand qui perd ne peut rire. Ce Proverbe s' aplique à toute sorte de chagrins.
   Rem. On dit, marchandise melée, d' une compagnie fort mélangée. La Font. et Corn. ont dit, marchand mêlé.
   Le Monde est un marchand mêlé,
   On y voit de l' un et de l' aûtre.
       La Font.
  Paris est un grand lieu plein de marchands mêlés.
    Le Menteur.
  MARCHANDER, au propre, demander le prix d' une chôse, essayer d' en convenir avec le marchand et d' en faire rabatre. "Il a marchandé ce drap, ce cheval. Et neutralement: "Il a marchandé sou à sou.= Au figuré, ne pas hésiter, balancer. Il se dit toujours avec la négative. "Il ne faut pas tant marchander: il faut se résoûdre. "Il l' a fait sans marchander. "Il ne marchande pas: il parle, il agit ouvertement. = Avec le régime des persones, ne pas épargner. "Je ne le marchanderai pas, si je le troûve. "Il ne le marchanda point: il le tua d' abord. _ Il n' est que du style familier: l' Acad. n' en distingue point l' usage. * Mascaron l' emploie sans négative, et dans une oraison funèbre. "On le tâte, on le marchande de tous les côtés: il parait par tout également intrépide. Or. Fun. du Duc de Beaufort. _ Cette expression déplairait aujourd' hui. _ Madame de Sévigné s' en sert dans un sens, qui tient du propre et du figuré. "C' est un homme, qui ne sait pas faire les chôses de mauvaise grâce, et qui ne marchande point avec son Maître.
   MARCHANDISE, se dit des chôses dont les marchands font trafic. "Belle, bonne marchandise. "Marchandises de contrebande, etc. = Il s' emploie quelquefois au figuré, mais seulement en style badin ou critique.
   L' âne, c' est quelquefois une paûvre Province,
   Les voleurs, c' est tel et tel Prince,
   Comme le Transylvain, le Turc et le Hongrois,
   Au lieu de deux, j' en ai rencontré trois:
   Il est assez de cette marchandise.       La Font.
"On reçut la mauvaise marchandise d' un Isidorus Mercator (les Fausses Décrétales.) Anon.
   On dit, proverbialement, faire valoir sa marchandise, son mérite. _ Faire métier et marchandise d' une chôse; la faire habituellement. "Il en fait métier et marchandise. Voy. GUERRE.

MARCHE


MARCHE, s. f. Ce mot a trois sens, qui n' ont pas beaucoup de raport l' un avec l' aûtre. _ I. Aûtrefois, frontière d' un État. On dit encôre, Marche d' Ancône, de Limousin, de Brandebourg. "La province de La Marche. = II. Moûvement de celui, qui marche. Il se dit sur-tout des troupes. "L' armée était en marche. "Il prit sa marche le long du lac. D' Abl. Le Général eut l' adresse de couvrir, de cacher sa marche; de dérober une marche à l' énemi. Au figuré, cacher sa marche, ses desseins, les mesures qu' on prend. _ On dit aussi; la procession se mit en marche. "L' ordre de la marche était tel. _ "Nous avons été huit jours en marche. = 2°. Traite, chemin qu' on fait d' un lieu à un aûtre. "Il y a sept jours de marche de Lyon à Marseille. = 3°. Au jeu des échecs, le mouvement que peuvent faire les pièces. "Des échecs il ne sait que la marche: il ne sait pas jouer. = 4°. Air de musique, qui caractérise la marche des Troupes. "La marche des Mousquetaires, des Suisses, etc. = III. Degré, qui sert à monter et à descendre. _ Suivant un Encyclopédiste, degré s' employait dans le dernier siècle pour signifier chaque marche d' un escalier; et marche était uniquement consacré pour les autels. Suivant l' Acad.~ degré est encôre synonyme de marche; mais le 1er, dit M. Beauzée est plus propre à indiquer la hauteur de ces divisions égales de l' escalier; et le 2d à marquer le giron de chacune de ces divisions. "Les degrés sont égaux ou inégaux, selon que les hauteurs sont égales ou inégales; et les marches sont égales ou inégales selon que les girons en sont également ou inégalement étendus.

MARCHÉ


MARCHÉ, s. m. 1°. Lieu public où l' on vend toute sorte de denrées. = 2°. La vente de ce qui se débite dans le marché. "Le cours du marché. "Le marché a été bon aujourd' hui. = 3°. L' assemblée de ceux qui vendent et achètent dans ce lieu. "Il y a marché en cette ville deux fois la semaine. = 4°. Le prix de la chôse qu' on achete. "Cela ne vous coûte que tant: c' est bon, ou grand marché. Rompre, ou tenir le marché. "Ce marché tiendra: il n' a pas tenu. Aller ou courir sur le marché d' un aûtre, etc.
   Rem. On dit au propre et au figuré, faire bon marché de... "Il faut apeler les politiques, dit Bossuet, qui aparemment feront meilleur marché de la Religion. Autrefois les expressions familières entraient plus souvent dans tous les styles. Bossuet me surprend donc moins que M. Moreau, qui a dit tout récemment. "Parmi les vérités historiques, il y en a un grand nombre, dont je suis toujours tenté de faire bon marché à ceux, qui me les disputent. = On dit aussi, avoir bon marché de... "Mon coeur me fait bien souffrir: j' ai bien meilleur marché de mon esprit et de mon humeur. Sév. "Que les six premiers tirent seuls sur Ulysse.. nous aurons bon marché des aûtres. (Odyss.) Nous nous en déferons plus facilement. = Aller sur le marché de (st. fig. famil.) "M. Daillé... fait une remarque assez vraie; c' est que jamais il n' y a eu de nouvelle religion anoncée qu' aussi-tôt il ne se soit trouvé plusieurs Prophètes, qui aient été sur le marché les uns des aûtres, (qui aient enchéri l' un sur l' aûtre) c' est être de bien bonne foi que de faire un pareil aveu, quand on est Protestant. Henaut. = Mettre le marché en main, ou à la main à... le prendre au mot. = Faire bien vite son marché, prendre vite sa résolution. = On dit, à celui, qui se plaint d' une claûse onéreuse dans un contrat: il n' y a au marché que ce qu' on y met, et d' une chôse, qu' on a eûe à fort bon marché: c' est un marché donné; d' un achat avantageux, c' est un marché d' or. Voy. Amender, Bourse, Corps, Quitte.
   Par dessus le marché, adv. Outre cela (st. famil.) "Mangez, me dit-elle, Dieu veut qu' on vive. Voilà de quoi faire sa volonté, lui dis-je, et par dessus le marché j' ai grande faim. Mariv.
   Bossuet apelle le style du marché ce qu' on nomme plus comunément langage des Halles. Il dit de l' Ab. Dupin qu' il préfère à des termes plus respectueux, la licence et le style du marché.

MARCHE-PIED


MARCHE-PIED, s. m. [Marche-pié: 2e e muet, 3e é fer.] Marche ou banquette, sur laquelle on pôse les pieds. "Marche-pied du trône, de l' autel, etc.

MARCHER


MARCHER, v. n. et s. m. [Marché: 2e é fer.] 1°. Aler, s' avancer d' un lieu à un aûtre par le mouvement des pieds. "Marcher doucement, pesamment, fièrement, à pas comptés, à pas de loup, etc. "Cet enfant ne marche pas encôre. = 2°. Marcher, signifie quelquefois s' avancer, de quelque manière que ce soit. Ainsi l' on dit que l' armée marche, que des troupes marchent, quoiqu' il y ait un grand nombre de cavaliers. = 3°. Aler suivant un certain ordre. "Les Princes du Sang marchent avant les Ducs = 4°. S. m. La manière, dont on marche. "Je l' ai reconu à son marcher.
   Rem. Ce verbe précède quelquefois le nominatif. "À~ une certaine distance marchoit une multitude innombrable, tant de chrétiens que d' infidèles. Let. Édif. = Employé au figuré, il régit la prép. à. "Marcher à la victoire. "La nature te fit un front élevé: obéis à sa voix: marche aux grandeurs où le Ciel t' appelle. Jér. Dél. = Quelquefois aussi il régit le nominatif de certains noms, comme être, devenir. "Je sais que, jeune encôre, il (M. de Condorcet) a marché le rival, et presque l' égal des Fontaine, des Bernoulli, des Euler, Ann. Lit. Voyez des vers, au mot ÉGAL. = * On dit travailler d' aprês un modèle; mais on doit dire au figuré, comme au propre, marcher aprês, et non pas d' aprês. "Il vaut beaucoup mieux marcher d' aprês les bons modèles, que de s' obstiner à créer des monstres bisârres. Sabat. Dites marcher aprês, ou, mieux encôre, suivre, imiter.
   MARCHER se combine avec plusieurs noms dans le st. figuré famil. _ Marcher droit, faire bien son devoir. _ Marcher entre des précipices, se trouver dans des conjonctûres dificiles et périlleûses. _ Une~ afaire ne marche point, n' avance point. _ Elle marche toute seule, quand on n' a pas besoin de soins, de sollicitations pour la faire réussir. _ Ce Poème, ce discours marche bien, ils sont bien suivis: l' ordre en est bon: la disposition est juste. _ Marcher sur les pas de... imiter. _ Marcher à grands pas aux dignités, doner à croire qu' on y parviendra bientôt. = On dit d' une fille, qu' elle marche sur les talons de sa mère, qu' elle est déjà à un âge où sa mère doit songer à l' établir; et qu' elle marche sur les talons de sa soeur ainée, qu' elle la suit de fort prês.

MARCHEUR


MARCHEUR, EûSE, s. masc. et fém. Celui, celle qui marche peu ou beaucoup. "C' est un grand, ou un méchant marcheur, = Adj. Il n' est pas marcheur. "Les femmes ne sont pas marcheûses.

MARCOTE


MARCOTE, s. f. MARCOTER, v. act. [Markote, : 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Marcote se dit proprement d' une branche de vigne, de figuier ou de quelques aûtres plantes qu' on met en terre, afin qu' elle y prène racine. "Planter des marcotes. = Par extension, on le dit des rejetons des oeuillets, et autres plantes que {B610a~} l' on couche en terre, pour leur faire prendre racine; et c' est ce qu' on apèle marcoter.

MARDI


MARDI, s. m. Le 3e jour de la semaine. "Cela arriva un mardi. "Il vient dîner chez moi tous les mardis.

MâRE


MâRE, s. f. [1re lon. 2e e muet.] Amâs d' eau dormante. "Une mâre; abreuver les bestiaux à la mâre.

MARÉCAGE


MARÉCAGE, s. m. MARÉCAGEUX, EûSE, adj. [Marékage, geû, geû-ze: 2e é fer. 4e e muet au 1er, lon. aux deux autres.] Marécage, terre dont le fond est humide et bourbeux. Marécageux, plein de marécages. "Ce gibier sent le marécage. "Ce ne sont pas de bons prés; ce sont des marécages. "Prés marécageux, terres marécageûses. = Air marécageux, tel que celui qui s' élève ordinairement des marécages. = Oiseau marécageux, qui sent le marécage.

MARÉCHAL


MARÉCHAL, s. m. MARÉCHAUSSÉE, s. f. [maréchal, chocé-e: 2e é fer. 4e é fer. et long au second.] Maréchal est, 1°. un artisan dont le métier est de ferrer les chevaux, et de les traiter quand ils sont malades. On dit quelquefois Maréchal ferrant. = 2°. C' est le nom de plusieurs Oficiers militaires. Maréchal de logis, Maréchal de camp, Maréchal de France. Et en Allemange, en Pologne, Grand Maréchal, etc.
   MARÉCHAUSSÉE, compagnie de gens à cheval, établie pour veiller à la sûreté publique. "Ces compagnies tirent leur nom de ce qu' elles sont immédiatement soumises aux Maréchaux de France.

MARÉE


MARÉE, s. f. 1°. Flux et reflux de la mer. "Haûte marée; bâsse marée. = On dit, figurément, contre vent et marée; en dépit de tous les obstâcles. "Elle a établi son fils à la Cour contre vent et marée. Sév. = 2°. Poisson de mer: "Marée fraiche; vendeur de marée. = En st. prov. Cela arrive comme marée en carême, fort à propôs.

MARELLE


MARELLE, voy. MÉRELLE. Le 1er est un gasconisme.

MARGE


MARGE, s. f. MARGER, v. act. MARGINAL, ALE, adj. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Marge, au propre, le blanc qui est autour d' une page imprimée ou manuscrite. "Grande, belle marge. "Trop petites marges. _ À~ la marge, en marge, {B610b~} adv. "Mettre des citations, des notes, des titres en marge, à la marge. = Marger, compasser les marges d' une feuille à imprimer. = Marginal, qui est à la marge. Notes marginales.
   MARGE, au figuré, ce qui est au delà du nécessaire. "Nous avons de la marge, du tems, des moyens de reste pour faire ce que nous nous proposons.

MARGELLE


MARGELLE, s. f. [Margèle: 2e è moy. 3e e muet] Les pierres qui bordent le tour d' un puits, et qui en recouvrent la maçonerie. = On a dit autrefois, margeole et mardelle.

MARGER


MARGER, MARGINAL, voy. MARGE.

MARGOUILLI


MARGOUILLI, s. masc. [mar-gou-gli: mouillez les ll.] Gâchis plein d' ordûres. _ Mettre le pied dans le margouilli. Il se dit au propre et au figuré.

MARGUILLERIE


MARGUILLERIE, s. f. MARGUILLIER, s. m. [marghi-gleri-e, ghi-glié: mouillez les ll, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Marguillier, celui qui a le soin de la Fabrique, ou OEuvre d' une Paroisse. Voyez FABRIQUE et FABRICIEN. = Marguillerie, charge de Marguillier. Celui-ci est peu usité.

MARI


MARI, s. m. MARIABLE, adj. MARIAGE, s. m. MARIER, verbe n. [3e dout. au 2d, é fermé au dern. _ ia est de deux syllabes au 2d, d' une seule au 3e: mari--able, ma-ria-ge; en vers ri-age.] Mari, celui qui est joint à une femme par le lien conjugal, "Bon ou mauvais, méchant mari. Mari fâcheux, jaloux. _ Mari comode, qui laisse vivre sa femme peu régulièrement.
   MARIABLE, qui est en âge d' être marié, ou mariée. "Elle n' est pas encôre mariable.
   MARIAGE, 1°. union d' un homme et d' une femme par le lien conjugal. "Promesse de mariage. Faire, célébrer un mariage. "Demander, rechercher, prendre en mariage. = 2°. Solennité des noces. "Assister à un mariage. = 3°. La dot qu' on donne à la mariée. "Elle a eu un bon, un grôs mariage. "Elle a eu, ou on lui a donné cent mille francs de mariage. Acad. M. Marin pense qu' on doit dire en mariage, et non pas de mariage. = Selon l' Acad. on le dit aussi du bien qu' un père done à son fils en le mariant.
   MARIER, au propre, unir un homme et une femme par le lien conjugal. "C' est un tel Prêtre qui les a mariés. Voy. ÉPOUSER. "Son Père la marie avantageûsement. _ Elle est bone à marier, dans l' âge d' être mariée. = Se marier, épouser. "Il s' est marié à Mlle. une telle. "Il s' est marié richement. = Au figuré, il se dit des chôses en régime, ou comme sujet. "Il marie les doux accens de sa voix avec les sons harmonieux de sa guitârre. Mde. Dacier. "Nous avons Abbadie et l' Histoire de l' Église: c' est marier le luth à la voix. Sévigné.
   La vigne, si je veux, s' y marie aux ormeaux.
       De Lille.
  Les Bergers, unis aux Bergères,
  Formeront des danses légères,
  Et marieront leurs voix au son des chalumeaux.
       Gresset.
On voit par ce dernier exemple, qu' au futur, il n' est que de 3 syllabes.
   Oui, nous te marirons, malgré ta répugnance.
       Le Persifleur.
Voy. plus bâs. III.
Rem. I. Mari n' est pas un terme noble; et on ne peut guère l' employer dans le haut style, où Époux convient mieux. Au contraire, dans la conversation, celui-ci convient moins que l' aûtre. Les femmes du peuple disent mon époux, en parlant de leur mari; et le Dames qui ne sont pas esclâves du préjugé à la mode, disent mon mari. Il est encôre plus convenable de préférer mari à époux, quand on parle en tierce persone. Il serait mal de dire: M. est l' époux de Madame... Il faut dire, le mari. V. ÉPOUX.
   II. On dit, en style familier, Marieur, Marieûse, pour dire faiseur, faiseûse de mariages. Rich. Ce sont de ces mots qu' on fabrique dans la liberté de la conversation.
   III. Dans le propre, on dit marier à; dans le figuré, on dit à ou avec. "Il a marié sa fille à un Avocat. "Elle s' est mariée à un Négociant. "Marier sa voix à un instrument. "Les Dieux ont marié le travail à la gloire, ou avec la gloire.
   IV. MARIÉ s' emploie quelquefois substantivement. "Le marié, la mariée, le nouveau marié, la nouvelle mariée; les nouveaux mariés. Il ne se dit de la sorte que les premiers jours du mariage.

MARIN


MARIN, INE, adj. MARINE, s. f. MARINIER, s. m. [3e e muet au 2d et au 3e, é fer. au 4e.] Marin, adj. Qui est de mer. "Monstre, veau, loup, cheval marin. Conque marine. _ Avoir le pied marin, être acoutumé à être sur mer, et avoir le pied ferme en marchant sur les ponts, sur le tillac. = Marin, Marinier, dont la profession est d' aler sur mer. Le 2d est plus du style noble et poétique. "Les Mariniers poussoient des cris de joie. Télém. _ Suivant l' Acad. le 1er ne se dit que d' un Oficier de marine. "C' est un marin qui lui a dit cette nouvelle. Il me semble pourtant que l' usage est de le dire de tous les gens de mer. Marinier a un emploi plus restreint: on ne l' emploie substantivement, qu' en parlant de celui qui sert à la conduite de quelque petit bâtiment sur les grandes rivières. "C' est un marinier, une bande de Mariniers. Acad. Et adjectivement, des bâs Oficiers, qui servent à la manoeûvre d' un vaisseau: Oficiers mariniers; excepté en Poésie, comme nous l' avons dit plus haut.
   MARINE est, 1°. La science de la Navigation sur mer. "Il entend parfaitement la marine. = 2°. Ce qui concerne cette sorte de navigation. Oficier, Intendant de Marine. = 3°. Le Corps des Oficiers, troupes, matelots, vaisseaux mêmes, etc. "La marine de France, etc. = 4°. Le goût, l' odeur de la mer: "Cela sent la marine. = 5°. Plage, côte de mer: se promener sur la marine. Acad. = 6°. Tableau, qui représente un port de mer ou quelque vûe de la mer. "Les marines de Vernet. Peintre de marine.
   MARINADE, s. f. MARINER, v. act. Le verbe exprime, 1°. L' action de faire cuire du poisson, et de l' assaisoner de manière qu' il puisse se conserver long-tems. "Mariner du thon, des anguilles. = 2°. L' assaisonement qu' on fait à de certaines viandes, pour les rendre mangeables sur le champ. "Mariner des poulets, une poitrine de veau. = Marinade n' a que le second sens, fritûre de viande marinée. "Poulets à la marinade, poitrine de veau, en marinade. "Une bone marinade.
   MARINÉ, ÉE, adj. a dabord les deux sens de son verbe: thon mariné, huitres marinées. Poulets marinés. = Mais il se dit aussi de certaines marchandises qui ont été altérées pour avoir été trop long-tems sur mer, et qui ont contracté une odeur et un goût de marine. "Café, cacao, thé mariné. Cochenille marinée, etc.

MARINGOUIN


MARINGUOIN, s. m. [Ma-rein-gouein, en trois syllabes: 2e lon.] Moucheron, qui ressemble au cousin, et qui est fort comun en Amérique.

MARJOLAINE


MARJOLAINE, s. f. [Marjolène, 3e è moy. 4e e muet.] Sorte d' herbe aromatique.

MARJOLET


MARJOLET, s. m. Petit fat qui fait l' entendu. Il est populaire. "Voilà un plaisant marjolet!

MARIONETTE


MARIONETTE, s. f. [Mari-onète: 4e è moy. 5e e muet.] Petite figûre en plein relief, qu' on fait remuer, gesticuler par artifice, par ressort. "Doner, faire jouer les marionettes. "Aler aux marionettes. = Fig. st. famil. "C' est une marionette, une fort petite femme, ou~ une persone qui gesticule beaucoup, et fait des singeries. = Mde de Sévigné emploie joliment ce mot au figuré. "Nous avons gagné notre petit procès: nous en avons fait les marionètes d' un grand; car nous l' avons sollicité.

MARITAL


MARITAL, ALE, adj. MARITALEMENT, adv. Termes de Pratique. _ Qui apartient au mari. "Pouvoir marital. Puissance maritale. = En mari, comme doit faire un mari. "Traiter maritalement une femme, vivre maritalement avec elle.

MARITIME


MARITIME, adj. Qui est proche de la mer. "Les pays, les provinces, les peuples, les Puissances maritimes.

MARMâILLE


MARMâILLES, s. f. [mouillez les ll: 2e lon. 3e e muet.] Nombre de petits enfans. "Voilà bien de la marmâille. "Faites taire cette marmâille. st. famil.

MARMELADE


MARMELADE, s. f. [2e et 4e e muet.] Confitûre de fruits, presque réduits en bouillie. "Marmelade d' abricots, de prunes, de pêches, etc. = Fig. Famil. une viande est en marmelade, quand elle est trop cuite, et presque réduite en bouillie.

MARMITE


MARMITE, s. f. Pot de métal où l' on fait bouillir les viandes. "Couvercle de marmite; pied de marmite. "Écumer la marmite. = On dit, proverbialement, que la marmite est renversée dans une maison, quand on n' y mange plus. = Écumeur de marmites, Parasite. _ Nez fait en pied de marmite, large par en bâs et retroussé. V. BOUILLIR.

MARMITEUX


*MARMITEUX, EûSE, adj. Vieux mot. Paûvre; qui est à plaindre, soit du côté de la fortune, soit du côté de la santé. "Il est tout marmiteux. _ Subst.. "Il fait le marmiteux: c' est un paûvre marmiteux.

MARMITON


MARMITON, s. m. Le plus bâs valet de cuisine. "Sale comme un marmiton.

MARMONER


MARMONER, v. act. Terme populaire. Murmurer d' une manière sourde. "Qu'~ est~-ce que vous marmonez? = V. n. Sans régime. "Marmoner entre ses dents, on dit marmoter.

MARMOT


MARMOT, s. m. MARMOTE, s. f. MARMOTER, v. act. Ces trois mots n' ont pas de raport entre eux pour la signification. = Le 1er se dit d' une espèce de singe; d' une petite figûre grotesque; d' un petit garçon. En ce dernier sens, on dit, au féminin une marmote. = Le 2d est un grôs rat de montagne, qui dort durant l' hiver. = Le 3e exprime l' action de parler entre ses dents. "Que marmotez-vous là? "Marmoter ses prières, etc.
   En st. prov. Croquer le marmot, c' est atendre et s' ennuyer en atendant. _ Dormir comme une marmote, long-tems.

MARMOUSET


MARMOUSET, s. m. [Mar-mou-zè: 3e è moy.] Petite figure grotèsque. _ En termes de mépris, petit garçon, ou petit homme mal fait.

MARNE


MARNE, s. f. MARNER, v. act. MARNIèRE, s. f. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d, è moy. et long au 3e: ne, , niè-re.] La marne est une espèce de terre grâsse et calcaire, dont on se sert au lieu de fumier, pour engraisser les terres légères et sabloneûses. = Marner une terre, y répandre de la marne. = Marnière, lieu d' où l' on tire de la marne.

MAROTIQUE


MAROTIQUE, adj. [Marotike.] Imité de Marot, fameux Poète, qui vivait du tems de François I. "Style, épitre marotique; vers marotiques.

MAROTTE


MAROTTE ou MAROTE, s. f. Au propre, espèce de scèptre, au bout duquel est une tête coîfée d' un capuchon bigârré de diférentes couleurs, et que portaient aûtrefois ceux, qui faisaient le personage de foux. _ C' est le symbole de la folie. _ C' est un homme extravagant, il porte, ou il devrait porter la marote. = Fig. L' objet de quelque passion déréglée. "C' est sa marotte, son tic, sa manie. "Ce mot (dévotionettes) est tellement la marotte de M. C... que je croirois que c' est lui qui est le vrai G... de ces lettres. Tart. Épist. "M. Pal... veut à toutes forces passer pour plaisant: c' est là sa marote: chacun a la sienne. Ann. Lit.

MAROUFLE


MAROUFLE, s. m. Terme de mépris. Fripon, malhonête homme. Il est bâs et populaire. L' Acad. le met sans remarque. Il n' est bon que pour le style satirique.
   Ce sont trop bien maroufles que Dieu fit.
   Maroufles soit! Je ne veux vous dédire.       Rouss.

MARQUANT


MARQUANT, ANTE, adj. Il se dit au propre et au fém. dans certains jeux, des cartes, qui produisent des points à celui, qui les a. "Carte marquante. Depuis quelque tems on a étendu l' emploi de ce mot. Voy. MARQUER. "Il lui déclare qu' il n' est pas éloigné de lui doner sa fille en mariage, si à sa naissance déjà illustrée, il peut joindre quelque dignité marquante pour sa postérité, comme un Duché-Pairie. Anon.

MARQUE


MARQUE, s. f. MARQUER, v. act. MARQUEUR, s. m. [Marke, , keur: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Marque, en général, est ce qui sert à désigner, à distinguer. 1°. Empreinte. "La marque de l' orfèvre. La marque des chevaux, des moutons, du papier, des étofes, etc. = 2°. Instrument avec lequel on fait cette empreinte. = 3°. Impression, trace. "Il a été blessé au front: la marque y est encôre. = 4°. Tache, signe, que l' animal porte en naissant. "Ce chien a de belles marques. "Ce cheval a une marque au front. _ On le dit aussi des hommes. = 5°. Ornement qui distingue. "Marques d' honeur, comme le cordon bleu, la croix de St. Louis. "Le mortier est la marque, qui distingue les Présidens du Parlement des Conseillers. _ Homme de marque, de distinction. _ Marque d' infamie, ce qui fait conaître l' infamie de quelqu' un. = 6°. Ce qu' on emploie pour se ressouvenir de quelque chôse. "Quand je trouve quelque chôse de beau dans un livre, j' y fais une marque. = 7°. Chifre ou figûre que les ouvriers et les marchands mettent à leurs ouvrages, à leurs marchandises. = 8°. Jetons, fiches, etc. qui servent dans certains jeux à marquer les points. = 9°. Indice, signe. "C' est une marque de prédestination, de malheur. = 10°. Présage. "Le ciel rouge au soir est une marque de beau tems. = 11°. Preûve, témoignage. "Des marques de haine, de courage, de grandeur d' âme, d' ignorance, etc. = On dit (st. famil.) une marque ou (sans article) marque que j' ai fait cela, c' est que, etc.
   REM. Marque, preûve, (n°. 11°.) ne se dit que des chôses. Rousseau le dit des persones.
   Mais aprenez, et retenez-le bien,
   Que, qui sait mal (vous en êtes la marque)
   Est ignorant plus que qui ne sait rien.
= On dit, des gens de marque, de distinction; mais je ne crois pas qu' on dise, de la première marque, comme on dit, de la première distinction. "Fameux par un talent, qui sembloit tenir du prestige, pour gâgner les persones du plus grand génie, comme de la première marque. Berault-Bercastel. Hist. de l' Égl. _ On est souvent trompé par l' analogie.
   MARQUER a plusieurs des significations de marque. = 1°. Mettre une empreinte: "Marquer des moutons, des chevaux, de la vaisselle, etc. = 2°. Faire impression par quelque coup. "En se batant avec lui, il l' a marqué au visage. = 3°. Laisser des traces, des vestiges. "Les armées marquent leur passage par de grands désordres. = 4°. Mettre une marque pour faire souvenir. "Marquer dans un livre l' endroit où l' on en est demeuré. "Marquer les points qu' on gâgne dans certains jeux. = 5°. Indiquer. "Sa bone mine marque bien ce qu' il est. = V. n. "Cette alée comence à marquer: les arbres comencent à bien pousser. = 6°. Spécifier, désigner ce qu' on veut, ce qu' il faut faire. "Je lui ai marqué ce que je veux, ce qu' il doit faire. Et neutralement. "Je lui marquai expressément qu' il eut à faire partir incessamment les marchandises, que j' avais demandées. = 7°. Témoigner, doner des marques. "Marquer sa reconaissance, son amitié, etc. = 8°. Prouver. "Ces critiques marquent une grande ignorance ou une excessive prévention. = 9°. On dit qu' un cheval marque encôre, pour dire, qu' on conait encôre aux marques des dents l' âge qu' il a; et qu' il ne marque plus, quand ces marques cessent de paraitre. = Ce cadran marque ou ne marque pas, le soleil y done encôre, ou n' y done plus. = 10°. Au passif. "Il est marqué. Il a une marque au visage, ou au corps, qui le rend diforme. Marqué au B. Voy. B. _ Cet enfant est né marqué: il a aporté en naissant quelque marque, quelque signe. _ Cheval marqué en tête, qui a l' étoile ou la pelote au front. = Fig. Homme marqué, noté, qui a fait quelque faûte, qui a éclaté. Noté est plus noble et plus usité. = Papier, parchemin marqué, qui a l' empreinte du timbre, pour servir aux actes, qui font foi en Justice.
   Rem. On dit qu' une alée marque. Voy. n°. 5°. Depuis quelque tems on le dit figurément en Litératûre. "Ne vous atendez pas à trouver ici le catalogue des Livres, qui marquent le plus (qui sont les plus remarquables) dans cette collection historique. Ann. Litt. "Cette arme étoit émoussée: il fallait quelque chôse de neuf et qui marquât (qui fit sensation) Mém. = Un Auteur moderne fait régir à marquer, témoigner, l' infinitif sans préposition. "Il n' y en eut aucun, qui ne marquât vouloir embrasser la Religion Chrétienne. Let. Édif. _ Il régit plus régulièrement la conjonction que. "Il eut la bonté de me marquer qu' il feroit dans la suite quelque chôse de plus pour moi. Ibid.
   MARQUEUR, celui qui marque. "Marqueur de cuirs, de draps, etc. _ Au jeu de paûme, il se dit sans régime de celui qui a soin de marquer les pâsses et qui compte le jeu. "Demandez au marqueur.

MARQUETER


MARQUETER, v. act. MARQUETERIE, s. f. [Marketé, terî-e: 2e e muet; 3e é fer. au 1er, e muet au 2d, dont la 4e lon.] Marqueter, c' est marquer de plusieurs tâches. "La natûre a marqueté la peau des tigres. = Marqueterie, ouvrage de pièces de raport de diverses couleurs. "Table, cabinet, plancher, ouvrage de marqueterie. "Travailler en marquéterie.

MARQUEUR


MARQUEUR, Voy. MARQUE, au comencement et à la fin.

MARQUIS


MARQUIS, ISE, subst. MARQUISAT, s. m. [Marki, kî-ze, kiza: 2e lon. au 2d.] Marquis, aûtrefois oficier préposé à la garde des marches, des frontières. = Aujourd' hui titre de dignité, de distinction. "Bien des nobles prènent sans droit, le titre, la qualité de Marquis. = Marquise; 1°. Femme d' un Marquis, ou Dame, qui possède en fief un marquisat. = 2°. Tente de toile qu' un officier fait tendre par dessus une aûtre tente, pour y être d' autant plus à l' abri des injûres de l' air. = Marquisat, titre de dignité, ataché à une terre, composée d' un certain nombre de fiefs.

MâRRAINE


MâRRAINE, ou MARREINE, s. f. [Le Dict. de Trév. les met tous deux sans remarque: l' Acad. ne met que le 1er: Mârène: 1re lon. r forte: 2e è moy. 3e e muet.] Celle, qui tient un enfant sur les fonts de Baptême. "Elle porte le nom de sa mârraine.

MâRRI


MâRRI, IE, adj. [Mâri, ri-e: 1re lon r forte.] Fâché. Il est vieux, et ne se dit que dans cette phrâse: être marri d' avoir ofensé Dieu. = On le disait comunément aûtrefois: "Je suis extrêmement marri que vous ne me puissiez doner de meilleurs signes de paix. Voit. Il régissait le subjonctif, comme fâché, son synonime. = Rousseau dit de Catulle, en style marotique.
   Et suis mârri que le poivre assaisone
   Un peu trop fort ses petits madrigaux.

MâRRON


MâRRON, s. m. [Mâron: r forte: 1re lon.] Espèce de grôsse chataigne, bone à manger. "Faire rôtir des mârrons. = Mârron d' Inde, fruit du mârronier. = Mârrons. grôsse boucles. "Cheveux frisés en mârrons, = Nègre Mârron, fugitif, qui s' est retiré dans les bois, pour y vivre en liberté. C' est un mot de nos Colonies. On le dit aussi des animaux devenus sauvages.

MâRRONER


MâRRONER, v. act. [1re lon. Mâroné, r forte.] Friser des cheveux en mârrons, en grôsses boucles.

MâRRONIER

, s. m. [Mâro-nié: 1re lon. r forte, dern. é fer.] Arbre qui porte les mârrons. = Mârronier d' Inde, grand et bel arbre, dont le fruit, qui ressemble à la chataigne, est d' un goût très-âcre et très-amer.

MâRROQUIN


MâRROQUIN, s. m. MâRROQUINER, v. act. MâRROQUINERIE, s. f. MâRROQUINIER, s. m. [Mâro-kein, kiné, nerî-e, nié: 1re lon. r forte: 4e é fer. au 1er et au 4e, e muet au 3e.] Mârroquin, cuir de bouc ou de chèvre aprêté avec de la noix de galle. Il y en a de diférentes couleurs. Mârroquiner, aprêter des peaux de veau en façon de mârroquin. Mârroquinerie, art de faire le mârroquin. Mârroquinier, ouvrier qui façone des peaux en mârroquin.

MARS


MARS, s. m. [On prononce l' s.] 1°. Le Dieu de la Guerre. _ Poétiquement: le métier de Mars, les travaux de Mars. = 2°. Une des sept Planètes. = 3°. Le troisième mois de l' année. "Le mois de Mars; planter en Mars. _ En style proverbial: "Cela vient comme Mars en Carême: il ne manque jamais d' arriver en certains tems. = 4°. Les mars, les menus grains qu' on sème au mois de Mars.

MARSEILLOIS


MARSELLOIS, OISE, adj. et subst. Plusieurs prononcent Marseillais, d' autres Marseillois. Voltaire le fait rimer avec lois. Dans la fable du Lion et du Marseillois, celui-là dit à celui-ci:
   Je veux te faire grâce,
   Si tu peux me prouver qu' il est contre les lois
   Que le soir un Lion soupe d' un Marseillois.

MARSOUIN


MARSOUIN, s. m. [Mar-souein.] Pourceau de mer. "La pêche des marsouins. = Terme de mépris. "Grôs ou vilain marsouin; homme laid et mal-bâti.

MARTE


MARTE. Voyez MARTRE. L' Acad. avait dabord dit: "Plusieurs écrivent martre, ce qui est une preuve qu' elle préférait marte. Dans les dernières éditions, elle n' a mis que martre.

MARTEAU


MARTEAU, MARTEL, s. m. MARTELER, v. act. [Marto,, tèl, telé; 2e è moy. au 2d, e muet au 3e.] Marteau, est 1°. un outil de fer avec un manche, qui sert à batre, à forger, à cogner. = On a dit autrefois martel, et il est resté dans cette expression proverbiale, mettre martel en tête, doner de la jalousie ou de l' inquiétude. _ * On dit à Toulouse, "Ce procès lui met des marteaux en tête. C' est un gasc. Desgr.
   2°. Marteau, heurtoir. "Le marteau d' une porte, d' une horloge. = En style proverb. Graisser le marteau, doner de l' argent au portier d' une maison, pour s' en faciliter l' entrée. = N' être pas sujet à un coup de marteau, n' être pas assujéti à des heures fixes pour certaines chôses, comme les gens de communauté.
   MARTELER, batre à coups de marteau. "Marteler de la vaisselle. _ V. n. "Marteler sur l' enclume.

MARTIAL


MARTIAL, ALE, adj. [Marcial, ale.] Guerrier. "Courage martial. "Humeur martiale.

MARTINET


MARTINET, s. m. [Martinè; 3e è moy.] Espèce d' hirondelle. = Sorte de petit chandelier plat, qui a un manche. = Marteau qui est mu par la force d' un moulin, comme les marteaux des papeteries, des moulins à foulon, etc.

MARTRE


MARTRE, s. f. Espèce de fouine, qui a le poil roux, et qui se trouve dans les pays septentrionaux. "Peau, queûe de martre. = On done le même nom à la peau de cet animal, quand elle est employée en fourrûre. "Manchon de martre. = En style proverb. prendre martre pour renard; se tromper, prendre une chôse pour l' aûtre.

MARTYR


MARTYR, YRE, s. m. et f. MARTYRE, s. m. MARTYRISER, v. act. [Martir et non pas martier: martire, tirizé; 2e lon. au 2d et au 3e, dont la 3e e muet.] Martyr, martyre se dit de celui ou de celle qui a soufert la mort pour la véritable Religion. = Fig. Qui a beaucoup soufert pour une caûse profane. "Cet homme est le martyr de son ambition, de la faveur, de la vanité, etc.
   Trop insensé, qui séduit par la gloire,
   Martyr constant d' un talent suborneur,
   Se fait d' écrire un ennuyeux bonheur.
       Gresset.
Martyr se dit aussi de quelqu' un qui soufre beaucoup. "Le mal et les remèdes le feront mourir martyr. = Le proverbe dit: que le diable a ses martyrs, qui soufrent plus pour se damner, qu' il ne faut soufrir pour se sauver. = Être du comun des martyrs, fort médiocre en son genre. Cette expression fait allusion à ce terme, tiré du bréviaire.
   Rem. On a dit autrefois martyre au masc. pour martyr. "St. François n' alloit-là que pour mourir martyre. Chron. "Je prie Dieu qu' il ne vous soit pas imputé que je suis le martyre du peuple. Disc. de Charles I.
   MARTYRE, la mort, ou les tourmens endurés pour la Foi. "Soufrir, endurer le martyre. "La courone du martyre. = Figur. Peines du corps et de l' esprit. "Il a soufert le martyre toute la nuit par une violente colique. "C' est un martyre que d' avoir à vivre avec de telles gens. "L' amour est un vrai martyre.
   Rem. Ce mot n' a pas ordinairement de pluriel; et quoiqu' on parle de plusieurs Saints, on dit, leur martyre, et non pas leurs martyres. _ Le pluriel va pourtant fort bien dans la phrâse suivante de Bossuet. "Ils (les hérétiques) trouvèrent bientôt les moyens de se mettre à couvert des martyres; c. à. d. des ocasions de souffrir le martyre.
   MARTYRISER; (on a dit anciènement martyrer.) Faire soufrir le martyre. Dans le propre, il ne se dit qu' au passif. "St. Pierre et St. Paul furent martyrisés sous l' Empire de Néron. Il ne se dit activement qu' au figuré. "Les soldats le martyrisèrent pour avoir son argent. = On dit, au propre, faire martyriser. "Dioclétien fit martyriser un grand nombre de Chrétiens.

MARTYROLOGE


MARTYROLOGE, s. m. Catalogue des Martyrs, et par extension, de tous les Saints conus. "On a mis ce Saint dans le Martyrologe. "Lire le martyrologe.

MASCARADE


MASCARADE, s. f. [Maskarade.] Troupe de gens masqués. "Faire une mascarade. ""C' étoit une plaisante mascarade. = Quelques-un écrivent masquarade, entre aûtre, M. Linguet, ou son Imprimeur.

MASCULIN


MASCULIN, INE, adj. [Masku-lein, line.] Qui concerne le mâle. "Le sexe masculin. "Succession, ligne masculine. = En Gramaire, le genre masculin ou le masculin; le premier et le plus noble des deux genres, ainsi apelé, parce qu' il est spécialement atribué à l' homme, comme le genre féminin est atribué à la femme. = 1°. Le masculin et le féminin se distinguent en français, non par la terminaison, mais par l' article. Celui du masculin est le ou un. Voyez LE, UN. Voyez GENRE. = 2°. On apèle syllabes masculines, celles qui ne sont pas terminées par l' e muet, qui est la syllabe féminine. Or, il arrive très-souvent que des voyèles, qui précédant la syllabe féminine sont longues, deviènent brèves, quand cette syllabes se change en masculine. Ainsi grâve, il espère, il désîre, ont la pénultième longue; dans graver, espérer, désirer, elle devient brève.

MASQUE


MASQUE, s. m. MASQUER, v. act. [Mas--ke, ; 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Masque, est au propre, un faux visage de carton ou de cire, dont on se couvre le visage pour se déguiser. = Au figuré, prétexte, voile. "C' est le masque dont il se coûvre. "Sous le masque du zèle, de la piété. _ Voile est plus noble.
   Rem. On dit figurément, lever le masque, cesser de feindre et agir ouvertement, sans plus garder de mesures; mais au propre, on dit, ôter le masque. "Il a levé le masque; il ôta son masque. = Masque, je vous conais, se dit, non-seulement dans le propre, (style fam.) des persones qu' on reconait sous le masque: mais encôre dans le figuré, de tout ce qui est mal déguisé. "Ah! masque, je vous conais, en voyant entrer de certaines gens, anoncés sous de grands noms. Sév. _ Masques, je vous conais, dit quelqu' un, en voyant resservir des plats, auxquels on n' avait pas touché la veille. = Le peuple dit, la masque, la laide, la vilaine masque, en parlant d' une femme: "C' est une masque, une vilaine masque. Ainsi ce mot est f. quand c' est une injûre dite à une femme, ou d' une femme.
   Masquer, dans le sens propre, mettre un masque. "On le masqua. Et plus ordinairement, déguiser quelqu' un, soit par le masque, soit par les habits. "On le masqua en scaramouche. "Elle se masqua en bergère. _ V. n. "Tout le monde masque cette année. "Avec qui masquerez-vous ce soir? _ Fig. "Il masque toute l' année, quoiqu' à visage découvert. La Bruy. = Il n' est guère d' usage, comme verbe neutre. Marin. = Au figuré, couvrir le mal de l' aparence du bien. "Masquer ses mauvais desseins. "Le vice se masque souvent sous l' aparence de la vertu. "L' amour, dans un coeur vertueux, se masque long-tems.
   Mais vous! un Philosophe? - - - Epargne-moi ce nom....
   Ce nom masque aujourd' hui des gens très-dangereux...
   Je hais les charlatans; j' honore les vrais sages.
       Palissot.
= Masquer, cacher, dérober à la vue. "Ce mur masque sa maison. "Masquer une baterie, une porte, etc.
   MASQUÉ, ÉE, adj. "Des voleurs masqués. "Une femme masquée. _ Fig. Cet homme est toujours masqué; il est couvert et dissimulé. = Masqué, Déguisé, Travesti (synonimes.) Il faut, pour être masqué, se couvrir d' un faux visage: il sufit, pour être déguisé, de changer ses parûres ordinaires: on ne se sert du mot travesti, qu' en câs d' afaires sérieûses, lorsqu' il s' agit de passer en inconu; et c' est alors prendre un habit ordinaire et comun dans la société, mais très-diférent de celui de son état. _ On se masque pour aler au bal: on se déguise, pour venir à bout d' une intrigue: on se travestit, pour n' être pas reconu de ses énemis. Gir. Synon.

MASSACRE


MASSACRE, s. m. MASSACRER, v. act. [Dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Tuerie, carnage. _ Tuer, assomer des hommes qui ne le défendent point. "Le massacre de la Saint-Barthelemi. "On massacra huit mille Français aux Vêpres Siciliennes, en 1282. = Massacre se dit aussi d' une grande tuerie de bêtes. "Ils firent un grand massacre de chevreuils, de sangliers. = On dit d' un mauvais ouvrier, qu' il est un massacre, qu' il massacre tout ce qu' il fait. "Ce Tâilleur a massacré cet habit.
   REM. Massacrer se dit ordinairement de plusieurs en régime. "Il fut vaincu, dit un Historien, et mené captif à Constantinople, où il fut massacré. Il me semble que cruellement mis à mort aurait été une expression plus propre.
   Par la main de César mon père massacré,
   Du Trône où je le vois, fait le premier degré.
       Corn.
Le P. Barre le dit aussi d' un seul, et de plus, lui fait régir l' ablatif. "Il fut reconu et massacré de plusieurs coups. Et l' emploi, et le régime de ce mot sont également irréguliers. = Il peut pourtant se dire d' un seul, pour exprimer la manière dont il a été tué. "Les voleurs ne l' ont pas seulement tué, mais massacré: ils lui ont coupé le nez, le bras, etc. "Le bourreau a doné plusieurs coups à ce Gentilhomme, et en lui coupant la tête, il l' a tout massacré.

MASSE


MASSE, s. f. MâSSER, v. act. MASSIER, s. m. MASSIF, IVE, adj. [mace, mâcé, cié, cif, cîve: 1re lon. au 2d, 2e e muet au 1er, é fer. au 2d et au 3e, lon. au dern.] Masse est 1°. Amas de plusieurs parties, qui font corps ensemble. "Ce bâtiment n' est qu' une grôsse masse de pierres. = 2°. Il se dit d' un seul corps, mais très-solide et compacte. "Une masse de plomb. = 3°. Corps informe. "L' ours en naissant n' est qu' une masse informe. "Cet homme n' est qu' une masse de chair. = 4°. Totalité. "La masse de l' air; la masse du sang. = 5°. Fonds d' argent d' une succession, d' une société. "La masse est de cent mille écus. "Tirer de la masse. "Raporter à la masse. = 6°. Espèce de massûe. "Il l' assoma d' un coup de masse. = 7°. Il se dit encôre et d' un grôs marteau de fer, et du grôs bout du billard. = 8°. Bâton surmonté d' une grôsse pomme d' argent ou de vermeil doré, qu' on porte dans les cérémonies, devant le Roi, le Chancelier, le Recteur de l' Université, etc. = 9°. Mâsse (l' â est long.) Somme d' argent qu' on met aux jeux de hazard. "La première mâsse étoit de vingt louis.
   REM. Masse, dans son sens le plus naturel, est un terme à la mode. "Le vulgaire ne voit que des masses: les détails de la natûre sont un spectâcle réservé pour nous, (dit le soi-disant Philosophe.) Marm.
   MâSSER ne se dit que dans la dernière acception de mâsse. Faire une mâsse au jeu. "Il a mâssé dix louis.
   MASSIER, Oficier qui porte une masse. (n°. 8°.) en certaines cérémonies.
   MASSIF, Épais et pesant. "Bâtiment massif. "Tour massive. = Fig. Grossier, lourd. "Cet homme est bien massif. "Il a l' esprit massif. = En parlant des figures de métal; qui n' est point creux en dedans, ni formé d' une aûtre matière. Figure d' or massif. "Croix d' argent massif. = S. m. Chose pleine et solide. "Un massif de maçonerie. = Absolument, plein bois, qui ne laisse point de passage à la vûe. "Cette allée est terminée par un massif.

MASSûE


MASSûE, s. f. [2e lon. 3e e muet.] Bâton noueux et beaucoup plus grôs par un bout que par l' aûtre. "La fameûse massûe d' Hercule. "Il le tua d' un coup de massûe. = Fig. style fam. Coup de massûe, accident fâcheux et imprévu. "Ç' a été pour moi un coup de massûe.

MASTIC


MASTIC, s. m. MASTIQUER, v. act. [Mastik, tiké.] Mastic est une gomme qui vient d' un arbrisseau apelé lentisque. = Il se dit aussi de certaines compositions, dont on se sert pour coller, enduire, boucher. = Mastiquer, joindre, coller avec du mastic. "Mastiquer des morceaux de marbre.

MASûRE


MASûRE, s. f. [Mazûre; 2e lon. 3e e muet.] Ce qui reste d' un bâtiment tombé en ruine. "Vieille masûre. "Il n' y a plus que des masûres. = Fig. Méchante habitation, qui menace ruine. "Il habite une méchante masûre.

MAT


MAT, MATTE ou MATE adj. [Le t se prononce au masc.] Mat se dit des métaux qu' on met en oeuvre sans les polir. Or, argent mat: vaisselle matte. En Peintûre, coloris mat, couleur matte, qui ont perdu leur éclat.

MAT


MAT, s. m. MâT, s. m. Le premier est un terme du jeu des échecs. [L' a est bref.] Le 2d est l' arbre d' un navire, auquel sont atachés les vergues ou les antennes, qui portent les voiles: (l' â est long) le t se prononce dans le 1er; il n' a point de pluriel: il ne se fait pas sentir dans le 2d, qui se dit au pluriel: les mâts. = Faire mat; doner échec et mat. " Voilà un beau mat. = Le grand mât; le mât d' avant ou d' arrière, de misaine, d' artimon, etc.

MATAMôRE


MATAMôRE, s. m. (style fam.) Faux Brâve.

MATELâS


MATELâS, s. m. MATELASSER, v. act. MATELASSIER, s. m. [Matelâ, lacé, la-cié. 2e e muet, 3e lon. au 1er; 4e é fer. au 2d et au 3e.] Matelâs, sac rempli de laines, de bourre ou de crin, sur lequel on se couche. "Grand ou petit matelâs. "Faire, piquer, rebatre un matelâs. = On done aussi ce nom aux petits coussins piqués, qu' on met aux deux côtés d' un carrosse. = Matelasser, garnir de quelque chôse de piqué en façon de matelâs. "Matelasser des chaises, le fond d' un carrosse, etc. = Matelassier, ouvrier qui fait et qui rebat des matelâs.
   Rem. Maynard a dit materas, dans ses Poésies, au lieu de matelâs; mais l' usage est tout à fait pour ce dernier.

MATELOT


MATELOT, s. m. [2e e muet.] Celui qui sert à la manoeûvre d' un vaisseau. "Bon, vieux Matelot. "Il avoit cent Matelots sur son vaisseau. = Vaisseau qui en acompagne un plus grand, et qui est destiné à le secourir. "L' Amiral a deux matelots. = À~ la matelote, à la manière des Matelots. "Bonet, chaûsses à la matelote. = Matelote, s. f. Mets composé de plusieurs poissons, bouillis avec de fines herbes, et qu' on sert avec des tranches de pain, qu' on a humectées avec les sucs de ces diférens poissons.

MATER


MATER, MâTER, v. act. Le 1er a la 1re brève. C' est 1°. Faire mat. Voy. MAT. "Il l' a maté avec un pion. = 2°. Mortifier. "Mater son corps, sa chair, par des jeûnes, des austérités. = 3°. Figurément, Humilier. "Je le materai si fort, qu' il reviendra à la raison. "Il a été bien maté par le mauvais succês de cette afaire. = Le second a la 1re longue. Garnir un navire de mâts. "Mâter un vaisseau.

MATÉRIALISME


MATÉRIALISME, s. m. MATÉRIALISTE, s. m. MATÉRIALITÉ, s. fém. [matéria--lisme, liste, lité: 2e é fer. dern. e muet aux deux premiers, é fermé au 3e.] Matérialisme est l' absurde opinion de ceux qui n' admettent point d' autre substance que la matière. _ Dans un sens plus resserré, on le dit de ceux qui tiènent que l' âme est matérielle. = Matérialiste, partisan du matérialisme. = Matérialité, qualité de ce qui est matière. "La matérialité de l' âme est une opinion aussi absurde que pernicieûse.

MATÉRIAUX


MATÉRIAUX, s. m. pl. [Matéri-ô: 2e é fer. dern. lon.] Les diférentes matières qui entrent dans une construction. "Assembler les matériaux. "Les matériaux sont tout prêts. = Figurément, mémoires, recueuils faits pour composer un ouvrage d' esprit. "Les matériaux d' une Histoire, d' un Poème. "Assembler, disposer les matériaux.

MATÉRIEL


MATÉRIEL, ELLE, adj. MATÉRIELLEMENT, adv. [matéri-èl, èle, èleman: 2e é fer. 4e è moy. 5e e muet.] Qui est composé de matière. "Les substances matérielles. "L' âme de l' Homme n' est point matérielle. = Fig. "Cet homme est fort matériel: c' est un esprit bien matériel, grossier et pesant. = Matériellement est un terme de l' École. Il est oposé à formellement.

MATERNEL


MATERNEL, ELLE, adj. MATERNELLEMENT, adv. [2e ê ouv. 3e è moy. 4e e muet: nèl, nèle, nèleman.] Ils se disent de ce qui est propre à la mère. "Amour maternel. Afection maternelle. = Le côté maternel, la ligne de parenté du côté de la mère. Parens maternels. Biens maternels. = Langue maternelle, celle du pays où l' on est né. "Il est honteux de mal parler sa langue maternelle. = Maternellement, d' une manière maternelle. "Cette femme corrige ses enfans maternellement, sans excês, sans humeur. _ Il est peu usité.

MATERNITÉ


MATERNITÉ, s. fém. [2e ê ouv. dern. é fermé.] L' état, la qualité de mère. Il ne se dit qu' en parlant de la Ste. Vierge. "Sa maternité n' a point détruit dans elle la virginité. "La maternité divine a été la source de tous ses privilèges. = Hors de là, il faut dire sa qualité de père, de mère; et non pas sa paternité, sa maternité. Je crois pouvoir reprendre les phrases suivantes de M. Moreau. "Sa paternité (de Gontran) lui donnant la tutelle des Princes, etc. "Brunehaut... y jouit de toute l' autorité que lui donnent, et sa maternité, et ses talens = Mde de Sévigné dit: "Je vous quitte d' honorer ma grande maternité; mais c' est dans le style badin.

MATHÉMATICIEN


MATHÉMATICIEN, s. m. MATHÉMATIQUE, adj. et subst. MATHÉMATIQUEMENT, adv. [Matémati-cien, tike, tike--man: 2e é fer. 5e e muet aux deux dern.] Mathématique, science qui a pour objet la grandeur en général, et qui en considêre les propriétés. Avec les prép. de et en on le dit au singulier. "Étudier en mathématique. "Axiôme, théorème de mathématique; instrument de mathématique. Mais avec l' article, il se dit au pluriel. "Étudier, savoir, enseigner les mathématiques; et non pas, la Mathématique. "La Géométrie, l' Astronomie, sont des parties des Mathématiques, et non pas de la Mathématique. = Adj. Qui apartient aux Mathématiques. "Démonstration, opération Mathématique. = Mathématiquement, selon les règles des Mathématiques. "Cela est vrai mathématiquement. = Mathématicien, qui sait les Mathématiques. "C' est un grand Mathématicien.

MATIèRE


MATIèRE, s. fém. [2e è moy. 3e e muet.] 1°. Ce dont une chôse est faite. "Le bois et la pierre sont la matière dont on fait les bâtimens. "Cet ouvrage est beau et riche, mais l' art y surpasse la matière. = 2°. En Philosophie, la substance étendûe et impénétrable, susceptible de toute sorte de formes. "Matière première. "La matière et la forme. = 3°. En Médecine, excrémens. "La matière fécale. "Matière louable, crue, cuite. "Les matières ne sont pas liées. = 4°. Sujet sur lequel on écrit ou l' on parle. "La matière d' un discours. "Matière sèche, stérile, ingrate; ou, riche, abondante. "La Table des matières est fort utile quand elle est bien faite. = 5°. Cause, sujet, motif, ocasion. "Il n' y a pasmatière à se fâcher. "Doner matière de parler. "Il n' y a pas matière de procês. C' est matière de confession. = On dit aussi servir de matière (sans article) et fournir de la matière, ou matière (avec l' article ou sans article). Boileau dit fournir de matière, en quoi il n' est pas à imiter.
   Je veux que la valeur de ses aïeux antiques
   Ait fourni de matière aux plus vieilles chroniques.
Il aurait falu dire, ait fourni matière, ou de la matière; mais avec le 1er, il y aurait eu une syllabe de moins, et avec le second une syllabe de trop. = Joint au Verbe avoir, impersonel, il régit à ou de, le 1er dans la phrâse négative, le 2d dans l' afirmative. "Il n' y a pas matière à se fâcher. "Il y a matière de rire. Fontenelle a employé la prép. de, quoique le sens fût négatif. "Je ne vois pas qu' il y ait matière sur tout cela d' exercer beaucoup l' esprit. Il est vrai que la négative n' afecte pas l' expression, il y a matière, et que dâilleurs, sur tout cela à exercer aurait produit quelque cacophonie par la rencontre de deux a; mais cela n' excûse pas beaucoup l' Écrivain: et il aurait été mieux de dire, sur tous ces objets à exercer, etc. = Pour les noms à est plus sûr et plus régulier, que le sens soit négatif ou afirmatif. "Il y a matière à procês: il n' y a pas matière à discussion. L' Académie met un exemple contraire. "Il n' y a pas matière de querelle, de procès. Mais je pense que à querelle, à procès seraient davantage suivant l' usage et le génie de la langue. = 6°. Matière d' or, d' argent, les espêces fondûes pour la fabrication des monaies. "On doit porter ces matières à la monaie. = 7°. Matière se dit par oposition à l' Esprit. Au dessus de la matière; dégagé de la matière. = 8°. En matière de Religion, de guerre, de procès. "En matière civile, ou criminelle.

MâTIN


MâTIN, s. m. MATIN, adv. et s. m. [Ces deux mots difèrent par l' ortogr. la prononciation et la signification. Dans le 1er, l' â est long et doit porter un accent circonflexe. Dans le 2d, l' a est bref, et ne doit point avoir d' accent: mâ-tein, ma-tein.] Mâtin, espèce de chien de garde. "Gros ou petit mâtin. = Le Proverbe dit qui a bon voisin a bon mâtin, parce qu' il est bien gardé. Plusieurs disent en ce sens, bon matin, mais mal. _ Furetière, Richelet et l' Académie étaient tombés dans cette méprise. L' Auteur de l' Apothéose du Dict. de l' Académie la relève. Elle s' est corrigée dans les éditions subséquentes. Mâtin est aussi un mot injurieux et populaire. "Tais-toi mâtin; gros mâtin, vilain mâtin.
   MATIN, les premières heures du jour. "Il faut prier Dieu le matin et le soir. "Se lever de bon matin, de grand matin. = Il est aussi adverbe de tems, et susceptible de degrés~ de comparaison. "Plus matin, très-matin, le plus matin que vous pourrez, etc. _ Il s' unit aussi à quelques adverbes, comme trop, aussi, fort, etc. trop matin, aussi matin qu' hier, fort matin, etc. = 1°. Matin se place toujours après le verbe, même dans les tems composés. "Il est venu fort matin, et non pas, il est fort matin venu. = 2°. Le matin et le soir sont aussi des espèces d' adverbes. Je travaille le matin, je sors le soir. Boileau dit:
   Il condamne au matin les sentimens du soir.
C' est sans doute la contrainte de la mesûre qui a forcé le Poète à se servir de cette expression. En prôse, il faut dire, il condamne le matin, etc. = 3°. Avec demain on dit matin, ou au matin: tous deux sont bons, mais le premier est plus usité. Demain au matin, dit l' Acad. et plus ordinairement demain matin. "Je viendrai demain au matin, ou mieux, demain matin. Mais avec jusque on doit toujours dire matin. "Jusqu' à demain matin, et non pas, jusqu' à demain au matin. Vaug. = 4°. Il faut dire de grand matin, et non pas du grand matin, comme on le dit dans les Remarques de Racine le fils, sur les Tragédies de son père. _ Dans un pieux Biographe, on voit, se lever du matin, pour se lever matin. _ Cependant avec le plus l' art. indéf. du va fort bien. "Je suis venu du plus grand matin, ou le plus grand matin que j' ai pu. _ Avec très il faut dire de. "Je suis venu de très-grand matin. _ * Un Auteur moderne dit: au plus matin, pour du plus grand matin. C' est un barbarisme. = 5°. On dit: le jour étant venu, la nuit étant venûe; mais on ne le dit pas du matin, ni du soir. La raison qu' en done Bouhours c' est qu' on regarde cette première clarté qui fait le jour, et cette première obscurité qui fait la nuit, comme quelque chôse d' indivisible; mais il n' en est pas de même du matin et du soir. Aussi-tôt que le matin fut venu, la barque étoit au milieu de la mer. Nouv. Test. Il fallait: aussitôt que le jour fut venu. BOUH. = 6°. Du matin au soir se dit quelquefois pour depuis le matin jusqu' au soir, et il est même plus usité et plus élégant. = 7°. On dit au figuré, le matin de la vie, la jeunesse.
   Persuadé que l' harmonie
   Ne verse ses heureux présens
   Que sur le matin de la vie
       Gresset.
= 8°. Se lever matin c' est, dans le st. fig. famil. être diligent. "Malheureûsement pour moi, Mde. de Nevers s' étoit levée aussi matin qu' elles; elle arriva un moment après ces Dames, qui s' en allèrent quand elle entra. Mde de Coulanges. "Il faudroit vous lever bien matin pour égaler cet homme, ou pour le surprendre. = On dit aussi figurément, trop matin, pour, trop tôt. "Vous avez fort envie d' aller à Grignan. Je sais vos raisons: sans cela je vous dirois qu' il est bien matin (c' était au mois de Mars) vous trouverez encôre la bise en furie. Sév.

MATINAL


MATINAL, ALE, adj. MATINÉE, s. f. MATINEUX, EûSE, adj. MATINIER, IèRE, adj. [Matinal, nale, né-e, neû, neû-ze, nié, nière: 2e lon. au 3e, 4e, 5e et 7e, é fer. au 3e et au 6e, è moy. au dern.] Plusieurs disent indiféremment matinal, matineux et matinier. La Touche dit que le 2d est plus usité que le 1er; il avoue pourtant que l' Acad. les dit tous deux également. Il ajoute que matinale, se dit de l' Aube, et qu' on ne dit point matineuse: on ne dit ni l' un ni l' autre: on dit l' aube du jour. = Rousseau a pourtant dit dans une Ode:
   Comme un époux glorieux,
   Qui, dès l' aube matinale,
   Sort brillant et radieux.
L' Acad. ne le met pas. Vaugelas remarque que matinal et matineux ne se disent que des persones, et qu' il serait ridicule de dire l' étoile matinale, ou matineûse, il faut dire, l' étoile matinière. _ Le Rich. Port. dit simplement de matinal, comme de matineux, qui se lève matin. Dans la dern. édit. l' Acad. les distingue; elle définit le 1er, qui se lève matin. "Vous êtes bien matinal aujourd' hui; et le 2d, qui est dans l' habitude de se lever matin. "Les Dames ne sont guère matineûses. Les Gascons disent matinières: mais mal; et c' est un des gasconismes que relève M. Desgrouais. _ Matinière ne se dit que de l' étoile du matin. On ne dit point matinier au masculin.
   MATINÉE, le tems qui est depuis le point du jour jusqu' à midi. "Une belle matinée. "Les matinées sont fraîches en Automne. "J' ai travaillé toute la matinée. Il ne fait rien: il n' a rien fait de toute la matinée. = Dormir la grasse matinée (st. famil.) bien avant dans le jour.

MATINES


MATINES, s. f. pl. Il n' a point de singulier. La première partie de l' Ofice divin. "Assister à Matines. "Il ne va point à Matines. Il est dispensé de Matines. "Chanter Matines. "Les Matines sont plus longues en certains tems que dans d' autres. Il se dit plus souvent sans article, qu' avec l' article. = En style proverbial, étourdi comme le premier coup de Matines; fort étourdi. = Le Peuple, en certaines Provinces, apèle matines, des Heures, un livre de prières.

MATINEUX


MATINEUX, MATINIER. Voy. MATINAL.

MATIR


MATIR, v. act. rendre mat de l' or ou de l' argent, sans le polir ou le brunir.

MATOIS


MATOIS, OISE, adj. et subst. MATOISERIE, s. f. [Ma-toâ, toâ-ze, toâ-zerî-e: 2e lon. 3e e muet.] Rûsé. "Il est bien matois. "Elle parait imbécille, mais elle est plus matoise que vous ne pensez. = Subst. "C' est un fin, un rûsé matois. _ Il ne se dit guère comme substanfif, au féminin. = Matoiserîe: qualité du matois. "Vous ne connoissez pas bien sa matoiserîe.
   Mais d' où vient qu' au renard Épose acorde un point:
   C' est d' exceller en tours pleins de matoiserie.
       La Font.
= Tromperie, fourberie. Voilà vraiment une fine matoiserie. = Ces mots viènent de mate, qu' on a dit autrefois pour tromperie.

MATOU


MATOU, s. m. Chat qui n' a pas été coupé "Grôs matou.

MATRICE


MATRICE, s. f. 1°. La partie de la femme où se fait la conception, et où l' enfant se nourrit. _ On le dit aussi des animaux. "La matrice d' une cavale, d' une chiène. = 2°. En Imprimerie, moule dans lequel on fond les caractères. = Adj. "Église matrice, qui est comme la mère des autres Églises. _ Langue matrice, celle qui n' est dérivée d' aucune aûtre, et dont quelques-unes sont dérivées. "L' hébreu est une langue~ matrice. _ Couleurs matrices, les couleurs simples, qui servent à en composer d' autres.

MATRICIDE


MATRICIDE, s. m. Ni Vaugelas, ni Th. Corneille n' aproûvent ce mot. Selon eux, on apelle parricide le meurtre et le meurtrier de la mère comme du père, comme on apelle patrimoine non seulement les bien qu' on tient de son père, mais encôre ceux qu' on possède du côté de sa mère. _ Trév. a mis matricide. l' Acad. ne l' a pas mis.

MATRICULE


MATRICULE, s. f. Registre, dans lequel on écrit les noms des persones, qui entrent dans quelque société. Il se dit sur-tout dans les universités. _ On apèle Matricule de l' Empire le dénombrement des Princes et des États, qui ont séance dans les Diètes.

MATRIMONIAL


MATRIMONIAL, ALE, adj. Terme de Droit. Qui apartient au mariage. "Cause, question, conventions matrimoniales. Il ne se dit guère au masculin.

MATRôNE


MATRôNE, s. f. [2e lon. 3e e muet.] Il ne se dit, dans le sérieux, que des Dames Grecques et Romaines, et parmi nous des sages-femmes. Encôre vieillit-il dans le denier sens, du moins dans le discours ordinaire. Il n' est encôre usité que dans la Pratique.

MATTER


MATTER, Voy. MATER.

MATURATIF


MATURATIF, IVE, adj. MATURATION, s. f. [Maturatif, tîve, matura-cion; 4e lon. au 2d.] Qui mûrit. Action de mûrir. Ils ne se disent, le 1er qu' en Médecine, des médicamens, qui hâtent la formation de la matière purulente d' un abscês; le 2d qu' en Alchimie, de l' opération par laquelle un métal acquiert une plus grande perfection.

MâTûRE


MâTûRE, s. f. [1re et 2e lon. 3e e muet.] 1°. L' assemblage de tous les mâts d' un vaisseau. "Bonne mâtûre. = 2°. Le bois propre à faire des mâts. "Mâture de Norvège, de Canada.

MATURITÉ


MATURITÉ, s. f. L' état des fruits, quand ils sont mûrs. "Venir ou ne pas venir en maturité, en sa maturité. = Fig. "La maturité de l' âge; maturité d' esprit. = Avec maturité, adv. avec circonspection et jugement. "Délibérer, procéder, agir avec maturité, avec grande, ou une grande maturité.

MAU


*MAU, adj. On le disait autrefois pour mauvais: témoin ce Pierre de Dreux, Duc de Bretagne, que son peu d' habileté fit surnomer Mauclerc. Témoin encôre cette maladie, apelée dans le Roman de la Rose, Maufeu. = À~ l' égard de mau, pris adverbialement, maudire, maugréer, maupiteux, maussade sont autant de preûves de cet usage.

MAUDIRE


MAUDIRE, v. act. [Modîre: 1re dout. 2e lon. 3e e muet.] Il se conjugue comme dire, excepté qu' il redouble l' s au milieu du mot, dans les tems où dire n' en a qu' une seule. Je maudis; nous maudissons; je maudissais, je maudis, je maudirai, je maudirais; maudis; que je maudisse, (pour le présent et pour l' imparfait du subjonctif) maudissant; maudit. = Faire des imprécations contre quelqu' un. "Il maudit tous les jours ceux, qui lui ont doné ce funeste conseil. "Il maudit sa destinée. "Elle maudit le jour et l' heure qu' elle a conu ce perfide suborneur. = En parlant de Dieu, réprouver, abandoner. "Dieu maudit cette impie génération. "Cet homme a été maudit de Dieu, et non pas par Dieu.

MAUDISSON


MAUDISSON, s. m. [Modi-son.] Malédiction (st. famil.) "Il fait mille maudissons.

MAUDIT


MAUDIT, ITE, adj. [Modi, dite: 1re dout.] Il ne s' emploie adjectivement qu' en parlant des chôses; et il signifie, très-mauvais. "Maudit chemin, jeu, livre, métier, etc. Il aime à précéder le substantif.
   Quitter Londre et la Cour pour sa maudite terre.
       Gresset Sidney.
  Ah! les afreux chemins, et le maudit pays.
      Méchant.
On dit, tems maudit, et maudit tems ferait une inversion dûre. = On dit aussi avec raport aux persones, maudite race, maudite engeance: mais on ne dit point maudit homme, et l' on ne dit guère maudit Auteur, maudit Poète, etc. On pourrait pourtant le dire dans le style de la colère et de l' indignation.

MAUGRÉER


MAUGRÉER, v. n. [Mogré-é: 2e et 3e é fer. Devant l' e muet, la 2e est longue: il maugrée. Au futur cet e muet ne se prononce pas: il maugréera, maugréerait; pron. mogréra, mogrérè; en 3 syllabes.] Il est bâs et populaire. Jurer. "Il jure et maugrée.
   Bien vite il sut jurer et maugréer.
       Ververt.

MAUPITEUX


MAUPITEUX, EûSE, adj. [Mopi-teû, teû-ze: 3e lon.] Aûtrefois, dur, cruel, sans pitié. Aujourd' hui, faire le maupiteux, se lamenter, sans grande raison. _ Il est bâs et populaire. Trév. Il vieillit. Acad.

MAURE


MAURE, Voy. MORE.

MAURICAUD


MAURICAUD, Voy. MORICAUD.

MAUSOLÉE


MAUSOLÉE, s. m. [Mozolé-e: 3e é fer. et long.] Tombeau magnifique. "On lui a dressé un beau, un superbe mausolée. = L' Acad. semble borner l' usage de ce mot au Discours soutenu. Il est pourtant aussi du style simple et du discours ordinaire. = On apèle aussi mausolée un catafalque, dressé dans les Églises pour le service des persones considérables. Mausolée est un terme plus noble que catafalque.

MAUSSADE


MAUSSADE, adj. MAUSSADEMENT, adv. MAUSSADERIE, s. f. [Mo-sade, deman, derî-e: 3e e muet, 4e lon. au dern.] Maussade, qui a mauvaise grâce. "Homme, femme maussade. = Mal fait, mal construit. "Habit, bâtiment maussade. = Maussadement, d' une manière maussade. "Il fait tout maussadement. = Maussaderie, est un mot de ce siècle. Mauvaise grâce. "Elle est d' une maussaderie insuportable.

MAUVAIS


MAUVAIS, AISE, adj. [Movê, vêze: 2e ê ouv. et long.] 1°. Qui n' est pas bon. Il se dit des chôses; mauvais pain, mauvaise eau; et des persones; mauvais peintre, poète, orateur, etc. = 2°. Avec à ou pour, nuisible. "L' excès d' aplication est mauvais à la santé; le fruit est mauvais pour certains estomachs. = 3°. Sinistre; funeste. "Mauvais augûre: mauvaise physionomie. = 4°. En parlant des persones seulement, fâcheux, dangereux. "Mauvais voisin; mauvais esprit, mauvais garnement. = S. m. "Le bon et le mauvais. _ Faire le mauvais, (st. famil.) menacer de batre, de faire du désordre.
   Rem. 1°. L' Acad. observe que quoique mauvais et Méchant soient ordinairement synonymes, néanmoins Méchant est plus odieux que Mauvais. Voy. MÉCHANT et MALIN. = 2°. Mauvais s' emploie quelquefois comme adverbe; trouver bon, trouver mauvais. Dans ces expressions, bon et mauvais ne prènent ni genre, ni nombre, quand ils signifient l' un, aprouver, consentir; l' aûtre désaprouver, ne pas consentir. "Elle trouve mauvais que vous sortiez si souvent. Il régit, comme on le voit la conjonct. que et le subjonctif. _ Dans un aûtre sens, mauvais avec trouver est adjectif et déclinable. "Il faudroit qu' ils combatissent les règles du christianisme, pour trouver mauvaise une action aussi juste et aussi chrétienne. Le Maître Bouh. Acad. _ L' Auteur des Réflexions (Andry) n' a pas eu raison de critiquer le P. Bouhours sur cette expression. L. T. Pour mieux éclaircir cette remarque, il faut dire que, quand trouver mauvais régit la conjonction que et le subjonctif, mauvais est adverbe, et par conséquent indéclinable; et quand il régit les noms, il est adjectif et se décline. = On dit adverbialement, sentir mauvais, exhaler une mauvaise odeur. _ Il fait mauvais, il est dangereux de... "Il fait mauvais marcher dans un tems de glace. Il régit l' infinitif sans préposition.

MAûVE


MAûVE, s. f. [môve: 1re lon. 2e e muet.] Plante très-comune, dont il y a un grand nombre d' espèces.

MAUVIETTE


MAUVIETTE, s. f. MAUVIS, s. m. [mo-viè-te, movi: 1re dout. 2e è moyen au 1er.] Le 1er est le nom d' une espèce d' alouette; le 2d d' une petite espèce de grive.

MAXILLAIRE


MAXILLAIRE, adj. [mak-cil-lère: 3e è moy. et long: on prononce les deux ll sans les mouiller.] Terme d' Anatomie. Qui a raport aux mâchoires. "Glandes maxillaires.

MAXIME


MAXIME, s. f. [makcime: 3e e muet.] Suivant l' Acad. Proposition générale, qui sert de principe et de fondement, de règle en quelques Arts ou sciences. Mais il me semble que maxime se dit par raport aux moeurs, et principe par raport aux sciences et au raisonement. Diderot dit sur cette pensée de Senèque, devenue proverbe: "La route du précepte est longue, celle de l' exemple est courte; que "de cette maxime il résulte, etc. Sur quoi M. l' Ab. Grosier remarque fort bien, à mon avis, qu' il falait dire principe, que c' était le mot propre; et que maxime se dit d' une règle de morale, de conduite personelle. "Les maximes de la morale, de la Politique. "C' est une maxime d' État, de gouvernement. "Il veut établir de nouvelles maximes. = Il régit quelquefois de et l' infinitif. "Cette maxime constante de fraper sur tous les pouvoirs pour les réunir sur sa tête... menaçoit l' État d' une révolution prochaine. Anon.

MAZETTE


MAZETTE ou MAZèTE, s. f. [mazète, 2e è moyen. 3e e muet. Richelet met les deux. L' Acad. ne met que le premier.] Au propre, méchant, petit cheval. = Au fig. homme qui ne sait pas bien jouer. "C' est une mazette.

MÉCANICIEN


MÉCANICIEN, s. m. MÉCANIQUE, subst. f. MÉCANIQUEMENT, adv. MÉCANISME, s. m. [Mékani-cien, nike, nikeman, nisme: 1re é fer. 4e e muet aux trois dern. Dans le 1er, ien n' a pas le son d' ian.] Trév. et le Dict. Gram. écrivent ces mots avec une h, Méchanicien, etc. et c' est aussi la pratique du plus grand nombre des Auteurs. Richelet, l' Acad. le Rich. Port. les écrivent sans h., et c' est mieux, pour éviter de faire prononcer cha avec le ch français, au lieu de ka.] = Mécanique est la partie des Mathématiques, qui a pour objet les lois du mouvement, celles de l' équilibre, des forces mouvantes, etc. = Mécanicien, qui sait la Mécanique. = Mécanisme, la structûre d' un corps organisé. "Le mécanisme du corps humain, de l' univers, d' une montre, etc. = Mécanique est aussi adjectif. "Les arts mécaniques; par oposition aux Arts libéraux. _ "C' est un métier bien mécanique, ignoble et bâs. = Mécaniquement, d' une manière mécanique. Il est ordinairement oposé à géométriquement. "Il a tracé cette figûre, cette ligne méridienne mécaniquement. Il compte trouver la quadratûre du cercle, le mouvement perpétuel mécaniquement.

MÉCèNE


MÉCèNE, s. m. [1re é fer. 2e è moy. 3e e muet.] Nom propre du Favori d' Auguste, qui est devenu un nom comun. Protecteur des lettres et des savans. "Mécène généreux des Gens de Lettres. _ Pour le nom propre, on disait autrefois Mécénas. "Ce ne fut que par là que Mécénas devint le favori du plus grand Empereur du monde. P. Rapin. = Richelet dit qu' en prôse on dit Mecenas, et en vers, mecenas ou mécene. _ L' usage a donc changé, on ne dit plus que Mécène, excepté dans la Poésie marotique.
   Être à la fois Horace et Mecenas,
       Conseil des Dieux.

MÉCHAMMENT


MÉCHAMMENT, adv. MÉCHANCETÉ, s. f. MÉCHANT, ANTE, adj. [méchaman, chanceté, chan, chante: 1re é fermé, 2e br. au 1er, lon. aux autres: 3e e muet au 2d et au 4e.] Méchant, 1°. En parlant des chôses; mauvais, qui n' est pas bon. "Méchant pays, chemin, cheval, etc. Méchante terre, montûre, toile, etc. Il se dit quelquefois des persones en ce sens; méchant Ecrivain, Poète, Orateur, etc. = 2°. En parlant des persones et des chôses contraire à la justice. "Méchant homme, méchante femme, de méchantes gens. _ Méchant esprit, méchante action. = 3°. Combiné avec certains noms, il a d' autres significations. Méchante mine ou phisionomie; qui anonce de la méchanceté. _ Méchante mine, méchant air; air ignoble et bâs. _ Méchante humeur; humeur chagrine. _ Méchante tête, homme opiniâtre dans le mal. On dit plus ordinairement, mauvaise tête. _ Méchante langue, persone médisante.
   Remarq. 1°. Quoique méchant et mauvais soient presque synonymes pour le sens, ils ne le sont pas pour l' emploi, et ne se mettent pas indiféremment. Méchant est plus fort et plus odieux que mauvais. On dit, trouver mauvais, sentir mauvais; On ne dit point là méchant. On dit, prendre en mauvaise part, et non pas en méchante part. D' un aûtre côté, méchant s' emploie quelquefois comme substantif: les méchans; c' est un méchant. Au contraire, mauvais est toujours adjectif: on ne dit pas les mauvais, c' est un mauvais; on dit seulement, un mauvais garçon. L. T. = 2°. En parlant des ouvrages d' esprit, mauvais et méchant ont diférens sens; l' un a rapport au défaut de talent, l' autre à la malignité. "C' est trop pour une épigramme d' être mauvaise et méchante tout à la fois. = 3°. Cependant, méchant a quelquefois le sens de mauvais quand il précède le substantif. "Une méchante épigramme, est une épigramme sans sel et sans esprit. Une épigramme méchante est une épigramme pleine de traits malins et piquans. _ Ainsi, et dans d' autres ocasions, méchant a divers sens, suivant qu' il suit ou qu' il précède le substantif. Méchant homme a raport aux actions; homme méchant aux pensées et aux discours. L' un fait des méchancetés; l' autre en pense et en dit. = 4°. Remarquez pourtant que méchant, même dans le premier sens, n' est obligé de se placer devant que quand il est seul. Mais joint aux adverbes de quantité, il peut se mettre devant ou après: c' est le plus méchant homme, ou l' homme le plus méchant que je conaisse. Fort méchant homme, ou homme fort méchant. Avec le moins, extrêmement, infiniment et autres adverbes semblables, il se met toujours après. C' est bien l' homme le moins méchant, et non pas le moins méchant homme. "C' est un homme extrêmement méchant, etc. = 5°. Méchant au vocatif ne se dit que dans le st. badin et par un reproche plaisant.
   Va, Méchant, tu joueras tout le temps de ta vie.
       De Cailly.
Il n' est plus du beau style dans l' usage actuel. _ Racine fait dire par Jocaste à Créon.
   N' en doute pas, méchant, ils vont venir tous deux.
   Tous deux ils préviendront tes desseins malheureux.
mais il ne l' employa plus que dans Athalie, où Josabet dit à Mathan. "Méchant, c' est bien à vous, etc. M. Racine le fils justifie son père, en disant que ce mot se retrouve dans cette pièce, comme étant du style de l' Écriture, qui nomme méchans les énemis de Dieu; mais il convient que ce mot n' est plus d' usage dans le style noble.
   MÉCHANCETÉ ne se dit que dans le 2d sens de méchant. Iniquité, malignité, malice. "La méchanceté d' une action. "Action pleine de méchanceté. _ On ne dit point la méchanceté d' un Poète, ou d' un poème, d' un discours ou d' un Orateur. = Rem. Quand on parle du vice, on le met toujours au singulier. On dit de plusieurs, leur méchanceté, et non pas leurs méchancetés. Mais quand on parle des actions, éfets de ce vice, on emploie quelquefois le pluriel: on lui a fait mille méchancetés; mais cette expression n' est que du style familier. Bouh. L. T. = * Méchantise pour méchanceté est un vrai gasconisme. En Provence, on le dit sur-tout des enfans. "Voyez la méchantise de cet enfant, son opiniâtreté, son indocilité. On dit, même en ce sens, méchanceté.
   MÉCHAMMENT, avec méchanceté. "Il a dit, il a fait cela méchamment. Tous ces faits ont été méchamment inventés.

MèCHE


MèCHE, s. f. [1re è moy. 2e e muet.] 1°. Cordon, ordinairement de coton, qu' on met dans les lampes avec de l' huile, ou dont on fait des chandelles, des bougies, etc. en les couvrant de suif ou de cire. = 2°. Corde préparée, dont les Canoniers se servent pour mettre le feu au canon, et les Mineurs à une mine. = On dit, figurément (st. famil.) découvrir ou éventer la mèche; c. à. d. un complot, une intrigue. = 3°. On apele aussi mèche, la flèche spirale d' acier, qui est à un tire-bouchon; et la partie d' une vrille, d' un villebrequin, qui perce, etc.

MÉCHEF


*MÉCHEF, s. m. Vieux mot. Malheur, fâcheuse aventûre.
   Je n' ai fait aucune chose
   Qui doive attirer sur mon chef
   Un si déplorable méchef.
       Bens.

MÉCOMPTE


MÉCOMPTE, s. m. SE MÉCOMPTER, v. réc. [méconte, : 1re é fer. 2e long. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Ceux qui écrivent conte, conter, au lieu de compte, compter, écrivent aussi méconte, méconter: ils font une lourde faûte. = Mécompte, au propre, erreur de calcul dans compte. Se mécompter, se tromper dans un compte, dans un calcul. "Il y a du mécompte dans votre calcul. "Vous vous êtes mécompté. = Au figuré, ils se disent de ceux qui sont trompés dans leurs espérances. "Il a trouvé bien du mécompte. "Il s' est fort mécompté dans cette afaire. Il croyoit y faire un grand profit; et il a eu de la perte. = On dit aussi se mécompter (se tromper) dans un raisonement.
   Rem. Fénélon dit tomber dans un mécompte. "Il tombe toujours dans quelque mécompte, tantôt par ses passions, tantôt par celles de ses Ministres. Télém. _ Cette expression ne parait pas adoptée par l' usage; mais je n' oserais la blâmer.

MÉCONNOISSABLE


MÉCONNOISSABLE, ou MÉCONAISSABLE, adj. [mékonè-sable: 1re. é fer. 3e è moy. 4e dout. 5e e muet.] Qu' on ne peut reconaître qu' avec peine. "Depuis sa maladie, il est méconaissable. _ Il régit quelquefois la prép. à.
   Vieilli par les malheurs plus que par les années,
   Méconnoissable aux yeux de mes propres sujets.
       de Rochefort, Ulysse.
"Elles y paroissent ces idoles de chair, méconnoissables aux yeux mêmes de leurs criminels adorateurs. Du Rivet, Serm. sur le Jugem. dern.

MÉCONNOISSANCE


MÉCONNOISSANCE, ou MÉCONAISSANCE, s. fém. MÉCONNOISSANT, ou MÉCONAISSANT, ANTE, adj. [Mékonè-sance, san, sante: 1re fer. 3e è moy. 4e lon. 5e e muet.] Ingratitude. Ingrat. Ceux-ci disent quelque chôse de plus odieux. Ceux-là marquent plus de légèreté et moins de vice. On dit, dans le Dict. Gram. que méconaissance est un mot heureûsement inventé, et qu' il serait à souhaiter qu' il fût mieux établi. Gresset l' a employé dans son Ode sur l' Ingratitude. Il parait nouveau, mais, au contraire, il est vieux. Patru et quelques autres Auteurs du siècle pâssé l' avaient employé, mais la mode n' en a pas duré long--tems. Bossuet l' emploie, mais non pas dans le sens d' ingratitude; il s' en sert pour exprimer l' action de méconaître, de ne pas conaître. "La ruine des Juifs sera la suite de la mort du Christ, et de leur méconnoissance. = Méconaissant est vieux aussi, mais on comence à le rajeunir. "Un fils méconnoissant fit à son coeur (de David) une plaie profonde, que les années ne purent fermer. Neuville. "Il n' est pas étonnant que le sieur de... paroisse aujourd' hui si méconnoissant. Ling. = Ce mot est dans Richelet, sans citation d' Auteurs.

MÉCONNOîTRE


MÉCONNOîTRE, ou MÉCONAîTRE, v. act. [Mékonêtre: 1re é fer. 3e ê ouv. et long, 4e e muet.] Il se conjuge comme connoître, ou conaître. = Au propre, ne pas conaître. "Vous avez changé d' habit; je vous méconaissais. = Au figuré, et plus ordinairement, désavouer. "Il s' est élevé, il s' est enrichi: il méconait ses parens et ses anciens amis. = Se méconaître a deux sens: 1°. Oublier ce qu' on a été autrefois. "Il a fait fortune: il se méconait. _ 2°. Oublier ce qu' on doit à quelqu' un qui est au dessus de nous. "Comment parlez-vous? Vous vous méconaissez.

MÉCONTENT


MÉCONTENT, ENTE, adj. MÉCONTENTEMENT, s. m. MÉCONTENTER, v. act. [Mékontant, tante, tanteman, tanté: 1re é fer. 2e et 3e lon. 4e e muet au 2d et au 3e, é fermé au dern.] Mécontent, qui n' est pas satisfait de... Mécontenter, rendre mécontent. Mécontentement; déplaisir. Il est fort mécontent de l' acueuil qu' on lui a fait. "Cet homme mécontente tout le monde; il done du mécontentement, ou de grands sujets de mécontentement à tous ses parens, à tous ses amis.
   Rem. 1°. Mécontent s' emploie substantivement au pluriel, pour signifier ceux qui ne sont pas satisfaits du gouvernement, des Ministres, etc. "Les mécontens s' assemblèrent. _ Mais quand il est substantif, il se dit absolument et sans régime. "Il se trouva quelques mécontens de cette élection. Hist. d' Angl. Il falait dire, quelques Seigneurs mécontens de, etc. = Au dire du Père Bouhours, mécontent est meilleur pour signifier les factieux (et en ce sens, il ne se dit qu' au pluriel et substantivement), et mal-content, pour signifier qui n' est pas content.
   Mal-content se dit plus ordinairement du supérieur à l' égard de l' inférieur, Acad. et mécontent de l' inférieur à l' égard du supérieur. Ainsi un Prince peut être mal-content des services de quelqu' un de ses sujets; un père de l' aplication de son fils; un maître des progrês de son èleve. Un sujet, au contraire, peut être mécontent des pâsse-droits que lui fait le Prince; un fils de la prédilection trop marquée de son père pour un aûtre de ses enfans; un élève de la négligence de son maître, etc. = Pour les verbes analogues, on dira, au contraire, mécontenter des supérieurs, et contenter mal des inférieurs. Ce père contente mal son fils: ce fils mécontente son père. _ Mécontent se prend substantivement: mal-content est toujours adjectif. On a repris le P. Bouhours d' avoir dit: c' est la coutume des mal-contens de se plaindre. (Il avait donc manqué lui-même à sa remarque). Il faut dire, des mécontens. Il s' emploie toujours au pluriel: on ne dit point un mécontent. Extr. des Syn. de M. Beauz. = 3°. * On ne dit point, se mécontenter de, pour dire, être mécontent de.
   Et colorent ces injustices,
   Dont vous avez raison de vous mécontenter.
       Corn. Agésilas.
Dites en vers comme en prôse, de n' être pas content, ou d' être mécontent. = 4°. Mécontentement ne régit pas la prép. de, du moins des chôses. On ne dit point, le mécontentement de ce voyage, de cette entreprise, pour dire, un voyage, une entreprise dont on est mécontent. Il ne se dit avec ce régime que de la persone qui est mécontente.
"Le Roi de Maroc, malgré les mécontentemens de la campagne précédente, amena l' été suivant un nouveau secours. D' Orl. _ Quand on veut doner un régime aux chôses, il faut ajouter un verbe à mécontentement; comme, avoir du mécontentement de, etc. "Malgré les mécontentemens que la campagne précédente lui avait donés, etc.

MÉCRÉANT


MÉCRÉANT, s. m. [1re et 2e é fer. 3e lon.] Il se disait autrefois de tous les peuples infidèles, et particulièrement des Mahométans. On ne le dit aujourd' hui que des impies, des incrédules; mais ces derniers mots sont plus nobles et plus propres pour le style élevé. Mécréant ne se dit que dans le discours familier et dans le style critique. = * M. Lenglet du Frenoy dit mécroyant, contre l' usage. = * On a dit anciènement mécroire, pour ne pas croire. Richelet dit qu' il est peu usité. Il est aujourd' hui entièrement hors d' usage. _ On disait aussi mécréance, qui ne se dit plus.

MÉCREDI


MÉCREDI, ou MERCREDI, s. m. Le 4e jour de la semaine. = La plus saine opinion, dit Vaugelas, et le meilleur usage est de prononcer et d' écrire ce mot sans r [Mékredi; 1re é fer. 2e e muet.] C' est aussi le sentiment de Th. Corn. _ Richelet assûre de même qu' on disait aûtrefois mercredi, mais que de son tems il n' y avait que mécredi, qui fût en usage. L' Acad. au contraire, et d' après elle, le Dict. d' Ort. et le Rich. Port. écrivent mercredi, et font croire qu' on doit y prononcer la première r. On dit, dans le Dict. Gram. qu' il semble que dans la conversation on peut dire mécredi, mais que dans le discours soutenu, on doit prononcer mercredi.

MÉDAILLE


MÉDAILLE, s. f. MÉDAILLER, Acad. ou MÉDAILLIER, Trév. s. m. MÉDAILLISTE, s. m. MÉDAILLON, s. m. [Méda-glie, da--glié, gliste, glion; 1re é fer. 2e br. Mouillez les ll.] Médaille, pièce de métal, fabriquée en forme de monaie et où est gravée la figure de quelque Prince, de quelque Saint ou de quelque monument, etc. = Médaillon se dit des plus grandes médailles. = Médailler, cabinet rempli de tiroirs, dans lequel les médailles sont rangées. = Médailliste, celui qui se conaît en médailles. = On dit en style proverb. tourner la médaille, examiner la chôse d' un aûtre côté, sous un aûtre point de vûe. "Tous les biens possibles pourroient-ils me doner autant de joie que votre amitié? Comme aussi, tournez la médaille, rien n' est pire que le contraire. Sév. = Chaque médaille a son revers; chaque chôse a deux faces. _ Vieille médaille, vieille persone, dont les traits sont grands et fort marqués.

MÉDECIN


MÉDECIN, s. m. MÉDECINE, s. f. MÉDECINER, v. act. [Méde-cein, cine, ciné; 1re é fer. 2e e muet; 4e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Médecin, est celui qui fait profession de guérir les maladies et de conserver la santé. Médecine est l' art qui en enseigne les moyens. Médeciner, c' est doner des breuvages et aûtres remèdes qu' on prend par la bouche. "Bon, savant Médecin. "Être entre les mains des Médecins; abandoné des Médecins, etc. "La Médecine est un art conjectural. "Étudier en Médecine. Docteur en Médecine. "Ils l' ont trop médeciné.
   Rem. Quand on parle de l' art de guérir, on l' emploie toujours au singulier. Il n' a de pluriel que quand il signifie purgation. "Il a pris plusieurs médecines. = * En Province, plusieurs disent, médecine, pour signifier la femme d' un Médecin. "Mde. la Médecine. C' est un terme ridicule en ce sens. = Plusieurs disent médiciner. = Se médeciner est bâs, et ne s' écrit point. En sa place, on dit, prendre médecine. Vaug. = Se médeciner ne se peut dire qu' en plaisantant.
   On dit des chôses, qui ont un certain goût, ou une certaine odeur désagréable: cela sent la médecine. _ Médecine de cheval, médecine trop forte. = Le proverbe dit: argent comptant porte médecine: il est agréable de recevoir de l' argent comptant. _ Les marchands citent souvent ce proverbe, pour signifier qu' ils n' aiment pas à faire crédit.

MÉDECINAL


MÉDECINAL. Voy. MÉDICINAL.

MÉDIANOCHE


MÉDIANOCHE, s. m. Terme espagnol, naturalisé en France. Repâs en grâs, qui se fait après minuit sonné, le lendemain d' un jour maigre. On ne fait plus guère de médianoche, depuis qu' on est si peu délicat sur l' observation de l' abstinence.

MÉDIAT


MÉDIAT, ATE, adj. MÉDIATEMENT, adv. [Médi-a, ate, ateman? 1re é fer. 4e e muet.] Ils sont oposés à immédiat, immédiatement. Ceux-ci se disent de ce qui a raport, et qui touche à une chôse sans milieu et sans intervale. Ceux-là se disent de ce qui ne touche et n' a raport que moyénant quelque chôse, qui est entre deux. "Pouvoir médiat, cause, autorité, juridiction médiate. "Cause, qui n' agit que médiatement.

MÉDIATEUR


MÉDIATEUR, TRICE, s. m. et f. MÉDIATION, s. f. [Médi-a-teur, trice, cion, en vers ci-on, 1re é fer.] Médiateur, celui qui moyène un acomodement entre deux ou plusieurs persones. "Il a été médiateur de cette afaire, entre tels et tels. "La République de Venise fut choisie pour médiatrice. = Médiation, entremise. "L' acomodement fut fait par la médiation du Pape. "Il offrit sa médiation. "On accepta, on refusa sa médiation.

MÉDICALE


MÉDICALE, adj. f. Qui apartient à la Médecine. "La matière médicale. _ Il ne se dit que dans cette phrâse.

MÉDICAMENT


MÉDICAMENT, s. m. MÉDICAMENTEUX, EûSE, adj. [Médikaman, man-teû, teû-ze; 1re é fer. 4e lon. 5e lon. aussi aux deux dern.] Médicament est un terme générique, qui se dit et des remèdes qui se prènent par la bouche, et de ceux qui s' apliquent extérieurement. "Il a tant payé pour les alimens, et tant pour les médicamens. = Médicamenteux, qui a la vertu d' un médicament. "Le lait est un aliment médicamenteux. = L' adj. est moins usité que le subst.

MÉDICINAL


MÉDICINAL, ALE, adj. [1re é fer. dern. e muet au 2d.] Quoiqu' on dise, médecin, médecine, on doit dire médicinal. _ Le Gendre, dans T. VI du Traité de l' Opinion, met médecinal dans le texte, et médicinal dans le titre marginal. On voit aussi médecinal dans les Lettr. Édif. = D' autres, au contraire, disent médiciner, au lieu de médeciner. On dit, dans le Dict. Gram. que l' usage est pour celui-là. On s' est trompé.
   MÉDICINAL, qui sert de remède. "Cela est médicinal. "Eaux médicinales. "Herbe, potion médicinale.

MÉDIOCRE


MÉDIOCRE, adj. MÉDIOCREMENT, adv. MÉDIOCRITÉ, s. f. [1re é fer. 4e e muet aux deux prem.] Ils se disent de ce qui est entre le grand et le petit, entre le bon et le mauvais. "Somme, tâille, chère, vin, esprit, beauté médiocre. "Il est médiocrement riche, savant, etc. "La médiocrité de sa fortune, de son esprit, etc.
   REM. Médiocre ne fait guère bien devant le subst. "Les médiocres Écrivains, Vaug. De médiocres vers, la Bruy. Obscur et de médiocre condition, Fénél. Les médiocres gens, La Font. _ L' Acad. dit aussi: cheval de médiocre tâille: faire médiocre chère. Tout cela me parait dur: mais sur-tout les médiocres vers et les médiocres gens.
   On dit, absolument et sans régime, la médiocrité: aimer la médiocrité, un état où l' on n' est ni riche, ni paûvre. "La vertu est la compagne de la médiocrité. "Il faut garder en tout la médiocrité; c. à. d. un juste milieu.
   Médiocrement régit-il la prép. de, comme infiniment, extrêmement? Mde. de Genlis en fournit un exemple. "Il a médiocrement d' esprit. Th. d' Éduc.

MÉDIRE


MÉDIRE, v. n. MÉDISANCE, s. f. MÉDISANT, ANTE, adj. et subst. [1re é fer. 2e lon. au 1er. 3e lon. aux trois dern. zance, zan, zante.] Médire se conjugue comme dire, excepté à la 2e pers. du plur. du prés. de l' indicatif, où l' on dit, vous médisez, et non pas, vous médites. = Dire du mal de quelqu' un sans nécessité, par malignité, ou par légèreté. Il régit de. "Médire de son prochain. "Il médit de tout le monde. = Médisance est un discours au désavantage de quelqu' un, tenu sans nécessité. "Dire une médisance. "Faire des médisances. = Médisant, qui médit. "Persone médisante; langue médisante. Histoire médisante, pleine de médisances. = S. m. "C' est un médisant. Il ne faut pas croire les médisans.
   Rem. À~ proprement parler, la médisance est la révélation d' un fait désavantageux au prochain, qui est encôre secret, mais qui est véritable; et calomnie est la faûsse imputation d' un fait qui n' existe pas. On dit pourtant quelquefois d' une calomnie, c' est une pure médisance.

MÉDITATIF


MÉDITATIF, ÎVE, adj. MÉDITATION, s. f. MÉDITER, v. act. [1re é fer. 4e lon. au 2d; tion, dans le 3e, a le son de cion en prôse, et de ci-on en vers.] Méditer, c' est 1°. penser atentivement à quelque chôse, et examiner les moyens d' y réussir. "Méditer une entreprise, la ruine de quelqu' un. "Il méditoit ce projet depuis long-tems. = Méditer (aprofondir) une vérité, une matière. = V. n. Il régit de et l' infinitif. "Il médite de se retirer du monde. = 2°. Délibérer, consulter en soi-même. "Il médite comment il s' y prendra, s' il acceptera ou non. = 3°. Méditer sur: penser atentivement à. "Méditer sur un ouvrage, sur les mystères, etc. _ et sans régime: "Il pâsse sa vie à méditer. = Faire l' oraison. "Les Religieux ont des heures réglées pour méditer.
   Méditation, 1°. Opération de l' esprit, qui s' aplique à aprofondir quelque sujet. "Après une profonde méditation sur ce sujet, etc. "À~ quoi ont abouti les méditations de tant de Philosophes? = 2°. Êcrit composé sur quelque sujet de Philosophie ou de dévotion. "Les méditations de Descartes: livre de méditations. = 3°. Oraison mentale. "Faire la méditation: c' est l' heure de la méditation. = Voyez CONTENTION.
   Méditatif, qui s' aplique à méditer. "C' est un homme fort méditatif. = S. m. Les méditatifs en matière de dévotion, en métaphysique. Acad. "Locke, un des plus profonds méditatifs que l' Angleterre ait produits. Dict. Hist. = Racine le fils dit de Mallebranche:
   Eprise du plus grand de nos Méditatifs,
   Londres aplaudissoit à ces Spéculatifs,
   Qui, etc.

MÉDITERRANÉE


MÉDITERRANÉE, adj. et subst. [1re et 5e é fer. 2e ê ouv.] Qui est au milieu des terres. "Les Villes, les Provinces méditerranées. = La Mer Méditerranée, ou la Méditerranée, cette mer qui comunique à l' Océan par le détroit de Gibraltar.

MÉDULLAIRE


MÉDULLAIRE, adj. [On prononce les 2 l, sans les mouiller.: Médul-lère: 1re é fer. 3e è moy. et lon.] Qui apartient à la moelle, ou qui en a la natûre. "La substance médulaire.

MÉFAIRE


MÉFAIRE, v. n. MÉFAIT, s. m. [méfè--re, méfè? 1re é fer. 2e è moy. long au 1er.] Le 1er ne se dit plus qu' au Palais. Faire tort à. "On lui a fait défense de méfaire à... et de médire de, etc. = Méfait, action criminelle, ne se dit plus que dans cette phrâse. "Il a été puni pour ses méfaits. style fam.
   Rem. L' ancien Trévoux écrit ces deux mots avec deux f: c' était l' anciène ortographe; celle de Malherbe, par exemple.
   Le lieu qui fut témoin d' un si lâche meffait.
   Méfaire et Méfait ne se sont conservés que dans les sentences, où l' on garde le vieux st. = Ils ne sont plus bons que pour le style comique ou critique.
   L' homme étrange! on ne sait de quel biais s' y prendre,
   Pour lui tirer l' aveu de ses méfaits.
       Poinsinet de Sivry.

MÉFIANCE


MÉFIANCE, s. f. MÉFIANT, ANTE, adj. SE MÉFIER, v. réc. [On écrivait autrefois meffiance, etc. avec deux f, et l' on trouve cette ortographe dans les anciènes éditions de Trévoux. 1re é fer. 3e lon. aux 3 prem. é fer. au 4e.] Ils expriment le soupçon, la crainte, qui fait qu' on se défie. Le Proverbe dit, que méfiance est mère de sureté. Cependant la méfiance est nuisible, quand elle est portée trop loin. = C' est un esprit méfiant. "Il est méfiant; elle est méfiante. = Il se méfie de moi, de vous, de tout le monde.
   Méfiance, Défiance (synon.) La méfiance est une crainte habituelle d' être trompé. La défiance est un doute que les qualités, qui nous seraient utiles ou agréables, soient dans les hommes ou dans les chôses, ou dans nous-mêmes. _ La méfiance est l' instinct d' un caractère timide et pervers; la défiance est l' éfet de l' expérience et de la réflexion. _ Le méfiant juge des hommes par lui-même, et les craint. Le défiant en pense mal, et en atend peu. _ On naît méfiant. Pour être défiant, il sufit de penser, d' observer et d' avoir vécu. = On se méfie du caractère et des intentions des aûtres. On se défie de son esprit et de ses talens (Encycl. Beausée, Syn.)

MÉGARDE


MÉGARDE (par) adv. Par manque de soin, d' aplication, d' atention. "Il a fait cela par mégarde.

MÉGèRE


MÉGèRE, s. f. [1re é fer. 2e è moy. et long, 3e e muet.] Femme méchante et emportée. "C' est une vraie Mégère.

MEILLEUR


MEILLEUR, EURE, adj. [Mè-glieur, glieu-re; 1re è moy. mouillez les ll.] C' est le comparatif de bon. Qui est au-dessus du bon. "Celui-ci est bon; mais celui-là est meilleur. "Cette étofe est meilleure que l' aûtre. Le superlatif est le meilleur, et non pas le plus bon. _ Il se met toujours devant le substantif. "C' est le meilleur fruit, et non pas le fruit le meilleur. "Je veux de meilleur pain, et non pas du pain meilleur. * "Il fit à l' Oficier la réception la meilleure qu' il lui fut possible. Anon. Dites, la meilleure réception. = S. m. "Le meilleur est l' énemi du bon: ce qui paraissait bon ne le paraît plus de présence du meilleur; ou bien, à force de chercher le meilleur, on manque le bon. "Ayant un coeur bon, qui le portoit au bien; un esprit éclairé, qui lui montroit le meilleur. Montesq. parlant de Nerva.

MÉLANCOLIE


MÉLANCOLIE, s. f. MÉLANCOLIQUE, adj. MÉLANCOLIQUEMENT, adv. [1re é fer. 2e lon. 4e lon. au 1er, 5e e muet dans tous les trois; en, dans le dernier, a le son d' an.] Mélancolie, au propre, bile noire. Il est peu usité en ce sens. = Au fig. Chagrin, tristesse: "grande, profonde mélancolie. "Tomber dans une grande mélancolie. = On dit d' un homme, d' une humeur sérieuse, mais agréable: qu' il a une douce mélancolie.; et de celui qui est fort gai: qu' il n' engendre pas mélancolie ou de mélancolie. Le 1er est le meilleur.
   MÉLANCOLIQUE, adj. En qui domine la mélancolie. "Homme mélancolique. "Tempérament, humeur, affection mélancolique. = Qui inspire la mélancolie. "Tems, lieu, entretien, air, physionomie mélancolique. = Mélancoliquement, d' une manière triste et mélancolique. "Nous avons pâssé quelques jours fort mélancoliquement. = Dans des éditions de Trév. et dans le Dict. Gram. on trouve ces mots écrits avec une h: mélancholie, etc.

MÉLANCOLISER


*MÉLANCOLISER, v. n. S' abandoner à la mélancolie. Ce mot est dans l' anc. Trév. L' usage ne l' a pas adopté. Il semble qu' il serait utile.

MÉLANGE


MÉLANGE, s. m. MÉLANGER, v. act. MÉLÉE, s. f. MÉLER, v. act. [Ces mots s' écrivaient autrefois avec une s: meslange, mesler, etc. Quand on suprima l' s, on la remplaça par l' acc. circonfl. sur l' ê, et l' on écrivit mêlange, mêler, Cet usage s' est conservé sans raison et sans nécessité. L' acc. circ. ne convient que sur l' ê ouv., et l' e dans ces mots est fer. Il n' est ouv. que devant l' e muet: il mêle mêlera, etc. Il ne convient que là.] Méler, c' est brouiller ensemble plusieurs chôses. Mélange est ce qui résulte de plusieurs chôses mélées ensemble. Mélanger, c' est faire un mélange. "Méler des drogues, des couleurs. "Mélange des liqueurs, des couleurs; un mélange de toute sorte de gens. "Mélanger avec art les couleurs. "Vin mélangé, couleurs mélangées avec art. = Mélée ne se dit point au propre, pour l' action de méler. Il ne se dit qu' au fig. pour signifier un combat où deux troupes se mêlent ensemble l' épée à la main les uns contre les autres. "Rude, sanglante mélée. "Se jeter dans la mélée. = On le dit par extension d' une baterie de plusieurs particuliers, et d' une contestation aigre entre plusieurs persones.
   REM. Méler, au propre, a pour 2d régime avec: méler de l' eau avec du vin. Les Poètes préfèrent avec raison la prép. à.
   Mélant à leur blancheur l' incarnate peintûre.
       Malherbe.
  Viens méler le myrthe d' amour
  À~ la palme de la victoire.
      Sarrasin.

Au fig. cette prép. à est préférable, même en prôse. "Méler l' agréable à l' utile; la douceur à la sévérité. = Etre mélé régit de au propre. "Ce froment est mélé de seigle, d' orge; au fig. la prép. dans: on l' a mélé, ou il a été mélé mal à-propos dans cette afaire. = Se méler, dans ses diférentes aceptions, régit de devant les noms et les verbes, ou dans devant les noms. _ S' ocuper de... Il se mêle de chimie, de peindre, de tourner. _ Prendre soin. "Se méler d' un acomodement; je ne me mêlerai plus de vos afaires. _ S' entremettre mal-à-propôs. "De quoi vous mélez-vous? mélez-vous de vos afaires. "Il se mêle de juger ce qu' il ne conaît pas. = S' engager: "Se méler dans la foule, dans la bagârre, etc.
   On dit proverbialement d' une chôse qu' il n' est pas possible de faire: elle se fera, si le diable s' en mêle. Voyez MARCHANDISE.

MÉLODIE


MÉLODIE, s. f. [1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] L' agrément qui se trouve dans le chant, qui résulte d' une heureuse suite de sons. "Douce, agréable mélodie. = Il difère de l' harmonie, en ce qu' il ne signifie que l' heureux arrangement des sons, qu' on entend successivement dans un air chanté par une même persone, ou joué par un même instrument; au lieu qu' harmonie signifie l' accord de plusieurs parties qu' on entend en même tems. Acad. _ D' aprês cette distinction, qui est très-juste, on doit dire la mélodie, et non pas l' harmonie du discours, du langage. = Quand elle n' est pas trop afectée, elle en fait tout l' agrément, et done un nouveau lustre aux pensées et aux expressions. Elle consiste: 1°. à éviter les dissonances. Ex. "S' il se le fût fait aporter. Fonten. Trop d' r raprochées. Les mêmes consones proche l' une de l' autre. "L' on lui lançait la lampe. = 2°. Les mêmes consonances également trop raprochées. "C' est assez d' avoir fait voir. Font. _ Les rimes dans la prôse. "De légers mouvemens excités sourdement. Rayn. "Souffrez que je vous demande si vous vous souvenez de m' avoir vu autrefois, comme il me souvient de vous avoir vu. Votre visage ne m' est point inconu: il m' a dabord frapé, mais je ne sais où je vous ai vu. Télém. = Quelquefois pourtant ces rimes font beauté, quand elles sont afectées. "Il nous semble que Mr. de Grignan est venu au devant de vous au st. Esprit: il nous semble qu' il a été ravi de vous revoir et de vous r' avoir. Sév. "Il ne me trouve guère avancée de ne pouvoir pas encôre recevoir de vos lettres sans pleurer. Je ne le puis, ma fille; mais ne souhaitez pas que je le puisse. Aimez mes tendresses, aimez mes foiblesses: pour moi, je m' en acomode fort bien. La même. _ Mais ordinairement ces consonances sont les fruits de la négligence. = 3°. À~ éviter les vers alexandrins, même quand ils ne riment pas. Ceux de huit syllabes font fort bien, quand il n' y en a pas plusieurs de suite, et qu' ils ne sont pas marqués par la rime. = 4°. À~ éviter sur tout les répétitions des même mots, placés dans le même ordre. "Pardone-moi, mon fils, si je trouble ton récit par les larmes que je dois à ton père. Neoptolème me répondit... qu' il m' est doux de voir Philoctète pleurer mon père. Télém. "Télémaque étoit bien plus prudent pour garder un secret... il savoit taire un secret sans dire aucun mensonge. Il n' avoit pas même certain air réservé qu' ont d' ordinaire les gens secrets: il ne paroissoit point chargé du secret qu' il devoit garder. Ibid. Voy. CACOPHONIE et RÉPÉTITION.

MÉLODIEUX


MÉLODIEUX, EûSE, adj. MÉLODIEûSEMENT, adv. [Mélodi-eû, eû-ze, zeman: 1re é fer. 4e lon. 5e e muet.] Rempli de mélodie. "Chant mélodieux. Voix mélodieûse. = D' une manière mélodieûse. "Chanter mélodieûsement.

MELON


MELON, s. m. [1re e muet.] Sorte de fruit dont la tige rampe sur la terre.

MELONGèNE


MELONGèNE, s. f. [1re et dern. e muet; 3e è moy.] On l' apèle aussi Mayenne et Aubergine. Plante qui porte un fruit du même nom, plus grôs, et presque de la même figûre qu' une très-grosse poire, de couleur rougeâtre, ou violette, d' un goût fade, mais qui n' est pas désagréable quand il est assaisoné. Il y en a plusieurs espèces.

MELONIèRE


MELONIèRE, s. f. [1re e muet 3e è moy. et long.] L' endroit où l' on fait croître des melons.

MÉMARCHûRE


MÉMARCHûRE, s. f. Entorse, que se done un cheval en faisant un faux pâs. "Ce cheval est boiteux d' une mémarchûre.

MEMBRANE


MEMBRANE, s. fém. MEMBRANEUX, EûSE, adj. [Manbrane, neû, neû-ze: 1re lon. sur-tout aux deux derniers, 3e e muet au 1er, lon. aux deux autres.] Membrane se dit d' une partie mince et nerveûse du corps de l' animal, qui sert d' envelope à d' autres parties. Membraneux, qui participe de la membrane. "Les membranes du cerveau, des muscles. "Piquer la membrane. "Ligament membraneux. Partie membraneûse.

MEMBRE


MEMBRE, s. m. MEMBRU, ÛE, adj. [Manbre, bru, brû-e: 1re lon. 2e e muet au 1er, lon. au 3e.] Membre est, 1°. au propre, partie extérieure du corps de l' animal, distinguée des aûtres par quelque fonction particulière. Il ne se dit pourtant pas de la tête. On le dit principalement des brâs, des jambes, des pieds, des mains. "Le brâs est un membre bien nécessaire. "Membre pourri, gangrené, etc. "Il sent de grandes douleurs dans tous les membres. = 2°. Au figuré, partie d' un corps politique. "On vouloit réunir tous les membres de ce vaste corps. "Les fidèles sont les membres du corps mystique de l' Église. "On se proposoit de réformer l' Église dans le chef et dans les membres. _ Les paûvres sont les membres de J. C. = Partie d' une terre, d' un Bénéfice. "Ce fief est un membre de ce Marquisat, de cette Abbaye. = Partie d' une période. "Une période de quatre membres.
   MEMBRU, ne se dit qu' au propre (st. f.) Qui a les membres grôs et puissans. "Un homme fort membru.

MEMBRûRE


MEMBRûRE, s. f. [Manbrûre: 1re et 2e lon. 3e e muet.] Terme de menuiserie. Pièce de bois, épaisse, dans laquelle on enchâsse les paneaux, qui sont des pièces moins épaisses.