Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI


J.



J


J, s. m. Un J consone: dans l' apellation moderne, on le nomme je, en le prononçant comme la dernière syllabe du mot Ange. Voy. I, au comencement.

Jà


*Jà, adv. Il s' est dit aûtrefois pour déjà. On le dit encôre dans le style burlesque ou demi-marotique.
   Jà tout est prêt sur la fatale rive.
       Ververt.
Il signifiait aussi, point, pas.
  Et quand Ribaud seroit pendu,
  Ce ne seroit jà grand dommage.
       Voiture.

JâBLE


JâBLE, s. m. JABLER, v. act. [1re lon. au 1er, br. au 2d.] Ils expriment les rainures qu' on fait aux douves des toneaux, pour arrêter les pièces du fond. "Faire le jâble des douves. Les jâbler.

JABOT


JABOT, s. m. JABOTER, v. n. [Jabo, boté.] Jabot, est proprement l' espèce de poche, que les oiseaux ont sous la gorge. "Cet oiseau a le jabot plein. "Il n' a rien dans le jabot. = On dit, proverbialement, d' un homme, qui a bien mangé; qu' il a bien rempli son jabot. = Jabot, est aussi la toile, mousseline, ou dentelle, qu' on atache par ornement à l' ouvertûre d' une chemise au-devant de l' estomac. "Jabot de dentelle, de point d' Angleterre.
   JABOTER, ne se dit qu' au figuré (st. famil.) Caqueter, dire des bagatelles. "Elle ne fait que jaboter tout le long du jour. = Jaboter, jaser, caqueter. (Synon.) Le 1er, à la lettre, signifie faire remuer le jabot; le 2d, faire aler le gosier avec une sorte de gazouillement; le 3e, c' est imiter le caquet ou le cri de la poule. L' idée comune de ces termes, est de causer familièrement et tout bâs. Jaboter, c' est parler de manière que des persones étrangères à votre entretien ne vous entendent pas, du moins assez pour distinguer ce que vous dites. Jaser, c' est parler trop, et indiscrètement. Caqueter, c' est parler d' une voix haute et avec une continuité qui importune, étourdit. "Les jeunes filles, ennuyées d' une conversation, dont elles ne sont pas, s' en vont tout doucement jaboter dans un coin. "Des amans, qui n' ont plus rien à se comuniquer, jasent encôre long--tems, et ils n' en sont jamais las, comme dit Molière. Des femmelettes caquettent sans aucun sujet de conversation. Roub. Synon.

JACHèRE


JACHèRE, s. f. JACHÉRER, v. act. [2e è moy. et long au 1er, é fer. et br. au 2d: dern. e muet au subst. é fer. au verbe.] Jachère, terre labourable qu' on laisse reposer un an. "Terre, qui est en jachère. "C' est une jachère. = Jachérer: labourer des jachères; doner le premier labour à une terre qu' on avait laissé reposer.

JACINTHE


JACINTHE, ou HIACINTHE, ou HYACINTHE, s. f. C' est le nom d' une fleur et d' une pierre précieuse. Selon La Touche, le 1er est le plus usité, et il me semble aussi que c' est l' usage le plus universel. _ L' Acad. préférait dabord le dernier, et se contentait de dire que quelques-uns prononcent, et écrivent même jacinthe. Dans la dern. Édit. Elle met sous la lettre H, Hyacinthe, et renvoie à Jacinthe; et sous la lettre J, elle met Jacinthe ou Hiacinthe.

JAÇOIT QUE


*JAÇOIT QUE, conjonct. Quoique. _ Il est vieux, et n' est plus employé que dans le marotique:
   Jaçoit qu' en vous gloire et haute naissance,
   Soit alliée à titres et puissance.
       Rouss.

JACTANCE


JACTANCE, s. f. [Jaktance: 2e lon. 3e e muet.] Vanterie. Ce mot est tout au plus bon pour le style familier, ou critique. "Il dit cela par jactance: des discours pleins de jactance. "Vous rirez de ces jactances comiques. Anon. "On y remarque quelques jactances. L' Ab. des Font. "Une pareille jactance ne peut qu' anoncer beaucoup de présomption. _ M. de Wailly traite ce mot de vieux. L' Acad. ne done cette qualification qu' au verbe se jacter. * De jeunes Orateurs, amateurs du néologisme, et qui au défaut des pensées neuves, ambitionent le mérite plus facile des mots nouveaux, emploient volontiers ce verbe. "Il se jacte (se vante) continuellement.

JACULATOIRE


JACULATOIRE, adj. Il ne se dit que dans cette phrâse ascétique: Oraison jaculatoire, prière courte et fervente, qui part du coeur comme un trait.

JADIS


JADIS, adv. Aûtrefois. Au temps passé. _ Ce mot n' est plus usité parmi les prosateurs; mais il est encôre employé par les Poètes et dans la prôse poétique.
   Jadis, dans leur fureur, non encor ralentie
   Ces esclaves, chassés des marais de Scythie
   Portèrent chez le Parthe et la mort et l' effroi.
       Rouss.
"Ivre de mes conaissances, jadis je m' admirai moi-même. Dans le délire de ma vanité, je crus que mon savoir étoit la mesure certaine et infaillible du pouvoir du Créateur. Jér. Dél. = L' Ab. Regnier des Marais avait comencé ainsi une petite pièce, intitulée: La Maison en décadence.
   D' une architecture,
   Du tems de Jadis,
   La sage Nature
   M' a fait un logis.
Cette expression, du tems de jadis, ne fut point aprouvée. La Monn.

JAILLIR


JAILLIR, v. n. JAILLISSANT, ANTE, adj. JAILLISSEMENT, s. m. [Ja-gli, gli-san, sante, gli-ceman: mouillez les ll: 3e lon. au 2d et au 3e, e muet au dern.] Jaillir, c' est, en parlant des fluides, sortir impétueûsement. Jaillissant, qui jaillit. Jaillissement, action de jaillir. "L' eau qui jaillit. "Quand on lui ouvrit la veine, le sang jaillit, etc. "Eaux, fontaines, jaillissantes. "Le jaillissement des eaux, du sang.
   REM. Jaillir, ne se dit que dans le propre. Dans le figuré on dit rejaillir. "L' honeur de cette action rejaillit sur lui. L. T.
   Jaillir, rejaillir. (Synon.) Le 1er fut condamné sans raison par Vaugelas: l' usage l' a maintenu dans son ancienne possession. Ménage, qui le protégeoit, observe qu' on dit jaillir, pour marquer une action simple, absolue et directe, et rejaillir, pour signifier le redoublement de cette action.
   J' aime ces jeux, où l' onde en des cannaux pressée
   Part, s' échape et jaillit avec force élancée.
       Poème des Jardins.
Faites courir, bondir et rejaillir cette onde.Ibid.
"La veine s' ouvre et le sang jaillit: il rejaillit de toute part sur le lit du malade, etc. ROUB. Synon.

JAIS


JAIS ou JAïET, s. m. [Jê, long. l' Acad. ne met que le 1er. Trév. les met tous deux, et même jayet.] Substance bitumineuse, solide et d' un noir luisant. "Cordon, bouton de jais. "Cela est noir comme jais. "Huile de jais.

JALON


JALON, s. m. JALONER, v. n. Ils se disent d' une perche ou grôs bâton, qu' on plante en terre pour des alignemens. "Planter des jalons de distance en distance. "Jaloner un chemin, une allée.

JALOUSER


JALOUSER, v. act. JALOUSIE, s. f. JALOUX, OûSE, adj. [Jalouzé, lou-zi-e, loû, loû-ze: 2e br. aux 2 premiers, lon. aux 2 dern.] La jalousie, est 1°. Un chagrin de voir possèder par un aûtre un bien qu' on désirerait pour soi. "Prendre, concevoir de la jalousie. = Il se dit sur-tout de ce qui a raport à l' amour. "Elle lui done de la jalousie. "La jalousie de sa femme le tourmente beaucoup. = 2°. Envie qu' excite la gloire ou la prospérité d' un concurrent. "Il y a presque toujours de la jalousie entre les Poètes, les Artistes, les Artisans, etc. = 3°. Ombrage qu' un Prince, un État done à d' autres par sa puissance, par ses entreprises. "La marche de ces troupes a doné de la jalousie à plusieurs places; on a craint pour elles. "Son armement tint toute l' Europe en jalousie. Acad. = 4°. Jalousie, treillis de bois ou de fer, au travers duquel on voit sans être vu. "On a mis des jalousies à toutes les fenêtres. "Regarder par la jalousie, au travers de la jalousie.
   REM. * Rollin dit, prendre jalousie sans article. "Qu' Artaxerce ait été capable de prendre jalousie contre un Seigneur de sa Cour. _ On dit, prendre ombrage sans article, et prendre de la jalousie avec l' article.
   JALOUSER, avoir de la jalousie contre... "Celui, dont il jalousoit les succès et peut-être les talens. Moreau. "Ces deux ordres s' observèrent, se jalousèrent quelquefois. Id. "Quelle époque que celle-ci pour notre Nation, toujours noble, toujours brave, toujours jalousée. LINGUET.
   JALOUX, 1°. Qui a de la jalousie. "Il est jaloux de sa femme: elle est jalouse de son mari; ou, sans régime. "Elle est jaloûse; il est jaloux. = 2°. Envieux. "Ils sont devenus ses énemis, parce qu' ils sont jaloux de sa gloire. "Regarder d' un oeil jaloux, ou, avec des yeux jaloux les succès d' autrui. Voy. ENVIE. = 3°. S. m. "C' est un jaloux: il ne dort non plus qu' un jaloux; en dépit des jaloux. = Il se dit absolument, et sans régime. * "Les jaloux de la France n' auront pas éternellement à lui reprocher les libertés de l' Église toujours employées contre elle-même. Anon. _ Quand on veut employer le régime, il faut faire jaloux adjectif: "Ceux qui sont jaloux de, ou, les hommes jaloux de, etc. = 4°. Jaloux, ambitieux, empressé, désireux de; délicat sur, etc. Il régit de devant les verbes et les noms. "Je suis jaloux de mériter votre estime. "Jaloux des droits de sa charge, de son honeur. "Jaloux de ses opinions, de ses pensées. * M. Linguet emploie l' art. indéfini (ou la prép. de sans article.) Le Philosophe jaloux d' honeur, de considération, de fortune, et décidé à tout sacrifier pour l' obtenir. _ Il me parait que ce régime est contre l' usage. Je crois qu' il faut dire, jaloux d' acquérir de la gloire, de la considération, etc. = 5°. En termes de Marine, on dit qu' un Bâtiment est jaloux, pour dire qu' il roule beaucoup; et par extension, on le dit des voitûres, qui sont sujettes à pencher d' un côté. = Poste jaloux, place jaloûse, fort exposés, et où des troupes peuvent être facilement enlevées.

JAMAIS


JAMAIS, adv. [Jamê: 2eê ouv. et long.] En aucun tems. = 1°. Il se place avant ou après le verbe, ou entre l' auxil. et le participe; ou même au comencement de la phrâse. "Je vois que jamais il ne vient, ou, qu' il ne vient jamais, quand on l' apèle. "Il n' est jamais venu me voir. "Jamais, au milieu de ses peines, il ne laissa échaper aucune plainte. Les Poètes peuvent le placer après le participe.
   Nous n' eussions vu jamais une Mère tremblante, etc.       L. Rac.
  Plût aux Dieux que l' Ingrat, fatal à mon repos,
  N' eût abordé jamais aux rives de Colchos.
       Médée de Clement.
Pour l' infinitif, il vaut mieux que jamais le précède. Il peut pourtant le suivre, et c' est à l' oreille et au goût à lui assigner sa place. "Je n' espère pas de le jamais voir, ou de le voir jamais. = 2°. Jamais, suit la règle de pas ou point, et se fait suivre de l' art. indéf. "Il ne boit jamais d' eau, et non pas de l' eau.
   Jamais de tours nouveaux; jamais de traits sublimes.       Du Resnel.
Et non pas des tours, des traits. = Mais cette prép. de, ne fait pas toujours bien. Ex. "Il fit conaitre à ses amis qu' il n' acheteroit jamais, ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. Fléchier. Il falait, ce me semble, ni faveurs, ni fortune, etc. comme on dit, il ne boit jamais ni eau, ni vin, et non pas, ni d' eau, ni de vin. _ C' est la particule ni, qui est cause de cette diférence. = 3°. Jamais, comme nullement, exige la négative ne, dans la phrâse où il est employé. "Presque jamais choisis entre les Pasteurs du second Ordre. Anon. "Vertus jamais démenties. HENAULT. "Une règle sacrée, et jamais violée, etc. Linguet. Pour la régularité de ces phrâses, il faut ajouter la négative ne et le v. être; qui ne sont jamais choisis, etc. Ne se sont jamais démenties, ou ne se démentirent jamais: "qui n' a jamais été violée. On ne peut pardoner qu' aux Poètes la supression de la négative dans cette ocasion. Voy. NULLEMENT. = 4°. Quelquefois, avec jamais, les noms apellatifs s' emploient sans article: "Jamais homme n' a eu plus de succês avec moins de mérite. _ Alors ce nom apellatif doit s' employer au singulier, parce que jamais avec la négation est une locution exclusive, qui n' a point besoin du pluriel. Rousseau fournit un exemple contraire. "Jamais mortels n' ont jouï, etc. Je crois qu' il falait jamais mortel n' a joui, etc. = Un Auteur, qui n' est pas ancien, met la prép. de devant un nom employé de la sorte. "Jamais de bouche catholique n' a chargé de si noires imputations des Pasteurs avoués de tout le corps. Anon. Il falait, jamais bouche, etc. = 5°. Jamais, dit l' Acad. se dit quelquefois sans être négatif. "C' est ce qu' on peut jamais dire de mieux. Il est vrai que la négation n' est pas exprimée; mais le sens est pourtant négatif; parce que le superlatif est exclusif, comme la négation. C' est comme si l' on disait; on ne pourra jamais rien dire de mieux. = 6°. On dit, pour toujours et à jamais. Fontenelle, dit pour jamais. "Conservons-les ou anéantissons-les pour jamais. Et dans l' opéra de Cadmus.
   Les chagrins ont eu leur tems,
   Pour jamais le Ciel les chasse.
Le Rich. Port. met à jamais, pour jamais, pour toujours. L' Acad. ne met le 2d qu' avec adieu. "Adieu pour jamais, adieu pour toujours. = À~ jamais semble exiger le futur. Gresset l' emploie avec le présent, mais, dans cette ocasion, le présent a le sens du futur.
   Ne pense pas que de la Poésie,
   J' aille abjurer l' empire trop charmant.
   J' en fuis les soins, j' en crains la frénésie,
   Mais j' en adore à jamais l' agrément.
Suivant M. l' Ab. Roubaud on dit à jamais et pour jamais, et le 1er est plus énergique que le 2d. "Un homme est perdu à jamais, quand il est impossible qu' il se releve de sa disgrâce~: il est perdu pour jamais, quand il est à croire qu' il ne s' en relevera pas. Nouv. Synon. Fr. = 7°. Vaugelas et La Touche condamnent jamais plus. "Je ne m' embarquerai jamais plus avec lui. Il vaut mieux, disent-ils, dire tout simplement: je ne m' embarquerai jamais avec lui. = N' en déplaise à ces deux habiles Gramairiens, jamais plus, est utile et même nécessaire en certaines ocasions. Et, pour me servir de l' exemple doné par Vaugelas, si je ne me suis jamais embarqué avec quelqu' un, je dois dire simplement; je ne m' embarquerai jamais avec lui; mais si j' en ai fait l' épreuve, et que je n' en sois pas content, je ne puis exprimer ma pensée et mon sentiment, qu' en disant: je ne m' embarquerai jamais plus avec lui. = 8°. S' il en fut jamais, se joint à des adjectifs, pour exprimer le plus haut degré de leur signification: c' est une espèce de superlatif. "La Puissance des Normands, Puissance exterminatrice, s' il en fût jamais. MOREAU. = 9°. Jamais est quelquefois subst. masc. "À~ tout jamais, au grand jamais; mais il n' est que du style familier.

JAMBAGE


JAMBAGE, s. m. JAMBE, s. f. JAMBETTE, s. f. JAMBON, s. m. [Janbaje, janbe, bète, bon: 1re lon. 2e e muet au 2d, è moy. au 3e.] Jambe, est cette partie du corps de l' animal, qui est depuis le genou jusqu' au pied. = Plusieurs disent le grâs de jambe: l' Acad. dit le grâs de la jambe. = Avoir de bones jambes, aler bien à pied. = À~ toute jambe, adv. fort vite. "Un homme, qui était au fond de l' allée, la traversa à toutes jambes. * Dans le Journ. de Mons. on dit, à toute jambe, au singulier. "Pasquin préfère l' escalier à la fenêtre, et s' enfuit à toute jambe: l' Acad. met le pluriel. = Jambe deçà, jambe delà, adv. à califourchons. = Ce mot entre dans plusieurs expressions familières et proverbiales. _ Renouveler de jambes, reprendre de nouvelles forces. _ Être haut en jambes, avoir les jambes plus hautes, qu' on ne les a ordinairement, même à proportion de sa tâille. _ On dit par menaces, qu' on rompra brâs et jambes à quelqu' un; qu' on le maltraitera fort. = On dit, en style proverbial, faire jambe de vin, boire copieusement pour faire plus gaîment le voyage. _ On dit aussi d' une chôse, qui ne doit pas doner du profit. "Cela ne vous rendra pas la jambe mieux faite, ou, ne vous refera pas le grâs de la jambe. Voy. Chat, Chien, Cou, Croc, Écharpe.
   JAMBAGE, se dit par similitude, des jambes d' un édifice; de cette chaine de pierre ou de maçonerie, qui le soutient. Jambage de cheminée, assises de pierres qui soutiènent le manteau. On dit aussi, jambage de porte.
   JAMBETTE, petit couteau de poche, dont la lame se replie dans le manche.
   JAMBON, cuisse ou épaule d' un cochon, d' un sanglier, quand elle a été salée. On ne le dit point de l' animal vivant. = Jamboneau, petit jambon.

JAMBÉ


JAMBÉ, ÉE, adj. Qui a la jambe bien faite. "Des hommes robustes bien facés, bien jambés. Linguet. L' Acad. ne le met pas.
   REM. Jambé, ne signifie cela qu' avec bien On ne dit point jambé tout seul Marin.

JANISSAIRE


JANISSAIRE, s. m. [Janicère: 3eè moy. et long: 4e e muet.] Soldat de l' Infanterie Turque.

JANTE


JANTE, s. f. Pièce de bois courbée, qui fait partie du cercle d' une roûe de voitûre. "Il y a une jante rompûe. "Les jantes d' une roûe.

JANVIER


JANVIER, s. m. [Jan-vié: 1re lon. 2e é fer.] Le premier mois de l' année.

JAPON


JAPON, s. m. Porcelaine aportée du Japon. "C' est de l' ancien japon.

JAPPE


*JAPPE ou JAPE, s. f. JAPEMENT, s. m. JAPER, v. n. [2e e muet aux 2 premiers, é fer. au 3e.] Jape, caquet. Il est bâs et populaire. "Cet homme, cette femme n' a que de la jape. = Japer, aboyer. Il se dit sur-tout du cri des petits chiens; et ainsi japement, action de japer. Voy. ABOYER. = Rousseau fait japer actif, mais c' est dans une épigramme en style marotique;
   Monsieur l' Abbé, vif comme un papillon,
   Jappe des vers, qu' il prit à la pipée.

JAQUEMARD


JAQUEMARD ou JAQUEMART, s. m. [Jakemar: 2e e muet. Richelet les met tous deux. L' Acad. ne met que le 2d.] Figure qui représente un homme armé, et qui frape avec un marteau les heures sur la cloche d' une Horloge. Madame de Sévigné dans ses lettres, parle du Jaquemart de Lambesc.

JAQUETTE


JAQUETTE, s. f. [Jakète: 2eè moy. 3e e muet.] 1°. Habillement de paysans et de gens de petite condition, qui vient jusqu' aux genoux, et souvent plus bâs. "Jaquette grise, brune, etc. = 2°. Robe que portent les petits garçons avant qu' on leur done le haut-de-chausse. "Il portait encôre la jaquette: il était encôre à la jaquette.

JARDIN


JARDIN, s. m. [Jar-dein.] Lieu où l' on cultive des légumes, des fleurs, des arbres, etc.Jardin potager, jardin fleuriste; jardin fruitier. = En style proverbial, jeter des pierres dans le jardin de quelqu' un, c' est lui faire des reproches indirectement, et par des maximes générales. _ En faire comme des choux de son jardin, en disposer absolument. _ Celui, qui a fait quelque ouvrage dit à celui, à qui il le présente, ce sont les fruits de mon jardin: "Voilà bien parler de la Bretagne: vous en serez peut-être ennuyée: mais cela est naturel: ce sont des fruits de notre jardin. SÉV.
   Rem. On dit ordinairement d' un endroit agréable, jardin de plaisance. L' Ab. Prévot a dit, dans le même sens: "Les Portugais firent de Madère, pays autrefois sauvage, un jardin de plaisir. H. des Voy. C' est un anglicisme.

JARDINAGE


JARDINAGE, s. m. JARDINER, v. n. JARDINET, s. m. JARDINIER, NIèRE, s. m. et f. [3e é fer. au 2d, è moy. au 3e, é fer. au 4e, è moy. et long au dernier, né, nè, nié, niè-re.] Jardinage est, 1°. L' art de cultiver les jardins. "Il entend bien le jardinage. = 2°. État d' un terrein cultivé en jardin. "Il y a autour de la ville plus de cent arpens en jardinage. "Il y a de beaux jardinages. = Jardinet, petit jardin. = Jardiner, travailler au jardin. "Il se plait, il s' amûse à jardiner. Il ne se dit que de ceux, qui le font par amùsement = Jardinier, ière, celui, celle, dont le métier est de travailler au jardin. "Je vous enverrai mon jardinier, ma jardinière. = Jardinier, se dit aussi de celui qui entend bien l' ordonance, la cultûre et l' embélissement des jardins. "C' est un habile jardinier. = Jardinière, manchette brodée, dont la broderie est fort basse, et d' environ un pouce de haut seulement.

JARGON


JARGON, s. m. JARGONER, v. n. et act. [3e é fer. au 2d.] Jargon, est 1°. Un langage corrompu. "Il parle bien mal: je n' entends point son jargon = 2°. Langage particulier d' une certaine sorte de gens. "Le jargon des Bohèmes, des petits-maîtres, des coquettes.
   Amour, amant, constance, engagement, tendresse,
   Plaintes, soupirs, sermens, feux, flâmes et Maitresse;
   Je ne suis pas si sot que d' écouter cela,
   Et me moque, morbleu, de tout ce jargon là.
       Destouches.
"Cet homme n' a point d' esprit, il n' a que du jargon. = 3°. Il se dit abusivement des langues étrangères qu' on n' entend pas. "J' étais avec trois Anglais: je n' entendais pas un mot de leur jargon = Jargoner, parler un langage barbâre, corrompu, inintelligible. "Ils jargonaient ensemble. = V. act. "Que jargone-t' il? "Ils jargonaient je ne sais quoi.
   Rem. On apèle quelquefois jargon un certain langage de société, où l' on emploie les mots dans des sens qu' ils n' ont pas comunément, et qui sont de convention parmi les persones, qui compôsent ces coteries. C' est bien le plus mauvais goût du monde; et c' est ainsi que le bel-esprit d' une coterie, est un sot dans une aûtre. Il y a beaucoup de jargon dans la capitale et les écrits modernes s' en ressentent. = L' Ab. Fontenai, parlant d' une Comédie-Proverbe, s' exprime ainsi: "Le style est dans le jargon des Petits-Maîtres et des Élégantes de nos jours, qui, si je puis me servir de ce terme, ont enclavé dans notre Langue un idiôme, qui leur est propre, auprès duquel celui des Précieuses Ridicules paraitroit naturel et sans affectation. Ce style est rempli de termes, devenus communs dans nos conversations, où l' on aplique aux idées, le moins relevées, des expressions ridiculement pompeuses. Rien de plus fréquent que d' entendre dire, en parlant de chôses vulgaires: c' est divin, c' est superbe, miraculeux. Ou bien, l' on entasse de longs adverbes comme énormément, effroyablement, cruellement, etc. On diroit que ces termes sont des points d' apui, sur lesquels on pôse avec la même prétention, que si ces mots, vides de sens, servoient d' envelope à l' idée la plus heureûse."

JâRRE


JâRRE, s. f. [Jâre: 1re lon. r forte, 2e e muet.] Grand vaisseau de terre où l' on met de l' eau pour la conserver. On s' en sert dans les vaisseaux. _ En Provence, on y met de l' huile. "Jârre d' huile. = Fontaine de terre cuite, dont on se sert dans les maisons. Ce sont des jârres où l' on a adapté au bâs un robinet.

JARRETIèRE


JARRETIèRE, s. f. [Pron. Jar-tiè-re. 2e è moy. et long. Quelques-uns écrivent jartière, comme on prononce. Mais on conserve jarretière à cause de Jarret, dont il est dérivé.] Ruban, courroie, ou tissu, dont on lie ses bâs au-dessus ou au-dessous du genou. "Une jarretière, des jarretières. = On dit familièrement, d' un homme qui a moins de mérite, de capacité qu' un aûtre, que: "Il ne lui va pas jusqu' à la jarretière. = Doner des jarretières, des coups de sangle sur les jambes.

JARS


JARS, s. m. Grosse oie mâle. = Le peuple dit: il entend le jars; il est fin, et il n' est pas aisé de lui en faire acroire.

JARTIèRE


JARTIèRE. Voy. JARRETIèRE.

JASER


JASER, v. neut. JâSERIE, s. fém. JASEUR, EûSE, s. m. et f. [Jazé, jâzerî-e, jazeur, jeû-ze: l' a est bref au 1er et au 3e, long au 2d; dans le verbe, il est long, par la même raison devant l' e muet: il jâse; elle jâsera, etc.] Jaser, c' est 1°. causer, babiller. "Il ne fait que jaser. = 2°. Révéler quelque chôse qu' on devait tenir secret. "Vous avez jasé. "Ce prisonier a jasé. Voy. CAUSER: en style proverbial, on dit causer, ou jaser. = Jaserie, babil, caquet. C' est un mot de Pomey. L' Académie l' a adopté. = Jaseur, causeur, babillard. "Un grand jaseur, une grande jaseûse.

JASMIN


JASMIN, s. m. [Jas-mein.] Il se dit, et d' une fleur odoriférante, et de l' arbuste qui la produit. "Cueillir du jasmin. Bouquet de jasmin. _ Berceau de jasmin. Fleurs de jasmin.

JASPE


JASPE, s. m. JASPER, v. act. JASPURE, s. fém. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d, lon. au 3e.] Jaspe, pierre dûre et opaque, de la nature de l' agate. Jaspe fleuri, de diférentes couleurs mélées. Jaspe sanguin, rempli de taches rouges. Jaspe blanc. Jaspe purpurin. = Jasper, bigarrer de diverses couleurs, en forme de jaspe. Il se dit sur-tout au participe. "Marbre bien jaspé; colonne jaspée. "La tranche de ce livre est bien jaspée. = Jaspûre, action de jasper, ou l' éfet de cette action. "La jaspûre d' un livre.

JATTE


JATTE ou JATE, s. f. JATTÉE, ou JATÉE, s. fém. [2e e muet au 1er, é fer. et long au 2d.] Jate, espèce de vâse de bois, de faïence, de porcelaine, rond, tout d' une pièce, et sans rebords. Acad. "Grande, petite jatte. _ Jattée, plein une jatte: "Une grande jattée de soupe. "Une jattée de lait.

JAVELER


JAVELER, v. act. JAVELEUR, s. masc. JAVELLE, s. fém. [2e. e muet aux deux premiers, è moyen dans le 3e: dans le v. l' e muet devant la syll. fém. se change en è moy. "Il javelle ou javèle; il javellera ou javèlera.] Javelle se dit de plusieurs poignées de blé scié, qui demeurent couchées sur le sillon. Javeler, c' est mettre le blé par javelles. Javeleur, celui qui javelle. Amasser les javelles. "Javeler des bleds, des avoines. "Il y avoit tant de Javeleurs dans ce champ. = Javelle se dit aussi des petits faisceaux de sarment. "Mettre une javelle au feu. Javeler se dit aussi neutralement. "Le blé javelle. "Il faut laisser javeler cette avoine.

JAVELINE


JAVELINE, s. fém. JAVELOT, s. masc. [2e e muet.] Ils se disent l' un et l' autre, d' une arme de trait; d' un dard. Javeline est un petit javelot. "Lancer, darder un javelot, une javeline. Ces armes ne sont plus d' usage, et l' on ne se sert de ces mots qu' en parlant des guerres anciènes.

JAUGE


JAUGE, subst. fém. JAUGEAGE, s. masc. JAUGER, v. act. JAUGEUR, subst. masc. [Jôge, jojaje, jogé, geur: 1re lon. au 1er. dout. aux deux dern.] Jauge se dit de la juste mesûre d' un vaisseau destiné à contenir des liqueurs ou des grains. Jauger, c' est mesurer ces sortes de vaisseaux. Jaugeage, l' action de jauger; et aussi le droit que prend le Jaugeur, l' Oficier qui jauge. = Quelques-uns disent jauger au figuré. "Je l' ai jaugé: je sais ce qu' il tient.

JAUNâTRE


JAUNâTRE, adj. JAûNE, adj. JAUNIR, v. act. et neut. JAUNISSE, s. fém. [Jonâ--tre, jône, ni, nice: l' au ou l' o est long dans le 2d; dout. dans le 3e; la 2e est long. au 1er.] Jaûne, qui est de couleur d' or, de citron, de safran, etc. suivant les nuances. "Drap, fleur, couleur, teint jaûne. "Cela est jaûne comme du safran. "Jaûne comme un coing, comme souci, comme safran; en parlant d' une persone, qui a le teint jaûne. = S. m. "C' est du jaûne; un beau jaûne. = Jaûne d' oeuf, ou moyen: Cette partie de l' oeuf qui est jaûne.
   JAUNâTRE, qui tire sur le jaûne. = Jaunir, rendre jaûne; teindre en jaûne. _ Devenir jaûne. "Jaûnir une toile, un plancher. "Les blés jaunissent. "Cet homme jaunit à vûe d' oeil. = Jaunisse: maladie causée par une bile répandue, qui jaunit la peau. "Elle a la jaunisse.
   JAUNISSANT, ANTE, adj. Qui jaunit. "Les blés jaunissans, la moisson jaunissante. Il ne se dit que dans la Poésie et la prôse poétique. L' Acad. ne le met pas.

JE


JE, pron. pers. de la première persone, dont nous est le plur. Il fait aux câs obliques, de moi, à moi: me s' emploie quelque--fois pour le datif: il me l' a doné; et pour l' acusatif: il me choisira. Me se met toujours avant, et moi après le verbe. "Il me donait: donez-moi. = Quelquefois je se met aprês le verbe: alors, si le verbe est au présent, terminé par un e muet, cet e muet se change en é fer. "Aimé-je, et non pas aime-je. Plusieurs ignorent cette règle, et conservent l' e muet dans l' ortographe et la prononciation. D' aûtres, prononçant l' é fermé, changent, en écrivant, cet e muet en ai. Dussai-je y perdre la vie. Let. Édif. "Puissai-je leur fournir, etc. Moreau. Et dans Boil. édit. de St. Marc, et de Brossette.
   Mais, où~ cherchai-je ailleurs ce qu' on trouve chez nous.
       Épitre I, vers. 16.
Le P. Griffet fait habituellement cette faûte. _ Il faut, dussé-je; puissé-je; cherché-je.

JÉRÉMIADE


JÉRÉMIADE, s. f. [1re et 2e é fer.] Plainte fréquente et importune. styl. famil. Allusion aux lamentations de Jérémie. "C' est une jérémiade continuelle.

JET


JET, s. m. JETÉE, s. f. JETER, v. act. JETON, s. m. [1re è moy. au 1er, e muet aux trois aûtres: 2e é fer. au 2d et au 3e. Le plus grand nombre des Auteurs et des Imprimeurs écrivent jetter, jettée; ce qui est contraire à la prononciation. Devant la syll. masc. l' e est muet, jetant, jeté, nous jetons, je jetais, etc. Devant la syll. fém. l' e est moyen: je jette, ou je jète; il jettera, ou jètera, etc.] Jet a plusieurs sens: Jet de pierre; autant d' espace que peut parcourir une pierre qu' un homme jette de toute sa force. "Vous n' en êtes éloigné que d' un jet de pierre. = Jet, ou coup de filet: "Acheter le jet du filet, tout le poisson qu' on prendra par le coup de filet qu' on va jeter. = Jet de lumière, rayon de lumière qui parait subitement. Jet d' eau, eau qui jaillit hors d' un tuyau. = Jet d' abeilles, nouvel essaim qui sort de la ruche. = Jet, calcul qui se fait par les jetons: Calculer au jet et à la plume. = Jet de marchandises se dit à la mer, quand on est forcé, pour alléger le vaisseau, de jeter une partie des marchandises. = Jets, scions que poussent les arbres. "Cet arbre a fait de beaux jets cette année. = En Peintûre, le jet d' une draperie, la manière plus ou moins naturelle, dont les plis d' une draperie sont rendus dans un tableau. En termes de Fonderie, figûre d' un seul jet, qui a été fondûe tout à la fois. = Canne d' un seul jet, qui n' a point de noeuds. Un jet, une canne; un beau jet; un jet bien droit, etc.
   JETÉE; amâs de pierres et d' autres matériaux, pour servir à rompre l' impétuosité des vagues. "Faire une jetée = C' est aussi un amâs de pierres, sâbles, cailloux jetés le long d' un chemin, pour le réparer.
   JETER: 1°. Lancer avec la main, ou avec quelque instrument, comme fronde, etc. "Jeter des pierres, des javelots, des grenades, etc. "Jeter de l' eau, des hardes par la fenêtre, etc. = Se jeter, se lancer. "Se jeter dans le péril; se jeter au cou de quelqu' un; se jeter sur l' énemi, etc. = Fig. jeter un coup d' oeil, ou les yeux sur... Jeter des larmes; pleurer; jeter un cri, ou des cris, crier; jeter un soupir, ou des soupirs, soupirer. = 2°. Jeter, mettre: "Cela jette de l' obscurité dans la phrâse. "Cela vous a jeté dans de grands embarras. = 3°. Produire, en parlant des arbres et des plantes: "Cette vigne a jeté bien du bois. "Cet arbre a jeté bien des scions. _ V. neut. "Les arbres commencent à jeter. "La vigne ne jette point encôre. = 4°. Jaillir. "Cette fontaine jette tant de pieds d' eau. = Par extension, sa plaie comence à jeter: Ces ulcères jettent beaucoup. = 5°. Faire couler du métal fondu dans quelque moule, pour en tirer une figûre. "Jeter en sâble, en moule. Jeter une figûre en bronze, etc.
   JETON, pièce ordinairement ronde et plate, et de métal, dont on se sert pour calculer, et plus souvent encôre pour marquer et payer au jeu. "Jetons de cuivre, d' argent, d' or d' ivoire. "Bourse de jetons.

JEU


JEU, s. m. [Monos. dout. au sing. long. au plur. Jeux.] 1°. En général, divertissement, récréation. "Jeu inocent. Jeu d' enfant. Jouer à de petits jeux, etc. _ Par jeu, adv. en badinant, sans malice. "Il a fait; il a dit cela par jeu. _ Prendre quelque chôse en jeu, en plaisanterie. Cela passe le jeu, est plus fort que jeu, pâsse la râillerie. = Ce n' est qu' un jeu pour lui: il le fait facilement et sans peine. _ "Il joûe un jeu à se perdre; il joûe grôs jeu: il s' expôse beaucoup, et ce qu' il entreprend peut avoir des suites fâcheûses. = 2°. Jeu se prend particulièrement pour un exercice de récréation, soumis à des règles. Jeu de cartes, jeu de hazard, que plusieurs apèlent mal-à-propôs, jeu de reste: "Jeu de comerce. "Aimer le jeu. "Être âpre, ardent, ataché au jeu. = Ce que l' on met au jeu. "Jouer grôs jeu, petit jeu. = 3°. Lieu où l' on joûe à certains jeux. "Jeu de paume, de boule, de mail, etc. = Les instrumens de certains jeux. "Jeu d' échecs, de quilles, de cartes, etc. "Un jeu entier, ou complet. "Un jeu neuf, ou vieux. = 5°. Manière dont on touche les instrumens de musique. "Avoir le jeu beau, brillant, tendre, délicat. = 6°. Manière dont un Comédien représente. "Avoir le jeu touchant, pathétique. = 7°. Exercice et façon de manier les armes. "Le jeu de la hallebarde, de la pique, de l' espadon. = 8°. En parlant de certaines chôses d' arts; aisance, facilité. "Doner du jeu à... "Ce balancier n' a pas assez de jeu. = 9°. Jeux, spectâcles publics des Anciens. "Jeux solemnes, jeux séculaires, etc. "Le Peuple à Rome ne demandoit que du pain et des jeux, panem et circenses. = En Poésie, on dit, les jeux et les ris; les jeux et les plaisirs, etc.
   JEU-JOUÉ, s. m. Chôse faite à dessein, et par un artifice grossier. "Vous voyez bien, M. le Marquis, que tout ceci n' est qu' un jeu-joué. Tart. Épist. = Jeu de mots: allusion fondée sur quelque vraisemblance dans les mots. Il y en a un célèbre exemple dans le Misanthrope de Molière. Philinte louant la chûte du sonnet d' Oronte, le Misanthrope indigné, lui dit:
   La peste de ta chûte, empoisoneur au diable:
   En eusses-tu fait une à te casser le nez.
On dit aujourd' hui Calembour: on a dit autrefois quolibet. Mais celui-ci ne se dit guère plus en ce sens; celui-là ne se dira peut-être pas long-tems; et jeu de mots se dira probablement toujours. = Jeu d' esprit, production qui a plus de gentillesse que de solidité, comme les anagrammes, les énigmes, les bouts-rimés.
   JEU entre dans beaucoup d' expressions, presque toutes du style familier. _ Faire beau jeu à quelqu' un; lui doner de grandes facilités. Gresset dit, Faire un beau jeu. Dans le Méchant, Lisette dit à Florise, en parlant de Cléon.
   Il faudra que sur vous, dans tout cet entretien,
   Je dise un peu de mal, dont je ne pense rien,
   Pour lui faire un beau jeu.
   Faire bone mine à mauvais jeu; faire semblant d' être content, quoiqu' on n' en ait pas sujet. _ Savoir bien couvrir, bien cacher son jeu; c' est-à-dire, ses desseins. _ Si on le fâche, on verra beau jeu; il s' en vengera.
   Je l' empêcherai bien, et nous verrons beau jeu.
       Destouches.
_ Doner beau jeu à quelqu' un; lui procurer une ocasion favorable. _ Jouer à jeu sûr; être assuré de réussir. _ Jouer bien son jeu, savoir bien dissimuler. "Un homme ou un Ministre qui joue bien son jeu, c' est un Ministre qui va adroitement à ses fins. Marin. _ Se faire un jeu de, avec les noms et les verbes. "Il se fait un jeu de ma foiblesse, de m' alarmer _ Mettre en jeu; citer, intéresser, compromettre. _ Être piqué au jeu; être fortement piqué. "Vous êtes piqué au jeu, mais il faut vous modérer. P. Daniel. _ C' est le droit du jeu; c' est avec raison; c' est bien le câs: "Si vous eussiez pu venir cet hiver, avec Mr. de Grignan, c' étoit bien le droit du jeu, que vous eussiez fini entièrement cette afaire. = Être à deux de jeu, (et non pas à droit de jeu, comme disent certains) être à égalité. _ À~ beau jeu, beau retour; rendre la pareille. _ Je ne sais à quel jeu j' ai perdu cet homme là, pourquoi il me boude, pourquoi je ne le vois plus. Voy. Argent, Chandelle, Enfant, Épingle.
   D' entrée de jeu, adv. Dabord, en començant. "Il est indispensable de ne pas, d' entrée de jeu, soulever les partisans de... Anon. Cet adverbe est mal placé dans cette phrâse. Il falait dire, de ne pas soulever d' entrée de jeu. L' Auteur a voulu raprocher soulever du régime. "In vitium ducit culp‘ fuga. _ On évite un défaut: on tombe dans un autre.

JEUDI


JEUDI, s. m. Le 5e jour de la semaine. _ Le Jeudi grâs, celui qui précède le Dimanche grâs _ Le Jeudi-Saint, le Jeudi de la semaine sainte. Boileau dit dans le Lutrin:
   Prenez du Saint Jeudi la bruyante cresselle.
Sur ce vers, M. de Saint Marc a fait une assez longue remarque. Elle se réduit à dire que deux mots unis en notre langue ne forment qu' un seul mot, dont les parties doivent garder entr' elles l' ordre que l' usage leur a prescrit. Il est certain qu' on ne peut dire, père-beau, pour beau-père, ni grâs-jeudi, pour jeudi-grâs; mais Saint-Jeudi ne choque pas tant: et quoiqu' en dise Mr. de St. Marc, il est plus élégant et plus poétique que Jeudi-Saint, qui est un peu trivial pour la haute poésie. "Je pense comme M. de St. Marc. Marin.

JEUN


JEUN (à), adv. JEûNE, s. m. JEûNER, v. n. JEûNEUR, EûSE, s. m. et f. [1re long. excepté au 1er où elle est dout. 2e e muet au 2d; é fer. au 3e, lon. au dernier.] Être à jeun; c' est n' avoir pas mangé de la journée. = Jeûne, abstinence de viande, et retranchement d' une partie de la nourritûre. "Le jeûne étoit plus rude autrefois, où l' on ne mangeait qu' une seule fois dans la journée, après le Soleil couché. "Le jeûne est plus rigoureux dans l' Orient que dans l' Ocident. "Le Jeûne est de précepte éclésiastique. = Jeûner, observer des jeûnes. "Il a jeûné tout le carême: Il jeûne tous les samedis. = Faire jeûner, retrancher une partie de la nourritûre; doner peu à manger. "Il est trop replet: il faut le faire jeûner. "Cet avâre fait jeûner ses domestiques. = Jeûneur, qui jeûne beaucoup et souvent. C' est un grand jeûneur, une grande jeûneûse: Les Orientaux sont de grands jeûneurs.

JEUNE


JEUNE, adj. JEUNEMENT, adv. JEUNESSE, s. f. JEUNET, ETTE, adj. [Ils difèrent des précédens, en ce que l' eu n' y est pas long, et ne porte pas par conséquent d' accent circonflexe: 2e e muet aux deux premiers, è moyen aux trois derniers: ne, neman, nèce, nè, nète.] Jeune, est 1°. en parlant des persones, qui n' est guère avancé en âge. "Un jeune enfant, un jeune garçon, un jeune homme. "Une jeune fille, une jeune persone, une jeune femme. = Qui a encôre quelque chôse de la vigueur et de l' agrément de la jeunesse: il ne vieillit point: il est toujours jeune. "Avoir la voix, l' esprit, l' humeur jeune; le goût encôre jeune. = Étourdi, évaporé. "Il est bien jeune: il sera long-tems jeune. = Jeune se dit quelquefois pour cadet. "Un tel, le jeune. _ Il se dit aussi pour distinguer deux persones de la même profession, et qui ont le même nom. = 2°. En parlant des animaux, il se dit par raport à l' âge, qu' ils ont acoutumé de vivre. "Un jeune chat, un jeune chien, un jeune coq, etc. = 3°. On le dit de même des arbres et des plantes. "Un jeune chêne: un jeune plant: une jeune vigne.
   JEUNEMENT, est un terme de chasse. Nouvellement. "Un cerf de dix cors jeunement. _ Ce mot n' est point usité dans le langage comun. On ne dit point: il parle, il se conduit jeunement.
   JEUNESSE; cette partie de l' âge de l' homme, qui est entre l' enfance et l' âge viril. "Dans sa première, dans sa verte jeunesse. "Jeunesse est forte à passer; dans la jeunesse on a bien de la peine à modérer ses passions. = Jeunesse, les enfans, les jeunes gens. "Enseigner, élever, corriger la jeunesse: "Il ne faut pas doner tant de liberté à la jeunesse _ "Toute la jeunesse de la Ville étoit à cette fête. * Le Peuple à Paris, et dans plusieurs Provinces, dit, une jeunesse, pour, une jeune fille. "Une jeunesse, comme vous, vendre comme ça toutes ses nipes, et en cachette, ça sonne mal. Th. d' Éduc. "Mde Dupré n' aime pas que des jeunesses comme nous, sortent souvent. Ibid. = Jeunesse se dit quelquefois des folies des jeunes gens. "C' est une jeunesse bien pardonable. "Il a fait bien des jeunesses.
   JEUNET, extrêmement jeune. st. famil. "Il est tout jeunet; elle est bien jeunette, toute jeunette.
   Fille connoy, qui ne sont pas jeunettes,
   À~ qui cette eau de jouvence viendroit
   Fort à propos.
   Rem. 1°. Quand jeune est précédé de l' article, il a des sens diférens, suivant qu' il est placé devant ou après le substantif. Le jeune Scipion signifierait que Scipion n' était pas âgé: Scipion le jeune se dit pour le distinguer de l' ancien. Vertot n' a pas fait cette distinction. "Il s' étoit signalé à la guerre de Numance, sous les ordres du jeune Scipion. Révol. Rom. Il falait là, de Scipion le jeune.
   2°. Quand il est seul, il se met toujours devant le substantif: jeune Médecin, et non pas un Médecin jeune. Joint à un adverbe de comparaison, comme très, fort, bien, etc. il se met avant ou après. "C' est un fort jeune, un très-jeune Avocat, ou un Avocat très-jeune, fort jeune, etc.
   3°. L' Ab. Prévot fait de jeune un subst. pour signifier les petits des animaux. "On assure que les femelles (des chameaux) portent leurs jeunes une année presque entière. Jeunes, en ce sens, est un barbarisme. On dit, leurs petits. _ D' autres Auteurs se sont servi de jeunes en ce sens.
   4°. On dit, jeune homme au singulier, et jeunes gens au pluriel, plutôt que jeûnes hommes. Voy. HOMME et GENS. _ Au reste, on doit dire, des jeunes gens, et non pas de jeunes gens, comme on dit, des petits-maîtres, et non pas de petits-maîtres. "Je ne puis l' empêcher de vivre avec des jeunes gens de son âge. Th. d' Éduc. = * Jeune homme, pour, garçon: "Il est encor jeune homme, il n' est pas encor marié. C' est un vieux jeune homme, un jeune homme de cinquante ans. "Il y avoit dans cette assemblée, un jeune homme et trois hommes mariés: ce sont autant de gasconismes.
   5°. Jeunesse et jeunet ne se disent que des persones. On dit un jeune chien, un jeune arbre; et on ne dit pas, la jeunesse d' un chien, d' un arbre, ni, ce chien, cet arbre est jeunet. Le diminutif pourrait plutôt se dire des animaux, dans le style badin, dans une fâble, par exemple: mais on ne le dirait pas des plantes.

JOAILLERIE


JOAILLERIE, s. f. JOAILLIER, IèRE, s. m. et f. [Joâ-glie-ri-e, glié, è-re: mouillez les l: 2ee m. au 1er, é fer. au 2d, è moy. et long au dern. _ Richelet écrit Joalier, et renvoie à Joualier. L' ancien Trév. et le Dict. Gram. écrivent Jouaillerie, Jouaillier.] Joaillier, ouvrier qui travaille en joyaux, ou qui les vend. Joaillerie, art, métier ou comerce de Joaillier.

JOCRISSE


JOCRISSE, JODELET, s. m. [Jokrice, jodelè.] Termes de mépris. Le premier, se dit d' un benèt qui se laisse gouverner, et qui s' ocupe des plus bâs soins du ménage. Le second, d' un homme qui fait rire par ses sotises et ses folâtreries.

JOIE


JOIE, s. f. [Joâ, monos. long. C' est ainsi qu' il faut écrire, et non pas joye, avec un y, qui ferait prononcer joa-ie. Le P. Follard écrit joïe, qui est encôre plus mauvais. Car, avec cette ortographe, il faudrait prononcer jo-ïe.] Mouvement vif et agréable, que l' âme ressent dans la possession d' un bien effectif ou imaginaire. Acad. Satisfaction, contentement, émotion de l' âme causée par le plaisir, ou par la possession de quelque bien. Trév. Satisfaction que l' on ressent en soi, et qu' on témoigne souvent au dehors. Rich. Port. "Grande joie: joie excessive, immodérée, extraordinaire, etc. = Joie, gaieté (synon.) L' une est dans le coeur; l' aûtre dans les manières. Celle-là consiste dans un doux sentiment de l' âme; celle-ci dans une agréable situation d' esprit. Gir. Synon. On peut ajouter que la joie est un sentiment plus profond, qui a une caûse réelle, et tient davantage de la réflexion; et que la gaîté vient plus du tempérament et des circonstances, qu' elle pâsse plus vîte, et a plus de vicissitudes. Tel a de la gaîté, qui n' a pas de la joie. = Voyez CONTENTEMENT. = On dit, avoir de la joie à, et avoir la joie, ou se faire une joie de, avec l' infinitif. "J' ai bien de la joie à vous voir. "Je n' ai pas eu la joie de le voir. "Je me fais une joie de vous voir. * Racine a mis pour le dernier la prép. à, au lieu de la prép. de.
   Le Ciel s' est fait, sans doute, une joie inhumaine,
   À~ rassembler sur moi tous les traits de sa haine.
       Iphigénie.
C' est une faute que ce grand Poète pouvoit éviter, sans rien changer à la mesure du vers. D' Olivet. = Il dit dans sa Bérénice:
   Ne l' entendez-vous pas cette cruelle joie?
On entend les cris de joie; mais entendre la joie est une métaphôre forcée, ou une ellipse un peu forte, même en vers. = Fénélon dit, faire la joie, pour faire le bonheur de: "C' est ainsi que vous devez régner, et faire la joie de vos peuples. = On dit, à notre grand contentement, à notre grande satisfaction. Le Traduct. du Voyage d' Anson dit, dans le même sens, à notre grande joie. "Nous nous trouvâmes, à notre grande joie, réunis avec nos compagnons. "Il arriva à la rade de Spithéad, à la joie inexprimable de tout l' Êquipage. = Cela a tout l' air d' un anglicisme. = Ne pas se sentir de joie, est du style familier.
   À~ ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie,
       La Font.
* Par joie, adv. Pour se divertir. L' expression est vieille ou barbâre. "On s' acuse d' avoir dit, par joie des paroles inutiles. Et quelles sont ces paroles? équivoques, railleries immodestes, licencieuses, etc. La Rue. _ L' Acad. ne met pas par joie, et il ne se dit point. = On dit familièrement, s' en doner à coeur joie, se rassasier. "Il est à la joie, ou dans la joie de son coeur, il est transporté de joie. = Feux de joie, feux qu' on allume dans les réjouissances publiques. "On fit des feux de joie pour la naissance de ce Prince. = Fille de joie, fille prostituée. On dit aussi, fille tout seul. Voyez FILLE.

JOIGNANT


JOIGNANT, ANTE, adj. JOINDRE, v. act. [Joag-nan, mouillez le g, nante; joein--dre: 1re lon. 2e e muet.] Joindre est 1°. aprocher deux chôses l' une contre l' aûtre, en sorte qu' elles se tiènent. "Joindre deux ais avec des chevilles. = V. n. "Ces ais ne joignent pas bien. "Cette porte, cette fenêtre ne joint pas, etc. = 2°. Ajouter à... Joindre une maison à la siène. "Il a joint ces deux jardins. "Joignez vos prières aux miènes. = 3°. Unir allier, joindre la prudence et la valeur, ou, à la valeur, ou, avec la valeur. _ Voyez Union, unir. _ 4°. Se joindre, s' unir: "Il se joignit au parti contraire. "Ils se sont joints ensemble. = Se rencontrer, se trouver. "Ils se joignirent en tel endroit. _ On dit, dans un sens aprochant, joindre un homme, l' aprocher de si près qu' on lui puisse parler. "Il m' évite avec soin; mais si je puis le joindre, je lui parlerai comme il faut. = Au passif, il régit par, et non pas de. "Ils se rendirent au Palais, après avoir été joints de (par) quelques persones de confiance. Anon.

JOIGNANT


JOIGNANT, adj. Qui est si proche qu' il joint. "Une maison joignant à la miène. "Les maisons joignantes. = Joignant, prépos. Tout proche. Il régit l' acusatif. "Maison joignant l' hôtel de... l' Église de... _ Trév. met en exemple: "Il a acheté deux héritages qui sont joignans son château. Avec le régime directe (l' acusatif) il faut se servir de la prép. joignant, qui est indéclinable.

JOINT


JOINT, JOINTE, part. et adj. "Des ais bien joints. "À~ mains jointes; à pieds joints. * Mme. de Sévigné dit, à joints pieds. "Vous avez passé à joints pieds sur toutes les misères des jeunes persones. = Joint ne se dit point des persones. "Soyez joints, mes enfans, dit La Fontaine, pour dire, soyez unis. On ne le dirait point aujourd' hui, même dans une Fâble. = On lit aussi dans le Dict. de Trév. "Les Troupes Allemandes ne sont jamais jointes que bien avant dans la campagne. Rassemblées était là le vrai mot. _ L' Acad. dit bien: deux Armées jointes; mais c' est dans un aûtre sens: on sous-entend, ensemble~.

JOINT


JOINT, s. m. et conjonct. JOINTÉ, ÉE, adj. JOINTÉE, JOINTûRE, s. f. [Joein, monos. long. Joein-té, té-e, té-e, tûre; 1re lon. 2e é fer. au 2d, 3e et 4e lon. au dern.] Joint, articulation, endroit où deux ôs se joignent. "Le joint de l' épaule. "Vous ne pouvez couper cette volâille; vous avez manqué le joint. = Il se dit aussi des pierres, des pièces de menuiserie, etc. "Remplir les joints des pierres. "Ces ouvrages sont si bien travaillés, qu' on n' en voit point les joints. = Joint que, anciène conjonction. Ajoutez que, outre que. Bossuet, Boileau et Fleury s' en sont servi. "Joint que mépriser les Puissances, soutenues par la majesté de la Religion, étoit encôre un moyen d' affoiblir les aûtres. Boss. "Joint que la correction que j' y avois mise sembloit me mettre à couvert d' une faute, etc. Boil. "Joint que les Israélites vivoient simplement. Fleury. = On ne s' en sert plus qu' au Palais. _ Il est vieux. Acad. On dit encôre, dans le style fam. Joint à cela que, etc.
   JOINTÉ se dit d' un cheval, dans ces phrâses: cheval court jointé, qui a le pâturon trop court et disproportioné; long jointé, qui a cette partie trop longue. = Jointée; autant que les deux mains jointes ensemble peuvent en contenir. "Une jointée d' orge, d' avoine. = Jointûre, joint. "Il a des douleurs dans les jointûres. "Au-dessus~ de la jointûre. = On ne le dit que du corps humain: pour les animaux, on dit joint. = Aurait-on imaginé que ce mot pût être employé au figuré? Cependant M. de la Rochefoucault l' y a employé fort joliment. "Le Maréchal de Bellefond a gâté cette affaire. M. de L. R. F. dit que, c' est qu' il n' a point de jointûres dans l' esprit. Sév.

JOLI


JOLI, IE, adj. JOLIET, ETTE, adj. JOLIMENT, adv. JOLIVETÉS, s. f. plur. [2e lon au 2d et au dern. 3e e muet au 2d et au dern. è moy. au 3e et au 4e; li, lî-e, li-è, ète, liman, lîveté.] Joli, gentil, agréable. "Un joli enfant, une jolie persone. "Un joli cheval; de jolies chôses. "Il a l' esprit joli. "Il a quelque chôse de joli dans l' esprit. = Joli, de soi, est oposé à grand; c' est pourquoi l' on dit de ce qui a un caractère de grandeur: cela passe le joli Et Boileau fait dire à son Campagnard, pour le rendre ridicule.
   À~ mon gré le Corneille est joli quelquefois.
Le Poète Regnier prête à son Pédant le même mauvais goût. Il lui fait dire:
   Que Pline est inégal, Térence un peu joli.
   On opôse quelquefois joli à beau. "Elle n' est pas belle, mais elle est jolie. = Suivant le P. Bouhours, elle est jolie, signifie, elle a un air agréable. "C' est une jolie femme, c. à. d. elle a un vrai mérite, et toute sorte de bones qualités. Il ajoute qu' on ne dit pas: c' est un joli homme dans le sens qu' on dit, c' est une jolie femme; et que l' un est une râillerie, et l' aûtre une louange. _ L' Acad. au contraire dit le 1er, et ne dit pas le 2d. = Joli se dit quelquefois ironiquement. "Vous voilà joli garçon; vous vous êtes fait joli garçon, dit-on à quelqu' un qui s' est ennivré, qui a été batu, qui a dissipé son bien, etc.
   REM. Joli, précède ordinairement le substantif; mais joint aux adverbes de quantité, il peut marcher devant ou après. "Joli homme, jolie femme; c' est une fort jolie persone, ou une persone fort jolie.
   JOLIET, diminutif de Joli. "Elle est joliette. _ Il n' a d' usage qu' au fém. et dans le discours familier. = Joliment, d' une manière jolie. "Il danse, il écrit joliment. "Il est joliment vétu. = Jolivetés: 1°. Petits bijous, babioles. 2°. Gentillesses d' enfans. Trév. le met sans remarque. L' Acad. dit qu' il est vieux au 2d sens.

JONC


JONC, s. m. [Jon, et devant une voyelle, jonk.] 1°. Plante, qui croît le long des eaux et dans les endroits marécageux. "Jonc de marais. Balais, nattes de jonc. "Il, ou elle est droite comme un jonc. st. famil. = 2°. Bague, dont le cercle est égal par tout. "Jonc d' argent, de diamans, de rubis, etc.

JONCHÉE


JONCHÉE, s. f. JONCHER, v. act. [1re lon. 2e é fer. long au 1er.] Joncher, suivant l' étymologie, c' est parsemer de joncs, mais on le dit aussi des fleurs, des branchages. Jonchée, ce dont on jonche. "Toutes les rûes étaient jonchées de fleurs, d' herbes odoriférantes. "Jeter de la jonchée. "Faire une jonchée d' herbes et de fleurs. = On dit figurément, joncher (couvrir) la campagne de morts. = M. l' Ab. d' Olivet avait critiqué ce vers de Racine.
   Et de sang et de mort, vos campagnes jonchées.
M. Racine le Fils convient qu' on ne dit point des campagnes jonchées de sang. Il ajoute qu' il n' y aurait rien à critiquer, si le Poète eût dit:
   Vous les verriez plantés jusque sur vos tranchées;
   Et vous verriez de morts vos campagnes jonchées.
Mais qu' il a choisi l' autre manière comme plus poétique. = On ne peut que louer les efforts qu' a faits M. Racine pour prouver que son Père n' a pas eu tort. Il nous sufit que la Remarque soit juste.

JONQUILLE


JONQUILLE, s. f. [Jonki-glie: 1re lon. mouillez les ll.] Sorte de fleur jaûne et odoriférante.

JOUâILLER


JOUâILLER, v. n. [Jou-â-glié: 2e lon. 3e é fer. mouillez les ll.] Jouer à petit jeu, et seulement pour s' amuser. "Il ne fait que jouâiller. St. famil.

JOûE


JOûE, s. f. [1re lon. 2ee très-muet.] La partie du visage de l' homme, qui s' étend depuis les tempes et le dessous des yeux jusqu' au menton. "Joûe droite: joûe gauche. "Avoir les joûes enflées, creûses, vermeilles, etc. = On dit, proverbialement, s' en doner par les joûes, manger son bien en débauches. Voy. COUCHER.

JOUER


JOUER, v. n. et act. JOUET, s. m. JOUEUR, EûSE, s. m. et f. [Jou-é, jou-è; jou-eur, eû-ze: 2e é fer. au 1er, è moy. au 2d, lon. au dern.] Au futur, Jouer n' a que deux syllabes: je jouerai, il joueroit. Pron. joûré, joûrè:
   Quelques arbres épars joueront dans les clarières.
       De Lille: Jardins.
  Savent si bien leur rôle, et joûront si bien
  Qu' à cette Comédie il ne manquera rien.
       Destouches.
Jouer, 1°. Se récréer, se divertir. Il se dit ou sans régime. "Ces enfans joûent ensemble; ils joûent l' un avec l' aûtre; ou avec le pron. pers. "Cet enfant se joûe avec tout ce qu' on lui done. = 2°. Se jouer a plusieurs sens: se jouer de quelque chôse, ou, la faire en se jouant, sans peine et avec facilité. = Se jouer de... mépriser. "Se jouer de la Religion, des Lois. _ Se moquer: Les Dieux se jouent des desseins des Hommes. Télém. "La fortune se joûe des ambitieux; il se joûe de vous. _ Se jouer dans, badiner, folâtrer. "La douce haleine des Zéphirs, qui semblaient se jouer dans les rameaux des arbres. _ Se jouer à avec l' infinitif; s' exposer à... "Vous vous jouez à vous casser le cou. _ S' amuser à... * La Bruyère dit, mais mal, se jouer de: "Celui, qui a fait les arbres, et qui se joûe de (à) les faire mouvoir. = 3°. Jouer, actif; tromper: "On le joûe (le Prince) à force de le respecter. Massill: "J' aurai l' air d' être joué, et je le serai peut-être en effet. Marm. _ Râiller, rendre ridicule. "Molière a joué les Marquis, les Précieuses ridicules, etc. _ Contrefaire. "Jouer l' homme de bien pour parvenir. Massill. _ Jouer la Comédie; feindre ce qu' on ne sent pas. _ Jouer son jeu, agir conformément à ses intérêts. Voy. JEU, etc. = 4°. Jouer, neutre, avec la prép. à; se divertir à des jeux, qui ont leurs règles. "Jouer aux Échecs, au trictrac, au piquet, etc. _ Avec la prép. de: "Jouer du violon, de la basse, du haut-bois. _ Et avec le régime direct (l' acusatif) jouer un menuet: jouer un air sur le violon, etc. Pour la trompette, on dit, plus correctement, sonner que jouer. = 5°. En parlant des chôses d' arts, avoir l' aisance et la faculté du moûvement. "Ce ressort joûe bien. "Cette serrûre ne joûe pas bien. _ Faire jouer le canon, une mine. _ Faire jouer les eaux. "Les eaux jouèrent tout le jour; on les avait lâchées, elles coulaient ou jaillissaient.
   On dit, en style proverbial et familier, jouer de malheur, avoir du guignon; être malheureux au jeu, et par extension à toute aûtre chôse. _ Se jouer à son maître, ataquer un plus puissant que soi. _ Jouer les deux; tromper les deux partis. _ Jouer au plus sûr, prendre le parti où il y a le moins de risque. _ Jouer du pouce, doner de l' argent. _ Jouer de son reste, faire les derniers efforts.
   JOUET, au propre, ce que l' on done aux enfans pour les amuser, dont ils se joûent. "Acheter des jouets à un enfant: "Cela lui sert de jouet. = Chôses, dont les animaux se joûent. "Tout sert de jouet à un jeune chat, à un jeune chien. = Fig. "Le vaisseau devient alors le jouet des vents et des flots. "Il est le jouet de la fortune, de ses passions. "On se moquait de mon inocence: ma retenûe et ma pudeur servaient de jouet à ces peuples effrontés. Télém.
   Misérables jouets de notre vanité.
       Boileau.
  Triste jouet d' un sort impitoyable.
      Racine.
  JOUEUR, EûSE, celui qui joûe à quelque jeu. "Joueur de paume, de boule. Bon ou mauvais joueur. "La Salle était remplie de joueurs et de joueûses. = Qui a la passion du jeu, qui fait métier de jouer. "C' est un joueur, une joueûse. = Beau joueur, qui a des procédés honêtes au jeu, soit qu' il gâgne ou qu' il perde; qui n' est ni insolent dans le gain, ni inquiet dans la perte. Mauvais ou vilain joueur est tout le contraire. = Joueur d' instrument. "Un bon joueur de violon. "Une bone joueûse de Harpe. = Joueur de gobelets, escamoteur.

JOUFFLU


JOUFFLU, ou JOUFLU, ÛE, adj. Qui a de grosses joûes. "Il, ou elle, est trop jouflu, ou jouflûe. _ Subst. "Grôs jouflu, grôsse jouflûe.

JOUG


JOUG, s. m. [Monos. Faites soner légèrement le g final, même devant une consone.] Au propre, pièce de bois, traversant par--dessus la tête des boeufs, et avec laquelle ils sont atelés pour tirer ou pour labourer. "Mettre les boeufs au joug: les ôter du joug. = Fig. Servitude, sujétion. "Mettre, tenir sous le joug. Imposer un joug insuportable. "Porter, subir, secouer le joug. "Le joug de la Loi, de la servitude, du mariage, etc.
   REM. 1°. Brebeuf a dit, faire joug à, pour, se soumettre à. Je ne sais si cette expression bizârre est de son invention, ou, si elle était usitée de son temps.
   * L' Ausonie a par tout fait joug à ses efforts.
   2°. Joug, ne régit les prép. à ou sur, qu' en vertu des verbes, auxquels il est associé. "Imposer aux peuples ou sur les peuples un joug de fer. * M. Moreau lui atribûe ce régime, lors même qu' il est seul. "Tout fut joug sur le peuple, et non secours destiné à sa défense. Il sous-entend imposé.

JOVIAL


JOVIAL, ALE, adj. [Jovi-al, ale.] Gai, joyeux. Il n' est que du st. famil. "Il est fort jovial. Esprit jovial. "Humeur, face joviale.

JOUïR


JOUïR, v. n. JOUïSSANCE, s. f. JOUïSSANT, ANTE, adj. [jou-i, sance, san, sante: 3e lon.] Jouïr, c' est avoir l' usage, la possession~ actuelle de... "Jouïr d' une terre, d' un bénéfice, d' une pension, etc. Il régit comme on voit l' ablatif. Les Gascons disent: "La terre que vous jouïssez; la maison qu' ils jouïssent, etc. Il faut dire, dont vous jouïssez, dont ils jouïssent. Gasc. corr. Montagne, qui était gascon, a dit aussi, la santé que je jouïs, pour, dont je jouïs. = On dit aussi; jouïr de la gloire, de la victoire, de la paix; d' une bonne santé.
   Jouïssez en repôs de ce lieu fortuné.
       Rouss.
Jouïr, s' emploie quelquefois neutralement, et sans régime.
   J' ai travaillé long-tems: à présent je jouïs.      Anon.
"L' art de conoître contribûe plus qu' on ne pense à l' art de jouïr. Cerutti. = On dit, familièrement, je ne puis jouïr de cet homme, tant il est ocupé; je ne puis le voir à mon aise, et conférer avec lui aussi souvent, et aussi long-tems que je le voudrais. On ne doit point se servir de cette expression, en parlant des femmes; elle signifie avoir un mauvais comerce avec... = Jouïr de ses malheurs, est une expression d' autant plus belle qu' elle parait plus irrégulière. "Il ne croit rien avoir, s' il n' a tout. Son âme est toujours aride et altérée; et il ne jouït de rien que de ses malheurs et de ses inquiétudes. Massill.
   JOUïSSANCE, usage et possession de... "Avoir la jouissance; "Il n' a point la propriété de cette terre; il n' en a que la jouïssance, l' usufruit. = Jouïssant, ante, qui jouït. Comme adjectif déclinable, il ne se dit qu' au Palais. "Majeur usant et jouïssant de ses droits. "Fille usante et jouïssante de ses droits. _ Ailleurs on doit se servir de jouïssant, participe indéclinable. "Toute société civile, qu' on supôse parfaite et jouïssante de ses droits. Anon. Cela sent le factum. L' Acad. le met sans remarque: mais par les exemples qu' elle done, il est aisé de comprendre qu' elle borne l' usage de ce mot au style du Barreau.

JOUR


JOUR, s. m. JOURNÉE, s. f. JOURNELLEMENT, adv. [Jour, monos. Journé-e, nèleman: 2e é fer. et long au 2d, è moy. au 3e, dont la 3e e muet.] Jour, est 1°. Clarté, lumière que le soleil répand. "Grand jour. Jour clair et serein. Au point du jour; sur le déclin du jour. Il fait grand jour, etc. _ Poétiquement on apèle le soleil, le Père, l' astre du jour. = 2°. Fig. La vie. "Ceux à qui l' on doit le jour, qui nous ont doné le jour. "Perdre le jour. = 3°. Espace de 24 heures, ou de la révolution diurne du Soleil. Le jour naturel comprend le jour et la nuit. Le jour artificiel, se prend depuis le lever jusqu' au coucher du Soleil. Le jour civil, se prend parmi nous, depuis minuit, jusqu' à minuit suivant. = 4°. Jours, au pluriel, la vie, l' âge, le temps où l' on vit. "Le fil, la trame de nos jours. À~ la fin de ses jours. "Les chagrins abrègent les jours. "De nos jours, de notre temps, etc. = 5°. Jour fournit à un grand nombre d' expressions; presque toutes du style familier. _ Mettre au jour, faire paraître. Mettre dans un beau jour, ou, dans le plus grand jour, faire paraitre avec éclat, éclaircir. Racine dit, dans le même sens, mettre en jour. "J' y ai inséré tout ce qui peut mettre en jour, faire conaître les moeurs et les sentimens de ce Prince. Préf. de Mithridate. _ Et Rousseau.
   Il lui falloit cette place éclairée,
   Pour mettre en jour sa misère ignorée.
Cette locution est meilleure en vers qu' en prôse. Je la crois un peu vieille. Boileau l' avait employée dans son Remerciment à Mrs de l' Acad. = Se faire jour au travers de
   Au travers du péril un grand coeur se fait jour.
       Androm.
ou, à travers les. "Il se fit jour à travers les Énemis. Il se fit passage, etc. = Voir jour à faire... "Ils ne virent jour à se tirer d' affaire ou à gagner du tems qu' en demandant un Concile. Berault. H. de l' Égl. = Pâsser ses jours, sa vie. "Il pâsse ses jours à la campagne. _ * Un Auteur moderne a dit, par analogie, prolonger ses jours, pour prolonger son séjour. "Nous y avons prolongé nos jours à proportion du nombre des peuples, que nous avions à instruire. Miss. du Lev. _ Prolonger les jours de a un aûtre sens: c' est prolonger la vie; faire vivre plus long-tems. _ * Pluche a dit, dans le même sens, des jours, pour de longs jours, une longue vie. "Souhaitons des jours au plus grand observateur de notre siècle. _ "Il porta si loin les austérités de la Pénitence que l' on crut qu' elles avoient avancé ses jours. H. des Tud. _ Il falait dire qu' elles avaient avancé sa mort, ou, abrégé ses jours. _ D' autres enfin ont dit, le fier mépris du jour, et sauver le jour à, etc. Cela proûve que quoique le jour se prène quelquefois pour la vie, "Je lui dois le jour; elle lui dona le jour; on ne peut pourtant l' employer indifféremment, par tout où on emploie le mot vie. = On dit, familièrement: je ne le ferai plus, ni de ma vie, ni de mes jours. L' Ab. Du Bos a dit, par analogie, "Un Historien, qui parlera de l' état où la Peintûre se trouve de ses jours. On dit, de son tems. Mais on dit, de nos jours, pour de notre tems. L' Usage admet celui-ci, et réprouve l' aûtre. Voy. plus bâs. = Vivre au jour la journée, et non pas du jour à la journée, comme disent plusieurs, et comme ont dit MM. Crousaz et Leibnitz. "Je vis au jour la journée, et n' ai pas le courage de rien décider. Sév. M. de Coulanges, dit, au jour le jour: "Je vivrai au jour le jour. _ Dans le propre, c' est dépenser chaque jour ce qu' on a gâgné: dans le figuré, c' est jouïr du présent, sans se mettre en peine de l' avenir. Sufficit diei malitia sua. = Faire son bon jour, faire ses dévotions. Recevoir la Sainte Comunion.
   UN JOUR, adv. Une fois, autrefois. "Un jour, il vint me trouver, et me dit, etc. _ Dans la suite: "Un jour les peines et les soucis cruels, qui environent les Rois, vous feront regretter sur le trône la vie pastorale. Télém. = De jour à aûtre, mieux que d' un jour à l' autre. * "Le comandement rouloit de jour à aûtre entre les deux Consuls. Rollin. Cet adverbe est mal apliqué en cet endroit. Car de jour à aûtre, signifie de tems en tems, ou peu à peu. Et ce n' est pas ce que veut dire l' Auteur: il devait dire alternativement. _ Un jour et l' aûtre non, exprimerait encore mieux la chôse; mais l' expression n' est pas noble. = Un jour ou l' aûtre: tôt ou tard. "J' ai espéré qu' un jour ou l' aûtre, on y rendroit justice. Necker. Cette façon de parler est douteûse. = Jusqu' à nos jours, jusqu' aujourd' hui. jusqu' à notre tems. C' est une expression consacrée par l' usage, qu' on ne doit point changer. * Le P. de Neuville dit, en imitation, jusqu' à ses jours. "Calvin avoûe, que dans toute l' étendue des siècles, depuis la naissance du christianisme jusqu' à ses jours, il ne voit rien pour lui; que tout ce qu' il voit est contre lui. Serm. pour le Jour des Morts. = M. de saint Ange a dit, jusqu' aux jours des Césars.
   Et dès les premiers tems conduisez d' âge en âge,
   Jusqu' aux jours des Césars le cours de mon ouvrage.
Ces deux exemples ne sont pas à imiter. = Jour par jour, chaque jour. "Le Roi était instruit jour par jour de tout ce qui se faisoit dans l' Assemblée. Moreau. _ Jour pour jour. "Il est mort un an après sa femme, jour pour jour. ACAD. c. à. d. le même jour du mois un an après. = Jour à jour: "Quand je regarde en grôs la longue absence où il me paroit que nous sommes condamnées, j' avoue que j' en frémis: mais en détail, et jour à jour, il faudra la supporter pour le bien de nos affaires. Sév. = Doit-on dire dans nos jours, ou, de nos jours? La Bruyère a employé le 1er: "Térence, qu' on a dans nos jours si heureûsement imité. _ De nos jours est plus de l' usage actuel. On dit, de notre tems, et non pas, dans notre tems; mais on dit dans ce siècle, et non pas, de ce siècle. = On dit, quelque jour au sing. et non pas quelques jours au plur. "J' apréhende fort que cet exemple ne se renouvelle quelques jours. Ann. Litt. J' ôse désaprouver ce pluriel. = Quoiqu' on dise cette nuit, on ne dit pas, ce jour, pour aujourd' hui. M. l' Ab. d' Olivet a critiqué avec raison ce vers de Racine.
   Ce jour, je l' avouerai, je me suis alarmée.
       Bérénice.
M. Racine le Fils emploie toujours la même raison, pour justifier son Père, savoir que puisque le Poète pouvait dire simplement.
   Aujourd' hui cependant je me suis alarmée.
Il a eu ses raisons de préférer ce jour. Mais il faut les dire ces raisons. Autrement ce n' est pas répondre. M. d' Olivet ne blâme point la même expression dans ces vers d' Andromaque.
   Cette nuit je vous sers, cette nuit je l' ataque;
   Mais cependant ce jour il épouse Andromaque.
C' est qu' il y a une relation si marquée entre cette nuit et ce jour, que l' un amène naturellement l' aûtre. = Du jour que, de ce jour: depuis le jour que; depuis ce jour.
   Du jour que je le vis jusqu' à ce triste jour.
       Bérén.
À~ jour, adv. Qui a des ouvertûres. "Travaillé à jour. "Percé à jour, de part en part.
   Homme du jour: Homme à la mode. "La frisûre finit à la gloire des Artistes: ce furent les hommes du jour. Coyer. Ile frivole. = Bon jour, bone oeuvre, expression proverbiale. "Nous couchons à six lieues d' ici, et le lundi 15, bon jour, bone oeuvre, nous arrivons à Rennes. Sév. = On dit le point du jour, ou la pointe du jour. Mâle ou femelle, dit Voiture: vous en userez comme il vous plaira, et selon l' humeur où vous serez. L' Acad. les met tous deux. "Nous partimes à la petite pointe du jour. = * La Fontaine fait lever le jour: il l' aurait fait coucher, s' il en eût été besoin.
   L' épouse indiscrète et peu fine
   Sort du lit, quand le jour fut à peine levé.
C' est le soleil, qui se lève et se couche: on ne le dit point du jour.
   JOURNÉE, est 1°. L' espace de tems, qui s' écoule depuis l' heure où l' on se lève jusqu' à celle, où l' on se couche. "Belle journée. "Il a bien employé sa journée. = 2°. Travail d' un ouvrier pendant un jour. "Homme de journée. "Louer à journée, ou, à la journée. "Gâgner, perdre sa journée. = 3°. Salaire qu' on done au journalier. "Il lui doit quinze journées. = 4°. Chemin qu' on fait dans une journée. "Il y a une journée de chemin de ce lieu à celui-là. "La journée est trop grande. = 5°. Jour de batâille, ou la batâille même. "La Journée de Bouvines, de Fornouës, de Rocroi, etc. Remarquez qu' en ce sens, il se dit du lieu où s' est donée la batâille, et non du Général. Scuderi avait critiqué ce vers de Corneille.
   Et ses nobles journées,
   Porter de là les mers ses hautes destinées.
L' Acad. trouva que l' Observateur avait bien repris; car, dit-elle, on ne dit point les journées d' un homme pour exprimer les combats qu' il a faits; mais on dit bien, la journée d' un tel lieu, pour dire, la batâille, qui s' y est donnée. Sent. sur le Cid. Ainsi l' on pourra dire, la mémorable Journée de Fontenoi; mais on ne peut dire, la glorieuse journée du Comte de Saxe. = 6°. En style familier, journée, signifie travail, éfort. "Nous avons été une demi-heure à vouloir ouvrir ce petit flacon: nous avons tant fait par nos journées, que le bouchon a tourné. Sév. Il ne se dit, en ce sens, que de cette manière. Il se prend souvent en mauvaise part pour conduite, procédés. "Il a tant fait par ses journées, qu' il s' est fait chasser de la Cour. = Comme on dit, prendre jour pour une afaire, Corneille a cru pouvoir dire, prendre journée.
   Mais hier, quand elle sut qu' on avoit pris journée,
   Et qu' enfin la bataille alloit être donnée.
       Horace.
L' analogie trompe souvent. On ne dit point prendre journée. = Vivre au jour la journée; Voy. JOUR, n°. 5°. vers le milieu.
   JOURNELLEMENT, adv. Tous les jours. "Il travaille à cela, il s' y emploie, journellement.

JOURNAL


JOURNAL, adj. et s. m. JOURNALIER, IèRE, adj. et subst. JOURNALISTE, s. m. [3e é fer. au 2d, è moy. et long au 3e; lié liè-re.] Journal, adj. ne se dit qu' avec livre et papiers: "Livre journal, papiers journaux; livre et papiers, qui contienent la recette, la dépense, la vente, l' achat, qui se font chaque jour. = Journal, subst. 1°. Relation, jour par jour de ce qui se passe. "Journal du Parlement. Journal du Siège de... = 2°. Par extension on a doné le nom de Journal, à des Écrits périodiques, qui s' impriment tous les mois, toutes les semaines, tous les jours. Journal des Savans, de Leipsic; de litteratûre. Journal général de France, Journal de Paris. Journal Politique de, etc. = Journaliste, celui qui fait un journal. n°. 2°. = Journalier, adj. Qui se fait chaque jour. "Travail journalier; ocupation journalière. = En parlant des persones, Inégal, sujet à changer. "Son esprit est journalier; son humeur est journalière. "Beauté journalière. "Les armes sont journalières; Tantôt on bat, tantôt on est batu. On le dit même des animaux. "Ces chiens sont journaliers: ils ne chassent pas toujours de la même force. = S. m. Homme travaillant à la journée. "Un journalier. "Payer les Journaliers.
   Journée, Journellement. Voy. JOUR, au comencement et à la fin.

JOûTE


JOûTE, s. f. JOUTER, v. n. JOUTEUR, s. m. [l' ou est long au 1er. D' Oliv. L' Acad. n' y met point d' accent: 2ee muet au 1er, é fer. au 2d: te, té, teur.] Joûte, combat à cheval d' homme à homme avec des lances. "S' exercer à la joûte. "Le temps des joûtes et tournois est pâssé depuis longtems. = Jouter, combatre avec des lances l' un contre l' aûtre. = Jouteur, celui qui joûte. _ Ils se disent au figuré (st. famil.) des disputes et combats au jeu, dans les Sciences et Belles-Lettres, etc. "Je n' ai garde de jouter contre lui: c' est un rude jouteur.

JOUVENCE


JOUVENCE, s. f. JOUVENCEAU, CELLE, s. m. et f. [Jou-vance, so, cèle: 2e lon. 3e dout. au sing. du 1er, lon. au plur. Jouvenceaux; è moy. au 3e.] Vieux mot encôre en usage dans le style badin, dans des Fâbles. Jeunesse. Jeune homme. Jeune fille. "Le Fontaine de Jouvence, qu' on feignait avoir la vertu de rajeunir. Il n' est resté que dans cette façon de parler. = "Joli jouvenceau.
   À~ cet aspect, le sage père
   Voulant à son cher Jouvenceau
   Donner un avis salutaire.
       L' Ab. Reyre.
  Jouvencelle au teint délicat.
      Scar.
Jouvenceau, dans ce style est plus usité que Jouvencelle. _ L' Acad. ne met point celui-ci. _ Plus anciènement on disait jouvencel, et on le dit encôre dans le style marotique.
   Qu' il fasse mieux ce jeune jouvencel,
   À~ qui le ciel donne tant de martel.
       Rondeau de Corneille.
Jeune Jouvencel parait un pléonasme. L' Acad. dit pourtant aussi jeune jouvenceau, et il faut croire que c' est l' usage.

JOUXTE


*JOUXTE, adv. vieux mot. Latinisme: Juxtà. _ Conformément. Les Imprimeurs mettaient autrefois à la 1re page: "Jouxte la copie. = Proche. "Jouxte le chemin, le Palais. etc.

JOYAU


JOYAU, s. m. [Joa-io: 2e dout. au sing. lon. au plur. joyaux.] Ornement précieux dont se pârent les femmes, comme bracelets, pendans d' oreilles, etc. _ Suivant l' Acad. on ne le dit guère plus qu' en style de Notaire. "Par le contrat de mariage, elle doit remporter bagues et joyaux.

JOYEUX


JOYEUX, EUSE, adj. JOYEûSEMENT, adv. JOYEûSETÉS, s. f. pl. [Joa-ieû, ieû--ze, ieû-zeman, ieû-zeté: 2e lon. 3e. e muet, 4e é fer. au dern.] Joyeux, qui a de la joie. "Il est bien joyeux: tenez-vous joyeux. "Humeur joyeûse. Mener une vie joyeûse. Et familièrement~: mener joyeûse vie, sans article. = Qui done de la joie. "Nouvelle joyeûse. Il est moins usité en ce sens. = Joyeûsement; avec joie. "Faites-le joyeûsement. Passer la journée joyeûsement. = Joyeusetés. Mots pour rire. "Il dit force joyeûsetés. "Ces joyeûsetés sont de mauvais goût. _ L' Acad. dit qu' il est vieux. On l' emploie encôre dans le st. famil. badin.

JUBÉ


JUBÉ, s. m. Lieu élevé dans une Église en forme de galerie. "En plusieurs Églises le Diacre va chanter l' Évangile dans le jubé. = On dit, proverbialement, faire venir à jubé; obliger à se soumettre. "Je le ferai bien venir à jubé. "Il est venu à jubé.

JUBILATION


JUBILATION, s. f. JUBILÉ. s. m. *JUBILER, v. n. [Jubila-cion, lé, lé: 3e é fer. aux 2 dern.] Jubilation; réjouïssance, bone chère. Il ne se dit qu' en plaisantant. "Il y avait grande jubilation dans cette maison. "Ils étaient en jubilation. "Visage de jubilation. Acad. "Enfans, maison de jubilation. Trév. "Je suis fort aise qu' il ait conservé sa gaité et son visage de jubilation. SÉV. = * Jubiler, triompher, chanter victoire. "Après cette grande démonstration, M. de... jubile, se pavane. Journ. de Mons. _ Jubiler un ancien laquais, lui doner la moitié de ses gages et l' exempter du service. Trév. Rich. Port. l' Acad. ne le met ni dans l' un, ni dans l' aûtre sens. _ Dans le 1er, il parait que c' est un mot de collège. Dans le 2d, c' est une manière de parler usitée à Rome, et qui a été adoptée en France.
   JUBILÉ, Indulgence plénière, solemnelle et générale, acordée par le Pape tous les 25 ans, et dans des ocasions extraordinaires. "Le Pape a acordé un Jubilé. "Gâgner le jubilé.

JUC


JUC, s. m. JUCHER, v. n. JUCHOIR, s. m. [Juk, juché, choar: 2e é fer. au 2d.] Jucher, c' est en parlant des poules, des faisans, etc. se mettre sur une perche, ou sur une branche pour dormir. "Les poules juchent dans le poulailler; les faisans sur les arbres. = Juc et juchoir, est l' endroit où juchent les poules. Trév. et le Rich. Port. mettent les deux. L' Acad. ne met que le 2d. = Jucher se dit au figuré, en st. famil. avec le pron. pers. se jucher, ou au passif, être juché.

JUDAïQUE


JUDAïQUE, adj. JUDAïSER, v. n. JUDAïSME, s. m. [Juda-ike, isé, isme: dern. é fer. au 2d, e muet au 1er et au 3e.] Judaïque, qui concerne les juifs. "Loi judaïque; les antiquités judaïques. = Judaïser, suivre quelques points de la Loi des Juifs. "C' est judaïser que d' observer le jour du Sabbath. = Judaïsme; la Religion des Juifs. "Faire profession du Judaïsme.

JUDAS


JUDAS, s. m. [On ne prononce pas l' s.] Ce nom propre du disciple perfide, qui trahit J. C. est devenu un nom comun, pour signifier un traître, mais seulement dans le discours familier. "C' est un Judas. "Traître comme Judas. = Baiser de Judas, caresses perfides. = Poil de Judas, poil rouge.

JUDICATûRE


JUDICATûRE, s. f. JUDICIAIRE, adj. JUDICIAIREMENT, adv. [Judikatûre, ci--ère, èreman: 4e lon. 5ee muet.] Judicatûre; État, Profession du Juge. "Charge, office de judicatûre. "Se mettre dans la judicatûre. = Judiciaire; qui se fait en Justice. "Acte, bail, fermier judiciaire. = Astrologie judiciaire; art chimérique de juger de l' avenir par les astres. = S. f. La faculté de juger. "Il a une bonne judiciaire. = * Dans les Addit. au Richelet, on met, en ce sens faculté judicative: on ne cite point d' Auteur. = Judiciairement, en forme judiciaire. "Bail fait judiciairement.

JUDICIEUX


JUDICIEUX, EûSE, adj. JUDICIEûSEMENT, adv. [Judicieû, cieû-ze, cieû-ze--man: 3e lon. 4ee muet. Dans le discours soutenu et surtout en vers, ci-eû, etc.] Judicieux; qui a le jugement bon. "Homme judicieux. = Qui est fait avec jugement. "Discours peu judicieux. "Cette action n' est pas fort judicieûse. = Judicieûsement. "Agir, parler, écrire judicieûsement. = * Scuderi, dans ses Observations sur le Cid, emploie judicieux substantivement. "Cette extravagance donne de l' horreur à tous les judicieux. _ Ce substantif n' est point en usage.

JUGE


JUGE, s. m. JUGEMENT, s. m. JUGER, v. act. et n. [2e e muet au 1er et au 2d; é fer. au dern. ge, geman, gé.] Juge, est celui, qui a le droit et l' autorité de juger, ou, qui se l' arroge. "Dieu est le souverain Juge. "Les Rois sont les juges naturels de leurs sujets. "Juge royal, juge de village, etc. _ "Vous n' êtes pas bon juge de ces matières-là; en cela, etc. "Je vous en fais juge. Et fig. "Les sens sont juges de cela.
   JUGEMENT, est 1°. Décision prononcée en justice. "Rendre un jugement. "Apeler d' un jugement. = 2°. Avis, opinion. "Je me rends; je m' en raporte; je m' en tiens à votre jugement. = 3°. Aprobation ou condamnation, en fait de morale. "Jugement favorable, charitable, ou téméraire, mauvais, sinistre. = 4°. Faculté de l' âme, qui juge des chôses. "Avoir du jugement. Manquer de jugement. "Homme de bon, de grand jugement. "Il a de l' esprit, mais il n' a pas de jugement: il est sans jugement: il a perdu le jugement. "Il n' y a pas de jugement dans cet ouvrage; il n' est pas fait avec jugement. Voy. DISCERNEMENT.
   JUGER, 1°. Rendre la Justice. "Dieu viendra juger les vivans et les morts. Juger un procès. "Quand jugera-t' on cette affaire? _ V. n. Juger en dernier ressort; définitivement, précipitamment; en conaissance de cause. = L' actif a quelquefois le sens du passif. "L' afaire est prête à juger, en état de juger; d' être jugée: mais il ne se dit de la sorte qu' à l' infinitif. = Il régit quelquefois les persones: "On le jugera, ou, il sera jugé demain. = 2°. Décider comme arbitre. "Jugez-nous. "Il nous jugera. "Jugez ce coup là, disent des joueurs à quelqu' un, qui les regarde jouer. On dit, en ce sens, au propre, et au fig. famil. juger des coups. = 3°. Juger de, décider du défaut ou de la perfection de quelque chôse. "Il juge fort mal de ces sortes de chôses: il en juge comme un aveugle des couleurs. _ Et en matière de moeurs: juger mal de son prochain; en juger légèrement, témérairement; ou, favorablement, équitablement. "On ne doit point juger d' autrui par soi-même, ni en bien, ni en mal. = 4°. Faire usage de son jugement. "Les préventions nous empêchent de juger sainement. = Conjecturer. "Je jugerai bien que telle chôse arriverait. "Le Médecin juge mal de ce malade. = 6°. Être d' opinion, de sentiment que, etc. "Que jugez-vous que je doive faire? Il régit l' indicatif dans le sens afirmatif et le subjonctif dans le sens négatif ou interrogatif. "Je juge que vous devez le faire. "Je ne juge pas que vous deviez le faire. "Jugiez-vous que je dusse le faire? = 7°. Se figurer, comprendre. "Jugez quelle fut ma joie. "Vous pouvez bien juger si je fus bien aise de le voir.
   Rem. Dans le sens de croire, il régit quelquefois l' infinitif, lorsque le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse, au nominatif du verbe régissant. "Le Roi de Portugal jugea devoir réduire sous son obéissance cette Province. Voy. D' ANSON. Si le verbe régi ne s' y raportait pas, on devrait se servir de la conj. que. "Le Conseil jugea que le Roi devait, etc. = Juger, décider: (syn.) On décide une contestation et une question: on juge une persone et un ouvrage. Les particuliers et les arbitres décident: les Corps et les Magistrats jugent. On décide quelqu' un à prendre un parti: on juge qu' il en prendra un. Encycl. _ Juger, décider régit quelquefois de et par dans la même phrâse. "Par cet échantillon jugez de la pièce. "Que je suis malheureux d' avoir jugé de votre coeur par le mien. Madame Dacier Trad. de Térence. _ Mr. Marmontel substitue le datif à la prép. par. "Est-ce à l' air (par l' air) qu' on doit juger des hommes. M. l' Ab. Massieu lui avait doné le même régime. "Je jugeai de leur mérite (des Philosophes) à la gravité de leur extérieur, à la pâleur de leur visage et à la longueur de leur barbe. Traduct. de Lucien. Je crois que l' usage veut par au lieu d' à. M. Marin pense au contraire que l' usage admet l' un et l' aûtre. _ Madame de B... met sur au lieu de par. "Si nous pouvons en juger sur (par) la plûpart des Lois, qui passèrent sous son règne. H. d' Angl. = Juger, imaginer, se figurer, régit de. "Jugez de ce que je dus sentir à cette triste nouvelle. * Un des Auteurs des Let. Édif. lui fait régir l' acusatif. "Il est aisé de juger ce que nous eûmes à essuyer d' insultes, etc. Peut-être l' Imprimeur a-t' il oublié le de. Corneille et Molière ont fait la même faute, mais on ne peut pas aporter la même excûse, du moins pour le dernier.
   Et vous pouvez juger les soins qu' elle en a pris.
       Corn.
  Et vous pouvez juger ce que je devois faire.
      Mol.
  Il falait, juger des soins, juger de ce que, etc.
   * On disait autrefois faire jugement de, pour, juger de; et l' Acad. l' a encôre dit dans ses sentiments sur Le Cid. "C' est se condamner soi-même que d' en faire jugement (d' en juger) selon ce qu' elles paroissent et non pas selon ce qu' elles sont.
   Au jugement de, adv. "La conscience, au jugement d' un Sage Payen, est pour la vertu le plus beau théâtre du monde. Millot.

JUGULAIRE


JUGULAIRE, adj. et s. f. [Jugulère: 3e è moy. et long; 4e e muet.] Qui apartient à la gorge. "Les glandes jugulaires. "La veine jugulaire. s. f. "On l' a saigné à la jugulaire.

JUIF


JUIF, s. m. Ce nom d' un peuple bien conu fournit à quelques expressions proverbiales. On apèle juif un homme, qui prête à usûre, ou qui vend exorbitamment cher. "C' est un juif. "Ce marchand est un vrai juif. _ Il est riche comme un juif. _ C' est le Juif errant, se dit d' un homme qui va sans cesse de côté et d' aûtre.

JUILLET


JUILLET, s. m. JUIN, s. m. [Ju-gliè: 2e è moy. mouillez les ll: juein, monos. long.] Le 2d est le sixième mois, et le 1er est le septième de l' année. "Le mois de juillet. Au mois de juin. "Le 1er, le deux de juin, de juillet.

JUIVERIE


JUIVERIE, s. f. [Jui-verî-e: 1re et 3e lon. 2e et dern. e muet.] Quartier d' une ville habité par les Juifs. "La juiverie de Mets, d' Avignon, etc.

JULEP


JULEP, s. m. [Le p se prononce toujours. Voy. P.] Potion médicinale faite avec des eaux distillées et autres ingrédiens. Acad. "Doner, prendre un julep.

JUMEAU


JUMEAU, ELLE, adj. [Jumo, mèle: 2e dout. au 1er, è moy. au 2d: eau est long au plur. jumeaux; pron. jumô.] Il se dit de deux ou trois enfans nés d' un même acouchement. "Deux frères jumeaux. C' est sa soeur jumelle. = Subst.~Un jumeau, une jumelle. "Elle est acouchée de deux jumeaux, etc. = Il se dit aussi des fruits, quand il s' en troûve deux joints ensemble. "Abricots jumeaux, cerises jumelles. On ne le dit alors que comme adjectif.

JUMENT


JUMENT, s. f. [Juman: 2e lon.] Cavale; la femelle du cheval. "Grande, petite, bonne, belle jument.

JUPE


JUPE, s. f. JUPON. s. m. La partie de l' habillement des femmes, qui descend de la ceinture jusqu' aux pieds. Le 2d est le diminutif du 1er. Le jupon est la jupe du dessous. "Voilà encôre des vers de Mademoiselle Bernard. Malgré toute cette Poésie, la paûvre fille n' a pas de jupe; mais il n' importe: elle a du rouge et des mouches. Sév.

JURANDE


JURANDE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] 1°. La charge de juré d' un métier. "Pendant sa jurande. = 2°. Le Corps des jurés. "La jurande s' assembla.

JURAT


JURAT, s. m. [On ne prononce point le t.] C' est à Bordeaux le nom des Consuls ou Échevins.

JURATOIRE


JURATOIRE, adj. fém. [Jura-toâ-re: 3e lon. 4e e muet.] L' Acad. dit qu' il est de tout genre, et cependant qu' il n' est en usage qu' en cette phrâse, caution juratoire, qui est un serment que fait quelqu' un en Justice, de représenter sa persone, ou de raporter ce dont il est chargé.

JURÉ


JURÉ, ÉE, adj. [2e é fer. long. au 2d.] 1°. Qui a fait les sermens requis pour la maîtrise. "Chirurgien juré. Juré Crieur. Jurée Lingère. _ Qui est préposé pour faire observer les Statuts dans les Arts et Métiers. "Maître juré. = S. m. "Il est juré. "La visite des jurés. = 2°. Énemi juré; irréconciliable.

JûREMENT


JûREMENT, s. m. JURER, v. act. et n. JUREUR, s. m. [Jûreman, ré, reur: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d: l' u est long devant l' e muet, je jûre, il jûrera, etc.] Jûrement, 1°. Serment. Il est peu usité en ce sens. Voy. SERMENT. = 2°. Blasphême, imprécation. "Il fit d' horribles jûremens.
   JURER; 1°. Afirmer par serment. "Jurer son Dieu, sa foi que, etc. = 2°. Confirmer, ratifier par serment. "Jurer la paix, l' alliance. Jurer fidélité, obéïssance (sans article.) 3°. Promettre fortement sans jurer. "Ils se sont juré une amitié éternelle. "Il lui avoit juré le secret. = 4°. Faire une forte résolution. "Vous aviez juré sa mort, sa perte, sa ruine. = 5°. V. n. Dans le 1er sens: jurer sur les Saints Évangiles. "Il a juré devant le juge. = Faire des sermens sans nécessité. "Il jûre à tous propôs. "Il jûre comme un charretier. = En parlant des chôses, ne pas s' acorder: "Le vert jûre avec le bleu. "Des airs évaporés et des cheveux gris jûrent ensemble. = En parlant des instrumens et surtout de ceux à cordes, rendre un son aigre. "Ce violon jûre sous l' archet.
   Rem. Dans le régime des persones, le neutre vaut mieux que l' actif, du moins en prôse. On dit plutôt jurer par Jupiter, par Apollon, que jurer Apollon, Jupiter.
   Je jure la valeur, tant de fois couronnée.
       Bréb.
  Ils en jurent la Peur, le Dieu Mars et Bellone.
      Boil. Trad. d' Ésch. dans Longin.
   Jurer, sans régime des noms, régit de et l' infinitif: "Il jura de garder le secret.
   * Jurer par tous les Saints est une expression bâsse, et peu digne de l' Histoire. "C' est en vain que Henri pria, caressa, menaça, jura par tous les Saints. Velly, H. de Fr.
   JUREUR, qui jûre beaucoup par mauvaise habitude, ou par passion. "C' est un jureur, un grand jureur du nom de Dieu. "On devrait châtier les jureurs.

JURIDICTION


JURIDICTION, s. f. [Juridik-cion: Trév. et Poitiers, et le Dict. Gram. écrivent Jurisdiction; Richelet, l' Acad. et le Rich. Port. Juridiction, sans s. Plusieurs Écrivains ont adopté cette dernière ortographe.] 1°. Pouvoir de celui qui a droit de juger. Cela est de sa Juridiction;sous sa Juridiction. Usurper la Juridiction. Conflit de Juridiction. "Juridiction éclésiastique, laïque, ordinaire, etc. = 2°. Ressort, étendûe du lieu où s' exerce ce pouvoir. "La Juridiction de ce Présidial est d' une grande étendûe.

JURIDIQUE


JURIDIQUE, adj. JURIDIQUEMENT, adv. [Juridike, keman: 4e e muet.] Juridique, qui est selon le droit et les termes de la Justice. "Procédure, acte juridique. "Cela n' est pas juridique. = Juridiquement, d' une manière juridique. "Procéder juridiquement.

JURISCONSULTE


JURISCONSULTE, s. m. JURISPRUDENCE, s. fém. JURISTE, s. masc. [On pron. l' s: 3e du 1er et 4e du 2d lon. en du 2d a le son d' an: prudance.] Jurisconsulte est celui qui fait profession du Droit et de doner conseil; Juriste, Auteur qui a écrit sur les matières de Droit. = Jurisprudence, la science du Droit. "Entendre, savoir, enseigner la Jurisprudence. "La Jurisprudence Romaine, Française, etc.

JURON


JURON, s. masc. Certaine façon afectée de jurer: comme, foi de Gentilhomme, etc. "C' est son juron: "Il a juré son grand juron. Il n' est que du discours familier.

JUS


JUS, s. masc. [Ju; et devant une voyèle juz.] Suc qu' on tire par pression, coction, etc. "Jus de citron, d' orange, d' herbes, de veau, de réglisse. "Tirer, exprimer le jus. "Cela est plein de jus. = Proverb. on apèle le vin, jus de la treille; jus de la grape; jus d' Octobre; jus du bois tortu.

JUSQUE


JUSQUE, ou JUSQUES, prép. [Juske, et non pas juke; 2e e muet.] On dit presque toujours jusque, sans s: Les Poètes sont en possession de mettre l' s, ou de la retrancher, suivant le besoin: jusqu' à lui, jusques à lui. En prôse même, on dit, jusques au Ciel; cette nouvelle n' était pas venûe jusques à nous, etc. _ Devant une consone, il est inutile d' écrire l' s, puisqu' on ne la prononce pas.
   1°. Jusque est une prép. de tems et de lieu, qui marque le terme où l' on s' arrête. "Depuis la création du monde, jusqu' au déluge. "Depuis la terre jusques au Ciel. Ces deux prépositions marquent aussi l' énumération, l' ordre, la gradation: Depuis le premier jusqu' au dernier: depuis le scèptre jusqu' à la houlette. = Jusque marque aussi restriction, réserve, exception. "Ami jusqu' aux autels, jusqu' à la bourse. _ Elle marque, au contraire, excês dans ces phrâses: Aimer jusqu' à ses énemis; rire jusqu' aux larmes; ils en vinrent jusqu' à se quereller. Dans toutes ces phrâses et autres semblables, jusqu' à peut se rendre par même, et il en a toute la signification. = 2°. Ordinairement, jusque régit la prép. à devant les noms et les verbes. On le voit par les exemples précédens. = Il s' unit pourtant avec diférentes aûtres prépositions: jusque vers le siècle d' Auguste; jusque dans l' avenir; jusqu' après minuit; jusque bien avant dans la nuit; jusqu' au delà de l' Euphrate~; jusque par delà la ligne. avoir des afaires jusque par dessus la tête. = 3°. Doit-on dire jusqu' à aujourd' hui., ou jusqu' aujourd' hui? L' un et l' autre ont des partisans. Th. Corneille veut jusques~ à aujourd' hui; l' Académie, jusqu' à aujourd' hui Pour moi, il me semble que la raison est pour jusqu' aujourd' hui; car ce mot est composé de~ au jour d' hui; au jour où nous sommes. Il y a donc déjà un article, au: pourquoi en ajouter un aûtre, à au-jourd' hui; et ajouter par-dessus le marché, la rencontre désagréable de à au, qu' on peut éviter. On objecte qu' on dit jusqu' à hier, jusqu' à demain; mais il n' y a là qu' un article. Voy. AUJOURD' HUI, sous la lettre A. Voy. Ici, n°. 5°. = 4°. Jusque a cela de particulier, qu' il exprime l' acusatif par la prép. à, signe du datif. "Aimer jusqu' à ses énemis. * Le P. De Neuville retranche mal à propôs à. "Il (Jesus) se livre aux oprobres avec une indifférence pour sa réputation, qui semble cacher jusque sa modestie. Peut-être faut-il mettre cette faûte sur le compte de l' Imprimeur. = * Crébillon fait de jusqu' à un nominatif:
   Et jusqu' à la vertu s' y rendra criminelle.
Quand on emploie ce tour, on doit ajouter tout ou tous avant ou après jusque; et c' est avec ce pronom, et non pas avec le nom régi par jusque que s' acordent le verbe et l' adjectif. "Tout, jusqu' à la vertu, s' y rendra criminel. "Tous, jusqu' à Caton, y consentirent. = 5°. Jusque ne prend point la prép. à, quand il doit être suivi des mots ici, là, ou d' une expression adverbiale, qui commence par la préposition à. Jusqu' ici, jusque-là, jusqu' à présent, jusqu' auprês de Rouen, etc. D' aprês cette règle, que fournit l' usage, on doit dire jusqu' aujourd' hui, et non pas jusqu' à aujourd' hui. Wailly. Voy. n°. 3°. * On disait autrefois jusques à maintenant; on dit aujourd' hui et depuis longtems, jusqu' à présent. = Jusque-là doit avoir un tiret ou division. Il est non-seulement adv. de lieu, mais de tems; et, dans ce dernier sens, il signifie jusqu' alors. = 6°. Jusqu' à ce que régit le subjonctif. Quelques Auteurs y ont joint la négative: "Le chameau reste constamment couché jusqu' à ce qu' on ne l' ait allégé. Bufon. "Jusqu' à ce que le Juge ne se crût en droit d' employer l' autorité, etc. Hist. d' Angl. "Il ne veut pas même que Pasquin quitte l' Imprimerie, jusqu' à ce qu' il n' ait vu l' ouvrage achevé. Journ. de Mons. Il me semble que, ni l' usage, ni l' analogie ne demandent cette négative. = Au reste, jusqu' à ce que étend l' influence de ce régime du subjonctif à la conjonct. que, régie par le verbe, qui est lui-même régi. Ainsi, quoique le que après juger, croire, etc. régissent l' indicatif, il a le subjonctif pour régime, quand il est régi par jusqu' à ce. Ex. "Ils saûtent et dansent dessus (la fôsse remplie de sâble) jusqu' à ce qu' ils jugent que la femme soit étoufée. Le Gendre. = Jusqu' à tant que a le même sens, mais il n' est que du style familier.
   Il vous laisse voguer sa barque à l' aventure,
   Jusqu' à tant qu' il arrive enfin près des arceaux.
       L' Ab. Reyre.
L' Auteur de la Science des Médailles, ou son Imprimeur, écrit jusqu' à tems que; c' est un barbarisme d' ortographe. = 7°. Il n' y a pas jusqu' à, est un gallicisme, un tour propre de la langue française. Il est suivi d' un relatif, de la particule ne et du subjonctif. "Il n' y a pas jusqu' aux ignorans qui ne s' avisent de critiquer, etc. _ * "Il n' y eut pas jusqu' aux Déesses qui lui firent leurs complimens. Anon. Il y a deux faûtes dans cette phrâse, l' indicatif et le retranchement de la négative. Il falait dire, qui ne lui fissent, etc. C'~ est~ comme si l' on disait, les Déesses mêmes lui firent leurs complimens. = 8°. Jusques à quand vaut mieux, dans le haut style, que jusqu' à quand. "Jusques à quand soufrirez-vous que les Grecs fassent un si horrible carnage? Mde Dacier. Iliade. = * 9°. Jusque même est un pléonasme. "L' esprit de parti a pénétré jusque dans les sciences même, qui semblent en être insusceptibles. Observ. sur la Litt. en France.

JUSSION


JUSSION, s. fém. [Ju-cion] Comandement du Roi fait aux Compagnies supérieûres, de faire ce qu' elles avaient refusé, comme d' enregistrer quelque Édit, etc. "Le Roi envoya au Parlement, des Lettres de Jussion.

JUSTAUCORPS


JUSTAUCORPS, s. m. [Justocôr: 2e dout. 3e lon. Il y en a qui écrivent just' aucorps, avec une apostrophe; d' autres juste-au-corps, avec deux tirets. On a écrit autrefois just' à corps.] Habit d' homme, qui descend jusqu' aux genoux, et qui serre le corps, d' où lui est venu son nom. "Justaucorps de drap, de velours, brodé, galoné, etc.

JUSTE


JUSTE, adj. JUSTEMENT, adv. JUSTESSE, JUSTICE, s. f. [2ee muet aux deux premiers, è moyen au 3e: juste, teman, tèce, tice.] I. Juste est 1°. en parlant des chôses: qui est conforme au droit, à la Justice. "Arrêt, Sentence, juste. "Cela est juste. "Juste punition, juste récompense, etc. = 2°. En parlant des persones, qui juge, ou qui agit selon l' équité. "Dieu est juste, "Juge juste et intègre. = Qui observe exactement les devoirs de la Religion. "Homme juste et craignant Dieu. = S. m. "À~ peine le juste sera sauvé. "Le juste pèche sept fois le jour. Ce sont phrâses consacrées. = Qui est en état de grâce. "Ceux qui écoutent la loi de Dieu ne sont pas pour cela justes devant Dieu. Bouh. = II. Qui a la justesse convenable. "Juste mesûre, proportion, poids, grosseur. Voix juste. Réflexion, observation juste. "Dessein d' un discours juste et bien ordoné. Bouh. _ Cette montre est juste: elle marque exactement les heures. Cet habit est trop juste, court ou étroit. "Vous m' avez chaussé trop juste, etc.
   JUSTE, adv. avec justesse~. JUSTEMENT, avec justice. C' est la diférence de ces deux adverbes. "Parler, chanter, raisoner juste. "Tout ne peut pas cadrer si juste dans un systême fait à plaisir. "Juger, agir justement. "Il a été puni justement. = Tout juste et justement signifient aussi précisément. "Voilà tout juste, ou justement l' homme qu' il nous faut. Ils ne sont que du style familier. "Ces Philosophes séditieux, qui, d' après leur Maître, (Voltaire) prétendent que despotique et monarchique sont tout juste la même chôse. Anon. "Je voulois vous demander des nouvelles de M. D' Oppede, et justement vous m' en dites. Sév. = Au juste, adv. Justement et précisément. "Dites m' en le prix au juste, tout au plus juste. "Savoir, au juste, le nombre de, etc.~ "En vérité, on se console de ne pas savoir au juste si on est aimé pour son rang ou pour sa persone. Fonten.
   Rem. 1°. Juste, équitable (synon.) Ce qui est juste se fait en vertu d' un droit rigoureux; ce qui est équitable, ne se fait qu' en vertu d' un droit imparfait et non rigoureux. _ Ce sont les lois positives, qui constitûent le droit rigoureux, et qui par conséquent, décident de ce qui est juste, ou injuste: Ce sont les principes de la loi naturelle, qui constitûent le droit moins rigoureux, d' après l' égalité naturelle, et qui par conséquent, décident de ce qui est équitable ou inique. "Il est juste de payer ses dettes: il est équitable de secourir les paûvres. = 2°. Corneille fait régir à juste la prép. à et l' infinitif.
   Le Ciel juste à punir, juste à récompenser.
Ce régime fait bien en cet endroit; mais il ne ferait pas bien en toute ocasion. = 3°. * On dit parler juste, parce qu' on peut dire parler avec justesse; mais, comme on ne dit pas marcher avec justesse, on ne doit pas dire comme Mascaron, que: "Le magnanime marche juste au milieu de ces extrémités.
   JUSTESSE, précision exacte. "Justesse de la voix, de l' oreille. "Chanter avec justesse. La justesse de l' esprit, d' une pensée, d' un raisonement. "Penser, parler, écrire avec beaucoup de justesse. = Ce mot n' a point de pluriel. "Un discours aura ses proportions, ses justesses, ses ornemens, ses beautés, sans être agréable, parce que les chôses ne seront pas tournées de certain air qui plait et qui charme. P. Rapin. _ On dirait aujourd' hui, sa justesse, sans se mettre en peine de garder toute cette symétrie de pluriels. = Justesse se dit des pensées et du discours; et justice des moeurs. M. Moreau a employé l' un pour l' autre. "Ce motif... suffit pour faire sentir la justice (justesse) de l' aplication qu' on a faite de cette loi (salique) à l' hérédité du trône. _ Et Crébillon Fils: "Pendant ces douloureuses réflexions, dont la justice me désespérait. Il faut encore là justesse; et j' ai peine à croire qu' il ne faille pas mettre cette méprise sur le compte des Imprimeurs.
   JUSTICE est, 1°. Vertu morale, qui fait qu' on rend à chacun ce qui lui apartient. "Gouverner avec justice. "Se conduire avec raison et justice. "Quelle justice y a-t-il d' ôter le bien à des enfans pour le doner à des étrangers? = 2°. Bon droit, raison: "J' ai la justice de mon côté. "Reconoissez la justice de mes prétentions. = 3°. Il se prend pour les Magistrats qui rendent la justice, qui jugent. "Un homme; les gens de justice: sous ce nom, sont compris les Officiers inférieurs. "La Justice en conoîtra. "Il ne faut pas se brouiller avec la Justice. 4°. Dans le langage de la Religion. piété, vertu chrétiène: "Marcher dans les voies de la Justice. = État de grâce: "La justice originelle. "Persévérer dans la justice. Voy. JUSTE, n°. 2°. = Justice, Justesse. Voy. JUSTESSE.
   Rem. 1°. Justice n' a de pluriel que quand on parle de certaines Juridictions, comme par exemple, les Justices des Seigneurs; et dans cette phrâse de l' Écritûre. "Je jugerai les justices même; c' est-à-dire, les jugemens des Hommes: ègo justitias judicabo. Hors delà, on dit, en parlant à plusieurs~: "J' implôre votre justice, et non pas, vos justices. * Mascaron parlant des fonctions d' un Chancelier, dit: "Pour juger des justices des aûtres, et redresser... ce que les plus sages têtes de l' État n' ont point vu. S' il a voulu faire allusion à la phrâse consacrée que nous venons de citer, il devait du moins dire, juger les justices, et non pas des justices. Mais il valait mieux dire, juger les jugemens des aûtres, etc. = 2°. On dit, Faire justice, rendre justice, demander justice: on ne peut avoir justice, sans article. Mais cela ne s' étend pas à tous les verbes. On peut passer à Voltaire d' avoir dit dans Mérope:
   J' ai mal connu les Dieux, j' ai mal connu les hommes:
   J' en attendais justice: ils la refusent tous.
Mais, en prôse, il faut dire: j' en attendais de la justice, j' espérais qu' ils fussent justes à mon égard. M. Moreau dit aussi attendre justice, promettre justice, et devoir justice; mais cet illustre Écrivain retranche souvent l' article au delà de ce que permet l' usage. = 3°. Faire justice ne se dit qu' en mauvaise part, ou du moins, que de la justice rigoureûse. Boileau dit dans l' Avertissement de sa IV Épitre, en parlant de ceux qu' il avait oubliés: "J' espère de leur faire justice dans une autre édition. Il falait dire de leur rendre justice. St. Marc. Et Boss. "La justice qu' il fait (qu' il rend) à la vulgate. Et Mde de Sévigné. "Faites-moi donc un peu de justice, et croyez que je n' aurais pas fait un si grand tort à la vertu de M. de la Garde. Puisqu' elle n' avait pas tort, elle devait dire, Rendez-moi justice, et croyez, etc. _ Faire justice est employé plus à propos par Fénélon. "Les gens médiocres veulent égaler les Grands; car, qui est-ce qui se fait justice? Voyez plus bas, n°. 5°. = 4°. Rendre la justice ne se dit absolument que des Magistrats. On ne met l' article que quand on y ajoute un relatif. "Il m' a rendu la justice qui m' étoit dûe. Hors de là on doit dire, rendre justice. "M. le Comte de Milly a rendu la justice à mes lampes. Lange. Il fallait, a rendu justice. = Vertot, au contraire, ou peut-être son Imprimeur, met rendre justice, pour, la justice: "Le Peuple obéissoit à des Magistrats particuliers, qui lui rendoient justice~. Révol. Rom. Il faut, qui lui rendoient la justice; car, rendre justice, c' est simplement agir à l' égard de quelqu' un, et parler de lui, selon ce qu' il mérite. "L' honête homme rend justice, même à ses énemis. Rendre la justice, c' est juger, faire la fonction de Juge. "Les Parlemens sont institués pour rendre la justice. = 5°. Faire justice sans régime, punir corporellement: "On a fait justice aujourd' hui: on a fouetté, on a pendu deux hommes. Acad. = Faire justice de: punir, se venger. "Il y en a quelqu' une que je voudrois tenir, pour en faire la justice qu' elle mérite. Voit. = Se faire justice a trois sens: se condamner quand on a tort. _ Se venger "Il ne faut pas se faire justice à soi-même. _ Se payer de ses propres mains.

JUSTICIABLE


JUSTICIABLE, adj. JUSTICIER, s. m. JUSTICIER, v. n. [Ia et ié sont de~ deux syll. au 1er et au dern. ié n' est que d' une syll. au 2d: ci-able, cié, ci-é.] Justiciable, qui doit répondre devant certains Juges. "Il est Justiciable du Châtelet. "Je ne suis pas votre Justiciable. "Le Roi n' est justiciable que de Dieu. Moreau. = Justicier, subst. 1°. Qui aime à rendre justice. "Ce Prince était grand justicier = 2°. Qui a droit de justice. Seigneur Justicier, Haut-Justicier = Justicier, v. n. Punir d' une peine corporelle, en vertu d' une Sentence, etc. "On en a justicié quatre: "Il a été justicié. _ Il est du st. famil.

JUSTIFIANT


JUSTIFIANT, ANTE, adj. JUSTIFICATIF, IVE, adjectif, JUSTIFICATION, subst. fém. JUSTIFIER, verbe act. [Justifi--an, ante, katif, tîve, kacion, justifié.] Justifier, 1°. en parlant des persones, déclarer inocent celui qui était acusé. "Le Parlement l' a justifié par son Arrêt. "Il a été justifié de ce crime. "Je me justifierai. "Je vous ai justifié. = 2°. En parlant des chôses, en prouver la bonté, la vérité. "Ce conseil était bon: l' évènement l' a justifié. "Justifier un fait: je vous justifierai le contraire. _ Au Palais, v. n. justifier du contraire, de l' emploi des sommes, etc. = 3°. Dans le langage de la religion, doner la justice intérieure. "Dieu l' a justifié par sa miséricorde. "La grâce qui nous justifie. "Nous sommes tous justifiés par les mérites de J. C.
   Rem. 1°. Au futur, justifier n' est que de quatre syll. "Je justifierai, il justifierait, etc. Pron. justifî-ré, justifî-rè. Quelques Poètes l' écrivent sans e: "Justifîra mes feux. Corn. = 2°. Justifier, Défendre, (synon.) Le 1er supôse le bon droit, ou au moins le succês; le 2d supôse seulement le désir de réussir. "Cicéron défendit Milon; mais il ne put parvenir à le justifier. "l' innocence a rarement besoin de se défendre: le temps la justifie presque toujours. Encycl. = 3°. M. Moreau fait régir au réciproque les adjectifs. "Quiconque étoit soupçoné... devenoit coupable, pour n' avoir pu se justifier innocent. On dit, en se servant du neutre, dans le sens de prouver, montrer. "Pour n' avoir pu justifier qu' il étoit inocent. "Justifiez, en vous proposant ces grands modèles, que la piété ne déshonore point les Rois. Massill.
   JUSTIFICATION est, 1°. l' action par laquelle on justifie. Il a un sens passif, il se dit de celui qui est justifié, et non de celui qui justifie. "Je veux travailler à ma justification, à la justification de mon ami. = 2°. L' action et l' éfet de la grâce pour rendre les hommes justes. "La justification des hommes, des pécheurs. Voy. JUSTIFIER, n°. 3°. = Justificatif, en termes de Palais, se dit dans le 1er sens. "Faits justificatifs; pièces justificatives. = On le dit aussi des pièces qui sont la preuve de la vérité d' une Histoire. "Nous avons mis à la fin les pièces justificatives. = Justifiante ne se dit que de la grâce et de la Foi qui justifie. "La Grâce, la Foi justifiante.

JUSTIFIABLE


*JUSTIFIABLE, adj. JUSTIFICATEUR, s. m. Le premier est un mot de nouvelle fabrique. Qui peut être justifié. "Il pensoit qu' une telle violence étoit justifiable, lorsqu' elle étoit autorisée par un Prince Souverain. Hist. des Tud. "Je suis justifiable par des raisons qui militent autant pour moi que contre lui. = Le 2d est un terme de Fondeur de caractères, et se dit de l' ouvrier et de l' instrument. M. Linguet l' emploie dans le sens ordinaire de justifier. "Avec nos accusations, nous ne l' aurions jamais perdu; avec son éclat justificateur, nous sommes sûrs de le couler à fond.

JUSTA-POSITION


JUSTA-POSITION, s. fém. Terme de Physique. Manière dont les corps augmentent de volume par l' addition de la matière qui s' y ajoute extérieurement. "On croit comunément que les pierres ne croissent que par justa-position. _ J. J. Rouss. a francisé ce mot, qui est presque tout latin: il écrit juste position.


K



K


K, s. m. On a longtemps prononcé ka: à présent on fait dire aux enfans ke. = Cette lettre servant plus aux mots étrangers qu' à ceux de notre langue, s' est vûe en danger d' en être absolument bannie. Son utilité pourtant est sensible, non seulement pour les mots étrangers, mais pour un petit nombre de mots français. Coment écrire sans son secours les mots kyrielle, kératoglosse, képhaléonomance, kiste et aûtres mots, peu conus du vulgaire, mais employés par les Savans, et naturalisés dans la langue Française. S' il en faut croire l' Ab. Girard, le k pourrait toujours remplacer le ch dans les ocasions, où celui-ci n' a pas la prononciation française, mais celle du c dur. Je conais des persones, ajoute-t-il, qui ne peuvent soufrir l' ortographe de chiromancie, à moins qu' on ne le prononce comme chimère, et qui ne désaprouvent pas khiromancie, dans la prononciation ferme. Le voeu ou la prédiction de l' Ab. Girard n' ont pas été acomplis, et on n' a point encôre substitué le k au ch grec.
   M. Duclos remarque aussi que le k est la lettre dont nous faisons le moins, et dont nous devrions faire le plus d' usage, atendu qu' il n' a jamais d' emploi vicieux. Il ajoute qu' il serait à désirer qu' on l' employât préférablement au q, auquel on joint un u, presque toujours inutile, et quelquefois nécessaire, sans que rien indique le câs de nécessité. On écrit, par exemple, également quarante et quadrature, sans qu' il y ait rien qui désigne que dans le premier la première syllabe est la simple voyelle a, et dans le second, la diphtongue oua. _ On pourrait donc écrire karante et quadrature, et alors ces deux prononciations seraient distinguées par l' ortographe. Mais on ne peut espérer que cette ortographe s' établisse jamais. L' habitude et le respect pour l' étymologie s' y opôseront toujours.

KYRIELLE


KYRIELLE, s. f. [Kiri-èle: 3eè moy. dern. e muet.] Il est vieux et hors d' usage dans le style sérieux: on dit Litanies. _ Kyrielle ne se dit plus que dans le style badin ou critique. Il signifie dénombrement ennuyeux.
   Tout hors d' haleine, il couroit après elle,
   Et lui contoit pourtant la longue kyrielle
   Des rares qualités dont il étoit orné.
       La Font.