Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI GOBER


GOBER, v. act. GOBET, s. m. *GOBEUR, s. m. [Gobé, , beur: 2e é fer. au 1er, è moy. au 2d.] Gober, 1°. avaler avec avidité, et sans savourer ce qu' on avale. "Gober un oeuf frais. = 2°. Fig. famil. croire légèrement. "Il gobe tout ce qu' on lui dit de plus absurde. = 3°. Saisir quelqu' un dans le tems qu' il s' y attend le moins. "On l' a gobé au sortir de la Comédie, pour le mener en prison. = On dit, proverbialement, d' un homme qui perd le tems à des bagatelles, qu' il gobe des mouches. Gober du vent, fainéanter, niaiser. = Gober le morceau, mordre à l' hameçon, se laisser duper.
   GOBET, morceau que l' on gobe. St. fam. = Prendre un homme au gobet, le saisir lorsqu' il y pense le moins. Voy. GOBER, n°. 3°.
   *GOBEUR, celui qui gobe. Je crois ce mot de l' invention de La Fontaine. Il s' en est servi dans la Fâble de l' Huitre et des Plaideurs.
   Celui qui le premier a pu l' appercevoir
   En sera le gobeur: l' autre le verra faire.

GOBERGER


GOBERGER (SE), v. récip. Se moquer, ou se réjouir. Il est populaire dans les deux sens.

GOBET


GOBET, GOBEUR, Voy. GOBER.

GOBIN


GOBIN, s. masc. [Go-bein.] Bossu. "Un petit gobin. = Il se dit aussi par mépris, dans le style familier et chagrin, de gens qui ne sont pas bossus. "C' est un plaisant gobin.

GODâILLER


GODâILLER, v. n. GODET, s. m. [Go--dâ-glié, godè: 2e lon. au 1er, mouillez les ll, è moyen au 2d.] Godet est une sorte de vâse à boire, qui n' a ni pied ni anse, d' où l' on a fait godâiller, boire à plusieurs reprises, et avec excês. Il est du style familier.

GODELUREAU


GODELUREAU, s. m. GODENOT, s. m. [2e e muet, 4e dout. au 2d, godeluro; au plur. elle est longue, godelureaux.] Ces deux mots sont du st. plaisant et critique. Le 1er se dit d' un jeune homme qui fait l' agréable et le galant auprès des femmes. "Jeune godelureau. = Le second est, au propre, une figûre d' ivoire, qui représente un petit homme, et dont les joueurs de gibecière se servent pour amuser les spectateurs; au figuré, petit homme mal fait. "Voilà un plaisant godenot; fait comme un godenot.

GODER


GODER, v. n. Faire de faux plis. "Voilà une manche qui gode.

GODET


GODET. Voy. GODâILLER.

GODIVEAU


GODIVEAU, s. m. [Godivo, au pluriel godiveaux, 3e lon. godivô.] Pâté composé d' andouillettes, de hâchis de veau et de béatilles.

GODRON


GODRON, s. masc. GODRONER, v. a. [Richelet met mal-à-propos un accent circ. sur l' o, gôdron: cet o est bref; il ne faut donc pas d' accent.] Godron se dit, 1°. de certains plis faits aux manchettes, aux coifûres des femmes, etc. = 2°. De certaines façons qu' on fait aux bords de la vaisselle d' argent, et à quelques ouvrages de menuiserie et de sculptûre. = Godroner de la vaisselle~, une coifûre, etc. y faire des godrons. "Vaisselle godronée.
   Rem. Plusieurs disent godron, godroner, pour goudron, goudroner, et confondent ainsi des chôses bien diférentes.

GOFFE


GOFFE, adj. Mot emprunté de l' Italien (goffo). Mal fait, mal bâti, grossier, mal-à-droit. "C' est l' homme du monde le plus goffe. "Cette architectûre, cette statûe est bien goffe.

GOGâILLE


GOGâILLE, s. fém. Terme populaire. Faire gogâille; être en gogâille. Se réjouir dans un repâs.

GOGO


GOGO, (à) adv. du st. famil. À~ son aise, dans l' abondance: "Vivre à gogo, être à gogo.

GOGUENARD


GOGUENARD, ARDE, adj. GOGUENARDER, v. n. [Goghenar, narde, nardé; 2ee muet.] Goguenard. Qui aime à plaisanter. Trév. Bâs et mauvais plaisant. Acad. Cette dernière définition en dit trop. Celle de Trév. me parait plus conforme à l' usage. = "Il est goguenard~; il fait le goguenard. = S. m. C' est un goguenard. Humeur goguenarde. = On ne le dit guère des femmes. = Goguenarder, râiller, plaisanter. Trév. Faire de mauvaises plaisanteries. Acad. Même réflexion que sur l' adjectif. "Il n' aime qu' à goguenarder. = Le Dict. de Trév. met aussi goguenarderie, propos pour faire rire, et traite ce mot de bâs. = L' Acad. ne le met point.

GOGUETTES


GOGUETTES, s. f. pl. [Goghète: 2eè moy. 3e e muet.] Propôs joyeux. "Conter goguettes. = Être en goguettes, en ses goguettes, (autrefois en ses gogues) en humeur de rire et de se divertir. = Chanter goguettes à quelqu' un, se dit par contre--vérité; c' est lui dire des injûres, des chôses fâcheûses. = * On a dit anciènement goguelu, pour signifier un homme qui aime à se réjouir.

GOINFRE


GOINFRE, s. m. GOINFRER, v. n. GOINFRERIE, s. f. Ces trois mots sont populaires. Celui, qui met tout son plaisir à manger. = Manger beaucoup et avidement. = Gourmandise sans goût. "C' est un goinfre. "Il ne fait que goinfrer. "Il est adoné à la goinfrerie. _ Voy. GOURMAND.

GOîTRE


GOîTRE, s. m. GOîTREUX, EUSE, adj. [Goâ-tre, treû, treû-ze. On trouve dans de très--bons livres gouetre. DICT. d' Orth. = L' Acad. ne met que goître, et celui-ci est plus conforme à l' analogie de l' usage actuel, où l' on n' écrit plus boete, coefe, etc. mais boite coife, etc.] Goître, est une tumeur spongieûse, qui vient sous le menton. On la croit causée par la mauvaise qualité des eaux qu' on boit. "Le goître est comun en Savoie. = Goitreux, qui est de la nature du goître.

GOLFE


GOLFE, s. m. [Plusieurs écrivent golphe.] Mer qui entre et avance dans les terres. Le Golfe de Venise.

GOMME


GOMME, s. f. GOMMER, v. act. GOMMEUX, EûSE, adj. [Gome, , meû, meuze: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d, lon. aux 2 dern.] Gomme, est une substance qui coule de quelques arbres, et qui se fond dans l' eau. Gommer, enduire de gomme. Gommeux, qui jette de la gomme. "Arbre gommeux. Matière gommeûse.

GOND


GOND, s. m. [On ne pron. point le d. On l' écrit pourtant, même au pluriel. Richelet l' y retranche: gons.] Morceau de fer coudé, dont une partie est arrêtée dans la feuillûre d' une porte, et l' autre apelée mamelon entre dans les pentûres qu' on atache à cette porte. "Gonds à bois. Gonds à plâtre. Fiche à gonds. = On dit figurément et adverbialement (st. famil.) Hors des gonds, hors de son assiète naturelle. "Mettre hors des gonds. "Tous les jours par ses chicanes, il me met hors des gonds; il me fait sortir hors des gonds. {B343a~}

GONDOLE


GONDOLE, s. f. GONDOLIER, s. m. Petit bateau plat et fort long, et celui qui le conduit.

GONFLE


*GONFLE, adj. En Provence le grand nombre dit, gonfle, enfle, trempe, pour gonflé, enflé, trempé. "Je suis tout gonfle: elle est enfle à faire peur; il est arrivé tout trempe. Ce sont des barbarismes.

GONFLEMENT


GONFLEMENT, s. m. GONFLER, v. act. [Gonfleman, flé: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Gonfler, rendre enflé. Gonflement, enflûre. "Les légumes gonflent l' estomac. "Gonflement de rate, d' estomac, etc. = Gonfler, est aussi n. et réc. "Dès qu' il a mangé, l' estomac lui gonfle. "Sa rate se gonfle. = Le subst. ne se dit qu' au propre; le verbe s' emploie élégamment au figuré. "Sa fortune l' a gonflé d' orgueil. Acad. "L' orgueil dont nous sommes gonflés. LA BRUY. "Quoique gonflé de sa victoire, il conserva toujours l' aparence de la modération.
   L' un est plein de respect, l' autre gonflé d' audace.
       Corn.
"Gonflé de son mérite, de l' amour de soi-même. = Il est au figuré plus en usage au passif qu' à l' actif.

GONIN


GONIN, adj. m. Il ne se dit qu' en cette phrâse proverbiale: c' est un maitre gonin; un homme rusé.

GORET


GORET, s. m. [Gorè. 2eè moy.] Petit cochon. On le dérive avec assez de vraisemblance de verres, dont on a fait veret et ensuite goret. LA MONN.

GORGE


GORGE, s. f. GORGÉE, s. f. GORGER, v. act. [2e e muet au 1er, é fer. aux 2 aûtres; long au 2d.] Gorge, est 1°. la partie du devant du cou. Prendre quelqu' un à la gorge. "Chien qui prend un taureau à la gorge. = Il se prend aussi pour le gosier. "Mal à la gorge ou mal de gorge. On dit en ce sens gorgée pour la quantité de liqueur, qu' on peut avaler à la fois. "Une gorgée de bouillon; et gorger, pour doner à manger avec excès: on les a gorgés de vin et de viandes; Fig. On les a gorgés de biens. "Les soldats se gorgèrent de butin. "Le Néron de l' Angleterre. (Henri VIII.) gorgé de richesses éclésiastiques ne s' en trouva que plus paûvre. Linguet.
   2°. GORGE, signifie quelquefois le sein d' une femme. "Elle a trop de gorge. Avoir la gorge découverte. = 3°. Gorge de montagnes, détroit, passage entre deux montagnes. = 4°. Gorge, (n°. 1°.) entre dans {B343b~} beaucoup d' expression figurées, presque toutes du style familier. = Suivant Ménage, on doit dire; on lui a fait écrire cela le poignard à la gorge, et non pas sur la gorge, comme dit Voitûre; mais l' usage est pour le dernier; et l' Acad. dit, mettre, tenir le poignard sur, et non pas à la gorge. = Prendre un homme à la gorge, exiger quelque chôse de lui avec violence. = Couper la gorge à quelqu' un, le ruiner. "Il ne peut parler à M. Colbert: cela nous coupe la gorge. Sév. Se couper la gorge, dire ou faire quelque chôse de nuisible à ses intérêts. _ C' est aussi se battre en duel.
   Pour de moindres sujets quelquefois on s' égorge.
   J' ai vu qu' en cas pareils on se coupoit la gorge.
       Barthe.
= Rire sous gorge ou sous cape, (le 2d est le plus usité) rire tout bâs, et sans qu' il y paraisse. "M. de Lavardin rioit sous gorge et contoit tout cela fort plaisamment. Sév. On dit, dans le même sens, d' un ris forcé, qu' il ne pâsse pas le noeud de la gorge. = Rire à gorge déployée, c' est au contraire faire des éclats de rire. = Avoir un noeud à la gorge, être triste au point de pouvoir à peine parler. = Faire rendre gorge, forcer à restituer. Il se dit ordinairement sans régime. d' Avrigni lui fait régir l' ablatif: "Qu' avant six mois, il lui feroit rendre gorge de tout ce qu' il avoit pris. Cette queûe était inutile et rendre gorge sufisait. = Faire gorge chaûde d' une chôse, s' en divertir, en faire son profit.
   Elle en fera gorge chaûde et curée.
       La Font.
* Mentir par la gorge, vieille expression. "Si vous avez voulu nous charger... que nous ayions fait chose, qu' un gentilhomme aimant son honeur ne doive faire; nous disons que vous avez menti par la gorge. Cartel de François I, à Charles V.

GORGèRE


*GORGèRE, GORGERETTE, s. f. GORGERIN, s. m. [2e è moy. au 1er, e muet aux 2 aûtres.] Gorgère, collet antique de femme, qui couvrait la gorge et le cou. Les mots gorgerin et gorgerette étaient plus en usage à Paris. En Province, on disait plutôt gorgère. Les gorgères des femmes avaient emprunté leur nom des gorgères ou gorgerins des gens de guerre, lesquels faisaient partie de l' armûre; et c' est ce qu' on a depuis nomé hausse-cou. LA MON.

GOSIER


GOSIER, s. m. [Go-zié: 2eé fer.] 1°. Partie intérieure de la gorge. "Avoir le gosier écorché. "L' Hôte se lassa d' abreuver tant de gosiers altérés. Le Sage. = 2°. Canal par où sort la voix. "Elle a un gosier de rossignol: elle a un beau gosier, une voix agréable. = On dit, proverbialement, avoir le gosier pavé: manger les viandes fort chaudes sans se brûler.

GOTHIQUE


GOTHIQUE, adj. [Rich. met gotique ou gottique, ou gothique. Dans le Rich. Port. on ne met que le dernier, et c' est le seul bon.] Au prop. il ne se dit qu' avec Architectûre et Écritûre. Architectûre gothique, diférente des cinq ordres d' Architectûre, et attribuée aux Goths. Écritûre Gothique, écritûre anciène, dont on a aussi attribué les caractères aux Goths. = Au figuré, il se dit par mépris de ce qui est hors de mode. "Cela est gothique. "Habillement gothique, manières gothiques.
   On diroit que Ronsard, sur ses pipeaux rustiques,
   Vient encor frédoner ses Idylles gothiques.
On dit substantivement, il y a du gothique dans cette architectûre, dans cette écritûre. = Dans l' Ann. Litt. On dit gothisme, pour style gothique. "Convenons de bonne foi que nous sommes retombés dans l' ignorance, la barbarie et le gothisme.

GOUDRON


GOUDRON, s. m. GOUDRONER, v. act. [Quelques-uns disent mal à propôs godron, godroner en ce sens. Voy. ces mots.] Goudron est une espèce de poix, qui sert principalement à calfater les vaisseaux. Goudroner, enduire de goudron.

GOUFRE


GOUFRE, s. m. [Gou-fre: 2e e muet.] Creux profond. "Tomber dans un goufre. _ Il est beau au figuré. "Tire-moi
   Du goufre où m' a plongé le crime.       L' Ab. Têtu.
"Tomber dans un goufre de malheurs, de misères. "Les procês sont un goufre: ils coutent des frais immenses.

GOUGE


GOUGE, s. f. 1°. Femme publique et débauchée. "C' est une franche gouge. SCAR. Il est vieux en ce sens. _ Borel dit qu' en Languedoc, il signifie simplement une servante. = 2°. Espèce de ciseau de Menuisiers, sculpteurs et aûtres ouvriers.

GOUJAT


GOUJAT, s. m. Valet de soldat. "Les goujats de l' armée. _ C' est aussi un terme de mépris. "Que veut dire ce vilain goujat.

GOULE


*GOULE, GOULÉE, s. f. Vieux mots. Verville dit souvent goule pour gueule, et de là gouler, engouler, engoulevent. LA MON. = Vous en avez menti par votre goule, dit Charles de Valois à Enguerrand de Marigni. Voy. Gorge à la fin. = La Fontaine a encore employé goulée.
   Ce maudit animal vient prendre sa goulée,
   Soir et matin, et des pièges se rit.
L' Acad. le met, grosse bouchée. Il est bâs. "Il n' en a fait qu' une goulée. = Brebis qui bêle, perd sa goulée. On est à table pour manger et non pas pour parler.

GOULET


GOULET, s. m. GOULOT, s. m. [On ne pron. point le t final.] Goulot, se dit du cou d' une bouteille, d' une cruche, etc. On a dit anciènement goulet. _ Celui-ci ne se dit plus que de l' entrée étroite d' un port. _ * On trouve dans Danet gouleau pour goulot.

GOULIAFRE


GOULIAFRE, adj. GOULU, ÛE, adj. GOULUMENT, adv. [2e lon. au 3e.] Gouliafre et goulu, se disent d' un homme qui mange avidement. Le 1er est populaire, le 2d est familier. Goulument, avidement. "C' est un homme extrêmement goulu; il mange goulument.

GOUPILLE


GOUPILLE, s. f. [Gou-pi-glie: dern. e muet; mouillez les ll] petite fiche, dont on se sert pour arrêter quelques parties d' une montre ou aûtres petits ouvrages.

GOUPILLON


GOUPILLON, s. m. [Gou-pi-glion: mouillez les ll.] Aspersoir, dont le Prêtre se sert pour répandre l' eau bénite sur le peuple. "Goupillon de bois, de cuivre, d' argent.

GOURDE


GOURDE, adj. et s. f. Engourdie. "Avoir les mains gourdes. Fig. Famil. "Ce filou n' a pas les mains gourdes. * Richelet dit n' avoir pas les piés gourds, être prêt à courir. On ne le dit que des mains. _ S. f. Calebasse, dont les soldats, les pélerins, les mendians se servent pour porter de l' eau ou du vin.

GOURDIN


GOURDIN, s. m. [Gour-dein.] Grôs bâton court, des coups de gourdin. Il est populaire.

GOURGANDINE


GOURGANDINE, s. f. Femme de mauvaise vie. St. famil.

GOURMADE


GOURMADE, s. f. Coup de poing. "Il lui donna deux ou trois gourmades bien assenées.

GOURMAND


GOURMAND, ANDE, adj. et subst. GOURMANDISE, s. f. GOURMANDER, v. act. [2e lon. 3e lon. au 3e, dîze.] Gourmand, qui mange avec avidité et avec excês. "Il est fort gourmand; elle est extrêmement gourmande. "C' est un gourmand, une gourmande. = Gourmandise, vice de celui, qui est gourmand. "Gourmandise insatiable. Le péché de Gourmandise. = Gourmand, goinfre, glouton; (synon.) ils vont en augmentant pour exprimer une avidité plus grande, plus grossière, plus basse, plus méprisable. "Il n' est pas seulement gourmand: il est goinfre: il est glouton. Ce dernier fait image: c' est comme qui dirait homme, qui engloutit ce qu' il mange~. = * Plusieurs disent gourmand, gourmandise, pour friand, friandise. Ce n' est pas le sens de ces deux mots. = On dit l' adjectif des animaux et des arbres mêmes. "Un oiseau gourmand. "Le brochet est un poisson gourmand. _ Branche gourmande, qui pousse avec trop de vigueur et épuise les branches voisines.
   GOURMANDER, n' a aucun raport pour le sens avec les deux mots précédens. Il signifie réprimander avec dureté. "Pourquoi le gourmander de la sorte. "Il gourmande tout le monde. = Ce mot est beau au figuré. On dit gourmander ses passions, les assujétir.
   La vertu, qui n' admet que de sages plaisirs,
   Semble d' un ton trop dur gourmander nos desirs.
       L. RAC.
M. L' Ab. de Lille a dit plus figurément encôre.
  Gourmander sans relâche un terrein paresseux.

GOURME


GOURME, s. f. GOURMER, v. act. GOURMETTE, s. f. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d, è moy. au 3e: me, , mète.] Gourme, se dit des mauvaises humeurs qui viènent aux jeunes chevaux. On dit au propre d' un jeune cheval, qu' il n' a pas encore jeté sa gourme; au figuré, on dit des enfans, qui ont la gale ou d' autres humeurs qu' ils jètent leur gourme, et plus figurément d' une jeune persone qui n' est pas encôre formée. "Hélène ne vient pas avec moi... J' ai Marie, qui jette sa gourme, comme vous savez; mais ne soyez pas en peine de moi. Sév. "Ce jeune homme fait bien des extravagances: il n' a pas encore jeté toute sa gourme.
   GOURMETTE, petite chainette de fer, qui tient au mors du cheval. Fig. Famil. Lâcher la gourmette à quelqu' un, lui doner plus de liberté. = Gourmer un cheval, lui mettre la gourmette. = Gourmer un homme, le batre à coups de poing. "On l' a bien gourmé. "Ils se sont long-tems gourmés.

GOURMET


GOURMET, s. m. [Gourmè, 2eè moy.] Qui sait bien conoître et goûter le vin. Bon ou méchant gourmet. = Quelques-uns le disent des viandes. On ne le dit que des liqueurs.

GOURMETTE


GOURMETTE, Voy. GOURME.

GOUSSE


GOUSSE, s. f. [Gouce: 2e e muet.] Envelope, qui couvre certaines graines, comme pois, fèves. _ Gousse d' ail, petite tête d' ail.

GOUSSET


GOUSSET, s. m. [Gou-cè: 2eè moy.] 1°. Creux de l' aisselle; et aussi ce petit morceau de toile, qui sert à faire tenir le corps de la chemise avec la manche à l' endroit de l' aisselle. Delà cette expression bâsse et dégoûtante, sentir le gousset, sentir mauvais. Il ne parait pas qu' elle soit anciène dans la Langue: elle n' est ni dans Rabelais, ni dans Marot, ni même dans aucun des Poètes satiriques, dont fourmillait le comencement du 17e siècle. Scarron s' en sert souvent. La Monn. = 2°. Bourson qu' on met en dedans de la ceintûre de la culote. "Il a toujours le gousset bien garni. = * Ménage a été très-mal informé, lorsqu' il a écrit qu' on disait en Bourgogne la goussette au fém. dans le sens de bourson. Gousset, en quelque signification, que ce puisse être, y est toujours masculin. La Monn.

GOûT


GOûT, s. m. [Goû, monos. long.] 1°. Celui des cinq sens, par lequel on discerne les saveurs. "Avoir le goût bon ou mauvais. 2°. Saveur. "Viande de bon goût, de mauvais goût. = 2°. Odeur. "Ce tabac a un goût de pourri. = 4°. Apétence des alimens. "Il a entiérement perdu le goût. "Il entre en goût. "Le goût comence à lui revenir. = 5°. Fig. Discernement, finesse de jugement. "Avoir le goût, fin, délicat; ou avoir le goût fort mauvais. "Ce sont des chôses de goût. = 6°. Inclination, plaisir. "Il n' a pas de goût pour les vers, la musique, etc. = 7°. Opinion, aprobation. "Cela n' est pas de mon goût. "Cela est du goût de tout le monde. "Il ne faut pas disputer des goûts. = 8°. Manière, dont une chôse est faite. "Cela est de bon ou de mauvais goût. = 9°. Caractère d' un Auteur, d' un Artiste. "Ces vers sont dans le goût de Voltaire. "Ce tableau est dans le goût de Rubens, etc. = 10°. En goût de avec l' infinitif. "Il vit ce Prince assez en goût de l' entendre. = 11°. On dit, avoir ou prendre du goût pour.... Gresset dit, dans le même sens, se prendre de goût. C' est peut-être une expression du jargon à la mode qu' il emploie pour s' en moquer.
   Ce petit étourdi s' est pris de goût pour moi,
   Et me croit son ami, je ne sais pas pourquoi.
       Le Méchant.
On dit avoir du goût pour, et avoir le goût de: il a du goût pour la musique: il a le goût de la peintûre. Mais quand le goût est afecté d' une épithète, je pense qu' il régit pour et non pas de. "Il a le goût le plus vif de la Philosophie. L' Ab. Gauchat. Je voudrais dire, pour la Philosophie. Si l' épithète était après le régime, de pourrait être employé. "Il a le goût de la Philosophie le plus vif et le plus décidé. On dit d' une chôse trop chère, que le coût en fait perdre le goût, et qu' on n' a pas d' envie de l' acheter, dès qu' on en sait le prix.
   Bon sens, bon goût. (synon.) On borne la sphère du bon sens, aux chôses plus sensibles, et le bon goût à des objets plus fins et plus relevés. Encycl. Entre le bon sens et le bon goût, dit La Bruyère, il y a la diférence de la caûse à l' éfet. _ La distinction de l' Encyclopédiste est plus juste.

GOUTER


GOUTER, v. act. et n. et s. m. [Gouté; 2e é fer. l' ou est long devant l' e muet, il goûte, il goûtera. L' Acad. met l' acc. circ. sur cet ou à l' infinitif, où il est bref. Cet accent y fut mis lorsque l' on suprima l' s; car on écrivait anciènement gouster. Plusieurs et l' Acad. elle-même ont conservé sans nécessité cet acc. circ. dans plusieurs mots: on ne doit plus l' employer que sur les syllabes longues.] Il y a de la diférence pour le sens entre gouter actif, trouver bon; et gouter à neutre, essayer à manger d' une chôse, goutez-y. M. Gilbert n' a pas fait cette distinction dans sa Sat. du 18e Siècle.
   La comédie est belle et le drame est divin.
   Pour moi, j' y goûte fort; car j' aime la natûre.
Il falait, dans le sens de l' Auteur, je le goûte fort: mais il y aurait eu une syllabe de trop. = Dans le 1er sens, il régit de ou à; goutez de cette sausse, de ce tabac. "Voulez vous gouter de notre vin, à notre vin. "Ce n' est que pour en gouter, pour y gouter. Dans cette acception, il se dit aussi activement. "goutez cette sauce, goutez bien ce tabac.
   GOUTÉ, se dit des persones comme des chôses. "Ce prédicateur est fort gouté. "Cette pièce est universellement goutée.
   Partout également gouté;
   Et cependant point d' airs, nulle fatuité.      Bart.

GOUTER


GOUTER, s. m. Petit repâs qu' on fait entre le dîner et le souper.

GOUTTE


GOUTTE, s. f. GOUTTELETTE, s. f. GOUTTEUX, EûSE, adj. et subst. [Gou-te, telè--te, teû, teû-ze: 2e e muet aux deux premiers, lon. aux 2 dern. 3eè moy. au 2d.] Goutte, est 1°. petite partie d' une chôse liquide. "Petite ou grosse goutte. "Une goutte d' eau, de vin, d' huile, etc. Verser goutte à goutte. = 2°. Fluxion âcre et douloureûse, qui s' atache aux jointûres des piés, des mains, des genoux. "Avoir la goute aux piés, à un pié, aux mains, etc. = Goutte-sereine, maladie qui cause subitement la perte de la vûe.
   GOUTTELETTE, petite goutte, a raport au 1er sens, et goutteux, qui est sujet à la goutte, se prend dans le second. "Une gouttelette d' eau. "Il est goutteux; c' est un goutteux. = gouttelette, est peu usité.
   Rem. On dit figurément, goutte à goutte, lentement et avec persévérance. "Ils sont réservés à la vengeance, qui distille sur eux goutte à goutte, et qui ne tarira jamais. Télém.
   Dans le style proverb. on dit, de ce qui achève de ruiner, ou de faire perdre patience; c' est la dernière goutte d' eau, qui fait verser le verre. _ Et quand on ne done que de petits secours pour de grands besoins, c' est, dit-on, une goutte d' eau dans la mer. _ On dit aussi, de deux persones, qu' elles se ressemblent comme deux gouttes d' eau. _ "Je regarde la fin de cette automne avec une horreur, qui me fait suer les grosses gouttes. Voy. SUER.
   2°. Goutte, maladie, se dit toujours au singulier. Anciènement on disait assez indiféremment, la goutte ou les gouttes, et on le dit encore dans certaines Provinces. L' Acad. dit mangé de gouttes; expression unique où le pluriel soit employé.
   3°. Goutte, adv. n' a, dans sa signification, aucun rapport avec les deux sens du subst. Il signifie proprement, pas ou point. "Ne voir goutte, n' entendre goutte. "Il ne voit goutte, il n' y voit goutte: il n' entend goutte. "On ne voit, on n' entend goutte dans cette afaire. "Ces phrâses ne sont que du style familier, sur-tout, n' entendre goutte.

GOUTTIèRE


GOUTTIèRE, s. f. [Gou-tiè-re: 2e è moyen et long, 3e e muet.] Petit canal, par où les eaux de la pluie coulent de dessus les toits. = Par extension, bande de cuir, qui avance autour de l' impériale d' un carrosse.

GOUVERNAIL


GOUVERNAIL, s. m. [Gou-vêr-nail, 2e ê ouv. mouillez l' l finale: ai n' a pas le son d' e; mais l' a et l' i y conservent leur propre son.] Pièce de bois atachée au derrière d' un vaisseau, d' un bateau, etc. qui sert à le gouverner. On dit aussi timon. = Au fig. Tenir le gouvernail ou le timon, gouverner, conduire les afaires. "Tout alla bien, tant que ce Ministre tint le gouvernail.
   Jules, qui de l' Etat tenoit le gouvernail.      Marigni.

GOUVERNANTE


GOUVERNANTE, s. f. GOUVERNER, v. act. GOUVERNEMENT, s. m. GOUVERNEUR, s. m. [2e ê ouv. 3e é fer. au 2d, e muet au 3e: en y a le son d' an.] Gouverner, c' est, 1°. Régir, conduire avec autorité. "Il gouverna bien ses États; son Royaume. = Administrer. "Gouverner les afaires, le ménage. = V. n. Il, ou elle gouverne dans cet État, dans ce Royaume. = 2°. En parlant d' un vaisseau, le conduire: "Le Pilote qui gouvernoit ce vaisseau. = 3°. Avoir soin de... Gouverner les enfans, les malades. = "Il sait bien gouverner les chevaux: elle gouverne bien la basse-cour. = Il entend à bien gouverner le vin, à gouverner une câve. = 4°. En parlant des persones, avoir du crédit sur de l' esprit. "Je gouverne la République, disait Thémistocle, ma femme me gouverne; et ce petit garçon gouverne ma femme; c' est donc ce petit garçon, qui gouverne la République. = 5°. Se gouverner, se conduire. "Il s' est toujours gouverné sagement. "Il est encore à Paris, où j' ai fort envie de savoir comme il se gouvernera. Sév. "Cette femme, cette fille se gouverne mal. _ Il me parait un peu vieux: du moins il n' est pas du beau style. Se conduire, vaut mieux, et il est plus usité.
   GOUVERNEMENT, ne s' emploie que dans le 1er sens de gouverner. Il se dit, et de la charge de Gouverneur. "Il a eu le gouvernement de Normandie; et de la ville, du pays, qui est sous le pouvoir du Gouverneur. "C' est un des grands Gouvernemens du Royaume; et de la manière de gouverner. "Son gouvernement fut dur et tyrannique; et de la constitution d' un État. "Le Gouvernement de Vénise est Aristocratique; et des Ministres qui gouvernent: il est suspect; il a déplu au Gouvernement; et enfin, de l' hôtel du Gouverneur: il est logé au gouvernement. = Pour les particuliers, gouvernement ne s' emploie que dans cette phrâse; avoir quelque chôse en son gouvernement, être chargé d' en avoir soin. "Elle a le linge, la vaisselle en son gouvernement. * Quoiqu' on dise, gouverner un malade, je doute qu' on puisse dire, si ce n' est parmi le peuple, le gouvernement d' un malade. Un anonyme s' est servi de cette locution. "On l' a choisi pour le gouvernement de votre frère. Mme. de Sévigne a dit aussi: Nous avons réussi par un bon gouvernement à le remettre dans son naturel. _ L' Acad. ne met point de phrâse pareille, ni aprochante.
   GOUVERNEUR n' a que deux sens: celui qui comande dans une Province, dans une place forte, etc. et celui qui est commis à l' éducation et à l' instruction d' un jeune Prince, d' un jeune Seigneur. = Gouvernante a un emploi plus étendu. Il se dit, et de la femme du Gouverneur d' une Province, d' une place: Madame la Gouvernante; et d' une femme, qui a par elle-même le Gouvernement d' une Province. "La Gouvernante des Pays-Bas; et de celle qui a soin des enfans: "La Gouvernante des Enfans de France. "La Gouvernante de ses enfans; et de celle qui a soin du ménage d' un veuf, d' un garçon, d' un éclésiastique. "La gouvernante de M. le Curé.

GRABAT


GRABAT, s. m. GRABATAIRE, s. m. [Graba, batère; 3e è moy. et long au 2d.] Grabat, méchant lit. = Être sur le grabat, (fig. fam.) c' est être bien pauvre, ou détenu dans un lit par de vives douleurs. "Cette misère, avec les chaleurs excessives qu' il a fait cette année, a mis tout le monde sur le grabat. = Grabataire, habituellement malade ou alité. = On apelait anciènement de ce nom, ceux qui diféraient jusqu' à la mort à recevoir le Baptême.

GRABUGE


GRABUGE, s. m. Querelle, noise. Le Dict. de Trév. dit qu' il est vieux. Il est pourtant encôre usité dans le st. fam. "Il y a toujours du grabuge entre le mari et la femme.
   Peut-être près d' un mois, après cet éfort-là,
   Il survint entre nous un terrible grabuge.      La Ch.

GRâCE


GRâCE, s. f. GRACIABLE, adj. GRACIEUX, EûSE, adj. [1ere lon. dans le 1er: ia est de deux syllabes; ieux n' en fait qu' une: ci-able, cieû, cieû-ze: en vers et dans la prononciation soutenue, ci-eû, ci-eû-ze; l' est long.] Grâce a plusieurs significations: 1°. Faveur qu' on fait à quelqu' un sans y être obligé. "Je vous demande cette grâce: je le demande en grâce. "J' ai reçu de lui plusieurs grâces. = Grâce, faveur (syn.) Le 1er. dit quelque chôse de gratuit; le 2d, quelque chôse d' afectueux. La grâce exclud le droit. La faveur, fait acception des persones, sans exclure tout titre. La grâce est étrangère à la justice: la faveur est oposée à la rigueur. La bienfaisance, ou la clémence, font ou acordent une grâce: une inclination personelle, un goût de préférence, font ou acordent une faveur, etc. Roub. Synon. = 2°. Faveur, crédit. "Être en grâce aupres du Prince. Être dans les bones grâces de... "Il a perdu les bones grâces de, etc. = 3°. Secours surnaturel que Dieu done aux hommes pour faire leur salut. "Grâce prévenante, éficace, sufisante, etc. Grâce sanctifiante. "Être en grâce; en état de grâce, etc. = 4°. Grâce, agrément, (synon.) Le 1er a plus de raport au corps; le 2d. a l' esprit. L' on dit d' une persone, qu' elle marche, danse, chante avec grâce, et que sa conversation est pleine d' agrémens. Gir. Synon. = 5°. Pardon, abolition d' un crime. "Il n' apartient qu' au Prince de doner grâce. Il a obtenu sa grâce. = Coup de grâce; le coup que le bourreau done sur l' estomac à un roué, pour l' empêcher de languir plus long-temps.
   REM. 1°. Faire grâce absolument, c' est pardoner; faire grâce de, remettre, ne pas exiger: Faire une grâce, c' est faire un plaisir. "Le Roi lui a fait grâce. "Je vous fais grâce de la moitié. "Il m' a fait une grande grâce. L. T. Wailly.
   2°. Grâce, agrément, ne s' emploie pas tout seul au singulier. De grands Poètes l' ont pourtant employé de cette manière. Dans Phèdre, Aricie dit d' Hypolite:
   Non que par les yeux seuls lâchement enchantée,
   J' aime en lui sa beauté, sa grace tant vantée.
On dirait, en prôse, ses grâces; encôre ne le dirait-on pas d' un homme: on dirait, sa bone grâce. On peut louer un homme d' avoir des grâces, mais en parlant de lui, on ne dira pas, comme on le dit d' une femme, ses grâces, son esprit, charment tout le monde. = Mme. de Genlis a dit: sa grâce, au singulier, en parlant d' une femme. "On vanta sa grâce, sa physionomie, etc. L' Acad. ne met pas d' exemple pareil, et j' ôse douter que l' usage admette cette locution. = Voltaire a dit aussi, dans son Epitre à Horace.
   Je t' écris, aujourd' hui, voluptueux Horace,
   À~ toi, qui respiras la tendresse et la grâce.
Quand respirer ne serait pas là un mot impropre, la grâce au sing. le serait certainement. On voit bien qu' elle n' est en ce nombre que pour la rime. = Avoir bonne grâce, se dit toujours comme les expressions consacrées par l' usage, sans changement dans l' ordre des mots. * Mme. de Sévigné place bonne après grâce. "Cela ne fera aucun tort à vos afaires, et vous n' en aurez pas l' air plus mal-adroit, ni la grâce moins bonne. Je pense qu' il falait dire, ni moins bonne grâce.
   3°. Il ne faut pas confondre bonne grâce au singulier, avec bonnes grâces au plur. L' un signifie quelque chôse de gracieux; l' aûtre l' amitié, la protection. Ainsi, il faut dire, gâgner les bonnes grâces, et non pas, la bonne grâce de, etc. Vaug. = Bonnes grâces, ne fait point de conséquence pour mauvaises grâces: l' usage est pour l' un, et n' est point pour l' autre. Il y en a qui disent, il a encouru les mauvaises grâces du Prince; il faut dire, la disgrâce. Bouh. 4°. On dit également, rendre grâces (ou grâce) et rendre des actions de grâces. Le 1er pourtant est plus de la conversation, et l' aûtre du style soutenu. Dans l' un et dans l' aûtre, grâces doit être au plur., du moins dans la prôse. Nos meilleurs Poètes disent: rendre grâces, ou grâce, selon le besoin qu' ils en ont. * D' Ablancourt et d' autres Écrivains de son tems ont dit, faire des actions de grâces: mais on ne le dit plus aujourd' hui. Faire, s' emploie avec remercîmens, et rendre avec actions de grâces.
   5°. Grâce s' emploie adverbialement, ou avec la prép. à, qui le suit et qu' il régit. "Grâce à Dieu, grâce à votre bonté, etc. (Grâces à Dieu, est un gasconisme.)
   Les devoirs, les vertus perdent jusqu' à leur nom,
   Devenus, grâce aux moeurs, des mots de mauvais ton.       Barthe.
Ou avec la prép. de, en ou par, qui le précèdent: De grâce, en grâce, par la grâce. Le 1er des trois se met à la tête de la phrâse, comme une interjection: de grâce, dites-moi ce que c' est: le 2d se met après le v. demander. "Elle me demanda en grâce de venir voir l' arrangement de ma maison. Mme de Coulanges. "M. de Malezieu demanda du moins en grâce qu' il lui fût permis de ne point recevoir d' apointemens du Roi. Fontenelle. Le 3e se met devant certains noms de dignité. "Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre. "N... par la grâce de Dieu et du St. Siège Apostolique, Évêque de... _ De bone grâce, adv. Voyez, de bon gré, au mot GRÉ.
   Graciable, qui est rémissible, qui est digne de grâce, (n°. 5°.) Gracieux, agréable, qui a beaucoup de grâce, (n°. 4°.) Le 1er ne se dit que des chôses; fait, câs graciable: le 2d. se dit des persones et des chôses, au propre et au fig. "Homme extrêmement Gracieux, femme fort gracieûse; air, sourire gracieux, manière gracieûse. "Tableau gracieux, pinceau gracieux. Voy. HONêTE.
   Rem. 1°. Des Auteurs ou des Imprimeurs ont écrit gratieux avec un t; mais puisqu' il vient de grâce~, il vaut mieux l' écrire avec un c. Ils ont suivi l' étymologie latine: gratiosus.
   2°. Gracieux ne plaisait pas à Vaugelas. Le P. Bouhours ne le trouvait bon qu' en termes de peintûre. Ménage l' aprouvait en prôse et en vers. Il en cite deux exemples, l' un du P. Bouhours lui-même. "Je ne sais quel air tendre et gracieux, qui touche les conoisseurs. L' autre de lui.
   Pour moi, de qui le chant n' a rien de gracieux.
Aujourd' hui cet adjectif est très-bien établi, et tout le monde s' en sert.

GRACIEûSEMENT


GRACIEûSEMENT, adv. GRACIEUSER, v. act. GRACIEûSETÉ, s. f. [Gra-cieû-ze--man, cieu-zé, cieû-zeté; 2e lon. au 1er et au dern. 3e e muet à l' adv. et au subst. é fer. au verbe.] Gracieûsement, d' une manière gracieûse. "Recevoir quelqu' un, ou lui parler gracieûsement. Gracieuser, faire des démonstrations d' amitié. "Elle l' a fort gracieusé. = Gracieûseté est, 1°. Honêteté, civilité. "Il m' a fait une gracieûseté à la quelle je ne m' atendois pas. "Elle lui a fait mille gracieûsetés. = 2°. Ce qu' on done à quelqu' un au delà de ce qu' on lui doit; gratification. "Si vous me contentez, je vous ferai quelque gracieûseté.
   Rem. On dit, dans le Dict. Néol. que gracieuser, est un mot qu' on dit souvent, et qu' on écrit rârement. On peut en dire autant de gracieûseté. Ils ne sont l' un et l' autre que du style familier.

GRACIOSITÉ


*GRACIOSITÉ, s. f. On lit, dans une Relation de la Peste de Marseille en 1720. "Marseille n' oubliera jamais les services qu' ils (les Procureurs du Pays de Provence et les Consuls des Villes particulières) lui rendent dans cette calamité, non plus que les graciosités, le zèle, l' empressement qu' ils ont à le faire. _ Graciosité, est un mot barbâre: mais avoir des graciosités à faire, quelque chôse est le comble du barbarisme.

GRACILITÉ


GRACILITÉ, s. f. Qualité d' une voix grêle. "La gracilité de sa voix.

GRADATION


GRADATION, s. f. [Grada-cion, en~ vers~ ci-on.] Figûre de Rhétorique. Assemblage de plusieurs chôses qui enchérissent l' une sur l' aûtre.

GRADE


GRADE, s. m. 1°. Degré d' honeur. "Il est monté à un nouveau grade; au plus haut grade. = 2°. Il se dit des diférens degrés que l' on aquiert dans les Universités.

GRADIN


GRADIN, s. m. [Gra-dein.] Petit degré qu' on met sur les Autels, sur des bufets, etc. = Bancs élevés les uns au dessus des autres en amphithéâtre. = On doit dire les gradins, et non pas les gredins. Le peuple confond souvent ces deux mots.

GRADUATION


GRADUATION, s. f. GRADUER, v. a. [Gradu-a-cion, du-é.] Graduer, c' est, 1°. diviser en degrés. Graduacion, action de graduer. La graduation d' un thermomètre, d' un Baromètre, etc. "Graduer les cercles d' une sphère, des cartes de géographie, etc. = Graduer, c' est aussi conférer des degrés dans une Université. Graduation n' a pas ce sens là. _ On emploie le verbe substantivement au participe: un Gradué, celui qui a pris les grades dans quelqu' une des quatre Facultés.

GRAFINER


*GRAFINER, v. act. Égratigner. Il ne se dit guère que des chats, disait aûtrefois l' Acad. Elle l' a retranché dans les dernières Éditions. C' est un provençalisme.

GRâILLON


GRâILLON, s. fém. [Grâ-glion: 1re long. mouillez les ll: ai n' y a pas le son d' e; mais l' a et l' i y conservent leur propre son.] Les restes ramassés d' un repâs. "Cette viande sent le grâillon. = Marie grâillon (st. populaire) femme en guenilles.

GRAIN


GRAIN, s. m. GRAINE, s. f. [Grein, monos. grène: 1re è moy. 2e e muet.] Le premier se dit du bled; le 2d de la semence des herbes. "Un grain de froment, un grain d' orge: recueuillir ses grains, etc. de la graine de choux, de laitûe, de moutarde, de melon, de concombre, etc.
   GRAIN se dit encôre, ou par extension, grain de raisin, de grenade, de poivre, etc. ou, par analogie, grain de chapelet, d' encens, etc. Futaine à grain d' orge; marroquin d' un beau grain, etc. ou, figurém. (st. famil.) il n' a pas un grain de bon sens; il a un grain de folie dans sa tête; ou, simplement, il a un grain. "Il n' y a pas un grain de sel dans cet ouvrage: il est insipide; il n' y a rien de piquant, d' agréable. _ Catholique à grôs grain, qui se permet beaucoup de chôses défendûes par la Religion. = On dit aussi, en style proverbial, des jeunes gens malins, comme Écoliers, pages; petits laquais, que c' est une mauvaise graine. On le dit surtout d' une mauvaise race.
   GRAIN, petit poids, faisant la 72e partie d' une dragme. "Cela pèse dix, douze grains. = En termes de Marine, grain de vent, ou simplement, grain, tourbillon qui se forme tout d' un coup.

GRAîSSE


GRAîSSE, s. fém. GRAîSSER, v. act. GRAîSSEUX, EûSE, adj. [Grêce, ce, ceû, ceû-ze: 1re long. ê ouv. 2e e muet au 1er, é fermé au second, long aux deux dern.] Graîsse, substance onctueûse, répandûe dans le corps de l' animal. "Graîsse de boeuf, de chapon. "Il y a trop de graîsse dans ce potage, dans cette saûce. "Cet homme est chargé de graîsse. "Ces câilles, ces ortolans sont des pelotons de graîsse. = Fig. (st. famil.) ce qu' il y a de meilleur. "Ils ont emporté toute la graîsse de cette afaire: il n' y a plus de profit à espérer.
   GRAîSSER, oindre de graîsse; graîsser des bottes, des souliers. Graîsseux, qui est de la natûre de la graîsse. Corps graîsseux, matière graîsseûse.
   Graîsse et graîsser entrent dans quelques expressions proverbiales. = Se plaindre de trop de graîsse, d' une chôse avantageûse. _ Ce n' est pas tout que des chous, il faut encôre de la graîsse, dit-on, quand il manque encôre quelque chôse pour terminer une afaire, pour finir un ouvrage. = Graîsser la peau à quelqu' un, le batre, le froter. _ Graîsser la patte, corrompre par présens.
   Vous serez pleinement contente de mes soins,
   Mais ne vous laissez pas graisser la patte au moins.
       Molière.
Graisser le marteau, doner au portier pour avoir les entrées.
   On n' entroit point chez moi sans graisser le marteau.
       Rac. Les Plaid.
Graisser ses bottes, se préparer à partir ou à mourir.

GRAMMAIRE


GRAMMAIRE, s. fém. GRAMMAIRIEN, s. m. GRAMMATISTE, s. m. [Gramère, Gramérien, matiste: 2e è moy. et long au 1er, é fer. au second.] La Gramaire est l' art qui enseigne à parler et à écrire correctement. Gramairien, celui qui a écrit de la Gramaire. "Les Anciens ne confondaient pas les Gramairiens, apelés aussi Philologues~, avec les Gramatistes, dont l' unique emploi était d' enseigner aux enfans les premiers élémens de la Langue grecque ou latine. Nous apelons ceux-ci Professeurs de Gramaire.
   Rem. Plusieurs veulent qu' on prononce Granmère, Granmérien: c' est une mauvaise prononciation. = On pourrait écrire Gramaire, Gramairien.

GRAMMATICAL


GRAMMATICAL, ALE, adj. GRAMMATICALEMENT, adv. [Gramatikal, kale, kaleman: 5e e muet.] Gramatical, qui apartient à la Gramaire. Dictionaire Gramatical, façon de parler Gramaticale. _ Qui est selon les règles de la Gramaire. "Ce discours est plus Gramatical qu' élégant. = Gramaticalement, selon les règles de la Gramaire. "Cela est bon Gramaticalement, mais il y a peu d' élégance.

GRAMMATICATION


*GRAMMATICATION, s. fém. Mot fabriqué par La Touche. "Je traite dans le premier Tome de tout ce qui regarde la grammatication. Il veut dire les règles de la Gramaire. = Ce mot est peu utile, et l' usage ne l' a pas adopté.

GRAND


GRAND, GRANDE, adj. GRANDEMENT, adv. GRANDEUR, s. fém. [2e e muet au 2d et au 3e: Dans le der, le d est muet devant une consone, il a le son du t devant une h muette ou une voyelle. Grand homme, le Grand Alexandre: pron. gran-tome, le Gran-tAlèksandre, etc.] Il y a des mots féminins devant lesquels on retranche l' e de grande: on dit, Grand' Mère, Grand' Messe. "C' est grand' pitié; il nous a fait grand-chère; il m' a fait grand' peur.
   Il ne faut point mentir: oui, tu m' as fait grand' -peur.
       Destouches.
"Nous l' avons obtenu à grand' peine. On dit aussi la grand' chambre, la grand' salle. Remarquez pourtant qu' excepté Grand' Mère, Grand' Messe, la Grand' Chambre du Parlement, ces mots reprènent l' e quand ils sont précédés du pron. une. Ainsi l' on dit, à grand' peine, et j' ai eu une grande peine; j' ai eu grand' peur, et j' ai eu une grande peur. MEN. Th. Corn. * M. Linguet avait oublié cette règle, quand il a dit: "Elle raportera de sa visite au moins une grand' peur. = * Bossuet dit, la Grand' Bretagne, Gresset, grand' coeffe; l' Auteur d' une Fable insérée dans le Mercûre, grand' détresse. * M. Moreau et Villaret disent au contraire, grande mère, et ce sont peut-être les seuls Auteurs qui parlent de la sorte. On troûve aussi Grande Messe dans les Let. Édif. = On écrit grande écurie, et l' on prononce grant-écurie: c' est le seul mot où le d de grande se change en t dans la prononciation, comme le d de grand le fait toujours devant une voyelle. Cette remarque est de Ménage; mais je pense qu' il ne faut l' entendre que de la grande écurie du Roi; et qu' en parlant des particuliers, on doit dire la grande écurie, et non pas grant écurie. M. Marin est d' un sentiment contraire à celui de Ménage, qui n' est rien moins que sûr.
   GRAND, 1°. fort étendu dans ses dimensions: grand homme, grand arbre; grande ouvertûre, grande chambre. = 2°. Qui a comencé à croître. "Cet enfant, cet arbre est déjà grand. = 3°. Qui surpâsse les aûtres du même genre. Il se dit dans le physique et dans le moral. "Grand nombre; grande quantité. Grand froid, grand chaud. "Grand génie; grande éloquence. Grand Prince, grand personage, grande injustice, etc. etc. "Marcher à grands pâs. Faire une grande dépense, etc. = 4°. Important. "C' est un grand principe, une grande maxime de morale, de politique, que, etc. = 5°. Grand, vaste. Voy. VASTE. = 6°. Grand est le titre de plusieurs Officiers principaux dans leurs départemens. Le Grand Écuyer: Grand Chambellan; Grand Aumonier. Le Grand Prévôt; le Grand Maître des Eaux et Forêts, etc.
   REM. 1°. Grand, placé devant le subst. a quelquefois un sens diférent de celui qu' il a quand il est placé après. L' air grand, c' est une phisionomie noble: le grand air, ce sont les manières d' un Grand Seigneur. "Un homme grand, signifie un homme de grande tâille: un grand homme, signifie un homme d' un grand mérite. Wailly. = _ Molière, dans le Médecin malgré lui, s' acomodant au personage de Sganarelle, après lui avoir fait dire qu' Aristote était un grand homme, lui fait ajouter, en levant le coude, grand homme tout-à-fait, qui étoit plus grand que moi de tout cela. LA MONN. = Observez qu' en parlant d' une femme, cet adjectif n' a raport qu' à la tâille, et qu' on ne dit point c' est une grande femme, pour dire une femme d' un grand mérite, comme on dit, dans le même sens, d' un homme qui a de grandes qualités, c' est un grand homme. BOUH.
   2°. Grand, quand il est seul, se met toujours devant le substantif. Grand cabinet, grande anti-chambre; joint à un adverbe de quantité, il peut se mettre après ou devant: un fort grand cabinet, une très-grande anti-chambre; ou un cabinet fort grand, une anti-chambre très-grande. _ Les Poètes sont eux-mêmes assujétis à cette règle; et dire, comme a fait Molière dans le Misantrope.
   On a pour ma persone une aversion grande.
Au lieu de dire; une grande aversion, c' est parler comme font les Allemands et les Suisses, quand ils comencent à écorcher le français. Les anciens Auteurs employaient sans peine cette construction. "Tous les Artisans entrèrent en suspicion grande. Amyot.
   Comment-il faudroit donc pour faire une oeuvre grande.
       Regnier.
3°. Grand n' est pas en usage avec toute sorte de mots, pour signifier célèbre, illustre. Dans les Frères Énemis, Polinice dit à Jocaste, qui avait peint les malheurs des Rois.
   Mon coeur, jaloux du sort de ces grands mal--heureux,
   Veut s' élever, Madame, et tomber avec eux.
Grand n' est pas un terme noble dans cette ocasion. On dit, dans le style familier et méprisant; c' est un grand malheureux, un grand coquin, un grand menteur. _ Dans le style noble, on dit, grand Roi, grand Général, grand Poète, grand Orateur, etc. Mais, s' il en faut croire Boil. quand il est précédé de l' article devant un nom propre, il ne se dit que des Conquérans et des Saints. "Le Grand Condé, le grand St. François. Il reprend donc le Poète Bouillon d' avoir dit:
   Que Zeuxis et le grand Apelle.
On peut bien dire, dit-il, qu' Apelle étoit un grand Peintre; mais, qui a jamais dit, le grand Apelle. On peut bien apeler Cicéron un grand Orateur, mais il serait ridicule de dire le grand Cicéron.
   4°. Grand s' emploie substantivement, sur--tout au pluriel. On dit, les Grands, les~ vertus, les vices des Grands, le service des Grands. "Un Grand, un homme élevé en dignité. "Un Grand d' Espagne. = Il est aussi substantif abstrait. "Il y a du grand dans cette action. "Si c' est le grand ou le sublime de la Religion qui éblouit, ou qui confond les esprits forts, ils ne sont plus des esprits forts, mais des foibles génies, et de petits esprits. La Bruy. _ En style simple, du petit au grand, par comparaison des petites chôses aux grandes.
   En grand; à la grande, adv. Le 1er est plus du style noble, le 2d du style familier. "Peindre, travailler en grand; vivre à la grande.
   GRANDEMENT, c' est 1°. avec grandeur. "Penser, agir grandement. = 2°. Extrêmement. "Il se trompe grandement. En ce 2d sens, il est familier.
   GRANDEUR, se dit et de l' étendue de ce qui est grand: la grandeur d' un logis, d' un parc, d' une ville, d' une province, et de la qualité de ce qui est excellent, supérieur. "La grandeur ou les grandeurs de Dieu. La grandeur des Rois. La grandeur des actions, des victoires. Grandeur d' âme. Air de grandeur. _ La grandeur (l' énormité) d' un crime. "Dieu est grand; mais dérogera-t' il à sa grandeur, en s' ocupant des Êtres qu' il a formés? Sera-t' il moins l' Être suprême en veillant sur moi, qu' il ne l' étoit en me créant? Le Comte de Valmont. "Nous voyons la grandeur de Dieu dans le spectacle des Cieux, que sa main a étendus comme un voile au-dessus de nos têtes. Le P. Du Rivet.
   Grandesse, grandeur, titres d' honeur. Le 1er se dit d' un Grand d' Espagne: le 2d s' emploie à l' égard de ceux à qui l' on done le titre de Monseigneur; et sur-tout des Évêques. C' est ce qui rend un peu comique ce vers de Corneille, où il fait dire par Prusias parlant de Laodice, Reine d' Arménie:
   Proposez cet hymen vous-même à sa Grandeur.
       Nic.

GRANDIR


GRANDIR, v. n. Devenir grand, croître en hauteur. Il ne se dit qu' au propre. "Cet enfant grandit à vuë d' oeil. "Cette pluie a fait grandir les blés.

GRANDISSIME


GRANDISSIME, adj. Très-grand. Il n' est que du st. famil.

GRANGE


GRANGE, s. f. [1re lon. 2ee muet.] Bâtiment où l' on serre les blés en gerbes. On a dit aûtrefois grangier ou granger, pour métayer, fermier; et grangeage, pour manière de doner une ferme à louage. On le dit encôre dans certaines Provinces. _ Trév. met cet mots sans remarque. L' Acad. ne les met pas.

GRAPPE


GRAPPE, ou GRAPE, s. f. GRAPILLON, s. m. GRAPILLER, v. n. GRAPILLEUR, EûSE, s. m. et f. [2e e muet au 1er; mouillez les ll aux aûtres, grapi-glion, glie, glieur, glieû-ze.] Grape, assemblage de plusieurs grains, qui sont atachés en bouquets au cep de la vigne. Il se dit aussi de quelques aûtres plantes ou arbrisseaux. Grapillon, petite grape de raisin prise d' une plus grande. = Grapiller, cueillir ce qui reste de grapes ou de grapillons à une vigne, après qu' elle a été vendangée. Grapilleur, eûse; celui ou celle, qui grapille. = Ils se disent au figuré, mais seulement dans le style familier, de ceux qui font quelque petit gain. "Il a grapillé quelque chôse dans cette afaire. "Il n' y a plus rien à grapiller Le subst. se dit des petits profits injustes. "C' est un grapilleur.
   Rem. 1°. En Provence, plusieurs prononcent crape de raisin: c' est un barbarisme.
   2°. Quand on a ôté tous les grains d' une grape, on ne dit plus grape, mais rafle. Acad.
   En style proverbial, mordre à la grape, doner dans le paneau, saisir avidement une proposition qui nous flate. = C' est aussi prendre plaisir à quelque chôse: "Quand il parle de cela, il semble qu' il morde à la grape.

GRAPPIN


GRAPPIN ou GRAPIN, s. m. [Gra-pein.] 1°. Ancre à quatre becs. = 2°. Instrument de fer à plusieurs pointes recourbées, dont on se sert pour acrocher un vaisseau, soit pour l' aborder, soit pour y atacher un brulot. = C' est dans ce dernier sens qu' on dit dans le style fig. famil. mettre à quelqu' un le grapin dessus, le dominer, prendre de l' empire sur lui. L' Acad. dit aussi jeter le grapin ou son grapin sur; mais celui-ci n' est pas, ce me semble aussi usité.

GRâS


GRâS, GRâSSE, adj. GRâSSET, ETTE, adj. GRâSSEMENT, adv. [Grâ, grâce, , cète, ceman: 1re lon. 2e e muet au 2d et au dern. è moy. au 3e et 4e.] Grâs, 1°. En parlant des animaux, qui a beaucoup de graisse. "Cet homme est grôs et grâs; il est fort grâs. Chapon grâs, poularde grâsse. = On dit en ce sens grâsset, qui est un peu grâs: il est grâsset, elle est grâssette. = 2°. Imbu de graisse ou de quelque matière onctueûse. "Essuyez-vous; vous avez le menton grâs. "Son habit, son chapeau est grâs. Cheveux grâs, etc. = 3°. En parlant du vin et aûtres liqueurs, qui s' est trop épaissi. "Du vin grâs, de l' huile, de l' encre grâsse. = 4°. Fig. Sale, obscène, licencieux. "Des discours grâs, des paroles grâsses. "Cette comédie, cette farce est un peu grâsse. = 5°. Grâs, est quelquefois au propre, subst. masc. "Le grâs et le maigre. Il aime le grâs, je veux du grâs. "Le grâs de la jambe, etc. = 6°. Il est aussi adv. Manger grâs, faire grâs. Manger de la viande les jours maigres. Parler grâs, grasséyer.
   On dit, en st. prov. Grâs comme un moine, ou comme un chanoine; dormir la grâsse matinée, se lever tard. Tuer le veau grâs, allusion à la parabole de l' Enfant Prodigue, régaler quelqu' un extraordinairement. _ Quand vous aurez fait cette sotise, ou obtenu cet avantage, en serez-vous plus grâs, plus riche, plus content. Voy. CHOUX.
   GRâSSEMENT, ne se dit que dans ces deux phrâses, vivre grâssement; être et vivre fort à son aise. Payer, récompenser grâssement, au-delà de ce qu' on doit.

GRASSÉYEMENT


GRASSÉYEMENT, s. m. GRASSÉYER, v. n. [Gracé-ie-man, : 2e é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Grasséyer, parler grâs; prononcer certaines consones, et surtout l' r avec dificulté. Grasséyement, manière dont prononce une persone, qui grasséye. "Cette femme grasséye agréablement. Plusieurs afectent de grasséyer, mais le grasséyement afecté est le plus désagréable.

GRâSSOUILLET


GRâSSOUILLET, ETTE, adj. [Grâ--sou-gliè, gliè-te: 1re lon. 3e è moy. mouillez les ll.] Diminutif de grâsset, qui est lui-même un diminutif de grâs. "Cet enfant est grâssouillet. Cette petite fille est grâssouillette.

GRATIEUX


GRATIEUX, Voy. GRACIEUX.

GRATIFICATION


GRATIFICATION, s. f. GRATIFIER, v. act. [Gratifica-cion, en vers ci-on, gra--tifi-é.] Gratification, don, libéralité. Gratifier, favoriser en faisant quelque don. "Il a reçu une gratification; des gratifications. "Le Roi l' a gratifié d' une pension. "Dieu a promis les secours dont il gratifie le monde à tous les disciples de son Fils. Le P. Le Chapelain. = * Gratifier, pour satisfaire est un anglicisme. "Les États résolurent de gratifier l' orgueil du Parlement, etc. Hist. des Stuarts. On dit en anglais, to gratify onès resentment. = Le P. Rapin a dit gratifier pour flater. "Bucanan flétrit l' honeur de la Reine d' Écosse, pour gratifier Élisabeth.

GRATIN


GRATIN, s. m. [Gra-tein.] Ce qui s' atache au fond d' un vaisseau, où quelque chôse a cuit et mitoné long-temps. "Le gratin d' une bisque, d' une bouillie.

GRATIS


GRATIS, adv. et s. m. [On pron. l' s] Mot emprunté du latin. Sans qu' il en coûte rien. "On lui a expédié ses provisions gratis. "Il a obtenu le gratis de ses Bulles. = Fig. Il dit cela gratis, sans preûve, sans fondement. Voy. GRATUITEMENT.

GRATELLE


GRATELLE, GRATER, Voy. GRATTELLE, GRATTER, avec 2 t.

GRATITUDE


GRATITUDE, s. f. Reconnoissance d' un bienfait reçu. "Témoigner sa gratitude. Il est moins usité que reconaissance: mais quelquefois il peut paraitre plus noble et plus élégant. M. MARIN n' est pas de cet avis. Selon lui, gratitude n' est pas d' usage; et ce n' est pas un terme noble.

GRATTE-CU


GRATTE-CU, ou GRATE-CU, s. m. Bouton rouge, qui reste de la rôse, quand les feuilles sont tombées. On dit proverbialement, rouge comme un grate-cu. = Toute rôse devient grate-cu: les plus belles femmes deviènent laides en vieillissant.

GRATTELLE


GRATTELLE, ou GRATELLE, s. f. GRATELEUX, EûSE, adj. [Gratèle, grateleû, leû-ze: 2eè moy. au 1er, e muet au 2d et au 3e, dont la 3e est longue.] Gratelle, menue gale. Grateleux, qui a de la gratelle. "Il lui est venu de la gratelle: il est devenu grateleux.

GRATTER


GRATTER ou GRATER, v. act. GRATOIR, s. m. [Graté, toar: 2e é fer. au 1er.] Grater, c' est. 1°. Froter avec les ongles, ou quelque chôse de semblable, l' endroit où il démange. "Gratez-moi les épaules. "Un chien qui se grate. Il est impoli de se grater et sur-tout la tête en compagnie. "Les gueux se gratent continuellement. = 2°. Il se dit des animaux qui remuent la terre avec leurs ongles. "Les poules gratent la terre, pour chercher du grain ou des vers. = 3°. Ratisser. Grater du parchemin, une murâille, etc. = 4°. Heurter doucement. "On grate à la porte du Roi: on n' y heurte pas.
   GRATOIR, ratissoir, ne se dit que dans le 3e sens de grater. Instrument propre à grater le parchemin, le cuivre, etc.

GRATUIT


GRATUIT, UITE, adj. GRATUITÉ, s. f. GRATUITEMENT, adv. [Gra-tui, tui-te, tui-té, tui-teman: en vers et dans le discours soutenu, gratu-i, etc.] Gratuit, qu' on done, sans y être obligé. "Ce que je lui done, ce que je fais pour lui est pûrement gratuit. = Cet adjectif aime à suivre le substantif. Il ne fait pas un bon éfet devant le nom qu' il modifie. "Recevoir la grâce, dit Bossuet, par une pûre et gratuite libéralité, etc. Un des embârrâs de la Langue Française, est de placer deux adjectifs, dont l' un va bien devant, et l' aûtre après le substantif, comme ici pur et gratuit, dont l' un précède nécessairement et l' aûtre doit suivre. On ne veut pas employer un aûtre tour, et l' on tombe dans des constructions dûres et sauvages. = Gratuité, caractère de ce qui est gratuit. Il ne se dit que de la Grâce, de la Prédestination. = Gratuitement, c' est 1°. D' une manière gratuite. "Il lui a doné gratuitement cent écus. 2°. Sans fondement. "Vous avancez, vous suposez cela gratuitement. = Suivant l' Auteur des Réflexions, etc. gratis, ne se dit que dans le discours familier: gratuitement est plus noble et plus français. L' Acad. ne distingue point l' usage de ces deux mots. L. T.

GRâVE


GRâVE, adj. GRâVEMENT, adv. [1re lon. 2e e muet: en a le son d' an: grâveman.] Grâve, 1°. En Physique, pesant. "La chûte des corps grâves. = 2°. En parlant des persones, sérieux, qui parle, qui agit avec retenue et circonspection. "Un grâve Magistrat. "Un homme grâve: "Air grâve; démarche, contenance grâve et décente. = Dans le moral, il est comme synonyme de sérieux et de prude: mais la diférence de ces trois mots, dit l' Ab. Girard, c' est que: "On est grâve par sagesse et par maturité d' esprit: on est sérieux par humeur et par tempérament: on est prude par goût et par afectation. _ La légèreté est l' oposé de la gravité; l' enjouement l' est du sérieux; le badinage l' est de la pruderie. = Suivant un Encyclopédiste, le grâve est au sérieux, ce que le plaisant est à l' enjoué: il a un degré de plus, et ce degré est considérable. On peut être sérieux par humeur, et même faute d' idées. On est grâve par bienséance, ou par l' importance des idées. = On dit ordinairement, prendre une chôse au sérieux, au tragique, s' en montrer vivement afecté, et plus que la chôse ne le mérite. M. Geofroi dit, dans le même sens, prendre au grâve. "On est étoné qu' il (Emile) prenne au grâve un accident si comun, etc. Cette expression me parait un néologisme. = 3°. En parlant des chôses; important, qui est de conséquence. "Le badinage ne sied pas dans un sujet si grâve. = On le dit des Auteurs, dans un sens aprochant. "Des Auteurs grâves, qui sont de poids, de considération dans les matières dont il s' agit. On ne le dit guère que dans les matières de morale et de Théologie. = 4°. En Gramaire, accent grâve, qui va de gauche à droite, comme celui de la dern. syll. de procès, succès, etc. et de la pénult. de nièce, remède, collège, etc. Voy. ACCENT.
   GRâVEMENT, d' une manière grâve. (n°. 2°.) Afecter de parler grâvement.

GRâVELEUX


GRâVELEUX, EûSE, adj. GRAVELLE, s. f. GRâVELûRE, s. f. [Grâve-leû, leû-ze, gravèle, grâvelûre: 1re lon. au 1er et au 3e, 2e e muet aux deux premiers, et au dern. è moy. au 2d: 3e lon. aux 2 premiers et au dern.] Gravelle, se dit d' une maladie causée par du sâble ou du gravier, qui fait obstruction dans les reins, ou dans les uretères. = Gravelûre, discours trop libre et aprochant de l' obscénité. = Graveleux a les deux sens; qui est sujet à la gravelle. "Il est gouteux et graveleux; qui est chargé de gravier; terrein graveleux, urine graveleûse. _ Trop libre. "Conte graveleux. "Elle ne sait ni sourire, ni rougir aux histoires les plus graveleûses. MARIN, l' Amante Ingénue.

GRâVEMENT


GRâVEMENT, Voy. GRâVE.

GRAVER


GRAVER, v. act. GRAVEUR, s. m. GRAVûRE, s. f. [Gravé, veur, vûre: l' a est long devant l' e muet; il grâve, grâvera, etc.] Graver, c' est tracer, imprimer quelque trait sur du cuivre, du marbre, etc. Au propre: graver une inscription; une planche de cuivre, des caractères. _ Au fig. graver dans son coeur, dans son esprit, dans sa mémoire. "Les bienfaits sont gravés sur le sâble, et les injûres sur l' airain.
   Graveur et gravûre, ne se disent qu' au propre, le 1er de celui, dont la profession est de graver; le 2d de l' art de graver, et de la manière de graver, et de l' ouvrage du graveur. "Excellent graveur. "Il s' est adoné à la gravûre. "Cette gravûre n' est pas de bon goût: "Voilà une belle gravûre.

GRAVIER


GRAVIER, s. m. [Gra-vié: 2eé fer.] grôs sâble mélé de petits câilloux. = Menu sable qui obstrue les reins, etc.

GRAVIR


GRAVIR, v. n. Grimper, monter avec peine à quelque endroit roide et escarpé.

GRAVITÉ


GRAVITÉ, s. f. 1°. En physique, pesanteur. "La gravité des corps. = 2°. Qualité d' une persone, sérieûse et réservée. "La gravité d' un Magistrat. Gravité du maintien, des paroles. Afecter de la gravité. Garder sa gravité. = Décence, dignité, gravité. (synon.) La décence renferme les égards qu' on doit au Public; la dignité, ceux qu' on doit à sa place; la gravité, ceux qu' on se doit à soi-même. Encyclopédie. 3°. En parlant des chôses, importance. "La gravité du sujet, de la matière.
   REM. Gravité, au propre, ne se dit que parmi les savans: dans le discours ordinaire, on dit pesanteur.

GRAVOIS


GRAVOIS, s. m. [Gra-voâ: 2e lon.] 1°. La partie la plus grossière du plâtre, après qu' on l' a sassé. = 2°. Les menus débris d' une murâilles, qu' on a démolie.

GRAVûRE


GRAVûRE, Voy. GRAVER.

GRÉ


GRÉ, s. m. Bonne volonté qu' on a de faire quelque chôse. Il ne se dit que dans des expressions adverbiales. "Faire une chôse de son gré; de son bon gré, de plein gré; "contracter de gré à gré. "De gré ou de force, volontairement ou malgré soi. = À~ mon gré, à son gré; selon mon ou votre gré, selon mon ou votre goût; mon ou votre sentiment.
   La Raison, à son gré,
   Ne règle pas un coeur par l' amour égaré.       Créb.
_ FIG. Au gré des flots, du vent, en suivant le moûvement qu' ils impriment. "Ses crins flotaient au gré du vent. "Il vit au gré de ses passions, de ses desirs.
   Et dois-je préférer, au gré de vos souhaits.
   Le soin de votre amour à celui de la paix.
       Rac.
Remarquez que cette expression, pour ne pas jeter de l' obscurité dans la phrâse, doit se raporter au sujet, (au nominatif.) Voici un exemple contraire. "Au gré de leurs passions, la chrétienté étoit un empire, dont ils étoient les maîtres. Raynal. Qu' est-ce qui régit au gré dans cette phrâse? Si c' est les maîtres, le régissant est trop éloigné du régime. Et d' ailleurs, qu' est-ce que, être les maîtres de la chrétienté au gré de ses passions? Si c' est une ellipse, et que l' Auteur ait sous-entendu agissant ou gouvernant, l' ellipse est un peu forte et la phrâse louche ou obscûre.
   De bon gré, de bon coeur, de bonne volonté, de bonne grâce, (synon.) on agit de bon gré, lorsqu' on n' y est pas forcé; de bon coeur, lorsqu' on y a de l' inclination; de bone volonté, lorsqu' on n' y a point de répugnance; de bone grâce, lorsqu' on témoigne y avoir du plaisir. _ Ce qui est fait de bon gré est fait librement; ce qui est fait de bone volonté, est fait sans peine; ce qui est fait de bon coeur, est fait avec afection; ce qui est fait de bone grâce, est fait avec politesse. "Il faut se soumettre de bon gré aux lois; obéir à ses maîtres de bonne volonté; servir ses amis de bon coeur, et faire plaisir à ses inférieurs de bone grâce. GIR. Synon.
   On dit, avoir, ou recevoir, ou prendre quelque chôse en gré, l' agréer, y prendre plaisir. "Elle est assez raisonable, pour prendre en gré tous les lieux où son mari et son devoir la réduiront. Madame de Grignan. _ Prendre en gré, signifie aussi recevoir avec patience, avec résignation. "Il faut prendre en gré les aflictions, que Dieu nous envoie. = De gré à gré, de bon gré, de part et d' aûtre. "Ils ont fait cela de gré à gré. = Bon gré, mal gré, de gré ou de force.
   Dans savoir gré, ou bon gré, et savoir mauvais gré, il se dit toujours sans article avec à et de pour régime. "Je sais bon gré, ou, je sais gré à votre frère de ce qu' il a fait pour moi. "Je me sais quelque gré de l' avoir fait. Se savoir bon gré d' une chôse, s' en aplaudir. "Je ne puis croire que le Public me sache mauvais gré de lui avoir doné cette Tragédie. Rac. Préf. de Bérénice.

GREC


GREC, GRECQUE, adj. [Grèk, grèke: 1re è moy. 2ee muet.] Qui est de Grèce. Il suit toujours au masc. Peut-être peut-il précéder le subst. au fém. "La grecque beauté, dit La Fontaine; mais c' est dans un style demi-marotique.
   On dit, proverbialement, d' un homme qu' il est grec dans une afaire, pour dire qu' il y est habile et profond; et de celui qui n' y est pas fort habile; qu' il n' y est pas grand grec. On le disait aûtrefois litéralement d' un homme, qui savait ou ne savait pas le grec. "Casaubon... un si grand grec, demeure d' acord, etc.

GREDIN


GREDIN, INE, adj. et subst. GREDINERIE, s. f. [Gre-dein, dinerie: 1re e muet. _ Le Peuple dit gredin pour gradin.] Gredin, adjectif, se dit des chôses, substantif des persones. Gueux, mesquin. "Cela est bien gredin. "C' est un gredin, une gredine. = Gredinerie, misère, mesquinerie. "Il vit dans une gredinerie étrange.

GREFFE


GREFFE ou GRèFE, s. m. et f. GRÉFER, v. act. GRÉFOIR, s. m. GRÉFIER, s. m. [1re è moy. au 1er, é fer. aux aûtres: 2ee muet au 1er, é fer. au 2d et au dern. fe, , foar, fié.] Grèfe, est masculin, quand il signifie les archives du Palais, et fém. quand il signifie un rejeton d' arbre, qu' on ente sur un aûtre. Gréfier, apartient au 1er sens: oficier, qui tient un grèfe; gréfer et gréfoir au 2d; Faire une grèfe, enter. _ Petit couteau dont on se sert pour gréfer. = Gréfer, enter. (Synon.) Le 1er ne se dit que dans le propre; le 2d s' emploie aussi dans le figuré. Voy. ENTER.

GRÉGEOIS


GRÉGEOIS, adj. m. [Gré-joâ: 1re é fer. 2e lon.] Feu grégeois, espèce d' artifice, qui brûlait même dans l' eau, et dont on croit que les Grecs du moyen âge ont été les inventeurs. Le secret s' en est perdu. * Brebeuf se sert de grégeois au lieu de grec. Parlant des galères des Marseillois, qui étaient grecs d' origine, il dit:
   Mais celles des Grégeois se montrent mieux instruites,
   À~ provoquer l' ataque et feindre des refuites.
On ne dit point Grégeois pour Grec. Il ne se dit qu' avec feu.

GRèGUES


*GRèGUES, s. f. pl. Vieux mot. [Grèghe: 1re è moy. 2e e muet.] Chausses. Il se dit encôre dans ces expressions proverbiales. Tirer ses grègues, s' enfuir.
   Le galant aussi-tôt
   Tire ses grègues, gagne en haut.
   Mal content de son stratagème.
       La Font.
Laisser ses grègues en un endroit, y mourir. En avoir dans ses grègues, avoir essuyé quelque perte, quelque fâcheûse aventûre. Il a bien mis de l' argent dans ses grègues; il s' est enrichi.

GRêLE


GRêLE, adj. et subst. GRÉLER, v. act. et impers. GRÉLON, s. m. [1reê ouv. et long au 1er, é fer. aux 2 aûtres: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d. _ L' Acad. met l' acc. circ. sur tous, et c' est l' anciène ortographe où cet accent signifiait, tantôt que la syllabe était longue, tantôt il ne signifiait que le retranchement d' une s. Aujourd' hui l' usage s' établit de ne plus mettre cet accent que sur les syllabes longues.] Grêle, adj. Long et menu. Tâille grêle; ou aigu, faible; voix grêle. _ Subst. eau de pluie congelée, qui tombe par grains. "Grosse, ou menue grêle. "Il est bien tombé de la grêle. _ On dit figurément une grêle, pour une grande quantité. "Une grêle de coups, de mousquetades. = Gréler, gâter par la grêle. "L' orage a grélé les vignes; tout le pays a été grélé. _ Il est aussi impers. "Il grèle, il a grèlé, il grèlera. = On le dit quelquefois des persones. "Il a été grélé, c. à. d. ses terres ont été grélées. Fig. fam. Il a fait de grandes pertes. = En st. proverb. on dit, neutralement, gréler sur le persil, faire sentir son ressentiment à des gens fort inférieurs. Rousseau dit, gréler sur les roseaux.
   GRÉLON, grain de grêle extrêmement grôs.

GRELOT


GRELOT, s. m. GRELOTER, v. n. [1re e muet.] Grelot est une fort petite sonette de métal. "Ce chien a un collier avec des grelots. = Le peuple dit, trembler le grelot, pour dire, greloter, trembler de froid, au point que les dents claquent l' une contre l' autre. = En st. prov. Atacher le grelot, faire le premier une chôse hazardeûse. "L' avis est bon, mais qui atachera le grelot? On doit cette expression proverbiale à La Fontaine.
   Rem. * Quelques-uns disent grignoter, pour greloter. C' est un barbarisme grossier. Ce verbe a un autre sens. Voyez ce mot à sa place.

GRENADE


GRENADE, s. f. GRENADIER, s. m. 1re e muet; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Grenade, est un fruit, qui renferme dans son écorce quantité de grains rouges. = On donne aussi ce nom à un petit boulet de fer, creux, qui est en forme de grenade, et qui étant chargé de poudre, se jète avec la main. = Grenadier se dit dans les deux sens. Arbre qui porte les grenades. _ Soldat qui jète des grenades. Compagnie de Grenadiers. = On apèle grenadière, une gibecière dans laquelle les Grenadiers portent les grenades.

GRENâILLE


GRENâILLE, s. f. GRENâILLER, v. a. [Grenâ-glie, glié; 1re e muet, 2e lon.; mouillez les ll; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Grenâille est du métal qui a été réduit en petits grains. Grenâille d' argent, de plomb. Celle-ci s' apèle absolument grenâille. "Charger un fusil avec la grenâille. = Grenâiller, c' est mettre un métal en petit grains.

GRENAT


GRENAT, s. m. [1re e muet: on ne prononce pas le t.] Pierre précieuse, d' un rouge foncé.

GRENELER


GRENELER, v. act. [Grenelé; 1re et 2e e muet, 3e é fer. _ Devant la syll. fém. le 2d. e se change en è moy. Il grenelle, ou grenèle; grenellera ou grenèlera.] Faire paraitre des grains sur le cuir, comme on en voit sur le chagrin.

GRENER


GRENER, v. n. et act. [1re e muet, 2e é fer. Grené. Devant la syll. fém. l' e muet se change en è moy. Il grène, grènera.] Neutre et sans régime, il se dit des plantes. Produire de la graine: cette herbe grène bien. _ Rendre beaucoup de grains. "Les blés ont bien grené cette année. _ Actif, réduire en petits grains; grener de la poudre à canon; du sel, du tabac.

GRENETERIE


GRENETERIE, s. f. GRENETIER, IèRE, s. m. et f. [Dans le 1er, il y trois e muets de suite, ce qui est contre le génie de la Langue. Il serait plus convenable d' écrire et de prononcer, grenetterie ou grenèterie: 2e è moyen.] = Grenetier, ière, celui ou celle qui vend des grains et des graines. Grenetterie, comerce que fait un marchand grenetier.

GRENIER


GRENIER, s. m. [Gre-nié: 1ree muet, 2e é fer.] 1°. Lieu où l' on serre les grains. 2°. Le plus haut étage d' un bâtiment. = On dit, figurément, dans le 1er sens, qu' une Province est le grenier d' un Royaume, ou des autres Provinces, parce qu' on en tire beaucoup de blé. "L' Égypte étoit le grenier de Rome. "La Beauce est un des greniers de Paris. _ On dit, proverbialement, dans le 2d sens, aler du grenier à la cave, avoir des inégalités dans l' humeur, dans ses discours; du haut et du bâs dans sa conduite.

GRENOUILLE


GRENOUILLE, s. f. GRENOUILLER, v. n. GRENOUILLèRE, s. f. [Gre-nou-glie, glié, glière: 1re e muet, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d, è moy. et lon. au 3e: mouillez les ll.] Grenouille, petit animal qui vit ordinairement dans les marais. Grenouillère, lieu marécageux, où les grenouilles se retirent. _ Fig. fam. Lieu dont la situation est humide et mal saine. = Grenouiller, ivrogner. Il est populaire.

GRENU


GRENU, ÛE, adj. [1ree muet, 2e lon. au 2d.] Il se dit, au propre, des froments qui ont beaucoup de grains: un épi bien grenu; et au figuré, de certains cuirs bien grenelés; du maroquin bien grenu.

GRêS


GRêS, s. m. [L' ê est ouv.] Pierre composée de grains de sâble plus ou moins fins. "Pavé de grês. Aiguiser des couteaux sur un grês.

GRÉSIL


GRÉSIL, s. m. GRÉSILLEMENT, s. m. GRÉSILLER, v. impers. et act. [1reé fer. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e; mouillez l' l finale du 1er, et les ll des deux aûtres. Trév. met grésil ou gresil. L' Acad. ne met que le 1er.] Grésil, petite grêle fort menue et fort dûre. "Il grésille, il tombe du grésil. = Grésiller, act. Faire que quelque chôse se recornisse, se retire. "Le feu a grésillé ce parchemin. "Grésillement ne se dit que dans ce dernier sens: action de grésiller, ou état de ce qui est grésillé.

GRèVE


GRèVE, s. f. GRÉVER, v. act. [1re è moy. et long au 1er, dont la 2e e muet; é fer. au 2d, dont la 2e est aussi un é fer. Devant l' e muet, le 1er e se change en è moy. Il grève, grèvera, etc. L' Acad. écrit grever sans acc. sur l' e. Trév. Gréver avec l' accent aigu. Cette dernière ortographe me parait préférable.] Grève, plage unie et sabloneûse. = À~ Paris, place publique, où l' on fait les exécutions; ainsi nomée, parce qu' elle est le long du bord de la Seine. "Éxécuté en grève, en place de grève.
   GRÉVER, Léser, faire tort et domage. "De quoi vous plaignez-vous? En quoi vous a-t-on grévé? = Ce verbe est peu usité hors du Palais; et dans le langage ordinaire, il n' est pas du beau style. Richelet le trouvait déja un peu vieux. Dans Trév. on dit qu' il comence à être un peu suranné. L' Acad. le met sans remarque.

GRIDELIN


GRIDELIN. Voy. Gris de lin, au mot GRIS.

GRIEF


GRIEF, GRIèVE, adj. GRIèVEMENT, adv. GRIèVETÉ, s. f. [1re è moy. et long, 2e e muet. Dans le 1er, on prononce l' f: grièf, griève, veman, veté.] Grief, adj. 1°. Grand et fâcheux; griève maladie. "Défendu sous de grièves peines. 2°. Énorme. "Péché grief, faute griève. = Grièvement, d' une manière griève. "Grièvement malade, blessé. Ofenser grièvement. = Grièveté, énormité. "La grièveté du fait, du câs, du crime, du péché. = Ces deux mots ne sont pas anciens dans la Langue. Au comencement du siècle, La Touche remarquait qu' ils n' étaient pas généralement reçus, quoique de bons Auteurs s' en fussent servis. Il avouait pourtant que l' Acad. les aprouvait. Ils sont aujourd' hui très bien établis, et l' on s' en sert sans dificulté.
   GRIEF est aussi subst. masc. Domage que l' on reçoit, et la plainte que l' on fait pour le domage reçu. Il se plaint de plusieurs griefs. "Examinons vos griefs.
   REM. Grief est de deux syll. en vers.
   Aûtre grief: tu contrefais les gens.
       Du Cerceau.

GRIFFADE


GRIFFADE, s. f. GRIFFE ou GRIFE, s. f. [Dern. e muet.] Grife, ongle crochu et pointu de certains animaux. Grifade, coup de grife. Il ne se dit qu' en Fauconerie, où l' on dit aussi grifer, prendre avec la grife. = En st. fig. fam. grife se dit des hommes: je suis sous sa grife, sous son pouvoir.
   Ah! si je puis jamais me tirer de ses grifes.
"Il m' a donné de la grife, ou un coup de grife; il m' a rendu un mauvais ofice; il a parlé mal de moi.

GRIFFONAGE


GRIFFONAGE, ou GRIFONAGE, s. m. GRIFONER, v. act. et n. [Dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Grifoner, c' est écrire mal et peu lisiblement. Grifonage, écriture mal formée, et qu' il est presque impossible de lire. Ils se disent souvent par exagération. "Je sens le plaisir de vous grifoner quelques lignes, que vous ne pourrez peut-être pas lire. Mme. de Coulanges. Il n' écrit pas, il grifone.
   Un papier grifoné d' une telle façon,
   Qu' il faudroit, pour le lire, être pis que démon.
       Mol.
"Je ne sais si vous pourrez lire mon grifonage.

GRIGNON


GRIGNON, s. m. GRIGNOTER, v. n. [Mouillez le gn.] Grignon, morceau de l' entamûre du pain, du côté qu' il est le plus cuit. "Un grignon de pain; il prend toujours le grignon. = Grignoter, au propre, manger doucement, en rongeant. Il ne mange pas, il ne fait que grignoter. _ Au fig. (st. pop.) Faire quelque petit profit dans une afaire. "Il y trouve à grignoter.

GRIGOU


GRIGOU, s. m. Gredin, misérable, ou avâre, qui ayant de quoi, vit d' une manière sordide. "C' est un grigou, il vit comme un grigou. (st. fam.)

GRIL


GRIL, s. m. GRILLE, s. f. GRILLADE, s. f. GRILLER, v. act. [L' l du premier ne se prononce qu' en vers; et alors elle est mouillée. Dans le discours familier, on prononce gri. Les deux l sont mouillées dans les autres. Gri-glie, glia-de, glie. Dern. e muet aux deux prem. é fer. au dern.] Gril est un ustensile de cuisine, qui sert à faire rôtir sur les charbons plusieurs chôses qu' on mange. Grille se dit de plusieurs bârreaux de bois ou de fer, se traversant les uns les autres, mis à une ouvertûre, pour voir à travers, sans qu' on puisse y pâsser. On le dit sur-tout de ceux, qui sont aux parloirs des Religieûses. = Plusieurs confondent grille avec gril. "Ils furent mis sur une grille de fer rouge. Grifet, Ann. Chrét. Il falait, en cet endroit, gril de fer. _ La grille, pour le gril, est un provençalisme. _ Grille se dit pourtant, dans un sens aprochant, des barres de fer, sur lesquelles on place les charbons dans un fourneau au-dessus du cendrier. = On dit, proverbialement, épouser une grille, se faire Religieûse.
   GRILLADE, est une manière d' apprêter certaines viandes en les grillant. "Mettre.... à la grillade. Il se dit aussi des viandes grillées. "Voilà une bonne grillade.
   GRILLER a les deux sens de gril et de grille. Rôtir sur le gril. Fermer avec une grille: griller des saucisses, griller une fenêtre. = Il se dit aussi pour brûler. "Il s' est grillé les mains, les jambes. "Le Soleil a grillé toutes les vignes. = V. n. On dit, griller d' impatience, ou absolument griller. "Je grille d' impatience, je grille. Il régit de et l' infinitif.
   L' autre grille déjà de conter la nouvelle.
       La Font.
  On vole en foule, on grille de le voir.
      Ververt
Il est bâs, dit-on, dans le Dict. Gram. C' est trop dire. L' Acad. dit seulement qu' il est du st. fam. = Dans ce même style, on dit, griller une fille, la faire Religieûse.

GRILLON


GRILLON, s. m. [Gri-glion: mouillez les ll.] Richelet préfère grillon, et n' ose condamner gresillon; c' est ainsi que disent les Angevins; les Poitevins disent, un grelet; les Normands, un griet. L' Acad. ne met que grillon. _ Petit insecte, cigale de nuit, qui a un cri aigu et perçant.

GRIMACE


GRIMACE, s. f. GRIMACER, v. n. GRIMACIER, IèRE, adj. et subst. [3e e muet au 1er, é fer. au 2d et au 3e, è moy. et long au dern.] Grimace, contorsion du visage, souvent faite par affectation, quelque--fois seulement par habitude. Grimacer, faire des grimaces. Grimacier, qui fait des grimaces. "Laide, vilaine, horrible grimace. "Il ne peut s' empêcher de grimacer; il est fort grimacier; c' est un grimacier. Elle est fort grimacière. "C' est une grimacière. = Grimacier, hypocrite, faux dévot.
   Grimace, au fig. Feinte, dissimulation. "Ce qu' il en fait, ce n' est que par grimace; c' est pûre grimace. "Il en fait la grimace, mais il n' en fera rien. = On dit (style famil.) des habits, souliers, botes, qui font de vilains plis, qu' ils grimacent, qu' ils font la grimace. = En style proverbial, faire la grimace à quelqu' un, c' est lui faire mauvaise mine; mauvais acueuil.

GRIMAUD


GRIMAUD, s. masc. [Grimô: 2e lon. _ Quelques-uns écrivent grimaut avec un t à la fin; mais grimauder, quoique peu usité, montre bien que l' analogie demande qu' on écrive ce mot avec un d.] On apèle ainsi, par mépris, les écoliers des basses classes. "S' amuser avec des grimauds. = En style satirique; ignorant.
   Quand de ses vers un grimaud nous poignarde,
   Chacun pourra lui donner sa nazarde.
   Et moi, etc.
       Rousseau.

GRIMELIN


GRIMELIN, s. m. [Grime-lein: 2ee muet.] 1°. Terme de mépris. Petit garçon. 2°. Joueur, qui joue mesquinement.

GRIMELINAGE


GRIMELINAGE, s. m. GRIMELINER, v. n. Jeu mesquin, ou petit profit qu' on ménage dans quelque afaire. _ Jouer mesquinement; ménager quelque petit gain. "Dans cette maison le jeu n' est qu' un grimelinage; on ne fait que grimeliner. "Il songe en tout à grimeliner; il grimeline toujours quelque chôse. Il fait en tout quelque grimelinage. = Ces mots ne sont que du style familier et méprisant.

GRIMOIRE


GRIMOIRE, s. m. [Gri-moâ-re: 2e lon. 3e e muet.] Au propre, livre où l' on prétend que sont contenues les conjurations des Magiciens. _ Au figuré, savoir, entendre le grimoire, être habile dans les chôses dont on se mêle. Style famil. _ Grimoire (même style) discours obscur, ou écritûre dificile à lire. "Je n' entends point ce grimoire. Cette lettre est pour moi un grimoire.

GRIMPER


GRIMPER, v. n. [Grein-pé: 1re lon. 2e. é fer.] Litéralement, c' est monter en quelque endroit, en s' aidant des piés et des mains. Grimper au haut d' un arbre. _ Figurément, il se dit des lieux hauts où l' on monte avec peine. Il y a bien à grimper pour aller chez vous.

GRINCEMENT


GRINCEMENT, s. m. GRINCER, v. act. [Grein-ceman, : 1re long. 2ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Il ne se disent que des dens. Les serrer avec rage ou douleur. "Il grince les dents. "En enfer, il y aura des pleurs et des grincemens de dens. Évang.

GRINGOTER


GRINGOTER, v. neut. [Grein-goté] Frédoner. Au propre, il se dit des oiseaux; au figuré, style plaisant et moqueur, d' un homme qui frédone mal. "Il a gringoté un air fort ridiculement.

GRIOTE


GRIOTE, s. fém. GRIOTIER, s. masc. [3e e muet au 1er, é fer. au 2d. = En quelques Provinces, on dit mal à propos agriote, ou aigriote.] Le premier se dit d' une espèce de cerise à courte queûe, ferme, plus douce que les aûtres, grosse et noirâtre; le second, de l' arbre qui la porte.

GRIPPE


GRIPPE, ou GRIPE, s. f. GRIPER; v. act. GRIPE-SOU, s. masc. [2e e muet au 1er et au dern. é fermé au second.] Gripe, fantaisie, goût capricieux. "C' est la gripe de beaucoup de gens, d' acheter beaucoup de livres, qu' ils ne lisent point. Style famil. _ Prendre en gripe, en déplaisance. V... l' avait pris en gripe, et c' était un des plastrons de ses plaisanteries. "Il (M. Gaillard) a pris la guerre en gripe. Ann. Lit. L' Acad. dit, se prendre de gripe contre quelqu' un, se prévenir défavorablement et sans raison.
   GRIPER, atraper subtilement. Il se dit proprement du chat et de certains aûtres animaux; figurément et populairement des hommes. "Le chat~ a gripé ce serin, ce morceau de viande. "Les Sergens l' ont gripé.
   La bête fut gripée;
   Le réveille-matin eut la tête coupée.
       La Font.
Se griper et être gripé se disent des étofes qui se retirent en se fronçant. "Ces étofes se gripent aisément. "Ce tafetas est tout gripé. = Se griper, en parlant des persones, c' est se mettre fortement quelque chôse dans la tête. "Il est sujet à se griper.
   Mme. de Sévigné l' emploie activement. "Tout ce qu' il écrit là-dessus l' a tellement gripé, que je ne sais point du tout comment se porte Mme. de La Trousse. _ Il a oublié de m' en parler. "être gripé contre:
   Quel diable de travers!
   Votre esprit est gripé contre tout l' univers.
       Barthe.
Gripe-sou, Comissionaire qui fait métier de retirer les rentes pour autrui. C' est un terme de mépris. Il ne se dit qu' à Paris. Dans le Rich. Port. on écrit Gripe-sous. Le Dict. de Trév. et l' Acad. mettent sou au singulier.

GRIS


GRIS, GRISE, adj. GRISâILLE, s. fém. GRISâILLER, v. a. GRISâTRE, adj. [Gri, grî-ze, zâ-glie, glié, zâtre: 1re lon. au 2d, 3e lon. aux trois aûtres.] Gris, qui est de couleur mélée de blanc et de noir. "Drap, cheval, plumage, cheveux gris; étofe, barbe grise. = S. m. Couleur grise. Gris blanc, cendré, pomelé. "Cela tire sur le gris: s' habiller de gris. _ Gris de perle, couleur grise, qui a un certain éclat de blanc, comme les perles. Gris de lin, gris mélé de rouge. = On dit d' un homme qu' il est tout gris, quand il a les cheveux gris; et qu' il est gris, un peu gris, quand il est demi ivre. = Il fait gris, il fait un tems gris, le tems est couvert et froid. _ Tout cela est du style familier.
   GRISâILLE, façon de peindre avec deux couleurs, l' une claire, l' autre brune. C' est un terme de Peintûre. Grisâiller, barbouiller de gris.
   GRISâTRE, qui tire sur le gris: Couleur grisâtre.

GRISER


GRISER, v. act. [Grizé: 2eé fermé.] Faire boire quelqu' un, jusqu' à le rendre demi-ivre. "À~ force de le faire boire, on l' a grisé. "Pour peu qu' il boive, il se grise.

GRISETTE


GRISETTE, s. fém. GRISON, ONE, adj. GRISONER, v. neut. [Grizète, zon, zone, zoné: 2eè moyen au 1er.] Grisette, étofe grise, de peu de valeur; d' où l' on a apelé grisette, une jeune fille ou femme de petite condition. "Il ne voit que des grisettes.
   GRISON, gris, en parlant du poil, ou des persones, par raport au poil. "Poil grison, barbe grisone: il devient grison. = S. m. "C' est un vieux grison. = On apèle aussi grison, un homme de livrée, qu' on fait habiller de gris, pour l' employer à des commissions secrettes. "On l' a fait suivre par des grisons. = Populairement, on apèle un âne, un grison.
   GRISONER, devenir grison. "Il comence à grisoner. "La tête, la barbe comencent à lui grisoner. _ L' Acad. avertit qu' il ne se dit guère des persones. _ On le dit plutôt du poil, par raport à la persone.

GRIVE


GRIVE, s. fém. [1re lon. 2ee muet.] Petit oiseau, bon à manger, qui est à peu près de la grosseur d' un merle. "Chasser, tirer aux grives. = On dit, proverbialement, soûl comme une grive. "Il y avoit l' autre jour une Dame qui, au lieu de dire, elle est saoule (soûle) comme une grive, disait que la première Présidente étoit sourde comme une grive: cela fit rire. Sév.

GRIVELÉ


GRIVELÉ, ÉE, adj. [1re lon. 2e e muet, 3e é fer.] Tacheté de gris et de blanc. "Oiseau qui a le plumage grivelé.

GRIVELER


GRIVELER, v. act. et n. GRIVELÉE, ou GRIVELERIE, s. fém. GRIVELEUR, s. m. [2e e muet, 3e é fer. aux deux prem. e muet au 3e.] Griveler, c' est faire de petits profits illicites dans un emploi. Grivelée, ou grivelerie, action de griveler. Griveleur, qui fait de grivelées.

GRIVOIS


GRIVOIS, s. masc. GRIVOISE. s. fém. [Gri-voâ, voâ-ze: 2e lon.] Le premier se dit d' un Soldat éveillé et alerte; le second d' une vivandière, qui est d' une humeur libre et hardie. "C' est un grivois, une grivoise. = Par extension, il se dit d' autres que des Soldats, pour dire bon drôle, bon compagnon. = Adj. "Air grivois, chanson grivoise.

GROGNEMENT


GROGNEMENT, s. m. GROGNER, v. neut. GROGNEUR, EûSE, adject. et subst. [Grogneman, , neur, neû-ze: mouillez le gn, 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Les deux premiers se disent proprement du cri du cochon; et figurément, des persones, qui grondent et se plaignent entre leurs dens. Le 3e ne se dit qu' au figuré. Cette femme ne fait que grogner. "Ce sont de continuels grognemens. "Il est d' humeur grogneûse: "C' est un grogneur, une grogneûse. Voy. GRONDER.
   Rem. Richelet écrit groigner ou grogner; et en écrivant groigneur, il veut qu' on prononce groigneû. Cet i sur-ajouté changerait la prononciation, et il faudrait prononcer groagneu, contre l' usage. = L' Acad. avait d' abord écrit grogneux avec un x; elle a ensuite écrit grogneur. _ Elle disait aussi faire la grogne: elle l' a retranché dans les dernières Éditions. = Quelques-uns disent grognard pour grogneur, et grognon, pour grogneûse. Ces trois dernières locutions sont populaires.

GROIN


GROIN, s. m. [Groein, monos.] Museau du cochon. "Les cochons fouillent avec leur groin.

GROMMELER


GROMMELER, v. n. [Gromelé: 2ee muet, 3e é fer.] Murmurer entre ses dents. Style famil. "Il gromèle toujours. Voyez GRONDER.

GRONDANT


*GRONDANT, ANTE, adj. Qui gronde. Je ne me souviens pas d' avoir vu cet adjectif verbal autre part que dans Corneille et La Rue.
   Ces Guerriers intrépides
   Percent des flots grondans les montagnes liquides.
"La foûdre de Dieu grondante sur vos péchés. L' usage n' a point admis ce participe comme adjectif.

GRONDER


GRONDER, v. n. et act. GRONDERIE, s. fém. GRONDEUR, EûSE, adj. et subst. [Grondé, deri-e, deur, deû-ze: 1re long. 2e é fer. au 1er, e muet au 2d, lon. au dernier.] Gronder, se plaindre entre ses dents. "Il gronde sans cesse; laissez-le gronder. "Vous grondez contre-moi: qu' ai-je fait? etc. = V. act. Gourmander de paroles. Gronder ses valets, ses enfans. "Vous serez grondé.
   GRONDERIE, réprimande qu' on fait en colère. Grondeur, qui aime à gronder. "Ce sont des gronderies continuelles. "Il a l' humeur grondeûse: "C' est un grondeur, une grondeûse.
   Rem. 1°. Grogner: grommeler, gronder, ont à peu près le même sens; mais le 1er enchérit sur le second, et le 3e sur le 1er. Outre cela, gronder est plus du style simple; gromeler et grogner apartienent davantage au style plaisant et critique.
   2°. Gronderie et grondeur ne s' emploient qu' au propre; gronder se dit aussi au fig. du tonerre et de l' orage. "La foûdre gronde dans les airs. Le Franc.
   3°. Gronder, réprimander, régit quelque--fois la prép. de devant les noms. "Ne me grondez pas de cette démarche. "Ne me grondez pas de trop écrire. SÉV. De ce que j' écris trop serait peut-être plus régulier: mais il serait moins libre et moins aisé.

GRôS


GRôS, GRôSSE, adj. [Grô, et devant une voyelle grôz; grôce: 1re long. 2e e muet.] 1°. Qui est étendu en largeur et en épaisseur. "Grôs arbre, grôs homme; grôsse boule, grôsse femme. = Grôs, épais, (synon.) Une chôse est grôsse par la quantité de sa circonférence: elle est épaisse par l' une de ses dimensions. "Un arbre est grôs: une planche est épaisse. "Il est difficile d' embrasser ce qui est grôs: on a de la peine à percer ce qui est épais. GIR. Synon. = Grôs ne signifie pourtant quelquefois qu' épais, et il est oposé à délié, délicat. "Du grôs fil, de la grôsse toile. "Grôs drap, grôs pain, grôs vin; la grôsse besogne, etc. = 2°. Suivant les noms auxquels ils s' associe, considérable. "Grôs marchand, grôs bourgeois. "Grôsse famille, grôsse Abaye. "Jouer grôs jeu, prêter à grôsse usure. "Un grôs péché, une grôsse fièvre, la grôsse faim, etc. Mauvais. Un grôs tems; enflé: "La mer, la rivière est grôsse.
  GRôS, s. m. Ce qu' il y a de plus grôs ou de principal. "Le grôs de l' arbre; le grôs de l' armée. "On lui a doné le grôs de la besogne à faire. _ Un grôs (une grande troupe) d' Infanterie, ou de Cavalerie. = Le grôs (la plus grande partie) du monde. = Grôs, drachme: "Un grôs de soie, de séné, etc.
   GRôS, adv. Beaucoup. Gagner grôs; coucher grôs au jeu. Figurément, coucher grôs, risquer beaucoup, style famil. ou dire quelque chôse de fort, d' excessif. = En grôs. Marchand en grôs. Vendre, acheter en grôs. Dire les chôses en grôs. "Voilà en grôs comme les chôses se sont pâssées. = Tout en grôs. "Il n' y avoit que six persones, tout en grôs.
   Rem. 1°. Grôs, quand il est seul, se met toujours devant le substantif, un grôs homme, une grôsse femme; mais quand il est modifié par quelque adverbe de quantité, il se met indiféremment devant ou après. "Un fort grôs homme, ou un homme fort grôs. Une bien grôsse femme, ou une femme bien grôsse. Avec extrêmement, terriblement et aûtres semblables, il se met toujours après. "Un homme extrêmement grôs, une femme excessivement grôsse. = Grôsse, tout seul, devant le mot femme, a un sens diférent de celui qu' il a lorsqu' il est après; une grôsse femme est une femme grâsse et réplète; une femme grôsse est une femme enceinte. Dans ce dernier sens, il régit l' ablatif; "Elle étoit grôsse de son ainé. = Figurément, il se dit des deux sexes, et régit de et l' infinitif. "Je suis grôs de vous voir; j' en ai une grande envie. = * Anciènement on le disait au figuré, avec la prép. de devant les noms. "Son imagination (d' Homère) toujours grôsse de nobles idées, enfante continuellement de nouvelles images. Mme. Dacier. Cette expression ne plairait pas aujourd' hui.
   2°. Grôs se disait plus souvent autrefois pour grand. On disait, un grôs mérite, une grôsse santé, un grôs plaisir, une grôsse passion, une grôsse fortune, pour dire un grand mérite, une grande santé, etc. On dit encôre, jouer grôs jeu, une grôsse pension, une grôsse garnison, une grôsse armée, une grôsse cour, une grôsse faûte, un grôs rhume, une grôsse fièvre. BOUH. L. T. Fontenelle a encôre dit: "Je viens d' avoir une grôsse querelle avec Caton d' Utique. On dit aussi grôs lourdeau, grôsse bête. Pour grôs mérite, grôsse santé, ils ne se disent plus que dans le style plaisant et moqueur.
   3°. Grôsse et grâsse ont quelquefois des sens diférens, quand on parle d' une femme. M. Corbinelli écrit à Mme. de Grignan. "Mme votre mère n' a pas peur d' être grôsse, mais elle craint d' être grâsse. Soyez le contraire; ayez peur d' être grôsse, et souhaitez d' être grâsse.
   On dit, avoir le coeur grôs de quelque chôse, en être fâché, en avoir de la colère, du depit. "Il a le coeur grôs de ce que vous lui avez dit.
   Les yeux baignés de pleurs, le coeur grôs de soupirs.
       Corn.
Avoir les yeux grôs, boufis, les avoir grôs de larmes; être près de pleurer en abondance. Avoir de grôsses paroles avec quelqu' un; le quereller fortement.
   On dit, proverbialement, d' une femme près d' acoucher, quand elle est fort grôsse; qu' elle est grôsse jusqu' au menton. "Vous voilà donc à Lambesc, ma fille; mais vous êtes grôsse jusqu' au menton. _ Apétit ou envie de femme grôsse, goût dépravé pour des chôses mauvaises. Voy. ARBRE, CORDE, DENT, MOT.

GROSEILLE


GROSEILLE, s. fém. GROSEILLIER, s. m. [Grozè-glie, zéglié: 2eè moyen au 1er, é fer. au 2d. mouillez les ll.] Groseille, petit fruit un peu acide, qui vient par grapes à un petit arbrisseau apelé groseillier.

GRôSSE


GRôSSE, s. fém. GRôSSERIE, s. fém. [1re lon. 2e e muet.] Grôsse est, 1°. douze douzaines d' une marchandise: une grôsse de boutons. = 2°. Expédition en parchemin ou en papier d' un contrat, etc. "Le Notaire garde la minute des actes, et en délivre une grôsse aux parties intéressées. _ On dit aussi la grôsse d' un inventaire, d' une production.
   GRôSSERIE est, 1°. Grôs ouvrages des Taillandiers. 2°. Comerce en grôs. "Ce Marchand ne vend point en détail: il ne fait que la grosserie.

GRôSSESSE


GRôSSESSE, s. fém. [Grôcèce: 2e è moy. 3e e muet.] L' état d' une femme grôsse, enceinte. "Grôssesse heureûse ou dangereûse, etc. = * Comme on dit d' une femme qu' elle a étoufé son fruit, Brébeuf a cru pouvoir dire, dans le même sens, étoufer la grôssesse: expression barbâre et ridicule.

GRôSSEUR


GRôSSEUR, s. f. GRôSSIR, v. act. et neut. [Grô-ceur, grôci: 1re lon.] Grôsseur est, 1°. le volume de ce qui est grôs. "Grôsseur énorme, prodigieûse. Médiocre grôsseur. "La grôsseur d' une persone, d' un arbre, etc. = 2°. Tumeur. "Il lui est venu une grôsseur au brâs, etc.
   GRôSSIR, rendre grôs . "Les pluies ont grôssi la rivière: la peur grôssit les objets. = Devenir grôs. "La rivière a grôssi. "Son armée grôssit tous les jours. _ L' Acad. le met aussi réciproque. "Le nuage se grôssit; la foule se grôssissoit. Le nombre de ses énemis se grôssissoit tous les jours. Hist. d' Angl. N' en déplaise à nos Maîtres; je crois que le neut. vaut mieux, et que l' usage n' admet guère se grôssir. Je dirais plus volontiers, le nuage grôssit, la foule, le nombre, etc. grôssissait.
   Rem. 1°. Grôssir régit quelquefois la prép. de.
   De mes pleurs chaque jour je grossis la tempête.
       Créb.
  De la substance de leurs fréres
  Leurs biens criminels sont grôssis,
  Par le luxe même endurcis,
  Ils sont riches de nos misères.
       Le Franc.
2°. Grôssir s' emploie au figuré, mais il ne s' allie pas avec toute sorte de verbes. Pascal a dit dans ses Pensées. "Notre imagination nous grôssit tellement le tems, à force d' y faire des réflexions continuelles, et nous amoindrit tellement l' éternité, manque d' y faire réflexion, que nous faisons de l' éternité un néant, et d' un néant une éternité. Cette pensée si belle, dit M. Racine le Fils, n' a pas fait vivre ces deux mots grôssir, dans ce sens, et, encôre moins, amoindrir.
   On dit, proverbialement, la pelote, ou la boule de neige grôssit; le trouble, ou la sédition, ou le péril, ou le nombre augmente.

GRôSSIER


GRôSSIER, IèRE, adj. GRôSSIèREMENT, adv. GRôSSIèRETÉ, s. f. [Grô-cié, cière, ciè-reman, reté: 1re lon. 2e é fer. au 1er, è moy. et long aux 3 aûtres; 3ee muet.] Grôssier, 1°. Qui n' est pas délié, délicat. "Drap grôssier. "Taille grôssière; des traits grôssiers. = 2°. En parlant des ouvrages, qui n' est pas délicatement fait. "Sculptûre, architectûre, etc. grôssière. "Cet ouvrage est grôssier. "Le travail en est grôssier. "L' art est toujours grôssier auprès de la natûre. Le Comte de Valmont = 3°. En parlant des hommes, rude, mal poli. "Peuple grôssier; esprit, langage grôssier; moeurs, manières grôssières. = 4°. Faible, imparfait. Doner une idée grôssière d' une chôse. = 5°. Marchand grôssier, qui ne vend qu' en grôs.
   GRôSSIèRETÉ, se dit au figuré et non au propre, s' il faut en croire le P. Bouhours. Quoiqu' on dise qu' une étofe est grôssière; on ne dit pas la grôssièreté d' une étofe; l' Acad. le dit pourtant, et l' usage l' aproûve; aussi bien que la grôssièreté d' un drap, d' une toile, d' une architectûre. _ Il est vrai qu' il se dit encôre plus souvent pour signifier, rudesse, impolitesse. "N' admirez-vous pas la grôssièreté de cet homme, de son ton, de ses manières. "Il en a usé avec beaucoup de grôssièreté. = Il signifie aussi parole grôssière et malhonête. "Il vous a dit une grôssièreté: il ne sait dire que des grôssièretés.
   GRôSSIèREMENT, c' est 1°. d' une manière grôssière. (n°. 2°. et 3°.) Travaillé grôssièrement. "Il parle, il répond grôssièrement. = 2°. En grôs, sans entrer dans le détail. "Voilà grôssièrement le sujet de leur querelle.

GRôSSIR


GRôSSIR, Voy. GRôSSEUR.

GRôSSISSANT


*GRôSSISSANT, ANTE, adj. Qui grôssit. (Néologisme) Guillaume chargea la Nation d' une dette toujours grôssissante. M. Targe, Traducteur de Smollet. Ce mot pourrait être utile, et il est à souhaiter que l' usage l' adopte.

GRôSSISSEMENT


GRôSSISSEMENT, s. m. GRôSSISSEUR, s. m. [Grôciceman, ceur: 1re lon. 3ee muet au 1er.] Le 1er ne se dit qu' en parlant des lunettes; le grôssissement des objets; et le 2d, en parlant des microscopes. "Le moindre grôssisseur de son microscope. Merc. _ Ni l' un ni l' aûtre ne sont dans le Diction. de l' Acad.

GRôSSOYER


GRôSSOYER, v. act. [Grô-soa-ié: 1re lon. dern. e muet.] Faire la grôsse. (n°. 2°.) l' expédition d' un acte, d' un contrat. "Grossoyer un contrat, une obligation.

GROTESQUE


GROTESQUE, adj. GROTESQUEMENT, adv. [Grotèske, keman: 2e è moy. 3e e muet.] En Peintûre, il se dit des figures imaginées par le caprice d' un Peintre, et qui ont quelque chôse de bizârre. "Peintûres grotesques, et substantivement. Faire des grotesques; peintre en grotesques. = Fig. Ridicule, bizârre, extravagant: habit, discours, mine grotesque. "Cet homme est grotesque; cette femme est vraiment grotesque.
   Ma Minerve sévère
   Adoucira ses grotesques portraits.
       Gresset.
  Et Raphaël peignit sans déroger
  Plus d' une fois maint grotesque léger.
      Rousseau.
   GROTESQUEMENT, d' une manière grotesque, ridicule, extravagante. "Être vêtu, danser, chanter grotesquement.

GROTTE


GROTTE ou GROTE, s. f. Caverne naturelle, ou faite de main d' homme. "À~ l' entrée; au fond d' une grote profonde. Télém. "Une grotte rustique, au milieu de laquelle il y a un jet d' eau. La Lande.

GROUILLANT


GROUILLANT, ANTE, adj. GROUILLER, v. n. [grou-glian, glian-te, glié: 2e lon. aux deux premiers, é fer. au 3e. mouillez les ll.] Grouiller, remuer. Il est vieux à l' actif et au réciproque. "Grouiller la tête, la remuer; se grouiller, se remuer. Le Rich. Port. met encore le réciproque se grouiller. _ Neutre, il est Populaire. "Il y a quelque chôse qui grouille là-dedans. _ On dit encôre dans le style familier: persone ne grouille (ne bouge) encôre.
   Et l' on demande l' heure, et l' on baille vingt fois,
   Qu' elle grouille aussi peu qu' une pièce de bois.
       Mol.
On dit, plus souvent encôre, le ventre me grouille; et d' un vieillard, la tête lui grouille. = Il se dit enfin avec la prép. de dans le sens de fourmiller. "Cela grouille de vers.
   GROUILLANT, ne se dit que dans ce dernier sens; tout grouillant de vers, de vermine, etc. Le peuple dit. "Il a six enfans tout grouillans, qui grouillent, qui remûent.

GROUPE


GROUPE, s. m. GROUPER, v. act. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Ce sont des termes des Arts du dessin. Assemblage de plusieurs objets tellement raprochés que l' oeil les embrasse à la fois. "Groupe d' enfans, d' animaux, de fruits. = Grouper, mettre en groupe. "Ce Peintre sait bien grouper ses figûres; et neutralement ces figûres groupent bien. = * On a dit aûtrefois grouper et agrouper. Richelet disait que depuis peu le 1er était plus usité. Au comencement de ce siècle, La Touche se contente de dire que grouper parait le plus en usage, et qu' agrouper n' est pas dans le Dict. de l' Acad. On ne le dit plus du tout: on ne dit que grouper. = Ces mots sont en faveur chez les Néologues. "La société nécessairement dissoute, n' ofrirait que la masse énorme d' un corps sans mouvement. Ce serait moins un corps organisé, qu' un groupe d' automates. ANON. Quel amphigouri. "C' est en élaguant ainsi une foule de branches dispendieûses... que je parviens à diminuer le groupe éfrayant des impôts. Test. Polit. de l' Anglet. _ Groupe des impôts et diminuer le groûpe. Quel langage! Et ce que c' est que de vouloir employer les mots à la mode!

GRUAU


GRUAU, s. m. [Gru-o.] Il se dit et de l' avoine mondée et moulûe grossièrement, et de la bouillie faite avec cette avoine.

GRûE


GRûE, s. f. [1re lon. 2ee muet.] 1°. Gros oiseau de passage, qui vole fort haut et par bandes. = Faire le pied de grûe. (st. prov.) atendre long-tems sur ses pieds. "Il a un cou de grûe: un cou long et grêle. = 2°. Fig. Niais, sot, qui se laisse tromper. "Vous nous prenez pour des grûes. "Il faut être bien grûe, pour, etc. "Le monde n' est pas grûe.
   3°. GRûE, est aussi le nom d' une grande machine avec quoi on élève de grôsses pierres pour les bâtimens.

GRUGER


GRUGER, v. act. C' est au propre, briser quelque chôse de dur ou de sec avec les dens. "Gruger des croutes, etc. _ Par exagération, il se dit pour manger. "C' est peu pour trois qu' ils sont: ils auront bientôt grugé tout cela.
   Tant que j' aurai de quoi gruger.
       St. Amant.
"Il fait trop de dépense: il aura bientôt grugé tout son bien. = Au fig. (st. famil.) Manger le bien de quelqu' un. "Ses hôtes, ses amis le grugent. = La Fontaine dit, en parlant de la chicane du Palais.
   On nous mange, on nous gruge,
   On nous mine par des longueurs.

GRUMEAU


GRUMEAU, s. m. se GRUMELER, v. réc. GRUMELEUX, EûSE, adj. [Grumo, melé, me-leû, leû-ze: 2e dout. au 1er, e muet aux 3 aûtres: 3e é fer. au 2d, lon. aux 2 dern.] Grumeau, se dit des petites portions de sang ou de lait câillés dans l' estomac. Se Grumeler, devenir en grumeaux. Il rendait le sang par grumeaux. "Ce lait s' est grumelé: il s' est mis tout en grumeaux.
   Grumeleux, qui a de petites inégalités dûres, ou en dehors, caillou, bois grumeleux; ou en dedans, poire grumeleûse.

GUAYER


GUAYER. Voy. GUÉER.

GUÉ


GUÉ, s. m. GUÉABLE, adj. GUÉER, v. act. [Ghé, ghéable, ghé-é: 1re é fer. l' u est muet: il ne se prononce pas: il n' est là que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] Gué, l' endroit d' une rivière où l' on peut pâsser sans nager et sans s' embourber. Guéable, où l' on peut pâsser à gué. Chercher le gué. "Le gué est bon. "Passer une rivière à gué. "La rivière est guéable en cet endroit. = On dit, figurément, dans le discours familier, sonder le gué, tâcher de reconaître les dipositions des persones, avant de leur faire des propositions.
   GUÉER, baigner, laver dans l' eau: guéer un cheval, guéer du linge. _ On dit aussi aigayer. Voy. ce mot. Quelques-uns disent gayer, mais mal.

GUENILLE


GUENILLE, s. f. GUENILLON, s. m. [Gheni-glie, ni-glion: 1re e muet: mouillez les ll.] Haillon, chifon. _ Petite guenille. "Que voulez-vous faire de cette guenille; de ces guenilles. "Il n' a que des guenilles, de vieilles hardes. "Je n' ai que faire de ce guenillon. = Ils se disent au figuré dans le style familier. "On est si avide de nouvelles qu' on a pris cette guenille, et on ne parle d' aûtre chôse. Sév. "Je vous mandai hier par un guenillon de billet que, etc. La Même.

GUENIPE


GUENIPE, s. f. [st. famil.] Femme mal propre, maussade. = Coureûse, femme de mauvaise vie.

GUENON


GUENON, GUENUCHE, s. f. Au propre, la femelle d' un singe. "Une guenon; une jolie guenuche. (petite guenon) Au figuré laide femme. "C' est une guenon; un visage de guenon. "Une guenuche coîfée.
   Laissons ces guenons là: partons.
       Destouches.
= Guenon, se dit aussi d' une femme de mauvaise vie.

GUêPE


GUêPE, s. f. GUÉPIER, s. m. [Ghêpe, ghé-pié: 1erê ouv. et long au 1er, é fer. au 2d: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Guêpe, grosse mouche, presque semblable à une abeille. Guépier, loges que les guêpes se pratiquent avec du bois et de la glu.

GUERDON


*GUERDON, s. m. GUERDONER, v. act. Vieux mots. Récompense. Récompenser.
   De mes labeurs est-ce là le guerdon?
       Ronsard.

GUèRE


GUèRE, adj. [Ghère: 1reè moy. et long. 2e e muet. = On n' écrit plus guères, comme on faisait aûtrefois. La Poésie l' a conservé pour la comodité.] Pas beaucoup, peu. Il ne s' emploie qu' avec la négative; et la prép. de: "Il n' y a guère de gens raisonables: il n' a guère d' argent, de voix, etc. et non pas guère des gens, de l' argent, de la voix; comme plusieurs disent en Provence, et sur les bords de la Garone.
   REM. 1°. Guère, se met après les tems simples des verbes et dans les tems composés entre l' auxil. et le participe: il précède toujours l' infinitif. "Il ne l' aime guère. "Il n' a guère resté: il ne faut guère tarder, et non pas tarder guère, comme dit Molière. = Que si guère est joint à un autre adverbe on peut le mettre après le verbe, même dans les tems composés. "Il n' a resté guère après vous. = Les adverbes de comparaison se mettent toujours après guère: guère plus, guère moins.
   2°. De guère, n' est bon que quand on compâre une chôse à une aûtre. "Elle ne la pâsse de guère; elle n' est de guère meilleûre. Ailleurs, il faut dire simplement guère: il ne s' en est guère fallu, et non pas il ne s' en est fallu de guère. VAUG. MEN. Balzac le disait ainsi, mais c' est un gasconisme.
   3°. Guère, a une espèce de datif, mais il n' est pas beaucoup d' ocasions, où l' on puisse l' employer. "Ma colère ne tient à guère.
   4°. Guère, se joint à il n' y a, ou à il n' est. "Il n' y a guère que lui, qui puisse le faire; il est le seul qui, etc. "Il n' y a guère qu' il est venu; il n' y a pas long-tems que, etc. "Je voudrois qu' il vînt bien vite, afin qu' il n' y eû guère qu' il vous eût vûe. Sév.

GUÉRET


GUÉRET, s. m. [Ghérè: 1re é fer. 2e è moy.] Terre labourée et non encôre ensemencée. "Au bout d' un guèret. "Cette terre est demeurée en guéret. = En Poésie, on apèle guérets toutes les terres, ensemencées ou non.

GUÉRIDON


GUÉRIDON, s. m. Petite table ronde, sur un seul pied, où l' on place des chandeliers, des flambeaux.

GUÉRIR


GUÉRIR, v. act. et n. GUÉRISON, s. f. GUÉRISSABLE, adj. [Ghéri, rizon, ri--sable: 1re é fer.] Guérir, c' est délivrer de maladie, redoner la santé. Il se dit du malade et de la maladie. "Ce Médecin l' a guéri de la fièvre. "Ce remede guérit la fièvre. Il s' emploie quelquefois neutralement, le régime étant sous-entendu.
   J' ôte et je rends le jour, je frape et je guéris.
       Le Franc.
= V. n. En parlant du malade. Recouvrer la santé. = V. réc. en parlant de la maladie. "Votre mal comence à se guérir. = Fig. en parlant des passions, des maux de l' esprit. "On l' a guéri de cette erreur; il est guéri de son ambition. Se guérir de ses préventions, etc.
   Rem. 1°. Le réciproque se guérir, quand on parle des persones, convient mieux pour le figuré que pour le propre. Cependant, quand on veut exprimer les soins qu' on prend soi-même pour guérir, le réciproque fait fort bien au propre. "Mon visage n' est quasi pas changé... c' est que je n' ai pas été saignée et que je n' ai qu' à me guérir de mon mal, et non pas des remèdes. Sév. "Mme de... vient aux eaux: elle cherche à se guérir de soixante ans dont elle est incomodée. La Même.
   2°. Guérir, régit l' accusatif de la persone, et l' ablatif de la chôse. Voy. le 1er. Ex. Madame de Sévigné lui done le datif pour régime de la persone, et l' acusatif pour celui de la chôse. "Son Anglois lui guérit encôre son rhume, en mettant je ne sais quoi dans son quinquina. _ Dans un aûtre endroit elle aplique fort mal le régime de l' ablatif. "M. de St. Omer est guéri de l' Anglois. Est-ce que ce Médecin Anglais était une maladie? Il falait, a été guéri par l' Anglois, et c' est ainsi que Madame de Sévigné le dit âilleurs. "Le Chevalier m' écrit qu' il a été guéri par notre Anglois.
   GUÉRISON. Recouvrement de la santé. Ce mot a un sens passif: il se dit de celui, qui est guéri, et non pas du Médecin qui guérit. "Il doit sa guérison à un tel remède. "La guérison de ces maladies est dificile, etc. Voy. CûRE.
   Rem. * On disait autrefois avoir guérison, pour guérir.
   Des maladies
   Qui n' auroient jamais guérison.
       Malherbe.
Le même dit, en parlant de la France.
  Tout ce qui la travaille aura sa guérison.
Il dit âilleurs rendre la guerison; mais on ne le dit point, et l' on n' a jamais dû le dire; car on n' avait pas la guérison; on avait la santé, avant que d' être malade. On ne peut rendre à quelqu' un que ce qu' il avait, et qu' il a perdu. Il faut donc dire, rendre la santé; et non pas la guérison.
   GUÉRISSABLE, qu' on peut guérir, dont on peut guérir. "Ce mal n' est pas guérissable.

GUÉRISSEUR


GUÉRISSEUR, s. m. Celui qui guérit. Ce mot n' est bon que pour le style comique ou critique. "Le guérisseur, s' adressant au premier du cercle, lui dit, etc. l' Acad. ne met pas ce mot. Le Rich. Port. l' admet pour le discours familier.

GUÉRITE


GUÉRITE, s. f. [Ghérite: 1re é fer. dern. e muet.] Petite loge où la sentinelle se met à couvert. = Par extension, petit cabinet ouvert de tous côtés au haut d' une maison, pour y prendre l' air et découvrir de loin. = En st. prov. gagner la guérite, s' enfuir.

GUERRE


GUERRE, s. f. GUERRIER, IèRE, adj. et subst. [Ghê-re, ghêriè, riè-re: 1re ê ouv. et long: 2e e muet au 1er é fer. au 2d, è moy. et long au 3e, l' r se prononce fortement.] Guerre, est proprement une querelle entre deux États Souverains, qui se poursuit par la voie des armes. "Déclarer, faire, entreprendre, soutenir, allumer, entretenir la guerre, entendre la guerre, l' art de la guerre. = Il se dit, par extension des animaux. "Le loup fait la guerre aux brebis, le renard aux poules. = Fig. dans les chôses morales. "Faire la guerre à ses passions.
   Rem. On dit faire la guerre à, et avoir la guerre ou être en guerre avec. * Boileau avait dit dabord.
   L' ours fait-il dans les bois la guerre avec les ours?
Mais La Fontaine, Racine, et autres amis du Poète remarquèrent qu' on ne dit pas faire la guerre avec, mais à quelqu' un. Il côrrigea dans la suite ce vers, et mit:
   L' ours a-t' il dans les bois la guerre avec les ours?
Dans la 1re Satire, il dit avoir guerre avec, sans article.
   Quitons donc pour jamais une ville importune.
   Où l' honeur a toujours guerre avec la fortune.
L' Acad. met aussi avoir guerre, peut-être d' après Boileau. Mais je doute que cette expression soit de l' usage actuel.
   Être en guerre, se dit, au propre, des Peuples, des Puissances. "C' est un principe constant que la prescription ne peut courir entre les sujets de deux Couronnes, qui sont actuellement en guerre. Cochin. _ Au fig. on le dit des particuliers. "Ils sont toujours en guerre.
   On dit porter la guerre, et non pas mettre la guerre dans, comme dit Vertot. "Pompée avoit mis (porté) la guerre dans les trois parties du monde.
   Ce mot entre dans plusieurs locutions proverbiales. On dit: à la guerre comme à la guerre, dans des ocasions, où l' on n' a pas toutes ses comodités. = Faire la guerre, ou la petite guerre à quelqu' un de.. Le plaisanter amicalement. "Il lui en fit la guerre. = Y aler de bone guerre, sérieusement. "Ne seroit-on pas tenté de croire que M. dit vrai, et qu' il y va de bone guerre? = Faire la guerre à l' oeil, épier tout ce qui se pâsse, pour en tirer avantage. "Il se dit au propre et au figuré. "M. de Turenne savoit faire ce qu' on apelle la guerre à l' oeil. D' Avr. "Je me défie de cet homme: faites la guerre à l' oeil. = Aler à la petite guerre, aler butiner chez l' énemi. _ Cela est ou n' est pas de bonne guerre, est conforme ou oposé à la bonne foi, à l' honêteté, à l' équité, etc. = En guerre et en marchandise, bon, propre à tout; au poil et à la plume. "Il se vante de l' avoir vu en guerre et en marchandise. Sév. c. à. d. dans toutes sortes d' ocasions à aprécier son mérite. = Moitié guerre, moitié marchandise, moitié de gré, moitié de force.
   GUERRIER, 1°. qui apartient à la guerre. Peuple guerrier, Nation guerrière. "Exploits guerriers, actions guerrières. = 2°. Qui est propre à la guerre. "Courage guerrier, humeur guerrière; il a l' air guerrier, la mine guerrière. = Subst. "Un grand guerrier; les plus fameux guerriers. = Et en parlant des Amazones; "La vaillante guerrière.
   REM. Guerrier, au fém. peut précéder quelquefois le subst.
   Vous, chez qui la guerrière audace
   Tient lieu de toutes les vertus.
"Ces deux rivales et guerrières Nations. Hist. des Stuarts. Là, guerrière ne précède pas élégamment, et c' est un anglicisme.

GUERROYER


*GUERROYER, v. n. GUERROYEUR, s. m. Faire la guerre. Qui fait la guerre. Vieux mots, qui ne se disent plus que dans le style plaisant ou satirique.

GUET


GUET, s. m. GUETTER ou GUÉTER, v. act. [ghè, ghété: dans le 1er, è moy. dans le 2d, 1re et 2 é fer. Devant l' e muet, le 1er e se change en è moy. Je guette, ou guète; il guettera, ou guètera, etc.] Guet, est 1°. l' action d' épier, en parlant des Soldats. Faire le guet. = 2°. Ceux qui épient. "Le guet vient de pâsser. "On crie au guet. = Guetter, épier, observer à dessein de surprendre (st. fam.) "Les voleurs guettent les passans. "Le chat guette la souris. = Fig. Atendre quelqu' un à un endroit où il doit pâsser. "Il guettait son débiteur, pour lui demander de l' argent.
   En st. prov. on dit, avoir l' oeil ou l' oreille au guet; ou faire le guet, observer ce qui se pâsse. = Mot du guet, parole qui sert à discerner les amis des énemis. Il se dit au propre et au figuré. "Ils se sont donné le mot du guet; ils sont d' intelligence.
   GUET-APENS. [Ghètapan.] Embuche dressée pour assassiner quelqu' un, ou pour lui faire quelque outrage. "Ce n' est point une rencontre, ni un duel, c' est un guet-apens.

GUêTRE


GUêTRE, s. f. GUêTRER, v. act. [Ghêtre, tré: 1re ê ouv. et long. 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Chaussûre qui sert à couvrir la jambe et le dessus du soulier. Guêtrer, mettre des guêtres. "Guêtres de cuir, de grosse toile, de drap. "On l' a fort mal guêtré. "Il s' est guêtré, il va partir.

GUETTER


GUETTER. Voy. GUET.

GUEULE


GUEULE, s. f. GUEULÉE, s. f. GUEULER, v. n. [Gheu-le, lé-e, : 2e e muet au 1er, é fer. aux 2 autres.] Gueule, est dans la plupart des quadrupèdes, et des poissons, ce qu' est bouche par raport à l' homme. "La gueule d' un chien, d' un loup, d' un lion, d' un boeuf, d' un brochet, etc. Il se dit, par mépris, de l' homme. "Il a la gueule fendue jusqu' aux oreilles. = En st. prov. Mettre quelqu' un à la gueule du loup, l' exposer sans défense à la fureur de ses énemis. = Être fort en gueule, crier fort haut. = N' avoir que de la gueule; avoir beaucoup de caquet, et peu de bon sens. = Venir la gueule enfarinée, persuadé qu' on trouvera ce qu' on desire. "Je hais ce style de dire que tout est de nos amis: c' est un air de gueule enfarinée, que je ne puis soufrir dans les aûtres. Sév. = Gueule fraiche, homme de bon apétit. = On dit, bâssement et populairement, doner sur la gueule à; doner un souflet, un coup de poing sur le visage. = Mots de gueule, ou gueulées, paroles sales. = "Vous en avez menti par votre gueule. Voy. GOULE.
   GUEULÉE (st. famil.) Bouchée, ce qui tient dans la gueule d' un animal, d' un homme.
   GUEULER (st. bâs et plaisant.) Parler beaucoup et fort haut. "Cet Avocat ne fait que gueuler.

GUEUSâILLE


GUEUSâILLE, s. f. GUEUSâILLER, v. n. [Gheu-zâ-glie, glié; 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d; mouillez les ll.] Termes de mépris, du discours famil. Canâille, multitude de gueux. Ce n' est que de la gueusâille. "Il s' amuse à gueusâiller, à faire le métier de gueuser.

GUEUSANT


GUEUSANT, ANTE, adj. GUEUSER, v. n. GUEûSERIE, s. f. [Gheu-zan, zante, , zeri-e: 1re lon. au 4e, 2e lon. aux 2 1ers, é fer. au 3e, e muet au dern.] Gueuser, mendier, faire le métier de demander l' aumône. Gueusant, qui gueûse. Gueûserie, indigence, misère. "Il s' est mis à gueuser. _ V. act. Gueuser son pain. _ C' est un gueux gueusant, une gueûse gueusante. Voilà tout l' emploi de ce mot. "Il y a bien de la gueûserie dans cette Province: elle est fort paûvre. = Fig. (st. fam.) Chôse vile et de~ peu~ de~ valeur. "Ce n' est que de la gueûserie.

GUEUX


GUEUX, GUEûSE, adj. et subst. [Gheû, gueû-ze; 1re lon. 2e e muet.] Indigent, qui est réduit à mendier. "Il est si gueux, qu' il n' a pas de pain. "C' est une famille fort gueûse. _ Ce n' est rien moins qu' un terme noble. Il ne se dit que dans le discours familier et un peu méprisant. Dans le discours relevé, on dit, paûvre, indigent. = Subst. Il a au masc. son sens naturel. "C' est un gueux; il mène une vie de gueux. _ Au fém. Femme de mauvaise vie: "C' est une gueûse. = On dit, proverb. gueux comme un Peintre, comme un rat d' Église. = Gueux revêtu, homme de néant, qui a fait fortune. "Doner ma fille à un gueux revêtu: non, je n' y consentirai jamais. Retif.

GUI


GUI, il se prononce en un seul temps, mais en fesant sentir l' u dans aiguille, aiguillette, aiguillon, etc. Guise, nom propre: Aiguillon, ville. (Pron. Gui-ze, é-gu--glion, etc.) Mais on prononce, sans faire sentir l' u, guichet, guide, etc. Anguille; vivre à sa guise, etc. etc. Pron. ghi.

GUICHET


GUICHET, s. m. GUICHETIER, s. m. [Ghichè~, che-tié: 2e è moy. au 1er, e muet au 2d, 3e é fer.] Guichet, petite porte pratiquée dans une grande. = Il se dit aussi des portes d' une armoire. "Armoire à quatre, à six guichets. = Guichetier, valet de geolier, qui oûvre et ferme les guichets.

GUIDE


GUIDE, s. m. et fém. GUIDER, v. act. [Ghide, : 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Guide est masc. quand il se dit de celui qui acompagne quelqu' un pour lui montrer le chemin. "Un guide sûr et fidèle. "Avoir, prendre un guide. Servir de guide. _ Fig. Celui qui done des instructions, des avis. "Il a besoin d' un guide pour sa conduite et pour ses afaires. = Il est fém. dans ces deux titres d' ouvrages, consacrés par l' usage: "La Guide des Pécheurs; la Guide des Chemins. Et aussi pour signifier une espèce de rênes atachées à la bride d' un cheval, atelé à un cârosse~. "La guide du côté droit est rompûe. Il s' emploie ordinairement au plur. "Les guides lui échapèrent. _ Guides, est du st. simple: rênes, est de tous les styles.
   GUIDER, conduire dans un chemin. "Cet homme nous a fort bien guidés. = "Celui qui me guide dans cette afaire est un honête homme, fort éclairé.
   Guider, conduire, mener (synon.) L' idée propre du 1er est d' éclairer, de montrer la voie; du 2d, de diriger une suite d' actions; du 3e, de disposer du sujet ou de sa marche. "La lumière guide: on conduit par le comandement comme par l' instruction: l' ascendant, la supériorité mènent: on guide un voyageur, un aprenti: on conduit un étranger, un ami; on mène des enfans, des aveugles, etc. "L' art guide le Médecin: le Médecin conduit le malade; et la Nature mène le malade à la santé ou à la mort. Roubaud. Synon.

GUIDON


GUIDON, s. m. [Ghidon.] Il se dit et d' une petite enseigne d' une Compagnie de Gendarmes, et de celui qui la porte.

GUIGNE


GUIGNE, s. f. GUIGNIER, s. m. [Ghig--ne, gni-é; Mouillez le gn: 2ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Le 1er se dit d' une espèce de petite cerise: le 2d de l' arbre qui la produit.

GUIGNER


GUIGNER, v. n. et act. [Ghig-né: mouillez le gn; 2e é fer.] Au propre, regarder du coin de l' oeil. Il régit de: "Guigner de l' oeil, d' un oeil. = V. act. "Guigner le jeu de son voisin. = Fig. Convoiter. "Guigner une charge, une héritière; etc. Voy. GUINGOIS.

GUIGNON


GUIGNON, s. m. [Ghignon;] Malheur. "Avoir du guignon. Jouer de guignon. Porter guignon à... Être en guignon. Quel guignon! C' est un grand guignon. Il est famil. Il se dit proprement du jeu, et par extension, de toute autre chôse.

GUILLÉE


GUILLÉE, s. f. [Ghi-glié-e~; mouillez les ll; 2e é fer. et long, 3ee muet.] Pluie soudaine et de peu de durée.

GUILLEDOU


GUILLEDOU, s. masc. [Ghi-glie-dou; mouillez les ll, 2e e muet.] Il ne se dit que dans cette locution: courir le guilledou, aler souvent, et sur-tout la nuit, dans des lieux de débauche.

GUILLEMETS


GUILLEMETS, s. m. pl. [Ghi-glie-mè: mouillez les ll: 2e e muet, 3e è moy. et long.] Terme d' Imprimerie. Doubles virgules mises devant les lignes pour marquer les citations ("). Il faut distinguer ce passage par des guillemets.

GUILLERET


GUILLERET, ETTE, adj. [Ghi-gli--rè, rète: mouillez les ll: 2e e muet, 3e è moy.] Éveillé, léger. "Il a l' air guilleret. = Fig. "Habit guilleret, trop léger pour la saison. Ouvrage guilleret, peu solide.

GUILLOCHER


GUILLOCHER, v. act. GUILLOCHIS, s. m. [Ghi-glio-ché, chi: mouillez les ll.] On apèle guillochis des ornemens formés par des lignes, des traits, entrelacés les uns dans les autres. Guillocher, faire des guillochis. "Guillocher une tabatière: plate-bande guillochée.

GUIMAûVE


GUIMAûVE, s. f. [Ghimôve, 2e lon. 3e e muet.] Espèce de maûve. Elle est pectorale. "Pâte de guimaûve.

GUIMPE


GUIMPE, s. f. [Ghein-pe: 1re lon. 2e e muet.] Morceau de toile, avec lequel les Religieuses se couvrent le cou et la gorge.

GUINDAGE


GUINDAGE, s. m. GUINDER, v. act. [Ghein-dage, ; 1re lon. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Guinder, c' est hausser par le moyen d' une machine. Guinder un fardeau, des pierres. = Figurément, il se dit des chôses d' esprit où l' on afecte trop d' élévation. On le dit sur-tout au réciproque et au participe. "Il se guinde l' esprit. "Il se guinde si haut, qu' on le perd de vue. Boil. "Il est aisé de se guinder sur de grands sentimens. "Il est toujours guindé. "Discours, style guindé, forcé, afecté. Esprit guindé.
   GUINDAGE ne se dit qu' au propre, et en termes de Marine. Action d' élever les fardeaux.

GUINGOIS


GUINGOIS, s. m. [Ghein-goâ, 2 long.] État de ce qui n' est pas droit. "Il y a un guingois dans ce jardin, dans cette chambre. = Fig. st. fam. "Il y a dans son esprit un guingois qui choque. = Il s' emploie sur--tout adverb. "Jardin, chambre de guingois. "S' habiller, se mettre, marcher de guingois. "Avoir l' esprit de guingois.
   REM. Guingois, vient de guignois, et celui-ci, du verbe guigner, qui vient lui-même de cuiner, en écrivant cuin, à la picarde, pour coin, parce que guigner, c' est regarder du coin de l' oeil. La Monnoie.

GUINGUETTE


GUINGUETTE, s. f. [Ghein-ghète, 2e è moy. 3e e muet.] Petit cabaret hors de la ville, où l' on va faire des parties de plaisir, des repâs. = Fig. fam. Petite maison de campagne.

GUIRLANDE


GUIRLANDE, s. f. [Ghirlande, et non pas ghier-lande, comme plusieurs prononcent en Provence et âilleurs.] Courone, chapeau, festons de fleurs. "Guirlande de fleurs; cueuillir~ une guirlande, faire des guirlandes.

GUISE


GUISE, s. f. [Ghîze; 1re lon. 2e e muet.] Manière, façon. "Chacun a sa guise: vit, se gouverne à sa guise. = En guise de, adv. "Prendre de la sauge, des vulnéraires, en guise de thé. = L' emploi de ce mot est à-peu-près borné à ces phrâses. = On dit, proverbialement: chacun se fouette à sa guise, se conduit comme il veut, et emploie les méthodes qu' il lui plaît.

GUITâRE


GUITâRE, s. f. [Ghitâre 2e lon. 3e e muet.] Instrument de Musique, qui a cinq rangs de cordes, et dont on joûe en les pinçant. "Jouer de la guitâre.

GUITRAN


GUITRAN, s. m. [Ghitran.] Espèce de bitume, dont on enduit les navires. C' est à peu près la même chôse que goudron. Il parait que ce mot est d' origine provençale.

GUTTURAL


GUTTURAL, ALE, adj. Qui se prononce du gosier. "Le G et le Q sont des lettres gutturales.

GYMNâSE


GYMNâSE, s. m. [Gimenâze: l' e muet sur-ajouté est très-muet.] Lieu où les Grecs s' exerçaient à luter, à jeter le disque et à d' autres exercices. = * Fleuri fait mal-à-propos ce mot fém. "On bâtit une gymnâse. C' est un gymnâse qu' il faut dire.

GYMNASTIQUE


GYMNASTIQUE, s. f. L' art d' exercer les corps pour les fortifier. "La gymnastique militaire: "la gymnastique Médicinale.