Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI ESQUIF


ESQUIF, s. m. [Eskif: 1re è moy. prononcez l' f finale.] Petit canot.

ESQUILLE


ESQUILLE, s. f. [èski-glie: 1reè moy. dern. e muet: mouillez les ll] Petit éclat d' un ôs, où il s' est fait une fractûre.

ESQUINANCIE


ESQUINANCIE, s. f. [èskinanci-e: 1re è moy. 3e et 4e lon. 5e e muet.] On a dit aûtrefois squinance ou squinancie. Les Gascons disent encôre le dernier. _ Maladie, qui fait enfler la gorge et qui empêche de respirer, quelquefois même d' avaler. "Il est mort d' esquinancie, ou d' une esquinancie.

ESQUIPOT


ESQUIPOT, s. m. [èskipo: 1reè moy.] Tronc, qui est dans la boutique des Barbiers et où l' on met l' argent de ceux, qui se sont fait râser.
   On s' en sert populairement: mettre dans son esquipot: tiens, mets cela dans ton esquipot. MARIN.

ESQUISSE


ESQUISSE, s. f. ESQUISSER, v. a. [Èski--ce, cé; 1re è moy. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d. _ M. Retif ou son Imprimeur, écrit exquisse avec un x: c' est une faûte grossière. Le P. Bufier écrit esquice. C' est qu' il s' était fait une Ortographe particulière qu' il raprochait le plus qu' il pouvait de la prononciation.] Esquisse, premier crayon d' un Ouvrage des Peintres, ou premier modèle que font les Sculpteurs en terre ou en cire. Esquisser, faire une esquisse. "Ce Peintre a fait l' esquisse de son tableau. "Il en a esquissé l' idée etc.~
   Esquisse, ébaûche (synon.) L' ébaûche est la première forme qu' on a donée à un Ouvrage: l' esquisse n' est que le modèle incorrect et touché légèrement. _ Ainsi quand on dit d' un tableau, j' en ai vu l' esquisse, on fait entendre qu' on n' en a vu que le premier trait au crayon (ou au pinceau); et quand on dit, j' en ai vu l' ébaûche, on fait entendre qu' on a vu le comencement de son exécution. _ Esquisse ne s' emploie au propre que dans les Arts où l' on parle du modèle de l' ouvrage: ébaûche est aplicable à tout Ouvrage comencé, et qui doit s' avancer de l' état d' ébauche à celui de perfection. _ Esquisse dit toujours moins qu' ébaûche, quoiqu' il soit peut-être moins facile de juger de l' ouvrage sur l' ébaûche que sur l' esquisse. (Encycl.) Beauzée, synon.
   Rem. Ces mots n' ont été dits, pendant long-temps que par les Peintres et les Sculpteurs. Depuis le milieu de ce siècle, ils ont été apliqués aux ouvrages de l' esprit, et nos Écrivains modernes, qui aiment à emprunter leurs métaphores des sciences les plus abstraites, n' avaient garde de négliger des termes, apartenans à des arts agréables. "Je n' ofre qu' une esquisse: d' autres feront le tableau. Coyer. "Ce n' est ici qu' une simple ébauche, un plan que j' esquisse, et que j' abandone à ceux qui pourront l' achever. Id. "Après avoir esquissé le tableau des temps malheureux où vêcut l' Hôpital, l' Auteur expose fort au long les dificultés que présente l' éloge de ce grand homme. L' Abé Grosier.

ESQUIVER


ESQUIVER, v. act. [Èskivé: 1re è moy. dern. è fer.] Éviter adroitement quelque coup, quelque chose. "Il esquiva le coup. Et neutralement: "J' esquivai adroitement. = On dit, esquiver un importun, une ocasion fâcheûse; esquiver la dificulté, etc. = S' esquiver, se tirer subtilement d' un endroit où l' on ne veut pas demeurer. "Il s' esquiva et ne parut plus.

ESSAI


ESSAI. s. m. [È-sé: 1reè moy. 2e é fer.] 1°. Épreuve qu' on fait de quelque chôse. Faire un essai. "Faire essai ou l' essai d' une machine. "J' ai fait essai de cette vie: je ne puis m' y acoutumer. = 2°. Opération par laquelle on s' assure de la pureté d' un métal. = 3°. Petite partie de quelque chôse, qui sert à juger du reste. = 4°. Première production d' esprit, qui se fait sur quelque matière, pour voir si l' on y réussira. = Coup d' essai, premier essai que l' on fait en quelque chose. "C' est mon coup d' essai.
   Mes pareils à deux coups ne se font pas connoître,
   Et pour leurs coups d' essai veulent des coups de maître.
       Le Cid.

ESSAI


ESSAI. Voy. EXPÉRIENCE.

ESSAIM


ESSAIM, s. m. [È-cein: 1reè moyen. Rollin, Pluche et quelques autres Auteurs écrivent essain avec une n. M. de Bougainville, ou son Imprimeur, essein: Ce sont deux manières d' écrire vicieûses.] Volée de jeunes mouches à miel, qui se séparent des vieilles, pour aller âilleurs. "Un essaim d' abeilles. "L' essaim s' alla poser sur une branche d' arbre. "Il se dit au fig. et c' est un terme assez noble. "Il sortit du Nord un essaim de barbâres.
   Un essaim de douleurs bientôt nous environe,
   La vieillesse nous glace, et la mort nous moissone.
       De Lille.
  De toutes nos erreurs, quand le nombreux essaim
  Dans l' Egypte produit, s' échapa de son sein
      L. Racine.
* M. F... dit un essaim de Tritons. Il dirait tout aussi bien un essaim d' éléphans, etc. Ann. Litt. _ On dit, un essaim de barbâres, qui sont bien aussi grands et aussi grôs que les tritons; mais l' usage nous a acoutumé à l' un, et depuis long-temps, sans tirer à conséquence pour l' autre.

ESSAIMER


ESSAIMER, v. n. [Écémé: 3 é ferm.] Il se dit des ruches d' où sort un essaim, et des jeunes abeilles, qui en sortent. "Cette ruche a essaimé. "Ces mouches n' ont pas encôre essaimé. L' usage de ce mot est fort borné. Il ne se dit qu' au propre.

ESSANGER


ESSANGER, v. act. [È-sangé: 1re è moy. 2e lon. 3e é fer.] Laver du linge sale, avant de le mettre dans le cuvier de la lessive. "Essanger du linge. "Essanger la lessive.

ESSARTER


ESSARTER, v. act. [È-sarté; 1re è moy. 3e é fer.] Défricher, en arrachant les bois, les épines.

ESSAYER


ESSAYER, v. act. [È-cé-ié: 1re è moy. 2e et 3e é fer.] Plusieurs disent au présent, j' essaie, tu essaies, il essaie; et au futur, j' essaierai, tu essaieras, il essaiera, etc. Mais le bon usage est pour j' essaye, tu essayes, j' essayerai: [pron. ècé-ie, ècé--ie-ré, etc.] _ En vers pourtant on écrit au futur et au conditionel, j' essairai, tu essairais, etc. = Le plus grand nombre écrit à l' imparfait comme au présent, nous essayons, vous essayez. Il semble cependant que pour distinguer le premier du second, il convient d' écrire, nous essayions, vous essayiez. = Rollin met toujours esséïer: cette ortographe est particulière à cet Auteur.
   ESSAYER, c' est, 1°. éprouver quelque chôse, en faire l' essai. "Essayer un cheval, un canif, une plume, un habit, des souliers, etc. une arme à feu. "Essayer de l' or, de l' argent. = 2°. Essayer d' une persone, d' une chose, en faire l' épreuve, pour voir si l' on pourra s' en acomoder. Essayez de cet homme, de ce remède. = 3°. Il a le sens et les régimes de tâcher. "J' ai essayé de le persuader. Essayer à marcher. _ De vaut mieux, quand essayer a tout-à-fait le sens du verbe tâcher; mais à est préférable quand il se raproche de son sens propre, et qu' il signifie, faire des essais. C' est pourquoi dans ce vers de Corneille:
   Essayez sur ce point à le faire parler.
Et dans cette phrâse du P. d' Orléans: "On essaya à y attirer Dom Pêdre. Révolutions d' Espagne; j' aimerais mieux de que à. Au contraire, avec le pron. pers. à vaut mieux que de. "Il s' est essayé inutilement à peindre, à dessiner. Il régit dans cette signification, cette préposition à, devant les noms comme devant les verbes. "Essayez-y. "Je n' y ai point essayé. "Cet enfant, cet être fragile, qui comence à s' essayer à la vie et à la lumière. Trad. de Favorin.

ESSAYEUR


ESSAYEUR, s. m. [È-cé-ieur: 1re è moy. 2e é fer.] Il ne se dit que dans le 2d sens d' essai. Oficier préposé pour faire l' essai de la monoie et des matières d' or et d' argent, destinées à la fabrication.

ESSE


ESSE. La pénult. est longue dans Abesse, professe, confesse, presse, compresse, expresse, cesse, lesse, on s' empresse, il presse, il professe. Hors de là, elle est brève. Tendresse, paresse, caresse, etc. Pron. èce, è moy. = Ces noms terminés en esse, qui ont la pénult. longue, ne riment pas avec les mots terminés en èce, qui ont la pénult. brève. Sans cesse ne rime pas avec Grèce. D' Olivet.

ESSE


ESSE, s. f. [Èce: 1reè moy. 2e e muet.] 1°. Cheville de fer faite à-peu-près en forme d' S, qu' on met au bout de l' essieu. "L' esse est sortie de l' essieu. = 2°. Morceau de fer, en forme d' S, dont on se sert pour acrocher les pierres qu' on veut élever. = 3°. Crochet qui est au bout du fléau d' une balance.

ESSENCE


ESSENCE, s. f. [Èsance: 1reè moy. 2e lon. 3e e muet.] 1°. Ce qui constitûe la chôse. "L' essence de l' homme est d' être animal raisonable. "Ces paroles sont de l' essence du Sacrement. = 2°. En Chymie, Huile aromatique, qu' on obtient par la distillation. "Essence de romarin, de canelle, etc.

ESSENCÉ


*ESSENCÉ, ÉE, adj. Mot forgé par M. Pluche. "Ces esprits qui sont essencés ou aromatiques dans bien des fleurs, se dispersent aisément dans un air raréfié par les chaleurs. Spect. de la Nat.

ESSENCIEL


ESSENCIEL, ELLE, adj. ESSENCIELLEMENT, adv. [È-san-ciel, ciè-le, ciè--leman: 1re et 3e è moy. 2e lon. 4e e muet. _ L' usage a été jusqu' à présent d' écrire essentiel avec un t; mais pourquoi ce t? Est ce à cause de l' étymologie latine? mais la française ne doit-elle pas être préférée? Essence, essenciel, etc.] Essenciel, 1°. qui est de l' essence, qui apartient à l' essence. "Il est essenciel à l' homme d' être raisonable. "La contrition, la confession et l' absolution sont les parties essencielles du Sacrement de Pénitence. = 2°. Absolument nécessaire. "Clause essencielle dans un contrat. Mot essenciel. = 3°. Important, considérable. "Je lui ai des obligations essencielles. = 4°. Il se dit des persones. "Homme, ami essenciel, solide et sur qui on peut compter. = 5°. S. m. "Voilà l' essenciel de l' afaire.
   ESSENCIELLEMENT, par son essence. ""Dieu est essenciellement bon: l' homme est essenciellement raisonable. = D' une manière essencielle (n°. 3°. et 4°.) Il m' a obligé essenciellement: Il aime essenciellement ses amis.

ESSEULÉ


*ESSEULÉ, ÉE, adj. Qui est abandonné de ses amis et de ses conaissances. Acad.Rich. Port. Il n' est point dans le~ Dict. de Trév. _ Ce mot est peu usité. Il a l' air précieux. L' Acad. le met sans remarque. Elle ne dit point à quel style il apartient. "Cet homme est entièrement esseulé.

ESSIEU


ESSIEU, s. m. [È-cieu: 1reè moy.] Plusieurs écrivent aissieu, et le Dict. de Trév. y renvoie. Pièce de bois ou de fer, passant dans le moyeu des roues d' une charrette, d' un carrosse, etc.

ESSOR


ESSOR, s. m. [È-sor; 1reè moy. _ Le Gendre, Crouzaz et d' autres Auteurs ont écrit essort. Cette manière d' écrire est contre l' usage et contre l' analogie, puisqu' on dit s' essorer, prendre l' essor, et non pas s' essorter.] Vol qu' un oiseau de proie prend en montant fort haut en l' air et s' abandonant au vent. "Cet oiseau a pris l' essor, son essor. _ Il se dit figurément, d' un jeune homme qui se tire de la contrainte où on l' avait tenu. = On dit aussi, au figuré: Doner l' essor à son esprit, à sa plume, parler, écrire avec émulation, avec liberté. "Il est dangereux de prendre un trop grand essor. Doner l' essor à ses passions, leur lâcher la bride, ne point les combatre. "Dès que la passion eut pris son essor, rien ne fut plus capable de le retenir.

ESSORER


ESSORER, v. act [È-soré: 1re è moy. 3e é fer. _ Devant l' e muet, l' o est long: il essôre, essôrera, etc.] Exposer à l' air pour sécher. "On a étendu ce linge pour l' essorer. = S' essorer a un autre sens; prendre l' essor, en parlant des oiseaux. Il ne se dit point au figuré.

ESSORILLER


ESSORILLER, v. act. [É-sori-glié: 1re è moy. dern. é fer. mouillez les ll. _ On devrait dire essoreiller; mais l' usage est pour essoriller.] Au propre, couper les oreilles: essoriller un chien. = Au fig. familier, couper les cheveux fort court. "Qui vous a ainsi essorillé?

ESSOUFLER


ESSOUFLER, v. act. [È-souflé; 1re è moy. dern. é fer.] Mettre presque hors d' haleine. "Cette course m' a essouflé. "Vous montez trop vite, cela vous essouflera; vous vous essouflerez. "Il revint tout essouflé.

ESSUIE-MAIN


ESSUIE-MAIN, s. m. [Plusieurs écrivent comme on prononce: essuimain: l' e en éfet est si muet, qu' il ne se fait presque pas sentir.] Linge avec lequel on s' essuye les mains. L' Acad. ne le dit que de celui qu' on met sur un rouleau de bois, dans les Sacristies, les Séminaires et autres Communautés, et de celui dont le Prêtre se sert à l' Autel pour s' essuyer les mains. _ Ne pourrait-on pas le dire aussi des aûtres linges destinés à cet usage dans les maisons particulières? _ Le Dict. de Trév. et le Rich. Port. disent simplement: "Linge à essuyer les mains.

ESSUYER


ESSUYER, v. act. [èsu-ié: 1re è moyen, dern. é fer.] _ Devant l' e muet, l' u est long: il essûie. Au futur et au conditionel, en prôse, on dit, essuyera, essuyerait; (l' u long: è-su-ie-ra, è-su-ie-rè). En vers on prononce et l' on écrit même essuira, essuirait, en trois syllabes.
   Il essuira la contrainte importune
   De l' entretien de mille sots divers.
       Gresset.
  Bergers~, Chasseurs, Guerriers, vous ne me charmez plus,
  J' essuirois vos travaux et vos courses pénibles,
  Sans ramener mon coeur à des jours plus paisibles.
      Idem.
= L' usage le plus commun est d' écrire à l' imparfait comme au présent, et au subjonctif, comme à l' impératif: nous essuyons, vous essuyez. Il semble pourtant qu' il est convenable de les distinguer, et de dire à l' imparfait, j' essuyiais~, nous essuyions, vous essuyiez; à l' impératif, essuyons, essuyez; et au subjonctif, que nous essuyions, vous essuyiez, qu' ils essûient.
   ESSUYER, c' est ôter l' eau, la sueur, ou quelque aûtre chôse en frotant. Essuyer les mains, le visage à... "S' essuyer les yeux, le front, etc. Le pronom se est au datif. "Essuyer ses mains à une serviette, avec un linge. "Essuyer la table, la vaisselle, etc. _ Figurément, essuyer les larmes de quelqu' un; le consoler. Essuyer ses larmes, se consoler soi-même après s' être afligé. = 2°. Sécher, en parlant du soleil et du vent "Le vent, le soleil essûient les chemins. = 3°. Essuyer, au figuré, être exposé à... "Essuyer le feu, le canon, la mousquetterie. _ Soufrir, endurer. "Essuyer des afronts, des reproches; la honte, etc. Essuyer une tempête, etc.

EST


EST, s. m. [Pron. Èste: l' e muet surajouté extrêmement bref.] L' Orient, le Levant. "Vent d' Est: les pays qui sont à l' Est. Ce Royaume a tant de lieues de l' Est à l' Ouest, et tant du Nord au sud, c. à. d. tant du levant au couchant, et tant du septentrion au midi.

ESTE


ESTE. La pénultième est brève: agreste, il déteste, il proteste, etc.

ESTACADE


ESTACADE, s. fém. [Èstakade: 1re è moyen, dern. e muet.] Digue faite avec de grands pieux plantés dans une rivière, etc. pour en détourner le cours, ou pour en fermer l' entrée.

ESTAFETTE


ESTAFETTE, s. m. [Èstafète: 1re et 3e è moy. 4e e muet.] Nom qu' on done, en plusieurs pays, à un Courrier qui ne porte son paquet que d' une poste à l' aûtre, pour le remettre à un aûtre Courrier, qui le porte à la poste suivante~.

ESTAFIER


ESTAFIER, s. m. [Èstafié: 1re è moy. dern. é fermé.] C' est ainsi qu' on apèle en Italie ce que nous apelons en France laquais, valet de pied. _ Nous disons nous-mêmes estafier, pour, grand laquais. "Il étoit acompagné de quatre grands estafiers. = Souteneur de lieux publics. Trév. _ L' Acad. ne le met point en ce sens. _ Quelques-uns disent, c' est un estafier, un drôle, un homme, rusé et un peu fripon, dont il faut se défier.

ESTAFILADE


ESTAFILADE, s. f. ESTAFILADER, v. act. [Èstafilade, dé: 1re è moy. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Estafilade est une coupûre faite par un instrument tranchant, principalement sur le visage = On peut le dire par extension, et figurément, d' une coupûre à un manteau, à une robe, etc. Estafilader, faire, doner une estafilade. "On lui a fait une vilaine estafilade au nez. "On lui a estafiladé le visage. Ces mots sont du style plaisant.

ESTAME


ESTAME, s. m. [Èstame; 1reè moy. dern. e muet.] Ouvrage de fil de laine, tricoté. "Bâs d' estame.

ESTAMINET


ESTAMINET, s. m. [Èstaminè: 1re et dern. è moy.] C' est ce qu' on apèle à Paris et ailleurs, tabagie. Assemblée de buveurs et fumeurs. = Lieu où elle se tient. _ Estaminet nous est venu des Pays-Bâs.

ESTAMPE


ESTAMPE, s. f. [Èstanpe: 1reè moy. 2e~ lon. 3e e muet.] On doit écrire et prononcer estampe, et non pas stampe, quoique ce mot viène de l' Italien stampare, qui signifie, imprimer. _ Image que l' on tire sur du papier, sur du velin, etc. avec une planche de cuivre ou de bois gravée. "Livre d' estampes. "Il est curieux en estampes.
   Rem. Estampe se dit des gravûres détachées, ou de celles dont on fait des recueils; planche de celles qu' on joint aux livres. C' est parler improprement que de dire: "Il y a beaucoup d' estampes dans ce livre: il faut dire, beaucoup de planches.

ESTAMPER


ESTAMPER, v. a. [Èstanpé: 1re è moy. 2e lon. 3e é fer.] Il ne se dit guère des estampes; L' Acad. dit pourtant voilà une image bien estampée. On le dit sur-tout de la monnoie, et de toute empreinte d' une matière dûre, gravée sur une matière plus molle. "On estampe la monnoie avec un balancier. _ "S' estamper, pour s' afficher, au figuré, ést une locution hazardée.

ESTAMPILLE


ESTAMPILLE, s. f. ESTAMPILLER, v. act. [Èstanpi-glie, glié: 1reè moy. 2e long. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d; mouillez les ll.] Estampille est une marque dont on se sert dans certains Êtats, et qui se met au lieu de la signatûre, ou avec la signatûre même, sur des brevets, des commissions, des lettres, etc. On en met aussi sur des livres. Estampiller, c' est marquer avec une estampille. "Il y a une estampille pour chaque manufactûre de papier. "Le brevet est signé et estampillé.

ESTIMABLE


ESTIMABLE, adj. ESTIMATEUR, s. m. ESTIMATION, s. f. [Èstimable, ma-teur, ma-cion, en vers, ci-on; 1re è moy. 3e dout. au 1er.] Estimable se dit de ce qui mérite d' être estimé, considéré. Il se dit des persones et des chôses. "Cet homme, cette femme est estimable pour sa vertu. Cela est fort estimable. _ Il suit ou précède au gré de l' Orateur ou du Poète. Dans la prôse ordinaire et le style simple, il se plait à marcher après; en vers et dans la prôse poétique et oratoire, et dans le style relevé, il aime à se placer devant. Auteur, Écrivain estimable. "L' estimable Auteur du Comte de Valmont.
   ESTIMATION, prisée. Estimateur, qui prise, qui estime. "Juste estimation. "Suivant l' estimation qui en a été faite. _ Prendre des estimateurs. _ Figurément: juste estimateur du mérite, de la vertu, des ouvrages d' esprit, etc.

ESTIMATIVE


*ESTIMATIVE, s. f. Intelligence. Richelet met ce mot sans le critiquer. "Un Ingénieur doit avoir l' estimative bonne pour juger des longueurs et distances éloignées. _ Un P. Philippe, cité par M. De Bufon, dit aussi. "L' éléphant, ayant une très-parfaite estimative, conoit les divers moûvemens~ d' estime ou de mépris. _ Ce mot est un vrai barbarisme.

ESTIME


ESTIME, s. f. ESTIMER, v. act. [1re è moy. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] I. Estime est, 1°. le câs, l' état qu' on fait d' une persone, de son mérite, de sa vertu. "Avoir de l' estime pour quelqu' un. "Être en estime dans une Société: être dans l' estime de tout le monde, dans une estime générale. "Avoir l' estime des gens de bien. "Être perdu d' estime et de réputation. Acad.
   Rem. 1°. Ce mot n' a point de pluriel. On dit à plusieurs persones, comme à une seule, votre estime, et non pas vos estimes.
   2°. Vaugelas prétendait qu' estime avait le sens tantôt actif et tantôt passif, et que mon estime signifie également bien, que j' estime; et que je suis estimé. Th. Corn. n' est pas de ce sentiment, et avec raison. Estime, dit-il, est un mot qui aproche de considération; et comme on ne saurait dire, sa considération diminue, pour dire, la considération qu' on a pour lui, on ne peut pas dire non plus, son estime diminûe, dans le même sens qu' on dit, sa réputation diminûe. _ On ne faisait pas aûtrefois cette distinction, et l' on employait estime dans le sens de gloire, honneur. "Non content de l' estime d' être un des plus brâves hommes de France, il a voulu avoir encôre celle d' écrire et de parler mieux que persone. Voiture. _ Mallebranche dit, dans le même sens, de Sénèque, que: "Cet Auteur a beaucoup d' estime dans le monde, pour dire qu' il est beaucoup estimé. _ Et P. Corneille.
   Et vous ne deviez pas enveloper d' un crime
   Ce que votre victoire ajoute à votre estime.
       Nicom.
C. à. d. à l' estime qu' on fait de vous, à votre réputation. _ Pluche a encôre dit, dans ce siècle: "La haute estime où nous les plaçons ne nous ôte pas la liberté d' apercevoir leurs méprises. _ Tout cela est contre l' usage actuel, et même contre le génie et l' analogie de la langue. = On dit pourtant, être en estime, pour, être estimé. Et nous en avons donné un exemple. "Tous les métiers, jusqu' aux moindres, étaient en estime chez les Êgyptiens. Mais, dans cette phrâse, estime a le sens actif, et se raporte aux Égyptiens qui estimaient tous les métiers, et non pas aux métiers qui étaient estimés par les Égyptiens. C' est comme si l' on disait: étaient dans l' estime des Égyptiens.
   3°. Faire estime de, pour estimer, est une expression surannée. Voltaire a critiqué, avec raison ce vers de Corneille dans Nicomède.
   Et vous offenseriez l' estime qu' elle en fait.
   On trouve fréquemment cette expression dans nos anciens Auteurs, mais elle n' est plus d' usage.
   4°. Quand on écrit à des persones au-dessus de soi, on ne doit point se servir du mot d' estime tout seul, dit le P. Bouhours; mais quand il est joint à d' aûtres termes, il peut être employé, même à l' égard des Princes et des Rois. _ L' usage a bien changé sur cet article. Aujourd'hui il n' est aucun terme qui pût faire passer le mot d' estime, quand on écrit à ses supérieurs. Il est aussi surané que celui de vénération.
   Estime, en termes de Marine, se dit du calcul que l' on fait tous les jours du sillage du vaisseau, afin de juger à peu près du lieu où l' on est, et du chemin qu' on a fait.
   II. Estimer est 1°. priser quelque chôse en déterminer la valeur. Estimer des meubles, une terre, une maison. "Cette Charge a été estimée tant, ou à tant. = 2°. Faire câs de... "On estime beaucoup cet homme. "Il se fait estimer par-tout, de tout le monde. "Il est généralement estimé. "On estime son mérite:~ sa vertu, etc. = 3°. Croire, penser, présumer. Il régit que et l' Indicatif, et quand la phrâse est négative avec le Subjonctif~. "J' estime que cela est; j' estime qu' il pourrait le faire: je n' estime pas qu' il le puisse. _ Avec ce régime il est neutre, mais avec le régime des noms il est actif. "On estime cette place imprenable. Alors il régit toujours un Adjectif.
   Rem. Du temps de Bouhours, il y avait des personnes, qui ne pouvaient soufrir, estimer, dans le sens de croire. Cependant les meilleurs Auteurs s' en étaient servi, et depuis lors on s' en sert encôre sans dificulté. Cet illustre critique remarque fort bien qu' il ne parait pas tout à fait aussi afirmatif et aussi fort que croire.
   Quand on emploie estimer en ce sens, il ne faut pas trop l' éloigner de son régime.
   Estime, qui voudra la mort épouvantable,
dit Matthieu dans un quatrain. On est arrêté en lisant ce vers, et l' on ne sait si le sens est, qui voudra estime la mort, qui est épouvantable; ou bien, estime, croie que la mort est épouvantable. Ce dernier sens est celui de l' Auteur. On le devine bien: mais il ne faut rien laisser à deviner.

ESTOC


ESTOC, s. m. ESTOCADE, s. f. ESTOCADER, v. n. [èstok, kade, kadé: 1re è moy. dern. e muet au 2d, é fer. au 3e] 1°. Estoc était autrefois une épée longue et étroite, qui ne servait qu' à percer. Ce mot s' est conservé dans cette phrâse: fraper d' estoc et de tâille, du tranchant et de la pointe. _ On le dit figurément dans le style plaisant ou critique. "Là-dessus, voilà qu' il tombe, à bras racourcis, d' estoc et de tâille sur les Hérôs de l' anciène chevalerie. Journ. de Mons. _ On apèle brin d' estoc un bâton ferré par les deux bouts. = 2°. Ligne d' extraction. "Il est de bon estoc. "Les biens qui viènent de son estoc. _ On dit, familièrement; cela ne vient pas de son estoc, ne vient pas de lui. _ Dites vous cela de votre estoc? De vous-même?
   ESTOCADE, se disait d' une longue épée. Aujourd'hui on le dit d' un grand coup d' épée allongé, d' une botte qu' on porte, etc. "Il lui alongea deux ou trois estocades de suite. _ Figurément, demande d' un escroc qui veut emprunter ce qu' il n' est pas en état de rendre.
   ESTOCADER, porter des estocades. "Ils ont estocadé long-temps sans se toucher. _ Figurément (style plaisant) disputer vivement l' un contre l' aûtre dans des Thèses, etc.

ESTOMAC


ESTOMAC, s. m. S' ESTOMAQUER, v. réc. [èstomak devant une voyelle: mais devant une consonne, èstoma: èstomaké: 1reè moy.] C' est: 1°. Dans le corps de l' animal, la partie qui reçoit les alimens, et où ils se cuisent et se digèrent. Il se dit particulièrement de l' Homme. "Viandes, qui pèsent, qui sont pesantes sur l' estomac, qui chargent l' estomac. "Avoir mal à l' estomac. "Son estomac ne digère point. _ Avoir un estomac d' Autruche, (style prov.) Avoir un bon estomac, qui digère bien. = 2°. La partie extérieûre du corps, qui répond à l' estomac. "Le creux de l' estomac. "Il lui dona un violent coup de poing dans l' estomac. = Rem. Quoiqu' on dise estomac, il faut dire stomacal et non pas estomacal, comme disent les Gascons. Mén.
   S' ESTOMAQUER, c' est s' ofenser de ce que quelqu' un dit ou fait. "Il s' est estomaqué de ce que je ne lui ai pas rendu la visite, d' un mot que j' ai dit fort innocemment: il s' en est estomaqué. _ * Quelques-uns l' emploient activement pour, chagriner, mortifier. "Vous l' avez estomaqué. "C' est un Provençalisme. _ Mde de Genlis l' emploie au passif. "Votre chère mère est-elle bien estomaquée contre elle? Th. d' Éduc. _ L' Acad. l' admet au participe, mais sans régime. "Il est estomaqué.

ESTRADE


ESTRADE, s. f. [1re è moy. dern. e muet.] 1°. Chemin. Il ne s' emploie plus que dans cette phrâse, battre l' estrade, battre la campagne pour avoir des nouvelles des Énemis. = 2°. Lieu plus élevé que le reste de la chambre, où l' on met un lit. "Il y a une estrade dans cette chambre, à cette alcôve.

ESTRAMAÇON


ESTRAMAÇON, s. m. ESTRAMAÇONER, v. act. [èstrama-son, so-né: 1reè moy.] Estramaçon, était autrefois une sorte d' épée. On ne dit plus ce mot que dans cette locution du style familier, coup d' estramaçon, coup du tranchant de l' épée. = Estramaçoner, doner des coups d' estramaçon. Il est peu usité.

ESTRAPADE


ESTRAPADE, s. f. ESTRAPADER, v. act. [1re è moy. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d] L' estrapade, est un suplice par lequel on lie les mains derrière le dôs à un soldat ou à un matelot, et on l' élève avec une corde au haut d' une longue pièce de bois, puis on le laisse tomber jusque près de terre, en sorte que le poids de son corps lui fait disloquer les brâs et les jambes. _ On le dit aussi de l' arbre ou potence élevée, pour doner l' estrapade. = Estrapader, c' est faire soufrir l' estrapade.
   On dit, figurément, dans le style plaisant et critique, doner l' estrapade à son esprit, se fatiguer, se tourmenter l' esprit à la recherche de quelque chôse de dificile.

ESTRAPONTIN


ESTRAPONTIN, ou STRAPONTIN, s. m. Le Rich. Port. les met tous deux. le Dict. de Trév. met le 1er, et ajoute, quelques-uns disent strapontin. Richelet écrit strapontain, et cite l' Acad. Franç. Elle écrit aujourd'hui strapontin, et c' est ainsi qu' il faut écrire et prononcer ce mot. Voyez-le sous la lettre S.

ESTRE


ESTRE: la pénult. est brève: terrestre, trimestre, etc.

ESTROPIER


*ESTROPIER, v. act. [Èstropi-é: 1re è moy. dern. é fer.] Casser un brâs, ou une jambe, en sorte qu' on ne puisse s' en servir. Ôter par une blessûre l' usage d' un membre. _ On le dit par extension des maladies. "Une paralysie l' a estropié. = On dit figurément, en Peintûre et en Sculptûre, estropier une figûre, n' y pas observer les proportions. _ Estropier un passage, une pensée; en ôter quelque chôse, qui en altère le sens.

ESTURGEON


ESTURGEON, s. m. [èsturjon: 1reè moy. l' e devant l' o est muet: il n' est mis là que pour doner au g un son doux qu' il n' a pas devant l' o.] Dans le Dict. de Trévoux, on disait que beaucoup de gens, qui parlaient bien, prononçaient éturgeon, mais que l' Acad. voulait qu' on prononçât esturgeon en faisant sentir l' s. Dans ce même temps Richelet décidait que ceux qui la suprimaient parlaient mal. Il y en a encôre plusieurs qui font cette faûte: on ne doit pas les imiter. = Esturgeon, est un grôs poisson de mer, qui entre dans les rivières comme les saumons.

ET


ET: Cette finale est longue dans arrêt, benêt, forêt, genêt, prêt, aprêt, aquêt, intérêt, têt, protêt, il est, qu' on prononce ê. Hors de là il est bref, cadet, bidet, ET, conjonction, hochet, etc. Il serait bon de mettre l' accent grâve sur ceux-ci, pour marquer l' è moyen, comme ont fait Pluche, Piron, etc. objèt, regrèt, cofrèt, sujèt, etc. = Tous les pluriels sont longs; arrêts~, bidèts, sujèts, etc.

ET


ET, conj. [pron. è et non pas ê, l' è est moyen, et c' est un gasconisme de faire cet ê ouvert; le t ne se prononce jamais.] C' est une conjonction, qui lie les parties d' Oraison, comme les noms, les pronoms, les verbes et les adverbes. "Pierre et Jean: le feu et l' eau, vous et moi. Aimer et estimer. Sagement et fortement.
   Rem. 1°. Dans l' énumération, on ne multiplie pas la conjonction et: on se contente de la placer une seule fois dans la dernière des chôses qu' on veut joindre. "Mes frères, mes soeurs, mes parens et mes amis m' ont abandoné. Cependant pour plus grande énergie, on peut la répéter devant chacun des mots et la mettre même devant le premier. "Et mes freres, et mes soeurs, et mes parens, et mes amis m' ont abandoné.
   2°. Le goût demande que les chôses, qu' on lie par la conjonction et, soient du même ordre. Ainsi les phrâses suivantes sont vicieûses. "David était Roi et prudent. "Vous aimez la justice et à chanter de saints cantiques, etc. Dans la première, on lie un substantif avec un adjectif; dans la seconde, un substantif avec un infinitif. Pour réformer ces phrâses, il faudrait dire: David était Roi et homme prudent: vous aimez à rendre la justice et à chanter de saints cantiques, etc. = Racine lie un imparfait à un présent.
   Amurat est content, si nous le voulons croire,
   Et sembloit se promettre une heureûse victoire.
       Bajazet.
Je doute, dit Mr. d' Olivet, s' il est bien de passer ainsi brusquement du présent est à l' imparfait sembloit. Mais du moins, il est certain que le changement de temps demandoit le pronom il, qui répète le nominatif. "Amurat est content, et il sembloit, etc.
   3°. Cette conjonction exige qu' on répète au 2d membre de la phrâse les articles, pronoms, prépositions, particules, qui se troûvent au premier. On doit regarder les phrâses suivantes comme irrégulières. "Je le crains et souhaite. Corn. Il faut, et le souhaite. "Il sait la Langue Latine et Grecque. Dites et la grecque. "À~ Mademoiselle votre soeur et moi. Voit. Dites, et à moi. "Jusqu' à l' arrivée et le retour. Ducerc. Dites, et au retour. "Ils ont été égaux aux chanoines, et composé aûtrefois un même corps avec eux. Dites et ont composé. Cette faûte a échapé à un des Auteurs de l' Ann. Litt. "Les fêtes y sont amenées avec adresse et pour ainsi dire, une suite de l' action. Il falait répéter sont, et sont, pour ainsi dire, une suite, etc. Peut-être est-ce une faûte d' impression. _ Si les deux verbes étaient tous deux à l' actif, ou tous deux au passif, il ne serait pas nécessaire de répéter l' auxiliaire. "Ils ont mangé et bu. "Ils ont été emprisonés et interrogés, etc.
   4°. C' est une autre irrégularité quand et joint deux régimes de verbes, dont l' un est un nom et l' autre un verbe, ou bien, l' un est un infinitif et l' aûtre un aûtre mode. "Philipe craignoit une seconde action et que le vainqueur ne vînt brusquement l' ataquer. Rollin. "Craignant que la cour ne les eût gagnés et de s' en voir abandoné. Ducerc. "Les Tribuns prétendoient déposséder les anciens propriétaires, et qui avoient même élevé des bâtimens sur ces terres. Vertot. Il falait et ceux mêmes, qui, etc. = L' irrégularité est encôre plus grande, quand la conjonction et joint un nom et un participe, tous deux régis par le v. être. "Cet avertissement fut le signal des hostilités et suivi de conquêtes rapides. Anon. Il fallait répéter fut; et fut suivi, etc.
   5°. Ce qui met encore plus d' embârrâs dans la phrâse et nuit à la clarté du discours, c' est d' unir par la conjonction et deux pronoms relatifs, qui se raportent à des noms différens. "Vengez l' honeur de la Religion, vous, dont les illustres Ancêtres en ont été les premiers dépositaires, et dont vous devez être les premiers défenseurs. Massill. Le 1er dont se rapporte à vous, le 2d à Religion. Pour la régularité de la phrâse et la netteté du sens, il falait dire au 2d membre, et quï devez en être les premiers défenseurs. "Ce n' est pas la vérité qui l' intéresse; c' est une vaine curiosité qu' il veut satisfaire et faire servir J. C. de spectâcle à son loisir et à son oisiveté. Id. La conjonction et anonce que le 2d verbe, faire servir, est régi par le pronom que comme le 1er satisfaire. La phrâse est louche. On peut la corriger, en mettant au lieu de, et faire servir, en faisant servir, etc. "Il a tiré la plupart de ces faits des Histoires et des ouvrages périodiques, où ils étoient épars, et qui, trop isolés les uns des aûtres, pour faire tableau, ne produisoient pas tout l' éfet qu' on en pouvoit attendre. Affiches de Prov. Suivant la construction et par le moyen de la conjonction et, le pronom relatif qui se rapporte à Histoires et à ouvrages, et suivant l' intention de l' Auteur, il se raporte à faits. Il fallait répéter où et dire. "où ils étoient épars, et où trop isolés, etc. ils ne produisaient pas, etc.
   6°. Cette conjonction mal placée ocasione des équivoques. "Ce Duc est un Seigneur, qui n' est savant qu' avec ceux qui le sont, et dont la science est entrelacée de rôses et de jasmins. Anon. On ne sait si c' est la science du Seigneur, ou la science de ceux qui sont savans, qui est ainsi entrelacée, comme dit assez burlesquement l' Auteur.
   7°. Avec la conj. et, il faut garder le même ordre dans l' arrangement des mots.
   Je vois mes honeurs croître et tomber mon crédit.
       Brit.
On pardone cette inversion à un Poète, mais en prôse, il faudrait dire: je vois croitre mes honeurs et tomber mon crédit, ou: je vois mes honeurs croitre et mon crédit tomber. D' OLIV.
   8°. * Anciènement la conjonction et faisait souvent placer le pronom nominatif après le verbe: c' était une élégance. "On comencera à les lui faire pratiquer, et lui fera-t' on entendre, que, etc. au lieu de, et on lui fera entendre que, etc. "Une chacune pensera à faire l' élection qu' elle estimera meilleûre selon Dieu, et dira-t' on tous les jours, etc. pour, on dira tous les jours, etc.~

ÉTABLAGE


ÉTABLAGE, s. m. ÉTABLE, s. f. ÉTABLER, v. act. [1re é fer. dern. e muet aux 2 1ers, é fer. au 3e. _ Dans les Provinces méridionales, plusieurs font étable masc. et disent un grand étable, pour, une grande étable.] Établage, est ce qu' on paye pour placer un cheval, etc. dans une écurie, dans une étable. C' est aussi un droit qu' on paye au Seigneur pour avoir la permission d' exposer des marchandises en vente. Acad. On le dit par corruption d' étalage. = Étable, lieu où l' on met des boeufs, vaches, brebis et aûtres bestiaux. _ Il signifiait aûtrefois écurie, et il s' est conservé dans cette phrâse proverbiale, fermer l' étable, quand les chevaux n' y sont plus. Songer à remédier à un mal, quand il est arrivé, quand il n' en est plus temps. = Établer, mettre dans une étable. "Il y a dans cette hotellerie de quoi établer cinquante chevaux. On dit établer, dans cette ocasion, quoiqu' on ne dise pas étable; mais écurie.

ÉTABLI


ÉTABLI, s. m. Espèce de grosse table où les ouvriers pôsent les ouvrages où ils travaillent. Ce terme est sur-tout usité parmi les Menuisiers, les Serruriers les Arquebusiers, etc.

ÉTABLIR


ÉTABLIR, v. act. ÉTABLISSEMENT, s. m. [Établi, bliceman: 1re é fer. 4e e muet au 2d.] Etablir, c' est 1°. Rendre stable, fixe: "établir sa demeure, ou s' établir en quelque lieu. "Il est bien établi dans cette maison, auprès de ce Prince: il y a beaucoup de crédit. _ S' établir un empire, une espèce d' empire sur... acquérir de l' empire sur. _ Remarquez que dans s' établir, le pron. se est tantôt à l' accusatif, s' établir (soi-même) dans un pays; tantôt au datif, s' établir (à soi-même) un empire merveilleux sur tous les esprits. = 2°. Mettre dans un état, dans un emploi avantageux. "Ce Père a établi tous ses enfans les uns dans la robe, les aûtres dans l' épée, etc. On dit qu' on établit une fille, pour dire qu' on la marie, mais hors de là, on ne dit point établir pour marier, et c' est un proven‡alisme que de dire, il est établi, pour dire qu' il est marié: s' établir, se marier. "Il s' est bien porté depuis lors: il est maintenant établi. MOURET, Médecin d' Aix en Provence. On dit à la vérité, cette fille est bien établie, elle est avantageusement mariée: mais on ne dit point absolument, elle n' est plus fille, elle est établie, pour dire qu' elle est mariée. = 3°. Fonder, doner comencement à quelque chôse. Établir une comunauté, une chambre de justice. _ Établir des lois, des opinions, des maximes. Etablir un mot, une façon de parler. Voy. FONDER. = 4°. Régler: "On a établi, ou il est établi qu' on doit faire, etc. Dans la phrâse négative on met le subjonctif. "On n' a point établi, ou il n' est pas établi qu' on doive faire, etc. = 5°. Nomer, constituer. "On l' a établi, ou il a été établi juge de cette afaire. * Fontenelle lui fait régir la prép. pour. "Il ne se croyoit jamais acquité par toutes ces compensations, dont on s' établit soi-même pour juge. Je voudrais dire, en pareil câs, dont on s' établit juge soi-même, ou, mieux encôre à mon avis, dont on s' établit soi-même le juge. = 6°. Établir un fait, l' exposer. Établir une proposition, une question, son droit, etc. les prouver. "Il a établi sa proposition par des raisonemens convaincans. "Il a établi son droit sur des pièces authentiques.
   *ÉTABLI, s' est dit aûtrefois pour renomé, estimé. "Atticus prit plaisir à les comettre ensemble (Brutus et Cicéron,) non pas pour les brouiller, mais pour doner à Brutus plus d' idée de Ciceron, si établi de ce côté là, (de l' éloquence) et pour les unir encôre plus. P. Rapin. Il est vieux en ce sens.
   ÉTABLISSEMENT, a tantôt un sens actif; il se dit de l' action d' établir. "Il a réussi dans l' établissement de sa fortune; l' établissement d' une communauté; l' établissement d' un fait, d' une question, d' un droit, etc. tantôt un sens passif: il se dit de ce qui est établi. "Les Hôpitaux sont des établissements~ très-utiles. _ Poste, état avantageux. "Il a un bel établissement. "On lui a trouvé un bon établissement. = Dans le style familier, on le dit au figuré de quelqu' un, qui s' est arrangé pour reposer ou pour dormir. "C' est ainsi que vous travaillez: _ Monsieur... c' est que... le sommeil m' a surpris. _ Il me semble pourtant que vous l' atendiez; car vous aviez formé un établissement bien comode. Th. d' éduc. "Madame, veut-elle une chaise? _ Non je ne compte pas faire un long établissement ici. Ibid.

ÉTAGE


ÉTAGE, s. m. [1re é fer. dern. e muet.] Au propre, intervalle d' un bâtiment, compris entre deux planchers. "Premier, second étage, etc. _ En style proverbial, on dit, c' est un sot à triple étage. = Au figuré, degré d' élévation. "Il y a bien des étages de grandeur, de fortune "Il y a des esprits, des gens de tout étage, de divers étages, etc. _ Dans ce sens, ce mot ne pâsse pas le style médiocre.
   Tout homme ment, dit le Sage,
   S' il n' y mettoit seulement
   Que les gens de bâs étage,
   On pourroit aucunement
   Soufrir ce défaut aux hommes.
       La Font.
  Mais cet esprit, lui-même en tant d' étages
  Se subdivise à l' égard des ouvrages,
  Que du Public tel charme la moitié
  Qui très-souvent à l' aûtre fait pitié.
      Rouss.
Cela est bon dans une Fable et dans une Épitre critique: mais je n' aime point à lire dans l' Ab. Du Bos, que: "l' imagination des Spectateurs n' est pas du même étage que celle des Peintres; ni dans les Bagatelles morales de l' Ab. Coyer: "Les Arts d' agrément, la Danse, la Musique, la parûre, sont descendus à tous les étages; ni dans des Auteurs plus anciens et montés sur le haut ton, entendre parler d' esprits de haut et de bas étage. Encôre moins peut-on soufrir cette expression figurée dans une Tragédie. Corneille, parlant des Dieux, dit:
   Ils descendent~ bien moins en de si bâs étages.
       Horace.
Mme. de Sévigné l' emploie plus heureûsement en parlant des degrés de parenté. "Je suis loin de la radoterie, qui fait passer l' amour paternel aux petits enfans. Le mien est demeuré tout court au premier étage et je n' aime ce petit peuple que pour l' amour de vous. _ L' Acad. admet étage au figuré, sans dire à quel style il apartient.
   On dit, en style proverbial, menton à triple étage, qui descend fort bâs et fait plusieurs plis. _ Fripon, menteur, fanfaron à triple étage, à l' excès.

ÉTAGER


ÉTAGER, v. a. [1re et dern. é fer.] Mettre par étages. Il ne se dit que de la coupe des cheveux. "Il faut lui étager les cheveux.

ÉTAIE


ÉTAIE, s. f. [Pron. étê: 1re é fer. 2e ê ouv. l' e muet final ne se prononce pas.] Pièce de bois, dont on se sert pour apuyer une murâille, une poûtre, etc. qui menace ruine. "Mettre une étaie, des etaies à une murâille.

ÉTAIM


ÉTAIM, ÉTAIN, s. m. [é-tein: 1re é fer.] Ces deux mots se prononcent de même: dans l' Orthographe, c' est l' m ou l' n finale, qui en fait la diférence. _ Le 1er se dit de la partie la plus fine de la laine cordée. "Filer de l' étaim. Le 2d est le nom d' un métal blanc très-léger. Étain commun; etain fin ou sonant. Etain de Cornouaille, Province d' Angleterre.

ÉTAL


ÉTAL, s. m. ÉTALIER, s. m. [Étal, au plur. Etaux, pron. étô: 1re é fer. 2e lon. Eta-lié: 1re et dern. é fer.] Étal est une sorte de table, sur laquelle on vend de la chair de boucherie. Etalier, boucher, qui vend de la viande sur l' étal.

ÊTALAGE


ÊTALAGE, s. m. ÉTALER, v. a. [1re é fer. dern. e muet au 1eré ferm. au 2d.] Ces deux mots viènent d' étal. Voy. ce mot. Etaler, c' est exposer en vente des marchandises. Etalage, exposition des marchandises qu' on veut vendre. "Etaler des draps, des toiles, des denrées, des fruits. "Mettre à l' étalage. "Cela n' est bon qu' à servir d' étalage. _ Figurément, montrer avec ostentation. "Etaler sa folie, son zèle, ses charmes, ses talens, son esprit, etc. Faire étalage de ses richesses, de ses alliances, etc. en faire parade avec afectation. _ "La Citoyenne (de Genève) dit M. de Mayer pourra étaler, à la Comédie, ses vertus et ses diamans. _ Mais la femme, qui étale ses diamans, au Spectacle, a rârement des vertus à étaler; et le raprochement des vertus et des diamans est tout-à-fait neuf. Ann. Litt.

ÉTALIER


ÉTALIER. Voy. ÉTAL.

ÉTALON


ÉTALON, s. m. Il signifie deux chôses bien diférentes, qui n' ont aucun raport entr' elles. 1°. Cheval entier, qu' on emploie à couvrir des cavales. 2°. Modèle de poids, de mesûres, qui est réglé et autorisé par le Magistrat.

ÉTALONEMENT


ÉTALONEMENT, s. m. ÉTALONER, v. a. [Étaloneman, né: 1re é fer. 4e e muet au 1er é fer. au 2d.] Ils ne se disent que relativement au 2d sens d' étalon. _ Action d' étaloner, d' imprimer certaine marque sur une mesûre, un poids, pour certifier qu' ils ont été vérifiés ou rectifiés sur l' étalon.

ÉTAMAGE


ÉTAMAGE, s. m. L' action d' étamer. Trév. _ L' Acad. ne le met pas.

ÉTAMER


ÉTAMER, v. a. ÉTAMûRE, s. f. [1re é fer. 3e é fer. au 1er lon. au 2d. _ On a dit aûtrefois étaimer, et celui-ci était plus conforme à l' étymologie: mais les gens du métier ont toujours dit étamer, et il a prévalu.] Étamer c' est enduire d' étain fondu le dedans des vaisseaux de cuivre, ou d' autres ouvrages de fer. Étamûre, n' est pas l' action d' étamer; mais l' éfet de cette action, et ce qu' on emploie pour cela. "Cette étamûre est trop légère.

ÉTAMINE


ÉTAMINE, s. f. [1re é fer. dern. e muet.] 1°. Tissu peu serré, fait de crin, de soie, etc. pour passer le plus délié de la farine, ou quelque poûdre, ou quelque liqueur. Passer par l' étamine. _ Au figuré (style plaisant ou critique) être examiné à la rigueur. "Cet homme, cet ouvrage a passé par l' étamine.
   Et sitôt qu' une fois la verve me domine,
   Tout ce qui s' ofre à moi passe par l' étamine.
       BOIL.
= 2°. Sorte de petite étofe mince, et qui n' est pas croisée. = 3°. Étamines, au pluriel; dans les plantes, ce sont de petits filets, qui s' élèvent du centre de la fleur, et qui portent des sommets, où est enfermée une poussière, qui fait germer les graines.

ÉTAMûRE


ÉTAMûRE. Voy. ÉTAMER.

ÉTANCHE


ÉTANCHE (à) adv. Mettre à étanche un bâtardeau, c' est le mettre à sec. _ L' Acad. ne met point ce mot.

ÉTANCHEMENT


ÉTANCHEMENT, s. m. ÉTANCHER, v. a. [Étancheman, ché, 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er é fer. au 2d.] Etanchement est l' action d' étancher, d' arrêter l' écoulement d' une chôse liquide, qui s' enfuit par quelque ouvertûre. "Etancher le sang. Remède pour l' étanchement du sang. "Ce muid s' en fuit, il le faut étancher. "Etancher ses larmes, cesser de pleurer. Etancher les larmes d' une persone afligée, la consoler, faire cesser ses pleurs. Etancher la soif, l' apaiser. _ Au figuré, on dit étancher la soif des richesses, des honeurs, la satisfaire.

ÉTANÇON


ÉTANÇON ou ÉTANSON, s. m. ÉTANÇONER, ou ÉTANSONER, v. a. [Richelet les met tous deux; les aûtres Dictionaires ne mettent que le 1er: le 2d me parait préférable: le ç avec la cédille ne doit être employé que quand on ne peut faire aûtrement.] Étanson est une pièce de bois, qu' on met au pied d' une murâille pour la soutenir. Étansoner, c' est soutenir par des étansons.

ÉTANG


ÉTANG, s. m. [Étan: 1reé fer. le g final ne se prononce jamais.] Grand amâs d' eau soutenu par une chaussée, et où l' on nourrit du poisson. "Peupler; empoissoner; pêcher; vider un étang. _ En style proverbial, ne voir plus qu' un étang; ne savoir plus ce qu' on fait. "Ce joueur était si troublé, qu' il ne voyait plus qu' un étang.

ÉTANT


ÉTANT, participe du V. Être. Qui est. Aûtrefois il était déclinable. On disait: étans venus, étans arrivés. Aujourd'hui, on dit toujours étant au pluriel comme au singulier.

ÉTAPE


ÉTAPE, s. f. ÉTAPIER, s. m. [1re é fer. 3e e muet au 1er é fer. au 2d.] Étape est 1°. lieu dans une ville, où l' on décharge les marchandises, les denrées, qui viènent de dehors. 2°. Ce qu' on distribue aux Troupes pour leur subsistance, quand elles sont en route. _ C' est aussi le lieu où se fait cette distribution. De-là l' expression, brûler l' étape, ne pas s' arrêter dans un lieu d' étape, et passer plus loin: ce qui se dit par extension des voyageurs, qui ne s' arrêtent point aux lieux où l' on a coutume de s' arrêter. = Étapier, est celui qui a soin de fournir, et de distribuer l' étape aux gens de guerre.

ÉTAT


ÉTAT, s. m. [1re é fer. le t final ne se prononce que devant une voyelle et seulement dans le discours soutenu.] Ce mot se dit en plusieurs sens: 1°. Disposition dans laquelle se troûve une persone, une chôse, une afaire. "Être en bon ou en mauvais état. "Il est dans un état à faire pitié. "L' état de la santé, des afaires. "Place en état de défense. \âme en état de grâce. "Il est en état, ou hors d' état de payer, etc. Voy. Situation. = 2°. Liste, registre. "État des Oficiers de la Maison du Roi. État des pensions. Être sur l' état, etc. = 3°. Mémoire, inventaire. État de mise, de dépense, de rente. = 4°. Train, dépense. "Je tiens à Turin un état considérable. Marmont. "Les Bourgeoises portent aujourd'hui~ un aussi grand état que les Dames~ de qualité. Acad. = 5°. Condition; Etat Éclésiastique, état de mariage. Vivre selon son état, remplir les devoirs de son état. Voyez Condition. = 6°. Gouvernement. Etat Monarchique, Démocratique ou Populaire, etc. Royaume ou République. _ Il ne se dit au singulier, que quand il est seul, sans pronom, sans adjectif et sans autre addition. "Renverser, troubler l' Etat. "L' impiété est aussi funeste à l' Etat qu' à la Religion. Mais quand état est accompagné des pronoms possessifs, il faut le mettre au pluriel. Ce Prince sortit de ses Etats; c. à. d. de son Royaume, des Pays soumis à sa domination. Si l' on disait, de son état, on dirait toute aûtre chôse, et on désignerait par-là sa qualité de Prince. = 7°. Les Etats, en France, c' est aussi l' Assemblée des trois Ordres du Royaume, le Clergé, la Noblesse, et le Tiers-État. Il y a les Etats Généraux, et les Etats Provinciaux.
   Rem. 1°. On dit, dans le premier sens, mettre en état une chôse, la mettre au point où elle doit être. _ La tenir en état, la tenir prête ou ferme, afin qu' elle ne branle pas. = 2°. Faire état de... pour estimer ou résoudre; et faire état que... pour présumer, penser, compter que... me paraissent vieillis. L' Acad. les met sans remarque. Mais si l' on peut encôre s' en servir, du moins ce n' est pas dans le beau style. "Ils faisoient un particulier état de son esprit. Préf. des OEuvres de Voiture. "Tite-Live écrivit un Traité d' Éloquence, dont Quintilien fait grand état. P. Rapin. "Ils faisoient état de se retirer à Catane, s' ils étoient victorieux. Rollin. _ "Vous pouvez faire état que je vous enverrai cet argent. "Je fais état qu' il y a plus de cent mille âmes à Marseille. = On dit, en l' état~ que, ou bien, en l' état où, avec l' indicatif. "Si vous pouviez la voir en l' état qu' elle est, etc. Sév.

ÉTAU


ÉTAU, s. m. [É-to, au plur, Étaux: 1re é fer. 2e lon. au plur.] Machine dont les Serruriers et aûtres ouvriers se servent, pour tenir serré ce qu' ils travaillent.

ÉTAYEMENT


ÉTAYEMENT, s. m. ÉTAYER, v. a. [Été--ie-man, ié: 1re et 2e é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Étayement est, ou l' action d' étayer, ou l' éfet de cette action. Il est peu usité. Étayer, c' est apuyer avec des étaies. "Etayer une maison, un bâtiment. _ Au fig. "Sa fortune a besoin d' être étayée. _ En st. prov. on dit d' un homme qui prend des précautions inutiles, qu' il voudrait étayer le ciel.
   REM. 1°. Le Dict. de Trév. et celui de l' Acad. mettent étayement. Le Rich. Port. renvoie à étaiement. = Pour le verbe, les uns écrivent et prononcent au présent, j' étaye, tu étayes, il étaye, ils étayent; les aûtres; j' étaie, tu étaies, etc.
   2°. Il paraît qu' il est convenable d' écrire et de prononcer au présent du subjonctif et à l' imparfait de l' indicatif: nous étayions, vous étayiez, etc. pour les distinguer de l' impératif, étayons, étayez, et du présent de l' indicatif, nous étayons, vous étayez.

ÊTE


ÊTE: finale, dont la pénult. est longue dans l' ê ouv. et afecté d' un accent circonflexe: bête, fête, tempête; et brève par tout ailleurs, et le t s' y redouble, à moins que l' étymologie ne le défende. Prophète, Poète, tablette, musette, etc. l' è y est moyen. _ Le temps viendra où l' on écrira tablète, musète, etc. comme Prophète, etc.

ÉTÉ


ÉTÉ, s. m. [deux é fer.] Celle des quatre saisons de l' année qui est la plus chaûde. Elle comence au solstice de Juin, et finit à l' équinoxe de Septembre. "Jours, chaleurs, fruit, habit d' été. "L' été prochain. "Nous étions en été.

ÉTEIGNOIR


ÉTEIGNOIR, s. m. [Étèg-noar: 1re è fer. 2e è moy. mouillez le g.] On a dit aûtrefois éteindoir. Les Gascons disent, une éteignoire. _ Instrument creux, en forme d' entonoir, pour éteindre la chandelle, la bougie, les cierges, etc.

ÉTEINDRE


ÉTEINDRE, v. act. [E-tein-dre: 1reé fer. 2e lon. 3e e muet.] J' éteins, nous éteignons, j' éteignais, j' éteignis, j' ai éteint, j' éteindrai, j' éteindrais, éteins, que j' éteigne, j' éteignisse, éteignant, éteint, einte. = 1°. Au propre, Faire mourir, étoufer le feu. "Éteignez ce feu. Éteindre un embrâsement, un cierge, un flambeau. "Le feu s' éteint, il est éteint. = 2°. Au fig. on dit, éteindre les couleurs, les lumières d' un tableau, les afaiblir. _ Eteindre la guerre, ou le feu de la guerre, la faire cesser. _ Eteindre la soif, l' étancher. _ "Les jeûnes éteignent le feu de la concupiscence. "Insensiblement on se laisse aller à une passion, qu' on n' aperçoit que quand il n' est presque plus temps de l' éteindre. Télémaque. = 3°. Faire perdre le souvenir. Abolir, éteindre la mémoire de... "Son ressentiment ne s' éteindra qu' avec sa vie. "Eteindre une race, l' exterminer. "Cette maison, cette famille s' éteint, est près de s' éteindre, est éteinte. Il ne reste plus de mâles. = 4°. Eteindre une rente, une pension, une dette, la racheter, la faire finir.
   REM. Racine dit, dans les Frères Ènemis:
   Ses jours infortunés ont éteint leur flambeau.
On dit: le flambeau de ses jours s' est éteint; mais on ne dit point, ses jours ont éteint (eux-mêmes) leur flambeau. Il était si aisé, dit Racine le fils, de mettre:
   De ses malheureux jours s' est éteint le flambeau.
Qu' on voit bien que l' Auteur n' a pas mis la dernière main à ses ouvrages. _ Ailleurs, il dit:
   Et vous-même, cruelle, éteignez vos beaux yeux.
Expression qu' on traiterait de ridicule dans tout autre que Racine. On ne dit point d' une persone qui s' est tuée, qu' elle a éteint ses yeux.
   ETEINT, EINTE; il ne se dit adjectivement qu' avec yeux et voix. "Il a les yeux éteints, sans feu et sans vivacité. "Elle a la voix éteinte; on a peine à l' entendre, tant sa voix est faible.

ÉTENDAGE


ÉTENDAGE, ÉTENDOIR, s. m. [Etan--dage, doar; 1re é fer. 2e. lon.] Ces deux mots n' ont d' usage que chez les Imprimeurs. Le 1er se dit d' un assemblage de cordes tendûes d' un mur à l' autre, sur lesquelles on fait sécher les feuilles imprimées. _ Le 2d. est une petite pelle à long manche, qui sert à placer les feuilles imprimées sur l' étendage.

ÉTENDARD


ÉTENDARD, s. m. [Etandar; 1reé fer. 2e lon. Le d final ne se prononce jamais. _ Rollin écrit étandart, et met un a et un t à la place de l' e et du d. _ Richelet écrit d' abord étendart, et plus bâs, étendard. Le dernier est le seul bon. Villaret emploie le 1er.] Au propre, Enseigne de la Cavalerie. _ Pavillon sur les Galères. = Au fig. Il se dit de toute sorte d' enseignes de guerre, soit pour la Cavalerie, soit pour l' Infanterie. "Déployer, arborer, planter un étendard. = En st. métaphorique, suivre les étendards de quelqu' un, embrasser son parti. _ Arborer l' étendard de la dévotion, c' est en faire profession, en faire parade. _ Lever l' étendard, se faire chef de faction.

ÉTENDOIR


ÉTENDOIR. Voyez ÉTENDAGE.

ÉTENDRE


ÉTENDRE, v. act. [Étandre; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] 1°. Déployer~. "Etendre du linge, un tapis. "Etendre les brâs, ou le brâs. "Oiseau qui étend ses ailes. "S' étendre, ou être étendu tout de son long. _ Etendre un homme sur le carreau; le renverser mort par terre. = 2°. Alonger, étendre du beurre, de la cire, du drap, du parchemin. = 3°. Augmenter. "Etendre son Empire, son parc, sa terre. _ S' étendre sur un sujet, en parler fort au long. = 4°. S' étendre, durer. "La vie de l' homme ne s' étend guère au-delà de cent ans, etc.
   REM. Boileau fait régir à s' étendre la prép. à et l' infinitif. "Je ne m' étendrai pas davantage à lui faire conoître une faûte qu' il n' est pas possible que lui-même ne sente. _ Ce régime est tout au moins douteux. Je ne l' ai trouvé que dans cet illustre Auteur, et je ne me souviens pas de l' avoir ouï-dire.

ÉTENDU


ÉTENDU, ÛE, adj. [Etandu, dû-e; 1re é fer. 2e lon. 3e lon. au 2d.] Il a tous les sens du v. Etendre, dont il est le participe. Qui est déployé. Couché de son long. Spacieux, qui a de l' étendûe.

ÉTENDûE


ÉTENDûE, s. f. [Ètandû-e, 1re é fer. 2e et 3e lon. 4e e muet.] 1°. Longueur. "L' étendûe du Royaume. = 2°. Long espace de temps. "L' étendûe des âges, des siècles. = 3°. Figurément, il se dit du pouvoir, de l' autorité, de l' esprit, de la voix, du sens d' une proposition, etc.
   Rem. Ce mot n' a point de plur. On ne dit pas de deux champs, leurs étendues sont égales, mais, leur étendue est égale. _ On lit dans un Dictionaire. "Le livre que recommandoit M. le Cardinal de... c' étoit les Réflexions Morales dans toutes leurs étendûes. C' est contre l' usage. Il falait dire: dans toute leur étendûe.

ÉTERNEL


ÉTERNEL, ELLE, adj. ÉTERNELLEMENT, adv. [Èternèl, nèle, nèleman; 1re é fer. 2e ê ouv. 3e è moy. 4e e muet.] 1°. Qui n' a jamais eu de comencement, et qui n' aura point de fin. _ En ce sens, il ne peut se dire que de Dieu. "Dieu seul est éternel. Le Père éternel, le Verbe éternel, la Sagesse éternelle. Et substantivement. "La loi de l' Eternel: l' Eternel a dit, etc. = 2°. Qui a eu un comencement, et n' aura jamais de fin. "Le suplice éternel, la gloire éternelle. = 3°. Abusivement, qui doit durer si long-temps, qu' on n' en sait pas la fin. "Procès éternel: "Guerre éternelle. "Des haines éternelles, etc. = En st. proverbial, plaisant et critique, parleur, harangueur éternel, qui parle, qui harangue long-temps, et qui ennuye: On dit aussi, et plus souvent, parleûse éternelle.
   Rem. 1°. Dans le discours ordinaire, éternel est mieux placé après le nom qu' il modifie: "Le bonheur éternel, la loi éternelle. En vers et dans le discours relevé, il précède élégamment le substantif.
   L' éternel entretien des siècles à venir.
       Rac. Iphig.
  Est-ce à nous, vils atômes,
  Ã€~ sonder de ce Dieu les éternels décrets?
  De sa Toute-puissance adorons les secrets.
      Marin, Fédéric.
"Ils t' invoquent, ô toi, Père Tout-Puissant, et toi, fils égal au Père, et toi, qui les unis tous deux par les noeuds d' un éternel amour. Jér. Déliv.
   Ses jours sont dévoués à d' éternelles larmes.
       Gresset.
2°. Éternel ne se dit des persones que dans le style comique.
   Tant de gens éternels, dont le public est las.
       Gresset.
  C' est l' éternelle Célimène,
  Qui depuis vingt ans se promène,
  Boude et rit sans savoir pourquoi.
      Mercure.
Voyez une Remarque au mot IMMORTEL.
ÉTERNELLEMENT, il se dit dans les trois sens principaux d' éternel. "Dieu engendre son Verbe éternellement. "Les peines des damnés dûreront éternellement. "Voulez-vous demeurer-là éternellement. "Il parle éternellement.

ÉTERNISER


ÉTERNISER, v. act. ÉTERNITÉ, s. f. [Etêrni-zé, nité: 1reé fer. 2e ê ouv. 4e é fer.] Eterniser, rendre éternel. Il se dit par exagération et abusivement, et seulement dans le 3e sens d' éternel. "Eterniser son nom, sa mémoire. "La chicane et la mauvaise foi éternisent les procès. = Eternité, est 1°. Durée, qui n' a ni commencement, ni fin. "L' éternité de Dieu. "Dieu est de toute éternité. = 2°. Durée qui a un comencement, et qui n' a point de fin. "Eternité de bonheur ou de suplices, de tourmens. = 3°. Un fort long-tems. "Ce bâtiment durera une éternité. "De toute éternité, de temps immémorial. "Cela est de toute éternité.

ÉTERNUER


ÉTERNUER, v. n. ÉTERNûMENT, s. m. [Etêrnu-é, nûman: 1reé fer. 2e ê ouv. 4e é fer. au 1er, long. au 2d. _ On écrivait autrefois éternuement. _ Le Gendre écrit même éternuëment avec deux points sur l' e, ce qui ferait prononcer éternu-eman: l' e y est si muet, qu' on ne le fait pas sentir.: on a bien fait de le retrancher.] L' éternûment est un moûvement convulsif des muscles de la poitrine, qui servent à l' expiration, dans lequel l' air est chassé avec violence par le nez et par la bouche. Eternuer, c' est faire un éternûment. "Le rhûme, la fumée, le tabac font éternuer. "Parmi nous, dit le Gendre, les uns, à l' ocasion des eternuëmens, pensent que celui, qui éternûe doit recevoir le salut, comme un souhait fait en sa faveur; les aûtres estiment que c' est à lui à saluer la compagnie, comme par excuse de son importunité.

ÉTêTER


ÉTêTER, v. act. [1re et dern. é fer. 2e ê ouv. et long.] Couper la tête d' un arbre. "Etêter des saules.

ÉTEUF


ÉTEUF, s. m. [1re é fer. On ne prononce l' f finale qu' en Poésie, devant une voyelle.] Petite balle, dont on joûe à la longue paûme. _ En style proverbial, renvoyer l' éteuf, c' est repousser avec vigueur l' injûre qu' on nous veut faire. _ Courir après son éteuf, prendre bien de la peine pour recouvrer un bien, un avantage qu' on a laissé échaper.

ÉTEULE


ÉTEULE, ou ESTEUBLE, s. f. [1re é fer. au 1er, è moy. au 2d.] L' Acad. les met tous deux. Trév. et le Rich. Port. ne mettent que le 1er; le 2d n' est usité qu' en certaines Provinces. _ Chaûme. Ce qui reste sur la terre du tuyau des grains, quand on a fait la moisson.

ÉTHISIE


ÉTHISIE, ou ÉTHYSIE: ÉTHIQUE; voyez ÉTISIE, ÉTIQUE.

ÉTIMOLOGIE


ÉTIMOLOGIE: Richelet. Voyez ÉTYMOLOGIE.

ÉTINCELANT


ÉTINCELANT, ANTE, adj. ÉTINCELER, v. act. [E-tein-celan, celé: 1re é fer. 2e lon. 3e e muet. _ Devant la syll. fém. cet e se change en è moy. Il étincelle, ou étincèle, étincellera, ou étincèlera, etc.] Etinceler, briller, jeter des éclats de lumière. Etincelant, qui étincelle. "Il y a des étoiles qui étincellent les unes plus que les aûtres. Rubis étincelant, étoile étincelante. = Au fig. "Les yeux lui étincellent de colère. "Des yeux étincelans, brillans; étincelans de colère. "Auteur foudroyé par la plume étincelante de M. Linguet Sab. Trois Siècles, etc.
   Ta justice paroît de feux étincelante,
   Et la terre tremblante
   S' arrête à ton aspect.
       Rouss.
"Il (le Poème de la Henriade) est par--tout étincelant; et s' il n' éclaire pas toujours, il ne cesse d' éblouir. Le Chev. des Sablons.

ÉTINCELLE


ÉTINCELLE, s. f. ÉTINCELLEMENT, s. m. [E-tein-cèle, cèleman: 1reé fer. 2e lon 3e è moy. 4e e muet.] Etincelle, petite parcelle de feu; bluette. Etincellement, éclat de ce qui étincelle. "Une petite étincelle peut causer un grand embrâsement. Ce qui est aplicable au moral, comme au physique. "L' étincellement d' un charbon ardent, des étoiles fixes. = Celui-ci ne se dit qu' au propre. Etincelle s' emploie au fig. en parlant des lumières de l' esprit. "Il n' a pas une étincelle de bon sens, de raison, etc.

ÉTIOLER


ÉTIOLER, (s' ) v. réc En parlant des plantes et des branches des arbres, c' est devenir foible et menu, pour être trop serré.

ÉTISIE


*ÉTISIE, s f. ÉTIQUE, adj. [Etizi-e, tike: 1re é fer. dern. e muet.] Etique se dit de celui ou de celle, qui est atteint, ou atteinte d' une maladie, qui dessèche et consume toute l' habitude du corps. "Devenir étique. "Elle est morte étique. "Il se dit aussi de la fièvre, qui dessèche; fièvre étique. = Quelquefois il ne signifie que maigre, atténué. "Il a le visage étique. _ On le dit, en ce sens, de quelques animaux, dans le style plaisant et moqueur: un poulet, un chapon, un cheval~ étique.
   *ÉTISIE, ou, comme écrivent certains, éthisie, est ce que les Médecins apellent phtysie: maladie qui dessèche, etc. Puisqu' on laisse dire aux Médecins phtysique, et qu' on dit étique, pourquoi ne pas dire étisie? On répondra que ce n' est pas l' usage. Eh bien! il n' y a qu' à le faire venir. "C' étoit une éthysie, qui le minoit depuis long--temps. Formey. "Il avoit voulu le guérir d' une étisie. Tissot. = Mme. de Maintenon emploie étisie pour maigreur. "L' embonpoint sied mieux à la vieillesse que l' étisie.
   Rem. M. de Girac, dans sa Réponse à M. Costar le râille d' avoir dit étique au lieu d' ectique, mais il a tort, dit Ménage, étique est le mot usité. L' Acad. avait dabord mis: quelques-uns écrivent ectique, mais on ne prononce point le c. Elle a retranché cette remarque dans la dernière édition. = Il y en a qui écrivent éthique, qui ne vaut pas mieux. "Elle étoit éthique depuis long--temps. Let. Edif. Ethique, s. f. est autre chôse. Il signifie morale, en termes de l' école. "Les éthiques d' Aristote, ses ouvrages moraux.

ÉTIQUETER


ÉTIQUETER, v. act. ÉTIQUETTE, s. f. [Etiketé, kète; 1re é fer. 3e e muet au 1er, è moy. au 2d. Dans les verbes, l' e muet de la 3e se change en è moyen devant la syll. fém. Il étiquette, étiquettera, etc.] Étiquette, petit écriteau qu' on atache sur un sac de procès, ou à des sacs d' argent, à des liasses de papiers, à des paquets de hardes, etc. Etiqueter, c' est mettre une étiquette. "Il faut étiqueter ces sacs, y mettre une étiquette. = On dit, proverbialement, juger, condamner quelqu' un sur l' etiquette du sac, sur les aparences, et sans avoir examiné le fond. = Etiquette du Palais est, à la Cour d' Espagne, à celle de Vienne et dans d' aûtres Cours, le cérémonial, le détail de ce qui se doit faire journellement dans ces Cours.

ÉTOFFE


ÉTOFFE, ou ÉTOFE, s. f. ÉTOFFER, ou ÉTOFER, v. act. [1re é fer. 3e e muet au subst. é fer. au verbe.] Étofe est, 1°. Drap, tissu de fil, de coton, de laine, de soie, d' or ou d' argent, servant à faire des habits, ou à garnir des meubles. On le dit particulièrement de celles de soie, d' or et d' argent. "C' est une belle étofe que le velours. "Le Tâilleur n' a pas épargné l' étofe. = 2°. Ce mot s' étend à la matière de quelques aûtres ouvrages de manufacture. "Il n' y a pas assez d' étofe à ce chapeau. "Cuirasse de bone étofe. = 3°. On dit, figurément, dans le style familier, d' un jeune homme, qui a des qualités et des talens, qu' il y a chez lui de l' étofe pour faire un homme; ou simplement, qu' il y a de l' étofe. "Il y a bien des gens à qui l' étofe manque, et qui voient à tout moment le bout de leur esprit. Sév. "J' y prends un intérêt aussi vif (à ce procès) que ma tendresse pour vous est vive; c' est la même étofe. Sév. "Il y a des gens d' une certaine étofe, ou d' un certain caractère avec qui il ne faut jamais se cometre. La Bruyère. "C' est un homme de petite, de basse étofe, de basse condition.
   Un Ariste, un esprit d' assez grossière étofe,
   C' est une espèce d' ours qui se croit Philosophe.
       Gresset.
Rem. Comme on dit, tâiller en plein drap, M. Palissot a cru pouvoir dire, tâiller en pleine étofe.
   Vous pouvez maintenant tâiller en pleine étofe.
On peut le passer à un Poète comique.
   On dit, familièrement, doner dans l' étofe, dépenser beaucoup en habits et en meubles. _ On n' a pas épargné, ou l' on n' a pas plaint l' étofe à cette vaisselle, etc. On y a mis plus de matière qu' il ne falait.
   ÉTOFER ne se dit qu' au propre et dans les deux sens d' étofe: garnir de tout ce qui est nécessaire, soit pour la comodité, soit pour l' ornement. Lit, carrosse bien étofé, maison bien étofée. Il se dit sur-tout au participe. = C' est aussi mettre de la matière dans la quantité et la qualité qu' il faut. "Ce Chapelier n' a pas bien étofé ce chapeau. "On a mal étofé cette cuirasse.
   On dit, en style familier, un homme bien étofé, bien vétu, bien meublé, qui a en abondance toutes ses aises et toutes ses comodités. "Vous n' avez que quatre valets de chambre, qui ne sont pas mieux mis que des Gentilshommes de Province un peu étofés. Coyer. Let. à un Grand. "Ses ocupations sont de fusiller un lièvre et de médire des roturiers mieux étofés que lui. Du Plaisir. = Brébeuf lui done le sens et le régime d' orné.
   Ce saint jour ne voit point leurs portes étofées
   D' écharpes, de bouquets, de festons, de trophées,
   En ce sens et avec ce régime, il est suranné. Discours bien étofé, rempli de toute la matière nécessaire et convenable.

ÉTOILE


ÉTOILE, s. f. ÊTOILÉ, ÉE, adj. [É--toa-le, lé, lé-e; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. aux 2 autres.] Étoile, astre, corps lumineux, qui brille au Ciel pendant la nuit. Il se dit plus proprement de celles qui sont apelées fixes, et qui étant lumineûses par elles-mêmes, ont une scintillation sensible. Les aûtres sont apelées étoiles errantes ou planètes. _ On apelle abusivement, étoile, ces météores que l' on voit courir dans l' air la nuit, et s' éteindre incontinent. = On dit, proverbialement, loger, coucher à la belle étoile, coucher dehors. "Il fut bien--tôt réduit à passer la nuit dans la rûe... Il fait à ce sujet une peintûre si gracieûse qu' elle doneroit envie de coucher à la belle étoile. Journ. de Mons. _ On dit aussi de celui à qui l' on a doné un grand coup sur la tête, qu' on lui a fait voir les étoiles en plein midi (d' aûtres disent toutes les étoiles); et de celui qui est imposteur ou visionaire, qu' il fait voir aux autres, ou qu' il croit voir lui-même les étoiles en plein midi.
   ÉTOILE a divers autres sens. = 1°. Centre où se réunissent plusieurs allées d' un parc, ou plusieurs routes d' une forêt. = 2°. En termes d' Imprimerie, astérisque. Celui-ci est plus savant: étoile est plus vulgaire. = 3°. Marque blanche sur le front d' un cheval.
   ÉTOILÉ, ÉE, adj. Semé d' étoiles; Ciel fort étoilé, fort serein. = Où il s' est fait une félure en forme d' étoile. Bouteille étoilée. = Cet adjectif marche toujours à la suite du substantif. L' étoilé firmament sent le Ronsard, ou le Du Bartas.
   Rem. On se sert beaucoup du mot étoile pour exprimer le destin, la fatalité. "C' est mon étoile d' être malheureux. "L' étoile de M. de Lausun repâlit. Il n' a point de logement: il n' a point ses anciènes entrées. Sév. _ Cette manière de parler sent un peu l' astrologie judiciaire. Elle me déplait sur--tout dans la phrâse suivante de l' Ab. Du Bos: "Un grand Magistrat, un grand Général, un grand Ministre ne deviennent ce qu' ils sont capables d' être que dans un âge plus avancé que l' âge où les Peintres et les Poètes atteignent le degré d' excellence où leur étoile leur permet d' atteindre. _ Que font les étoiles aux talens des Poètes et des Peintres?

ÉTOLE


ÉTOLE, s. fém. [1re é fer. 3e e muet.] Longue bande d' étofe, que le Prêtre met sur le cou et croise sur l' estomac, et que le Diacre porte en manière d' écharpe. _ Les Curés la portent sur leurs surplis, pour marque de la supériorité dans leur Église. _ Les aûtres Prêtres la portent de même sans la croiser, dans plusieurs fonctions Éclésiastiques.

ÉTONNANT


ÉTONNANT, ou ÉTONANT, ANTE, adj. ÉTONEMENT, s. m. ÉTONER, v. act. [Eto--nan, nante, neman, né, 1re é fer. 3e lon. aux deux premiers, e muet au 3e, é fer. au dern.] Etonant, qui étone, qui surprend. Etonement. Surprise causée par quelque chôse, d' inatendu. "Cela est fort étonant, m' a beaucoup étoné; m' a causé un grand étonement; m' a rempli d' étonement, a jeté tout le monde dans l' étonement.
   Etonement et étoner signifient quelquefois. ébranlement, ébranler. "Depuis sa chute, il lui est resté un étonement de cerveau: "Ce coup lui a étoné la tête. "Le branle des cloches a étoné cette tour. Acad.
   I. Rem. Etonant peut être placé indiféremment devant ou après le nom qu' il afecte. En prôse et dans le style simple ou médiocre, il est mieux qu' il suive: en vers et dans le style relevé, il est plus élégant qu' il précède. "Les succès étonans, les~ étonans succès. C' est au goût et à l' oreille à diriger l' Orateur. L. Racine, dans le Poème de La Religion, dit, en apostrophant le Limaçon,
   Mais qu' on doit t' admirer, quand tu nous dévelopes
   Les étonans ressorts de tes longs télescopes.
Indépendamment de ce que par cette construction, ressort est plus raproché de son régime, ressorts étonans ne serait pas si bien. = Il est étonant régit le subjonctif, comme s' étoner et être étoné. "Tout ce qui environe les Grands, s' étudie à les tromper. Est-il étonant qu' ils puissent se laisser séduire. Massill. "Il est étonant, ou je suis étoné, ou tout le monde s' étone que vous vous obstiniez dans une opinion si faûsse et si dangereûse. _ Un Auteur moderne ajoûte la particule ne dans la phrâse négative. * "Il ne seroit pas étonant que ce poste ne fût emporté en moins de temps et avec moins de perte que n' en éprouvèrent les Français. Je crois que cette négative est contre l' usage
   II. Etoné ne se dit ordinairement que des persones. Etoné comme un fondeur de cloches, comme s' il tombait des nûes, comme si les cornes lui venaient à la tête, extrémement étoné. Style proverbial. _ On dit pourtant, avoir la tête étonée, ébranlée, lourde, embarrassée. "C' est un assez grand contentement que votre Belle-Soeur, après avoir eu deux jours la tête fort étonée soit tout-à-fait remise de sa chûte. Sév. = Etoné régit de et l' infinitif, et il a les autres régimes de s' étoner. Voy. plus bâs. "Calypso, étonée de voir dans une si vive jeunesse tant de sagesse et d' éloquence, ne pouvait rassasier ses yeux en le regardant. Télém.
   III. Étonement, surprise, consternation (synon.) Ils difèrent entr' eux en ce que le premier est plus dans les sens, le second dans l' esprit, le troisième dans le coeur. Le premier vient des chôses blamâbles, ou peu aprouvées: le second des chôses extraordinaires: le troisième des chôses afligeantes. Étonement ne se dit guère en bone part: surprise se dit également en bone et en mauvaise part: consternation ne s' emploie jamais qu' en mauvaise part. Gir. Synon. = Étonement, comme espérance, éfroi, terreur se dit de la persone qui le caûse.
   Et des plus vaillans même il est l' étonement.
       Corn.
Il ne se dit guère au pluriel, même dans son sens et son emploi ordinaire Mde. de Sévigné dit pourtant. "J' en voudrois qui pussent me donner de grands étonnemens. Mais ce n' est pas une conséquence pour d' autres phrâses. Ainsi l' on ne doit pas imiter Corneille, quand il dit:
   Dans ces étonemens dont mon ame est frapée.
= On dit, ne pas revenir d' étonement, avec la prép. de pour régime. "On ne revenoit pas d' étonement de la fortune de cette rapsodie sans méthode, sans ordre. Linguet. = Au grand étonement de, adv. "Au grand étonement de tout le monde.
   IV. S' étoner que régit le subjonctif. Quelques Auteurs déjà un peu anciens lui ont fait régir l' indicatif. Voitûre: "Je m' étone qu' étant si heureux en cela, je suis si malheureux d' ailleurs. "Je m' étone que vous n' en avez trouvé un meilleur. Il falait, que je sois; que vous n' en ayiez~ pas~ trouvé, etc. _ Le P. Rapin: "Il y a lieu de s' étoner que Plutarque ne prenoit pas (ne prît pas) avantage pour Démosthène de ce qu' il avoit près de trois cens ans de réputation sur Cicéron. _ Le P. Sicard: "Il ne faut pas s' étoner qu' on les fuit (fuie) du plus loin qu' on découvre les banderoles, etc. _ Leibnitz: "Je m' étone que vous dites (disiez) que, etc. = Après le que régi par ce verbe, quelques-uns retranchent pas dans le sens négatif. "Je m' étone que l' estime qu' on avoit pour lui (Térence) n' ait obligé quelqu' un à nous conserver son véritable nom. Mme. Dacier. Voy. plus haut le 2d exemple tiré de Voiture. Il est plus sûr de mettre pas; n' ait pas obligé, etc. = On met quelquefois si au lieu de que: mais ce n' est que dans les phrâses interrogatives. Alors l' indicatif est indiqué. "Vous vous étonez après cela, si vous êtes maigre! Sév. Faut-il s' étoner s' ils ne sont point aimés, puisqu' ils n' aiment rien que leurs grandeurs et leurs plaisirs. Télém. "Ne vous étonez pas si j' en ûse de la sorte. = L' infinitif avec la prép. de est un régime moins commun, et il ne doit être employé que quand le verbe régi se raporte au nominatif de s' étoner.
   Ce timide chevreuil ne songeoit plus à fuir,
   Et le daim si léger s' étonoit de languir.
       De Lille.
Ainsi l' on doit dire, en parlant de soi, je m' étone d' être, et en parlant d' un aûtre, qu' il soit toujours malade. = Pour les noms, s' étoner régit l' ablatif (la prép. de) "Il ne s' étone de rien; il s' étone de tout "; Je ne m' en étone pas. "Il s' étone du moindre bruit. * Corneille lui fait régir le datif (la prép. à). "Quoique le mien (mon courage) s' étone à ces rudes alarmes. C' est un faux régime.

ÉTOUBLE


*ÉTOUBLE, Trév. Voy. ÉTEULE.

ÉTOUFFADE


*ÉTOUFFADE. Trév. Sorte de ragoût. Des perdrix à l' étoufade. L' Acad. ne met pas ce mot.

ÉTOUFFANT


ÉTOUFFANT, ANTE, adj. ÉTOUFFEMENT ou ÉTOUFEMENT, s. m. ÉTOUFFER ou ÉTOUFER, v. act. et neut. [É-tou-fan, fante, feman, fé: 1re é fer. 3e lon. aux deux premiers, e muet au 3e, é fer. au 4e.] Etoufant, qui fait qu' on étoufe, qu' on respire mal. Étoufer, sufoquer, faire perdre la respiration, et quelquefois la vie. Etoufement, dificulté de respirer. "Temps étoufant, chaleur étoufante. _ L' Acad. ajoute. "J' ai trouvé cet homme étoufant. Mais là, il est participe d' étoufer, neutre, et non pas adjectif. _ "Elle a des vapeurs qui lui caûsent des étoufemens. "L' esquinancie l' a étoufé. "Les mauvaises herbes étoufent les blés. _ V. neut. Avoir la respiration empéchée. "Délâcez cette femme, elle étoufe. "Nous pensâmes étoufer de chaud.
   Rem. 1°. Étoufant marche ordinairement après le substantif, sur-tout au masculin. Le féminin pourrait quelquefois le précéder. Etoufantes vapeurs.
   2°. Etoufant et étoufement ne s' emploient qu' au propre; mais étoufer se dit élégamment au figuré. "Etoufer ses plaintes, ses soupirs; son ressentiment, les moûvemens de l' amour-propre. Etoufer les remords de la conscience.
   Étoufe promptement une naissante flamme.
       Corneille.
Étoufer une afaire, une querelle, l' empêcher d' éclater.

ÉTOUFOIR


ÉTOUFOIR, s. m. [É-tou-foar: 1re é fer.] Espèce de cloche de métal, dont on se sert pour étoufer et éteindre des charbons.

ÉTOUPE


ÉTOUPE, s. f. ÉTOUPER, v. act. [É--tou-pe, pé: 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au second.] Étoupe est la partie la plus grossière du chanvre ou du lin. Étouper, c' est boucher avec de l' étoupe, ou quelque autre chôse semblable. "Étouper les fentes d' un tonneau. "Étouper les oreilles, etc. = On dit, en style figuré famil. mettre le feu aux étoupes, exciter à la vengeance~, à la révolte; le feu est aux étoupes; les esprits sont échaufés.

ÉTOURDERIE


ÉTOURDERIE, s. f. ÉTOURDI, IE, adj. et subst. ÉTOURDIMENT, adv. [1re é fer. 3e e muet au 1er: en dans la dern. a le son d' an: Étourdiman.] Etourdi, qui agit sans considérer ce qu' il fait. Etourderie, action d' étourdi, ou l' habitude de faire des actions d' étourdi. Étourdiment, à l' étourdie. "Jeune homme bien étourdi. "Femme fort étourdie. "C' est un étourdi, un jeune étourdi. _ Le Proverbe dit, étourdi comme le premier coup de matines, comme un haneton. _ "C' est une étourderie. Faire des étourderies. "On ne saurait le corriger de son étourderie. _ "Il fait toutes chôses si étourdiment que, etc.
   Rem. 1°. Doit-on dire, à l' étourdi, ou à l' étourdie? Tous deux sont bons, dit Th. Corneille, mais le dernier est le meilleur. _ L' Acad. ne met qu' à l' étourdie, et c' est le seul bon, à mon avis. On doit dire à l' étourdie, comme on dit, à la franquette, à la légère, etc. Dict. Gram.
   2°. Etourderie, et étourdiment étaient encôre nouveaux du temps du P. Bouhours, et il en fait la remarque. On ne les disait que dans le discours familier. "Il a fait une grande étourderie. "Il entra étourdiment. Ils sont bien établis aujourd'hui; mais ils ne sont pas du style noble et élevé.

ÉTOURDIR


ÉTOURDIR, v. act. ÉTOURDISSANT, ANTE, adj. ÉTOURDISSEMENT, s. m. [E--tour-di, di-san, sante, diceman: 1re é fer. 4e lon. au 2d et 3e, e muet au dern.] Etourdir, c' est ébranler ou rompre la tête à force de faire du bruit. Etourdissant, qui étourdit. Etourdissement, éfet de l' action qui étourdit. "Il lui dona sur la tête un coup de bâton qui l' étourdit. "Le bruit du canon, des clôches étourdit (on sous-entend le régime). Il crie à pleine tête; il nous étourdit. "Vous m' étourdissez les oreilles. _ "Bruit étourdissant, voix étourdissante. "Causer de l' étourdissement. "Il a de grands étourdissemens.
   Rem. 1°. Etourdissant ne se dit qu' au propre; étourdir et étourdissement s' emploient aussi au figuré. "Cette nouvelle, ce coup imprévu les a fort étourdis, étonés, embarrassés. "Ils en sont tout étourdis. "Le Roi avoit besoin d' étourdir ses remords. Moreau. "Les méchans ne craignirent plus ses reproches, et ils achevèrent d' étourdir les remords que Noé avoit tâché de leur inspirer. _ Etourdir la grôsse faim, l' apaiser. Etourdir la douleur, l' endormir, la calmer: ce qui se dit aussi de l' afliction. _ "Peut-on s' aveugler soi-même jusqu' à cet excès, sans être frapé de l' esprit d' étourdissement. Boss. Dieu a répandu sur cet imposteur l' esprit d' étourdissement et de vertige. Patru. "Cette nouvelle causa un grand étourdissement dans cette famille. "Ils ne sont pas revenus de leur étourdissement. Acad. = S' étourdir sur est élégant pour signifier s' ôter le sentiment d' une chôse, et se tromper en quelque façon soi-même. "Les libertins s' étourdissent sur la crainte de la mort. "Cette femme tâche de s' étourdir sur tous les bruits qu' elle sait, qui courent d' elle. Bouh.
   2°. Etourdir, est ordinairement suivi au propre de la prép. par et au figuré de la prép. de. "Vous nous étourdissez par vos cris redoublés. "Ces clameurs éternelles, dont on nous étourdit, sont donc destituées de tout fondement.

ÉTOURNEAU


ÉTOURNEAU, s. m. [é-tour-no: 1re é fer. 3e dout. au sing. lon. au plur. Étour--neaux.] Oiseau noirâtre, marqué de petites tâches grises. _ Figurément et en se moquant, on dit d' un jeune homme, qui veut faire le capable. "Voilà un bel étourneau. = Etourneau. Cheval d' un poil gris-jaunâtre.

ÉTRANGE


ÉTRANGE, adj. ÉTRANGEMENT. adv. [1re é fer. 2e lon. 3ee muet: dans le 2d en a le son d' an: étrangeman.] Étrange, se dit de ce qui n' est pas dans l' ordre et l' usage comun. "Étrange façon de parler, d' agir. "Étrange humeur, étrange esprit. "Cela est fort étrange. _ On le dit quelquefois des persones. "Voilà un homme, une femme bien étrange. = Étrangement, d' une manière étrange. "Il s' est conduit bien étrangement dans cette ocasion. _ Extrêmement, excessivement. "Il l' a étrangement gourmandé.
   Rem. 1°. On a dit aûtrefois étrange pour étranger.
   Peu de nos chants, peu de nos vers,
   Par un encens flateur amusent l' Univers.
   Et se font écouter des nations étranges.
       La Font.
  Que te sert, grand Pompée, en un climat étrange,
  D' armer pour ta querelle et l' Euphrate et le Gange.
      Brébeuf.
Mrs de l' Académie avaient dit d' abord que, dans ce sens là, étrange est en usage dans ces phrâses: terres étranges, nations étranges, venu d' étranges pays, mais ils ajoutaient qu' il est meilleur en Poésie. Dans les éditions suivantes, ils disent qu' il est vieux, mais qu' on s' en sert encôre en Poésie. Ils disaient aussi: "Vous pouvez entrer, il n' y a persone d' étrange, et ils remarquaient qu' il est en cet exemple du style familier. _ Je dirais étrange, dit La Touche, mais ces Mrs sont nos maîtres: il faut les en croire. _ Pour moi, qui n' ai pas moins de respect pour eux, j' ôse dire qu' étrange ne se dit plus pour étranger qu' en certaines Provinces; qu' il n' est plus ni de la prôse, ni de la Poésie, ni du style noble, ni du style familier. Aussi l' Acad. dans la dern. Édit. dit du 1er exemple qu' il est vieux, sans parler de poésie, et du 2d qu' il est populaire.
   * Étrange, pour interdit, embarrassé, est un gasconisme. "Il est tout étrange. GASC. CORR.
   2°. Etrange, se plait à précéder. "Quelle étrange union! Gresset. "Quelle étrange démarche! Id. "C' est une étrange femme. Il peut suivre aussi, sur-tout en prôse. Il le doit même quelquefois. "Étrange homme, par ex. fait une construction fort dûre. "Voilà un étrange homme: il est aussi peu ému, que si nous mettions au pillage la maison d' un de ses énemis. Let. Édif. _ L' Acad. met aussi en exemple. "Voilà un étrange homme! mais j' en apelle aux oreilles délicates.

ÉTRANGER


ÉTRANGER, ÈRE, adj. et subst. ÉTRANGER, v. act. [étrangé, gère, gé: 1re é fer. 2e lon. 3e è moy. et long au 2d] Étranger, adjectif, 1°. qui est d' une aûtre nation. "Climats, pays étrangers: coutumes, lois, plantes étrangères. Ministres étrangers, etc. _ Subst. un étranger, une étrangère. Les étrangers. = 2°. Qui n' est pas de la famille, de la compagnie, de la communauté. "Laisser son bien aux étrangers au préjudice des parens. "Communiquer les afaires secrètes d' une compagnie aux étrangers. = 3°. En parlant des chôses, qui n' a point de raport au sujet, à l' afaire, dont il s' agit. "Ce fait, ce raisonement est étranger à la caûse. "Ces intérêts lui sont étrangers. "Qui sait s' il avoit été entièrement étranger aux intrigues, qui avaient causé la disgrâce de la Reine et du Prélat. Moreau. _ Il régit la prép. à. St. Évremont et Bossuet emploient la prép. de. "Un goût d' Afrique, étranger des aûtres nations. St. Ev. "Tenez-le comme étranger du christianisme. Boss. _ Dans cette dernière phrâse il est apliqué aux personnes. Neufville dans la Vie de Leibnitz, le leur aplique aussi avec la prép. en, et dans le sens d' ignorant. "Il étoit sujet à la goutte, qu' il traitoit à sa manière, ou selon les conseils de quelques amis étrangers en Médecine. _ Je n' ôserais condamner ce régime. Puisqu' on dit que quelqu' un est étranger dans son pays, pour dire qu' il n' en sait pas les coutumes, et ce qui s' y passe, on peut dire aussi qu' il est étranger en Médecine, quand il en ignôre les Principes.
   REM. Étranger, n' est guère bien placé, même en vers, sur-tout au masculin, devant le nom qu' il modifie.
   Des Tours, des Boulevards et des Forts menaçans,
   D' un art fier et terrible étrangers monumens.
       Thomas.
L' inversion est dûre.
ÉTRANGER, v. act. En parlant de certains animaux, éloigner d' un lieu; désacoutumer d' y venir. "Les rats et les moineaux ont~ étrangé les pigeons du colombier. "Le gibier s' est étrangé de cette plaine. _ On le dit familièrement des personnes. "Etranger les importuns, la mauvaise compagnie. "Cet homme s' est étrangé de cette maison.

ÉTRANGLANT


*ÉTRANGLANT, ANTE adj. C' est un mot de Mde de Sévigné. Il peut être bon pour la conversation et pour le style épistolaire. "Si vous étiez à Paris (où on la pressait de retourner.) Ah! ce serait une raison étranglante: mais vous n' y êtes point. "J' admire la gaité de votre style au milieu de tant d' afaires épineuses, acablantes, étranglantes. La Même.

ÉTRANGLEMENT


ÉTRANGLEMENT, s. m. ÉTRANGLER, v. act. [1re é fer. 2e lon. 3ee muet au 1er; étrangleman, é fer. au 2d, étranglé.] Étranglement ne se dit qu' en Médecine, du resserrement excessif d' un vaisseau; et en Histoire Naturelle, en parlant de certains insectes, tels que l' araignée, la guêpe, etc. dont le corps est composé de deux parties unies par un fil très-délié, qui se nomme étranglement.
   ÉTRANGLER, au propre, faire perdre la respiration et la vie, en pressant le gosier ou en le bouchant. "On l' a étranglé: il s' est étranglé. "Elle le tenoit à la gorge, et l' aurait étranglé, si elle en avait eu la force. _ V. n. "Secourez-moi, j' étrangle. "j' étrangle de soif; j' ai grande soif. = Au figuré, ne doner pas l' étendûe nécessaire. "Vous étranglez cette chambre en voulant y mettre alcôve et cabinet. "Cet endroit de votre discours est étranglé: il n' est pas assez étendu. "Vous en avez étranglé les preuves, les raisonemens. "Voilà le seul chapitre, qui ne fût point étranglé. SÉV. = On emploie le participe adjectivement dans le même sens. "Habit étranglé; corridor, parterre étranglé. Croisée étranglée.

ÉTRANGUILLON


ÉTRANGUILLON, s. m. [étran-ghi--glion: 1re é fer. 2e lon. mouillez les ll] Sorte de maladie, qui est aux chevaux ce que l' esquinancie est aux hommes. = Poire d' étranguillon: espèce de poire fort âpre. Son nom lui vient de ce qu' elle étrangle en quelque sorte ceux qui la mangent.

ÉTRAPE


ÉTRAPE, s. f. ÉTRAPER, v. act. [1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Etrape est une petite faucille, qui sert à couper le chaûme. Étraper, c' est le couper avec une étrape.

ETRE


ETRE: la pénult. est longue dans être, ancêtre: salpêtre, fenêtre, Prêtre, etc. dans tous ceux, en un mot, qui ont l' accent circonflexe sur l' e pénultième. Elle est brève par tout âilleurs, soit que le t soit redoublé, comme dans lettre, mettre, etc. soit qu' il n' y ait qu' un t comme dans diamètre, etc.

ÊTRE


ÊTRE: v. auxil. et substantif. Ainsi l' apellent les Gramairiens. Je suis, tu es, il est: nous sommes, vous êtes, ils sont. J' étois ou j' étais Je fus. J' ai été, je serai. Je serois, ou serais. _ Sois, soyez, que je sois, tu sois, il soit: nous soyions, vous soyiez, ils soient. Que je fusse, j' aye étéj' eusse été. Étant. Ayant été.
   Rem. 1°. On ne doit écrire avec un accent circonflexe que ces deux temps, être à cause de la prononciation, et êtes par complaisance pour l' usage. On devrait écrire ce dernier avec l' acc. grave, vous ètes, parce que l' è y est moyen et non pas ouvert.
   2°. Il y a deux chôses à réformer dans le Dict. Gram. par raport aux deux 1res persones de l' Impératif, et du présent du subjonctif au pluriel. La 1re, c' est que sé-ion, sé-ié, n' est que pour la conversation. Dans le discours soutenu, il faut prononcer, soa-ion, soa-ié. Et ainsi pour l' oi du singulier, sois, soit; pron. sè ou soa. _ M. Harduin assûre que l' o se prononce nécessairement en ou dans une diphtongue, et que l' on doit prononcer soué-ion, soué-ié. Il nous parait que cette prononciation n' est particulière qu' aux Provinces où l' on dit le Roué, la loué, pour le Roi, la Loi; et aparemment que c' est ainsi qu' on prononce en Artois ou Artoué. Pour nous, si nos oreilles ne nous trompent point, nous avons toujours oui dans la diphtongue oi le son d' oa, l' a fermé. = La 2de, c' est qu' en persistant à diférencier le subjonctif de l' impératif, d' après l' Ab. Regnier, par un i ajouté à l' y, nous soyions, vous soyiez, nous aurions dû marquer cette diférence dans les signes représentatifs de la prononciation; et écrire, sei-ion, sei-ié, ou soai-ion, soai-ié au subjonctif; et à l' impératif, sé-ion ou soa-ion, sé-ié ou soa-ié avec un seul i, c' est une contradiction que M. Harduin nous a fait remarquer, et dont il s' est prévalu contre notre sentiment: nous devons être jaloux de l' ôter.
   3°. Être, dans ses temps composés prend l' auxiliaire avoir. "J' ai été, j' avais été, et non pas je suis été, comme dit le peuple en certaines Provinces. Les Étrangers et les Italiens sur-tout doivent y faire atention. Dans la langue de ces derniers; le verbe être prend chez lui ses temps composés; sono stato, sarei stato, je suis été, je serois été, au lieu qu' en français il faut dire, j' ai été, j' aurais été, etc.
   4°. Le v. être sert à conjuguer tous les verbes passifs, une partie des verbes neutres, comme aller, arriver, devenir, etc. qui ont au prétérit, je suis allé, je suis arrivé, etc. et non pas j' ai allé, j' ai arrivé, etc. tous les verbes pronominaux ou réciproques, comme se blesser, qui fait au prétérit je me suis blessé, etc.
   5°. Le participe étant est indéclinable. Ainsi il faut écrire au pluriel comme au singulier, étant, et non pas étans. I. Être, signifie proprement exister: mais il est peu employé en ce sens. "Dieu dans l' Écritûre s' apèle celui qui est, qui existe nécessairement, et par lui-même. On dit: "Vous n' étiez pas encôre au monde, (vous n' existiez pas) lorsque cela est arrivé. "Tout les hommes qui ont été, qui sont ou qui seront. "Cela sera ou ne sera pas, arrivera, ou n' arrivera pas. = II. L' usage ordinaire de ce verbe est d' atribuer quelque chôse à un sujet par des adjectifs ou par des adverbes, auxquels il se joint. "Il est sage, grand, vertueux, etc. "Il est couché, il est debout. "Je veux qu' il soit de la sorte. "Il est mieux, il est plus mal. = III. Il signifie quelquefois apartenir, joint à la prép. à. "Cette maison est à moi. "Ce livre est-il à vous? etc. _ Il sert aussi à marquer le sentiment: je suis pour un tel; ou l' opinion. "Il est fortement pour cette opinion, pour ce systême. = IV. On l' emploie souvent comme verbe impersonel, ou avec des adjectifs ou avec des noms substantifs. Alors il régit ou de avec l' infinitif, ou que avec le subjonctif. "Il est bon, il est utile de faire, de dire, que je fasse, que je dise. "Il est de ma gloire de savoir cèder; "Il est de votre justice de réparer ou que vous répariez le tort que vous m' avez fait. Le 1er régime est ordinairement le meilleur. = V. Dans le sens négatif ou avec le pronom démonstratif ce, il régit les noms sans article. Rousseau dit de la Raison.
   Mais ce rayon, parmi vous si vanté,
   N' est rien en soi qu' ombre et qu' obscurité.
"Dans ce monde changeant et mobile, c' est souvent constance de varier dans ses desseins. Jér. Del. Voy. C' EST, au mot CE.
   VI. Ce verbe entre dans beaucoup d' expressions, qui sont purement françaises, et qui sont de vrais gallicismes. = C' est à qui fera: chacun se dispute la gloire ou l' avantage de faire: "Les Romains et les Tusculans combatirent avec une égale émulation: c' étoit à qui auroit la gloire d' emporter les premiers retranchemens. Vertot. = Pour ce qui est de, équivaut au quod attinet des latins. "Pour ce qui est de la Religion chrétienne, (au Japon) elle ne soufrit point pendant les troubles. Charlev. "Pour ce qui est des femmes (sauvages), elles travaillent depuis le matin jusqu' au soir comme des esclâves. Let. Édif. = Être sur une matiere, sur un sujet; être ocupé à les traiter, à les discuter. "Pendant que nous sommes sur cette matière. Boss. _ "La main de Dieu fut sur lui. Id. Cette dernière expression a un aûtre sens. Elle est tirée des Livres Saints, et ne peut être bonne que dans des discours sur la Religion. = Être long-tems à faire, c' est employer beaucoup de temps à faire quelque chôse. "Nos Demoiselles sont ordinairement dix ans à savoir ce qu' elles veulent. Mariv. * Un Auteur moderne done à cette manière de parler un aûtre sens, qui n' est pas bon, et qui fait entendre autre chôse que ce que cet Auteur veut dire. "Les descendans de Noé ne furent pas long--tems à altérer la pûreté du culte. _ Il semble par cette expression, que les descendans de ce Patriarche avaient pris à tâche d' altérer le culte. Ce n' est pourtant pas ce que l' Auteur a voulu dire. Il aurait parlé plus correctement, en disant, qu' ils~ ne furent pas long--tems sans altérer la pûreté du culte. = Il n' est pas en moi, en lui, etc. Il ne dépend pas de moi, de lui, etc. "Le danger fût-il encôre plus grand, il n' est pas en moi de l' éviter. Marm. "Il avoit fait tout ce qui étoit en lui. Moreau. = Il n' est pas que vous n' ayiez sû, c. à. d. sans doute vous avez sû. "Il n' est pas que dans votre retraite vous n' ayez lu ces saintes maximes avec édification. Let. Edif. Ce tour de phrâse est un gallicisme, qui n' est bon que dans le style simple. = Il en est de... comme de... "Il en est des hommes comme des animaux. "Il en sera de sa félicité comme de ses songes, etc. * Vaugelas voulait qu' on retranchât en: le P. Bouhours soutenait au contraire que cette particule était nécessaire. Son sentiment a prévalu; et ce serait aujourd'hui une faûte que de dire, il est des hommes comme, etc. Il sera de sa félicité comme, etc. Mde Dacier y est tombée. "Il est du Théâtre comme de la Peintûre, où les uns sont bons pour l' ordonance, les aûtres pour les attitudes, etc. Il falait: il en est du Théâtre comme, etc. _ * Mascaron met, il est, au 2d membre de la phrâse et après comme. "Il en est des âmes basses et vulgaires, comme il est des oiseaux domestiques et terrestres. Il falait dire, comme des oiseaux ou du moins comme il en est des oiseaux. La 1re manière est la meilleure: la 2de est lâche et trainante. = En être, signifie quelquefois en arriver. "Il en sera ce qu' il plaira au ciel. Rayn. "* Restons encôre quelques jours ici, pour voir ce qui en sera. MARIV. Il faut dire ce qu' il en sera, ce qu' il en est, comme on dit ce qu' il vous plaira, et non pas ce qui vous plaira. Voy. PLAIRE. "Elle pense qu' il seroit mieux de lui dire dabord ce qui en est. Fielding. Dites, ce qu' il en est.
   VII. Les prétérits du v. être s' emploient souvent pour ceux du v. Aller. On dit, j' ai été, je fus chez vous, et au futur je serai bientôt chez vous, pour dire, je suis allé, j' allai, j' irai, etc. On le trouve plusieurs fois chez Corneille. Mais cette manière de parler, admise encôre dans le langage familier, ne peut plus être tolérée dans un ouvrage, qui demande de l' élégance. Journ. de Paris. = Il est ou il n' est, se dit pour il y a ou il n' y a. Vaugelas et Th. Corneille ont fait là-dessus de grandes remarques. Elles se réduisent à dire que de ces deux manières de parler, l' une, en certaines ocasions, vaut mieux que l' aûtre, mais qu' ordinairement on peut les employer indiféremment. "Il est, ou il y a des herbes si venimeûses qu' elles font mourir subitement. "Il n' est ou il n' y a point d' homme si stupide, qui ne reconoisse une Divinité. _ En vers, il est ou il n' est, sont les seuls bons: il y a ou il n' y a, ne peuvent y être employés à caûse de l' hiatus.
   VIII. Être, joint à ce, signifie quelque--fois le devoir ou l' autorité, et alors il régit à devant les noms, et de ou à devant les verbes. "C' est au maître à parler; c' est au disciple d' écouter: c' est au Prince à juger de ses Ministres; c' est à nous d' être soumis à ses volontés. _ De vaut mieux, quand le verbe comence par une voyelle: c' est à nous d' obéir, et non pas à obéir. On doit le préférer aussi pour éviter la rencontre de plusieurs à. Ex. "C' est à lui à se conformer à la volonté des Magistrats. Ces trois a si près l' un de l' aûtre, n' auraient pas bonne~ grâce. Ainsi, il vaut mieux, dans cette ocasion, se servir de la prép. de, quoiqu' elle soit devant une consone. "C'~ est~ à lui de se conformer, etc. Voyez C' EST, au mot CE.
   IX. On dit, n' être pas pour, n' être pas capable de..... "De pareils engagemens n' étoient pas pour arrêter un homme ambitieux. Vertot. "Un homme de ce caractère n' étoit pas pour s' aquiter modérément de cette commission. Anon. Si ce tour est français, il n' est pas du moins du beau style. _ Sans la négative, il ne vaudrait tout--à-fait rien. On ne dirait pas: "De pareils engagemens étaient pour arrêter, etc. "Un tel homme était pour s' aquiter, etc. = Être à comprendre: ne pouvoir comprendre. "Je suis encôre à comprendre qu' il y ait des hommes si fiers à l' égard des aûtres hommes. Mariv. = Est-il de?... convient-il à?..
   Est-il donc d' un héros d' écouter la natûre?
   Socrate en étoufa jusqu' au moindre murmûre.
       L. Racine.
On dit aussi, dans le même sens: Il n' est pas de...
   Il n' est pas d' un chrétien d' abhorrer les soufrances.
= Y être, pour y ateindre. "Vous n' y êtes pas; vous ne l' avez point deviné.
   Regardez bien, ma soeur,
   Est-ce assez, dites-moi, n' y suis-je pas encôre?
       La Font.
= Être de... Prendre part à... "Je suis de toutes ses parties de plaisir. = Être à... Étre dévoué, ataché à... "Il faut être tout à Dieu: Je n' étois plus au monde, je n' étois plus à moi même. "Je suis tout à vous. _ Remarquez que, je suis à vous, ne signifie pas seulement, je vous suis dévoué, mais qu' il signifie aussi, je reviens dans l' instant. = Il n' est pas que vous ne sachiez. Vous savez sûrement. "Si vous cherchez bien, il n' est pas que vous ne trouviez quelque sentier qui vous menera au haut du rocher. Rollin. = Si j' étois que de vous: si j' étais à votre place. C' est une de ces phrâses irrégulières que l' usage a consacrées.
   Je ne soufrirois pas, si j' étois que de vous,
   Que jamais d' Henriette il pût étre l' époux.
       Mol.
= * On disait autrefois, n' était que pour, si ce n' est que; lequel équivaut à mais. "Aussi les aurions-nous remarqués (ces vers excellens) n' étoit qu' ils se découvrent assez d' eux mêmes. Acad. Sent. sur le Cid.
   Et j' y pouvois, Seigneur, mériter quelque part,
   N' étoit qu' afermissant votre heureuse fortune
   Je n' ai fait qu' empècher qu' elle nous fût commune.
       Corn. Bérén.
  N' eût été Mucian, qui le tint dans Lyon,
  Il se faisoit le chef de la rébellion.Ibid.
C. à. d. sans Mucian, qui, etc.
   Rem. 1°. Avec la négative, être se met quelquefois à la tête de la phrâse et devant le sujet (le nominatif.) "N' est pas toujours gai qui veut (st. fam.) vaut mieux que: qui veut être gai ne l' est pas toujours. = 2°. L' adjectif devant le v. être est un tour suranné, et fait une inversion dûre.
   Chaque castor agit: commune en est la tâche,
   Le vieux y fait marcher le jeune sans relâche.
       La Font.
On dit aujourd'hui, même en vers, même dans le style fam.: la tâche en est commune. On ne soufre plus cette construction que dans le st. marotique. = 3°. Être régit ordinairement les noms adjectifs ou substantifs au nominatif, et quelquefois sans article. "Il est doux, civil. "Vous en êtes le maître. "Il est bon père, etc. = 4°. Ce qui est, et ce qu' il y a, ont diférens régimes. Le 1er régit les noms sans préposition: le 2d exige la prép. de. "Ce qui est certain, et ce qu' il y a de certain. * Vertot dit: ce qui est de certain. Fénélon, ce qui est d' étonant. De Saci, ce qui est de terrestre, ce qui est de plus conforme à, etc. Un aûtre Ecrivain, ce qui est de vrai. Mde. de Sévigné et Marivaux le disent aussi. La préposition de est-là de trop. = 5°. * Autrefois on employait être avec des pronoms personels au datif, au lieu de pour.: "Ce m' est, ce vous est, ce lui est, etc. au lieu de, c' est pour moi, c' est pour vous, c' est pour lui, etc. "Mde. de Coulanges m' a mandé que vous m' aimiez. Quoique ce ne me soit pas (ce ne soit pas pour moi) une nouvelle, je dois être charmée que cette amitié résiste à l' absence et à la Provence. Sévig. "Un tissu d' énigmes leur seroit (seroit pour eux) une lectûre divertissante. La Bruy.
   Et jusqu' à cet hymen, Rodrigue m' est aimable.
       Corn.
Pour, est aimable à mes yeux. _ Ce datif n' est bon qu' avec les adjectifs auxquels l' usage a acordé ce régime. "Cela m' est utile, vous sera agréable, lui sera odieux, etc.

ÊTRE


ÊTRE, s. m. [1re ê ouv. et long, 2e e muet.] Ce qui est. "Dieu est un être infiniment parfait. "L' Être Souverain. "Les aûtres êtres ne sont rien devant lui: ils n' existent que par lui. = Être signifie aussi l' existence. "C' est Dieu, qui nous a doné l' être. = Au pluriel, les êtres d' une maison, les degrés, corridors, chambres, etc. "Il sait tous les êtres de cette maison. "Il conaît les êtres.
   Rem. Ce mot a paru long-temps, dans les deux premiers sens, un terme trop scientifique pour être admis dans le langage ordinaire. Aujourd'hui on l' emploie et dans la prôse et dans les vers; et à l' exception d' un petit nombre de gens d' un goût peut-être trop délicat, persone n' en est blessé. _ L' Être Suprême est le mot de ceux qui trouvent qu' il est trop bourgeois et trop chrétien de dire Dieu. _ Les Dieux, dit M. Le Mierre,
   À~ tout être sensible ont inspiré ces voeux.
   Ah! la secrette voix de ces êtres augustes
   Crie au fond de nos coeurs: soyez bons, soyez justes.<

ÉTRÉCIR


ÉTRÉCIR, v. act. ÉTRÉCISSEMENT, s. m. ÉTRÉCISSûRE, s. f. [1re et 2e é fer. 4e e muet au 2e, lon. au 3e.] Autrefois, plusieurs écrivaient étressir. On troûve cette ortographe dans Brébeuf, Corneille et aûtres. = Étrécir, c' est rendre étroit. Étrécissement, l' action de rendre étroit. Etrécissûre, l' état de ce qui est étroit. L' Acad. ne met pas celui-ci, elle dit étrécissement dans deux sens, et de l' action, et de l' état de, etc.~ "Etrécir~ un chemin, une rûe, un habit. "Le cuir s' étrécit à la pluie. "Le chemin va en s' étrécissant. "L' étrécissement d' un canal. "L' étrécissûre d' un habit.

ÉTREINDRE


ÉTREINDRE, v. a. *ÉTREINTE, s. f. [E-trein-dre, te, 1re é fer. 2e lon. 3e e muet] Serrer fortement en liant. Serrement, action d' étreindre. "Étreignez cette gerbe, ce fagot. "Étreindre les liens, les noeuds de l' amitié, de l' alliance. "Ce noeud là s' est défait, parce que l' étreinte n' en étoit pas assez forte.
   Serre d' une étreinte si ferme
   Ce noeu de leurs chastes amours,
   Que la seule mort soit le terme
   Qui puisse en arrêter le cours.
       Malherbe.
L' Acad. traite le substantif de vieux. Dans le Journ. de Monsieur on done la même qualification au verbe que l' Acad. met sans remarque.
   L' éfroyable serpent sur eux promt à s' étendre,
   Étreint ces malheureux sous son poids acablés.
"Le vieux mot d' étreint, qui écorche les oreilles, est assez déplacé. _ J. J. Rous.~ a employé plus d' une fois étreinte, et des Âuteurs modernes l' ont imité. _ Ces deux mots seraient beaux et bons à conserver, s' ils n' étaient si durs à prononcer.
   Le Proverbe dit: Qui trop embrasse, mal étreint; qui entreprend trop des chôses ne réussit pas. _ Plus il gèle, et plus il étreint; plus il arrive de maux, plus il est dificile de les suporter.

ÉTRENNE


ÉTRENNE, ou ÉTRèNE, s. f. [1re é fer. 2e è moy. 3e e muet. _ On a écrit aûtrefois étreine et Ménage lui-même l' écrivait de la sorte.] Présent qu' on fait le 1er jour de l' année. Doner les étrennes. "Doner une chôse pour étrenne. _ Les Marchands le disent du premier argent qu' ils tirent, qu' ils reçoivent chaque jour. "Je n' ai point encore eu l' étrène, je n' ai encore rien vendu. "C' est mon étrenne de cette semaine. _ Figurément, on le dit du premier usage qu' on fait de quelque chôse. Cette vaisselle n' a pas encôre servi, vous en aurez l' étrenne. "Il a bien plu sur cet habit neuf: c' est son étrenne.

ÉTRENNER


ÉTRENNER, ou ÉTRÉNER, v. act. [Trois é fermés.] Doner les étrènes. Il a étréné tous ses domestiques, tous ses enfans. _ Il régït quelquefois la prép. de. "Il l' a étréné d' un beau tableau. _ Etréner un Marchand, être le premier à acheter chez lui. _ Etréner quelque chôse, en avoir le premier usage. "Ce carrosse n' a pas encôre roulé: vous l' étrènerez.

ÉTRIER


ÉTRIER, s. m. [É-trié: 2 é fer. Les ignorans disent étreiu.] Anneau de fer, ou d' autre métal, qui pend de part et d' autre par une courroie à une selle de cheval, et qui sert à apuyer les pieds du Cavalier. "Mettre, avoir le pied à l' étrier pour monter à cheval. "Je l' ai trouvé qui mettoit, ou qui avoit le pied à l' étrier. _ Être ferme sur ses étriers, se dit au propre et au figuré; et dans ce dernier emploi, il signifie, n' être pas aisé à ébranler dans ses résolutions. = Avoir le pied à l' étrier, être prêt à partir; et proverbialement, être dans le chemin de la fortune. = Avoir toujours le pied à l' étrier, être toujours par voie et par chemin. = Faire perdre les étriers à quelqu' un, le déconcerter, le mettre en désordre. = Courir à franc étrier, courir la poste à cheval. L' Acad. ne le met pas. L' Ab. Coyer dit, dans sa Lettre à un Grand. "Si une honte bien placée ne vous eût retenu, vous auriez couru à franc étrier: cela était bon du temps d' Henri IV.
   On apelle le pied de l' étrier, dans un cheval, le pied gauche du devant, celui du montoir. Vin de l' étrier: vin qu' on aporte aux voyageurs quand ils sont à cheval, ou prêts à y monter _ Bâs à l' étrier, qui n' ont point de pied.

ÉTRILLE


ÉTRILLE, s. f. ÉTRILLER, v. act. [1re é fer. mouillez les ll: dern. e muet au 1er, é fer. au second.] Étrille est un instrument de fer, avec lequel on ôte la crasse qui s' est attachée à la peau et au poil des chevaux. _ On apelle populairement étrille, un cabaret où l' on fait payer trop cher. _ En style proverbial, ce qui ne vaut pas un manche d' étrille, vaut bien peu de chôse.
   ÉTRILLER, c' est froter avec l' étrille. "Étriller un cheval. = Figurément (st. famil. et plaisant) batre, rosser, "On l' a bien étrillé. "Si nous rencontrons les énemis, nous les étrillerons bien. _ On dit proverbialement: "On l' a étrillé en chien courtaut. Et d' un homme qui afecte d' être grâve, qu' il est sérieux comme un âne qu' on étrille. L' expression est bâsse.

ÉTRIPPER


ÉTRIPPER, ou ÉTRIPER; v. act. [1re et dern. é fer.] Ôter les tripes d' un animal. "Étriper un veau, un cochon. = Aller à étripe cheval, presser un cheval excessivement. st. famil.

ÉTRIQUÉ


*ÉTRIQUÉ, ÉE, adj. Mot employé par Voltaire. Est-il de Genève ou du pays de Gex, où ce célèbre Écrivain a fait un long séjour; ou l' avait-il trouvé dans quelque vieux Poète? Nous ne l' avons pu vérifier.
   Farceurs à manteaux étriqués,
   Prédicans à sermons croqués.

ÉTRIVIèRE


ÉTRIVIèRE, s. f. [1reé fer. 3e è moy. et long; 4e e muet.] Au propre, courroie servant à porter les étriers. "Racourcir une étrivière, les étrivières. "Il s' est fait des étrivières de corde. = Au figuré (st. familier) doner des coups d' etrivières, doner les étrivières; batre, fraper avec des étrivières, ou tout autre fouet. _ Plus figurément encôre, dans le même style, maltraiter extrêmement, et d' une manière déshonorante.
   Rousseau, pour exprimer que le fouet des postillons frape l' air, dit qu' il lui done les étrivières. Cela ne peut être bon que dans le style comique.
   Les fouets hatifs sont déployés,
   Qui, de cent diversses manières,
   Donnent à l' air les étrivières.

ÉTROIT


ÉTROIT, OITE, adj. ÉTROITEMENT, adv. [É-troa, troa-te, teman: 1re é fer. 3e e muet.] Plusieurs prononcent étrè, étrè--te, étrèteman. Richelet veut qu' on prononce de la sorte, mais il se contredit; car à étroitement, il dit, prononcez étroitement. Brébeuf écrit étrète, et le fait rimer avec des noms terminés en ète, ou aite.
   Il suit en indompté des ardeurs indiscrètes,
   La terre dans son coeur a des bornes étrètes.
Âilleurs il le fait rimer avec faite, participe du v. faire, en lui conservant son ortographe ordinaire.
   Donc, si tu te souviens de l' alliance étroite
   Que doit, le Grand Pompée, entre nous avoir faite.
   La Fontaine écrit aussi étrète, et le fait rimer avec belette. La plupart de ceux qui prononcent l' è moyen, ne laissent pas de l' écrire avec la dipht. oi: mais cette prononciation ne vaut rien, même dans la conversation.
   ÉTROIT, au propre, qui a peu de largeur: chemin étroit, rue étroite, habit étroit, robe trop étroite, etc. = Au fig. génie étroit, esprit étroit, et proverbialement front étroit, crâne étroit, génie, esprit de peu d' étendûe, homme qui a peu de jugement. = En morale, il se dit par oposition à relâché. "Droit étroit; étroite défense, étroite observance. "Conscience étroite, le chemin étroit, la voie, la porte étroite. "Les mondains, les ambitieux... donent de l' importance aux moindres objets. En ce genre, les Grands ont l' âme plus étroite que le simple peuple. P. Berthier. "Il n' y a rien de si étroit que le coeur d' un scrupuleux. Id. = À~ l' étroit, adv. Dans un espace étroit. "Logé à l' étroit. _ "Être à l' étroit, réduit à l' étroit, vivre à l' étroit, être pauvre.
   Rem. Au masculin, étroit aime à suivre. M. Racine le fils, dit de la raison, qu' elle,
   Pour vouloir tout aprendre, ôsa d' un pas rebelle,
   Sortir du cercle étroit que Dieu trace autour d' elle.
   Au féminin, il peut précéder élégamment. "Le retranchement du superflu, et l' étroite mesure du nécessaire, caractérisent l' état religieux. _ Il y a même des ocasions où il doit, selon l' usage, marcher devant; l' étroite observance, étroite défense, et non pas observance étroite, défense étroite. Il y en a d' aûtres où il doit toujours marcher après, comme la conscience étroite, la voie étroite, et non pas l' étroite voie, l' étroite conscience.
   ÉTROITEMENT, adv. À~ l' étroit. "Logé étroitement. = Extrêmement. "Étroitement uni. = À~ la rigueur: "S' atacher étroitement à la règle. = Expressément. "On lui a étroitement défendu, enjoint étroitement de faire, etc.

ÉTRONÇONER


ÉTRONÇONER, v. act. [Étron-soné: 1re et dern. é fer. 2e lon.] Couper la tête à un arbre.

ÉTUDE


ÉTUDE, s. f. ÉTUDIER, v. act. et n. ÉTUDIANT, s. m. [1reé fer. ie et ian font deux syllabes dans le discours soutenu; en conversation où la prononciation est plus rapide, ils n' en forment qu' une.] Ménage prétend qu' étude est masculin, dans la signification de travail, et féminin dans celle de cabinet. Ce mot n' a plus que ce dernier genre, dans quelque sens qu' on l' emploie. _ Malherbe et les Auteurs de son temps l' ont fait masculin.
   Et mentiront les prophéties
   De tous ces visages pâlis,
   Dont le vain étude s' aplique
   À~ chercher l' an climatérique
   De l' éternelle fleur des lys.
   On dit constamment aujourd'hui, la vaine étude.
   I. ÉTUDE, 1°. Travail, aplication d' esprit pour aprendre les sciences, les lettres, les arts. S' adoner, s' apliquer~ à l' étude. "Faire une étude particulière de la Géométrie, de l' Histoire, etc. _ "Il a fait ses études, il a étudié en Grammaire, en Rhétorique, en Philosophie. "Il a fait de bones études, il a étudié avec choix et avec succês. = 2°. Conaissances aquises par l' aplication de l' esprit. "Il a de l' étude, il n' a point d' étude, C' est un homme sans étude. = 3°. Il se dit par extension de toute autre chôse que des sciences. "La bonne chère est toute son étude. "Il y met toute son étude; il en fait toute son étude. "Il mettoit toute son étude à ne montrer, à n' avoir, à n' être rien de faux. Mascaron.
   Rem. 1°. Être dans l' étude, pour étudier est une expression de Fontenelle, assez particulière, et qu' on n' imiterait peut-être pas avec succês. "Un homme, tel que M. Leibnitz, qui est dans l' étude de l' Histoire, en sait tirer de certaines réflexions générales, élevées au-dessus de l' Histoire même.
   2°. Dans l' Année Littéraire, on doute que l' étude des livres soit français, quand on ne met pas en contraste l' étude des hommes. En efet, on n' étudie pas les livres, mais ce qui est contenu dans les livres.
   ÉTUDE se dit aussi du lieu, dans lequel un Procureur, ou un Notaire travaillent; et du dépôt des minutes et des papiers qu' ils conservent.
   II. ÉTUDIER, 1°. Apliquer son esprit, travailler pour aprendre les sciences, etc. "Étudier l' Écriture-Sainte, la natûre, un Auteur, l' Architectûre, l' Histoire, la Navigation. _ Et neutralement, sans régime. "Il étudie nuit et jour. "On ne devient point savant sans étudier. _ Ils ont étudié ensemble: Ils ont été ensemble au colège. Voy. APPRENDRE. = 2°. Tacher de mettre dans sa mémoire, aprendre par coeur. "Etudier une harangue, un sermon. = 3°. Observer avec soin l' humeur, le caractère d' une persone. "Étudier les hommes. "J' ai bien étudié cet homme-là et je le connois bien. = 4°. S' étudier, s' apliquer à... Il s' étudie à plaire. "Il ne s' étudie qu' à faire du mal.
   Rem. Quelques-uns écrivent au futur et au conditionel, j' étudirai, j' étudirais, au lieu de j' étudierai, j' étudierais, etc. Les Poètes ont ce droit là; mais en prôse, quoique l' e muet ne se prononce pas, l' usage veut qu' on l' écrive.
   * Mascaron fait régir à étudier, neut. la prép. à devant l' infinitif, qui est le régime du réciproque s' étudier. "C' est ici que V. A. R. étudiera à se désabuser par religion, de l' amour de cette éclatante grandeur. _ Le mot propre était là aprendre. "Aprendra à se désabuser, etc.
   ÉTUDIÉ, ÉE, adj. Feint, afecté. "Joie, douleur étudiée. "Manières étudiées. Il est étudié. "Entre nous et cette lumière, la cupidité met tant de préjugés, tant de fausses maximes, qu' elle ne vient à nous qu' altérée par des doutes étudiés. Neuville. = Fait avec soin, bien travaillé, fini. "Tableau fort étudié, trop étudié.
   III. ÉTUDIANT, s. m. Écolier qui étudie. "Un étudiant en Droit, en Médecine. "Il y a six mille Etudians dans cette Université.

ÉTUDIOLE


ÉTUDIOLE, s. fém. Petit cabinet à plusieurs tiroirs, qui se place sur une table, et où l' on serre des papiers d' étude, ou aùtre chôse.

ÉTUI


ÉTUI, s. m. [1re é fer. é-tui.] Envelope, boite qui sert à mettre, à porter, à conserver quelque chôse. "Étui de chapeaux. Etui à peigne; étui de ciseaux, de couteaux. Etui de violon, de basse, etc. = On le dit, figurément, dans le style plaisant, d' un endroit où l' on est renfermé, d' un habit, d' un cabinet, d' une voitûre.
   À~ la fin leur fureur s' arrête.
   Et moi, non sans bosse à la tête,
   Avec quelque secours d' autrui,
   Je sors de mon maudit étui.
       Rousseau.
C. à. d. du carrosse qui avait versé. = On dit, proverbialement, d' un homme fort laid, que c' est un visage à étui, pour dire qu' il faut le cacher.

ÉTURGEON


ÉTURGEON: Voy. ESTURGEON.

ÉTUVE


ÉTUVE, s. f. [1re é fer. 3e e muet.] Lieu qu' on échaufe afin d' y faire suer. "Chaud comme une étuve. _ On le dit le plus souvent au pluriel. Aller aux étuves. "Les étuves sont bones pour ce mal là.

ÉTUVÉE


ÉTUVÉE, s. f. [1re et 3e é fer.] Il se dit, et d' une manière de cuire des viandes; mettre du veau, une carpe à l' étuvée; et des viandes même cuites de la sorte. "Une étuvée de pigeoneaux.

ÉTUVEMENT


ÉTUVEMENT, s. m. ÉTUVER, v. act. [Etuveman, vé: 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au second.] Etuvement est l' action d' étuver, de laver, en apuyant doucement, une plaie, une partie malade.

ÉTUVISTE


ÉTUVISTE, s. m. Qui tient bains et étuves. On dit à présent Baigneur.

ÉTYMOLOGIE


ÉTYMOLOGIE, s. f. ÉTYMOLOGIQUE, adj. ÉTYMOLOGISTE, s. m. [1re é fer. dern. e muet.] L' étymologie, est l' origine, la source des mots, d' où ils sont dérivés. Étymologique, qui apartient à l' étymologie. "Dictionaire étymologique. _ Étymologiste, qui s' aplique à trouver les étymologies. _ Trév. met aussi étymologiser, mais celui-ci est un mot forgé peu heureûsement.
   REM. L' étymologie est aux mots ce que la généalogie est pour les familles: on doit la respecter sans doute, mais non pas en esclâve. Elle a embarrassé la langue de beaucoup de lettres inutiles, dont il est à souhaiter qu' on la débarrasse peu à peu. Voy. ORTHOGRAPHE.

EU


EU: Diphtongue, qui ne forme qu' un son unique. Les Allemands la prononcent comme ai: freund, fraind; les Anglais comme iu; Europe, iurope. Ce n' est pas ainsi qu' ils doivent prononcer en français. Les premiers doivent faire soner eu comme ils font leur o surmonté d' un e ou de deux points moyens, et les Anglais comme l' u dans nitimur. Les Italiens et les Espagnols n' ont point de son correspondant dans leurs Langues. = Les Gascons l' apliquent mal: ils prononcent eu pour u, et u pour eu: ils prononcent peur comme pur, et pur comme peur. L. T.
   EU, prétérit d' avoir; j' ai eu, tu as eu, etc. n' est qu' une syllabe, qui se prononce comme un u. Ménage, dit qu' il n' y a que les Badauts de Paris, qui prononcent, é-u. = Malherbe écrivait toujours u, il a u, il ut. Il reprenait cependant Racan de rimer eu avec vertu, parce qu' il disait qu' on prononçait à Paris eü en deux sylabes. C' était se contredire lui-même, et aporter une mauvaise raison de sa critique. = On doit aussi prononcer, j' eus, tu eus, il eut, nous eumes, vous eutes, comme s' ils étaient écrits sans e, j' us, tu us, il ut, nou zume, vou-zute, et non pas j' eus, et encore moins j' é-us, etc.
   EU, est bref au sing. feu, bleu, jeu; long au pluriel, qui prend l' x: feux, jeux, et dans les mots terminés par cette consone, creux, je veux, etc.

ÉVACUANT


ÉVACUANT, ou ÉVACUATIF, adj. et subst. m. ÉVACUATION, s. f. ÉVACUER, v. act. [Évaku-an, atif, a-cion, évaku-é: 1re é fer. 3e lon. au 2d] Évacuer, c' est vider, faire sortir. Évacuation, c' est l' action d' évacuer, Évacuant et évacuatif sont la même chôse; qui évacûe. Ceux-ci ne se disent qu' en Médecine, des remèdes, qui font sortir du corps les humeurs peccantes. Le verbe et le substantif, outre cette signification, se disent d' une place d' où l' on fait sortir la garnison. Leur usage est borné à ces deux emplois.

ÉVADER


ÉVADER, (s' ) v. réc. [1re et dern. é fer.] Échaper, s' enfuir. Il se dit, ou absolument et sans régime. "Il s' est évadé; ou avec la prép. de: "Il s' évada de Londres. Hist. d' Angl.
   S' évader, s' échaper, s' enfuir: (synon.) Ces mots difèrent en ce que s' évader se fait en secret, s' échaper supôse qu' on a déjà été pris, ou qu' on est près de l' étre; s' enfuir ne supôse aucune de ces conditions. _ On s' évade d' une prison, on s' échape des mains de quelqu' un; on s' enfuit après une batâille perdûe. (Encycl.) Beauzée, synon.

EVAGATION


EVAGATION, s. f. [évaga-cion: 1reé fer.] Terme de dévotion. Suite de distractions. "Évagation d' esprit. _ Le Dict. de Trév. le met et cite Pomey. Dans le Rich. Port. on dit que dans le sens moral, c' est une manière d' agir sans principe. L' Acad. le définit, action de marcher comme au hasard, sans route certaine et sans terme connu. Elle ajoute qu' il ne se dit guère que dans le sens moral. Elle ne done point d' exemple. _ Ce mot est peu usité, excepté chez les Ascétiques.

ÉVALTONER


ÉVALTONER, (s' ) v. réc. style familier. Prendre des airs trop libres. "Jeune homme vous vous évaltonez; ou abuser de ses forces: "vous vous évaltonez trop pour un homme, qui relève de maladie.

ÉVALUATION


ÉVALUATION, s. f. ÉVALUER, v. act. [Évalu-a-cion, lu-é: 1reé fer. _ Devant l' e muet, l' u est long, j' évalûe, il évalûe. Au futur et au conditionel, cet e muet ne se prononce pas, il évaluera, il évaluerait, etc. Prononcez comme s' il était écrit, évalûra, évalûrè; en 4 syllabes.] Apréciation. Aprécier, réduire à un prix certain. "L' évaluation des pertes et domages. "Évaluer une charge à vingt-mille écus; ou avec le seul régime absolu. "L' évaluer vingt mille écus. Combien l' évaluez-vous? et non pas à vingt mille, à combien, etc.

ÉVANGÉLIQUE


ÉVANGÉLIQUE, adj. ÉVANGÉLIQUEMENT, adv. [Évangelike, likeman: 1re et 4eé fer. 2e lon 5e e muet.] Évangélique, qui est de l' évangile. "Doctrine, Prédicateur évangélique. _ Qui est selon l' Évangile: "Prêcher d' une manière évangélique: "Vivre évangéliquement. Prêcher évangéliquement.

ÉVANGÉLISER


ÉVANGÉLISER, v. act. et n. ÉVANGELISTE, s. m. [évangélizé, liste: 1re et 3e é fer. 2e lon. dern. é fer. au 1er, e muet au 2d.] Évangéliser, c' est prêcher l' évangile. "Évangéliser les paûvres, les gentils, les Nations. = Évangéliste, l' un des quatres Écrivains sacrés, qui ont rédigé par écrit la Vie et la Doctrine de J. C. _ Au Palais, on done ce nom au Conseiller, qui tient l' inventaire d' un procès, pendant que le Raporteur lit les pièces. _ Dans une compagnie littéraire, celui qui est nommé pour être témoin et inspecteur d' un scrutin.
   REM. 1°. Évangéliser, n' est pas fort ancien dans la Langue. Il y a plusieurs verbes de cette terminaison, dit, à la fin du siècle passé, l' Auteur des Réflexions, etc. qu' on a pris plaisir à faire et qui sont très-usités, comme catoliser, franciser, latiniser, tranquilliser. De tous ceux là tranquilliser est le plus en usage. Catoliser et franciser ne se troûvent point dans le Dict. de l' Acad. Le 1er est inusité. Le 2d est dans Danet, et il est en usage.
   2°. Mascaron emploie évangéliser neutralement et dans un sens, qui n' est pas ordinaire. "Voilà un grand coeur, qui ne peut se résoudre à rien devoir qu' au Dieu du ciel et de la terre, et qui évangélise avant l' évangile même. Il parle d' Abraham, et il veut dire qu' il suivait l' évangile avant que l' évangile parût. _ L' Acad. marque ce verbe neutre, mais dans le sens de prêcher l' évangile. "St. François Xavier a évangelisé dans le Japon.

ÉVANGILE


ÉVANGILE, s. m. [1re é fer. dern. e muet.] Plusieurs veulent que ce mot soit masc. quand il signifie tout le corps d' un Évangile, comme. "L' Évangile de St. Marc est le plus court de tous; et qu' il soit fém. quand il signifie la partie d' un évangile qu' on lit à la Messe. "On en est à la premiere Évangile. _ L' Acad. a aparemment regardé cette distinction comme frivole, puisqu' elle met ce mot toujours masculin. "Le premier évangile est dit. = Du temps de Boileau on faisait indiféremment évangile, dans le 1er sens, de l' un et de l' aûtre genre.
   L' Évangile, au Chrétien ne dit en aucun lieu,
   Sois dévot: Elle dit, etc.
Aujourd'hui, il faudrait dire: il dit, etc.
   On dit, d' un évènement nouveau, et dont tout le monde s' entretient, que, c' est l' évangile du jour. "Ne faites jamais de scrupule de me parler des évangiles du jour, dont on a la tête pleine. Sév. Souvent pourtant ces évangiles du jour ne sont pas paroles d' évangile. _ On dit d' un menteur, que ce qu' il dit n' est pas mot d' évangile. On le dit aussi des chôses, qui sans être faûsses ne méritent pas le même respect que l' Evangile, et qu' on peut contredire sans conséquence. "Je ne croyois pas, dit Huet, que tout ce qu' a dit Longin fussent mots d' évangile, qu' on ne put contredire sans audace. _ Rousseau et Gresset l' ont dit de la médisance et des propôs gaillards.
   Un homme, à table, exerce ses discours
   Sur quelque intrigue ou conte de la ville,
   Qui bien souvent n' est pas mot d' évangile.
       Rouss.
  L' oiseau surpris n' entendoit point leur style,
  Ce n' étoit plus paroles d' évangile...
  Mais des gros mots, et non des plus chrétiens.
      Ververt.
On dit encôre d' un homme trop crédule. "Il croit cela, il croit tout, comme l' évangile.

ÉVANOUïR


ÉVANOUïR, (s' ) v. réc. ÉVANOUïSSEMENT, s. m. [Éva-nou-i, nou-iceman: 1re é fer. 5e e muet.] Je m' évanouïs, tu t' évanouïs, il s' évanouït; nous nous évanouïssons, vous vous évanouïssez; ils s' évanouïssent. Je m' évanouïssais; je m' évanouïs; nous nous évanouïmes, vous vous évanouïtes; ils s' évanouïrent. Je me suis évanouï, etc. Je m' évanouïrai; je m' évanouirais. Que je m' évanouïsse, (bon pour le prés. et l' imparf.) s' évanouïssant;évanouï, ie. = 1°. Tomber en défaillance; en parlant des personnes. "En aprenant la mort de son mari, elle s' évanouït. = 2°. Disparaitre, en parlant des chôses. "La gloire du monde s' évanouït en un moment. _ S' évaporer. "Mon espoir s' est évanouï en fumée; il s' évanouït dans ses idées. "Toutes ces belles espérances se sont évanouïes.
   REM. * M. Tissot emploie évanouïr neutre au lieu du réciproque s' évanouïr. "Le malade est excessivement abatu, évanouïssant (s' évanouïssant) fréquemment. Avis au Peuple, etc. Il avait pris cette expression à Montpellier, où l' on dit, ainsi que sur les bords de la Garonne. "Je faillis hier évanouïr. "Je crus qu' elle allait évanouïr. C' est un gasconisme. Il faut dire, m' évanouïr, s' évanouïr.
   Évanouïssement, ne se dit que dans le 1er sens du verbe. "Défaillance. Tomber dans un évanouissement. "Elle est revenûe de son évanouïssement. _ On ne dit point, l' évanouïssement de la gloire, des espérances, etc.

ÉVANTAIL


ÉVANTAIL, ÉVANTER. Voy. ÉVENTAIL, ÉVENTER.

ÉVAPORATION


ÉVAPORATION, s. f. s' ÉVAPORER, v. réc. [évapora-cion, évaporé: 1re é fer. dern. é aussi fer. au 2d.] S' évaporer au propre, c' est se résoudre en vapeur. "L' esprit de vin s' évapôre aisément. = Au figuré. "Il s' évapôre en vaines idées, en chimères, en imaginations, en menaces. "Ce jeune homme comence à s' évaporer, à se dissiper. = Il est quelquefois actif. "Evaporer son chagrin, sa bile; les soulager par des plaintes, des reproches, des menaces.
   Évaporé et Évaporation se disent au propre et au figuré. "Liqueur évaporée. Esprit évaporé; tête évaporée. Jeune homme évaporé. _ S. m. "C' est un évaporé. = L' évaporation de l' eau, des liqueurs. "Il y a de l' évaporation (de la légèreté d' esprit) dans son fait. Acad.
   REM. * Bouhours pensait qu' évaporation n' était usité que dans le propre, et qu' on ne dit pas l' évaporation de l' esprit, comme on dit, un esprit évaporé. L' Acad. dit au contraire qu' il est aussi d' usage au figuré. = * Le P. Rapin done à s' évaporer le sens de, avoir de la vanité, penser avantageûsement de soi-même. "Homme profond et savant, qui, bien loin de s' évaporer, a assez de modestie pour se défier de ses lumières. _ Il n' est pas usité en ce sens.

ÉVASER


ÉVASER, v. act. [évazé: 1re et dern. é fer. _ Devant l' e muet, l' a est long: il évâse, évâsera, etc.] Rendre une ouvertûre plus large. "Evaser un tuyau trop étroit. "Verre trop évasé. "Des genouillères de bottes trop évasées.

ÉVASION


ÉVASION, s. f. [éva-zion, en vers zi-on: 1re é fer.] Action par laquelle on s' évade. "Favoriser l' évasion d' un prisonier.

ÉVASIVEMENT


*ÉVASIVEMENT, adv. ANGLICISME. "Il répondit évasivement. (en éludant la dificulté.) Journ. de Gen. _ C' est la traduction trop littérale du mot anglais Shiftingly.

EUCHARISTIE


EUCHARISTIE, s. f. EUCHARISTIQUE, adj. [Eu-karisti-e, tike: 4e lon. au 1er, dern. e muet.] Le Sacrement du Corps et du Sang de N. S. J. C. "Le Mystère, le Sacrement de l' Eucharistie. "Recevoir l' Eucharistie. Adorer J. C. dans l' Eucharistie. = Eucharistique: "Les espèces eucharistiques. Il n' a guère d' usage que dans cette phrâse. _ L' Acad. ne le met pas: c' est un oubli.

EVE


EVE. La pénult. est longue et l' ê ouvert dans trêve, grêve, il rêve, et cette pénult. demeure longue dans tous les temps de ce verbe, je rêvais, il rêva, rêvant, etc. _ douteûse dans fève, brève, il achève, il crève, il se lève, [è moy.] et cette pénult. devient muette et brève, quand elle est suivie d' une syllabe masculine. "Achever; il se leva, il creva.

ÉVêCHÉ


ÉVêCHÉ, ÉVêQUE, s. m. [Évêché, évêke: 1reé fer. 2e ê ouv. 3e é fer. au 1er, e muet au 2d. On faisait aûtrefois Évêché, Archevêché féminins. Ils sont à présent constamment masculins.] Évêque, Prélat du premier ordre dans l' Eglise, chargé de la conduite d' un Diocèse. = Evêché, se dit, et du district d' un Diocèse sujet à un Évêque. "Il fait la visite de son Evêché. "Cet Evêché est fort étendu. Acad. (En ce sens on dit plutôt Diocèse), et de la dignité épiscopale: "Prétendre à l' Évêché; et du siège épiscopal: "Cette ville a été érigée en Évéché. "Depuis peu Nanci est un évêché; et surtout du Palais où demeure l' Évêque: "Il est logé à l' Évêché.
   On dit, proverbialement, se débatre de la chape à l' Évêque, contester sur une chôse, où l' on n' a point d' intérêt. = On a dit d' abord, d' Évêque devenir aumonier, puis par corruption on a dit meûnier, passer d' une belle charge à une charge inférieure. = On dit encôre: un chien regarde bien un Évêque; pour dire qu' une persone de basse condition peut se présenter devant un grand Seigneur.

ÉVEIL


ÉVEIL, s. m. ÉVEILLER, v. act. [mouillez l' l finale du 1er, et les deux ll de l' aûtre: 1re é fer. 2e é fer. aussi au 2d. é-veil: évéglié, 3e é fer. Devant l' e muet, le 2d e devient moy: il éveille, éveillera, etc. pron. évè-glie, évè-gliera.] Éveil, est l' avis qu' on done à quelqu' un d' une chôse qui l' intéresse; et à laquelle il ne pensait pas. "C' est lui, qui m' en a doné l' éveil. Acad. "C' est moi, qui donai l' éveil à nos Astronomes. (sur une comète qui paraissait) Marm. "La difficulté étoit d' empêcher que les premières compagnies, qui se présenteroient en armes, ne donnassent l' éveil aux Bourgeois. L' Ab. Garnier, Hist. de Fr. _ * Éveil, pour insomnie est un provençalisme. "J' ai eu un grand éveil cette nuit.
   Eveiller, faire cesser le sommeil. "Le moindre bruit m' éveille. = Au figuré, rendre plus vif, plus agissant. "Il est mélancolique: il lui faudrait quelque chôse, qui l' éveillât un peu. = S' éveiller, cesser de dormir. "Il s' éveilla en sursaut. "On emporterait la maison, qu' il ne s' éveillerait point.
   Éveiller, Réveiller. La plupart des Auteurs confondent ces deux verbes dans le propre. Cependant, dit Bouhours, il semble qu' ils ne signifient pas tout-à fait la même chôse. Le 1er se dit proprement par raport à une heure réglée; le 2d par raport à un tems extraordinaire. "Son valet l' éveille tous les matins à 5 heures. "Il ne s' est éveillé que fort tard. "M. Le Prince vouloit qu' on le réveillât toutes les fois qu' il arrivoit un courrier. "Un grand bruit m' a réveillé en sursaut. _ On voit, par ces exemples, qu' éveiller va à ce qui est doux, ordinaire, naturel; au lieu que réveiller emporte quelque chôse d' irrégulier et de subit. Bouh. _ L' Acad. n' a pas goûté cette distinction, qui parait juste: elle ne met point de diférence entre ces deux verbes. = Suivant l' Ab. Girard, Éveiller, est d' un usage plus fréquent dans le sens litéral, et réveiller dans le sens figuré. L' un se fait quelquefois sans le vouloir; l' aûtre marque ordinairement du dessein. "Le moindre bruit éveille ceux, qui ont le someil tendre. "Il faut peu de chôse pour réveiller une passion, qui n' a pas été parfaitement déracinée du coeur. Voy. les SYNONYMES FRANÇOIS de M. l' Ab. Roubaud.
   Depuis quelque temps, on emploie plus fréquemment éveiller au figuré. On éveille les chôses, comme les persones. M. de Lille dit, dans les Georgiques, que l' Auteur de la Natûre n' acordant ses fruits qu' à nos soins vigilans,
   Voulut que l' indigence éveillât les talens.
"Le mérite comence par éveiller l' envie, mais il peut toujours la désarmer par la modération et la modestie. Mme. de Genlis.

ÉVEILLÉ


ÉVEILLÉ, ÉE, adj. Gai, vif. "Vous êtes bien éveillé aujourd'hui. "Il a l' esprit éveillé, les yeux éveillés. _ En style proverbial: "Il est éveillé comme une potée de souris. = Ardent: "Il est fort éveillé sur ses intérêts. = Femme fort éveillée, coquette. = Subst. "C' est un éveillé, c' est une petite éveillée.

ÉVèNEMENT


ÉVèNEMENT, s. m. [Evèneman: 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet.] 1°. L' issûe de quelque chôse. "L' évènement d' un procès, d' une afaire. "Je ne réponds pas de l' évènement. "Vous chargez-vous de l' évènement, etc. = À~ tout évènement, adv. À~ tout hasard, quoiqu' il arrive. = 2°. Aventûre remarquable. "Ce Règne est plein d' évènemens. "Cette histoire est remplie d' évènemens extraordinaires.
   Evènement, Accident, Aventûre. (Synon.) Le 1er est le mot convenable pour les faits, qui concernent l' État ou le Gouvernement; le 2d se dit de ce qui arrive de fâcheux, soit à un seul, soit à plusieurs particuliers: aventûre, dit quelque chôse de plus personel et tient plus du bonheur que du malheur. _ Il semble aussi que le hazard a moins de part dans l' idée d' évènement, que dans celui d' accident et d' aventûre. Les révolutions d' état sont des évènemens: les chûtes d' édifices sont des accidens: ce que les jeunes gens apellent (si mal à propôs) de bonnes fortunes, sont des aventûres. "La vie est pleine d' évènemens, que la prudence ne peut prévoir. "La plupart des accidens n' arrivent que par défaut d' atention. "Il est peu de gens, qui aient vêcu dans le monde, sans avoir eu quelque aventûre. GIR. Synon.

ÉVENT


ÉVENT, s. m. [Évan: 1reé fer. 2e lon.] Mauvais goût d' un aliment ou d' une liqueur, qui comence à s' altérer. "Jambon, lard, vin, qui sent l' évent. "Ce vin a de l' évent. = Mettre à l' évent, c' est au contraire, mettre à l' air. "Au Lazaret, on met les marchandises à l' évent. = Doner de l' évent à un muid de vin, y doner de l' air, en faisant une petite ouvertûre par en haut. = Figurément, (style plaisant et critique) Tête à l' évent, homme étourdi et léger. "C' est une tête à l' évent: il a la tête à l' évent. _ * Quelques uns disent, au vent, mais mal.

ÉVENTAIL


ÉVENTAIL, s. m. [Évantail: 1re é fer. 2e lon. mouillez l' l finale.] Ce qui sert à éventer. On le dit surtout d' un papier, ou d' un tafetas étendu sur de petits bâtons plats, qui se replient les uns sur les aûtres, et dont on se sert pour s' éventer. = En termes de Jardinier, tâiller un arbre en éventail, c' est lui en doner la forme.

ÉVENTâILLIER


ÉVENTâILLIER, ÉVENTâILLISTE, s. m. [Evantâ-glié, gliste; 1re é fer. 2e et 3e lon. Mouillez les ll.] Dans le Dict. Gram. on dit que le 1er se dit de celui qui fait les éventails; et le 2d, de celui qui les vend. L' Acad. ne dit que le 2d dans ces deux sens. Le Dict. de Trév. écrit Éventalier, et renvoie à eventailliste.

ÈVENTÉ


ÈVENTÉ, ÉE, adj. et s. [Evanté, té--e; 1re et 3e é fer. 2e lon.] Qui a la tête légère, qui est évaporé, étourdi. "Homme bien éventé. "Femme bien éventée. "C' est un éventé, une jeune éventée.

ÉVENTER


ÉVENTER, v. a. ÉVENTOIR, s. masc. [Evanté, toar; 1re é fer. 2e lon.] Éventer, c' est 1°. Doner du vent en agitant l' air avec un éventail. "Il a un domestique, qui l' évente quand il dîne. "S' éventer pour se rafraîchir. = 2°. Exposer au vent, à l' air. "Il faut éventer ce meuble. = 3°. Doner de l' air. "Eventer une mine, et par-là la rendre inutile. = 4°. On dit, au figuré, éventer un dessein, un secret: et proverbialement, dans le même sens, éventer la mine, découvrir une afaire secrète et la faire échouer.
   ÉVENTOIR, sorte d' éventail fait grossièrement, servant principalement aux cuisiniers pour allumer les charbons.

ÉVENTRER


ÉVENTRER, v. a. [Èvantré: 1re et dern. é fer. 2e lon.] Fendre le ventre d' un animal, pour en tirer les boyaux. = S' éventrer, se rompre quelque partie vers le ventre, par quelque éfort, ou à force de crier. _ Figurément et bassement, faire les derniers éforts.

ÉVêQUE


ÉVêQUE. Voyez ÉvêCHÉ.

ÉVERSION


ÉVERSION, s. f. [Evêrsion, en vers, ci-on: 1re é fer. 2eê ouv.] Ruine, renversement d' une Ville, d' un État. On dit, dans le Dict. Gram. que ce mot est peu usité. L' Acad. le met sans remarque.

ÉVERTUER


ÉVERTUER (s' ) v. réc. [Evêrtu-é: 1re et dern. é fer. 2e ê ouv. Devant l' e muet l' u est long; il s' évertûe. Au futur et au conditionel cet e muet ne se pron. pas. Il s' évertuera, s' évertuerait. Pron. évertûra, tûrè.] Prendre courage, s' exciter, s' éforcer, pour se porter à quelque chose de louable. "Prenez courage, évertuez-vous. "Il s' est évertué, pour se tirer de la misère où il était.

ÉVIDEMMENT


ÉVIDEMMENT, adv. ÉVIDENCE, s. f. ÉVIDENT, ENTE, adj. [Evidaman, dance, dan, dante: 1reé fer. 3e lon. excepté au 1er.] Évident est ce qui est clair, manifeste. Evidence, qualité de ce qui est évident. Évidemment, d' une manière évidente. "Cela est évident. "Vérité, preuve, fausseté évidente. "L' évidence d' une proposition, d' une vérité, d' une faûsseté. "Cela paraît évidemment, avec évidence. _ Mettre en évidence, faire conaître clairement. _ Être en évidence, paraître, se montrer. M. Marmontel dit des femmes; "Il n' y a que leurs vices qui éclatent: et la folie d' une seule fait plus de bruit que la sagesse de mille aûtres. Ainsi le mal est en évidence, et le bien reste enseveli.
   Rem. En Anglais, Evidence signifie témoin. Le Traducteur du Procès de Charles I. se sert en français de ce mot dans le même sens: c' est un anglicisme grossier. _ * M. Targe, Traducteur de Smollet, dit aussi: "Il soutint qu' il n' y avoit contre lui aucune évidence (preuve par témoins), mais seulement, des conjectures et des oui-dire.

ÉVIER


ÉVIER, s. m. [É-vié: 2 é fer.] Conduit par où s' écoulent les lavûres d' une cuisine.

EUIL


EUIL est toujours bref. Seuil, fauteuil, etc. Mouillez l' l finale. Voyez EUL.

EUILLADE


EUILLADE, voyez OEILLADE. _ C' était l' ortographe de Malherbe et de plusieurs Auteurs de son temps.

ÉVITABLE


ÉVITABLE, adj. ÉVITER, v. act. [1re é fer. 3e dout. au 2d.] Évitable, qui peut être évité. L' Acad. ne le condamne pas, mais elle dit qu' il est peu d' usage. Nous avons plusieurs mots composés, qui sont très-usités, quoique les simples ne le soient pas: comme inexorable, implacable, irréconciliable, insatiable, indubitable, inéfable, immanquable, inévitable, etc. Bouhours.
   ÉVITER, Esquiver, fuir quelque chôse de nuisible ou de désagréable. "Éviter les périls, les écueils, le combat, les ocasions, les querelles, etc. Éviter les mauvaises constructions, les équivoques, en écrivant, etc. = Il régit de et l' infinitif: éviter de se comettre, de déplaire, etc. ou que, avec le subjonctif, précédé de la partiucle ne: "Henri voulut éviter que Louis ne prît parti dans la querelle.
   Rem. Plusieurs, dit Vaugelas, font régir le datif à éviter, et disent, éviter aux inconvéniens. Il faut dire en ce sens, obvier. _ Ce régime ne vaut rien quand il est seul, mais il est bon, comme régime relatif de la persone "Le lapin évite par--là à ses petits les inconveniens du bas âge. Bufon. "Je veux vous éviter l' ennui de trouver cet homme maussade. Marm. Alors il signifie épargner, et il en a les régimes. L' Acad. ne le met pas en ce sens. Ce peut être un oubli.

EUL


EUL est toujours bref: tilleul, etc. = Nos anciens écrivaient eul pour oeil, et ils prononçaient pourtant euil. Ils écrivaient de même deul, orgueul, cercueul, etc. quoiqu' ils prononçassent deuil, orgueuil, cercueuil, etc. et c' est de-là que le fameux Poète Santeuil signait toujours Santeul, parce que sa famille n' ayant jamais signé autrement, il ne voulait pas changer. La Monn.

EULE


EULE, long dans meûle et veûle, bref dans les aûtres, seule, gueule, etc.

EUNE


EUNE, long dans jeûne, (abstinence) bref dans jeune (qui n' est pas vieux.)

EUNUQUE


EUNUQUE, s m. Châtré. Il ne se dit que des hommes.

ÉVOCABLE


ÉVOCABLE, adj. ÉVOCATION, s. f. ÉVOQUER, v. a. [Evokable, kacion, ké; 1re é fer. 3e dout. au 1er.] Evocable, qui se peut évoquer. Il n' est d' usage qu' au Palais. Évocation et évoquer expriment, 1°. l' action d' apeler, de faire venir à soi, en parlant des âmes, des esprits. "L' évocation des démons, des ombres "Évoquer les esprits, les âmes des morts, les démons. Le Peuple croit que les prétendus Nécromanciens ont ce pouvoir. = 2°. L' action de tirer une caûse d' un Tribunal à un aûtre. "Evocation d' une afaire, du Parlement, au Grand-Conseil. Faire évoquer d' une Chambre à une aûtre, sur parenté et alliances.

ÉVOLUER


*ÉVOLUER, v. n. ÉVOLUTION, s. f. [Évolu-é, lu-cion, en vers ci-on: 1re é fer.] Evolution, moûvement que font les Troupes pour prendre une nouvelle disposition. * Evoluer, faire des évolutions. = Ce verbe est un néologisme, sur lequel il faut atendre la décision de l' usage. "L' Armée de France s' était bien trouvée de la faculté d' évoluer. Anon.

ÉVOQUER


ÉVOQUER. Voyez ÉVOCABLE.

EUR


EUR, bref au singulier, Odeur, majeur, etc. Long au pluriel, odeurs, etc.

EURE


EURE, pénultième douteûse. Si le mot est dans le cours de la phrâse, elle est brève~. "Une heure entière, la majeure partie, etc. S' il la termine, elle est longue. "J' attends depuis une heûre: "Cette fille est majeûre.

EVRE


EVRE, Pénult. longue, soit que l' e soit fort ouvert, orfêvre, lêvre; soit qu' il soit moyen, chèvre, lièvre, etc.

EUROPÉEN


EUROPÉEN, ENNE, adj. Qui apartient à l' Europe. L' Abé du Bos, M. du Pan, et autres disent Européan. L' usage et l' Acad. les condamnent. On doit le pâsser aux poètes.
   Quel frein arrêteroit l' avidé Européan?
   Mais puisqu' il a bravé les flots de l' Océan, etc.
       La Liberté des Mers, par M Cuoeilhe.

EUX


EUX. Quelques Auteurs, comme la Monnoie, l' Abé Girard, etc. écrivent eus, ceus, curieus, merveilleus, etc. Cette ortographe est raisonable, mais l' usage y est contraire. Elle serait bone à établir. Elle simplifierait le signe du pluriel, et se raprocherait~ de la prononciation; puisque l' x final se prononce comme une s devant une voyelle.

EUX


EUX est toujours long: deux, creux, heureux, etc. L' x ne se prononce pas devant une consone. Il se prononce comme un z devant une voyelle.

EUX


EUX, pluriel du pronom personel lui. "Ils ont eu querelle entre eux. = Il ne s' emploie pas tout seul au nominatif. "Eux et leurs bestiaux soufraient également de la famine. Hist. d' Angl. Il falait: Ils soufraient de la famine, eux et leurs bestiaux. Voyez IL et ELLE. = Il n' est guère usité non plus au génitif: d' eux. On se sert, en sa place, du pronom possessif leur, leurs. Au lieu de dire: "Ils l' avoient employé (ce pouvoir) à l' agrandissement d' eux et de leur famille. Ibid. Dites, à leur agrandissement et à celui de, etc.

EX


EX devant une voyelle. a le son de egz; devant une consone, celui de eks ou ekc. Exagérer, exciter: pron. ègzagéré, ex--cité: 1re è moy.

EX


EX, préposition empruntée du latin, qu' on met quelquefois devant des noms substantifs, pour marquer la profession qu' on a quitée. "Ex-Professeur, Ex-Recteur, Ex-Jésuite, Ex-Oratorien, etc.

EXACT


EXACT, EXACTE, adj. EXACTEMENT, adv. [Ègzak, zakte, zakteman; 1reè moy. 3e e muet.] Exact se dit des persones et des chôses qui ont raport à la persone. "Il est fort exact, régulier, ponctuel, soigneux. "Récit, compte exact. "Exacte perquisition, relation exacte. = Exactement, d' une manière exacte. "Suivre exactement les ordres qu' on nous done.
   Rem. 1°. Exact régit à devant les noms et les verbes: Exact à tous ses devoirs: "Exact à payer, à tenir sa parole, etc.
   2°. Exactement est un des mots à la mode. On en fait une selle à tous chevaux, et on lui done toute sorte de significations. "Cela est exactement vrai. "Leurs vaches meurent exactement de faim. "Conjecture exactement ingénieuse. "L' Auteur sembloit exactement se jouer avec les grâces. Journ. de Mons. _ C' est un vrai abus des termes.

EXACTEUR


EXACTEUR, s. m. EXACTION, s. fém. [Ègzak-teur, cion, en vers, ci-on: 1re è moy.] Exaction est l' action par laquelle on exige durement plus qu' il n' est dû. Exacteur, celui qui est commis pour exiger des droits, et qui les exige avec dûreté. "Faire de grandes, d' horribles exactions. Exacteur dur, impitoyable.

EXACTITUDE


EXACTITUDE, s. f. [1re è moy.] Soin que l' on aporte pour faire exactement les chôses. "Exactitude dans les afaires. "Elle est exacte à bien prier; mais elle n' a pas autant d' exactitude à remplir ses aûtres devoirs.
   Rem. M. de Vaugelas avait vu naitre ce mot, contre qui tout le monde s' écriait; mais bientôt on s' y aprivoisa. Il en est qui voulaient dire exacteté, d' aûtres exaction: Le premier n' a pas pâssé: l' aûtre a un aûtre sens.

EXAGÉRATEUR


EXAGÉRATEUR, s. m. ÉXAGÉRATIF, IVE, adj. [Ègzagéra-teur, tif, tive, 1re è moy. 3e é fer.] Ils ont tous deux le même sens: mais le substantif se dit des persones, et l' adjectif des chôses. Qui exagère, qui amplifie. "C' est un grand exagérateur. "Josephe est long dans ses harangues, et exagérateur dans ses récits. Dic. Hist. Mde de Sévigné dit en plaisantant, exagéreuse. _ Raport exagératif

EXAGÉRATION


EXAGÉRATION, s. f. EXAGÉRER, v. act. [Ègzagéra-cion, géré, 1re è moy. 3e é fer.] Exagérer, c' est amplifier, grossir les récits, les louanges ou la satire. Exagération, hyperbole, discours qui exagère. Exagérer une victoire, l' énormité d' un crime, les défauts de ceux qu' on n' aime pas. "Discours plein d' exagération. "Cela est sans exagération. _ Dans l' Ann. Lit. On reproche à~ Rousseau le Philosophe, des exagérations de style. Plusieurs ont fait ce même reproche à M. Linguet, en rendant justice au génie et à l' éloquence de ces deux Écrivains célèbres.
   Rem. Exagéré ne se dit que des chôses. Eloge exagéré, louange exagérée. * Dans le Mercure, on le dit des persones. "Plaignons ses persécuteurs et ses admirateurs exagérés, (de J. J. Rousseau.)

EXALTATION


EXALTATION, s. f. EXALTER, v. act. [Ègzalta-cion, té; 1re è moy.] Exaltation ne se disait que du Pape; de la croix, de la foi. _ Depuis quelque temps, comme les têtes sont fort exaltées, on parle beaucoup d' exaltation de tête. "Que reste-t-il de cette subversion totale des principes? Un égoïsme impardonable, et une exaltation de tête, qui en impose au coeur, et tue le sentiment. = Exalter, c' est proprement louer, vanter, élever par le discours. "Exalter un homme qu' on estime; exalter son mérite. * Dans le sens d' élever, c' est un anglicisme. "Par le même principe qui avoit fait exalter les Apôtres de la plus vile des professions. Prévôt. Hist. des Stuarts.
   Rem. Mme. de Sévigné emploie, en badinant, exaltation, pour promotion. "Mon petit Colonel m' a écrit, et à son Oncle, pour vous doner part de son exaltation. = On le dit au figuré, du style; et il exprime le même défaut qu' exagération. "L' exaltation du style... et la pédanterie philosophique s' acordent mal avec la modeste simplicité de l' histoire. Ann. Lit. Dans le Mercûre, on dit exaltation, tout seul. "C' est encôre là de l' exaltation. = On dit aussi un esprit exalté, une imagination exaltée; mais on ne dit point un Orateur, un Poète exaltés, ni comme dit M. Linguet, des spéculateurs exaltés. Ce terme métaphorique, tiré de la chimie, ne se dit point des persones.

EXAMEN


EXAMEN, s. m. EXAMINATEUR, s. m. EXAMINER, v. act. [Ègzamène; 1re è moy. 3e è moy. aussi: l' e muet surajouté très--bref: Ègzamina-teur, né.] Examen, recherche, discussion exacte. Examiner, faire l' examen de... Examinateur, qui a la comission d' examiner. "Subir l' examen, faire l' examen de... passer à l' examen, etc. "Examiner sa conscience, un écolier, un livre, un écrit, etc. Examinateur des livres; examinateur rigoureux.
   EXAMINÉ, ÉE, adj. (style familier) usé.   "Cet habit, ce linge est bien examiné. _ On dit aussi, dans le même sens et dans le même style, s' examiner. Cet habit comence à s' examiner. Acad.

EXAMINATION


*EXAMINATION. Mot forgé peu heureusement. Nous avons examen qui a le même sens, et qui est d' un grand usage.

EXAUCER


EXAUCER, v. act. [Ègzocé; 1re è moy. dern. é fer. Devant l' e muet l' au est long: il exaûce, exaûcera, etc.] Ecouter favorablement, et acorder ce qu' on demande. Il régit les chôses et les persones. "Le Ciel a exaucé nos voeux. "Dieu a exaucé son peuple. "Si vous le priez avec confiance, il vous exaucera.

EXCAVATION


EXCAVATION s. f. [Èkskava-cion; 1re è moy.] L' action de creuser: l' excavation des fondemens; = Le creux qui se fait dans quelque terrein. "La rivière a fait en cet endroit une excavation.

EXCÉDANT


EXCÉDANT, ANTE, ou EXCÉDENT, adj. [Èkcédan, dante, 1re è moy. 2e é fer. 3e lon. _ L' Académie, le Dict. de Trév.Danet, Richelet, le Dict. d' Ortographe, écrivent excédant avec un a: mais excédent est plus conforme à l' analogie: excellent, succulent, etc. etc.] Qui excède. "Les sommes excédentes. _ S. m. "S' il se trouve plus de cinq cens livres, vous aurez l' excédent.

EXCÉDER


EXCÉDER, v. act. [Èkcédé: 1re è moy. 2e et 3e é fer. Devant l' e muet, le second e se change en è moyen: il excède, excèdera, etc.] Outre-passer, aller au-delà de... "Excéder son pouvoir. "Dette qui excède cent francs. = Traiter à l' excês soit en bien, soit en mal. "On nous a fait si bone chère, ou tant de complimens qu' on a nous excédés. "Cet homme est importun, ou grand parleur, ou râilleur: Il nous excède. Style familier, badin, ou chagrin. = Fatiguer. "Des Notaires, des contrats, des arrangemens, tout cela m' excède à périr. MARIN, Amante Ingénuë.
   Rem. Bossuet lui done le sens d' errer, tomber dans des faûtes. "On ne laisse aucun lieu à l' égarement, quand on ne pardone pas à ceux qui excèdent. C' est la traduction trop littérale de cette parole du Pape Hormisdas, que l' Auteur cite; qui non pepercerit excedenti. _ Excéder n' a pas cette signification en français.
   S' excéder régit de: "S' excéder de travail, de débauches. On dit aussi, être excédé de visites, de complimens. = Le participe est à la mode. On dit absolument. "Je suis excédé, je n' en puis plus. "Êtes-vous un peu fatiguée? Il faut être excédée, anéantie. Coyer. "Il passe sa vie sur un lit, dans un fauteuil, dans un carrosse: encôre est-il souvent excédé. Id.

EXCELLEMMENT


EXCELLEMMENT, adv. EXCELLENCE, s. fém. EXCELLENT, ENTE, adj. [Ekcéla--man, lance, lan, lante: 1re è moy. 2e é fer. 3e lon. excepté au premier. _ Richelet écrit excélenment, par une suite des mauvais principes qu' il s' était formés sur la prononciation des adverbes: il voulait qu' on prononçât la première m comme une n: elle ne se prononce point.] Excellence, degré de perfection au-dessus des aûtres. Excellent, qui excelle. Excellemment, d' une manière excellente. "L' excellence de cette méthode est conûe: "Cette musique est excellente. "Excellent Musicien, Poète, Orateur. "Excellent livre, excellent homme. "Il peint, il écrit excellemment.
   Par excellence, adv. 1°. Excellemment. "Cela est beau par excellence. = 2°. De manière que ce qui parait commun à plusieurs, soit comme le nom propre, le propre caractère d' un seul. "Le sage par excellence. "C' est donc là l' homme à la mode, l' homme aimable par excellence! Marm.
   * Leibnitz dit, dans le sens excellent, pour dire, dans le sens rigoureux. "Origène cite le livre du Pasteur parmi les livres divins, ce qu' il n' entendoit pas dans le sens excellent et rigoureux. _ C' est un latinisme scolastique.
   On dit, excellent pour: Mme. de Sévigné dit excellent à. "La morale chrétienne est excellente à tous les maux; mais je la veux chrétienne: elle est trop creûse et trop inutile aûtrement.
   Rem. Un Auteur moderne a dit: le plus excellent pour le meilleur: mais excellent étant déjà un superlatif, n' est pas susceptible de degrés de comparaison. DICT. NÉOL.
   EXCELLENCE est un titre d' honeur qu' on donne aux Ambassadeurs et à d' aûtres persones titrées. "J' ai écrit à son excellence. "J' ai exécuté les ordres de votre excellence.

EXCELLENTISSIME


EXCELLENTISSIME, adj. [Ékcélan--ticime; 1re è moy. 2e é fer.] Très-excellent. Titre de dignité, qui n' est en usage qu' en parlant des Sénateurs de Venise. On dit au Doge, Sérénissime Prince, et aux Sénateurs, excellentissimes Seigneurs. = Hors-delà, on ne le dit que dans le style familier. "Son vin est excellentissime. "Ce discours est excellentissime.

EXCELLER


EXCELLER, v. neut. [Èkcélé: 1re è moy. 2e et 3e é fer. _ Devant l' e muet, le 2d e se change en è moy. il excelle, ou excèle: excellera, ou excèlera, etc.] Avoir un degré de perfection au-dessus de... Il régit en ou dans pour les chôses, et sur ou par-dessus pour les persones. "Il excelle en poésie, en peintûre;dans tous les genres, etc. par-dessus, ou~ sur tous les aûtres, au-dessus des aûtres.

EXCEPTÉ


EXCEPTÉ, prép. [Ekcèpté: 1re et 2e è moy. 3e é fer.] Hors: à la réserve de... Quand il précède le nom, il est indéclinable. "Excepté une femme, excepté cent persones, et non pas exceptée, ou exceptées. Quand il suit les noms, il devient déclinable: "Les femmes exceptées. = Quelques-uns lui font régir de et l' infinitif. "Excepté d' en avoir un extrême besoin. Ce régime n' est pas trop sûr. L' Académîe n' en done point d' exemple. _ * D' autres font pis encôre, et y ajoutent la négative. "Excepté de n' avoir perdu le sens, on ne peut pas dire ce que vous dites. C' est un gasconisme. On doit dire, à moins que d' avoir, etc. = Pour la conjonction que, qui l' acompagne quelquefois, elle régit l' indicatif, quand excepté est pris dans son sens naturel. "Ils se ressemblent parfaitement, excepté que l' un est plus grand que l' autre: mais dans le sens d' à moins que, il régit le subjonctif. "Je vous prie de venir me voir, excepté que vous n' ayiez des afaires plus pressantes. Alors la négative ne est d' usage. _ À~ moins que est plus usité et plus sûr.

EXCEPTER


EXCEPTER, v. act. EXCEPTION, s. f. [Èkcèpté, èkcèp-cion; 1re et 2e è moyen, 3e é fer. au premier.] Ne point comprendre dans un nombre, dans une règle, etc. Il régit l' ablatif: "exceptez de cette règle les noms qui, etc. "On a mis un impôt: on en a excepté les Nobles "Ils en sont exceptés.
   EXCEPTION, l' action par laquelle on excepte. "Faire exception de... Sans exception~. Cela ne soufre point d' exception. = La maxime vulgaire dit, qu' il n' y a point de règle sans exception. Ce principe est sur--tout vrai pour les règles de la Gramaire. On dit aussi que l' exception confirme la règle. "Ce verset du Lévitique est la loi générale: La loi du Deutéronome, dont nous venons de parler, en est une exception. Or, exception n' est pas contradiction. L' Ab. Guénée à M. de Volt...
   Au Palais on fait un grand usage d' exceptions, pour signifier les moyens, les preuves pour réfuter l' adversaire. Bossuet se sert souvent de ce mot, comme d' aûtres termes du Barreau, qu' il employait volontiers.
   Rem. À~ l' exception et du moins ont à peu près le même sens. Ainsi c' est un pléonasme que de les joindre ensemble. "L' \île de Socotora est stérile, non-seulement en plantes, mais même en arbres, à l' exception du moins de quelques valons. Prévôt. Hist. des Voy. _ Cela a tout l' air d' un anglicisme.
   À~ L' EXCEPTION, adv. régit le génitif. "Tous y étoient, à l' exception de l' Abbé.

EXCêS


EXCêS, s. m. EXCESSIF, IVE, adj. EXCESSIVEMENT, adv. [Ekcê, cècif, cive, ci--veman: 1re è moyen, 2e ê ouv. au prem. è moyen et moins ouv. aux aûtres.] Excês est ce qui excède les bornes de la raison, de la bienséance. "Excês de bone chère, de travail, d' austérité, etc. Louer, blamer, avec excês. "Être libéral, ou ménager à l' excês, jusqu' à l' excês.
   Rem. 1°. À~ l' excês s' emploie absolument et sans addition. On ne dit pas au plus grand excês, au plus violent excês. "Les coeurs furent altérés au plus violent excès. Hist. d' Angl. Voy. PERSONEL à la fin. = 2°. On dit aussi, adverbialement, avec excês. Boileau dit, par excès, et Mme de Coulanges, dans l' excês. "Les Romans y sont~ loués par excès Boil. "Laides par excès. Id. "J' en prends (du café) dans l' exces. Coul.
   EXCESSIF; qui excède la règle, la mesûre, etc. "Froid excessif; chaleur excessive. _ Travail excessif, dépense excessive. _ Avarice, prodigalité excessive. = Il se dit des persones. Il y a des hommes, qui sont excessifs en tout, dans le bien, comme dans le mal.
   EXCESSIVEMENT; avec excês. "excessivement gros. "Boire, louer, batre excessivement, etc.

EXCIPER


EXCIPER, v. neut. Terme de Palais. Il régit de: exciper de la prescription, pour repousser la demande de l' adversaire. Et ainsi des aûtres preuves dont on se sert contre lui, exciper de son consentement; exciper de l' autorité de la chôse jugée. _ Hors du Palais, c' est un terme barbâre.

EXCITATION


EXCITATION, s. f. EXCITER, v. act. [Èkcita-cion, cité: 1reè moyen.] Excitation, action de ce qui excite. Ce mot est peu usité: L' Académie n' en done point d' exemple. On a dit aûtrefois l' excitation des humeurs; et Bossuet. "Les plus parfaits se font de continuelles excitations à eux-mêmes, pour ranimer leur piété. Cette manière de parler est surannée. = Exciter est, 1°. Provoquer: Cela excite la soif, l' apétit, excite à boire. = 2°. Émouvoir. "Exciter la pitié, la compassion. L' Acad. dit, à pitié, à compassion. Je crois ce régime suranné. = 3°. Animer, encourager. "Exciter les soldats à combattre, les peuples à la révolte. = 4°. Causer, faire naitre. "Vent qui excite une tempête. "Ce discours excita de grands murmures. _ Exciter l' envie, l' émulation.
   Exciter régit à devant les noms et les verbes. S' exciter et être excité ont les mêmes régimes. "Pourquoi exciter à la vengeance un coeur déjà ulcéré? "On l' a excité à se plaindre. "Il s' excite, ou il est assez excité à se venger, à punir, etc.
   Rem. D' Ablancourt fait régir au participe la prép. de. "Excité d' une noble émulation. = Molière done au verbe le datif de la persone pour 2d régime.
   Et dans cette douleur, que l' amitié m' excite,
pour, excite dans moi. _ Et Marsolier. "L' indignation que son discours lui avoit excitée. Dites, avoit excitée dans elle. _ Corneille l' emploie avec le même régime dans le sens de susciter.
   Qu' il t' excite par tout des haines immortelles.
       Pertharite.

EXCLAMATION


EXCLAMATION, s. f. [Èksklama-cion; 1re è moy.] Cri que l' on fait par admiration, par joie, par indignation. _ Les Orateurs modernes prodiguent les exclamations. Elles leur servent le plus souvent de liaison et de transitions. Ils les emploient d' ailleurs pour donner de la chaleur à leur style, mais ce n' est qu' une chaleur factice.

EXCLûRE


EXCLûRE, v. act. [Èksklûre: 1re è moy. 2e lon. 3e e muet.] J' exclus; nous excluons; j' excluois, ou exclûais; j' exclus; j' ai exclu; j' exclurai, j' exclurois, ou j' exclurais; que j' exclûe, que j' exclusse~;excluant, exclus, exclûe, ou exclûse. L' Ab. Regnier et Ménage n' admettent que le 1er: L' Acad. met les deux. "Les femmes sont excluses ou exclues de... = * On doit écrire au présent j' exclus, il exclut, et non pas j' exclue, il exclue, comme écrivent certains Auteurs ou Imprimeurs.
   EXCLûRE, 1°. Empêcher quelqu' un d' être admis. "On voulait l' exclûre de cette compagnie. = 2°. Chasser, expulser. "On l' a exclus de cette société. = 3°. Empêcher d' obtenir. "Ses énemis voulaient l' exclûre de cette charge. = * Bossuet fait régir au réciproque s' exclûre, la prép. de et l' infinitif. "Je ne crois pas que Dieu se soit exclus de se servir de ce moyen. Il dit aussi, en employant l' actif: "Je ne veux pas que vous vous ocupiez l' esprit de cette pensée, sans vous exclure cependant la volonté de, etc. Là exclûre a le sens de défendre, d' interdire. Ce dernier verbe serait le mot propre dans les deux exemples; mais le régime du premier ne vaudrait rien: il faudrait le changer, et dire: "Je ne vois pas que Dieu se soit interdit le choix de ce moyen. _ * M. Targe dit aussi, être exclus d' avoir séance, etc. Ce régime ne vaut pas mieux avec le passif qu' avec le réciproque.

EXCLUSIF


EXCLUSIF, IVE, adj. EXCLUSION, s. f  EXCLUSIVEMENT, adv. [Èkskluzif, zive, zion, ziveman, 1re è moyen, 3e lon. 4e e muet au 2d et au dernier.] Exclusif, qui a force d' exclûre. Droit, privilège exclusif, voix exclusive. = Exclusion, déclaration par laquelle on exclut. Doner l' exclusion à... exclure. Avoir l' exclusion: être exclus. = Exclusivement, à l' exception, en excluant, ou ne comptant pas. "Depuis le 3e du mois jusqu' au 21e exclusivement, c. à. d. n' y comprenant pas le 21e.
   Rem. * Le Dict. de Trév. dit l' exclusive pour l' exclusion; et, ce qui est encôre moins usité, un Auteur moderne dit l' exclusif, au masculin. "Pour étendre indirectement l' exclusif jusqu' aux aûtres compagnies (de comerce). Rayn. = Plusieurs Auteurs font régir à exclusif la prép. à: "Comme s' il n' y avait qu' une sorte d' esprit exclusive à toute aûtre. Anon. _ J. J. Rouss. done ce régime à l' adverbe. "exclusivement à toutes sortes de fleurs.

EXCOMUNICATION


EXCOMUNICATION, s. f. EXCOMUNIER, v. act. [Èkskomunika-cion, ni-é: 1reè moy.] Ils expriment l' action de retrancher de la comunion de l' Église. "Sentence d' excomunication, à peine d' excomunication. Fulminer, lever l' excomunication. "On l' a menacé de l' excomunier.
   EXCOMUNIÉ, s. m. "Il n' est pas permis d' enterrer un excomunié, les excomuniés en terre sainte. _ En style proverbial, on dit d' un homme qu' il a un visage d' excomunié, pour dire, qu' il a un mauvais visage, qu' il est pâle, défait.

EXCORIATION


EXCORIATION, s. f. EXCORIER, v. act. [Èkskori-a-cion, ri-é: 1reè moy.] Ils se disent, en chirurgie, de l' écorchure de la peau. Ce sont des termes d' art, et c' est une pédanterie de s' en servir dans le discours ordinaire. On doit dire, il a un écorchûre, et non pas une excoriation: il s' est écorché et non pas excorié.

EXCRÉMENT


EXCRÉMENT, s. m. [Èkskréman: 1re è moy. 2e é fer.] Ce qui sort du corps de l' animal par les conduits naturels. On comprend sous ce nom non seulement les matières fécales, mais l' urine, la salive, ce qui sort du nés, quand on se mouche, etc. et en physique, les ongles, les cheveux, et les cornes des animaux. = Figurément (style mordant) excrément de la terre, de la natûre, du genre humain: persone vile et méprisable. = L' expression et bâsse. La Fontaine a pu dire, dans une Fable.
   Va-t' en, chétif insecte, excrément de la terre.
Mais on ne doit pas imiter Malherbe, quand il dit dans une Ode, sur le Maréchal d' Ancre, (dont nous n' avons qu' un fragment) Va-t' en à la malheure, excrément de la terre. M. de Balsac trouvait ce mot trop bas pour un tyran. Il ne permettait de le dire que des rats, des mouches, des vermisseaux, etc. Pour moi, je crois que cela dépend des styles; que dans le style noble, ce mot ne peut jamais trouver sa place, et que dans le burlesque~, le bâs comique, le marotique, il peut signifier tout ce qu' on voudra.

EXCROISSANCE


EXCROISSANCE, s. f. [Èxs-kroa-sance: 1re è moy. 3e lon. 4e e muet.] Surperfluité de chair, qui s' engendre en quelque partie de corps de l' animal. "Excroissance de chair. "La loupe est une excroissance. = Le Dict. de Trév. met excrescence, et les sentimens, comme la pratique sont partagés entre ces deux manières d' écrire ce mot. Mais quand on devrait prononcer excréçance, ce qui est fort douteux, l' analogie demanderait toujours qu' on écrivit excroissance, ce mot venant de croître.

EXCROQUER


EXCROQUER, est un gasconisme. Il faut écrire escroquer. Voy. ce mot.

EXCURSION


EXCURSION, s. f. Course, irruption sur le pays énemi: faire des excursions sur les terres des énemis.

EXCUSABLE


EXCUSABLE, adj. EXCUSATION, s. f. [Èksku-zable, za-cion: 1re è moy. 3e dout. au 1er.] Excusable, qui peut être excusé. Il se dit des persones et des chôses. "Il est bien excusable. "Cette faûte est ou n' est pas excusable. _ Avec les persones, il régit quelque--fois de et l' infinitif. "Il est fort excusable d' avoir fait, etc. d' avoir cru que, etc. = Excusation, ne se dit qu' au Palais. Raison que quelqu' un allègue pour être déchargé d' une tutelle ou d' une charge publique.

EXCûSE


EXCûSE, s. f. EXCUSER, v. act. [Èks--kûze, kuzé: 1reè moy. 2e lon. au 1er, et devant l' e muet, il excûse, excûsera, etc. 3ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Excûse, est 1°. Raison qu' on allègue pour s' excuser soi-même, ou pour excuser quelqu' un de ce qu' on a fait ou dit. "Excûse légitime, valable, ou mauvaise, sote, impertinente. Doner, aporter, alléguer, chercher, forger une excûse, des excûses, etc. = 2°. Excûse, se dit des termes de civilité, dont on se sert pour demander de l' indulgence pour une faûte légère. "Faire des excûses à... "Je vous en fais excûse.
   REM. 1°. Faire excuse et demander pardon difèrent en ce que l' on fait excûse pour une faûte aparente, et l' on demande pardon d' une faûte réelle. L' un est pour se justifier, et part d' un fond de politesse: l' aûtre est pour arrêter la vengeance et empêcher la punition, et désigne un moûvement de repentir. GIR. syn. _ Observer que cette distinction n' a lieu que pour l' expression: faire excûse, employé absolument, car faire des excûses et demander pardon, se ressemblent fort.
   2°. On dit faire excûse, et non pas demander excûse. Celui ci est un vrai gasconisme. L' Acad. avait dabord dit qu' on pouvait le dire dans le discours familier: elle ne le dit plus dans la dern. Édit. _ Mme de Sévigné se moque de cette expression. "Ma chère enfant, je vous demande excûse à la mode du pays. (elle était alors en Bretagne.) Rousseau le Poète a employé cette manière de parler populaire dans sa Comédie du Flateur. On la trouve aussi dans Marivaux, dans l' Ann. Litt. et dans le conte de la Reine Fantasque, attribué à Rousseau de Genève.
   3°. On peut dire aussi faire excûse avec l' ablatif. "Je vous fais excûse de ce qui est arrivé. _ Mais cette expression n' est pas du beau style: elle est familière.
   * J' en suis au désespoir et vous en fais excûse.
       Corn.
EXCUSER, c' est 1°. Justifier quelqu' un auprès d' un aûtre de quelque faûte. "On l' a excusé auprès du Roi. _ S' excuser, se justifier. "Comment pourra-t' il s' excuser d' un tel procédé? Il s' en excûse~ sur un défaut d' atention, etc. = 2°. Admettre les excûses de... Après avoir ouï ses raisons, on ne peut que l' excuser. 3°. Pardoner, tolérer. "Il faut excuser la vivacité qui est sans malice. = Excusez-moi: terme de civilité, quand on contredit quelqu' un. "L' avez-vous fait? _ Excusez-moi: c. à. d. je ne l' ai pas fait. = Tenir pour excusé. "Je vous prie de me tenir pour excusé.
   REM. 1°. S' excuser, régit de devant les noms et les verbes. "Il s' est excusé de cette commission, d' entrer dans ce procès; mais ce régime ne s' emploie que quand on s' excûse d' une chôse qu' on ne veut ou qu' on ne peut pas faire. Un Auteur dit: il s' était excusé de le quiter. Il aurait dû dire de ce qu' il le quitait; ou bien, il s' était excusé de l' accompagner. _ M. d' Alembert dit, dans son Essai sur les Gens de Lettres. "Un aûtre Philosophe s' excusoit d' habiter la Cour. Suivant la pensée de l' Auteur, le Philosophe se justifiait de ce qu' il restait à la Cour; et suivant le sens du régime, il semble qu' il cherchait à s' en dispenser. Il falait; s' excusait de ce qu' il habitait la Cour, pour éviter le contre-sens.
   2°. Excusez du peu, dit-on ironiquement, quand l' un done beaucoup et que l' aûtre n' est pas content. "Je vous troûve des grâces, de l' esprit, etc. _ Vous avez bien de la bonté. _ Mais ce n' est pas assez pour mériter ma confiance. _ Ce n' est pas assez! Excusez du peu. MARM.

EXÉCRABLE


EXÉCRABLE, adj. EXÉCRABLEMENT, adv. [ègzékrable, bleman: 1re è moy. 2e e fer. 3e dout. au 1er; 4e e muet.] Exécrable, 1°. détestable, dont on doit avoir horreur. Il se dit des persones et des chôses: "Homme exécrable: crime exécrable. = 2°. Par exagération; extrêmement mauvais. "Livre, poème exécrable. Il ne se dit que des chôses. = Exécrablement, d' une manière exécrable, dans le 2d sens seulement.

EXÉCRATION


EXÉCRATION, s. f. *EXÉCRER, v. act. [Ègzékra-cion, kré: 1reè moy. 2e é fer.] Exécration, est l' horreur qu' on a pour ce qui est exécrable. Avoir en exécration. "Être en exécration à tous les gens de bien. = * Exécrer, détester, avoir en exécration. Ce mot est vieux. Deux Auteurs modernes l' ont employé, un Anonyme et M. Linguet. "On détestait, ou exécrait le monstre qui, etc. "Ces opresseurs exécrés.

EXÉCUTABLE


*EXÉCUTABLE, adj. Qui peut être exécuté. Mot employé par Leibnitz et par M. Patte. "Il faut que la chôse soit exécutable. "Ce qui est ou n' est pas exécutable. _ Ce mot peut être utile, et il est à souhaiter que l' usage l' adopte.

EXÉCUTANT


*EXÉCUTANT, s. m. [Ègzékutan: 1re è moy. 2e é fer.] Celui qui exécute sur les instrumens une pièce de musique. "Ils deviendront les exécutans les plus intéressans. Ann. Litt. _ Ce mot n' est pas dans les Dictionaires.

EXÉCUTER


EXÉCUTER, v. act. EXÉCUTEUR, TRICE, s. m. et f. [Ègzéku-té, teur, trice: 1re è moy. 2eé fer.] Exécuter. 1°. Mettre à éfet, acomplir. "Exécuter un dessein, une entreprise, un Traité. Voy. RÉALISER. _ 2°. En parlant d' une pièce de musique, bien ou mal jouer, ou chanter. Et ainsi d' une comédie, d' un opéra. On a bien exécuté ce motet: "Cet opéra a été mal exécuté. = 3°. En termes de Pratique, exécuter quelqu' un, ou exécuter ses meubles; les saisir. = 4°. Faire mourir par autorité de Justice. "On a exécuté hier ces voleurs, ces assassins. = 5°. S' exécuter soi-même, ou absolument, s' exécuter: prévenir les décisions en les exécutant de soi-même, et sans attendre d' y être forcé. "S' ils ont des titres, qu' ils les manifestent; nous préviendrons le jugement.... et nous nous exécuterons nous-mêmes. Mém. pour le P...
   EXÉCUTEUR, TRICE, celui ou celle, qui exécute. "L' exécuteur~ d' une entreprise. = Exécutrice, est rude et peu usité. Rousseau le Poète l' a employé.
   Quel prodigue, encôre une fois,
   Semble y faire de la Fortune.
   L' exécutrice de ses loix.      Ode IV. Liv. 4.
Rousseau le Philosophe trouve à redire que Montesquieu, qui savait si bien sa langue, dise toujours, puissance exécutrice, blessant ainsi l' analogie, et faisant adjectif ce mot, qui est substantif. Mais il me semble que l' analogie n' est point blessée; car combien de substantifs, qui sont terminés en eur, et qui s' emploient adjectivement. Quant à ce qu' il ajoute que c' est la même faûte, que si l' on disait, le pouvoir législateur; à cela on peut répondre qu' on le dirait fort bien, si l' usage n' avait pas déjà adopté législatif. Enfin, pour exécutive qu' on pourrait mettre à la place, je ne le condamnerais pas, je le préfèrerais même: mais c' est à l' usage à l' admettre.
   Exécuteur, exécutrice Testamentaire, Celui, celle qu' un Testateur charge de l' exécution de son testament. _ Exécuteur de la Haute Justice, le Bourreau.

EXÉCUTIF


*EXÉCUTIF, IVE, adj. [Ègzékutif, tive: 1re è moy. 2e é fer. 4e lon. au 2d.] Ce mot est de Rousseau de Genève. "Pouvoir exécutif; puissance exécutive. Voy. EXÉCUTEUR.

EXÉCUTION


EXÉCUTION, s. f. [Ègzéku-cion: 1re è moy. 2e é fer.] 1°. Action d' exécuter. Il se dit ou avec le régime; exécution d' une entreprise, d' un dessein; ou absolument. "Il n' est pas bon pour le conseil, mais il est fort bon pour l' exécution. = On dit adverbialement, en exécution de, et à exécution avec le v. mettre: "En exécution des ordres, qui ont été donés. "Il fut nomé pour mettre les ordres de l' Empereur à exécution. = Homme d' exécution, capable d' exécuter habilement quelque chôse. "Alcibiade étoit homme d' exécution. = Exécution d' une musique, d' un opéra, d' un ballet. Exécution d' un criminel. "Assister à l' exécution. Voy. EXÉCUTER, n°. 2° et 4° _ Exécution de meubles. n° 3°.

EXÉCUTOIRE


EXÉCUTOIRE, adj. [Ègzéku-toâ-re: 1re è moy. 2e é fer. 4e lon.] Terme de Pratique. Qui done pouvoir de procéder à une exécution judiciaire. "Contrat executoire. Sentence exécutoire. _ S. m. "Obtenir un exécutoire.

EXEMPLAIRE


EXEMPLAIRE, adj. [Ègzanplère: 1re è moy. 2e lon. 3e è moy. et long.] Qui done exemple, qui peut servir d' exemple. "Vertu, piété, vie exemplaire. "Châtiment, punition exemplaire.
   EXEMPLAIRE~, est aussi subst. masc. Il n' est peut-être pas de mot, dont la signification ait changé d' avantage. Autrefois, il signifiait modèle, original, aujourd'hui il veut dire copie. _ Les Imprimeurs apèlent copie l' original manuscrit, et exemplaires les copies imprimées d' un ouvrage, et multipliées par la presse. = * Bossuet, en l' employant dans le sens de modèle, comme on le faisait de son temps, joint l' un et l' aûtre de ces mots dans la même phrâse et sur le même objet, ce qui est un pléonasme. "Cette illustre Faculté doit être respectée, comme la mère, le modèle et l' exemplaire de toutes les Facultés du monde.

EXEMPLE


EXEMPLE, s. m. et fém. [Ègzanple, et non pas ek-sanple, comme quelques-uns prononcent, et comme plusieurs persones de la Cour prononçaient du temps de Vaugelas.] I. Exemple, est ce qui peut être imité, il est alors masculin. "Montrer, doner l' exemple. Prêcher d' exemple. Se régler sur l' exemple ou prendre exemple sur quelqu' un. "C' est un homme d' exemple, etc. _ Faire un exemple de quelqu' un ou le faire servir d' exemple, le punir pour intimider les aûtres. = Exemple, se dit quelquefois des chôses. "Cela est sans exemple. "Il n' y en a point, il n' y en a jamais eu d' exemple: cela n' est jamais arrivé; on n' a jamais parlé de la sorte. "Je vous en montrerai cent exemples. Alléguer, citer un exemple. Cela ne fait point d' exemple: ce n' est pas un exemple à citer, ni un modèle à suivre, etc.
   Avec les prép. à et par, il forme des expressions adverbiales: à l' exemple de, par l' exemple de, par exemple. _ À~ l' exemple signifie à l' imitation: "Il faut mépriser les plaisirs à l' exemple des saints. Par l' exemple signifie quelquefois tout le contraire. "Je devrois craindre par votre exemple, dit Voiture, d' écrire d' un style trop élevé. S' il eût dit, à votre exemple, il eût fait un sens tout diférent. Reflex. L. T.
   À~ l' exemple de, à son exemple, ne doit pas être trop éloigné du nom auquel il se raporte. "La conduite que tint Lepidus fit voir que son caractère n' avoit pas échapé à Sylla, malgré toute la dissimulation, dont il avoit taché de le couvrir. Et à peine étoit-il entré en possession~ du consulat, qu' on s' aperçut qu' il cherchoit par de nouvelles divisions à s' emparer, à son exemple~, de la souveraine puissance. Vertot. _ À~ son exemple, c. à. d. à l' exemple de Sylla, qui est nommé cinq lignes plus haut. Cela met de l' obscurité dans la phrâse.
   Par exemple, peut être placé à la tête de la phrâse, et alors il a raport à la phrâse précédente; ou bien devant ou après le mot, qu' il modifie. "Plusieurs l' ont fait, par exemple~, vos frères. "Il y a des chôses, qu' il faut faire sérieûsement et avec conoissance de caûse, comme prendre femme, par exemple. SEV. La dernière construction n' est que du style familier.
   REM. 1°. Par exemple, n' est pas du style noble. Je ne le vois pas volontiers dans Télémaque. "Nous avons trouvé l' or et l' argent parmi eux employés aux mêmes~ usages que le fer, par exemple, pour des socs de charûe. = Il se dit quelquefois tout seul, et avec un sous entendu. "Elle n' en a pas prouvé le moindre étonement. _ Ah! par exemple! Th. d' Éduc. On sous entend, cela est étrange ou ridicule. "Vous vous trompez, ma soeur, Clarinde a beaucoup d' esprit. _ Ah! cela, par exemple! Ibid. On sous-entend, n' est pas possible ou croyable. "Laisse-toi fléchir, prends ma bourse, ne me refûse pas la grâce que je te demande. _ Par exemple, je n' ai rien à répondre à cette raison là. Marin. Farce.
   2°. À~ l' exemple de, doit se raporter au sujet de la phrâse et non pas au régime. "Alexandre VI. leur dona (à Ferdinand et à Isabelle) cette qualité (de Rois Catholiques) à l' exemple des Rois de France, qui portent depuis tant de siècles celle de Rois Très-Chrétiens. Marsolier, Vie de Ximenes. Quand on lit cette phrâse, on croit qu' Alexandre VI ne fit que suivre l' exemple~ des Rois de France, en donant ce titre; ce qui n' est ni la vérité, ni le sens et l' intention de l' Auteur.
   3°. Avec les pronoms possessifs, exemple se met toujours au singulier, quand il signifie modèle. On dit à plusieurs persones, comme à une seule, à votre exemple~, sur votre exemple, et non pas à vos exemples, sur vos exemples. Et de même avec la prép. de. "À~ l' exemple~, et non pas aux exemples des aûtres, etc. "L' Institut veut qu' on entende les bons Prédicateurs pour se former sur leurs exemples. Cerutti. Dites sur leur exemple, comme on dirait sur leur modèle, et non pas sur leurs modèles. _ En matière de moeurs, exemple peut se mettre au pluriel. "Imitez les bons exemples, règlez-vous sur les bons exemples de vos prédécesseurs, sur leurs exemples.
   4°. EXEMPLE, ne régit ordinairement que des noms au génitif. "Ils nous ont laissé des exemples de patience, de modération, de sobriété, etc. Dans le Dict. Gram. on critique un Auteur moderne, pour avoir dit: "Ils nous ont laissé l' exemple de les suivre, où exemple régit un verbe. Je ne le condamnerais pas si facilement aujourd'hui, quoique l' on troûve peu d' exemples de ce régime. Fénélon nous en fournit un: "Nous laisserons aux hommes l' exemple de préférer la vertu sans tache à une longue vie. Telém.
   5°. * Pascal dit hors d' exemple, pour, sans exemple. "Des chôses si extraordinaires et si hors d' exemple. On dit qu' une chôse est hors de prix, hors de raison, hors d' oeuvre, mais l' usage ne veut pas qu' on dise, hors d' exemple. Il falait dire, si extraordinaires, et qui sont sans exemple.
   6°. * On dit servir d' exemple... àde... "Moyse servit d' exemple à la sévère jalousie de Dieu. Boss. Dans cette phrâse, le régime est mal apliqué. Ce n' est pas à la jalousie de Dieu que Moyse servit d' exemple, mais au peuple, de la sévère jalousie de Dieu.
   7°. Prêcher d' exemple, est tout au plus du style médiocre. "L' ordre conserva toute sa ferveur sous un si sage conducteur, qui prêchoit d' exemple. Griffet. _ Crébillon dit, instruire d' exemple. Il ne pouvait pas dire prêcher d' exemple~ dans une Tragédie. Mais l' usage a consacré celui-ci et n' a pas admis l' aûtre. Il faut dire, instruire par son exemple.
   II. EXEMPLE, est féminin, quand il signifie ce qu' un maître à écrire done à son écolier pour modèle, et les lignes, les caractères que l' écolier forme sur ce patron. "Son maître lui done tous les jours de nouvelles exemples. "L' exemple qu' il a faite est mal écrite. _ Des Auteurs et Imprimeurs le font masculin en ce sens. "Le plus vieux des Hermites lui traça d' une main tremblante ce qu' on apelle un exemple. Vie de Duval. Il falait, une exemple.

EXEMPTION


EXEMPTION, s. f. [Ègzanp-cion: le p se prononce: 1re è moy. 2e lon.] Droit, grâce, privilège, qui exemte. "Acorder une exemption. "Exemption de toutes charges publiques.

EXEMT


EXEMT, EMTE, adj. EXEMTER, v. act. [Ègzan, zante, zanté. 1reè moy. 2e lon. _ L' Acad. écrit ces mots avec un p, en avertissant qu' il ne se prononce pas. Mais puisqu' il ne se prononce point pourquoi l' écrire, sans aûtre raison que l' usage, qu' on peut et qu' on doit quelquefois faire changer. Il faut le respecter, mais non pas en esclâve. On dit que c' est un tiran: c' est la faûte de ceux qu' il tiranise] Exemt, qui n' est point sujet à... Exemter, rendre exemt. Ils régissent de. "Exemt de tailles, de logemens de gens de guerre. "Il est exemt de servir. "La Ste Vierge seule a été exemte de tout péché. Exemt de douleur, de passion, nul n' est exemt de la mort. _ "On l' exemta du service. = Dispenser. "On l' a exemté de cette corvée. "Je ne puis m' exemter de ce devoir, de rendre cette visite.
   EXEMT, est subst. masc. Au pluriel, on dit les exemts, ceux de gens d' église, qui ne sont pas soumis, en certains points, à la Juridiction de l' ordinaire. Au singulier, Exemt, oficier de certaines compagnies de gens de guerre. Exemt des gardes; bâton d' exemt, charge d' exemt. "Exemt de la Maréchaussée, etc.

EXERCER


EXERCER, v. act. EXERCICE, s. m. [Ègzêrcé: 1re è moy. 2e ê ouv. 3e é fer. ègzêrcice.] Exercer, est 1°. Dresser, former, instruire. "Exercer des soldats, des acteurs, des écoliers. On l' a exercé longtems à manier les armes. = S' exercer à... "Je me suis longtems exercé à ce genre de travail. "Il s' exerce à combatre: "Il est exercé à écrire. = 2°. On dit aussi exercer son corps, ses jambes, faire de l' exercice. _ Exercer son éloquence, son esprit, son industrie; sa plume, exercer sa mémoire. _ Exercer la patience de quelqu' un, etc. = 3°. Pratiquer. "Exercer la médecine, la chirurgie; une charge. _ Exercer son droit. Exercer sa libéralité, sa clémence, sa charité. Exercer l' hospitalité. _ Exercer sa cruauté sur, etc. etc.
   Rem. On dit exercer la vengeance, mais on ne dit pas exercer la colère, et encore moins peut-on dire, exercer l' ire. La colère ou l' ire est un sentiment. La vengeance est un acte, fruit de ce sentiment. Or l' on exerce un acte et l' on n' exerce pas un sentiment. Et quand on dit, exercer la libéralité, la charité; on parle des actes de ces vertus, et non pas de ces vertus mêmes.
   EXERCICE, est 1°. l' action par laquelle on s' exerce. "Cela ne s' aprend que par un long exercice. = 2°. Pratique: exercice de piété. = 3°. Travail pour exercer le corps. "L' exercice est bon pour la santé. Faire exercice ou de l' exercice. = 4°. Fonctions d' un emploi. "Être en exercice: sortir d' exercice. = 5°. Peine, embârrâs. "Il done bien de l' exercice à ses troupes, à ses gens. "S' il m' ataque, je lui donerai bien de l' exercice. = 6°. Exercices, au pluriel, se dit des diverses chôses qu' on aprend dans les Académies. "Il a fait ses exercices; des espèces de thèses sur les belles lettres dans les collèges. "Exercices littéraires, etc.
   Rem. 1°. Il y a bien de la diférence entre faire exercice ou de l' exercice, et faire l' exercice. Celui-ci se dit des troupes, qui font leurs évolutions; celui-là des particuliers, qui par raison de santé marchent, se promènent, jouent à des jeux qui exercent le corps. Mme de Sévigné emploie l' un pour l' aûtre. "J' ai le plaisir de faire l' exercice après un an de résidence. Il falait, de faire exercice ou de l' exercice. * M. Tissot dit prendre de l' exercice, prendre du moûvement; ce qui n' est pas français.
   2°. Entrer en exercice, se dit absolument et sans régime. Les nouveaux Tribuns entrèrent en exercice de leur dignité Vertot. Il sufisait de dire, entrèrent en exercice.

EXHALAISON


EXHALAISON, s. f. [Ègzalèzon. 1re et 3e è moy.] Sorte de fumée plus ou moins visible, qui s' exhale de quelque corps. "Il sort des exhalaisons de la terre. "Le soleil en attire les exhalaisons. = Suivant LE GENDRE, l' exhalaison est une particule émanée d' un corps sec: et l' on entend par vapeur une eau subtilisée.

EXHALER


EXHALER, v. act. [Ègzalé: 1re è moy. 3e é fer.] Pousser en l' air des vapeurs, odeurs, esprits, etc. "Fleurs, qui exhalent une odeur agréable. Marais, qui exhalent des vapeurs grossières et malignes. "Il s' exhale de ces marais de funestes vapeurs. _ S' exhaler, s' évaporer. "Il y a des liqueurs qui s' exhalent aisément. = Au figuré il est beau. "Exhaler sa colère, sa douleur. "Sa tendresse pour Dieu s' exhale en prières enflamées, en élans sublimes. L' Ab. Duserre-Figon, Panég. de Ste Thérèse.

EXHAûSSEMENT


EXHAûSSEMENT, s. m. EXHAûSSER, v. act. [Ègzôceman, zôcé: 1re è moy. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Elévation. Élever. On ne s' en sert qu' en parlant de bâtimens. "Ce plancher n' a pas assez d' exhaussement. "Exhausser une maison, un plancher, etc. Voy. LEVER.

EXHÉRÉDER


EXHÉRÉDER, v. act. Déshériter. Le 1er n' est que du Palais: l' autre est du langage comun. Ils ne sont pas tout-à-fait synonymes. Déshériter, c' est par sa volonté pure, priver de sa succession l' héritier naturel ou légal, quel qu' il soit. Exhéréder, c' est priver les enfans, pour des causes légales, de leur légitime même. Voy. les SYNONYMES FRANÇOIS de M. l' Ab. Roubaud.

EXHIBER


EXHIBER, v. act. EXHIBITION, s. f. [Ègzibé, bi-cion: 1re è moy.] Termes de Palais. Représenter en Justice des papiers, qui concernent quelque afaire. Représentation des papiers, etc. "Exhiber ses titres. "Faire exhibition des pièces, etc.

EXHORBITANT


EXHORBITANT. Voy. EXORBITANT.

EXHORTATION


EXHORTATION, s. f. EXHORTER, v. act. [Ègzorta-cion, té: 1re è moy. 3e é fer. au 2d.] Exhortation, discours par lequel on exhorte, on excite à faire quelque chôse. "Il n' a pas besoin d' exhortation pour bien faire. = Exhorter régit à devant les noms et les verbes. "Exhorter à la paix, à l' union, à bien faire, à mieux vivre. * Des Gramairiens ont prétendu qu' il régit de ou à. L' Acad. ne met d' exemple que du dernier, et c' est le seul bon. "On l' a exhorté longtems à se convertir, à garder plus de mesûres.

EXHUMATION


EXHUMATION, s. f. EXHUMER, v. act. [Ègzuma-cion, mé: 1re è moy. 3e é fer. au 2d.] Exhumation, est l' action d' exhumer, de déterrer un corps mort par l' ordre du Juge. "Le Juge ordona l' exhumation du corps; que le corps serait exhumé. Hors de là on dit déterrer.

EXIGEANT


EXIGEANT, ANTE, adj. EXIGENCE, s. f. [Ègzijan, jante, ègzijance: 1reè moy. 3e lon. 4e e muet. _ Quelques-uns pourront demander pourquoi on écrit exigeant avec un a, et exigence sans a. C' est que dans le 1er, il est nécessaire pour montrer que c' est un participe employé adjectivement, et l' on sait que les participes se terminent en ant. Cette raison n' a pas lieu pour le substantif.] Exigeant, se dit des persones, qui par caractère exigent trop d' atentions. "Il est bien exigeant: elle est trop exigeante. = Exigence, se dit des chôses, (et seulement dans ces phrâses) suivant l' exigence du câs, du temps, des afaires; c. à. d. selon que le câs, le temps, les afaires l' exigent, le demandent.

EXIGER


EXIGER, v. act. [Ègzigé; 1re è moy. dern. é fer.] 1°. Obliger à faire quelque chôse, en vertu d' un droit légitime. Acad. Cette dernière circonstance n' entre pas nécessairement dans l' idée d' exiger; car on exige souvent sans droit et sans raison. "N' exiger que des choses raisonables. Exiger des égards, des atentions qu' on ne nous doit pas. = 2°. Obliger à payer. "Exiger des contributions "Usurier, qui exige de gros intérêts. = 3°. Il se dit des choses: Obliger à certains devoirs. "Votre naissance, votre honeur, votre état exigent cela de vous; exigent plus de générosité, plus de retenue; exigent que vous fassiez paraitre plus de courage, de régularité, etc.

EXIGIBLE


EXIGIBLE, adj. [Ègzigible: 1reè moy. dern. e muet.] Qui peut être exigé. "Sommes exigibles, droits, dettes exigibles.

EXIGU


EXIGU, ÛE, adj. EXIGUITÉ, s. f. [Èg--zigu, gû-e, gu-ité: 1re è moy.] Petit, modique. L' usage de ces mots est borné au style plaisant et moqueur. "Repâs, revenu, exigu; somme exigûe. _ "Les Genevois ne demandent pour consolation de leur exiguité que l' assurance de ne pas subir des métamorphôses. Linguet. "Le corps des insectes, dont l' exiguité est inexprimable Trad. de Pline. "L' abondance ou l' exiguité des étrennes. De Mayer. Ce substantif n' est pas dans les Dictionaires, mais depuis quelque temps, c' est un mot à la mode.

EXIL


EXIL, s. m EXILÉ, s. m. EXILER, v. act. [Ègzil, zilé, lé: 1re è moy. 3e é fer.] Exil a la même signification que bannissement, mais il n' a pas le même emploi. Celui-ci est une condamnation faite en Justice; l' autre est une peine imposée par le Souverain. Dites en de même d' exilé et banni; de bannir et d' exiler. Voyez Bannir, Bannissement. "Envoyer, aller, être en exil. "Être rapelé de son exil. "Un exilé, les exilés. "On l' a exilé de la Cour, du Royaume, etc. "Il est exilé en Bretagne, en Auvergne, à Quimper, à Billon, etc.
   EXIL se dit figurément d' un lieu moins agréable que celui où l' on est acoutumé de demeurer. "Pour les gens de la Cour, la Province est un lieu d' exil, un vrai exil.

EXISTANT


EXISTANT, ANTE, adj. EXISTENCE, s. f. EXISTER, v. n. [Ègzistan, tante, tance, té; 1re è moy. 3e lon. aux 3 prem. é fer. au dern.] Existence, c' est l' être actuel, l' état de ce qui existe. Exister, être actuellement, avoir l' être. Existant, qui existe. "L' existence de Dieu, des chôses créées. "Toutes les créatures qui existent, ou existantes? _ On dit d' une dette qui est éteinte, qu' elle n' existe plus. = Il existe, il y a. "Il existe encôre des monumens, des traces, des souvenirs de, etc.

EXORABLE


*EXORABLE, adj. Ce mot ne s' est pas soutenu, quoique employé par Corneille, quoique sonore et énergique; et son composé, inexorable, s' est si bien établi, qu' il est employé dans le style le plus noble. J' avoue que je regrette exorable, et que j' en desire la résurrection.
   Rendez-la, comme vous, à mes voeux exorable.
       Corn.

EXORBITANT


EXORBITANT, ANTE, adj. EXORBITAMMENT, adv. [Égzorbitan, tante: èg--zorbitaman: 1re è moy. 4e lon. aux deux prem.] Excessif, qui pâsse de beaucoup la juste mesure. "Tâille, grosseur, dépense exorbitante. "Pouvoir exorbitant, autorité exorbitante. = Exorbitamment, excessivement: d' une manière exorbitante. "Dépenser exorbitamment.

EXORBITER


*EXORBITER, v. n. Sortir des justes bornes. Néologisme peu heureux. "Elles sont extrêmement râres, ces voies extraordinaires: elles exorbitent de l' ordre commun. Anon. _ Pourquoi un nouveau mot, quand il y en a un ancien, aussi expressif? Pourquoi ne pas dire: elles sortent de l' ordre comun.

EXORCISER


EXORCISER, v. a. EXORCISME, s. m. EXORCISTE, s. m. [Ègzorcizé, cisme, ciste; 1re è moy. dern. é fer. au 1er, e muet aux aûtres.]
   EXORCISME, paroles et cérémonies de l' Église pour chasser les démons. Exorciser, c' est se servir de ces paroles. Exorciste, celui qui exorcise, qui fait les exorcismes. C' est aussi un des quatre Ordres Mineurs. "Faire les exorcismes. "Exorciser les démons, un possédé: l' eau, le sel, etc. = Figurément, (st. fam.) Exorciser, c' est presser fortement quelqu' un de faire quelque chôse, qui est de son devoir. "On l' a prêché, exhorté, exorcisé, mais inutilement.

EXORDE


EXORDE, s. m. Comencement d' un discours~, d' une harangue, pour préparer les auditeurs à ce qu' on va dire. "L' exorde ne doit pas être trop long, ni pompeux, etc. = Rousseau emploie ce mot au fig.
   Ainsi des Dieux le suprême vouloir,
   De l' harmonie établit le pouvoir.
   Elle éteignit par ce sublime exorde
   Le regne obscur de l' afreûse discorde.
Ce sublime exorde de l' harmonie, c' est le débrouillement du cahos. L' expression est hardie et noble.

EXPANSIBLE


EXPANSIBLE, ou EXPANSIF, IVE, adj. [L' Acad. met le 1er, le Dict. de Trév. le 2d: le Rich. Port. les met tous deux.] Qui est capable d' expansion, de dilatation. _ M. l' Abé Boulogne l' emploie au figuré. "L' âme du Dauphin fut peut-être moins expansive: il eut plus de ce caractère touchant d' une vertu qui se cache. _ C' est à l' usage à consacrer cette expression.

EXPATRIER


EXPATRIER, v. a. [Èkspatrié: 1re è moy. dern. é fer.] Obliger quelqu' un à quiter sa patrie. Il se dit ordinairement avec le pronom personel, S' expatrier. = On a dit autrefois expatriation pour bannissement. Je pense qu' on pourrait le dire encôre pour l' action de s' expatrier.

EXPECTANT


EXPECTANT, s. m. *EXPECTATION, s. f. EXPECTATIF, IVE, adj. [Èkspèktan, ta-cion, tatif, tive: 1re et 2eè moy.] Expectant, qui a une expectative, une espèce de survivance. * Expectation, atente: il ne se dit que d' une Fête de la Sainte Vierge, qui se célèbre huit jours avant Noèl. Dans le Dict. de Trév. on condamne ce mot. On veut qu' on dise, l' atente des couches de la Ste. Vierge. On dit, dans l' Eloge de M. Cusson, fameux Médecin de Montpellier: "Il louoit et pratiquoit la Médecine d' expectation, que les ignorans n' exercent jamais. Journ. de Paris. Voyez plus bâs. = Expectatif; qui done droit d' atendre, d' espérer. "Grâce expectative. _ S. f. Avoir l' expectative d' un emploi, d' un bénéfice: être dans l' expectative. * M. Formey dit l' expectance: c' est un barbârisme. * Des Imprimeurs peu exacts écrivent espectative; des Provençaux et des Gascons le prononcent de même. = L' Acad. de Dijon proposa en 1776, pour sujet du Prix, cette question: "Quelles sont les maladies dans lesquelles la Médecine agissante est préférable à l' expectante, et celle-ci à l' agissante, etc. M. Voullonne, célèbre Médecin d' Avignon, natif de Marseille, remporta le Prix, par un excellent Mémoire, qui est imprimé. _ C' est un nouvel emploi du mot expectant. Voy. plus haut Expectation M. Voullonne se sert aussi du mot Expectation.

EXPECTORATION


EXPECTORATION, s. f. EXPECTORER, v. act. [Èkspèktora-cion, toré; 1re et 2e è moy.] L' expectoration est l' action d' expectorer, de chasser par les crachats les phlegmes, qui engluent les poumons.

EXPÉDIENT


EXPÉDIENT, s. m. et adj. [Èkspédi--an; 1re è moy. 2e é fer.] Subst. Moyen de terminer une afaire. "Trouver un expédient Proposer des expédiens. "Il est homme d' expédiens. L' Acad. dit d' expédient, au singulier. Je crois que le pluriel vaut mieux. = Adj. Convenable, nécessaire. Il ne se dit qu' avec le v. être impersonel. "Il est expédient de faire, ou que vous fassiez cela. L' infinitif s' emploie quand on parle en général, et d' une manière indéfinie. Le subjonctif vaut mieux, quand on parle d' une chose ou d' une persone déterminément. "Il est expédient qu' il parte promptement. = On dit, dans le st. fam. en être aux expédiens; être embarrassé pour trouver de quoi vivre. "Il en étoit aux expédiens, lors--que sa mère lui écrivit pour lui demander de l' argent. Marm.

EXPÉDIER


EXPÉDIER, v. a. [Èkspédi-é: 1re è moy. 2e et dern. é fer.] 1°. En parlant des chôses, les terminer promptement. "Expédier une afaire. Et sans article, expédier besogne, expédier matière. _ Il avait beaucoup d' argent, de vin, de vivres: Il l' a bientôt expèdié. = En parlant des persones, terminer les afaires qui les regardent. "Ce Juge expédie promtement les parties. "Ce Ministre a expédié beaucoup de monde ce matin. "Expédiez cet homme. Expédier un courrier. = 2°. Faire mourir vîte. "Il a eu une maladie, qui l' a bientôt expédié. _ Et par extension. "Ce pauvre plaideur a été bientôt expédié. "Ce joueur fut promtement expédié. = 3°. Expédier des lettres, des brevets, les revétir des formes nécessaires.

EXPÉDITIF


EXPÉDITIF, IVE, adj. EXPÉDITION, s. f. [Ekspéditif, tive, cion. 1re è moy. 2eé fer. 4e lon. au 2d.] Expéditif, qui expédie promptement les afaires, l' ouvrage. "Il est expéditif: "Elle est expéditive. = Expédition, action par laquelle on expédie. "Promte expédition. = Entreprise de guerre. "Belle, grande, fameûse expédition. "Au retour de son expédition, il tomba malade et il mourut. = Copie d' un acte de Justice. "L' expédition d' un contrat. _ Au pluriel, dépêches. "Ce Courrier atend ses expéditions. = Diligence: Homme d' expédition, expéditif.
   REM. Expédition, pour signifier voyage de guerre en pays énemi, est du dernier siècle. Vaugelas voulait qu' on y ajoutât toujours militaire; mais Bouhours dit, qu' en lisant expédition, tout le monde entend un voyage de guerre, sans qu' il soit besoin d' y ajouter militaire, pourvu que la matière détermine expédition à la guerre. Il en done ces exemples. "César partit pour cette grande expédition. "Il ne s' est jamais vu d' expédition plus hardie, ni plus heureûse que celle d' Alexandre. Th. Corn. L. T.

EXPÉRIENCE


EXPÉRIENCE, s. f. [Èkspéri-ance; 1re è moy. 2e é fer. 4e lon.] Épreûve qu' on fait de quelque chôse, soit à dessein, soit par hasard. "L' expérience est la maîtresse des Arts. "Faire une triste une facheûse expérience. "J' en ai fait l' expérience. = Expérience, Essai, Épreûve (synon.) L' expérience est pour la vérité des chôses; l' essai pour leur usage; l' épreuve, pour leurs qualités. On fait des expériences pour savoir; des essais pour choisir; des épreûves pour conaître. "L' expérience confirme nos opinions; l' essai conduit notre goût; l' épreûve rassure notre confiance. Gir. Synon.
   EXPÉRIENCE est sur-tout d' un grand usage pour exprimer la conaissance des chôses aquise par un long usage. "Il a de l' expérience, beaucoup d' expérience. "Il est sans expérience. "Pour aquérir de l' expérience, il faut être capable de réflexion. "Bien des gens ont une longue pratique, sans avoir de l' expérience. "Les afaires demandent une grande expérience.
   Rem. 1°: On dit l' expérience des afaires, mais on ne dit pas l' expérience des hommes. Je ne saurais pourtant blâmer l' Auteur qui a dit: "J' avois si peu d' expérience des femmes, qu' une déclaration d' amour me sembloit une ofense pour celle à qui elle s' adressoit. _ Expérience ne régit pas de lui-même la prép. de, il n' a ce régime que par le moyen des verbes auxquels il est joint. "Sa longue expérience de l' ingratitude et de l' infidélité des hommes ne détruisit jamais la sensibilité de son coeur, etc. Hist. d' Angl. Il falait dire: "La longue expérience qu' il avait faite de, etc.
   2°. EXPÉRIENCES au pluriel, ne se dit que de celles de Physique. Ailleurs on dit toujours expérience au singulier, sur-tout dans le moral. "J' ai apris par mon expérience que, etc. et non pas par mes expériences. "Il les invite par ses conseils; il les atire par ses bienfaits; il les presse par ses raisons; il les convainc par ses expériences. Fléchier, Oraison Fun. de M. de Turenne. _ L' amour de la symétrie, dans les phrâses, comme la rime et la mesûre dans les vers, ont produit beaucoup de faûtes contre la Langue.
   3°. En Physique, où le pluriel est admis, on dit, faire et non pas, avoir des expériences, comme dit Leibnitz. "On ne saurait avancer dans le détail de la Physique, qu' à mesure qu' on a des expériences. _ Il falait, qu' on a fait, etc.
   4°. On dit, faire l' expérience que avec l' indicatif. * Mallebranche dit, dans le même sens, avoir l' expérience que; ce qui n' est pas aussi sûr. "Toutes les persones qui font un peu de réflexion sur leurs pensées, ont assez d' expérience que l' esprit ne peut pas s' apliquer à plusieurs chôses à la fois. _ On dirait aujourd'hui: font assez souvent l' expérience que, etc.

EXPÉRIMENTAL


EXPÉRIMENTAL, ALE, adj. [Èxspé--rimantal, ale; 1reè moy. 2e è fer. 4e lon.] Qui est fondé sur l' expérience. Philosophie Physique Expérimentale. "Vous avez au--dedans de vous des preuves expérimentales de cette vérité. _ Pluche l' emploie substantivement. "Ils abandonent l' expérimental et l' historique, pour courir après des possibilités, démenties par les faits. _ Ce substantif n' est pas usité.

EXPÉRIMENTÉ


EXPÉRIMENTÉ, ÉE, adj. [Exspéri--manté, té-e.] * Le Dict. de Trév. le dit des chôses et des persones. "Remède expérimenté, dont la bonté est conue par l' expérience qu' on en a souvent faite. "Homme fort expérimenté, instruit par l' expérience. Avec les chôses, il a le sens passif: avec les persones, le sens actif. _ L' Acad. ne le dit que des persones. Pour les chôses, on doit dire éprouvé.

EXPÉRIMENTER


EXPÉRIMENTER, v. a. [Èxspériman--té: 1re è moy. 2e et dern. e fer. 4e lon.] Éprouver par expérience. "Expérimenter la vertu d' un simple, d' un remède. _ V. n. "J' ai cent fois expérimenté que, etc.

EXPERT


EXPERT, ERTE, adj. [Èkspêr, êrte; 1re è moy. 2e ê ouv.] Fort versé en quelque art, qui s' aprend par expérience. "Il est fort expert en Chirurgie. "Sage-femme fort experte. = Subst masc. Celui qui est nomé par autorité de Justice, ou qui est choisi par les parties intéressées pour examiner ou estimer certaines chôses et en faire leur raport. "Nomer des experts. Convenir d' experts. S' en raporter au dire des experts.

EXPIATION


EXPIATION, s. f. EXPIATOIRE, adj. EXPIER, v. act. [Èxspi-a-cion, pi-a-toâ-re, pi-é: 1re è moy. 4e lon. au 2d.] Expier, c' est réparer un crime envers Dieu, une faûte envers les hommes. Expiation, est l' action par laquelle on expie. Expiatoire, qui expie. "L' expiation d' un crime, de ses péchés. "OEuvre expiatoire. "La Messe est un Sacrifice expiatoire. "Expier ses péchés par une sincère pénitence. "On lui a fait expier sa faûte par un long exil.

EXPIRANT


EXPIRANT, ANTE, adj. EXPIRÉ, ÉE, adj. [Èxspiran, rante, ré, ré-e: 1re è moy. 3e lon. aux deux premiers, é fer. aux deux aûtres, long au dernier.] Qui expire, en parlant des persones et des chôses. "Il est expirant.
   Et de l' astre du jour les regards expirans.
   Là son expirante tendresse
   Veut que ses ôs soient ramenés.
       Gresset, Ode sur l' amour de la Patrie.
EXPIRÉ, ne se dit adjectivement que des chôses: terme expiré, trève expirée. _ * "Il aprit la mort de Succin, expiré à Gainsboroug. Hist. d' Angl. "Cette nation n' a eu que 12 ou 15 mille de ses enfans assomés, brûlés, dechiquetés, expirés dans les plus afreûses douleurs. Linguet. L' usage n' admet point cet adjectif verbal apliqué aux persones. _ L' Ab. D' OLIVET l' a repris dans Racine.
   Ce Héros expiré.
   N' a laissé dans mes brâs qu' un corps défiguré.
Il falait: ce héros ayant expiré.

EXPIRATION


EXPIRATION, s. f. EXPIRER, v. n. [Èkspira-cion, ré: 1re è moy.] Expirer, mourir, rendre l' âme. Au propre, il prend l' auxil. avoir. "Il a expiré. Au figuré, l' auxil. être. "La trève est expirée. "Mon bail est expiré. _ Plusieurs Auteurs disent il est expiré, en parlant des persones. "Elle est expirée en trois jours, d' une vapeur de fille. Sév. Il falait, elle a expiré, ou plutôt, elle est morte, soit parce qu' on n' expire pas dans trois jours, soit parce qu' expirer se dit sans régime, et qu' on ne dit pas: il a expiré, mais il est mort d' une pleurésie, d' une fièvre maligne. = M. Le Gendre a dit, le paûvre étoit expiré; M. Linguet, en seraient-ils moins expirés, Un Auteur cité dans le Dict. Néol. lorsqu' il fut expiré. _ Cela est regardé comme une faûte par l' Acad. et par tous les Gramairiens.
   EXPIRATION, ne se dit que des chôses. "L' expiration d' un bail, d' une trève. En Médecine on le dit de l' action par laquelle l' air est rejeté, comme on apèle inspiration, l' action par laquelle il est attiré. Mais on ne le dit point de la mort, quoiqu' en dise le Dict de Trév.

EXPLICABLE


EXPLICABLE, adj. EXPLICATION, s. f. EXPLIQUER, v. act. [Èksplikable, ka--cion, ké; 1re è moy. 3e dout. au 1er, é fer. au dern.] Expliquer, c' est interpréter, faire comprendre. Explication, interprétation. Explicable, qui peut être expliqué. "Expliquer l' Écriture-Sainte. Expliquer Virgile, Cicéron. "L' explication des songes. "Cet article peut soufrir deux explications diférentes. "Ce passage est explicable de telle ou telle manière; il n' est pas explicable. _ Il se dit sur-tout avec la négative.
   EXPLIQUER signifie aussi, déclarer. "Expliquer sa pensée, ses volontés. = S' expliquer se dit, ou tout seul, expliquez-vous; ou avec la prép. sur. "Il faut vous expliquer sur cette proposition, ou là-dessus. * Bossuet lui done l' ablatif pour régime. "N' est-ce pas vouloir tout embrouiller, que de s' expliquer si foiblement du libre arbitre. _ On dirait aujourd'hui, sur le libre arbitre. _ On dit, à la vérité, s' en expliquer, mais l' ablatif n' est bon qu' avec ce pronom. Voy. Déveloper.

EXPLICITE


EXPLICITE, adj. EXPLICITEMENT, adv. [Èksplicite, citeman; 1re è moyen, 4e e muet] Explicite, clair, formel, dévelopé: "Conaissance, foi, volonté explicite. = Explicitement, en termes clairs et formels. "Cela n' est pas explicitement dans l' acte; mais cela y est implicitement.

EXPLIQUER


EXPLIQUER, Voy. EXPLICABLE.

EXPLOIT


EXPLOIT, s. m. [Èks-ploa: 1reè moy.] 1°. Action de guerre mémorable. "Glorieux exploit. "Il s' est signalé par ses exploits. = 2°. Acte que fait un huissier pour assigner, saisir, etc.~ "Dresser, doner, envoyer un exploit.
   Rem. 1°. * Bossuet dit d' Alexandre: qu' il marcha avec tant d' exploits contre Darius, qu' il le défit en trois batailles. Marcher avec des exploits, est une manière de parler qu' on ne passerait pas aujourd'hui. = * Volt. dit, exécuter des exploits. Les exploits sont des actions de valeur, qu' est-ce qu' exécuter des actions? Voltaire aurait lui-même apelé cela, dans un aûtre, des barbarismes d' expression.
   2°. * Exploit d' armes, et faire des exploits, sont aussi des expressions surannées. "Scipion fit des exploits d' armes, qui étonoient ses énemis. P. Rapin.

EXPLOITABLE


EXPLOITABLE, adj. EXPLOITANT, s. m. EXPLOITER, v. neut. et act. [Èks--ploa-table, tan, té: 1re è moyen, 3e dout. au 1er, lon. au 2d, é fer au 3e.] Exploiter a deux significations. 1°. Doner des exploits, des assignations. Alors il est neut. "Les Sergens du Châtelet ont droit d' exploiter par tout le Royaume. = 2°. Exploiter des bois~, les abatre, les façoner. Exploiter une terre, la faire valoir par ses mains. = Exploitant, qui exploite, ne se dit que dans le 1er sens; mais exploitable s' emploie dans les deux significations d' exploiter. Qui peut être saisi et vendu par exploit, par autorité de Justice: meubles exploitables; qui peut être façoné et débité: bois exploitable.

EXPLOSION


EXPLOSION, s. fém. [Èksplo-zion; 1re é fer.] Terme de Physique. Action d' une chôse qui en chasse une aûtre de la place qu' elle ocupait. _ Bruit, éclat, mouvement que fait la poudre à canon et aûtres mélanges de salpètre et de soufre, quand ils s' enflament. _ On l' emploie beaucoup au figuré aujourd'hui. "Qu' on aprécie de quoi est capable une secte qui, dans sa décadence même, produit encôre d' aussi éfrayantes explosions. Linguet.

EXPORTATEUR


EXPORTATEUR, s. m. EXPORTATION, s. f. EXPORTER, v. act. [Èksportateur, cion, té; 1re è moyen.] Exportation, est l' action d' exporter, de transporter hors d' un État des marchandises. Exportateur, celui qui exporte. _ l' Acad. ne met qu' exportation. _ Exporter, quoique plus nouveau, est très-bien établi. Exportateur a besoin du sceau de l' usage. Il est dans l' Ann. Lit.

EXPOSANT


EXPOSANT, ANTE, s. m. et f. EXPOSÉ, s. m. [Èkspozan, zante, zé: 1re è moy., 3e lon. aux 2 1ers, é fer. au 2d.] L' exposant est celui qui expôse un fait ou ses prétentions dans une requête, etc. On dit aussi, l' exposante. _ Exposé est ce qui est exposé dans une requête, etc. "L' exposé est faux. "On l' a condamné sur son propre exposé. "Une rémission obtenue sur un faux exposé n' a point lieu.

EXPOSER


EXPOSER, v. act. [Èkspozé; 1re è moy. 3e é fer. Devant l' e muet, l' o est long: il expôse, expôsera, etc.] 1°. Mettre en vûe. "Exposer un corps mort. _ Exposer le St. Sacrement. _ Exposer en vente des meubles, une maison, etc. _ Exposer de la fausse monoie, la débiter, la répandre. = 2°. Placer, tourner d' un certain côté, exposer au nord, au midi. = 3°. Expliquer, faire conaitre: "exposer ses pensées, ses sentimens, les raisons, les motifs, etc. Exposer sa comission, etc. = 4°. Mettre en péril. "Exposer sa vie, sa persone. En ce sens, il régit à devant les noms et les verbes. "Vous m' avez exposé à un trop grand danger, à périr, etc. Il s' expôse sans crainte à tous les périls. Il s' est exposé mille fois à mourir, à être tué. "Être exposé à la mauvaise humeur, etc. à être insulté, etc.

EXPOSITION


EXPOSITION, s. f. [Èkspozi-cion; 1re è moy.] Il se dit dans les trois premiers sens du V. Exposer. "L' exposition du St. Sacrement, des reliques. _ Cette maison est dans une belle exposition. "L' exposition de celle-ci n' est pas saine. "L' exposition d' un fait, des raisons, d' une afaire.

EXPRêS


EXPRêS, ESSE, adj. EXPRESSÉMENT, adv. [Èksprê, prèce, prècéman: 1re è moy. 2e. ê ouv. et long au premier, è moy. au 2d et 3e; 3e é fer. au 3e.] Exprês est adjectif, substantif et adverbe. = Adj. Qui est en termes si formels, qu' il ne laisse aucun lieu de douter. "Termes exprês, comandement exprês. "La loi y est expresse. = Subst. masc. Homme envoyé à dessein pour porter des lettres, des ordres, des avis, etc. "On a envoyé un exprês. _ L' Académie avertit qu' il se dit plus ordinairement d' un Courrier. Il ne parait pas que l' usage soit conforme à cette remarque. = Adv. À~ dessein. "Il l' a fait exprês, ou tout exprês: on ajoute quelquefois pour, etc. "Votre raisonement est fait exprês pour vous doner du chagrin. Sév.
   EXPRESSÉMENT, en termés exprês. "Défendre, comander expressément.
   Rem. 1°. On dit une loi expresse, et un terme expressif. Le premier signifie clair, précis, formel; l' aûtre~ signifie, qui exprime fortement ce que l' on veut dire. Mme. de B... a employé l' un pour l' aûtre~. "Le principe d' exclûre les femmes de la succession au trône étoit adopté en France depuis un tems immémorial, et avoit aquis toute l' authenticité par la loi la plus expressive. Hist. d' Angl. Il falait, par la loi la plus expresse.
   2°. * On disait aûtrefois, cet Auteur y est exprès, c. à. d. en parle expressément. Bossuet a employé cette manière de parler. "Ce ne sont pas seulement les Pères latins, qui établissent le retour d' Enoch: les grecs y sont exprès. _ L' Ab. Guénée a dit tout récemment. "L' écriture y est expresse. _ Cette locution est surannée.

EXPRESSIF


EXPRESSIF, IVE, adj. EXPRESSION, s. f. [Èksprècif, cive, cion: 1re et 2e è moy. 3e lon. au 2d.] Expressif, énergique, qui exprime bien ce qu' on veut dire. "Terme, ton, geste expressif. "Manière de parler très-expressive. Voy. EXPRêS, Rem. 1°.
   EXPRESSION. 1°. Action d' exprimer le suc de quelque chôse. = 2°. Manière dont on se sert pour exprimer ce qu' on veut dire. "Expression noble, élégante, ou basse, triviale.., etc. Voy. MOT = 3°. En termes de Peintûre et de Sculptûre; représentation vive et naturelle des passions.

EXPRIMABLE


EXPRIMABLE, adj. EXPRIMER, v. act. [Èksprimable, mé; 1re è moyen, 3e dout. au 1er, é fer. au 2d.] Exprimer c' est, 1°. tirer le suc d' une chôse en la pressant. = 2°. Enoncer, représenter par le discours ce que l' on a dans l' esprit. "Bien exprimer sa pensée, sa douleur, sa reconaissance. "Ce mot exprime bien la chôse. "Cette pensée est belle, mais elle est mal exprimée. "Cette claûse est clairement exprimée dans ce contrat. "Passion bien exprimée dans un discours, dans un poème, dans un tableau.
   EXPRIMABLE, qui peut être exprimé. Il n' est usité que dans le 2d sens d' exprimer. Il ne s' emploie qu' avec la négative. "Il n' est pas exprimable combien il a soufert. _ Il est bien moins usité que son oposé inexprimable.

EXPULSER


EXPULSER, v. act. EXPULSION, s. fém. [Èkspulsé, sion; 1reè moy. 3e é fer. au 1er.] Ils expriment l' action de chasser, de déposséder. "On l' a expulsé de sa terre, de son bénéfice. "L' expulsion des Maures, des Juifs. _ L' Académie ne done le verbe que comme un terme de Pratique. Cependant on le dit hors du Palais; mais seulement dans le style familier.

EXQUIS


EXQUIS, ISE, adj. [Èkski, kîse; 1re è moyen, 2e long au 2d.] Excellent en son espèce. "Vin exquis, viandes exquises, travail exquis. Goût, discernement exquis. = Il se plait à suivre, sur-tout au masculin. Le féminin peut quelquefois précéder. _
   Mille bonbons~, mille exquises douceurs
   Chargeoient toujours les poches de nos Soeurs.
       Ververt.

EXQUISSE


*EXQUISSE. Barbarisme. Voy. ESQUISSE

EXTâSE


EXTâSE, s. f. EXTASIER, v. act. EXTATIQUE, adj. [Èkstâse, tazi-é, tatike; 1re è moy. 2e lon. au 1er. dern. e muet au 1er et au dern., é fermé au 2d.] Extâse, ravissement d' esprit. "Être en extâse: avoir des extâses. _ Figurément, et par exagération, Admiration. "Ravir en extâse, être ravi en extâse. "À~ tous ces discours, il demeurait en extâse. Volt. Il était étoné, et ne disait mot. = Extasier ne se dit que dans la 2de acception. "Ce Prédicateur nous a tous extasiés. "Tout le monde a été extasié. "Il y a bien des gens qui s' extasient aisément. _ L' Acad. Trév.le Rich. Port. ne l' admettent qu' au réciproque et au passif. Je crois pourtant qu' on peut le dire à l' actif, comme dans le premier exemple. = Extatique s' emploie dans les deux sens. "Ravissement extatique, transport extatique. "L' extatique grimace d' un faux béat. Rousseau.

EXTENSION


EXTENSION, s. f. [Èkstan-sion: 1reè moy. 2e lon.] 1°. En Physique, étendûe. Extension en longueur, largeur et profondeur. = 2°. Action de ce qui s' étend. "Extension du brâs. = 3°. Augmentation. "Extension de privilège, d' autorité. = 4°. Explication dans un sens plus étendu. "Extension d' une loi, d' une claûse, etc. Mot qui par extension, signifie telle aûtre chôse.

EXTÉNUATION


EXTÉNUATION, s. f. EXTÉNUER, v. act. [Èksténu-a-cion, nu-é: 1reè moy. 2e é fer.] Afaiblissement. Afaiblir. "Il est dans une grande exténuation. "Les jeûnes ont exténué celui-ci, et les débaûches celui-là. "Visage exténué, décharné. Voy. ATTÉNUÉ.

EXTÉRIEUR


EXTÉRIEUR, EURE, adj. EXTÉRIEUREMENT, adv. [Èkstéri-eur, eure, eureman: 1re è moy. 2eé fer. 5e e muet.] Qui est au dehors. "Les ornemens extérieurs, la face extérieure d' un Palais. = S. m. Avoir un bel extérieur; un extérieur modeste, honête. "Juger par l' extérieur, c' est souvent mal juger. "Les faux dévots n' ont que de l' extérieur. = À~ l' extérieur ou extérieurement, au dehors. "Il n' est humble, dévot qu' à l' extérieur, ou extérieurement.

EXTERMINATEUR


EXTERMINATEUR, adj. EXTERMINATION, s. f. EXTERMINER, v. act. [Èkstêr--mina-teur, cion, né: 1re è moy. 2eê ouvert.] Exterminer, faire périr entièrement. Exterminateur, qui extermine. Extermination, destruction entière. "Exterminer les loups, les assassins. _ Figurément, exterminer les vices, l' hérésie. "L' ange exterminateur: le glaive exterminateur. "L' extermination du paganisme, de l' hérésie.
   Rem. Quelques Auteurs font régir à exterminer la prép. de. "Il prit la résolution d' exterminer le christianisme de ses états. Let. Édif. C' est le régime de chasser. Je crois qu' avec exterminer, dans ses états irait bien mieux. "Il résolut d' exterminer entièrement le christianisme dans tout son empire.

EXTERNE


EXTERNE, adj. [Èkstêrne: 1reè moy. 2e ê ouv. 3e e muet.] Qui est du dehors. Extérieur. "Les caûses externes des maladies. _ Il a un usage moins étendu qu' extérieur, et il ne se dit que par les savans.
   EXTERNE, s. m. Celui qui fréquente les collèges, les académies, sans y être en pension. "Il y a tant de pensionaires et tant d' externes.

EXTINCTION


EXTINCTION, s. f. [Êks-teink-cion, en vers ci-on: 1re è moy. 2e lon.] Action d' éteindre. "L' extinction d' un embrâsement. Acad. _ Figurément, extinction d' une race, d' une maison, d' une branche, etc.~ _ l' extinction d' un crime, sa rémission; l' extinction d' une rente, son remboursement.
   Rem. 1°. Suivant Bouhours, extinction ne se dit, au propre, qu' en chimie. On ne dit point l' extinction d' un incendie, d' un flambeau, etc. on dit, à la vérité, les fermes du Roi s' adjugent à l' extinction de la chandelle. "On fulmine les excommunications à l' extinction de la chandelle, mais hors de ces phrâses on ne dit point l' extinction d' un cierge, d' une chandelle. _ L' Acad. ne dit au propre qu' extinction d' un embrâsement.
   2°. Suivant La Touche, on a toujours dit, extinction de voix, extinction de chaleur naturelle; je poursuivrai cette afaire jusqu' à extinction; mais ce n' est que depuis le comencement du siècle qu' on a comencé de dire, extinction de piété, de raison, de l' esprit de pénitence, etc. Encôre y avait-il des gens, qui n' aprouvaient pas ces façons de parler. L' Acad. n' en parle pas. Mais je n' ôserais les condamner.

EXTIRPATEUR


EXTIRPATEUR, s. m. EXTIRPATION, s. f. EXTIRPER, v. act. [Èkstirpa-teur, pa--cion, pé: 1re è moy.] Les deux derniers se disent au propre des mauvaises herbes qu' on déracine, et d' une loupe, d' un cancer, qu' on ârrache entièrement; et au figuré des vices, des hérésies, etc. Le 1er ne se dit qu' au figuré; extirpateur des vices, des hérésies, et il est peu usité.

EXTORQUER


EXTORQUER, v. act. EXTORSION, s. f. [Èkstorké, tor-sion: 1re è moy.] Quelques Écrivains ou Imprimeurs écrivent extortion~ avec un t devant l' i. J' ai vu sur tout cette manière d' écrire ce mot dans des Traductions de livres anglais. C' est qu' il y a des Auteurs de cette nation qui écrivent extortion, quoique le grand nombre se serve d' extorsion. Boyer renvoie de celui-là à celui-ci.
   EXTORQUER, c' est tirer, obtenir par violence, par menace, etc. Extorsion, exaction violente. "On lui a extorqué de l' argent; l' aveu de son crime; son consentement pour un mariage qu' il n' aprouvait pas. _ "Il a été puni pour ses extorsions.

EXTRACTION


EXTRACTION, s. f. EXTRAIRE, v. act. EXTRAIT, s. m. [Èkstrak-tion, trère, trè: 1re è moy. 2e è aussi moyen et long au 2d; un peu plus ouvert au dernier] Extraction, est 1°. en chimie, l' action par laquelle on tire les principes des corps mixtes. "L' extraction des sels _ On dit, en chirurgie, l' extraction de la pierre, et en Arithmétique, l' extraction de la racine cârrée, de la racine cubique. = 2°. Origine d' où quelqu' un tire sa naissance. "Être de noble, ou de bâsse extraction. "On conait son extraction, quoiqu' il la cache avec soin. = À~ l' exception de cette dernière signification, extraire, s' emploie dans toutes les aûtres. "Extraire le sel, l' esprit, le suc, l' huile de. "Extraire la pierre. "Extraire la racine cârrée, etc. d' un nombre. _ On dit de plus, extraire d' un livre, d' un registre, les passages, les renseignemens, dont on a besoin. = Extrait, a ce dernier sens, et le 1er d' extraction. "Extrait de rôse, de rhubarbe. "Extrait des registres du Parlement. Extrait batistère, mortuaire, etc. Extrait d' un livre, d' un procês. Faire un extrait, des extraits, etc.

EXTRAORDINAIRE


EXTRAORDINAIRE, adj. EXTRAORDINAIREMENT, adv. [Èxstra-ordinère, nè--reman: 1ree moy. 5e è moy. et long, 6ee muet.] Plusieurs prononcent extraordinaire, mais mal.
   Extraordinaire; qui n' est pas suivant la pratique ordinaire. "Langage, habit extraordinaire. = Qui a quelque chôse de plus que l' ordinaire. Dépense extraordinaire. "Accident extraordinaire. = Singulier, qui n' est pas comun, soit en bien, soit en mal: mérite, génie, mémoire extraordinaire. "Avarice, laideur extraordinaire = Ridicule, bisarre, extravagant. "Coifûre extraordinaire; manières extraordinaires. _ Il se dit des persones, en ce sens; c' est un homme fort extraordinaire. Cependant quand on ajoute dans sa profession, ou quelque chôse de semblable, il se prend en bonne part, pour une persone d' un grand mérite.
   REM. 1°: Extraordinaire, n' est, généralement parlant, bien placé qu' après le substantif. On peut pâsser à Mme de Sévigné, de dire dans une lettre: "La vie de cet homme est une extraordinaire chôse; et âilleurs; je vous avoûe, que j' ai une extraordinaire envie de savoir de vos nouvelles: mais ordinairement on doit dire, chôse extraordinaire, envie extraordinaire.
   2°. On dit bien, substantivement: c' est un extraordinaire pour lui que de boire du vin, de prendre du café. "Il done tant par repas, et quand il y a de l' extraordinaire~, il le paye. Mais le dit-on au pluriel, comme par exemple dans cette phrâse: les Arabes ne font pas de plus grands extraordinaires? Je n' ose ni le condamner, ni l' aprouver. Il se dit ordinairement au singulier. "Vous soupez aujourd'hui, vous mangez du gibier, vous faites un extraordinaire.
   3°. Rollin fait régir à extraordinaire le datif, comme à ordinaire. "Démosthène et Phocion se trouvèrent d' avis diférens, ce qui ne leur était pas extraordinaire. _ Je pense qu' il eût été mieux de suprimer leur, et de dire, ce qui n' était pas extraordinaire.
   EXTRAORDINAIREMENT, d' une façon extraordinaire, bisârre. "Elle est coifée extraordinairement. = Extrêmement. "Extraordinairement riche, puissant, etc.

EXTRAVAGAMMENT


EXTRAVAGAMMENT, adv. [Èxstra--vagaman: 1re è moy.] D' une manière extravagante. "Il s' habille, il se conduit extravagamment.

EXTRAVAGANCE


EXTRAVAGANCE, s. f. EXTRAVAGANT, ANTE, adj. EXTRAVAGUER, v. n. [Èxtravagance, gan, gante, ghé: 1re è moy. 4e lon. aux 3 1ers, é fer au dern.] On peut demander pourquoi on met un u après le g au verbe, et qu' on n' en met point au substantif, ni à l' adjectif. Il est aisé de répondre à cette question d' une manière satisfaisante. L' u est nécessaire à celui-là, pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e; mais comme il a naturellement ce son devant l' a, l' u y devient inutile.
   EXTRAVAGANCE, Bizârrerie, folie. Extravagant, qui est contre le bon sens et la raison, fou, bizârre. Il se dit des persones et des chôses. Extravaguer, penser et dire des chôses, où il n' y a ni sens, ni raison. "Il faut avoir pitié de son extravagance. "Il a fait une horrible extravagance: il ne dit que des extravagances. _ "C' est un homme extravagant; c' est un extravagant, une extravagante. (subst.) Discours extravagant; pensées, paroles extravagantes. Habit extravagant. _ "Il extravague. "La fièvre, la colère, l' irréligion le fait extravaguer.
   Rem. * L' injuste censeur de LA BRUYèRE, Vigneul-Marville done mal à propôs à extravaguer le sens d' errer ça et là. "Il devait s' en tenir aux caractères de ce siècle, sans extravaguer parmi cent choses, qui ne distinguent point notre siècle des aûtres siècles.

EXTRAVASATION


EXTRAVASATION, s. f. S' EXTRAVASER, v. réc. [Êxstravaza-cion, vazé: 1reè moy. _ Devant l' e muet, le 2d a est long: il s' extravâse, s' extravâsera, etc.] S' extravaser, ne se dit proprement que du sang et des humeurs, qui sortent de leurs vaisseaux ordinaires. Extravasation, est le moûvement par lequel ils s' extravâsent. Le subst. ne se dit qu' en Médecine. = M. Linguet, dit extravasion, et l' emploie au figuré. "L' extravasion ambitieuse de quelques-uns de ses Princes. (de l' Europe) Ailleurs il lui done le sens de digression. Parlant des dissensions~ parlementaires d' Angleterre. "Hommes assez heureux, pour pouvoir influer sur les opérations du Gouvernement, ne perdez pas dit-il, dans des extravasions puériles, votre temps et votre enthousiasme. _ Trév. met extravasion, mais il renvoie à extravasation.

EXTRêME


EXTRêME, adj. EXTRêMEMENT, adv. EXTRÉMITÉ, s. f. [Èxstrême, meman, èxstrémité: 1re è moy. 2e ê ouv. et long aux deux premiers, é fer. au dern.] Extrême, qui est au dernier point, en parlant des chôses. "Extrême froid: chaleur extrême. "extrême plaisir, extrême joie. "Amour extrême. Péril extrême. = Excessif, en parlant des persones: il est extrême en tout. = S. m. pl. "Le froid et le chaud, la prodigalité et l' avarice sont les deux extrêmes, les deux contraires.
   REM 1°. Extrême, ayant la force d' un superlatif, n' est pas susceptible des degrés de comparaison; on ne doit pas dire plus, moins, si extrême~. L' Acad. dit pourtant qu' il devient quelquefois positif. "Les maux les plus extrêmes. Cette phrâse est consacrée par l' usage: mais hors de là on ne doit pas dire, mon mal est plus, moins extrême que le vôtre. "Un déplaisir si extrême, etc.
   2°. Extrême-onction, n' a point de pluriel. Il faut dire, on lui a administré l' extrême-onction, et non pas les extrême-onctions, et encôre moins les extrêmes-onctions. Et un Prêtre de Paroisse doit dire non pas qu' il a administré plusieurs extrême-onctions, mais qu' il a administré l' extrême-onction à plusieurs malades. = * Extrémonctier quelqu' un pour dire lui donner, lui porter l' extrêmonction est un étrange barbârisme. DESGR. Gasc. Corr.
   EXTRêMEMENT, grandement, beaucoup, au dernier point. "Extrêmement beau, laid; bon, mauvais; vertueux, vicieux, etc.
   Rem. Doit-on dire, il a extremêment d' esprit ou de l' esprit? Il y a des autorités pour l' un et pour l' aûtre: mais le premier est préférable. L' Acad. le préfère. "Il n' y aura pas extrêmement de vin cette année. "Il s' est acquis extrêmement d' honeur dans cette afaire.
   EXTRÉMITÉ, 1°. le bout d' une chôse. "L' extrémité de la ville, du Royaume. L' extrémité des doigts, des cheveux. _ Il se dit sans régime, et au pluriel dans cette phrâse. "Il se meurt: il a déjà les extrémités froides. _ Extrémité, Bout, Fin. (syn.) Voy. BOUT. = 2°. Le dernier moment. "À~ l' extrémité. "N' attendez pas à l' extrémité pour songer à votre conscience. = 3°. Les derniers momens de la vie. "Il est à l' extrémité; et figurément. "Cette place est à l' extrémité, elle ne saurait tenir plus de vingt-quatre heures. = 4°. Le plus triste état où l' on puisse être réduit. "Il est réduit à l' extrémité, à la dernière misère. = 5°. Excês: "il va toujours à l' extrémité. "Il porte les chôses aux dernières extrémités. "Il passe sans cesse d' une extrémité à l' autre. "Toutes les extrémités sont vicieûses. = 6°. Excès de violence, d' emportement. "Il s' est porté contre lui à la dernière extrémité.
   Rem. * On dit d' un homme, qu' il est à l' extrémité; mais on ne dit pas l' extrémité de cet homme cause un grand déplaisir à tout le monde. * "Si l' extrêmité de l' Empereur et de Dom Juan d' Autriche vous pouvoit satisfaire, on assure qu' ils n' en reviendront pas. Sév. C' est une expression vicieuse, même dans une lettre. = * On ne dit pas non plus mettre à l' extrémité, comme dit Jurieu. "La maladie augmente et met le patient à l' extrémité. _ Il y a dans toutes les langues des expressions, qui ne se disent que d' une manière. Changez-y quelque mot, la locution devient irréguliere. _ On dit bien réduire à l' extrémité, mais il se dit de la pauvreté et non de l' agonie.

EXUBÉRANCE


EXUBÉRANCE, s. fém. [Ègzubérance: 1re è moy. 3e é fer.] Surabondance. On dit au Palais, exubérance de droit et c' est un avantage. En litératûre, on dit; exubérance de style, et c' est un défaut.

EZ


EZ: * Anciène terminaison du pluriel des mots terminés en é. On écrivait bontez, cruautez, amitiez, au lieu de bontés etc. et les participes passifs, aimez, honorez, recherchez, au lieu de aimés, etc. _ Cette terminaison est réservée aujourd'hui pour les 2des persones des temps des verbes en er: vous aimez, vous aimiez, etc. = * Cet ez était encore plus mauvais à la fin des mots terminés par un ê ouvert, succez, procez, accez, etc. On écrit aujourd'hui succès, etc. On devrait écrire succês avec l' ac. cir.