Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI ÉMANER


ÉMANER. Voy. ÉMANATION.

ÉMARGEMENT


ÉMARGEMENT, s. f. ÉMARGER, v. a. [Emargeman, ; 1re é fer. 3e e muet au 1er, e fer. au 2d.] Émarger, c' est arrêter quelque chose en marge d' un compte, d' un inventaire. "Emarger les diférentes sommes d' une imposition. _ Emargement, est l' action d' émarger, ou ce qui est émargé et porté en marge.

EMBABOUINER


EMBABOUINER, v. act. [Anba-boui--né; 1re lon. dern. é fer.] Amuser, repaître quelqu' un de belles espérances, se rendre maître de son esprit. Trév. L' engager par des paroles flateuses à faire ce qu' on souhaite. Acad. _ Il n' est que du style fam. "Cette femme l' a embabouiné, il s' est laissé embabouiner. = Ce mot vient de babouin. C' est comme qui dirait, traiter quelqu' un en sot, en enfant, en Babouin. Trév.

EMBALLAGE


EMBALLAGE ou EMBALAGE, s. m. EMBALER, v. act. EMBALEUR, s. m. [Anba--lage, , leur; 1re lon.] Embaler, c' est empaqueter, mettre en balle. Embaleur, celui qui embale. Embalage action d' embaler, ou chôses qui servent à embaler. "Payer l' embalage. "Mauvais embalage. "Embaler des marchandises. "Habile embaleur. = En style populaire, hableur, qui en fait acroire. "Ne vous fiez pas à lui, c' est un embaleur.

EMBARCADèRE


*EMBARCADèRE, ou EMBARQUADèRE, s. m. Mot espagnol qui a pâssé dans la Langue Française. L' Acad. ne le met pas. _ Lieu à s' embarquer. _ Le P. Charlevoix écrit embarquadaire, contre l' étymologie et l' usage. _ C' est un terme de Relation et d' Histoire moderne.

EMBARCATION


*EMBARCATION, ou EMBARQUATION, s. f. Un Auteur anonyme lui done le sens de cargaison, et l' Auteur du Journ. de Geneve, celui de navire. "Il lui dona une embarquation à conduire au Pérou. Anon. "Tous ces bâtimens chinois sont de frêles et petites embarcations. Journ. de Gen. _ Il n' est usité, ni dans l' un ni dans l' autre sens; mais le premier est du moins plus raisonable.

EMBARGO


EMBARGO, s. m. [Anbargo: 1re lon.] C' est un terme de Marine emprunté de l' Espagnol. _ Défense faite aux vaisseaux marchands de sortir des ports. "Mettre un embargo.

EMBARQUEMENT


EMBARQUEMENT, s. m. EMBARQUER, v. act. [Anbarkeman, ; 1re lon. 3ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Embarquer, c' est mettre dans la barque, dans le vaisseau. Embarquement, est l' action d' embarquer quelque chôse, ou de s' embarquer soi-même. "Embarquer des marchandises, des armes, des munitions, des Soldats. "S' embarquer. "Nous nous embarquâmes à Marseille. St. Louis s' embarqua à Aigues-mortes.
   Rem. 1°. Le verbe se dit également au figuré, du moins dans le style médiocre. "Vous m' avez embarqué; ou, je me suis embarqué dans une mauvaise affaire. "Pourquoi s' embarquoit-il si légèrement dans cette pénible discussion? Journ. de Mons. "S' embarquer au jeu, à une entreprise. Acad. _ Mais il n' en est pas de même du substantif, embarquement; et l' on ne peut guère s' empêcher de condamner la phrâse suivante: "Le Peuple latin murmuroit du nouvel embarquement, où l' on alloit s' exposer contre une Ville alliée et invincible. Dict. Néol. = La Touche l' aprouvait dans la signification d' engagement, en avouant pourtant que l' Acad. ne le mettoit point en ce sens-là. Il cite cette phrâse: "On dépeint votre embarquement, le plus bas où se soit jamais mis une personne de votre qualité. _ Cela n' est point du goût d' aujourd'hui.
   2°. S' embarquer, au figuré, régit à devant les verbes. "Voilà une belle chôse de m' être embarquée à vous conter ce que vous saviez déjà. Sév. = Aûtrefois on faisait un grand usage de cette expression. Le Comte de Bussi-Rabutin l' employait souvent, et même avec le seul régime des persones. "Il apréhendoit de s' embarquer avec elle. "Il s' étoit embarqué à aimer plus par gloire que par amour. = Gresset l' a mis à l' actif, sans autre régime que l' acusatif. Cléon dit de Florise.
   Embarquons-la si bien, qu' amenée où je veux,
   Mon projet soit pour elle un parti nécessaire.
       Le Méchant.
En style figuré familier, s' embarquer sans biscuit, s' engager dans une afaire sans avoir le moyen de réussir.

EMBâRRâS


EMBâRRâS, s. m. EMBâRRASSANT, ANTE, adj. EMBâRRASSER, v. act. [Anbâ--râ, ra-san, sante, ra-sé; 2e lon. r f. 3e lon. au 1er, 4e longue au 2d et au 3e, é fermé au dernier] Embârrâs est, 1°. un obstacle qu' on trouve dans son chemin, dans son passage. "Il y a toujours de l' embârrâs dans plusieurs rûes de Paris. _ Faire, causer de l' embârrâs, un embârrâs. = 2°. Au fig. confusion de plusieurs chôses, dificiles à débrouiller. "Embârrâs dans une afaire, dans un procès, dans une succession. = 3°. Peine que done la multitude des afaires. "Être dans un grand embârrâs d' afaires. = 4°. Irrésolution, perplexité. Je me vois dans un étrange embârrâs, je ne sais que faire. _ Embârrâs d' esprit, peine, irrésolution d' esprit. = 5°. En parlant de maladie, commencement d' obstruction. "Embârrâs dans la poitrine, dans le foie, etc.
   Rem. Avec le régime du datif, causer vaut mieux que faire des embârrâs. "À~ peine Alphonse le chaste étoit-il élevé sur le trône, que le conseil de l' union lui fit les mêmes embârrâs qu' il avoit fait au feu Roi Dom Pierre. Révol. d' Esp. = Mr. Necker dit, faire embârrâs, sans article, ce qui est encôre plus contraire à l' usage. "C' est le moment d' un besoin extraordinaire, qui fait embârrâs entre celui qui demande et celui qui doit fournir.
   EMBâRRASSANT, qui caûse de l' embârrâs. "Les bagages sont embârrassans dans une marche. "Cette afaire est fort embârrassante. "Ce choix est embârrassant.
   EMBâRRASSER se dit au propre et au figuré dans les divers sens d' embârrâs. "Embârrasser le chemin, les rûes. "On a embârrassé cette afaire, cette question. Ce que vous m' aprenez m' embârrasse fort: je ne sais que résoûdre. "Sa tête, sa poitrine s' embârrasse.
   Ce verbe régit souvent la prép. de "Il m' a embârrassé de cette afaire. "Il ne faut pas s' embârrasser des afaires d' autrui. "Il est embârrassé de sa persone, de son temps, de son rang. _ Le passif régit aussi à devant les verbes. "Il est embârrassé à choisir, à se déterminer.
   Rem. S' embârrasser, sans régime, a un sens bien diférent de s' embârrasser, avec la prép. de. Dans le premier câs, il signifie s' intimider, se troubler. "Il est timide, il s' embârrasse au moindre mot qu' on lui dit. Dans le second, il signifie se méler, s' inquiéter: "De quoi vous embârrassez-vous? * Le P. Rapin emploie mal-à-propos le régime dans le premier sens. "Ceux qui n' en ont pas (du naturel, c. à. d. du talent) s' embârrassent des préceptes que les Maîtres donent dans l' école. Il faut, sont embârrassés des préceptes, ou encôre mieux, les préceptes les embârrassent _ * Bourdaloue dit aussi. "De s' embârrasser de peu, c' est petitesse d' esprit, et de se charger de trop, c' est indiscrétion et folie. _ Je crois qu' il faudrait dire, d' être embârrassé de peu de chôse. = * Mallebranche lui done le sens de se mettre en frais pour, etc. se faire une afaire de, etc. "Ils s' embârrassent fort de venir à bout d' une chôse contraire au bon sens, mais qui contente leur vanité. = Dans la phrâse négative, ou avec peu, il a le sens et le régime de se mettre en peine. "Il ne s' embârrasse pas de faire crier tout le monde. "Les grands Vassaux s' embârrassèrent peu de définir leur position. Moreau.

EMBâS


*EMBâS (EN), adv. Fontenelle l' a employé pour en bâs. "Chaîne dont chaque partie est tirée en embas par son propre poids. _ Cet adverbe ne se trouve point dans les Dictionaires, ni dans d' aûtres Auteurs.

EMBâSEMENT


EMBâSEMENT, s. m. [Anbâzeman; 1re et 2e lon. 3e. e muet.] Terme d' Architectûre. Espèce de pied-d' estal continu sous la masse d' un bâtiment. Acad. Bâse continûe, en manière de large retraite, au pied d' un édifice. Trév. Cette 2de définition vaut incomparablement mieux que la première.

EMBASSADE


*EMBASSADE, EMBASSADEUR. Cette mauvaise ortographe se trouve dans la Traduct. de L' Iliade, par Mde Dacier. Voyez. AMBASSADE, AMBASSADEUR.

EMBâTER


EMBâTER, v. act. [Anbâté; 1re et 2e lon. 3e é fer.] Mettre le bât à un mulet. _ L' Acad. avait dabord mis ce mot dans son Dictionaire. Elle l' ôta dans la suite. Elle l' a remis dans les dernières éditions. "Embâter un âne, un cheval, un mulet. = Au figuré (style chagrin ou moqueur), charger quelqu' un d' une chôse qui l' incomode. "Il m' a embâté d' un sot homme, d' une vilaine commission, d' un emploi pénible, et qui ne rend rien.

EMBAUCHER


EMBAUCHER, v. act. EMBAUCHEUR, s. m. [Anboché, cheur; 1re lon. 2e dout. 3e é fer. au 1er.] Termes dont les ouvriers se servent. Embaucher, c' est engager un garçon pour travailler dans une boutique. _ En style familier, enrôler un homme par adresse. = Embaucheur, celui qui engage ou qui enrôle.

EMBAûMEMENT


EMBAûMEMENT, s. m. EMBAUMER, v. act. [Anbômeman, anbomé; 2e lon. au 1er, dout. au 2d, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Embaumement est l' action d' embaumer, de remplir un corps mort de baûme, et d' aûtres drogues pour empêcher la corruption. "Embaumer un corps mort. "Les embaumemens se font avec des poudres aromatiques, et des baûmes liquides.
   EMBAUMER ne signifie quelquefois que parfumer, remplir de bone odeur. "Cela m' embaume. "Ces odeurs ont embaumé la chambre. = Vin qui embaûme la bouche, qui a une odeur exquise. _ Embaûmement ne se dit pas dans ce sens.
   Rem. Plusieurs Ascétiques~ l' ont employé au figuré, pour exprimer les douces impressions d' un discours pieux, qui console et ranime. "Ce Prédicateur nous a tous embaumés. _ D' aûtres le disent des bons exemples et des vertus. "La piété de ces Dames, dont il avoit été embaumé. Vie de M. S... Év. de S... "Il revint dans son Diocèse, laissant toute la Ville d' Aix, édifiée de ses Sermons, et embaumée de ses vertus. Ibid. "Sa conversation étoit si douce, son humilité si profonde, etc. qu' elles embaumoient toute cette maison. P. Giry, Vie de St. Fr. de Paule. _ Les bons Écrivains ascétiques n' ont point employé cette expression.

EMBÉGUINER


EMBÉGUINER, v. act. [Anbéghiné; 1re lon. 2e et dern. é fer.] Proprement, c' est mettre un béguin; mais il n' est pas usité en ce sens. = Dans l' usage actuel, enveloper la tête de linge ou aûtre chôse, en forme de béguin. Il est du style plaisant "Qui vous a embéguiné de la sorte? = Figurément (st. famil.) entêter, persuader. "On l' a embéguiné de cette femme. "Il s' est embéguiné, ou s' est laissé embéguiner de cette opinion. Il se prend toujours en mauvaise part. "Il est embéguiné, ou il s' est embéguiné d' une idée bien ridicule. _ Il se dit sur-tout au passif et au réciproque.

EMBELLIR


EMBELLIR, ou EMBÉLIR, v. act. EMBÉLISSEMENT, s. m. [Anbéli, liceman; 2e é fer. 4e e muet au 2d.] Embellir, c' est rendre beau, orner. "Embellir une maison. _ V. neut. Devenir plus beau. Elle embellit tous les jours. En mauvaise part, embellir un conte, une histoire, l' orner aux dépens de la vérité. On dit proverbialement, de toutes les chôses qui croissent, soit en bien, soit en mal: cela ne fait que croitre et embellir.
   Rem. Avec les persones, embellir, neut. est plus propre, et avec les chôses, le réciproque s' embellir. "La campagne s' embellit, et non pas embellit.
   EMBÉLISSEMENT est l' action d' embélir. "Il s' ocupe depuis longtemps de l' embellissement de sa maison; ou l' ornement qui embélit. "On a fait à cette maison de grands embélissemens. "Cette fontaine est un embellissement~ pour ce jardin.

EMBERLOQUER


*EMBERLOQUER, ou EMBERLUCOQUER (s' ) v. réc. Le premier ne se dit plus, le 2d est populaire. Se coîfer d' une opinion. Trév. le met au propre: coîfer, enveloper de quelque chôse. Cela ne peut être bon que dans le burlesque.

EMBESAS


*EMBESAS, EMBIGU. Voy. AMBESAS, AMBIGU. Ces mots viènent d' ambo: ils doivent donc être écrits avec un a: et l' étymologie et la prononciation le demandent également.

EMBESOGNÉ


EMBESOGNÉ, ÉE, adj. [Anbezog-né; 2e e muet: dern. é ferm. mouillez le g.] Ocupé, afairé, (homme embesogné.) _ On a dit aûtrefois sérieusement, embesogner, ocuper à quelque besogne, à quelque travail.

EMBLAVER


EMBLAVER, v. act. EMBLAVûRE, s. fém. [Anbla-vé, vû-re; 3eé ferm. au 1er, lon. au 2d: devant l' e muet l' a est long: il emblâve, emblâvera, etc.] Emblaver, c' est semer en blé: Emblavûre, terre ensemencée. Trév. ne met pas le substantif.

EMBLÉE


EMBLÉE, (D' ) adv. Dabord, en fort peu de temps. Trév. De premier éfort, de plein saut. Acad. "Emporter une place, une Ville; et figurément, une afaire d' emblée. _ Marivaux dit, en parlant des livres obscènes. "Il est vrai que nous sommes naturellement libertins, ou, pour mieux dire, corrompus; mais, en fait d' ouvrages d' esprit, il ne faut pas prendre cela à la lettre, ni nous traiter d' emblée sur ce pied là. _ Traiter d' emblée est une expression baroque. D' emblée ne s' unit pas à toute sorte de verbes.

EMBLÉER


*EMBLÉER, ou EMBLAYER, v. act. Suivant le Dict. de Trév. (1704) on le disait au propre pour emblaver: mais on ne le dit plus qu' au figuré, pour embarrasser de mille soins. Dans l' Abrégé, on le marque vieux dans les deux sens.

EMBLÉMATIQUE


EMBLÉMATIQUE, adj. EMBLêME, s. m. [Anblématike, blême; 2e é fer. au 1re, ê ouv. et long. au 2d.] Emblême est une figûre symbolique, ordinairement acompagnée de paroles sententieûses. Emblématique, qui tient de l' emblême. "Figûre emblématique. "Emblême ingénieux, expliquer un emblême.
   Rem. Plusieurs Auteurs ont fait emblême féminin. "La hupe étoit donc la plus naturelle emblême du vent annuel, qui soufle du nord au sud, dans le solstice d' été. Pluche. "L' Apocalipse est un livre scellé, et chacune de ses emblêmes, couverte d' un voile impénétrable. Béraud de Bercastel, Hist. de l' Égl. "La charité chrétiène, qu' on nous représente sous l' emblême sacrée d' une mère tendre, entourée d' enfans. Journ. de Mons. = Richelet done à ce mot les deux genres, et préfère le féminin. _ L' Acad. Trév. le Rich. Port. ne marquent que le masc. et ce genre a prévalu.

EMBLER


*EMBLER. Vieux mot. Prendre, voler. "Le bien d' autrui tu n' embleras. "N' est pas voleur, qui voleur emble.

EMBOETEMENT


EMBOETEMENT, EMBOETER, Voyez EMBOITEMENT, EMBOITER.

EMBOISER


EMBOISER, v. act. EMBOISEUR. s. m. [An-boa-zé, zeur; 1re lon. 3eé ferm. au 1er: Devant l' e muet oi est long: il emboîse, emboîsera, etc.] Ces mots sont populaires. Ils ne se disent qu' en plaisantant. Emboiser, amuser par des cajoleries, et engager quelqu' un à faire ce qu' on souhaite. Emboiseur, qui emboise. On dit aussi emboiseûse.

EMBOîTEMENT


EMBOîTEMENT, s. m. EMBOITER, v. a. [An-boâ-teman, boa-té: 2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Emboîtement, est l' action d' emboiter, d' enchâsser une chôse dans une aûtre. Ils se disent proprement des ôs, et par extension, des assemblages de menuiserie, d' aûtres ouvrages en bois, des tuyaux dont on met le bout dans celui d' un aûtre, des ouvrages de métal.

EMBOITûRE


EMBOITûRE, s. f. [Anboa-tûre: 3e lon., 4e e muet.] L' endroit où les ôs s' emboitent. _ Insertion d' une chôse dans une aûtre. "Emboiture des ôs. _ Emboitûre bien faite. "Les emboitures d' une porte, les deux ais de travers en haut et en bâs, dans lesquels les aûtres ais sont emboités.

EMBONPOINT


EMBONPOINT, s. m. [Anbon-poein: 1re et dre lon.] Il semble qu' on devrait écrire en bon point, comme qui dirait, en bon état: mais l' usage a prévalu d' écrire embonpoint. "Il a, il prend, il recouvre de l' embonpoint. "Il perd de son embonpoint. C' est que suivant l' analogie, en devant le b et le p, change l' n en m.
   Rem. 1°. Embonpoint, ne se dit que des persones un peu grasses. Trév. Acad. Et il parait aussi qu' on ne le dit que du corps en général, et du visage en particulier. On ne dit point d' un brâs, d' une jambe, qu' ils ont aquis de l' embonpoint. M. de Coulanges écrit à Mde. de Grignan: "Je ne puis quitter la Mère-beauté: nous nous promenons sans fin et sans cesse, et sa jambe (malade) n' en fait que rire et augmenter d' embonpoint. _ Le mot est imprimé en italique, soit par les soins de l' Éditeur, soit parce qu' il était sous ligné dans l' original, pour montrer que ce mot est impropre, et qu' on ne s' en servait qu' en badinant.
   2°. Embonpoint, se dit au figuré, mais seulement dans le style polémique, ou critique, ou au moins didactique. "L' éloquence de la Chaire se laisse dessécher à ces subtilités de raisonnemens, qui peuvent donner du corps et de la force au discours, mais qui lui ôtent sa grâce et son embonpoint. P. Rapin. "Cette douceur et ce moelleux, qui, sans nuire à l' énergie, donnent, si l' on peut s' exprimer ainsi, de l' embonpoint aux vers, et les font paroître faciles. Sabat. Trois Siècles.

EMBORDURER


EMBORDURER, v. a. [Anborduré: 1re lon., dre é fer.; l' u devant l' e muet est long: il embordûre, il embordûrera, etc.] Mettre une bordûre à un tableau.

EMBOUCHEMENT


EMBOUCHEMENT, s. m. EMBOUCHER, v. a. [Anbou-cheman, an-bou-ché: 1re lon., 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Embouchement, action d' emboucher. Trév. _ L' Acad. ne le met pas. = Emboucher, 1°. Soufler avec la bouche dans un cor, dans une trompette. = 2°. Emboucher quelqu' un, l' instruire, quand on l' envoie, de ce qu' il doit dire, ou ne pas dire. = 3°. S' emboucher, se dit des rivières qui ont leur embouchûre dans une aûtre. "La Somme prend sa source dans le Vermandois, et se vient emboucher dans l' Océan. "La Marne s' embouche dans la Seine. _ Suivant le Dict. de Trév. on dit mieux, se vient jeter... L' Acad. le met sans remarque.
   REM. Emboucher, dans le sens d' instruire, est bâs. L' Acad. dit seulement qu' il est du style familier. "Le P. Joseph lui fait endosser l' habit de son Ordre, le garde quelques jours dans le Couvent, pour l' emboucher, et lui apprendre son personnage. D' Avr. _ Je ne sais si ce mot est du P. d' Avrigny, ou des Mémoires de Rochefort, ou de la Vie du P. Joseph, qu' il ne cite que pour s' en moquer. Mais de qui qu' il soit, il n' est pas du beau style.

EMBOUCHOIR


EMBOUCHOIR, s. m. EMBOUCHûRE, s. f. [An-bou-choar, chûre: 3e dout. au 1er, lon. au 2d.] Embouchoir, est un instrument de bois, qui sert à élargir des bottes. "Mettre des bottes à l' embouchoir. = Trév. le dit aussi du bout d' une trompette, ou d' un cor, qui s' aplique quand on veut soner, et que les ouvriers apèlent bocal. = L' Acad. ne le dit ni sous l' une, ni sous l' aûtre dénomination.
   EMBOUCHûRE, est 1°. L' endroit des riviéres par où elles se déchargent dans la mer, ou dans d' aûtres rivières. = 2°. La partie de l' instrument à vent qu' on embouche, quand on veut jouer. _ Et en ce sens aussi, la manière d' emboucher certains instrumens. "Ce joueur de flûte a l' embouchûre excellente. = 3°. Partie du mors d' un cheval.

EMBOUCLER


*EMBOUCLER, L' Abr. de Trév. se contente de dire que boucler vaut mieux. Il est le seul bon.

EMBOUER


*EMBOUER, v. a. Salir avec de la boûe. Il est très-bas. Trév., et si bâs, qu' on n' ôserait le dire.

EMBOUQUER


EMBOUQUER, v. a. Terme de Marine. Entrer au-dedans des Isles Antilles. Abr. de Trév. Pourquoi des Iles Antilles seulement? C' est en général, entrer dans un détroit. Trév. Acad.

EMBOURBER


EMBOURBER, v. act. [An-bour-bé: 1re lon., 3e é fer.] Au propre, jeter dans un bourbier. "Ce cocher nous a embourbés. "Nous nous sommes embourbés. "Le carrosse s' est embourbé. _ Au figuré: "S' embourber dans le vice. Boil., Trév. "On l' a embourbé, ou, il s' est embourbé dans une mauvaise affaire. Il n' est que du style familier, ou satirique. = On dit proverbialement, jurer comme un charretier embourbé.

EMBOURRER


EMBOURRER, v. a. Garnir de bourre. On dit plus comunément, rembourrer.

EMBOURSEMENT


EMBOURSEMENT, s. m. EMBOURSER, v. a. [An-bour-seman, : 1re lon., 3ee muet au 1er, é fer. au 2d.] Emboursement, action d' embourser. Trév. _ L' Acad. ne le met pas. = Embourser, mettre en bourse. "De tout l' argent que j' ai reçu, je n' ai rien emboursé. Il n' est que du style simple.

EMBRâSEMENT


EMBRâSEMENT, s. m. EMBRASER, v. a. [Anbrâzeman, : 2e lon. au 1er et au 2d, devant l' e muet: il embrâse, embrâsera, etc.; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Embrâsement, au propre, grand incendie. "L' embrâsement de Troie. _ Au figuré, trouble, sédition, désordre dans un État. "Cet embrâsement gagna peu à peu toutes les personnes. Voy. EMBRASûRE.
   Rem. L' Acad. définit embrâsement, par grand incendie, et incendie, par grand embrâsement: cela est fort synonyme, ce me semble, dit La Touche. = Suivant Bouhours, incendie se met ordinairement sans régime: Embrâsement, s' emploie toujours au propre, avec la prép. de: "Rien de plus effrayant que l' embrâsement du Palais. Voyez INCENDIE.
   EMBRASER, mettre en feu. Il se dit au propre et au figuré. "Embraser une maison, une ville. "Cette matière s' embrâse facilement. _ "Que l' amour de Dieu embrâse tous les coeurs! "Le malheureux! il est embrasé d' un feu impur! "La guerre embrasa bientôt toute l' Europe.
   Rem. Racine parle du courroux embrasé des Dieux.
   Il est vrai que des Dieux, le courroux embrasé,
   Pour nous faire périr, semble s' être épuisé.
       Fr. Én.
Embrasé pour allumé, ne vaut rien; et la préférence donée au premier est dûe à la rime. Le courroux s' allume, et comme le feu, il embrâse tout, mais il n' est pas embrasé.

EMBRASSADE


EMBRASSADE, s. f. EMBRASSEMENT, s. m. ÉMBRASSER~, v. a. [Anbra-sade, seman, : 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Les deux substantifs ont à-peu-près le même sens; mais ils n' ont pas le même emploi. Le 1er se dit des embrassemens qui se font en signe d' amitié. "Ils se sont faits mille embrassades: le 2d signifie seulement l' action d' embrasser, de quelque caûse qu' elle viène. "Leur querelle a fini par des embrassemens. L. T. L' Acad. les met sans marquer cette distinction, qui parait fort juste. _ Elle n' a pourtant pas lieu dans tous les styles. Embrassade n' est que du style familier. Embrassement peut entrer dans le beau style. = * On a dit anciènement embrassée.
   EMBRASSER, 1°. Serrer, étreindre avec les deux brâs. Acad. Environer, serrer de ses bras. Trév. "On les a accommodés, et ils se sont embrassés. "Embrasser les genoux d' un Prince, dont on implore la clémence. "Cet arbre est si gros, que deux hommes ne peuvent l' embrasser. = 2°. Figurément, environer, ceindre. "L' Océan embrasse la terre. = 3°. Contenir, renfermer. "Cette question embrasse bien des matières. = 4°. Entreprendre; se charger de. "Il embrasse trop d' affaires. De là le proverbe: "Qui trop embrasse, mal étreint. = 5°. On dit aussi en style figuré, noble et élégant, embrasser un parti, une profession. "Embrasser la cause, la défense, la querelle de quelqu' un. = Il ne régit pas, en ce sens, toute sorte de noms, et l' on ne doit pas dire, à l' exemple de Molière:
   Et sans rien embrasser,
   Vous-même vous verrez ce qu' on en doit penser.
       Dom Garcie.

EMBRASûRE


EMBRASûRE, s. f. [Anbrazûre: 3e lon., 4e e muet.] 1°. Ouvertûre, par où on tire les canons. = 2°. Ouvertûre entre les trumeaux, ou l' endroit des fenêtres et des portes. On l' apèle aussi embrâsement, en termes d' Architectûre. _ M. Desgrouais met mal-à-propos le dernier parmi les gasconismes.

EMBRèNEMENT


EMBRèNEMENT, s. m. EMBRENER, v. a. Ils expriment l' action de salir de bran, de matière fécale. _ L' Acad. ne met point le subst.; il est dans Trév. Ils sont bâs, sur--tout au figuré. "S' embrener dans une méchante affaire; ou simplement, s' embrener: "Cet homme s' est embrené.

EMBRICONER


*EMBRICONER. v. a. Tromper. Il est vieux et hors d' usage. L' Acad. l' avait d' abord mis dans son Dictionaire: elle l' a retranché dans les éditions postérieures. _ Ce mot vient de l' italien bricone. Il est probable que le Cardinal Mazarin l' avait introduit en France.

EMBROCHEMENT


*EMBROCHEMENT, s. m. EMBROCHER, v. a. Le 1er est vieux et inusité. Action d' embrocher, de mettre en broche, ou, à la broche. _ On dit bassement, embrocher quelqu' un, lui passer l' épée à travers le corps.

EMBROGLIE


EMBROGLIE, s. m. [Anbro-glie: mouillez le gli.] Mot italien habillé à la française: Embroglio (Néol.) Embrouillement. "Ces droits forment un embroglie pour l' Administration. Necker. Il faut atendre ce que l' usage décidera sur ce mot.

EMBRONCHER


*EMBRONCHER, v. act. Vieux mot. Broncher. On disait aussi embronchier. = Plus anciènement, on avait dit embruncher, mais dans un aûtre sens, pour dire, couvrir de tuiles; et par extension, couvrir de quoi que ce soit. "Solier, dit Rabelais (c. à. d., plancher d' en haut), embrunché de sapin. _ De là, par métaphôre, on a dit embrunché, puis embronché, pour chagrin, mal-content. La Monn. _ Plusieurs le disent encôre. C' est un mot de conversation. L' Acad. ne le met pas, ni Trév., ni le Rich. Port.

EMBROUILLAGE


*EMBROUILLAGE, s. m. Embrouillement (gasconisme.) "Il y a dans cette affaire de l' embrouillage, de l' embrouille, de l' embrouilli. Trois barbarismes en usage sur les bords de la Garone. Gasc. corr.

EMBROUILLEMENT


EMBROUILLEMENT, s. m. EMBROUILLER, v. a. [An-brou-glie-man, glié: mouillez les ll; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Embrouillement, embârrâs, confusion. Embrouiller, mettre de la confusion, de l' embârrâs, de l' obscurité. "Embrouillement d' esprit, d' afaires. "En voulant éclaircir l' affaire, il l' a embrouillée: il lui a embrouillé l' esprit. "Il s' embrouille aisément, il perd bientôt le fil de ses pensées, de son discours. = Ces mots sont du style médiocre: ils peuvent absolument entrer dans le beau style.

EMBRUINER


EMBRUINER, v. a. Gâter, brûler par la bruine. Trév. _ L' Acad. ne le met pas.

EMBRUMÉ


EMBRUMÉ, ÉE, adj. [Anbrumé, mée: 1re lon., 3eé fer.] Terme de Marine. Il se dit d' un temps de brouillards. "Temps embrumé. _ Qui est chargé de brouillards: "Terres embrumées. Acad.

EMBRUNCHER


*EMBRUNCHER, voy. EMBRONCHER.

EMBRYON


EMBRYON, s. m. [Anbri-on.] Foetus, qui comence à se former dans le ventre de la mère. = Figurément, et en terme de mépris, fort petit homme: "Ce n' est qu' un embryon.

EMBûCHE


EMBûCHE, s. f. EMBUSCADE, s. fém. S' EMBUSQUER, v. réc. [An-bûche, buskade, buské: 2e lon. _ Des Imprimeurs peu instruits écrivent ambuche, ambuscade.] Embûche, entreprise secrète pour surprendre quelqu' un, piège qu' on lui tend. Embuscade, embûche dressée dans un bois, ou aûtre lieu caché, pour surprendre les énemis. S' embusquer, se mettre en embuscade. "Dresser des embuches. Faire, ou dresser une embuscade. Se mettre en embuscade. "Donner, tomber dans une embuscade. _ "S' embusquer~ dans un bois, etc. "Ces précautions sont nécessaires, pour n' être pas insultés par ces Barbares, lesquels sont souvent embusqués dans les bois qui règnent le long du fleuve. Let. Edif.
   Rem. 1°. Embûche s' emploie, le plus souvent, au pluriel. On dit, dresser des embûches, dresser une embuscade. L' Acad. met un exemple du singulier, en avertissant que ce mot a plus d' usage au pluriel. Il est de tous les styles: embuscade est, tout au plus, du style médiocre; s' embusquer n' est que du style simple et familier. _ L' Acad. les met sans remarque.
   2°. On a remarqué, depuis long-temps, qu' on dit tendre des pièges, et dresser des embûches; cependant de grands Écrivains, ou faûte d' atention, ou se mettant au-dessus des règles et de l' usage, disent, tendre des embûches. M. d' Alembert fait dire à Germanicus: "Allez apprendre à mon père et à mon frère... les embûches qu' on m' a tendues. _ M. l' Ab. Grosier prétend qu' on ne dit plus aujourd'hui les embûches que dans le style de la Chaire, quand on parle du démon, et qu' on ne soupçonerait pas un Philosophe de parler le langage de la mysticité. _ Je crois que cette critique n' est pas fondée, et qu' embûches n' est pas rélégué chez les Ascétiques. _ L' Acad. done trois exemples d' embûche, où il n' est question ni du démon, ni de la mysticité; mais elle dit dresser, et non pas, tendre des embûches.
   3°. EMBûCHE, personifiée, est une nouveauté qui peut devenir heureûse, et qui, à mon avis, le mérite. _ Le Rédacteur du Mercûre parait ne pas l' aprouver.
   L' âge de fer, souillé des plus noirs attentats,
   Amenant l' avarice et l' embûche homicide,
   Chassa la foi sincère et la pudeur timide.
       Anon.

EME


EME. On dit, dans Trév., que les mots, qui finissent en eme ont la pénult. longue, comme carême, blême. Il pouvait ajouter, même, Baptême, Chrême (le St.), diadêmes etc.: mais cela n' est pas vrai de tous; car dans crème (la), je sème, il sème, la pénultième est douteûse, brève dans le cours de la phrâse, longue s' il la termine. _ Les premiers doivent porter l' acc. circ., et les aûtres l'~ accent grâve.

ÉMENDER


ÉMENDER, v. act. [Émandé: 1re et dre é fer., 2e lon.] Corriger. Il ne se dit qu' au Palais: c' est un latinisme: emendare. "La Cour émendant, ordonne, etc.

ÉMERAûDE


ÉMERAûDE, s. f. [1re é fer., 2e et dre e muet, 3e lon.] Pierre précieûse, verte, diaphane, et la plus dûre, après le rubis.

ÉMERI


ÉMERI, ou ÉMERIL, s. m. [Trév. met les deux. L' Acad. ne met que le 1er.] Pierre ferrugineûse fort dûre, dont on se sert pour polir les métaux et les pierres.

ÉMERILLON


ÉMERILLON, s. m. ÉMERILLONÉ, ÉE, adj. [Emeri-glion, glioné, né-é: 1re é fer., 2ee muet; mouillez les ll.] Émerillon, petit oiseau de proie. Émerilloné, vif et gai, éveillé comme un émerillon. _ Il n' est que du style familier. "Vous nous feriez plaisir de nous donner cette petite émerillonée. SÉV. Il est là subst. "Vous voilà bien émerillonée, Mademoiselle? _ Oh! tu ne sais pas, si je veux, ma fortune est faite. Mariv.

ÉMÉRITE


ÉMÉRITE, adj. [1re et 2e é fer., dre e muet.] Qui a servi son temps dans un emploi. "Professeur émérite. _ Il ne se dit que dans le pays latin. Emeritus miles, chez les Romains, était un soldat qui avait blanchi sous le harnois. On l' apelait aussi Vétéran, et c' est le nom qu' on done dans plusieurs Compagnies. On dit aussi honoraire: Conseiller, Président honoraire.

ÉMERVEILLABLE


*ÉMERVEILLABLE, adj. ÉMERVEILLER, v. act. [Émêrvè-glia-ble, glié: 1re é fer., 2e ê ouv., 3e è moy.; mouillez les ll.] Émerveillable, merveilleux, admirable. Il est vieux et hors d' usage. "Acte héroïque et émerveillable à voir. Chron. Malherbe l' a employé.
   O soleil! ô grand luminaire!
   Si jadis, l' horreur d' un festin
   Fit, que de ta route ordinaire
   Tu reculas, vers le matin;
   Et d' un émerveillable change,
   Te couchas aux rives du Gange, etc.
   ÉMERVEILLER, doner de l' admiration, étoner. "Cela a émerveillé tout le monde. _ Il se dit, le plus souvent, au passif et au réciproque. "Il est émerveillé, ou, il s' émerveille de tout ce qu' il voit. "Qui n' en seroit émerveillé? "Il n' y a pas de quoi s' émerveiller. _ Il n' est que du style familier.

ÉMÉTICITÉ


ÉMÉTICITÉ, s. f. Trév.ÉMÉTIQUE, adj. et s. m. [1re et 2e é fer.] Vertu émétique, qui provoque le vomissement. _ Vin émétique, poudre émétique. _ S. m. Prendre l' émétique.

ÉMEUTE


ÉMEUTE, s. f. Sédition populaire et soudaine. Trév. Soulèvement dans le peuple. Acad. "Causer, appaiser une émeute.
   Rem. Comme on dit, être en rumeur, ROLLIN, par analogie, a cru pouvoir dire, être en émeute; mais souvent l' analogie trompe. "Dans un moment, toute la Ville fut en émeute. HIST. ANC. Voy. ÉMUTE.

ÉMEUTER


*ÉMEUTER. Quoiqu' on dise émeute, et non pas ameute, on dit ameuter, et non pas émeuter, s' émeuter, comme dit le peuple en certaines Provinces.

ÉMIER


ÉMIER, v. a. ÉMIETTER, v. a. [Émi-é, émiété: dans le 2d. le 2d e se change en è moy. devant la syll. masc. "Il émiette, il émiettera, ou, émiète, émiètera.] Ces deux verbes ont à-peu-près le même sens. Réduire en petits morceaux, en miettes. Emier, émiéter du pain, de la cassonade, etc. "Cela s' émie; prenez garde de l' émier, de l' émiéter.

ÉMIGRANT


ÉMIGRANT, ANTE, adj. et subst. ÉMIGRATION, s. f. ÉMIGRER, v. n. Ces trois mots sont nouveaux; mais les deux premiers sont déjà reçus par l' usage. Il parait que le troisième ne tardera pas à l' être. Ils se disent de ceux qui quittent leur pays pour s' établir ailleurs. "Le Nord, toujours fécond en Nations émigrantes. FELLER. "Un généreux attachement à leur état, une grande ferveur, un surcroît d' édification, sont la dot que ces Religieuses émigrantes (les Carmelites de Flandre), ont apportée dans les Couvens respectifs où elles sont incorporées. Note du Panég. de Ste. Therèse, par M. l' Ab. Du-Serre-Figon. _ "L' on ne peut dire quel sera le nombre de ces Emigrans, qui nous arrivent en foule des autres contrées. Linguet. = "Quelques choses qu' on ait dites, de nos jours, de la manie de ces Emigrations, (les Croisades), elles ne m' étonnent point, dans le siècle dont je parle: elles se lioient à tous les motifs d' agir, que l' on pouvoit alors se proposer: elles favorisoient tous les goûts; elles tenoient aux moeurs et aux seules maximes politiques que l' on connût. Moreau. "La culture annuelle, presque anéantie par les émigrations non interrompues, qui ont peuplé l' Amérique aux dépens de ce Royaume (l' Écosse.) Linguet. = "Une Colonie émigrée d' un autre peuple. L' Ab. B... "M. Franklin ajoute, que toute l' Europe émigreroit ainsi successivement, dans un autre Continent. Anon.

ÉMINCER


ÉMINCER, v. a. [Emein-cé: 1re et dre é fer., 2e lon.] Couper de la viande en tranches fort minces. Acad. Il ne se dit qu' au participe. "Du mouton émincé. = S. f. "Une émincée de poularde. = * Rendre plus mince, plus délié. Trév. _ Amincer vaut mieux. Ibid. _ L' Acad. ne dit qu' amincir~, et amincer ne vaut pas mieux qu' émincer. = Le Rich. Port. ne dit qu' émincée~. Viande coupée par tranches fort minces. "Une émincée de mouton.

ÉMINEMMENT


ÉMINEMMENT, adv. ÉMINENCE, s. f. ÉMINENT, ENTE, adj. [Éminaman, nance, nan, nante; 1reé fermé, 3e lon. excepté au 1er.] Eminemment, par excellence, au souverain~ degré de perfection. "Il possède éminemment~ cette science, cette vertu. = Eminence est, 1°. Hauteur, lieu élevé, lieu éminent. Acad. Petit tertre ou colline, qui est élevée au-dessus de la râse campagne. "Voir le combat d' une éminence. "S' emparer d' une éminence. "Les énemis s' étoient saisi de toutes les éminences. = 2°. Titre d' honeur qu' on done aux Cardinaux, et au Grand-Maître de Malthe. "Votre Eminence. _ Il ne se dit des persones, que dans cette ocasion. * Massillon dit de J. C. "Son origine éternelle, son titre de Fils de Dieu, qui est le titre essentiel de Sa Sainteté, l' est aussi de son Eminence _ Le terme n' est pas propre: prééminence aurait mieux valu. _ La Bruyère a dit aussi: "Celui qui est d' une éminence au--dessus des autres, qui le met à couvert de la répartie, ne doit jamais faire une râillerie piquante. On dirait aujourd'hui: celui qui est assez élevé au-dessus des aûtres pour, etc. = * Voiture a dit, en éminence, pour, à un degré éminent. "On prétend que le talent du Peintre et du Sculpteur, ne se trouve jamais en éminence avec un parfait jugement. En éminence ne se dit point.
   ÉMINENT, ENTE, au propre, haut, élevé: "Lieu éminent. _ Au figuré, excellent, surpassant tous les aûtres. "Homme éminent en doctrine, en piété, etc. "Vertu éminente. Dans un degré éminent. C' est le degré éminent, auquel le quinquina possède cette vertu (fébrifuge), qui a fourni à ses énemis les principales armes, avec lesquels ils ont tâché de le combattre. Voullonne.
   Rem. On dit, un péril éminent, et non pas imminent, comme il semble qu' on le devrait dire, suivant l' étymologie. Peut-être aussi, dit Vaugelas, que ce mot ne vient pas d' imminens, mais d' éminens, qui signîfie grand, manifeste, fort aparent. Vaug.Corn. L. T. _ Pour moi, je crois qu' on a dit dabord péril imminent, comme il étoit naturel de le dire, periculum imminens, que ceux qui ignoraient l' étymologie on dit, péril éminent, parce que ce mot leur était mieux conu, et que sur cet article, comme sur beaucoup d' aûtres, l' usage a prévalu sur la raison. _ Quoiqu' il en soit, de bons Écrivains disent, danger imminent; et il est mieux de l' écrire et de le dire ainsi. "Le danger imminent des Hollandois, leur fit prendre le parti de déclarer le Prince d' Orange Stathouder Henault.

ÉMINENTISSIME


ÉMINENTISSIME, adj. C' est un des superlatifs usités en français, et c' est le titre qu' on done aux Cardinaux qui en ont un aûtre. Votre Altesse éminentissime.

ÊMISSAIRE


ÊMISSAIRE, s. masc. [Émicère; 1re é fermé, 3e è moyen, et long, 4e e muet.] Persone afidée et adroite, qu' on envoie secrètement sonder les sentimens d' autrui, lui faire quelque proposition. _ C' est aussi celui qui fait courir des bruits pour servir les uns et nuire aux aûtres, qui épie, etc. "Il a fait doner cet avis, courir ce bruit, etc. par ses émissaires. _ Ce mot se prend en mauvaise part: il est du style élevé, comme du style simple.

ÉMISSION


ÉMISSION, s. fém. [Émi-cion; 1re, é fer.] Terme didactique. Action par laquelle quelque chôse est poussée au dehors. Il a le sens passif, et se dit de ce qui est poussé, et non pas de ce qui pousse~. "L' émission des rayons du Soleil, des corpuscules des corps odorans, etc. = En termes de Droit Canon, émission des voeux, prononciation solennelle des voeux.

ÉMISTICHE


*ÉMISTICHE. C' est ainsi qu' on écrivait autrefois, et l' Acad. elle-même a employé cette ortographe dans ses Sentimens sur le Cid.

EMM


EMM. Dans cette syllabe, la première m a le son de l' n, et forme avec l' e, la voyèle nazale an. Richelet écrit les mots suivans comme on les prononce: anmaigrir, anmailloter, etc.

EMMAGASINER


EMMAGASINER, v. act. [Anmagaziné; 1re lon. dern. é fer.] Mettre en un magasin. "Emmagasiner des marchandises. _ Trév. ne met pas ce mot, qui est très-usité et très-utile.

EMMAIGRIR


*EMMAIGRIR, v. act. [Anmégri: 1re lon. 2e é fer.] Rendre maigre. "Le travail l' a emmaigri. = V. neut. et réc. Devenir maigre. "Il emmaigrit tous les jours: son visage s' emmaigrit visiblement. _ Trév. renvoie à Amaigrir. L' Acad. avertit qu' on ne prononce plus qu' amaigrir. Il ne faut donc plus l' écrire que de cette manière.

EMMâILLOTER


EMMâILLOTER, v. act. [Anmâ-glio--té; 2e lon. mouillez les ll.] Mettre un enfant dans son mâillot. "C' est une mauvaise coutume d' emmâilloter les enfans.

EMMANCHER


EMMANCHER, v. act. [Anmanché: 1re et 2e lon. 3e é fer.] Mettre un manche. "Emmancher une coignée, des couteaux, une faulx, etc. = En style fig. famil. afaire mal emmanchée, prise de mauvais biais. "Cela ne s' emmanche pas ainsi, ne s' ajuste pas de la sorte; ne s' emmanche pas comme vous le pensez, n' est pas si aisé que vous croyez.

EMMANCHEUR


EMMANCHEUR, s. masc. [Anman--cheur.] Ouvrier qui emmanche des instrumens. "Un emmancheur de couteaux.

EMMANTELÉE


EMMANTELÉE, s. fém. [Anmantelée; 3e e muet; 4e é fer.] Il ne se dit que d' une corneille, qui est de plumage gris cendré sur les ailes, et noir sous le ventre.

EMMANUEL


EMMANUEL; nom doné au Messie. Em n' y a pas le son d' an: on pron. les deux mm: éme-manu-èl.

EMMARINER


EMMARINER, v. act. [Anmariné.] Garnir un vaisseau de l' équipage nécessaire pour le monter. = Emmariné se dit d' un homme acoutumé à la mer.

EMMÉLER


*EMMÉLER. Vieux mot. Méler, brouiller. Emmélé, brouillé, confus. _ Pluche s' est encôre servi de ce mot. "Rien de si emmêlé que la marche des Planètes, dans le systême de Ptolomée.

EMMÉNAGEMENT


EMMÉNAGEMENT, s. m. EMMÉNAGER, (s' ) v. réc. [Anménageman, ; 2eé fer. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d] S' Emménager, c' est 1°. Mettre ses meubles en ordre, dans une maison où on les a transportés en déménageant. 2°. Se pourvoir de meubles de ménage. = Emménagement, action de s' emménager.

EMMENER


EMMENER, v. act. [Anmené; 1re lon. 2e. e muet, 3e é fer. _ Devant la syllabe fém. le 1er e se change en è moyen: il emmène, emmènera, etc.] Mener du lieu où l' on est en quelqu' aûtre. Voy. MENER. "Il l' a emmené dans son cârrosse. "Il a emmené ses marchandises.

EMMENOTER


EMMENOTER, v. act. [Anmenoté; 1re lon. 2e e muet. dern. é fer.] Mettre des menotes, des fers aux mains. "On a pris ce voleur, on l' a emmenoté.

EMMENT


EMMENT. Terminaison des adverbes, formés des adjectifs en ent: ardemment, impertinemment, etc. Richelet et le Chev. de Follard, d' après lui, écrivent ardanment, conséquanment, prudanment. Cette ortographe est contraire à la prononciation. _ Le P. Tarteron écrit comme on prononce ardament, impertinament. Cette manière est moins conforme à l' étimologie et à l' usage, et plus favorable à la prononciation.

EMMESSÉ


*EMMESSÉ, ou AMESSÉ, adj. Qui a ouï la Messe. "Êtes vous emmessé: "Elle n' est pas encôre amessée. Tous les deux sont bâs. Rich. Trév. _ L' Acad. ne met ni l' un ni l' aûtre.

EMMI


*EMMI, ou EMMY, adv. Vieux. Parmi, au milieu de. "Tout le grain s' est répandu emmi la place. _ On le dit encôre dans certaines Provinces.

EMMIELLER


EMMIELLER, v. act. [An-mié-lé: 1re lon. 2e et 3e é fer. _ Devant l' e muet, la 2d se change en è moyen. Il emmielle, emmiellera, etc. ou emmièle, emmièlera, etc.] Au propre, 1°. Enduire de miel. "Il faut emmiéler les mors aux jeunes poulains. 2°. Mettre du miel dans une liqueur: "Emmiéler du cidre, de vin d' Espagne. = Au figuré, paroles emmiellées, discours flateur, et d' une douceur afectée, fade, etc. _ Le Poète Regnier dit:
   * O Muse! je t' invoque, emmielle-moi le bec.

EMMITOUFLER


EMMITOUFLER, v. act. [Anmitou-flé: dern. é fer.] Enveloper de fourrûre ou d' aûtre chôse, pour tenir quelqu' un chaûdement. "Emmitoufler un vieillard. "Il aime à s' emmitoufler. Il est du style familier, et souvent moqueur et critique. = Le Proverbe dit: jamais chat emmitouflé ne prit souris. Dans les chôses qui demandent quelque liberté d' action, il faut écarter tout ce qui peut gêner ou empêcher d' agir.

EMMONCELER


*EMMONCELER. On dit, AMONCELER. Voy. Ce mot.

EMMORTAISER


EMMORTAISER, ou EMMORTOISER, v. act. [Trév. met les deux: l' Acad. ne met que le 1er, et c' est le seul bon: anmor--tézé: 3e et 4e é fer.] Faire entrer dans une mortaise le bout d' une pièce de bois ou de fer. "Cela est bien emmortaisé.

EMMUSELER


EMMUSELER, v. act. [Anmuzelé: 3ee muet, 4e é fer. Devant la syll. fém. l' e muet de la 3e se change en è moy. Il emmuselle, emmusellera, ou emmusèle, emmusèlera, etc.] Mettre une muselière. "Emmuseler un cheval.

ÉMOELLER


ÉMOELLER v. act. [É-moa-lé; 1re et dern. é fer.] Ôter la moelle. Trév. _ L' Acad. ne le met pas.

ÉMOI


*ÉMOI, s. m. (Vieux mot). Souci, inquiétude. _ Il est encôre en usage parmi le peuple, en certaines Provinces. "Elle est encore tout en émoi. Th. d' Éduc.

ÉMOLLIENT


ÉMOLLIENT, ENTE, adj. [Émoli-an, ante.] Qui amollit. Il ne se dit qu' en Médecine. "Remède, emplâtre émollient.

ÉMOLUMENT


ÉMOLUMENT, s. m. ÉMOLUMENTER, v. n. [Emoluman, manté; 1re é ferm. 4e lon.] Emolument, gain, profit. Emolumenter, gâgner. "Tirer un grand émolument, ou de grands émolumens de... "Il ne cherche qu' à émolumenter.
   Rem. 1°. Quoique le substantif ne soit pas du haut style, il est plus noble et plus usité que le verbe. Celui-là se prend, ou en bone, ou en mauvaise part: celui-ci ne se prend qu' en mauvaise part.
   2°. Au pluriel, le nom se dit des profits et des avantages casuels, qui proviènent d' une charge, par oposition aux revenus, fixes. "Il s' est réservé les gages de cet ofice, de cette charge: et il en laisse les émolumens à ceux qui travaillent sous lui. Acad.

ÉMONDER


ÉMONDER, v. act. ÉMONDES, s. fém. plur. [1re é fer. 2e lon. 3e é fer. au 1er, e muet au 2d.] Émonder, c' est couper les menûes branches d' un arbre. Émondes, ce sont ces branches qu' on a coupées.

ÉMOTION


ÉMOTION, s. fém. [Émo-cion, en vers ci-on] Agitation, moûvement ou dans le corps ou dans l' âme. J' ai senti quelque émotion: je crains d' avoir la fièvre. "Il a de l' émotion dans le pouls. "Cette nouvelle l' alarma; on vit de l' émotion sur son visage. "Il entendit sans émotion ces injustes reproches. = Comencement de sédition. "Il y a de l' émotion dans le peuple.

ÉMOUCHER


ÉMOUCHER, v. act. [1re et dern. é fer.] Chasser les mouches. "Les chevaux s' émouchent avec leur queûe.

ÉMOUCHETTE


ÉMOUCHETTE, s. f. [É-mou-chète; 1re é fer. 3e è moy. 4e e muet.] Housse de réseau avec des cordes pendantes, qui sert à garantir les chevaux des mouches.

EMOUCHOIR


EMOUCHOIR, s. m. [Émou-choar.] Instrument avec lequel on émouche, on chasse les mouches.

ÉMOûDRE


ÉMOûDRE, v. act. [Il se conjugue comme moûdre.] Aiguiser sur une meule. "Emoûdre des couteaux: faire émoûdre des ciseaux.

ÉMOULEUR


ÉMOULEUR, s. m. Celui dont le métier est d' émoûdre, d' aiguiser les couteaux, ciseaux et aûtres ferremens.

ÉMOULU


ÉMOULU, LûE, adj. [1re é fer. 3e lon. au fém.] Aiguisé, afilé, pointu. "Combatre à fer émoulu: tout de bon et à outrance. Il se dit au propre et au figuré. _ "Il est frais émoulu sur cette matière: il l' a étudiée depuis peu.

ÉMOUSSER


ÉMOUSSER, v. act. [É-mou-cé; 1re et dern. é fer.] Rendre moins tranchant, moins perçant. "Émousser un rasoir, la pointe d' une épée. "Les lancettes s' émoussent facilement. Au figuré, afoiblir, amolir. "L' afliction émousse l' esprit. "La débauche émousse les sentimens d' honeur et de probité; le courage, etc.

ÉMOUVOIR


ÉMOUVOIR, v. act. [É-mou-voar.] Il n' est guère usité qu' à l' infinitif et au présent, soit de l' indicatif, soit du subjonctif, et aux temps composés. "Émouvoir, j' émeus, nous émouvons, ils émeûvent; qu' il émeûve, que nous émouvions, qu' ils émeûvent. j' ai ému, j' avois ému, j' aurois ému, etc. * M. l' Ab. du Bos, dit au futur, émouvra, et Regnard, émouvera. "Une action qu' on nous montre dans un récit, nous émouvra moins que ne le ferait une action, qui se passerait sous nos yeux. _ On disait aûtrefois, dans la traduction gauloise de la Bible. "Ils m' ont ému à jalousie, ainsi les émouvrai-je à colère. "Qu' alors il émouvroit les Nations, et qu' il feroit venir celui que les Nations devoient desirer.
   Et je vais lui dicter une lettre d' un style,
   Qui, de Madame Argante, émouvera la bile.
       Lég. Univ.
L' Acad. dit, qu' émouvoir se conjugue comme mouvoir et à mouvoir; elle met, je mouvrai. Il me parait que le futur et le conditionel, tant du simple que du composé, sont~ peu en usage.
   ÉMOUVOIR, 1°. Mettre en moûvement. "Le vin blanc~ émeut, done de l' émotion. "Ces pillules émeuvent les humeurs, la bile et ne purgent pas. "Cette médecine n' a fait que l' émouvoir. = 2°. Exciter, agiter, en parlant des flots de la mer, d' une tempête. "Le moindre vent émeut les flots. "La mer comence à s' émouvoir: "Il s' émut une grande tempête. = 3°. Dans le moral, exciter les passions. "L' art d' émouvoir les passions
   D' un Dieu jaloux, émouvoir la colère.
   "Rien ne trouble cet homme, rien ne l' émeut. "Il ne s' émeut, il n' est ému de rien. _ Émouvoir une sédition, une querelle une dispute; et en style proverbial, émouvoir une noise.
   Rem. 1°. On trouve, dans un ouvrage de M. Linguet, émouvoir pour mouvoir. "Athénée cite un vaisseau construit en Égypte, qui ne pouvoit s' émouvoir (se mouvoir) qu' à l' aide de quatre mille hommes, divisés en quarante rangs. _ On doit croire que c' est une faûte d' impression.
   2°. Quoiqu' on dise, émouvoir une querelle, une dispute, je ne crois pas qu' on doive dire, émouvoir des questions, des dificultés. "La question émue par les ennemis de l' Eglise. Bossuet. "Emouvoir de nouvelles difficultés. Id.
   3°. Ce verbe régit quelquefois la prép. de. "Emouvoir les coeurs de compassion. Ce régime a sur-tout lieu avec le passif. "Il est ému de crainte et de pitié. = Un Poète tragique lui fait régir la prép. à:
   - - - Si rien, à la pitié, ne vous peut émouvoir.
L' Auteur du Dict. Néol. le condamne. Je ne serais pas si sévère. Je pense que ce régime est utile, et qu' il est dans l' analogie de la Langue. _ Suivant l' Acad. on dit quelque--fois émouvoir (porter) à compassion, à sédition. Il est vrai que ce sont des phrâses comme consacrées, et qui ne paraissent pas tirer à conséquence pour d' aûtres mots. Je m' en raporte.

EMPâILLER


EMPâILLER, v. a. [Anpâ-glié: 2e lon., 3e é fer.; mouillez les ll.] 1°. Garnir de pâille. "Empâiller des chaises. = 2°. Enveloper de pâille. "Empâiller des porcelaines, des balots, des boîtes. = 3°. Remplir de pâille. "Empâiller des peaux d' animaux, pour en conserver la figûre.

EMPALEMENT


EMPALEMENT, s. m. EMPALER, v. a. [Anpaleman, : 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Ils se disent d' un horrible suplice en usage chez les Turcs, qui consiste à ficher un pal aigu dans le fondement d' un homme, et le faire sortir par les épaûles. "L' empalement est un des plus cruels suplices, dont l' indécence et la cruauté prouvent également la barbarie de la Nation qui l' emploie. "Les Turcs empalent certains criminels. Il fut condamné à être emplaé.

EMPANACHER


EMPANACHER, v. act. [Anpanaché.] Garnir d' un panache. Empanacher un casque. = Trév. met aussi empennacher, et celui-ci est plus conforme à l' étymologie de penna (plume.) Il ne l' admet que pour le figuré, plaisant et satirique, et en parlant des hazards du mariage. L' Acad. ne le met qu' au propre.

EMPAQUETER


EMPAQUETER, v. a. [Anpaketé.] 1°. Mettre en un paquet. "Empaqueter du linge, des habits, des livres, etc. = 2°. Enveloper. Il se dit, surtout au réciproque et au passif. "Il s' empaqueta dans son manteau: "Elle étoit empaquetée~ dans ses coifes. = 3°. Serrer, presser. "Nous étions six dans ce carrosse, et tellement empaquetés, que nous ne pouvions pas nous remuer.

EMPARER


EMPARER (s' ) v. r. [Anparé; devant l' e muet, l' â est long. Il s' empâre, s' empârera, etc.] Au propre, se saisir, se rendre maître d' une chose, l' ocuper, l' envahir. "S' emparer d' un héritage, d' une place de guerre, d' une maison, etc. = Au fig. Asservir, dominer. Il se dit des passions relativement à l' âme. "Quand l' amour, l' ambition, ou la jalousie, ou la haine se sont emparés de l' âme, d' un coeur, d' un homme, ils y font les plus grands ravages.

EMPâTER


EMPâTER, v. act. [Anpâté; 2e lon. 3e é fer.] 1°. Remplir de pâte. "Cela m' a empâté les mains. = 2°. Rendre pâteux. "Cela empâte la langue; m' a tout empâté la bouche. = 3°. Empâter la volaille, lui doner de la pâte d' orge pour l' engraisser. Trév.L' Acad. ne met pas cette 3e acception.

EMPAUMER


EMPAUMER, v. a. [Anpomé; 2e dout. _ Devant l' e muet elle est longue: il empaûme, empaûmera, etc.] 1°. C' est proprement recevoir une balle ou un éteuf dans le milieu de la paûme de la main ou du batoir, et la pousser fortement. = 2°. Au fig. se rendre maître de l' esprit d' une persone. "Empaumer une persone, se laisser empaumer par quelqu' un. = 3°. Empaumer une afaire, la bien prendre, la bien manier. = Empaumer la parole, s' en emparer. Tout cela est du style fam. = * 4°. Trév. met aussi, empaumer quelqu' un, lui doner un souflet. Il est bâs et populaire. L' Acad. ne le met point.

EMPêCHEMENT


EMPêCHEMENT, s. m. EMPêCHER, v. a. [Anpêcheman, ché: 2e ê ouv. et lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Obstacle, oposition. "Mettre, aporter de l' empêchement à quelque chôse.
   Empêchement, dificulté, obstacle (syn.) Suivant l' Abé Girard, le mot dificulté paraît exprimer quelque chôse, qui nait de la natûre et des propres circonstances de ce dont il s' agit; celui d' obstacle semble dire quelque chôse, qui vient d' une câuse étrangère; celui d' empêchement, fait entendre quelque chôse, qui dépend d' une loi, ou d' une force supérieure.
   EMPêCHER, aporter de l' obstacle. "Empêcher le jugement d' un procès: un mariage. "Cette muraille empêche la vûe, etc. _ La diférence du sens afirmatif et du négatif est très-sensible dans ce verbe. Il régit la conjonction que avec le subjonctif. S' il y a une négation avec empêcher, on n' en met point après que; et s' il n' y en a point, on ajoute à que la négative ne. "Je n' empêcherai pas que vous veniez; j' empêcherai bien que vous ne sortiez. _ L' Acad. dit indiféremment: Je n' empêche pas qu' il ne fasse ou qu' il fasse. Mais elle ne done point le choix pour le sens afirmatif. Elle ne met que cet exemple. "La pluie empêcha qu' il ne s' allât promener.
   Rem. 1°. Plusieurs Auteurs retranchent le ne, quoique la phrâse soit afirmative. "Lancaster fut soupçoné d' empêcher qu' aucune entreprise pût réussir. il falait, ne pût réussir.
  Dieux puissans, empêchez qu' un autre le possède.
       Campistron.
  Suivant l' usage, il faudrait, ne le possède.
  Je pouvais empêcher qu' elle me fût ravie.
      P. Marion. Cromvel.
En prose, on devrait dire, qu' elle ne me fût ravie: mais on doit pardoner aux Poètes de retrancher la négative. = D' autres Auteurs mettent la négative après que, dans le sens négatif, où elle ne doit pas être employée. "Je n' empêche point qu' on ne te done. Mde. Dacier, Odyssée. L' Acad. les autorise, comme on a vu plus haut.
   Rem. 2°. Quand empêcher régit un nom, il faut employer pour le régime des verbes la prép. de et l' infinitif, et non pas la conjonction que avec le subjonctif: ainsi, au lieu de dire, je ne vous empêcherai pas que vous veniez, il faut dire: je ne vous empêcherai pas de venir. "Il m' empêche de travailler, et non pas: il m' empêche que je travaille. _ Que si empêcher est employé neutralement et sans régime des noms, la conjonction que est employée régulièrement. "J' empêcherai bien qu' il ne viène nous troubler. "J' ai empêché qu' on ne vous volât.
   REM. 3°. S' empêcher régit de et l' infinitif, par le même principe. "Je ne puis m' empêcher de le faire. _ La prép. en, avec laquelle il se joint quelquefois, exprime cet infinitif. "Je ne puis m' en empêcher signifie souvent, je ne puis m' empêcher de me mettre en colère, de dire, de faire telle chose, etc. = On dit, dans ce sens, qui vous en empêche? * En conséquence Bossuet a cru pouvoir dire: rien n' en empêchoit: mais on ne peut pas conclûre d' une expression à l' aûtre; la 2de est irrégulière, et elle difère de l' aûtre en ce qu' empêcher y est sans régime direct. On dirait mieux, si l' on disait, rien ne l' en empêchait. Le P. Barre a fait la même faûte. * "Partout on abatit les images: on massacra tous ceux qui voulurent en empêcher. Hist. d' Allem. Il falait, ou l' empêcher ou les en empêcher. _ Et Mde. de B... "Avant que le Maître puisse en empêcher, Hist. des Tudors. Dites, puisse l' empêcher.
   REM. 4°. S' empêcher d' être suivi, pour empêcher qu' on ne le suive, plaisait à Vaugelas, malgré l' irrégularité de l' expression. Il assurait que les meilleurs Ecrivains, en s' en servant, la regardaient comme une expression élégante. Chapelain et La Mothe le Vayer étaient d' un autre sentiment, et Th. Corn. se rangea de leur côté. Aujourd'hui l' usage est conforme à la raison sur cette expression; car ce sont les aûtres que nous empêchons de nous suivre, et nous ne nous empêchons pas nous-mêmes. _ Delà on peut faire cette règle générale, que quand le verbe, régi par s' empêcher, se raport au nominatif, on peut employer l' infinitif; quand il ne s' y raporte pas, il faut dire, empêcher, et non pas s' empêcher, et le faire suivre de la conjonct. que, et du subjonctif. "Je ne puis m' empêcher de le faire: je puis empêcher que vous ne le fassiez.
   REM. 5°. Empêcher régit la persone à l' acusatif. Quelques Auteurs lui ont fait régir le datif. "La conoissance de ces inconvéniens ne lui a pas dû empêcher d' exécuter son dessein. Mallebr. Dites, n' a pas dû l' empêcher, etc. _ Un Auteur Gascon lui a doné le méme régime. "L' indisposition où il pouvoit être alors lui a empêché de faire assez d' attention à la lettre qu' on lui écrit. Let. d' un Citoyen de Bordeaux. Et de Saci. "Il est bien plus aisé de vaincre l' énemi lorsqu' on lui empêche dabord l' entrée de l' âme. _ Dites, lorsqu' on lui ferme l' entrée, ou lorsqu' on l' empêche d' entrer, etc. La 1re manière vaut mieux. _ Ailleurs, il l' emploie sans régime. "Heureux celui qui rejette tout ce qui l' empêche et le distrait. _ Cela n' est pas du goût d' aujourd'hui.
   Rem. 6°. On dit, dans le style fam., je n' empêche, pour dire, je ne m' y opose pas, j' y consens. "Si cette épouvantable crucifixion (la question) leur a paru la plus solide des recherches de la vérité, je n' empêche: il ne faut pas disputer des goûts. An. Litt. Le style ironique et critique, quoique plus relevé que le st. fam. peut s' acomoder de cette expression.
   EMPêCHÉ, ÉE, partic. et adj. _ Quand il a le sens de son verbe, et qu' il n' est que participe, il ne peut être employé adjectivement. "Mon père empêché de sortir eut le temps de revenir de son premier emportement. Fielding. Dans ce sens, il ne peut pas même être employé au passif et avec le verbe être. On ne dit point, il est empêché de sortir, mais on l' empêche, ou quelque chose l' empêche de sortir.
   EMPêCHÉ, adj. Embârrassé, ou ocupé. "Il est empêché à rendre ses comptes. "Il a les mains empêchées. "Ceux-ci n' y étoient guère moins empêchés. Linguet. "Vous êtes bonne encôre quand vous dites que vous avez peur des beaux esprits. Ah! Si vous saviez qu' ils sont petits de près, et combien quelquefois ils sont empêchés de leurs persones, vous les remettriez dabord à hauteur d' apui. Sév. "S' il faut écrire à M. de Montausier et à Mde. de Crussol, me voilà plus empêchée que quand Adhémar écrivit au Roi et à ses Ministres. La même.
   Au gué d' une rivière à la fin arrivèrent,
   Et fort empêchés se trouvèrent.
   Ce mot n' est pas assez noble pour entrer dans le haut style.
   Les mystères de cour souvent sont si cachés,
   Que les plus clairvoyans y sont bien empêchés.
       Corn. Nic.
Un Poète tragique ne l' emploirait point aujourd'hui.
   *EMPêCHÉ, ocupé. "Aucuns (les uns) empêchés à parler saintement de Dieu. Chron. Il est vieux en ce sens; et ne se dit plus que dans cette expression proverbiale: faire l' empêché, l' homme afairé.

EMPEIGNE


EMPEIGNE, s. f. [Anpègne; 2eè moy. Mouill. le g. 3e e muet: _ Richelet écrit enpegne, mais l' n devant le p comme devant le b se change en m.] La partie de dessus d' un soulier. "l' empeigne de ce soulier s' est bien-tôt fendue.

EMPENNER


EMPENNER, v. act. [Anpen-né: on prononce les 2 n, et en n' y a pas le son d' an.] Garnir de plumes. Il ne se dit que des flèches. "Empenner une flèche.
   Mortellement atteint d' une flèche empennée,
   Un oiseau déploroît sa triste destinée.
       La Font.

EMPEREUR


EMPEREUR, s. m. [Anpereur; 1re lon. 2e e muet.] Chef Souverain d' un Empire. "Empereur Romain. "L' Empereur de la Chine, du Japon. _ Quand on dit l' Empereur tout court et sans addition, on entend l' Empereur d' Allemagne.

EMPÉRIèRE


*EMPÉRIèRE, s. f. Vieux mot. Impératrice. "La Reine et l' Empérière de toutes les vertus. _ Nicot se plaignait qu' on quitât Empérière, qui est tout français, pour Impératrice, qui est latin. Celui-ci a prévalu.

EMPESAGE


EMPESAGE, s. m. EMPESER, v. a. EMPESEUR, EûSE, s. m. et f. [Anpezage, , zeur, zeû-ze: 1re lon. 2e e muet. Devant la syll. fém. cet e devient moy. et long. Il empèse, il empèsera, etc.] Empesage est l' action d' empeser, d' acomoder le linge avec de l' empois. Empeseur, Empeseûse, celui ou celle qui empèse. = Fig. Homme empesé, femme empesée, qui a un air, un ton trop composé, des manières afectées. _ Style empesé, où l' on remarque une trop grande afection d' arangement, d' exactitude et de pureté. "C' est une bien mauvaise qualité dans le style d' être empesé. _ Trév. dit aussi esprit empesé, contenance empesée. Ceux-ci ne sont pas tout-à-fait aussi usités. = Empesé se dit au propre et au fig.; mais empesage, empeser, empeseur ne se disent qu' au propre.

EMPESTER


EMPESTER, v. a. [Anpèsté, 2e è moy. 3e é fer.] 1°. Infecter de peste, de mal contagieux. "Ces balots, ouverts sans précaution, empestèrent toute la ville. "La quantité prodigieûse de corps morts laissés sans sépulture empestèrent l' air, et produisirent des maladies épidémiques. = Figurément. "Ils empestèrent le monde de leur hérésie~. = Empesté, se dit au propre et au figuré. "Jamais, ni le soufle empesté du midi, qui sèche et qui brûle tout, ni le rigoureux aquilon n' ont osé éfacer les vives couleurs qui ornent ce jardin. Télém. "Fuyez cette cruelle terre, cette Ile empestée, où l' on ne respire que la volupté. Ibid. = 2°. Par exagération, empuantir, infecter de mauvaise odeur. "Il empeste tout le monde de son haleine.
   Rem. * En Provence on dit, empester, pour puer. "Il empeste le vin, l' ail, le fromage, etc. C' est un barbarisme.

EMPêTRER


EMPêTRER, v. a. [Anpêtré; 2e ê ouv. et long, plus long encôre devant l' e muet. Il empêtre, empêtrera.] Embarrasser, engager. Au propre, il se dit des pieds. "Ce cheval s' est empêtré: il s' est empêtré les pieds dans ses traits. = Au fig. il se dit de toute sorte d' embârras et d' engagemens. "Empêtrer quelqu' un dans une méchante afaire. "Il s' est fortement empêtré. "Vous m' avez empêtré d' une femme importune.
   ...Quelqu' un, qui me conseille
   De m' empêtrer ici d' une espèce pareille.
   M' aime-t-il?      Le Méchant.
"Par-là vous ne vous fussiez pas empêtré dans vos propres réponses. Anon.

EMPHâSE


EMPHâSE, s. f. *EMPHASÉ, ÉE, adj. [Anfâze, fazé; 1re lon. 2e lon. au 1er, br. au 2d. 3ee muet au 1er, é fer. aux 2 autres.] Emphâse, manière pompeûse de s' exprimer et de prononcer. Il se prend ordinairement en mauvaise part, et c' est un sujet de blâme, et non pas un éloge. "Il parle, il déclame avec emphâse. "Cette période doit être prononcée avec emphâse. _ Cette dernière phrâse est de l' Acad. Il semble donc qu' elle pense que ce mot peut être pris quelquefois dans un bon sens.
   *EMPHASÉ a été fabriqué par Rousseau. On dit comunément, ton d' emphâse. Asservi par la rime, il a dit ton emphâsé.
   Ni les grands airs, ni le ton emphasé,
   Au sens commun n' ont jamais imposé~.
Dans l' Abr. de Trév. on le marque comme un mot, qui n' a pas encôre été reçu. Des Néologues Provinciaux le disent des persones. "Cet homme est emphasé.

EMPHATIQUE


EMPHATIQUE, adj. EMPHATIQUEMENT, adv. [Anfatike, tikeman.] Emphatique, qui a de l' emphâse. Il se dit de ce qui a raport aux persones, mais non pas des persones mêmes. On ne dit pas, un homme emphatique; mais on dit, discours, ton, air emphatique. "Prononciation emphatique.
   EMPHATIQUEMENT, d' une manière emphatique. "Il parle, il déclame emphatiquement.
   REM. Emphatique se plait à suivre le substantif, qu' il modifie. En vers, il peut le précéder.
   J' aime encor mieux l' insipide langueur,
   Que l' emphatique et burlesque étalage
   D' un faux sublime enté sur l' assemblage
   De ces grands mots, clinquans de l' oraison,
   Enflés de vent et vides de raison.
       Rouss.

EMPIèTEMENT


*EMPIèTEMENT, s. m. [An-piéte--man; 1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Action par laquelle on empiète, ou l' éfet de cette action. "Cette alternative de concessions et d' empiètemens. Hist. d' Angl. "Le ferme dessein de réprimer les empiètemens de la puissance éclésiastique. Ibid. _ L' usage de ce mot est douteux. Il n' est pas dans les Dictionaires. Je crois qu' il mérite d' y être inséré. _ C' est un anglicisme: Incroaching.

EMPIÉTER


EMPIÉTER, v. a. et n. [An-pié-té, 2e et 3e é fer. Devant l' e muet, la 2de se change en è moy. "Il empiète, il empiètera, etc.] Usurper, prendre. Il se dit avec la prép. sur. "Empiéter quelques sillons, quelques toises sur le champ; sur le terrein d' autrui. _ V. n. Empiéter sur les droits, sur la charge, sur l' emploi de quelqu' un.

EMPIFRER


EMPIFRER, v. a. [Anpifré.] Faire manger excessivement. "Il ne faut pas empifrer les enfans, les empifrer de pâtisserie, de confitûre. "Il s' est tellement empifré, qu' il en est malade. = Rendre excessivement gras et replet. "Ces festins continuels l' ont empifré. "À~ force de manger et de boire, il s' empifre à faire peur. _ Quelques persones trouvent ce mot bâs. L' Acad. se contente de dire qu' il est du style familier; on pourrait ajouter, chagrin et critique.

EMPILER


EMPILER, v. a. [Anpilé: 1re lon., 3e é fer.] Mettre en pile. "Empiler du bois, des livres, des paquets.

EMPIRE


EMPIRE, s. m. [Anpire: 2e lon., 3e e muet.] 1°. Comandement, puissance, autorité. "Avoir, prendre de l' empire sur quelqu' un. "L' empire de la raison. _ Avoir de l' empire sur soi. = Traiter quelqu' un avec empire, avec hauteur. = 2°. Domination, monarchie. _ L' Empire des Assyriens, des Mèdes, des Turcs. = 3°. Le temps que dure le règne d' un Empereur. "Sous l' Empire d' Auguste, de Trajan, de Charlemagne, etc. = 4°. L' étendûe du pays soumis à un Empereur. "Étendre les bornes d' un Empire. "L' Empire Romain s' étendait dans tout l' Univers conu. = 5°. Il se dit encôre pour les peuples. Tout l' Empire se souleva. = 6°. Pris absolument et sans addition, il s' entend de l' Empire d' Allemagne. "Les Électeurs, les Cercles de l' Empire, etc. = 7°. Par extension, on le dit d' un grand Royaume. "L' Empire François. _ Mais l' usage ne permet pas qu' on l' aplique à tous les États vastes et étendus, et nous ne le disons guère que de ce Royaume.
   Rem. Empire a beaucoup de raport avec règne, royaume, pouvoir, autorité. Voici leurs diférences, suivant l' Ab. Girard. = Empire, règne. Le 1er a une grâce particulière, quand on parle des peuples et des nations: le 2d convient mieux à l' égard des Princes. L' on dit, l' Empire des Assyriens, des Turcs; et le Règne des Césars; des Paléologues, etc. Le mot d' Empire s' adapte au gouvernement domestique des particuliers. On dit d' un père, d' une mère, qu' ils exercent un empire cruel sur leurs enfans, sur leurs valets. Le mot de règne ne s' applique qu' au gouvernement public ou général, et non au particulier. On ne dit pas qu' une femme est malheureuse sous le règne, mais sous l' empire d' un jaloux. "Ce n' est ni les longs règnes, ni leurs fréquens changemens, qui causent la chûte des Empires, c' est l' abus de l' autorité. = Empire, Royaume. Il semble que le mot d' Empire fait naître l' idée d' un vaste État, et composé de plusieurs peuples, et que celui de Royaume marque un État plus borné, et fait sentir l' unité de la nation, dont il est formé. On dit, l' Empire d' Allemagne, l' Empire de Russie, l' Empire Ottoman; le Royaume de France, d' Angleterre, etc. = Empire, autorité, pouvoir. Ces trois mots signifient ce qu' on peut sur l' esprit des aûtres. Il semble que pouvoir dit plus qu' autorité, et qu' empire enchérit sur pouvoir. L' autorité qu' on a sur les autres vient toujours de quelque mérite, ou supériorité d' esprit, de naissance, ou d' état: Le pouvoir vient, pour l' ordinaire, de quelque liaison de coeur, ou d' intérêt: l' empire vient d' un ascendant de domination, arrogé avec art, ou cédé par imbécillité: l' autorité laisse plus de liberté: le pouvoir parait avoir plus de force: l' empire est plus absolu. "C' est à un ami sage et éclairé que nous devons donner quelque autorité, et quelque pouvoir sur notre esprit; mais nous devons nous défendre de tout empire, autre que celui de la raison. GIR. Synon.
   On dit, dans le style familier, pas pour un Empire: rien ne pourrait m' y engager.
   Lui de crier, chacun de rire,
   Monarque et Courtisans. Qui n' eût ri? Quant à moi,
   Je n' en eusse quitté ma part pour un Empire.
       La Font.

EMPIRER


EMPIRER, v. a. et n. [Anpiré: 1re lon., 3e é fer.; devant l' e muet l' i est long: Il empîre, il empîrera.] Rendre pire. "Les remèdes n' ont fait qu' empirer son mal. = Devenir pire. "Sa maladie empîre. "Le malade empire à vue d' oeil.
   Rem. Un Auteur moderne a doné à ce verbe le verbe être pour auxil. "Je serois fâché que son état fût empiré. Anon. Il faut dire, eut empiré. _ J. J. Rouss. dit aussi: "Mon sort ne sauroit être empiré, pour, ne saurait empirer.

EMPIRÉE


EMPIRÉE, voy. EMPYRÉE.

EMPIRIQUE


EMPIRIQUE, adj. EMPIRISME, s. m. [Anpirike, ris-me: 1re lon., dree muet. Plusieurs, à caûse de l' étymologie grecque, ont cru qu' il falait écrire ces mots avec un y; mais ils n' en ont point dans l' origine.] Empirique n' a guère d' usage qu' en cette phrâse; un Médecin empirique, ou substantivement, un Empirique; un Médecin qui ne s' atache qu' à l' expérience, et ne suit pas la méthode ordinaire. _ Empirique, se prend souvent pour charlatan. = Empirisme, médecine pratique, qui consiste à doner des remèdes sans principes et sans raisonemens, uniquement parce qu' on a expérimenté, dit-on, qu' un tel remède est bon pour telle maladie.

EMPIRIQUEMENT


*EMPIRIQUEMENT, adv. Par la pratique. C' est un mot de J. J. Rousseau. "Je crois qu' il faut commencer à connoître empiriquement un certain nombre d' espèces, pour déterminer les autres. Let. sur la Botan.

EMPLACEMENT


EMPLACEMENT, s. m. [Anplaceman: 1re lon., 3e e muet.] Lieu, place propre à y faire un bâtiment. "Il a un grand, un bel emplacement. = Un illustre Écrivain done à ce mot une signification singulière. Parlant du reproche fait à Boileau, d' avoir emprunté quelques vers d' Horace: "Ce n' est pas en cela, dit-il, que consiste la vraie ressemblance des ouvrages; c' est dans leurs proportions; c' est dans leur emplacement, qu' elle se trouveroit: mais rien de tout cela n' est pareil dans les deux ouvrages. Le Duc de N... Qu' est-ce que l' emplacement d' un ouvrage? Est-ce le plan, le dessein, l' ensemble, ou l' exécution? Ce mot d' emplacement étant très-nouveau dans son aplication aux ouvrages de litératûre, il n' est pas aisé de deviner la pensée de l' Auteur.

EMPLâTRE


EMPLâTRE, s. m. [Anplâtre: 2e lon., 3e e muet: Trév. le marque fém. et plusieurs Auteurs lui ont doné ce genre. Aûtrefois on écrivait et on prononçait emplastre.] Onguent étendu sur un morceau de linge, de peau, etc. (l' Acad. dit, de cuir), qu' on aplique sur une plaie. "Mettre, apliquer un emplâtre.
   On apèle figurément (st. famil.) emplâtre, une persone qui n' est bone à rien, un moyen assez mauvais pour plâtrer une afaire, etc. "Pour remédier à cette funesse réticence, M. C... pose tranquillement de sa main une belle et bonne (bel et bon) emplâtre sur la plaie faite à l' authenticité des Lettres. Anon. _ Mettre un emplâtre sur une jambe de bois, employer un remède, ou un moyen fort inutile. = Le proverbe dit: Où il n' y a point de mal, il ne faut point d' emplâtre.

EMPLETTE


EMPLETTE, ou EMPLèTE, s. f. [An--plète: 2e è moy., 3ee muet.] Achat de marchandise. Faire emplette, faire des emplettes, un bone, une mauvaise emplète. = Faire emplète, régit de: J' ai fait emplète d' un joli bureau.
   Emplète, aquisition, achat (synon.) Ces trois mots ne sont synonymes que par l' idée générale, qui leur est comune; mais ils n' ont pas le même emploi. On dit emplète, des petits meubles et des marchandises prises en détail; aquisition, des meubles; achat, de toute sorte de chôses. Plusieurs confondent ces mots, sur-tout le 1er avec le 2d. Ils disent à un homme qui a acheté une terre, vous avez fait une bonne emplette; et à celui qui a acheté une montre, vous avez fait une jolie aquisition. En transposant les mots, tout ira bien. = L' Acad. définit emplette, achat de marchandises. Le dirait-elle des marchandises en gros? Je ne le crois pas. = * Le P. Griffet, parlant du bonheur du Ciel, dit: "Que ne donneriez-vous pas, pour acheter en ce monde une santé inaltérable, et pour être affranchi de la loi de la mort? Il ne tient qu' à vous de faire une emplette si précieuse et si rare. _ Ce mot fait bien mal dans cette ocasion.

EMPLIR


EMPLIR, v. a. [Anpli: 1re lon.] Rendre plein. Il se dit, ou avec le régime absolu (l' acusatif) tout seul: emplir un sac, une bouteille, ou avec la prép. de pour 2d régime: "Emplir un cofre, une armoire de hardes emplir un vâse, un verre, de quelque liqueur. Académie.
   Rem. Suivant La Touche et M. de Wailly, on ne dit guère emplir, que de ce qui contient des chôses liquides: Emplir un toneau, une bouteille. Aûtrement on dit remplir. _ L' Acad. done des exemples contraires à cette remarque. = On peut trouver une aûtre diférence entre ces deux verbes; c' est que le 1er ne se dit qu' au propre, et que le 2d s' emploie aussi au figuré. Boileau dit:
   De sa vaste folie emplir toute la terre.
       Sat.VIII.
Emplir, est là très-impropre: il falait dire remplir; mais la mesûre du vers ne le permettait pas.

EMPLOI


EMPLOI, s. m. [Anploa: 1re lon.] 1°. L' usage qu' on fait d' une chôse. Faire un bon, ou un mauvais emploi de son temps, de ses biens. Faire voir l' emploi de l' argent qui nous a été remis. = 2°. Fonction d' une persone qu' on emploie. "Emploi honorable; emploi lucratif. "Doner de l' emploi, un emploi. "Être, demeurer sans emploi.
   Rem. 1°. Emploi ne parait pas un terme propre, en parlant des grands Oficiers de la Courone, d' un Chancelier, d' un Général: il semble que ce mot n' est fait que pour les subalternes: cependant de bons Auteurs n' ont pas eu cette délicatesse. "Il (M. de Turenne) regardoit, à la vérité, les richesses comme des moyens nécessaires pour soutenir la grandeur de sa naissance et de ses illustres emplois. MASCAR. L' épithète illustres relève un peu ce que le mot d' emploi a de bâs en cette ocasion. _ Ce célèbre Orateur se sert dans le même discours, et pour le même objet, du mot poste, qui vaut mieux, sur--tout avec l' adjectif éclatant, dont il l' acompagne. "S' il y a une occasion dans le monde où l' ame pleine d' elle-même soit en danger d' oublier son Dieu, c' est dans ces postes éclatans, où un homme devient comme le Dieu des autres hommes. Id. Ibid. _ M. le Prés. Hénaut dit aussi de M. le Chancelier de Pontchartrain, qu' il fut plus grand encore dans sa généreuse retraite, que par les importans emplois qu' il remplit avec des talens supérieurs. _ Enfin, l' Acad. dit: "Il a eu de grands emplois, les plus beaux emplois dans la Robe, dans l' Épée. _ On voit qu' il faut toujours ajouter quelqu' épithète, qui ennoblisse ce mot, quand on parle de personnes illustres.
   2°. On dit, être dans l' emploi, dans le grand emploi, être employé, être fort employé. = Double emploi, se dit, lorsque dans un compte on pâsse deux fois la même somme pour des objets diférens. _ On le dit tant au figuré qu' au propre, de la même chôse, et non pas de deux chôses diférentes.
   Et par un double emploi si doux,
   Vous enrichissez vos tablettes,
   Et des jolis vers que vous faites,
   Et de ceux que l' on fait pour vous,
Dans le Journal de Paris, où sont insérés ces vers, on met le mot en italique, critique indirecte. _ Ce n' est pas là un double emploi; c' est comme on dirait proverbialement, faire d' une pierre deux coups.

EMPLOYÉ


EMPLOYÉ, s. m. [An-ploa-ié: 1re lon., dre é fer.] Celui qui a un emploi. _ On ne le dit que des emplois des Fermes. "Un employé des Fermes. "Il y a beaucoup d' employés dans les Fermes du Roi.

EMPLOYER


EMPLOYER, v. a. [An-ploa-ié.] J' emploie (an-ploâ); nous employons, vous employez, ils emploient. J' employais; nous employions, vous employiez, ils employaient. J' employai, j' ai employé; j' emploîrai, j' emploîrais; que j' emploie, nous employions, ils emploient. Employant, employé. _ L' Acad. met au pluriel de l' imparfait, comme à celui du présent, vous employez. Il semble pourtant qu' on doit diférencier ces deux temps, comme nous l' avons fait. Il en est de même de l' impératif employez, et du subjonctif, que vous employiez. _ On écrivait aûtrefois, et plusieurs écrivent encôre aujourd'hui, il employe, ils employent; j' employerai, j' employerais, etc. Cette ortographe est contraire à la prononciation.
   EMPLOYER, en parlant des chôses, mettre en usage. "Employer de l' étofe, de l' argent, du papier, à... Employer ses biens en folles dépenses. _ Employer son temps, son esprit, son industrie, ses bons ofices, toute sorte de moyens, etc., etc. Employer un mot, une phrâse, une raison, une pièce, une preuve, etc. = En parlant des persones, doner de l' ocupation, un emploi. "Employer un homme dans les finances, dans des négociations, etc.
   Rem. Employer régit à, ou en, pour les noms, et à devant l' infinitif des verbes. "J' ai employé mille pistoles à cette aquisition. "Il emploie tout son argent en bagatelles. "Il m' a employé, ou, je me suis employé à lui procurer ce poste.
   Employons, s' il se peut, à flatter sa tendresse,
   Les momens de raison que mon dépit me laisse.
       Créb.

EMPLUMER


EMPLUMER, v. a. [Anplumé.] Garnir de plumes. Il ne se dit au propre que des petits morceaux de plumes, dont on garnit un clavecin. _ Au figuré (st. famil.), on dit qu' un homme s' est bien emplumé dans une maison, pour dire, qu' il s' y est enrichi. Trév. On dit plutôt, remplumé.

EMPOCHER


EMPOCHER, v. a. [Anpoché.] Mettre en poche. Il se dit proprement de l' argent, ou de quelque aûtre chôse que l' on serre dans sa poche avec quelque sorte d' empressement et d' avidité. Trév., Acad.

EMPOIGNER


EMPOIGNER, v. act. [An-poag-né: mouillez le g: dre é fer.] Prendre et serrer avec le poing. "Il l' empoigna par le bras, par les cheveux.

EMPOIS


EMPOIS, s. m. [An-poâ: 2 longues.] Colle faite avec de l' amidon délayé et cuit, dont on se sert pour afermir le linge, afin qu' il ne se chifone pas.

EMPOISONEMENT


EMPOISONEMENT, s. m. EMPOISONER, v. a. [An-poa-zoneman, : 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Empoisonement, est l' action d' empoisoner, c. à. d. 1°. De doner du poison, afin de faire mourir. On l' a empoisoné. = 2°. Infecter de poison. "Empoisoner des viandes, des fruits. = 3°. En parlant~ des chôses, faire mourir par une qualité vénéneûse. "Il y a des champignons qui~ empoisonent. = 4°. Par extension, infecter par de mauvaises odeurs, et quelquefois jusqu' à doner la mort. "Il a une haleine qui empoisone. "La vapeur méphitique qui sortit de ce puits empoisona les travailleurs. = 5°. Figurément, corrompre l' esprit et les moeurs. "Il lui empoisona l' esprit par ses flateries "Les maximes de beaucoup de livres modernes sont toutes propres à empoisoner la jeunesse. = 6°. Doner un tour malin aux paroles, aux actions des aûtres. "Il empoisone tout ce qu' on dit, les actions, et les paroles les plus innocentes.
   Rem. 1°. Empoisonement, ne se dit qu' au propre, et dans le 1er sens du verbe empoisoner. "L' empoisonement est un crime capital. "Il a été atteint et convaincu d' empoisonement.
   2°. Empoisoner, et même empoisoneur, s' employaient aûtrefois au figuré, plus souvent et plus élégamment qu' aujourd'hui. On disait, empoisoner les âmes, les corrompre, leur inspirer le vice et le crime. "Il faut, dit Bossuet, rendre abominables aux peuples, ces empoisoneurs qui tuent les ames. Mrs de Port-Royal avaient aussi souvent parlé des empoisoneurs des âmes, et c' est le nom qu' ils donaient aux Auteurs des Pièces de Théâtre. _ Fénélon employait volontiers le verbe. "Ses Maîtres avoient empoisonné, par la flatterie, son beau naturel. Télém. "Comme la trop grande autorité empoisonne les Rois, le luxe empoisonne toute une Nation. Ibid. Racine a dit aussi:
   Pallas, de ses conseils, empoisonne ma mère.
Et Campistron:
   - - - D' un malheur éternel j' empoisonne ma vie.
   3°. * Empoisoner le vin, pour dire, puer le vin, est un barbarisme, un provençalisme.

EMPOISONEUR


EMPOISONEUR, EûSE, s. m. et fém. [An-poa-zo-neur, neû-ze: 4e lon. au 2d.] Au propre, celui, celle qui empoisone. _ Par exagération, mauvais cuisinier, méchante cuisinière. = Au figuré, celui qui débite des maximes pernicieûses. Voy. EMPOISONER. Rem. n°. 2°.

EMPOISSER


EMPOISSER. Voy. POISSER.

EMPOISSONEMENT~


EMPOISSONEMENT~, s. m. EMPOISSONER, v. a. [An-poa-soneman, ; 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Empoissoner, c' est peupler, garnir de poissons. Empoissonement, est l' action d' empoissoner.

EMPORTÉ


EMPORTÉ, ÉE, adj. EMPORTEMENT, s. m. [Anporté, té-e, te-man; 3e é fer. aux 2 prem. e muet au 3e.] Emporté, violent, colère. "C' est un homme emporté, une femme emportée. _ Subst. C' est un emporté, une emportée.
   EMPORTEMENT, ne se dit qu' au fig. Il n' exprime pas l' action d' emporter, mais l' état de celui qui est emporté. Il se dit des transports de l' amour, des fougues de l' imagination, mais surtout des excès de la colère. "Emportement d' amour, de joie. Emportement de débauche, de colère. _ Quand il se dit absolument et sans régime, il ne signifie que la colère. Grand, violent, terrible emportement. = Quoiqu' il marque d' ordinaire quelque chôse de vicieux, il se pourrait peut-être rectifier par quelque épithète: Un bel emportement, un noble emportement. L. T. Comme Boileau a dit: Un beau désordre. Voy. COLèRE et VIVACITÉ.

EMPORTER


EMPORTER, v. a. [Anporté] 1°. Enlever, ôter d' un lieu. Porter dehors. "Il a fait emporter ses meubles. "Emportez ce livre. = 2°. Entraîner, arracher. * Les courans emportèrent le vaisseau. "Le cârrosse emporta la borne. "Le vent a emporté mon chapeau. "La rivière a emporté les ponts, les chaussées. = 3°. Ôter. "Remède qui emporte la fièvre. "Le jus de citron emporte les taches. = 4°. Fig., en parlant des passions, jeter dans quelque excès blâmable. "La colère, la douleur l' a emporté aux plus horribles excès. "Se laisser emporter à la vengeance, à l' amour du plaisir. _ S' emporter, se fâcher violemment. "Il s' emporte pour rien. "Il s' est emporté contre moi, je ne sais pas pourquoi. = 5°. Gâgner, obtenir. "Il a tant de crédit, qu' il emporte tout ce qu' il veut. = 6°. Avoir le dessus. "Virgile et Horace l' emportent sur tous les Poètes Latins. = 7°. Emporter, entraîner par une suite nécessaire. "Ce principe avoué emporte une telle conséquence. "Souvent la forme emporte le fond. "Cette espèce de société n' emportoit point d' engagement durable. Rayn. = 8°. Emporter la balance, prévaloir. _ Emporter une place, s' en rendre maître en peu de temps. _ On dit d' une râillerie atroce, qu' elle emporte la pièce: _ On dit aussi des promesses et des menaces frivoles, autant en emporte le vent.
   REM. 1°. Emporter, Remporter, Raporter (syn.) On dit toujours, remporter la victoire, et non pas emporter: mais on dit, au contraire, emporter, et non pas remporter le butin. Mén. Bouh. Corn. _ Selon l' Acad. dans la dern. édition de son Dict., on disait également raporter, ou remporter de la gloire, de l' honeur, du profit de quelque chôse. (Remporter paraissait meilleur à La Touche). Dans les autres éditions, au mot Raporter, elle ne done que ces deux exemples. "Il en a raporté beaucoup de gloire: il n' en a raporté que de la honte. Au mot Prix, elle ne dit que remporter, et ne parle point d' emporter.
   2°. EMPORTER se dit, dans le propre et dans le fig. "Il a emporté cette caisse. "La colère l' a emporté; la fureur l' emportoit au delà des bornes. La diférence qu' il y a dans ces deux sens, c' est que dans le propre, la persone est le sujet, (le nominatif) et la chôse, le régime (le cas); c' est tout le contraire dans le figuré.
   3°. On dit, l' emporter sur, ou l' emporter tout seul et sans régime. Dans cette expression, le pronom indéclinable l' est nécessaire, comme dans le céder, et on ne doit pas le retrancher. "Vous l' emportez sur moi, je l' avoue sans peine. "Le plaisir de lui être utile l' emporta sur la douleur de le quiter. Volt. _ Fontenelle dit, l' emporter par-dessus, ce qui n' est pas si bien. "On me met, dit Séneque, avec un Poète badin: cela veut dire que le Poète l' emporte bien par dessus moi. _ "Le plus habile l' emporte à la longue.
   Enfin vous l' emportez, et la faveur du Roi
   Vous élève en un rang qui n' étoit dû qu' à moi.
       Le Cid.
4°. S' emporter, se mettre en colère, régit la prép. contre, des persones, et quelquefois la prép. à des chôses. "Il s' emporta contre ce Prince aux plus grossières injures. Prévot. Ce dernier régime est peu usité. = * Bossuet se sert de s' emporter, pour signifier autre chôse que la colère. "Les gens de guerre s' emportent jusqu' à vendre l' Empire au plus ofrant. _ Ce verbe n' est pas d' usage en ce sens. S' emporter et emportement, quand ils sont seuls et employés absolument, ne se disent que de la colère.
   5°. Être emporté régit la prép. par. M. Thomas, usant des privilèges des Poètes, y substitue la prép. de.
   Ne crains pas qu' emporté d' un zèle téméraire,
   Le mensonge flateur profane mes accens.
En prôse, on dirait, emporté par un zèle téméraire.
   6°. Se laisser emporter régit la prép. à plutot que par. Se laisser emporter à la colère, est mieux que par la colère.

EMPOURPRÉ


EMPOURPRÉ, ÉE, adj. [An-pour-pré, pré-e; 3e é fer. long au fém.] Coloré de rouge, de pourpre. "Raisins empourprés, fleurs empourprées. _ Il ne se dit qu' en Poésie. L' Acad. dit qu' il vieillit. Mais c' est un des privilèges et des charmes de la Poésie d' employer de vieux mots à propos et avec goût.

EMPREINDRE


EMPREINDRE, v. a. EMPREINTE, s. f. [An-prein-dre, an-preinte; 1re et 2e lon. 3e e muet.] Imprimer, Impression. Ils se disent au propre et au fig. "Empreindre une figûre, une marque, des caractères. "Sentimens que la natûre a empreints dans tous les hommes. _ "L' empreinte d' un cachet. "L' empreinte de la sagesse divine se reconoît dans tous les ouvrages de la nature.
   Rem. 1°. L' Auteur des Réflex. etc. prétendait qu' empreindre n' est d' usage qu' au passif. Il s' est trompé, on le dit aussi à l' actif. "C' est une loi que la nature a empreinte dans nous. Acad. "Cela est bien empreint dans ma mémoire. L. T.
   2°. Porter l' empreinte de, est une expression fort noble, dans le style fig. "Son ouvrage porte l' empreinte de son esprit. Mme. la Prés. de Brisson. "Ses écrits (de M. Danchet) portèrent toujours l' empreinte de son coeur. Gresset. * Un Auteur moderne a employé cette expression d' une manière bisârre. "Les sens, qui restent sains, sufiront au bonheur, s' ils portent sur-tout l' empreinte épurée de la vertu. Du Plaisir. Des sens qui portent l' empreinte et l' empreinte épurée de la vertu! quel jargon!

EMPRESSÉ


EMPRESSÉ, ÉE, adj. [Anprécé, cé-e, 1re lon. 2d et 3e e fer.] Ardent, actif, remuant. "Homme empressé; air empressé: manières empressées. = Quand il est employé comme participe, il régit de et l' infinitif. "Empressé de vous rendre mes devoirs. Fénélon met la prép. à. "Les méchants sont hardis, trompeurs, empressés à s' insinuer et à plaire, adroits à dissimuler. Télém. Ce régime fait fort bien en cet endroit, où empressé a le sens d' ardent. = La Bruyère le fait subst. "Ils ont fait le théâtre, ces empressés, les machins, etc. On ne l' emploie substantivement que dans cette expression, qui est tout au plus du style médiocre: Faire l' empressé.

EMPRESSEMENT


EMPRESSEMENT, s. m. S' EMPRESSER, v. réc. [Anprèceman, précé; 1re lon. 2e è moy. au 1er, é fer. au 2d, 3e e muet au subst. é fer. au verbe; l' e fer. de la 2de se change en è moy. devant l' e muet; il s' empresse, s' empressera, etc. Pron., anprèce, anprècera, etc.] Empressement est l' action d' une persone, qui s' empresse. S' empresser, c' est agir avec ardeur, avec diligence, avec afection. "Agir avec empressement; marquer, témoigner, avoir de l' empressement pour quelque chose, à servir quelqu' un, etc. S' empresser de parler; s' empresser à faire sa cour. "Il s' empresse trop, il agit avec trop d' empressement.
   REM. 1°. Empressement a un sens actif, et répond à empressé, et non pas à pressé. Celui-ci est l' éfet de la nécessité; l' aûtre de la volonté. Bossuet parlant de l' anciène discipline sur la Comunion sous les deux espèces, dit qu' on ne donoit que le Corps seul dans l' empressement; c. à. d. quand on étoit pressé. L' expression est vicieûse.
   2°. M. Berault de Bercastel emploie s' empresser d' une manière qui me paraît inusitée. Le jeune Héros (St. Cyrille) s' empressa de tout son pouvoir vers le feu, où l' on feignoit de le vouloir jeter. Hist. de l' Egl. L' Auteur veut dire qu' il s' éforça d' aller vers le feu; mais ce n' est pas le sens du verbe s' empresser.
   3°. S' empresser a les deux régimes devant les verbes, à et de. Il s' empresse de rendre service, ou à rendre service. Il y a un choix à faire entre les deux, et c' est au goût et à l' oreille à le diriger. S' empressa à rendre, par exemple, ferait une cacophonie, à cause de la rencontre des deux a. S' empressa à avoir, serait encôre plus désagréable, puisqu' il y aurait trois a de suite. Par la même raison, il s' est empressé de demander, ne serait pas si bien que à demander. Dans les temps terminés par l' e muet ou par une consone, à est plus doux: "Il s' empresse à rendre service.
   Tout alors s' empressoit à combler leurs desirs.
       Marin, 6e Égl. de Virg.

EMPRISONEMENT


EMPRISONEMENT, s. m. EMPRISONER, v. a. [Anprizoneman, ; 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Emprisonement est l' action d' emprisoner, de mettre en prison, ou l' éfet de cette action.
   M. R.... emploie emprisoner au fig. assez ridiculement, à mon avis.
   Dans la soie et l' azur de ses replis mouvans,
   L' étendard de Bourgogne emprisone les vents.

EMPRUNT


EMPRUNT, s. m. [An-preun: 2 longues.] Il se dit de l' action d' emprunter et de la chôse qu' on emprunte. Faire un emprunt. Vivre d' emprunt. Aller aux emprunts. "Cheval d' emprunt. = Fig. (st. plais. et crit.) Beauté d' emprunt, visage d' emprunt, vertus d' emprunt, etc.

EMPRUNTÉ


EMPRUNTÉ, ÉE, adj. [An-preun-té, é-e; 1re et 2e lon., 3e é fer.] Suivant La Touche, il se prend pour embarrassé. "Il est tout emprunté, quand il est à la Cour. Dès qu' il y a compagnie chez elle, elle paroit toute empruntée. _ La Touche avoue que ce mot n' est pas, en ce sens, dans le Dict. de l' Acad. Elle ne le dit pas des persones, à la vérité, mais elle le dit de l' air, des manières. "Avoir un air emprunté: embârassé, contraint, qui n' est pas naturel. _ Nom emprunté, déguisé, faux. "Ce livre a paru sous un nom emprunté. "Raconter une histoire sous des noms empruntés.

EMPRUNTER


EMPRUNTER, v. act. [An-preun-té; 1re et 2e lon. 3e é fer.] Demander quelque chôse à crédit, pour la rendre ou la payer dans la suite. "Emprunter de l' argent, des livres, etc. Emprunter à quelqu' un ou de quelqu' un. Il semble que ces deux régimes se disent indiféremment. Il me parait pourtant que le 1er est meilleur pour les persones, et le 2d pour les chôses. "Il l' a empruntée toute entière (cette jolie description) à M.... Ann. Litt. "Les Anciens pensoient que l' Éloquence peut bien emprunter à la Philosophie ses idées, mais que la Philosophie ne doit point emprunter à l' Éloquence son fard et ses couleurs. Journ. de Mons. Là, Philosophie et Eloquence sont personifiés.
   Un Héros, qui de la victoire
   Emprunte son unique gloire,
   N' est héros que quelques momens.
La Fontaine lui fait régir l' acusatif de la persone. Dans la Fable des Souhaits, deux hommes deviènent riches.
   Les voleurs contre eux complotèrent;
   Les Grands Seigneurs les empruntèrent;
   Le Prince les taxa. Voilà les pauvres gens
   Malheureux par trop de fortune.
Ce régime est inusité. Emprunter ne régit l' acusatif que de la chôse: il régit de ou à pour la persone.

EMPRUNTEUR


EMPRUNTEUR, EûSE, s. m. et f. [An-preun-teur, teûze; 1re et 2de. lon. 3e lon. au 2d.] Celui ou celle qui a acoutumé~ d' emprunter. "C' est un hardi emprunteur; une éfrontée emprunteûse. = Celui ou celle qui emprunte. Il ne se dit, en ce 2d sens, que quand il est joint à prêteur. "L' Emprunteur et le Prêteur.

EMPUANTIR


EMPUANTIR, v. act. EMPUANTISSEMENT, s. m. [Anpu-anti, tice-man; 1re et 3e lon. 5e e muet au 2d.] Empuantir, infecter. "Ce cloaque empuantit tout le quartier. "Il a empuanti tout le monde de son haleine. = Empuantissement, état de ce qui s' empuantit. "L' empuantissement des eaux.

EMPYRÉE


EMPYRÉE, s. m. et adj. [An-piré-e; 3e é fer. et long, 4e e muet.] L' Empyrée, ou le Ciel Empyrée, le Ciel le plus élevé, où l' on établit le séjour des Bienheureux.

EMPYRIQUE


EMPYRIQUE, EMPYRISME. Voy. EMPIRIQUE, EMPIRISME.

ÉMULATEUR


ÉMULATEUR, ÉMULE, s. m. Plusieurs confondent ces deux mots. Ils ont un sens diférent. Émulateur est celui qui est touché d' émulation, et quelquefois de jalousie; Émule, concurrent, antagoniste. "Il y a beaucoup d' émulateurs de la gloire, et peu de la vertu d' autrui. "Il est l' émule d' un tel. = Suivant M. l' Abé Roubaud on est émule de ses pairs et compagnons, et émulateur de quelque personage distingué... Votre émule marche en concurrence avec vous: votre émulateur marche sur vos traces. "Néron étoit l' émule des Histrions... Thésée fut l' émulateur d' Hercule.... Charles XII d' Alexandre. Extr. des Synon. de M. l' Abé Roubaud.
   Rem. Suivant La Touche, le 1er est le seul bon, et le second ne se dit que dans les Collèges. Selon le Dict. de l' Acad. on dit aussi Émule pour Concurrent, Antagoniste. "Ces deux Peintres sont émules. Il se dit surtout des persones d' une même profession, qui ont un mérite à-peu-près égal. = Émulateur n' est que du style soutenu: émule est aussi du style simple: celui-là ne se dit que relativement aux chôses; émulateur de la gloire, de la vertu: celui-ci n' a de raport qu' aux persones. "M. D. L. C. généreux émule de M. G... Émule de la gloire et émulateur d' un tel, seraient également impropres. "M. de Volt. l' émule et le copiste du Philosophe de Rotterdam (Bayle.) Le Chev. des Sabl.

ÉMULATION


ÉMULATION, s. f. [Émula-cion, en vers ci-on.] Espèce de jalousie qui excite à égaler, à surpasser quelqu' un en quelque chôse de louable. "Noble, louable émulation. "Exciter, doner de l' émulation.
   REM. 1°. Émulation exprime une vertu; Rivalité en est l' excès, qui dégénère en vice. "Dans une classe d' hommes (les Avocats) où la rivalité est souvent plus vive que l' émulation. Linguet.
   Émulation, Rivalité (synon.) La 1re ne désigne que la concurrence; la 2e dénote le conflit: l' une excite, l' autre irrite...... L' émulation veut mériter le succès, et la
rivalité l' obtenir. Les talens inspirent l' émulation, et les prétentions, la rivalité. "La vertu n' excite que l' émulation..... La gloire pourra exciter la rivalité..... Nous disons des rivaux de gloire, et des émules de vertu. L' Abé Roubaud, synon.
   Émulation, Jalousie, (synon.) L' Émulation est un sentiment volontaire, courageux, sincère, qui fait profiter des grands exemples, et porte souvent au-dessus de ce qu' on admire. La Jalousie, au contraire, est un moûvement violent, et comme un aveu contraint du mérite qui est hors d' elle; elle va même jusqu' à nier la vertu dans les sujets où elle existe, ou, forcée de la reconaître, elle lui refuse les éloges, ou lui envie les récompenses: (La Bruyère.) "La basse Jalousie n' a rien de comun avec l' Èmulation, si nécessaire aux talens. La 1re en est le poison: celle-ci en est l' aliment, et elle est également glorieûse à ceux qui en sont animés, et à ceux qui en sont l' objet; (Bergier.) Beauzée, Synon. = * L' Émulation paraît, du premier coup d' oeil, tenir de près à l' envie; mais elle en est fort éloignée. L' Émulation sert d' aiguillon à la vertu: l' envie étouffe les talens. L' une produit de grandes actions; elle les admire au moins, et tâche de les imiter; l' autre anéantit, autant qu' elle peut, l' avantage qu' on en peut retirer. La première nous porte à prendre les devans dans la carrière de l' honneur; la seconde, à arrêter dans leur course, ceux qui s' exercent dans la même lice, etc. Marin, l' Homme Aimable.
   *ÉMULATRICE, s. f. Trév. Celle qui est touchée d' émulation. Ce mot est peu d' usage. L' Acad. ne le met pas.

ÉMULE


ÉMULE. Voy. ÉMULATEUR.

ÉMULER


*ÉMULER, v. act. Néologisme peu heureux. Nous le devons à M. Sherlok. Il dit du Roi de Prusse, qu' il a émulé Horace, et qu' il a su le balancer même dans ses chefs-d' oeuvre.

ÉMUTE


*EMUTE. C' est ainsi que La Fontaine écrit ce mot, pour le faire rimer avec des noms en ute. Peut-être le prononçait-il de même.
   Mars autrefois mit tout l' air en émute,
   Certain sujet fit naitre la dispute.
   L' Écrevisse en hâte s' en va
   Conter le câs: grande est l' émute,
   On court, on s' assemble, on députe, etc.
On écrit et on prononce émeute. Voyez ce mot.

EN


EN, au milieu du mot, alonge la syllabe, quand il est suivi d' une consone, autre que l' n: il a le son d' an: "Prendre, décadence, évidence, tenter, cimenter. Prononcez, Prandre, décadance, tanté, etc. Mais si l' n est redoublée, il suit la règle générale, et la voyelle précédente est brève. = En n' a le son d' an que devant les consones; devant les voyelles, et l' e et l' n ont leur son propre: énemi, énergie. Pron. é-nemi, énergie, etc. Voyez ENN.

EN


EN final a le son d' an, quand il est suivi d' une consone, expédient, moment: pron. expédi-an, moman; mais s' il n' y a pas de consone, il conserve le son qui lui est propre: moyen, citoyen, etc. _ Exceptez de cette règle les temps des verbes en ent, où l' e est muet, où l' n ne se prononce pas, et où le t ne ne se prononce que devant une voyelle. Ils aiment, ils aimèrent; prononcez éme, émère. _ Exceptez aussi les verbes en enir, qui font iens et ient, au présent: tenir, je tiens, il tient. Dans ces verbes, quoique en soit suivi d' une consone, il n' a pas le son d' an. = Rouen et Caen se prononcent Rouan et Can.
   On dit, dans le Dict. Gram. que nous terminons par la voyelle nazale en les mots latins terminés en anus. "Tertullien, Cyprien, etc. qu' on écrivait autrefois Tertullian, Cyprian, etc. Le P. Rapin dit Claudian; M. Coeffeteau, les Prétorians, etc. _ Il manque quelque chôse à cette règle: c' est d' y ajouter, lorsqu' en est précédé d' une voyelle, comme e ou i; lernéen, néméen, et non pas lernéan, néméan, etc. Quintilien, et non pas Quintilian; car hors delà on dit an; Trajan, Séjan, Titan, etc. Vaugelas n' excepte qu' Arrian: Ménage y ajoute Ammian, Appian, Elian, Oppian, Corneille dit que quelques-uns pensent qu' on peut dire Élien: Je crois que l' usage d' aujourd'hui est de dire aussi Arrien, Appien, Oppien, et qu' on n' excepte qu' Ammian Marcellin. = Cette règle, au reste, ne regarde pas seulement les mots latins; elle s' étend encôre aux noms propres des Langues modernes. Par exemple, on dit, le Titien, fameux Peintre Italien, et non pas le Titian, comme on le disait autrefois.

EN


EN, prép. [An.] Elle sert à marquer, 1°. le raport au lieu et au temps. "En haut, en bas, en arrière, en avant, en dedans, en dehors. Vivre en sa maison: aller de Ville en Ville. "En hiver, en été; en temps de peste, ou de guerre, etc. = 2°. L' état, la disposition d' une persone. "En bonne santé, en humeur, en colère, etc. = 3°. La manière: "Être en veste: agir en maître. = 4°. Le motif: "Il le fit en haine, ou en considération de, etc. = 5°. L' ocupation: "Il est en affaire, en oraison, etc. = 6°. Il a encôre un grand nombre d' usages, qu' on trouvera en cherchant les noms avec lesquels il s' associe.
   En et dans ont beaucoup de ressemblance, et il est dificile de dire précisément quand il faut préférer l' un à l' aûtre. Voici quelques règles générales. = I. on met toujours en devant les noms de Royaumes, ou de Provinces, lorsqu' on ne leur done point d' article: "En France, en Normandie, en Provence. Devant les noms de Villes, on met à: "À~ Paris, à Avignon. _ Les noms de Royaumes qui prènent l' article, sont, la Chine, le Japon, le Pérou, le Mexique, le Canada, etc., et presque tous les pays du Nouveau-Monde. On dit, aller à la Chine, et non pas, en Chine; au Japon, au Pérou, etc. Le P. Bouhours excepte le Canada: l' on dit, aller en Canada: mais on dit certainement, au Maine, au Perche. = Il est des Villes, en parlant desquelles on se servait aûtrefois de la prép. en. On disait, en Jérusalem, en Arles, en Avignon; et plusieurs le disent encôre aujourd'hui: il faut dire, à Jérusalem, à Arles, à Avignon. Pour les lieux qui ont un article constant devant leur nom; au lieu d' à, on dit au, ou, à la: Au Caire, au Mans, à la Mecque, à la Flèche, etc. = II. On ne met jamais en aux aûtres noms, quand le nom est~ masculin, qu' il a son article, et que cet article ne s' élide point. Ainsi, on ne peut dire, en le repôs; mais il faut dire, dans le repôs. On dit, au contraire, en repôs, et on ne dirait pas, dans repôs. _ Si le nom est féminin, ou si l' article du masculin est élidé, on se sert fort bien d' en, quoique dans soit meilleur d' ordinaire. "Dans la misère où je suis; ou bien, en la misère où je suis: "Dans l' état où je suis réduit; ou bien, en l' état où je suis réduit. _ On dit cependant toujours, il est allé en l' aûtre monde, pour dire qu' il est mort; et ce serait mal dit, il est allé dans l' aûtre monde, quoiqu' on dise également bien: "Nos bonnes oeuvres nous suivent en l' aûtre monde, ou, dans l' aûtre monde. = M. L' Ab. Regnier done, sur ce point, cette règle, qu' en n' admet l' article après lui, que quand le nom qu' il régit est au singulier; qu' il commence par une voyelle, ou une h muette, et qu' il régit un autre nom, comme en l' absence d' un tel, en l' honneur des Saints. Il ajoute que cela s' étend même à si peu de phrâses, que les deux qu' il cite sont presque les seules que l' usage aproûve. _ On a dit indiféremment, avoir part en l' amitié, ou, à l' amitié de quelqu' un. Le P. Bouhours et M. de Wailly, aiment mieux à l' honeur, qu' en l' honeur. L' Auteur des Réflexions, etc. préfère, en l' amitié et en l' honeur. On dit, mettons-nous en la présence de Dieu, ayons confiance en la miséricorde du Seigneur. Ce sont des expressions consacrées. On ne dit pas, en la louange, en la gloire, on dit, à la louange, à la gloire. "Un Poème composé à la louange, à la gloire du Roi. _ On dit aussi à l' âge, plutôt qu' en l' âge. "M. de Voiture étoit d' Amiens; il mourut en l' âge de 50 ans. Pelisson. Peut-être, dit M. de Wailly, pourrait-on mettre en l' âge, pour éviter deux à de suite. "Un accident inopiné le déroba à la France en l' âge de 24 ans. En l' âge parait bien dur: pour éviter une cacophonie, il ne faut pas tomber dans une aûtre. _ Hors de ces phrâses consacrées, qui sont en petit nombre, en la est dur à l' oreille, même devant une voyelle, ou une h muette, à plus forte raison, devant une consone. Rousseau dit en l' eau, mais c' est en style marotique.
   Freres, jetons en l' eau le Compagnon.
Racine a dit, en la richesse, dans le Cantique sur le bonheur des Justes.
   Heureux, qui de la sagesse
   Attendant tout son secours,
   N' a point mis en la richesse
   L' espoir de ses derniers jours.
En les, est encôre plus dur qu' en la. * BOSSUET emploie l' un et l' aûtre dans la même phrâse. "Ainsi qu' il arriva en les personnes de Libérius, d' Honorius, et en la personne des Papes schismatiques.
   III. Aûtrefois on mettait en devant beaucoup de noms employés sans article: "Marchez, dit BOSSUET, en foi, en humilité et en confiance. On dirait aujourd'hui, dans la foi, dans l' humilité et dans la confiance. _ On disait aussi, en si, devant des adjectifs précédant des noms sans article, et sans le pronom un.
   Pour avoir part en si belle aventure...
   En si beau sujet de parler...
   En si juste douleur...
Malherbe aimait ces façons de parler. Il avait dit aussi:
   En si noble danger, moquons-nous de l' envie.
Mais depuis il les changea, et mit, par le conseil de M. de Bellegarde: En un si beau danger. MÉNAGE.
   IV. EN, marque un sens vague et indéterminé. "Il est en province; je l' ai mis en pension: on ne dit pas dans quelle Province, dans quelle Pension: et la preûve que le sens est indéterminé, c' est qu' on ne pourrait pas dire, il est en province de Normandie; je l' ai mis en Pension qui est très-belle. Il faut se servir alors de dans, qui marque un sens précis et déterminé; comme, par exemple: la politesse règne plus dans la Capitale que dans les Provinces. Wailly. _ Les noms régis par en, s' emploient, le plus souvent, sans article: ceux que dans gouverne, prènent toujours l' article. Aussi, en réformant les phrâses citées plus haut, et substituant dans à en, il ne faut pas dire, il est dans province de Normandie; je l' ai mis dans Pension qui est fort belle. Il faut dire, dans la province de, etc.; dans une Pension qui, etc. Une, est l' équivalent de l' article.
   V. On met dans, ou en, avec tout, soit qu' il ait un article, soit qu' il n' en ait point. "Dans tous les lieux, dans tous les temps, ou bien, en tous les lieux, en tous les temps. _ Quand il n' y a pas d' article, en vaut mieux que dans. "En tout tems, en tout lieu. On pourrait peut-être dire, dans tout tems, dans tout pays, et il y a des Gramairiens qui le disent; mais dans tout lieu choquerait l' oreille, qui n' y est pas acoutumée.
   VI. On met aussi en, ou dans, devant les adjectifs de nombre, et devant ceux qui y ont raport; comme, plusieurs, divers, chaque, quelque, etc. "J' ai lu cela en un bon livre, ou, dans un bon livre; en mille ocasions, ou, dans mille ocasions; en plusieurs endroits, ou, dans plusieurs endroits, etc.
   VII. Comme des, ou de, est le pluriel d' un, en notre Langue, on met en, ou dans devant de, ou des, comme devant un. "En un livre ancien; en des livres anciens; en de vieux livres, ou, dans un livre, dans des livres, etc.
   VIII. Quand on emploie les adjectifs de nombre avec les noms de temps, comme sont heure, jour, mois, année, etc. on doit toujours se servir d' en, quand on veut marquer le temps qui s' emploie à une chôse, et de dans, pour signifier le temps après lequel on veut faire quelque chôse. "J' ai lu ce livre en deux heures, et dans deux heures d' ici, je commencerai la lecture de cet autre. _ Ainsi, dans répond à la question, quand? et en, à la question, en combien de temps? Le premier se met avec le futur, l' aûtre avec les aûtres temps des verbes, et avec le futur même, quelquefois. "Il le fera dans trois jours; il l' a fait en trois heures; il apprend son Sermon en trois, ou quatre heures; je le ferai, si je le veux, en deux heures de temps.
   IX. On peut mettre en et dans devant les pronoms démonstratifs, ou personels, ou possessifs, comme ce, ces, celui, soi, nous, etc.; son, nous, notre; quel, quelque, tel, etc. Il y a pourtant des endroits où dans ne vaut rien. Par exemple, quoiqu' on dise, rentrer en soi-même, ou, dans soi-même, on dit toujours, penser en soi-même. Il y en a d' aûtres où en ne serait pas si bien, comme quand il s' agit d' un lieu où l' on met quelque chôse. "Il a serré dans (plutôt que en) son cofre, sa cassette, son cabinet.
   X. Quand on parle de la matière des ouvrages des arts, en vaut mieux que dans. On dit, des ouvrages en or, en argent, en bois, en cuivre, etc. * Charlevoix dit: "Des ouvrages en or, et dans les autres métaux. Dans ne fait pas bien là. Dites, en or et en aûtres métaux. Voy. DANS.
   XI. Enfin, quoiqu' on puisse mettre quelquefois en et dans indiféremment devant un mot, cependant, s' il y a plusieurs mots semblables dans la période, et que ce soit le même sens, le même ordre et la même suite de discours, ayant mis dans au premier mot, il ne faut pas mettre en au second; l' uniformité demande que dans règne par-tout. "C' est un Dieu fidèle dans ses promesses, inépuisable dans ses bienfaits, juste dans ses jugemens, etc. _ Que si ce n' est pas le même ordre et le même sens, on peut varier, et on doit le faire en certains endroits. "Socrate passa un jour et une nuit entière en une si profonde méditation, qu' il se tint toujours dans la même posture. Bouhours.
   XII. EN, placé devant des adjectifs et quelques substantifs employés adjectivement, a le sens de comme: "Agir en furieux, en insensé, parler en maitre, en Roi, etc., c. à. d., comme un furieux, un insensé, etc.; comme doit parler un maître, un Roi, etc.
   Sous l' or et sous la pourpre ils sont chargés d' entraves:
   On les adore en Dieux, ils souffrent en esclaves.
       Thomas.
Dans ce tour de phrâse, le mot régi par en doit se raporter au sujet (au nominatif): ils soufrent en esclaves, est bien; on les adôre en Dieux, ne vaut rien. = Remarquez encôre que en, dans cet emploi, a un sens actif. Aimer en Dieu, c' est aimer, non pas comme un Dieu doit être aimé, mais comme un Dieu aime. Ainsi, le Prédicateur qui a dit, qu' on doit aimer Dieu, parce qu' il est Dieu, et l' aimer en Dieu, s' est fort mal exprimé. Et c' est encore là une raison pourquoi on les adore en Dieux, de M. Thomas, n' est pas un tour de phrâse régulier.

EN


EN, pronom, répond à de, et sert à désigner une chôse dont on a déjà parlé. "Il en est le père, l' auteur: le père de cet enfant, l' auteur de cet ouvrage. "Il est mon ami, mais je n' en suis pas content: je ne suis pas content de lui. Il est alors employé comme de, au génitif et à l' ablatif. "Quelquefois cependant il tient lieu de nominatif et d' acusatif, comme quand on dit, après avoir parlé de vertu: "C' en est une grande. "Vous parlez de belles actions; il en a fait une admirable. Dans le 1er exemple, en est au nominatif; dans le 2d, à l' accusatif. REGN.
   C' est une propriété d' en, pronom relatif, de changer les temps et les modes des verbes; de sorte que se raportant à un mode et à un temps, il suplée pour un mode et pour un temps diférent, et qui est sous-entendu. "Je l' aimerais, si son inconstance ne l' en rendoit indigne. En, se raporte au futur conditionel aimerais, et suplée pour l' infinitif d' être aimé; si son inconstance ne le rendait indigne d' être aimé. = En, est même quelquefois relatif d' une phrâse entière. "Quand il le vit dans un si déplorable état, il en fut touché.
   EN, comme pronom relatif, se raporte, et aux persones, et aux chôses, dans les deux nombres, et dans les deux genres. = 1°. Il ne faut pas l' éloigner de son antécédent, si l' on veut mettre de la netteté dans la phrâse. Isabelle dit, dans les Menechmes de Regnard:
   Il est vrai; mais enfin, l' esprit vient avec l' âge:
   J' en connois les dangers...
Les dangers de quoi? de l' esprit, ou de l' âge? Non; de l' hymen, dont il est parlé deux vers plus haut. 2°. En, ne suplée bien que pour la prép. de "Il avoit de bonnes troupes, et il en a gagné la bataille, pour dire, qu' il a vaincu avec ses troupes. C' est une façon de parler vicieûse. "Cléopatre va son train: le caractère m' en plaît beaucoup plus que le style... Voilà qui est bien, pourvu qu' on m' en garde le secret. Sév. Il y a du sous-entendu dans ce 2d en; pourvu qu' on ne dise pas que je fais une pareille lecture. "Ces bois étant fort légers, ils n' en étoient que plus propres à rendre légers les bâtimens qu' on en construisoit. Orig. des Lois. Soit que en suplée là pour avec, ou pour l' ablatif de bois, il ne fait pas un bon éfet. _ Cependant, dans le discours familier on peut passer un en, ainsi employé. "Guérissez-vous avec votre bonne pervenche... Rafraîchissez-en cette poitrine enflamée. Sév. = 3°. Quoique ordinairement en et de ne doivent pas se trouver ensemble, apliqués au même nom, puisque le premier est le supléant du second, cependant cette espèce de pléonasme et de double emploi a souvent bone grâce, et favorise une transposition élégante. "J' estime, dit Saint-Evremont, le Précepteur de Néron; l' ambitieux, qui prétendoit à l' empire: du Philosophe et de l' Ecrivain, je n' en fais pas grand cas. Il aurait pu dire, je ne fais pas grand câs de l' Écrivain et du Philosophe; mais outre que le tour irrégulier est plus vif et plus harmonieux, Saint-Evremont troûve par-là le moyen de varier son style; secret si important, que quiconque l' ignôre ne sera jamais, quoiqu' il fasse, qu' un très-méchant Écrivain. Coste, Notes sur La Bruyère. "Au fond, qu' est-ce que la finance? C' est l' art de régir les impôts. Il en faut des impôts: c' est une vérité triste et démontrée. Linguet. L' Auteur aurait pu dire, il faut des impôts, ou, il en faut, et ne pas mettre tout-à-la--fois, et le substantif, et le pronom destiné à le remplacer; mais cette espèce de pléonasme done de la grâce et de la force au discours. = 4°. En ne peut précéder son régime, si c' est un nom, quand ce nom est aux câs obliques. On dit, j' en ai vu le portrait; mais on ne dit pas, j' en ai disposé de la valeur, j' en ai décidé de la justesse, etc. "Tout simoniaque ne peut être légitime titulaire du bénéfice qu' il a acquis par simonie... Il ne peut en jouir des fruits. HIST. du Dr. Ecl. Fr. Il falait dire, ne peut en percevoir les fruits. = 5°. En, précède régulièrement les verbes qui le régissent. "J' en ai eu l' âme troublée pendant long-tems. "Que mes yeux voient ton corps mangé par les vautours! Celle que tu aimes le verra aussi. Elle le verra: elle en aura le coeur déchiré, et son désespoir fera mon bonheur. Calypso, dans Télémaque. = 6°. En style de Palais, de Chancellerie et de Traités, le pronom en est régi par des participes employés adjectivement. "Que le Roi remettroit au Duc, Pignerol... la Pérouse, et les Forts en dépendans. D' AVR. En style ordinaire, on dit, qui en dépendent. = 7°. En, ne suplée pas pour toute sorte de noms et de verbes: l' usage y met des exceptions. On dira, par exemple: "Je ne veux pas le faire, mais j' en suis bien tenté: il suplée là pour un infinitif; mais on ne dira pas: si je veux faire cela, j' en suis libre. "On publia parmi les troupes, que quiconque voudroit se retirer, en étoit libre. HIST. d' Angl. Il falait dire, était libre de le faire. _ En général, la correction et l' élégance du style demandent que le pronom en se raporte plutôt à un nom qu' à un verbe. On dit, je m' en suis dégoûté, en parlant de l' étude, plutôt que, j' avais comencé d' étudier, je m' en suis dégoûté. Dans l' Ann. Litt. on critique cette phrâse de M. d' Alembert, tirée de l' Éloge de La Motte: "Après ses Humanités, il étudia, comme beaucoup d' autres Hommes célèbres, pour être Avocat, et s' en dégoûta bientôt comme eux. = 8° On doit apliquer au pronom en, ce qu' on dit du pronom le, la, qu' on ne doit pas le faire raporter à des noms pris indéfiniment, comme dans cette phrâse: "Le Sénat, en permettant aux femmes les modes françoises, a semblé leur doner le droit d' en suivre les maximes de liberté. DESCRIPT. d' Italie. "Démonsthène étoit affirmatif à un point, qu' il vouloit qu' on crût qu' il avoit toujours raison. Cicéron se contentoit de le faire sentir, quand il croyoit en avoir. P. Rapin. En suplée en cet endroit pour de la; quand il croyait avoir de la raison. Or, avoir de la raison et avoir raison, sont deux chôses très-diférentes. Voy. RAISON. Voy. LE, Rem. 2e. = 9°. Ménage critique ces vers de Malherbe, dans son Sonet à Mgr. le Dauphin.
   J' ai prédit, en mes vers,
   Que le plus grand orgueil de tout cet Univers,
   Quelque jour, à vos pieds, doit abaisser la tête...
   Si vous ne vous hâtez d' en faire la conquête,
   Vous en serez frustré, par les yeux de vos Soeurs.
Dans la pensée du Poète, dit le Critique, en se raporte à Univers; et suivant les règles de la Grammaire, il se raporte à orgueil; la conquête de l' orgueil, ce qui serait ridicule, si l' observation de Ménage était juste. Mais c' est une chicane qu' il fait à Malherbe. Persone, en lisant ces vers, ne s' y méprendra, et ne sera tenté d' apliquer conquête à orgueil. Il est pourtant vrai de dire que la force du sens, toute seule, ôte l' équivoque, et qu' il faut ordinairement, pour l' éviter, faire raporter le pronom en au sujet de la phrâse, plutôt qu' au régime. Par exemple: "Cette méthode donne un grand prix à cet ouvrage. C' est un tel qui m' en a donné l' idée. Naturellement on est porté à raporter en à méthode, qui est le sujet, et non pas à ouvrage, qui est le régime; m' a doné l' idée de cette méthode. Si on voulait faire raporter en à ouvrage, m' a doné l' idée de cet ouvrage, il y aurait une équivoque dans la phrâse. = 10°. En, s' emploie encôre par une certaine redondance, que l' usage a autorisée et rendûe élégante. "Il ne faut en user mal avec personne: ils en sont venus aux mains: il s' en va partir, il s' en retourne à Paris, etc. Il en est de lui comme des autres. "Un Savant de ce siècle contient dix fois un Savant du siècle d' Auguste; mais il en a eu dix fois plus de commodité pour devenir savant. Fonten. "Il (M. Batteux) décompose les plus petits ouvrages, et les juge par les règles fondamentales d' une vérité si générale et si claire, qu' elles en sont triviales. Ann. Litt.
   Il faut éviter de mettre deux en de suite; dont l' un soit l' article du gérondif, et l' aûtre pronom, comme, en en faisant mention. = * En après pour après, est entièrement aboli, de même qu' en en faisant, qui ne se dit plus qu' au Palais.

ENARRIÉRÉ


*ENARRIÉRÉ, ou plutôt ENNARRIÉRÉ, ÉE, adj. [Anariéré, ré-e. Voy. ENN. 3e et 4e é fer.] L' usage de ce mot est douteux. "Des sommes enarriérées. On dit ordinairement, des arrérages.

ENAMOURÉ


*ENAMOURÉ, adj. Vieux mot. Amoureux. "Enamouré d' une donzelle. Rich.

EN BâS


EN BâS (en), adv. "La barbe se replie, et pend en en bas. J. J. Rouss. Let. sur la Botanique. _ Ce mot est contre l' analogie: devant le b et le p on doit mettre une m, et non pas une n. Voy. EMBAS. L' Acad. ne met ni en enbas, ni en embas.

ENCâDREMENT


ENCâDREMENT, s. m. ENCâDRER, v. act. [Ankâdreman, dré: 2e lon, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Encâdrer, c' est mettre dans un câdre. "Encâdrer une estampe. Encâdrement, action d' encâdrer, ou l' éfet de cette action.

ENCAGER


ENCAGER, v. a. [Ancagé: 1re lon., dre é fer.] Mettre en cage. Encager des oiseaux.
   Mais, dès le premier jour, il semble
   Que le couple encagé ne s' aime plus si fort.
       La Motte.
Figurément, mettre en prison. "On l'~ a encagé. _ * M. Linguet emploie substantivement le participe: "Les encagés, les prisoniers. "Ils se divertissent un moment du ton sur lequel chacun des encagés soupire. _ Ce mot est excellent pour le style plaisant et chagrin tout-à-la-fois, ou moqueur et satirique.

ENCAISSEMENT


ENCAISSEMENT, s. m. ENCAISSER, v. a. [Ankèceman, : 2e è moy., 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Encaissement, est l' action d' encaisser, de mettre dans une caisse, ou, en caisse, ou c' est l' éfet de cette action. "Tant pour l' encaissement de... "Cet encaissement a été mal fait. _ "Encaisser des raisins secs. _ Encaisser des orangers, etc.

ENCAN


ENCAN, s. m. [Ankan.] Cri public qui se fait par un Sergent, pour vendre les meubles à l' enchère. Mettre à l' encan, vendre à l' encan. Il court tous les encans.

ENCANâILLER


ENCANâILLER, v. act. [Ankanâ-glié: 3e lon.; mouillez les ll.] Mettre avec de la canâille. "On a encanâillé la Compagnie, par les réceptions qu' on a faites. = Il se dit sur-tout au réciproque: hanter de la canâille. "Il ne faut pas s' encanâiller comme vous le faites. = Ce mot n' est pas ancien dans la Langue. La Touche le traite de mot nouveau. Il est du dernier siècle. Molière fait dire à une précieûse: "Le goût des gens est extrêmement gâté, et le siècle s' encanaille furieusement.

ENCAPUCHONER


ENCAPUCHONER, v. a. [Ankapuchoné.] Il est du style plaisant. "Qui vous a ainsi encapuchoné? "Il s' est plaisamment encapuchoné.

ENCAQUER


ENCAQUER, v. a. [Ankaké.] Au propre, mettre dans une caque. "Encaquer du hareng. _ Au figuré, presser, entasser les uns sur les aûtres. "On nous avoit encaqués, ou nous étions encaqués (dans ce cârosse) comme des harengs. St. famil.

ENCâVEMENT


ENCâVEMENT, s. m. ENCAVER, v. a. [Ankâveman, : 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Ils expriment l' action de mettre en câve du vin, ou d' aûtres boissons. _ On dit aussi encaveur, celui qui encâve.

ENCEINDRE


ENCEINDRE, v. act. ENCEINTE, s. f. [An-cein-dre, cein-te: 1re et 2e lon., 3e e muet.] Environer, entourer. Circuit, tour, clotûre. "Enceindre de murailles, de fossés. L' enceinte d' une Ville. = Enceint, einte, partic. et adj. "Ils étoient enceints d' ennemis de tous côtés. Dans le Dict. de Trév. on dit qu' on doit éviter de se servir du féminin, qui est consacré à une aûtre signification. "Femme enceinte, grosse d' enfant.
   Rem. Suivant La Touche, on ne dit femme enceinte que dans le style relevé; et grôsse est plus de la conversation et du style familier. L' Acad. ne détermine point l' usage de ces mots. Ce qu' on peut dire, c' est qu' enceinte est plus noble que grôsse, mais il n' est point exclu du discours ordinaire.

ENCENS


ENCENS, s. m. ENCENSEMENT, s. m. ENCENSER, v. a. [Ansan, sanceman, : 1re et 2e lon., 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] L' encens est une résine, ou gomme aromatique et odoriférante. "La fumée de l' encens montoit au ciel. Brûler de l' encens sur les Autels. Encenser, doner de l' encens. Encensement, l' action d' encenser. _ Ce dernier ne se dit qu' au propre; les aûtres se disent au figuré, pour louange, louer.
   - - - Je ne puis, en esclave, à la suite des Grands,
   À~ des Dieux sans vertus, prodiguer mon encens.
       Boil.
  Un Auteur qui par-tout va gueuser de l' encens.
      Mol.
"Pour gâgner les hommes, il faut donner dans leurs maximes, et encenser leurs défauts. = * Abadie fait encenser neutre, et lui fait régir le datif. "Les Romains adoroient la fievre, et encensoient aux Divinités qu' ils avoient menées en triomphe. Il faut dire, encensaient les Divinités, etc.

ENCENSEUR


ENCENSEUR, s. m. ENCENSOIR, s. m. [Ansan-ceur, soar: 1re et 2e lon.] Le 1er ne se dit qu' au figuré, dans le style plaisant et critique; le 2d se dit ordinairement au propre, mais seulement dans le style médiocre, ou familier. "Les faiseurs de Dédicaces sont de grands encenseurs, de grands louangeurs. _ Encensoir, petite cassolette qui pend à de petites chaines, et dont on se sert dans l' Église pour encenser. _ Mettre la main à~ l' encensoir, entreprendre sur l' autorité de l' Église. Doner de l' encensoir par le nez, doner des louanges outrées et grossières, qui blessent plus qu' elles ne flatent.
   Mais un Auteur novice à répandre l' encens,
   Souvent, à son Héros, dans un bisârre ouvrage,
   Donne de l' encensoir à travers le visage.
       Boileau.
"Il est certaines sociétés, dévouées à des hommages mutuels, où l' encensoir passe de main en main. On obtient de ses Confrères une ample dose d' encens, en revanche de celle qu' on leur a distribuée. Sabat. Trois Siècles, etc.

ENCHAîNEMENT


ENCHAîNEMENT, s. m. ENCHAîNûRE, s. f. ENCHAîNER, v. act. [Anchêneman, nûre, : 2e ê ouv. et long; 3e e muet au 1er, é fer. au dern., longue au 2d.] I. Enchaînement, ne se dit bien qu' au figuré. Liaison, ou suite de plusieurs chôses de même natûre. "Les propositions de Géométrie ont un merveilleux enchaînement entr' elles. _ À~ l' égard d' enchaînûre, l' Acad. dit qu' on ne l' emploie qu' en parlant des ouvrages de l' Art, et qu' il est de peu d' usage. Dans sa dern. édit. elle a retranché ces derniers mots. Un Auteur moderne s' en est servi dans le moral et dans le figuré. "Dieu connoît, par avance, l' existence des chôses qui dépendent d' une enchaînûre de causes nécessaires. Clarke. Enchaînement, était le mot propre. _ Le Rich. Port. met enchaînûre sans remarque. Liaison, atachement. Trév. dit comme l' Acad.
   II. ENCHAîNER, v. a. Au propre, lier et atacher avec une chaîne. "Enchaîner un chien, des fagots, des esclaves, etc. _ Au figuré, captiver. "Sa beauté enchaîne tous les coeurs. = Il se dit, dans le même style, des chôses qui sont liées les unes avec les aûtres. "Les causes naturelles sont enchaînées les unes aux autres, ou, avec les aûtres. _ J. J. Rousseau substituë à ce dernier régime, l' ablatif. "C' est toi qui, le premier, as éveillé dans mon coeur une nouvelle audace, qui as brisé les liens dont la pudeur enchainoit mon sexe. _ Ce dernier régime est peu usité: il faut en user sobrement. Mais la diférence de ces deux régimes, le datif, ou la prép. à et l' ablatif, ou la prép. de, c' est que le 1er est pour les chôses auxquelles on atache: "Il enchaîna la victoire à son char; le travail auquel je suis enchaîné: le 2d est pour les chôses avec lesquelles on atache: "Les liens dont je suis enchaîné. _ Ce 1er régime (la prép. à, est sur-tout d' usage avec le passif. "Que d' épouvantables calamités enchaînées les unes aux autres. Volt.
   La victoire, à son char, sembloit être enchaînée.
       Cromwel.
ENCHAîNûRE, voy. ENCHAîNEMENT.

ENCHANTEMENT


ENCHANTEMENT, s. m. ENCHANTER, v. act. ENCHANTEUR, ERESSE, s. m. et f. [Anchanteman, , teur, terèce: 1re et 2e lon., 3e e muet au 1er et au der, é fer. au 2d, 4e è moy. au dern.] Enchantement, est l' éfet de prétendus charmes: Faire, défaire, rompre un enchantement, ou l' action de l' enchanteur: Les enchantemens de Médée. = Au figuré, chôse merveilleûse et surprenante. "Rien ne manquoit à cette fête; c' étoit un enchantement.
   ENCHANTER~, au propre, charmer, ensorceler. "Le peuple croit qu' il y a des Magiciens qui enchantent les hommes, les animaux, etc. _ Au figuré, surprendre, charmer, séduire, tromper. "Cette femme est artificieuse, elle l' enchantera. "Ne vous laissez pas enchanter par cet homme-là.
   ENCHANTÉ, ÉE, participe et adjectif. "Palais enchanté: Ses sens étoient enchantés. _ Apliqué aux persones, c' est un mot à la mode. "En bien ou en mal, ils escaladent tous les superlatifs. Ils sont enchantés, furieux sur des choses qui n' auroient pas causé la moindre émotion dans leurs aïeux. Coyer. Il régit de, devant les noms et l' infinitif, et que, avec le subjonctif~. "Enchanté de cet ouvrage; enchanté de pouvoir vous être utile. "Enchanté que les factions lui eussent acquis dans ce Royaume des partisans. Hist. d' Angl. _ Avec ces régimes, il n' est point du style précieux. = Apliqué aux chôses, l' usage de ce mot est plus ancien: Beau, surprenant. "Un portrait enchanté, une maison enchantée, des lieux, des jardins enchantés. Le P. Bouhours conseille pourtant de ne se servir que rârement de ces sortes de termes, qui sentent l' afectation et le langage précieux. _ Il est à remarquer que dans ces ocasions, enchanté, quoiqu' ayant la terminaison passive, a pourtant le sens actif, et se dit pour enchantant, qui enchante, qui charme, qui ravit. = * Le peuple dit, pain enchanté, pour, pain à chanter.
   ENCHANTEUR, ENCHANTERESSE, se disent au propre et au figuré: "Les Enchanteurs de Pharaon. "Circé l' Enchanteresse. "C' est un grand enchanteur, une grande enchanteresse. Il se prend en bone, ou en mauvaise part, suivant le sens de la phrâse. = Il est quelquefois employé adjectivement; et il suit toujours le substantif. "Style enchanteur, voix enchanteresse.
   On oublioit ses attraits enchanteurs,
   Dès que sa voix frapoit les auditeurs.
       Ververt.
  De ce loisir fatal fuis le charme enchanteur,
  Donne d' utiles jours aux travaux d' un Pasteur.
      Gress. Égl.

ENCHANTERIE


*ENCHANTERIE, s. f. Cela s' est fait par enchanterie. Trév. Ce mot n' a pas été admis par l' usage, et il est inutile. On dit enchantement. Le style burlesque ou marotique pourrait s' acomoder d' enchanterie.

ENCHâSSER


ENCHâSSER, v. a. ENCHâSSûRE, s. f. [Anchâcé, sûre, 1re et 2e lon. 3e é fer. au 1er, lon. au 2d.] Enchâsser, c' est proprement mettre dans une châsse; Enchâsser des reliques. Il est peu usité en ce sens. _ Par extension, mettre dans du bois, dans de l' or, de l' argent, ou autre matière. "Enchâsser un diamant, un rubis dans une bague, etc. _ Fig. Placer, faire entrer. "Enchâsser un passage, un trait d' histoire dans un discours. = Enchâssûre ne se dit qu' au propre, de l' action d' enchâsser; il a fort bien réussi dans l' enchâssûre de ce diamant; ou de l' éfet de cette action: cette enchâssûre est fort riche.
   Rem. L' Auteur du Dict. Néolog. n' aprouve pas enchassûre au fig. "L' enchassûre de ces écrits augmentera leur prix. L' Abé Des Fontaines, qui a augmenté ce Dict. n' a pas fait dificulté d' employer enchassûre~ figurément. "Ces Réflexions sont pour la plupart ingénieuses, et ne sont défectueûses que par leur forme et leur enchassûre. _ Le mot est en italique, pour montrer qu' il n' était pas encôre admis par l' usage. L' aplication en parait heureûse. Il semble qu' on pourrait s' en servir en pareille ocasion.

ENCHèRE


ENCHèRE, s. f. ENCHÉRIR, v. a. [Anchère, chéri; 2e è moy. et long au 1er, é fer. et bref au 2d.] Enchère est une ofre qu' on fait au-dessus de quelqu' un, pour une chôse qui se vend au plus ofrant, ou que l' on bâille à ferme. "Mettre à l' enchère: couvrir une enchère. = Enchérir, c' est, 1°. Faire une ofre au-dessus de quelqu' un. "Enchérir une maison, une terre, sur, au-dessus, par-dessus quelqu' un. = Neutralement et fig. Surpasser. "Néron a enchéri sur la cruauté de Tibère. "Enchérir sur l' éloquence des Anciens. = 2°. Rendre une marchandise plus chère. "Ce Marchand a fort enchéri ses denrées. _ V. n. Devenir plus cher: hausser de prix. Il se dit des chôses. "Toutes les denrées enchérissent, ont enchéri.
   Rem. Suivant La Touche, on dit indiféremment enchérir et renchérir, au propre et au fig. "Il enchérit, ou il renchérit tous les jours sa marchandise. "Le blé enchérit ou renchérit. "Il enchérit sur la cruauté de Néron. "Il renchérit sur le ridicule des plus grands sots. _ Cet habile Gramairien dit qu' il aimerait mieux renchérir, dans le figuré, et je crois qu' enchérir est meilleur pour le propre. _ Massillon a employé celui-ci figurément et sans régime. "Une simple légéreté (dans un Roi) va autoriser la licence et l' impiété.... On croit plaire en enchérissant, et les râilleries du Maître deviènent bientôt des blasphêmes dans la bouche du Courtisan.

ENCHÉRISSEMENT


ENCHÉRISSEMENT, s. m. ENCHÉRISSEUR, s. m. [Anchériceman; ceur; 1re lon. 2eé fer. 4e e muet au 1er.] Ils ne se disent l' un et l' autre que dans le sens propre; le 1er relativement au n°. 2°. d' enchérir, et l' autre au n°. 1°. Enchérissement, haussement de prix. "L' enchérissement des vivres, des denrées. _ Enchérisseur, celui qui enchérit. "Il s' est présenté beaucoup d' enchérisseurs. "Ce meuble a été délivré au plus ofrant et dernier enchérisseur.

ENCHEVêTRER


ENCHEVêTRER (s' ) v. réc. [Anche--vêtré: 2e e muet, 3e ê ouv. et lon. 4e é fer. Enchevestrer est vieux.] Au propre, en parlant d' un cheval, engager un pied dans la longe de son licou. "Ce cheval s' est enchevêtré. _ Au fig. (st. fam.) S' engager dans des chôses, dont on a de la peine à se tirer. "Il s' est enchevêtré dans une mauvaise afaire. "Les Sophistes s' enchevêtrent souvent dans des raisonnemens d' où ils ont peine à sortir.

ENCHEVêTRûRE


ENCHEVêTRûRE, s. f. [Anchevêtrû--re; 2e e muet, 3e ê ouv., 4e lon. On a dit autrefois enchevestrure.] Mal qu' un cheval se fait à un pied en s' énchevêtrant. "Mon cheval est malade d' une enchevêtrure. _ Il ne se dit qu' au propre.

ENCHIFRèNEMENT


ENCHIFRèNEMENT, s. m. ENCHIFRENER, v. a. [Anchifrèneman, ; 3e è moy. au 1er, dont la 4e e muet, e muet au 2d, dont la 4e é fer.] L' enchifrènement est un embarras dans le nez causé par un rhûme de cerveau. Enchifrener, c' est causer un enchifrènement. "J' ai un enchifrènement bien incomode. Cet air froid m' a enchifrené: elle est toute enchifrenée.

ENCLâVE


ENCLâVE, s. f. ENCLâVEMENT, s. m. ENCLAVER, v. a. [Anklâve, veman, ] 2e lon. 3e e muet aux 2 1ers, é fer. au 2d.; Enclâve est, 1°. les limites d' une terre ou d' une juridiction. "Cela est dans l' enclâve, ou hors de l' enclâve de, etc. = 2°. Terre enclavée dans une autre. "Cette terre fait une enclâve dans la vôtre. "Cette paroisse est l' enclâve d' un tel Evêché. "Avignon et le Comtat Vénaissin sont des enclâves de la France.
   Enclâvement est l' éfet d' enclaver, d' enfermer, d' enclôrre une chôse dans une autre. "Enclaver une pièce de terre dans un parc. "Deux Juridictions enclavées l' une dans l' autre. "Enclâvement d' une terre dans une autre terre, etc.
   Rem. 1°. M. de Ramsay emploie enclaver au figuré: "Tous les épisodes de notre Auteur (Fénélon) sont si habilement enclavés les uns dans les autres, que le premier amène celui qui suit. Disc. sur le Poëme Epique.

ENCLIN


ENCLIN, INE, adj. [Anklein, kline.] Porté de son naturel à... Il ne se dit que des chôses morales, et plutôt du mal que du bien. "Télémaque avoit trop de courage et de candeur pour être enclin à la défiance. Télém. "Enclin à mal faire, à médire. _ Il est peu usité au fém. "Elle étoit encline à ces deux petits vices-là (la coquetterie et l' avarice.) Mariv. "La malignité humaine est encline à la censûre. Merc.
   Rem. Quoiqu' on dise enclin, on ne dit pas encliner, mais incliner. Vaug. Il faut ajouter qu' enclin n' est jamais qu' adjectif, et qu' on ne le fait substantif que dans le burlesque et le bas comique: faire l' enclin. On le disait autrefois sérieusement, et on le dit encôre dans certaines Comunautés Religieuses. "S' aprochant deux à deux, elles firent l' enclin à la Supérieure.

ENCLôRRE


ENCLôRRE, v. act. ENCLôS, s. m. [Anklôre, anklô: 1re et 2e lon.] Clôrre de murâilles, de haies, de fôssés, etc. Il se dit, ou avec le seul régime absolu (l' acusatif): enclôrre un champ; ou avec la prép. de: enclôrre un jardin de murâilles, de haies, etc.; ou avec la prép. dans; et alors il signifie enfermer, enclaver. "Enclôrre les fauxbourgs dans la ville; enclôrre une pièce de terre dans son parc, etc. = Enclôs se dit, et de l' espace enfermé entre des murâilles: grand enclôs, bel enclôs; et de l' enceinte même: augmenter, acroitre son enclôs.

ENCLOUER


ENCLOUER, v. a. ENCLOUûRE, s. f. [An-klou-é, An-klou-ûre, 3eé fer. au 1er, lon. au 2d. On écrivait autrefois encloueure.] Enclouer est, 1°. en parlant d' un cheval, le piquer jusqu' au vif avec un clou, quand on le ferre. On dit aussi qu' un cheval s' encloûe, qu' il s' est encloué, lorsqu' en marchant il a rencontré un clou, qui lui est entré dans le pied. 2°. En parlant d' un canon, enfoncer de force un clou dans la lumière, pour empêcher que les énemis ne s' en servent.
   Enclouûre, au propre, correspond au premier sens d' enclouer. "Ce cheval est boiteux d' une enclouûre. _ Au figuré (st. fam.) Empêchement, obstacle, dificulté. "Voila où est l' enclouûre. "Ce n' est pas là l' enclouûre: j' ai découvert l' enclouûre.

ENCLUME


ENCLUME, s. f. [Anklume] Masse de fer sur laquelle on bat le fer, l' argent, les aûtres métaux. Batre, fraper sur l' enclume: plus dur qu' une enclume. = On dit, Fig. dans le style médiocre, remettre un ouvrage sur l' enclume, lui doner un autre forme. Et en style prov. être entre l' enclume et le marteau, avoir à soufrir des deux côtés, ou être embârassé à se déterminer entre deux partis également fâcheux ou hazardeux.

ENCOCHER


ENCOCHER, v. act. [Ankoché.] Mettre la corde d' un arc dans la coche d' une flèche.

ENCOFRER


ENCOFRER, v. a. Enfermer dans un cofre. _ Fig. dans le style plaisant et un peu burlesque: mettre en prison.

ENCOIGNûRE


ENCOIGNûRE, ou ENCOGNûRE, s. f. [Ankog-nûre; mouillez le g; 3e lon. _ On ne prononce point l' i, dit l' Acad. Il serait donc convenable de ne pas l' écrire.] Endroit où aboutissent deux murâilles qui font un coin, un angle rentrant. "On a ménagé un cabinet dans cette encoignûre. _ Plusieurs le disent de l' armoire même qu' on place dans ce coin.

ENCOLûRE


ENCOLûRE, s. f. [Ankolûre, 3e lon. 4e e muet.] Au propre, partie du cheval depuis la tête jusqu' aux épaules et au poitrail. "Ce cheval a l' encolûre fine. "Il est chargé, ou déchargé d' encolûre. = Au fig. en l' apliquant aux hommes, air, aparence. "Il a l' encolûre d' un sot, d' un fripon. On ne le dit guère en bien; on ne dit pas, avoir l' encolûre d' un honête homme, d' un homme d' esprit. "À~ chaque page on devine le faussaire (le fabricateur des lettres de..) On y reconait son encolûre, ses manières, son langage. Anon.
   REM. Richelet écrit encolure ou encoulure: il préfère le 2d. L' Acad. s' est décidée pour le 1er. On dit, dans le Diction. Gram. qu' encoulure est contraire à l' étymologie, ce mot venant de col; mais comme on prononce cou, ce serait au contraire une raison pour dire encoulûre. Il faut donc en revenir à l' usage, qui s' est déclaré pour encolûre.

ENCOMBRE


*ENCOMBRE, s. m. [Ankonbre; 1re et 2e lon. 3e e muet.] Empêchement, embarras. Ce mot est vieux. La Fontaine l' a employé.
   Perrette sur sa tête ayant un pot au lait
   Bien posé sur un coussinet,
   Prétendoit arriver sans encombre à la ville, etc.
   Cependant, devant qu' il fût nuit,
   Il arriva nouvel encombre,
   Un loup parut, tout le troupeau s' enfuit.
   Ce n' étoit pas un loup, ce n' en étoit que l' ombre.
       Id.
L' Auteur du Tartufe Epistolaire le fait féminin. "Sur le champ vous prîtes le parti de faire disparoître de votre seconde édition tous les passages italiens ainsi que les latins, pour éviter une pareille encombre. _ Ce mot est masculin: il est bon à conserver, pour le style plaisant et critique.

ENCOMBREMENT


ENCOMBREMENT, s. m. ENCOMBRER, v. a. [Ankonbreman, bré; 1re et 2e lon., 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Encombrer, c' est embarrasser une rue, un passage, etc. de gravois, de pierres, de décombres, etc. _ Encombrement est l' action d' encombrer, ou l' êfet de cette action. = M. Linguet parlant du contraste de la magnificence des repas avec les vilaines immondices des cuisines: "Concevroit-on, dit-il, comment la somptuosité, dont brille le sallon, a pu naître au milieu des ordûres qui encombrent le souterrain.

ENCOMMENCER


*ENCOMMENCER, v. act. [Anko--mancé; 3e lon.] Commencer. Il n' est d' usage qu' au Palais. "Nous poursuivrons le procès extraordinaire que nous avons encomencé. Linguet. On ne peut le dire dans le discours ordinaire, qu' en plaisantant et en se moquant.

ENCONTRE


*ENCONTRE, s. f. Vieux mot. Aventûre. "Bonne, mauvaise encontre.
   *À~ L' ENCONTRE DE, prép. Contre. "Il plaide pour un tel à l' encontre d' un tel. L' Acad. avait dabord mis alencontre tout en un mot; dans la dern. édit. elle a mis à l' encontre. = Ce mot était en usage au Palais: on ne s' en sert plus: on dit, il a son recours contre un tel, et non pas, à l' encontre d' un tel. C' est une remarque du P. Bouhours. Th. Corn. sur Vaug. _ Dans les précédentes édit. l' Acad. disait qu' aler à l' encontre de est du st. fam. Dans la dern. elle le dit encôre, pour signifier, s' oposer, être contraire à.. Vaug. Corn. La Touc. l' Auteur des Observations sur les Remarq., (l' Acad. elle-même) sont d' un sentiment tout contraire; et les trois dern. avec le P. Bouhours, pensent que cette locution est tellement hors d' usage qu' on ne s' en sert pas même au Palais. _ Il parait donc que cet article a été conservé dans le Dict. Acad. des premières édit. _ Le Rich. Port. suit l' Acad., et marque cette façon de parler, comme du style fam. Elle peut servir au burlesque ou au bas comique.

ENCôRE


ENCôRE, ou ENCOR, adv. [Ankôre, Ankor; 2e lon. au 1er.] Le second ne se dit qu' en conversation, et en vers. L' Ac. ne le met que pour la Poésie. _ On dit, dans le Dict. de Trév., qu' encôre est bien languissant dans un vers, quand il ne fait point d' élision. On ne voit pas pourquoi il le serait plus qu' un grand nombre de mots de cette terminaison: on peut dire, au contraire, qu' encor est dur et sec, et qu' encore est plus sonore et plus soutenu. Quoiqu' il en soit, les Poètes ont à choisir entre les deux.
   ENCôRE est un adv. de temps, qui s' emploie pour le pâssé, pour le présent et pour l' avenir. "Il vit encôre. "Il vivait encôre, il y a dix ans. "C' est un homme à vivre encôre trente ans. = Il signifie aussi, de nouveau: "Donez-moi encôre à boire; de plus, ajoutez encôre à cela que, etc.; outre l' argent, on lui dona encôre un cheval, etc. _ Du moins: "Encôre s' il vouloit avouer sa faute, on la lui pardonerait. _ Il se met aussi après mais, par oposition à non-seulement. "Non-seulement il est libéral, mais encôre prodigue. Il vaut mieux que mais même, dont plusieurs se servent, et qui est bien dur.
   1°. Encôre, Aussi ont quelque raport, mais ne sont pas synonimes. Le 1er a plus de raport au nombre et à la quantité. "Il n' y en a pas assez: il en faut encôre. Le 2d tient davantage de la similitude et de la comparaison. "Lorsque le corps est malade, l' esprit l' est aussi. _ * Leibnitz s' en sert au lieu de même. "De la manière dont je prends les chôses, encôre (même) les hyperboles de Platon se vérifient souvent.
   Encôre pour déjà, est un gasconisme. "Cet enfant a-t-il encôre déjeuné? Gasc. Cor. = Encôre se dit avec la négative.
   2°. Encôre et Aûtre ayant à~-peu-près le même sens, il semble que c' est un pléonasme que de les apliquer tous deux au même objet. "La mauvaise police étoit encôre un aûtre obstacle à tous progrès. Hist. d' Angl. Il faut opter, et dire, était un aûtre obstacle, ou était encôre un obstacle.
   3°. Encôre doit ordinairement précéder le participe dans les temps composés des verbes, et se mettre après le verbe dans les temps simples. "Je n' ai pas encôre fini: j' y travaille encôre. _ Avec les adverbes de comparaison, il doit précéder. Racine le fils le fait suivre.
   Non, maintenant sa gloire éclate plus encor...
   Au delà de ce monde il est un monde encor.
On doit passer ces constructions aux Poètes. En prôse, on dirait éclate encôre plus. "Il est encôre un monde.
   4°. Encôre a un sens tout diférent, suivant qu'~ il~ est afecté ou non par une particule négative. "J' atends encôre, c. à. d. j' ai atendu jusqu' à présent, ce qui signifie une continuation de la chôse. "Je ne l' atends pas encôre, c. à. d. le temps n' est pas venu qu' on puisse, ou qu' on doive l' atendre; ce qui est bien loin de signifier continuation ou répétition. Racine n' a pas fait cette attention dans ces vers d' Iphigénie.
   Vous me donnez des noms qui doivent me surprendre,
   Et les Dieux, dès long-temps, contre moi courroucés,
   À~ mon oreille encor les avoient épargnés.
Tout le monde voit qu' encor, placé où il est, ne peut signifier que continuation; ce qui est contre le sens de l' Auteur. Peut--être a-t-il cru qu' épargner ayant un sens passif, il pouvait employer encôre, comme s' il y avait une négation. Me les avaient encore épargnés., c. à. d. n' avaient pas encore permis qu' on me les donât.
   5°. Encôre est adverbe dans cette phrâse. "Il n' est pas encôre venu. Il est conjonction dans cette aûtre. "Il a été long-temps à se faire prier; encôre ne l' a-t-il acordé que de mauvaise grace. Dans ce dernier emploi, on met le pronom nominatif après le verbe. "Je suis content de ma pauvre Ithaque: encôre même n' y règnerai-je que trop tôt. Télémaque. "Il a falu que les Dieux nous aient envoyés pour désabuser Idoménée... encôre a-t-il falu des espèces de miracles pour lui ouvrir les yeux. Ibid. _ Mais si le verbe est éloigné d' encôre, on peut se dispenser de mettre le pronom après. "Encôre même la plupart des hommes, en ce pays, étant adonés à l' agriculture, ou à conduire leurs troupeaux, ne laissent pas d' exercer les arts nécessaires à leur vie simple et frugale. Ibid. En changeant la construction et raprochant le verbe d' encôre, l' illustre Auteur aurait surement dit, ne laissent-ils pas, etc. _ "Mais encôre faut-il atendre Doralice. Marin.
   6° Encôre adv. se met aussi quelquefois à la tête de la phrâse; et une de ses propriétés, quand il est ainsi placé, c' est d' autoriser la supression du verbe. "Encôre une réflexion, qui nous prouvera combien est fausse l' idée que l' Auteur nous done, etc. On sous-entend, je fais, ou permettez-moi encôre, etc.
   Encôre que, quoique. Plusieurs ont voulu le bannir de la Langue, aussi bien que, malgré que. Il serait bon de le conserver: il est le plus sonore des trois. "Encôre que j' en sois fort touchée, j' aime mieux sentir cette sorte de douleur, que de ne point savoir la suite de votre amitié. Sév. _ L' Ac. met encôre que sans remarque. Elle ne dit point qu' il vieillisse.
   Rem. Coquillart et d' autres vieux Poètes, ont dit encoire, et l' ont fait rimer avec mémoire, histoire, etc. La Monnoie. Au 17e. siècle, on disait encores, et l' on prononçait l' s devant une voyelle. "Celles qui ne seront pas encores habituées à l' Office. S. Fr. de S. _ En vers, on dit encôre et encor. Corneille et Segrais s' en servaient indiféremment. Gombaud fuyait encor comme un écueuil, et n' aimait à se servir que d' encore. Ménage ne pouvait soufrir celui-là à la fin du vers, ayant observé, dit-il, qu' il est extrêmement dur en cet endroit; mais il l' employait volontiers à la césure, comme Malherbe le pratiquait, et il trouvait qu' il y avait bonne grace.
   Et tant d' autres encor me devoient avertir.
   Enfin, Ménage avertit ceux qui voudront employer encor dans les autres endroits du vers, de consulter leur oreille, pourvu qu' ils l' aient bonne; car il y a tel lieu, où il ne sera point dur, et tel autre, où il le sera extrêmement. = Suivant M. l' Abé d' Olivet, dans la prôse, où l' on n' est point gêné par la mesûre, nos bons Écrivains donent constamment la préférence à encôre, dont la pénultième, alongée par l' e muet, soutient la prononciation; au lieu que dans les entretiens familiers, où il n' est pas~ permis d' être lent, on ne dit guère que encor, dont la dernière est brève.
_ L' Acad. dit, qu' en Poésie, on dit indiféremment encore ou encor, suivant le besoin. = Encores a tout-à-fait vieilli. Il était pourtant comode pour les Poètes d' ajouter cette s devant une voyelle, quand ils avaient besoin d' une syllabe de plus, et de la retrancher, quand elle leur était inutile.

ENCOURAGEANT


ENCOURAGEANT, ANTE, adj. Qui encourage. Ce mot n' est pas dans les Dictionaires; mais il est très-beau, très-utile, et l' on s' en sert aujourd'hui sans dificulté. "Après quelques succès encourageans, il finit par échouer. Hist. d' Angl. "Institution aussi encourageante pour l' industrie, que flateûse pour l' humanité. Linguet. Si c' est l' aiguille à coudre, qui a été le premier objet de leurs encourageantes atentions (des Économistes) Id.

ENCOURAGEMENT


ENCOURAGEMENT, s. m. ENCOURAGER, v. act. [An-kou-rageman, ; 4e e muet au 1er, é fer. au 2e.] Encouragement, ce qui encourage. Encourager, doner courage, exciter. "Les arts ont besoin d' encouragement. "Ce bon succès l' a fort encouragé.
   Rem. 1°. Autrefois on n' employait point encouragement au pluriel: Et M. l' Abé Du Bos l' employant dans ce nombre, l' a fait imprimer en italique, pour montrer qu' il le hazardait. "Croit-on qu' un Peintre français, qui aurait pris son essor avant la Paix de Vervins, eût reçu les mêmes encouragemens qu' en 1660. _ Aujourd'hui ce mot est bien établi, et il est du beau style. L' Acad. ne done d' exemple que du singulier. = 2°. Encourager régit la prép. à devant les noms et les verbes. Encourager au travail, à bien faire. _ Encourager les Soldats à la guerre: les encourager à se bien batre. _ Le régime des noms est râre. Racine a bien dit, dans Andromaque:
   Allez, en lui jurant que votre âme l' adore,
   À~ de nouveaux mépris l' encourager encôre.
mais c' est une ellipse, et l' on sous-entend, à vous faire essuyer de nouveaux mépris.

ENCOURIR


ENCOURIR, v. act. [An-kou-ri.] Atirer sur soi, mériter. Encourir les peines portées par la Loi, les censûres, l' indignation, la haine de Dieu, du Roi, etc. l' infamie, le mépris public, la honte, l' oprobre.

ENCRASSER


ENCRASSER, v. act. [Ancracé.] Rendre crasseux. "La poudre encrasse les habits. = S' encrasser, devenir crasseux. "Il y a des étofes qui s' encrassent aisément. _ Fig. Se mésallier. "Il s' est bien encrassé par ce mariage. _ Se rouiller. "Les enthousiastes de la capitale croient que l' esprit ne peut que s' encrasser dans la Province.

ENCRE


ENCRE, s. f. ENCRIER, s. m. [Ankre, krié: 1re lon. 2ee muet au 1er, é fer. au 2e.] Liqueur noire, dont on se sert pour écrire. _ Petit vâse où l' on met de l' encre. _ On dit, en style prov. écrire de bonne encre, ou de la bone encre à quelqu' un, en termes forts et pressans, et quelquefois avec reproches ou menaces. _ On dit aussi: je ne suis pas dans la bouteille à l' encre, je ne suis pas dans la confidence; cependant cela est probable, et je crois pouvoir l' assurer.
   REM. 1°. Encre à écrire et Ancre ou anchre (Anchora) se prononcent de même, mais doivent s' écrire diféremment. Plusieurs les confondent: c' est une faute grossière.
   2°. Il n' est rien de si bisarre qui n' ait été dit, ou qui ne soit dans le câs de se dire dans la suite. * Un Auteur moderne dit: "Combien y en a-t-il qui eussent gagné à laisser leurs noms, pour ainsi dire, dans l' encre. Anon. c. à. d. à ne point écrire, à ne point faire imprimer. Cela est tout à la fois obscur et baroque; et le correctif, pour-ainsi-dire, n' est pas assez fort pour le faire passer.

ENCROUTEMENT


ENCROUTEMENT, ENCROUTER. Voy. INCRUSTATION, INCRUSTER.

ENCUIRASSER


ENCUIRASSER (s' ), v. réc. [An-kui--racé.] Il se dit de la peau, du linge, des étofes, des métaux, qui se coûvrent d' une crasse épaisse. "Des mains encuirassées d' ordures. "La poussière, l' ordure se sont encuirassées dans ces habits, etc.

ENCUVER


ENCUVER, v. a. [Ankuvé.] Mettre dans une cuve. "Encuver la vendange.

ENCYCLOPÉDIE


ENCYCLOPÉDIE, s. f. ENCYCLOPÉDIQUE, adj. [Anciklopédie, dike. 4e é fer., 5e lon. au 1er, dern. e muet.] Encyclopédie, est l' enchainement des sciences. Encyclopédique, qui apartient à l' Encyclopédie. = Depuis quelque temps, on a dit Encyclopédistes, en parlant des Auteurs de la fameûse Encyclopédie.
   Rem. Richelet, qui écrit Enciclopédie avec un i, dit que ce mot avait vieilli, et qu' il ne se disait plus que dans le burlesque. Il a fait depuis une prodigieûse fortune.

ENDÉMIQUE


ENDÉMIQUE, adj. [Andémike: 2e é fer.] Il se dit de ce qui est particulier à un peuple, à une nation, en parlant des maladies. "La lèpre étoit endémique en Syrie, en Judée. "La plique est endémique en Pologne. "Les maladies endémiques diffèrent des épidémiques, en ce que celles-ci ne règnent qu' en certains temps, par un vice de l' air, et que celles-là sont ordinaires, en tout temps, à certains peuples. Trév.

ENDETTER


ENDETTER, v. a. [Andété: 1re lon., 2e et 3e é fer. _ Devant la syll. féminine, le 1er e se change en è moy. Il endette, ou, endète, il endettera, ou, endètera, etc.] Charger de dettes. "L' achat de cette terre l' a fort endetté. = S' endetter, contracter des dettes. "Il s' est fort endetté.

ENDêVÉ


ENDêVÉ, ÉE, adj. ENDêVER, v. neut. [Andêvé: 2e ê ouv. et long, sur-tout devant l' e muet: Il endêve, endêvera.] Endêvé, mutin, chagrin, impatient. "Il faut être bien endêvé, pour vouloir, etc. _ Subst. "C' est un endêvé; il fait l' endêvé. = Endêver, avoir grand dépit de quelque chôse; enrager. "Il endêvoit de tout cela: il endêve de voir que les autres lui sont préférés.
   Rem. Ces mots sont du bâs peuple. Les honêtes gens disent, il enrage, il est enragé, plutôt que, il endêve, il est endêvé. _ L' Acad. dit aussi que ces mots sont populaires.

ENDIABLÉ


ENDIABLÉ, ÉE, adj. *ENDIABLER, v. n. [An-dia-blé, blé-e, blé: 1re lon., 3ee fer., long au 2d.] Endiabler, enrager. Il est bâs (Trév.) et peu usité. _ L' Acad. ne le met pas. _ Endiablé, furieux, enragé. "Esprit endiablé. _ Mauvais, méchant en son genre. "Chemin endiablé, style familier et chagrin. _ Subst. "C' est un endiablé, une endiablée.

ENDIMANCHER


ENDIMANCHER (s' ), v. réc. [Andi--manché: 1re et 3e lon., dern. é fer.] Mettre ses habits du Dimanche. Terme de plaisanterie, qui se dit d' une persone du peuple qui a mis ses beaux habits. "Il s' est endimanché. "Elle s' étoit endimanchée.

ENDOCTRINER


ENDOCTRINER, v. act. [Andoktriné.] Au propre, enseigner. Richelet le trouvait déjà vieux. Il ne se dit qu' en plaisantant. Aûtrefois on le disait sérieûsement. _ Au figuré, faire le bec, faire la leçon à quelqu' un, en lui donant quelque commission. "Il s' est bien acquitté de la commission; aussi, l' avoit-on bien endoctriné.
   Rem. 1°. L' Ab. Coyer l' emploie dans le sens propre, mais dans le style moqueur et ironique. "Deux cens agathines à moi! dit le cocher. Gardez-les pour ce triste savant, qui endoctrine votre fils. Ile Frivole.
   2°. Un illustre Auteur, qui garde l' anonyme, s' en sert dans le sérieux, et lui fait régir la prép. de. "Vous endoctrinez vos écoliers des Loix de Minos, de Solon, de Lycurgue, et pas le mot, ou peu de chose, des loix et des coutumes reçûes dans nos Provinces. De la Litératûre Allemande. Et l' emploi, et le régime de ce mot, sont également contre l' usage.

ENDOCTRINEUR


*ENDOCTRINEUR, s. m. (Mot nouveau.) Celui qui endoctrine. Il ne se dit qu' en plaisantant et en se moquant. "Notre endoctrineur est ébranlé; la force de la vérité le presse; un reste de vanité le retient, etc. Royou. _ Adj. "Depuis long-tems son zèle endoctrineur paraissait condamné au silence. Id.

ENDOLORI


*ENDOLORI, IE, adj. Qui ressent de la douleur. _ Comme douloureux se dit des maux, et non de ceux qui les soufrent, il manquait un terme pour exprimer ce dernier sens. J. J. Rousseau a inventé endolori. "Ses membres endoloris. Ainsi, douloureux se dit de ce qui caûse de la douleur, et endolori, de ce qui l' éproûve. Il ne parait pas pourtant que ce mot ait fait fortune. M. Tissot dit endoulori.

ENDOMMAGER


ENDOMMAGER, ou ENDOMAGER, v. a. [Andomagé.] Aporter du domage. "Le vent a endommagé les grains, les fruits. _ L' Acad. fait régir au passif la prép. de. "Le mur est fort endommagé des coups de canon. _ Elle avertit que ce mot ne se dit que des chôses. M. l' Ab. Garnier lui fait régir les persones. "François méditoit de signaler sa vengeance sur les Pays-Bas, le seul endroit où il pût facilement endommager son ennemi. Hist. de Fr. Dites, causer du domage à, etc.

ENDORMEUR


ENDORMEUR, s. m. [Andormeur.] Il n' a d' usage qu' au figuré (st. familier.) Flateur, cajoleur. "C' est un endormeur. = On dit proverbialement, endormeur de mulots, ou, de couleuvres, conteur de fariboles; diseur de paroles flateûses, à dessein d' endormir, et de tromper plus finement.

ENDORMIR


ENDORMIR, v. a. [Andormi.] 1°. Faire dormir. "Bercer un enfant, pour l' endormir. = 2°. Figurément, amuser, afin de tromper. "Endormir avec de vaines promesses, par de vaines espérances. = 3°. Engourdir. "Cela m' a endormi la jambe. "Endormir la douleur. = 4°. S' endormir, comencer à dormir. "Je n' ai pu m' endormir que sur les trois heures. = Figurément, négliger une afaire. "Il s' est trop endormi sur cette affaire. "C' est un homme qui ne s' endort pas. _ S' endormir dans le vice, dans les voluptés, y croupir. "Les passions nous endorment, ou nous nous endormons sur les bords de l' abîme. = 5°. Endormir, signifie aussi ennuyer, fatiguer. "Cette pièce, ce livre, ce sermon, la conversation de cet homme endort: on sous-entend, ceux qui les lisent, les entendent.

ENDôSSE


ENDôSSE, s. f. ENDôSSEMENT, s. m. ENDôSSER, v. a. ENDôSSEUR, s. m. [An--dôce, ceman, , ceur: 2e lon., 3e e muet aux 2 1ers, é fer. au 3e.] Endôsse est du style familier. "Vous en aurez l' endôsse. Doner l' endôsse, tout le faix, toute la peine.
   ENDôSSER, c' est 1°. Mettre sur son dôs. En ce sens, son usage est fort borné. "Endôsser le harnois, la cuirasse. = 2°. Charger de: On l' a endôssé de cela. C' est dans le sens d' endôsse. = 3°. Endôsser une lettre de change, un billet, etc. Mettre le reçu au dôs de la lettre, ou simplement la signatûre, ou l' ordre de payer à un aûtre. = Endôssement et endôsseur, ne se disent que dans ce sens. "Mettre son endôssement sur une lettre de change. "Il y a plusieurs endôsseurs à cette lettre de change.

ENDROIT


ENDROIT, s. m. [Androa.] On dit, dans le Dict. Gram., qu' on prononce quelquefois andrè; c' est une mauvaise prononciation. Voy. CROIRE. _ Boileau le fait rimer avec droit et froid.
   Cessons de nous flatter, il n' est esprit si droit,
   Qui ne soit imposteur, et faux par quelqu' endroit.
       Ép. IX.
  Ce mot me semble froid;
  Je le retrancherois? C' est le plus bel endroit.
ENDROIT, lieu, place. "Vous le trouverez en tel endroit. "Voilà l' endroit où Turenne fut tué. "L' endroit (du corps) où il a été blessé. Voy. LIEU. = Il se dit des chôses qu' on mange. "Donnez-moi de cet endroit-là; d' une partie d' un livre, d' un discours: "Il sait les plus beaux endroits de Virgile, de Racine, etc. = Il se dit aussi au figuré. "Il se montre par son bel endroit, par son mauvais endroit. "C' est le plus bel endroit, ou, le vilain endroit de sa vie. "Je ne le connois que par cet endroit. "Il m' a pris par mon endroit sensible. = Il se prend encôre pour le beau côté d' une étofe, et il est oposé à envers. "Voilà l' endroit de ce drap.
   * En endroit de, en mon endroit, etc., adv. Envers lui, envers moi, sont vieux. "Il se persuadent d' être quittes par-là en leur endroit de tous les devoirs de l' amitié et de la reconnoissance. La Bruyère. On dirait aujourd'hui, envers eux. _ Un Auteur plus récent a dit, à son endroit, qui est encôre plus mauvais. "Après avoir exercé à son endroit tous les devoirs de l' hospitalité chrétienne. Let. Édif. Dites, envers lui. _ Ces façons de parler sont hors d' usage, si ce n' est dans le style de Pratique. _ On dit aussi, dans ce style, chacun endroit soi, pour ce qui le regarde. Voy. DROIT, Rem. II.

ENDUIRE


ENDUIRE, v. a. ENDUIT, s. m. [An--dui-re, dui: 2e lon. au 1er.] Enduire, c' est couvrir d' une couche de mortier, ou de plâtre, etc. Enduit, est cette couche dont on coûvre, etc. "Enduire une muraille de plâtre, un vaisseau de goudron. "Faire un enduit.

ENDURANT


ENDURANT, ANTE, adj. [Anduran, rante: 3e lon.] Qui soufre aisément les injûres. Il se dit ordinairement avec la négative, ou l' équivalent. "Il n' est pas fort endurant. "Il est peu endurant, mal endurant; femme peu endurante.
   Endurant, patient (synon.) Patient, est le genre; endurant, est l' espèce: mais le 1er a beaucoup d' acceptions, selon lesquelles il n' est point synonyme du 2d. "Il y a des personnes très-patientes, à l' égard des maux qui leur arrivent par le cours de la nature, et fort mal endurantes à l' égard de ceux qui leur viennent de la main des hommes. Voyez les Synonymes de M. l' Ab. Roubaud.

ENDURCIR


ENDURCIR, v. a. ENDURCISSEMENT, s. m. [Andurci, ciceman: 4e e muet au 2d.] 1°. Rendre dur. "Le grand air endurcit certaines pierres. = 2°. Rendre fort. "Le travail endurcit le corps. = 3°. Avec à pour régime: Acoutumer à ce qui est dur et pénible. "Endurcir au froid, à la fatigue; aux injûres, aux coups. "Mes mains, endurcies au travail, me donnent facilement la nourriture simple qui m' est nécessaire. Télém. = 4°. Rendre impitoyable. "L' avarice lui a endurci le coeur. = 5°. S' endurcir, devenir dur. Il se dit au propre et au figuré. "Le corail s' endurcit à l' air. "Il s' est endurci à la peine, au travail; aux misères d' autrui.
   ENDURCISSEMENT, ne se dit qu' au figuré. État d' une âme qui n' est plus touchée d' aucun sentiment pour la vertu, pour les chôses de Dieu. "Cela marque un grand endurcissement. "Tomber dans l' endurcissement.
   Rem. Massillon a une belle pensée, qui lui fait pardoner l' impropriété de l' expression. "La prospérité endurcit le Grand au plaisir, et ne lui laisse de sensibilité que pour la peine. Régulièrement, endurcir, acoutumer, ne se dit que des chôses fâcheuses; mais les grands Écrivains s' élèvent souvent avec succès au--dessus des règles et de l' usage.

ENDURER


ENDURER, v. act. [Anduré. 1re lon. Devant l' e muet l' u est long aussi: Il endûre, il endûrera.] 1°. Soufrir, même involontairement. "Endurer du froid. "Les peines que j' endûre. = 2°. Suporter avec patience, avec constance. "Il y a des gens qui endûrent mieux la faim et le froid que les aûtres. = 3°. Trév. et l' Acad. lui donent le sens et le régime de permettre, savoir que, et le subjonctif: "Il ne faut pas qu' un Magistrat endure qu' on blasphême. TRÉV. "N' endurez pas qu' on fasse tort à personne. Acad. _ Je ne l' ai guère vu employé en ce sens par les bons Auteurs.

ENE


ENE. Dans cette terminaison la pénult. est longue; dans chêne, cène, scène, alêne, rênes, frène, arène, pêne: brève dans phénomène, ébène, etc.; douteûse dans les noms propres, Diogène, Athènes, Mécène, etc.

ÉNEMI


ÉNEMI. C' est ainsi qu' il faudrait écrire. Voyez ENNEMI.

ÉNERGIE


ÉNERGIE, s. f. ÉNERGIQUE, adj. ÉNERGIQUEMENT, adv. [Enêrgi-e, gike, gike--man: 1re é fer., 2eê ouv., 3e lon. au 1er, 4ee muet.] Energie, éficacité, vertu, force. Il se dit principalement du discours, de la parole. "Discours plein d' énergie. "Il y a dans les Prophètes des expressions d' une grande énergie. = Energique, qui a de l' énergie. "Style, discours énergique. Termes énergiques. = Energiquement, d' une manière énergique. "Parler, s' exprimer énergiquement.
   Rem. Énergie et énergique sont fort à la mode. "C' est l' effet ordinaire des guerres intestines, de donner au courage une énergie atroce, qui le fait dégénérer en cruauté. Journ. Hist. de Gen. "Une éloquence muette, des gestes énergiques, rendent ce que ne peut exprimer sa langue. Jér. Dél. = Énergique, ne se dit point des persones. Un Auteur moderne nous peint ces esprits énergiques, qui s' élancent au-delà de leur existence actuelle, et qui, peu contens d' exciter l' admiration et l' amour de leurs concitoyens, veulent encôre arracher des louanges des races futûres. _ Là, esprit est personifié. Mais que signifie un esprit énergique, une âme énergique? Dirait-on un homme énergique; un Auteur énergique? Je ne le crois pas. M. Mallet du Pan et M. Linguet l' ont dit. "Nation énergique. Voy. CONTRASTANT. "Ils étoient énergiques, emportés quelquefois, dans le Parlement (d' Angl.) Ann. Polit.

ÉNERGUMèNE


ÉNERGUMèNE, s. m. et f. [Énêrgumène: 1re é fer., 2e ê ouv., 4e è moy., 5e e muet: toutes les sortes d' e se trouvent réunis dans ce mot.] Possédé, ou possédée du diable. "Exorciser un, ou une énergumène.

ÉNERVER


ÉNERVER, v. a. [Enêrvé: 1re et dre é fer., 2e ê ouv.] Au propre, afaiblir par la débauche, ou par quelque aûtre caûse. "Le vin, les débaûches l' ont énervé. "Il s' est énervé, à force d' excès en tout genre. = Ce mot est beau au figuré. "Les voluptés énervent les hommes, énervent le courage. "Le trop d' ornement énerve le style. "Tout ce qui rend l' autorité injuste et odieuse l' énerve et la diminue. Massill. "La vertu dédaigne un vain faste, qui ne pourroit que l' affoiblir, en l' énervant. THOMAS. _ Il semble que dans cette dernière phrâse on pourrait trouver du pléonasme; car afaiblir et énerver ont tant de raport, que c' est presque la même chôse.

ENFANCE


ENFANCE, s. f. ENFANT, s. m. et f. [Anfance, fan: 1re et 2e lon.] I. Enfance, 1°. L' âge depuis la naissance jusqu' à douze ans, ou environ: "Dès mon enfance, dès sa plus tendre enfance: Sortir de l' enfance. = 2°. Il se dit élégamment au figuré. "L' enfance du monde, l' enfance de Rome. = 3°. Puérilité. "Ce que vous faites est une vraie enfance. "Ne prenez pas garde à ces enfances. "Je soupçonne qu' elle est un peu menteuse. _ Oh! elle ne fait jamais que de petites menteries innocentes. _ Mais quand on ment pour son plaisir, on pourroit bien aussi mentir par intérêt. _ Oh! que non; c' est de l' enfance; cela passera. Th. d' Educ. "Voulez-vous que je l' appelle? _ Je n' ose. _ Allons; quelle enfance! Ibid. = 3°. Etre, ou tomber en enfance, se dit d' une vieille persone qui est imbécille. "Elle est fort vieille, d' un caractère foible; et depuis six mois, elle est presque entièrement tombée en enfance. _ Quelques-uns disent, dans l' enfance. Celui-ci n' est pas si bon.
   II. ENFANT, fils, ou fille, par relation au père et à la mère. Fils et fille, se disent avec l' expression de cette relation, et avec le régime. "Il est fils d' un tel; elle est fille d' une telle. C' est le fils; c' est la fille de Mr... de Mde... Enfant, se dit ordinairement sans régime et sans exprimer la relation. "Enfant mâle: enfant gâté. "Cette mere aime fort ses enfans; elle souffre tout à ses enfans. _ Quelquefois le régime et la relation sont exprimés comme dans ces phrâses. "Nous sommes tous enfans d' Adam: "Les Juifs étoient apelés les enfans d' Israël. "Le Baptême nous fait enfans de Dieu et de l' Église, etc. _ On dit aussi, les enfans de France, pour dire, les Princes qui descendent des ainés de la Maison royale. Et, dans le style familier, enfant de Paris, de Lyon, de Marseille, etc.; natif de Paris, etc.
   2°. ENFANT, se dit d' un garçon, d' une fille en bas âge. Alors il est des deux genres. "Un aimable enfant, un bel enfant; une jolie enfant, une belle enfant. "Mde. de la Fayette vous prie d' aimer Pauline: elle voit fort bien, dit-elle, que cette enfant est jolie. Sév.
   ENFANT, pour garçon, est un provençalisme. "Il a deux enfans et trois filles. Ce barbarisme a ocasioné, il n' y a pas long--temps, un très-grand procès, sur une substitution qui était en faveur du premier enfant. Il n' y avait que des filles du premier lit, et un garçon du second. On jugea que le testateur très-provençal, avait entendu, par le mot de premier enfant, le premier enfant mâle.
   Enfant, puéril (Synon.) On aplique la qualification d' enfant aux personnes, et celle de puéril, à leurs discours, ou à leurs actions. Ainsi, l' on dit d' un homme, qu' il est enfant (il est là adjectif), et que tout ce qu' il dit est puéril. Le premier de ces mots désigne dans l' esprit un défaut de maturité, et le second, un défaut d' élévation. Un discours d' enfant, est un discours qui n' a point de raison; un discours puéril, est un discours qui n' a point de noblesse. Une conduite d' enfant, est une conduite sans réflexion, qui fait qu' on s' amuse à des bagatelles, faute de conaitre le solide; une conduite puérile, est une conduite sans goût, qui fait qu' on donne dans le petit, faute d' avoir des sentimens. GIR. Syn. "La femme devient enfant, et l' homme devient femme. Rayn.
   3°. ENFANT, est aussi un terme de flaterie et de familiarité, quelquefois ridicule, par le défaut de convenance. "Allez, mon enfant, l' honneur de vos pareils est d' avoir de quoi vivre. Mariv.
   4°. Mal d' enfant, travail d' enfant. Ce sont les douleurs d' une femme près d' acoucher. "Elle a le mal d' enfant, elle est en travail d' enfant.
   Une Montagne, en mal d' enfant,
   Jetoit une clameur si haute, etc.
       La Font.
* En Provençal on dit, le mal de l' enfant. C' est un barbarisme.
   5°. ENFANT, s' emploie élégamment au figuré. "Renaud demeure un moment confus, immobile et sans voix: mais enfin, un généreux~ dépit, enfant du courage et de la raison, s' empare de son âme, et en bannit la honte. Jér. Dél. "Ces écrits ténébreux, enfans de la nuit, du mensonge et de l' orgueil, désavoués en naissant par leurs propres Auteurs, à cause de leur honteuse origine. Rygoley de Juvigny.
   On dit proverbialement, faire l' enfant, badiner comme un enfant, faire des chôses puériles. * En Provence, on le dit pour acoucher. "Elle n' a pas encore fait l' enfant, elle n' est pas encôre acouchée. C' est un provençalisme, un barbarisme. _ Ce n' est pas jeu d' enfans: c' est chôse sérieuse. On le dit aussi de ce que font ou disent des persones âgées réunies ensemble. "Il y avait à ce repas vingt persones: la plus jeune a soixante ans. _ Ce n' est pas jeu d' enfans. = Il n' y a plus d' enfans. On comence de bone heure à avoir de la malice. "Vous conoissez bien Mlle. Amélie? _ Oui. _ Eh bien! c' est elle qui est la cause de toutes les gambades de M. Théodore.... Il n' y a plus d' enfans. Th. d' Éduc. _ "C' est bien l' enfant de sa mère: Il lui ressemble, il en a toutes les manières: il en a toutes les vertus, ou tous les défauts. Il se dit plus souvent en mal qu' en bien. _ On dit aussi qu' on est innocent d' une chose, comme l' enfant qui vient de naître.

ENFANTEMENT


ENFANTEMENT, s. m. ENFANTER, v. act. [Anfanteman, : 1re et 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Enfantement, est l' action d' enfanter, d' acoucher d' un enfant. "Les douleurs de l' enfantement. "Heureuse la mère qui l' a enfanté. _ Le verbe se dit ordinairement comme neutre et sans régime. Enfanter avec douleur. "Après qu' une femme a enfanté.
   Ces deux mots se disent au fig. mais le 1er seulement dans le st. plais. ou crit. "Cet Auteur est dans les douleurs de l' enfantement. "Il a peine à enfanter. "Cet autre enfante tous les ans de grôs volumes. _ Le verbe est plus noble. "L' imagination enfante souvent des monstres.

ENFANTILLAGE


ENFANTILLAGE, s. m. ENFANTIN, INE, adj. [Anfanti-glia-ge, tein, tine: 1re et 2e lon. mouillez les ll dans le 1er.] Enfantillage ne se dit que des persones qui ont passé l' enfance, pour signifier des discours, des manières d' enfant. "Pour un homme de votre âge, de votre caractère, voilà bien de l' enfantillage. = Enfantin, au contraire, ne se dit que des enfans visage enfantin, voix enfantine.

ENFANTISE


*ENFANTISE, s. f. Enfantillage. C' est un mot de Province. L' Acad. ne le met pas. Dans le Dict. de Trév. on dit qu' il n' est pas du bel usage.

ENFARINÉ


ENFARINÉ, ÉE, adj. ENFARINER, v. act. [Anfariné, né-e, . 4e é fer. long au 2d.] Le verbe ne se dit qu' au propre. Poudrer de farine "Les Bateleurs s' enfarinent. _ Si on le dit au fig. ce ne peut être que dans le style comique ou satirique. "Le Cardinal du Perron n' y entendait sans doute pas finesse, quand il apelait ce livre (les Essais de Montagne) le bréviaire des honêtes gens. L' Evêque d' Avranches (Huet) était plus judicieux, en le regardant comme le bréviaire des honêtes paresseux et des ignorans studieux, qui veulent s' enfariner de quelque conoissance du monde, et de quelque teintûre des Lettres. Sabat. Trois Siècl. _ On dit, en se servant du passif, qu' un homme est enfariné de quelque science, pour dire, qu' il n' en a qu' une légère teintûre; et qu' il est enfariné d' une opinion, d' une mauvaise doctrine, pour dire qu' il en est imbu, prévenu. _ Dans ce dernier sens, on dit aussi enfariné tout seul. "Cet homme est enfariné: il est ataché à des erreurs condamnées. = On dit, proverbialement, il est venu nous dire cela, la gueule enfarinée, c. à. d. inconsidérément et avec une sotte confiance, croyant faire merveilles.

ENFER


ENFER, s. m. [Anfêr: 1re lon. 2e ê ouvert.] Nous nous servons du singulier pour désigner le lieu destiné pour le suplice des damnés, les peines de l' enfer, la crainte de l' enfer. Soufrir en enfer: _ On dit pourtant quelquefois au fond des enfers: mais cela ne dit rien de plus qu' au fond de l' enfer. _ Au pluriel, il se prend pour le lieu où les Païens croyaient que les âmes allaient après leur mort: "Mercûre conduisoit les âmes aux enfers; et pour celui où étaient les âmes que N. S. visita après sa mort. "J. C. est descendu aux enfers. = Enfer se dit figurément d' un lieu où l' on se déplait beaucoup, où l' on soufre extrêmement. "Cette maison est pour moi un enfer. _ Porter son enfer (son suplice) avec soi. "Les méchans portent avec eux leur enfer. _ Il signifie aussi, les Démons, les Puissances de l' enfer. "L' Enfer en gémit. "L' Enfer s' est déchainé contre moi.
   Rem. Autrefois on ne mettait point d' article devant enfer. "Les flames d' enfer. Masc.
   Et si les pales Euménides
   Toutes trois ne sortent d' enfer.
       Malherbe.
Aujourd'hui on dit de l' enfer ou des enfers. _ On dit seulement, furie d' enfer, tison d' enfer, dans le st. fam. et chagrin.

ENFERMER


ENFERMER, v. act. [Anfêrmé: 1re lon. 2e ê ouv. 3e é fer.] 1°. Mettre dans un lieu d' où l' on ne puisse sortir; ou serrer dans un lieu qui ferme. "Enfermer un homme dans une maison, un habit dans un cofre, des papiers dans un cabinet. _ Avec le seul régime absolu (l' acusatif) c' est mettre dans un hôpital des foux, ou dans un lieu de correction. "C' est un homme à enfermer. "On a été obligé de l' enfermer. = 2°. Environner et clôrre de toutes parts. "Enfermer un parc de murâilles, de haies. "Les énemis se laissèrent enfermer entre deux rivières, entre deux montagnes. = 3°. Contenir, comprendre. "Ce passage enferme beaucoup de vérités.
   REM. Enfermer se dit proprement de ce qu' on met dans un cofre, dans un cabinet; et renfermer, de ce que la Natûre fait naître dans la terre ou dans la mer, etc. Ainsi le P. Bouhours n' a pas parlé assez exactement, dans ses Entretiens d' Ariste et d' Eugène, quand il a dit: "Les perles que la natûre enferme dans son sein. Il falait dire, renferme.
   ENFERMÉ, s. m. Sentir l' enfermé, se dit de ce qui sent mauvais, à caûse qu' il y a long-temps qu' il n' a été à l' air. "Cette chambre sent l' enfermé. En ce sens on dit aussi, et mieux encôre, le renfermé. Acad.
   *ENFERMETÉ, ENFERMIER, se sont dits autrefois pour Infirmité, Infirmier. Ménage nous aprend que le 2d se dit dans la plupart des Provinces, et cet habile Grammairien, en disant qu' à Paris on dit Infirmier, ajoute que c' est ainsi qu' il faut dire. mais que c' est sans blâmer ceux qui disent l' enfermier. Ce mot est pourtant contraire et à l' usage et à l' étymologie: et c' est aujourd'hui un vrai barbarisme.

ENFERMEUR


*ENFERMEUR, s. m. Celui qui enferme. C' est un mot fabriqué par M. Linguet. Il ne peut se dire qu' en plaisantant, ou dans le st. burlesque, ou satirique.

ENFERRER


ENFERRER, v. act. [Anfêré: 2e ê ouv. et lon. r forte, 3eé fer.] Percer avec une épée, une pique, etc. "Enferrer son énemi. "Il s' est enferré lui-même. = Au fig. s' enferrer, c' est dans un discours, dans une interrogatoire, dire ou avouer des chôses, qui font contre nous; se nuire à soi-même par ses paroles ou sa conduite.

ENFIELLÉ


*ENFIELLÉ, ÉE, adj. [Anfiélé, lé-e, 2e et 3e é fer.] Rempli de fiel. "Son coeur enfiellé n' a pu se contenir. Linguet. _ Ce mot paraît forgé d' après emmiellé. Ronsard s' en était servi: mais très-probablement ce n' est pas à lui que le célèbre Auteur des Annales l' a emprunté: il y a plus d' aparence qu' il l' a créé de nouveau. On peut en bien augurer. _ Dans Trév. on met enfieller, vieux. Rendre amer comme le fiel.

ENFILADE


ENFILADE, s. f. ENFILER, v. a. [An--filade, .] Au propre, le subst. ne se dit que d' une longue suite de chambres sur une même ligne. "Une longue enfilade. "Une belle enfilade de chambres. "Huit chambres en enfilade. "Au fig. st. fam. et crit., Une longue enfilade de discours; une longue suite de chôses ennuyeuses. "Une longue enfilade de raisonemens, qui ne concluent rien, lasse l' Auditeur et ne l' éclaire pas.
   ENFILER, c' est proprement, passer un fil par le trou d' une aiguille. Il ne se dit cependant pas du fil, mais de l' aiguille, ou des chôses qu' on passe dans un fil, dans un cordonet, etc. "Enfiler une aiguille, des perles, un chapelet, etc. = Il se dit fig. dans le st. simple, et quelquefois plaisant et proverb. "Enfiler (prendre et suivre) un chemin. "Enfiler le degré, s' échaper; enfiler la venelle, (bas et populaire) s' enfuir. Enfiler un discours, s' engager, s' embarquer dans un long discours. "Le canon enfile la tranchée; le vent enfile la rûe; la bat, y soufle en ligne droite.

ENFILûRE


*ENFILûRE, s. f. On disait dans le Dict. de Trév. au comencement du siècle, que ce mot serait utile au fig. pour signifier une suite de discours lié et raisonable. Mais l' usage l' a rejeté, et ne l' admet pas même au propre.

ENFIN


ENFIN, adv. et conjonct. À~ la fin, Pour conclusion, en un mot. = Il ne faut pas confondre, Enfin, et à la fin: le 1er est le plus souvent employé comme conjonction, servant à lier le discours. Il se met ordinairement au comencement du sens. "Enfin, que vous dirai-je de plus. "Mais enfin que vous a-t-il dit? etc. Le second est un adverbe qui se met au comencement ou à la fin: il exprime le tandem ou le denique des Latins. "À~ la fin il est venu, il est venu à la fin. _ On emploie aussi enfin dans ce dernier sens, et alors il est adverbe. "Enfin il est venu, il est venu enfin. On le redouble même quelquefois, pour marquer qu' on a atendu long-temps. "Vous devez avoir reçu nos lettres, du 15 Mai, qui vous auront fait voir qu' enfin, enfin nous avons reçu les vôtres. Sév. "Je veux savourer à longs traits le plaisir de louer un Candidat Académique, puisque enfin, enfin je le puis sans trahir ma conscience. L' Abé Royou. Journ. de Mons. _ * Anciènement on disait enfin final, ou enfin finale, pour mieux apuyer; et plusieurs le disent encôre aujourd'hui. Mais cette façon de parler est vieille, et elle est devenue bâsse et populaire.
   Rem. 1°. L' Acad. ne marque enfin que adverbe, et il ne figure dans les exemples que comme conjonction.
   2°. Ménage distingue enfin d' à la fin, plutôt par leur place dans la construction que par leur signification. Il demeure d' accord qu' enfin a meilleure grace qu' à la fin au comencement, et qu' à la fin se met plutôt au milieu de la période ou du vers. La vérité est qu' ils se mettent l' un et l' autre au comencement, au milieu et à la fin; mais qu' enfin s' emploie plus souvent comme conjonction, liant le discours; et à la fin, comme adverbe, exprimant que le temps qu' on atendait est enfin arrivé. _ On ne doit comparer enfin avec à la fin, que lorsque celui-là est adverbe comme celui-ci; et dans ce câs, la remarque de Ménage est faûsse.

ENFLAMMER


ENFLAMMER, ou ENFLAMER, v. a. [Anflamé, 1re lon. 3e é fer.] Au propre, alumer, mettre en feu: "Une seule étincelle enflamme de la poudre à canon. _ Il se dit sur-tout au réciproque et au passif. "Le vaisseau s' enflama; tout le palais fut enflamé dans un instant. = \âu fig. Échaufer, doner de l' ardeur. "Le vin enflamme le sang, la bile. "La colère enflamme les yeux, le visage. "L' ardeur qui l' enflamme. "Les Anglois s' enflamèrent, ou ils étoient enflamés de deux puissantes passions, de l' intérêt et de la gloire.

ENFLE


*ENFLE, adj. Enflé. C' est un barbarisme commun en Provence. Il est tout enfle.

ENFLER


ENFLER, v. act. ENFLûRE, s. f. [An--flé, flûre: 2e é fer. au 1er, lon. au 2d.] Enfler, c' est proprement, remplir de vent ou d' autre chôse, qui fait excéder la grosseur, ou la mesure ordinaire. "Enfler un ballon, la joue, les voiles. "Les pluies ont enflé la rivière. _ V. n. et réc. Les jambes lui enflent, la rivière enfle ou s' enfle. Les jambes comencent à s' enfler, etc. = Fig. Augmenter. "Enfler le coeur, le courage. _ Ennorgueuillir. "La prospérité l' a extrêmement enflé. _ Enfler son style, écrire d' un style ampoulé. _ Enfler les rolles, la dépense, y mettre des choses inutiles ou fausses pour les grossir. _ Voyez BOURSOUFLER.
   ENFLÉ, adj. Au propre, il se dit tout seul, et suit toujours le subst. "Homme enflé, hydropique. Au figuré, il régit de; enflé de son savoir, de ses succès.
   ENFLûRE se dit aussi et dans le sens litéral, et dans le métaphorique. "L' enflûre de l' hydropisie. _ Enflûre qui vient d' une fluxion. "L' enflûre du coeur, l' orgueuil, la vanité. Enflûre du style, vice d' un style enflé.
   Rem. Ce sont MM. de Port-Royal, qui les premiers ont caractérisé l' orgueuil par l' enflûre du coeur. Mde. de Sévigné n' aimait pas cette expression, mais elle s' est bien établie, et on la trouve dans les meilleurs livres. "Les grandes actions enflent le coeur, et inspirent une présomption dangereûse. Télém.

ENFONCEMENT


ENFONCEMENT, s. m. ENFONCER, v. act. [Anfonceman, . 1re et 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Enfoncement a tantôt le sens actif, tantôt le sens passif, tantôt il se dit de l' action d' enfoncer; l' enfoncement d' une porte: tantôt de ce qui paraît enfoncé, reculé. "Dans l' enfoncement d' une vallée, d' une perspective, d' un tableau, etc.
   Enfoncer est, 1°. Pousser vers le fond; faire pénétrer bien avant. Enfoncer un clou dans la muraille, un poignard dans le sein, une épée jusqu' aux gardes. Enfoncer des pilotis. "Enfoncer son chapeau, faire que la tête entre plus avant dans le chapeau. = 2°. Rompre, briser. "Enfoncer une porte, un cabinet, le plancher. "La bombe enfonça la voûte, etc. _ Enfoncer un bataillon, un escadron, les rangs, les percer, les rompre, les renverser. = 3°. V. n. Aller au fond. "La chaloupe enfonça dans l' eau. "Le cheval enfonça dans la boûe jusqu' au poitrail. = 4°. S' enfoncer, pénétrer bien avant dans le fond. "S' enfoncer dans le bois, dans une caverne. _ Au fig. S' enfoncer dans l' étude, le jeu, la débaûche, etc. = Enfoncé. "Il a les yeux enfoncés dans la tête; il a l' esprit enfoncé dans la matière. Style simple et familier, et pour le dernier, un peu plaisant et critique.
   REM. Enfoncer, neutre, n' est point d' usage au fig. "Enfonçons davantage, dit Bossuet, dans les sentimens du Ministre. _ On dirait plus régulièrement, creusons davantage dans, ou aprofondissons davantage les sentimens, etc. _ Cet illustre Auteur fait enfoncer actif dans le même sens; ce qui est encôre plus irrégulier. "Si nous enfonçons avec eux la matière de la Communion, etc. "Rien ne pressoit ces saints Docteurs d' enfoncer le sens caché de l' Apocalypse. Aprofondir est encôre là le terme propre. _ La Bruyère a dit aussi des hommes superficiels: "Ils n' ont pas, si je l' ose dire, deux pouces de profondeur: si vous les enfoncez, vous rencontrez le tuf. _ Ce verbe est plus suportable dans cette phrâse, parce qu' il est préparé par le mot de profondeur, qui précède; cependant l' expression est encôre hardie.

ENFONCEUR


ENFONCEUR, s. m. ENFONÇURE, s. f. [Anfonceur, sûre: 1re et 2e lon. 3e lon. au 2d.] Le 1er ne se dit qu' en style prov. Enfonceur de portes ouvertes, homme qui se vante de faire une chôse facile, comme si elle était dificile. _ Le 2d est, 1°. Toutes les pièces qui font le fond d' une futâille. "L' enfonçure de ce tonneau ne vaut plus rien = 2°. L' assemblage des ais, que l' on met au fond du lit, pour soutenir la paillasse, les matelas. Il faut changer l' enfonçûre de ce lit.

ENFORCIR


ENFORCIR, v. act. neut. et réc. [An--forci.] Rendre plus fort: enforcir un mur. La bone nourritûre a enforci ce cheval. _ Actif, il ne se dit point des persones. = Devenir plus fort. "Ce cheval enforcit tous les jours. "Cet enfant a enforci, ou s' est enforci de moitié. "Ce vin s' enforcira à la gelée.

ENFOUIR


ENFOUIR, v. act. [Anfou-i.] Au propre, Cacher en terre. "Enfouir de l' argent. _ Au fig. il se dit des talens, par allusion à la parabole du Serviteur paresseux. "Il ne faut pas enfouir le talent que Dieu nous a donné. Cette expression est du bon style.

ENFOUISSEMENT


*ENFOUISSEMENT, s. m. L' action d' enfouir. Mot forgé peu heureusement. L' usage l' a rejeté. Il pourrait être utile.

ENFOURCHER


ENFOURCHER, v. act. [Anfourché.] Monter à cheval jambe deçà, jambe delà. (st. famil.) J' enfourchai mon cheval, et je partis.

ENFOURNER


ENFOURNER, v. act. [An-four-né.] Mettre dans le four. "Enfourner le pain, des petits pâtés, etc. _ V. neut. Figurément (st. famil.) Bien ou mal enfourner; comencer bien ou mal une afaire.

ENFREINDRE


ENFREINDRE, v. act. [An-frein-dre: 1re et 2e lon. 3e. e muet. _ Mde. Dacier écrit enfraindre, avec un a: c' est contre l' usage et l' analogie.] Transgresser~, violer, contrevenir à... "Enfeindre les coutumes, les privilèges, les ordonnances. Enfreindre un traité, etc.

ENFUIR


ENFUIR, (s' ) v. réc. [An-fuir: 1re lon. _ Dans les temps composés, il ne faut pas séparer en de fuir. "Ils s' en étoient fuis. Abadie. Dites, ils s' étoient enfuis.] Fuir de quelque lieu. Il se dit ordinairement sans régime. "Il vouloit s' enfuir, on l' a arrêté. Mais il régit quelquefois la prép. de: s' enfuir de la prison. = Figurément, on le dit, dans le style simple, d' une liqueur qui s' écoule, et du vâse d' où elle sort. "Votre vin s' enfuit. "Le toneau est mal relié: il s' enfuit. _ Voy. S' ÉVADER.

ENFUMER


ENFUMER, v. act. [Anfumé.] 1°. Noircir par la fumée. "Enfumer des tableaux, pour les faire paroître anciens. "Le feu, les flambeaux enfument les apartement, les meubles. = 2°. Incomoder par la fumée. "Ce bois est verd, il vous enfumera: vous vous enfumerez. = 3°. Enfumer des renards, des abeilles, etc. les obliger par la fumée de sortir de leurs terriers, ou de leurs ruches.

ENGAGEANT


ENGAGEANT, ANTE, adj. ENGAGEMENT, s. m. ENGAGER, v. act. [Anga--jan, jante, jeman, ; 3e lon. aux deux 1ers, e muet au 3e, é fer. au 4e] Engageant; insinuant, attirant. Il se dit des persones, et de ce qui y a rapport. "C' est une persone fort engageante; un esprit doux et engageant. "Il a des manières engageantes.
   Engagement est 1°. l' action d' engager, ou l' éfet de cette action. Tenir une terre par engagement. = 2°. Promesse, obligation, atachement par lequel on s' engage. "Prendre un engagement, des engagemens. Observer ou rompre ses engagemens. "Engagement de sa foi, de sa parole: engagement de coeur. = 3°. Enrôlement d' un soldat, et aussi l' argent qu' il reçoit en s' enrôlant. "Son engagement est pour six ans. "Il a reçu six louis d' engagement.
   ENGAGER a plusieurs sens. = Mettre en gage: "Engager ses meubles, sa vaisselle. = Doner pour assurance. "Engager une maison à des créanciers. _ Figurément, engager sa foi, sa parole, son honeur. = Obliger à... Il dit quelque chôse de moins fort et de plus gracieux. On nous oblige à faire une chôse, en nous en imposant le devoir, la nécessité. On nous y engage par des promesses ou par de bones manières. "Il m' a engagé à cela par ses honêtetés. "Il m' a engagé à solliciter pour lui.
   Rem. Ce n' est que depuis peu de temps, disait le P. Bouhours à la fin du siècle passé, que l' on a comencé à dire, engager de; mais engager à est toujours plus usité. _ On ne troûve point dans le Dict. de l' Acad. engager de L. T. On peut employer de, pour éviter plusieurs à, ou la rencontre de plusieurs voyelles. "Il nous engagea d' acheter son livre. Si l' on disait, il nous engagea à acheter, il y aurait trois a de suite, ce qui choquerait l' oreille. Hors de là, il faut toujours dire engager à. = S' engager a le même régime. "Je m' engage à vous servir dans cette afaire. _ Il se dit quelquefois absolument pour, s' obliger à servir pendant un certain temps. "Il s' est engagé pour trois ans. = Engager un Soldat, l' enrôler. "Il s' est engagé: il s' est enrôlé. = S' endetter. "Il s' engage tous les jours de plus en plus. = S' empêtrer: "Cette perdrix s' est engagée dans les filets: "Il s' engagea les pieds dans l' étrier, etc. _ Figurément. "Vous vous engagez dans une méchante afaire. "Ne vous engagez pas avec lui.
   ENGAGER s' unit avec d' autres mots pour former diverses expressions. Engager le combat, le comencer, obliger l' énemi à combatre; ou en être l' ocasion. "Cette légère escarmouche engagea le combat. _ Engager la poitrine, y causer de l' opression. "Sa poitrine s' engage, elle s' embarrasse, elle se remplit. = S' engager dans un bois, dans un défilé: y entrer trop avant, etc. etc.

ENGAGISTE


ENGAGISTE, s. m. [Angagis-te.] Qui jouït d' un Domaine du Roi par engagement.

ENGAîNER


ENGAîNER, v. act. [Enghêné; 2e ê ouv. et long, 3e é fer.] Mettre dans une gaîne. Engaîner des couteaux.

ENGARDER


*ENGARDER, v. act. [Angardé.] Empêcher, préserver. Vieux mot.
   En Paradis trouva l' eau de jouvence;
   Dont il se sent~ de vieillesse engarder.
Il s' est conservé dans ce proverbe. "Peut--être en garde de mentir.

ENGEANCE


ENGEANCE, s. f. [Anjance; 1re et 2e lon. 3e e muet: dans ean, l' e est muet: il n' est là que pour doner au g un son doux qu' il n' a pas devant l' a: sans cet e surajouté, on prononcerait engance. _ Richelet et Danet écrivent engence: Cette ortographe serait plus simple; mais elle est contre l' usage.] Race, en parlant des volailles. Canes, poules, d' une belle engeance, de la grande engeance. = En parlant des hommes, il ne se dit que par injure, et n' est pas du beau style. La Fontaine a eu raison de s' en servir dans une Fable.
   Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié,
   Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Et M. l' Ab. Reyre.
   Quand autrefois, par sa toute puissance,
   Le Souverain maître des cieux,
   Des humains eut produit l' engeance.
Mais il semble que Bossuet a eu tort de l' employer dans l' Histoire des variations. "Il étoit étoné d' où pouvoit venir cette engeance du Manichéisme. Aujourd'hui l' on est plus délicat, et l' on ne passerait pas si aisément ce mot dans une histoire sérieûse.

ENGEIGNER


ENGEIGNER, v. act. Duper, tromper. Vieux mot.
   Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui,
   Qui souvent s' engeigne lui-même.
   J' ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui,
   Il m' a toujours semblé d' une énergie extrême.
       La Font.

ENGELûRE


ENGELûRE, s. f. [Angelûre; 2e et dern. e muet: 3e lon.] Petite enflûre aux pieds et aux mains, acompagnée d' inflammation. Avoir des engelûres aux pieds, aux mains, au talon.

ENGENDRER


ENGENDRER, v. act. [Anjandré: 1re et 2e lon. 3e é fer.] Produire son semblable, comme font les animaux. Je suis de l' avis du P. Bouhours, ce mot ne se dit point au propre des persones. Au lieu de dire, Abraham engendra Isaac, il faut dire, eut pour fils Isaac; ou bien, mit au monde Isaac. La 1re manière est la meilleure; car mettre au monde se dit plutôt de la femme. _ L' Académie ne blâme point cet usage d' engendrer. Elle avertit seulement qu' il ne se dit proprement que du mâle. (Dans la dernière édit. elle a mis, plus comunément). Il semble qu' au propre, il ne se dit qu' en style~ dogmatique. "Le Père engendre le fils de toute éternité, ou dans un petit nombre de phrâses, comme: "Chaque animal engendre son semblable; la vertu d' engendrer, etc. = Au figuré, il a un usage plus étendu. "Le mauvais air engendre des maladies, des catarres, des fluxions. Cela engendre des vers. "La mal-propreté engendre la vermine. "L' or s' engendre dans les entrailles de la terre. _ Et plus figurément encôre, dans les chôses morales. "La diversité d' intérêts engendre les inimitiés, les querelles. "L' oisiveté engendre toute sorte de vices. "Les procès s' engendrent aisément dans les familles.
   On dit, en style proverbial, n' engendrer pas mélancolie, être d' un naturel gai et jovial. _ "La familiarité engendre le mépris. Quand on est trop familier avec les persones, on s' en fait bientôt mépriser.

ENGENDREUR


*ENGENDREUR, s. m. Mot fabriqué par M. Ling. Père, Auteur. Il dit, en parlant d' un Journal fort répandu. "On a vu ce que l' un de ses engendreurs s' est permis de hazarder contre moi. _ Ce célèbre Écrivain est en possession de forger tous les mots dont il croit avoir besoin, pour doner plus d' énergie à son style. Quelques-uns trouveront peut-être qu' il abûse de la permission.

ENGEOLER


ENGEOLER, ENGEOLEUR. Voy. ENJôLER, ENJôLEUR.

ENGER


ENGER, v. act. [Angé.] Embarrasser, charger, empêtrer. Il est vieux. "Il m' a voulu enger du plus sot valet du monde. Votre père se moque-t-il de vouloir vous enger de votre Avocat de Limoge. Mol.

ENGERBER


ENGERBER, v. act. [Angêrbé: 1re. lon. 2e ê ouv. 3e é fer.] Mettre en gerbe. "Engerber des javelles. _ Par extension, entasser l' un sur l' autre. Engerber des toneaux de vin.

ENGIN


ENGIN, s. m. [An-gein.] Autrefois, Industrie. Il s' est conservé dans ce proverbe: Mieux vaut engin que force. _ Avant l' usage des canons, on apelait engin de guerre, les machines dont on se servait à la guerre. Aujourd'hui, engins se dit des Instrumens dont on se sert dans la méchanique, pour élever des fardeaux, comme grûe, guindal, moufles, etc. _ Engins de pêcheurs, les différens filets qui servent à la pêche. = On apèle, par râillerie, engin, un outil qui n' est pas propre ou assez fort pour faire quelque chôse. "Quel engin me donez-vous là? Un engin à prendre mouches.

ENGLOBER


ENGLOBER, v. act. [Anglobé] Réunir, renfermer. "Il a englobé plusieurs terres dans la sienne.

ENGLOUTIR


ENGLOUTIR, v. act. [An-glou-ti.] Au propre, avaler tout d' un coup. "Il engloutit les morceaux sans les mâcher. = Au figuré, absorber. "Que de richesses la mer n' a-t-elle pas englouties? "Cet homme, après avoir englouti les fortunes de mille particuliers, meurt enfin. _ Consumer, dissiper. "Il a englouti dans deux ans cette riche succession. = Infecter d' une mauvaise odeur. "Cette puanteur nous a tous engloutis.

ENGLUER


ENGLUER, v. a. [Anglué: l' u devant l' e muet est long: il englûe. Au futur et au conditionel, cet e muet ne se fait pas sentir: il engluera, engluerait; pron. anglûra, anglûrè, en trois syllabes.] Froter de glu. Engluer de petites branches pour prendre des oiseaux. "Cet oiseau s' est englué les ailes.

ENGONCER


ENGONCER, v. a. [Angoncé: 1re et 2e lon., 3e é fer.] Il ne se dit que des habits, qui, montant trop haut, rendent la tâille contrainte, génée. "Faites retâiller votre habit; il vous engonce. "Il a la tâille engoncée dans cet habit. "Il est tout engoncé.

ENGORGEMENT


ENGORGEMENT, s. m. ENGORGER, v. a. [Angorgeman, : 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Engorgement, est un embârras formé dans un tuyau, dans un canal. "L' engorgement d' un conduit, d' un égoût, des vaisseaux du corps humain, etc. = Engorger, boucher le passage par où les eaux doivent s' écouler. "Les immondices ont engorgé cet égoût. "Il est engorgé; il s' engorge. _ Jambes engorgées, pleines de mauvaises humeurs _ Ce moulin est engorgé, l' eau est si haute, que les roûes ne peuvent tourner.

ENGOUEMENT


ENGOUEMENT, s. m. ENGOUER, v. a. [An-goû-man, gou-é: l' e, dans le 1er, ne se prononce pas; plusieurs même écrivent comme on prononce, engoûment.] Engoûment et engouer, se disent au propre, de ce qui empêche le passage du gosier. _ Au figuré, où ils sont plus usités, sur-tout depuis quelque temps, ils expriment l' action de se préocuper avantageûsement d' une persone, d' un ouvrage. "On ne sauroit le faire revenir de son engouement. "Il s' est engoué, il est engoué de cette persone, de cet Auteur, de cette Pièce.
   Le meilleur caractère a souvent sa manie;
   La sienne est l' engoûment; et quand sa fantaisie
   Est frappée une fois en faveur de quelqu' un,
   Donnez-lui des avis, il n' en écoute aucun.
       Palissot.
Rem. Engoué était aparemment encôre nouveau du temps de Mde. de Sévigné, car elle le relève, quoique sans le désaprouver. "Mde. la Fayette me mande qu' elle est engouée de vous: c' est son mot.
   ENGOUEMENT est de ce siècle. L' Ab. des Fontaines ne le pouvait soufrir: il est reçu aujourd'hui, et il est même à la mode, parce que le vice qu' il exprime est plus comun que jamais. "L' engoûment, l' enthousiasme, le fanatisme littéraire, philosophique, économique, prétendu patriotique, etc., caractérisent ce siècle.

ENGOUFFRER


ENGOUFFRER, ou ENGOUFRER (S' ), v. réc. [An-gou-fré.] Il se dit, et des tourbillons de vent qui entrent avec violence en quelque endroit, et des rivières, ou des ravines qui se perdent en quelque ouvertûre de la terre. "Le vent s' est engouffré dans la cheminée. "Le Rhône s' engouffre dans un endroit, et ressort par un autre.

ENGOULER


ENGOULER, v. a. [Angoulé: 1re lon., 3e é fer. On a dit aussi engueuler.] C' est un mot bâs et populaire. Prendre tout d' un coup avec la gueule. "Ce chien engoule tout ce qu' on lui jette.

ENGOURDIR


ENGOURDIR, v. act. ENGOURDISSEMENT, s. m. [An-gour-di, diceman: 4e e muet au 2d.] Engourdir, c' est proprement, ôter la liberté du moûvement à quelque membre; le rendre comme perclus. Engourdissement, est l' état de quelque partie du corps qui est engourdie. "Le froid engourdit les mains "Avoir un engourdissement au brâs. = Ils se disent l' un et l' aûtre au figuré. "L' oisiveté, la mollesse, engourdissent l' esprit, le courage. "L' esprit s' engourdit par l' oisiveté. Esprit engourdi, lourd, pesant. "Tous les esprits étoient dans l' engourdissement.
   Rem. Engourdi suit toujours le substantif. "Leurs membres engourdis se roidissent, et leurs genoux chancelans leur ôtent même l' espérance de la fuite. Télém.

ENGRAIS


ENGRAIS, s. m. [Angrê: 2eê ouv. et long.] 1°. Pâturage où l' on met des animaux domestiques, pour les engraisser. = 2°. Pâtûre qu' on done pour le même objet à la volâille. = 3°. Fumiers dont on amende les terres.

ENGRAISSANT


ENGRAISSANT, ANTE, adj. [Angrè--san, sante: 2e è moy., 3e lon.] Qui engraisse. Ce mot n' est pas dans les Dictionaires: il mérite d' y être. "Dans tout autre pays que la Provence, la pomade est engraissante. Sév.

ENGRAISSER


ENGRAISSER, v. act. [Angrècé: 2e è moy., 3e é fer.] 1°. En parlant des animaux, faire devenir grâs. "Engraisser des boeufs, des moutons, des cochons, des chapons, etc. = En parlant des terres, faire devenir fertile. "Engraisser des terres avec du fumier, de la marne, etc. Il se dit élégamment au figuré:
   Dans nos champs, engraissés de tant de funérailles,
   Vous semiez le carnage, et le trouble et l' horreur.
       Rouss.
  La Race de Jacob, le Peuple si chéri,
  Engraissé de bienfaits, n' en fut point attendri.
      L. Rac.
= 2°. V. n. Devenir grâs, et prendre de l' embonpoint. "Ce cheval n' engraisse point, cet autre engraisse à vue d' oeil. "Vous avez bien engraissé. _ V. réc. "Il s' engraissera avec le temps. _ Et figurément: "S' engraisser des misères publiques, du sang de la veuve et de l' orphelin.
   Des monstres inhumains, nourris dans les forfaits,
   Qu' engraissent chaque jour les misères publiques.
       P. Marion, Cromwel.
"Îl s' engraisse de vols et de rapines, de la substance du peuple. _ Et proverbialement, s' engraisser dans une afaire, y faire un grand profit. = 3°. Salir avec de la graisse. "Engraisser de l' étofe en la maniant. "Cette étofe s' engraisse aisément. = 4°. S' épaissir et contracter une certaine graisse, en parlant du vin et des liqueurs. "Ce vin s' engraisse, il ne vaut plus rien.
   On dit, en style proverbial, d' un homme qui se porte bien dans le travail, ou l' adversité, qu' il engraisse de mal avoir; et de celui à qui tout réussit, malgré l' envie et malgré les imprécations qu' on fait contre lui, qu' il engraisse de malédictions. = * Engraisser la patte à... est un vrai gasconisme. "On avoit engraissé la patte au Clerc du Rapporteur. Gasc. corr. On dit, graisser la patte. Voy. GRAISSER.

ENGRANGER


ENGRANGER, v. a. [Angrangé.] Serrer des grains dans la grange.

ENGRAVER


ENGRAVER, v. a. [Angravé: devant l' e muet l' a est long: Il engrâve, il engrâvera, etc.] Engager un bateau dans le sâble. "Prenez garde de nous engraver. "Il engrava son bateau. "Notre bateau s' est engravé.

ENGRêLûRE


ENGRèLûRE, s. f. [Angrelûre: 2e ê ouv. et long; 3e lon. aussi.] Petit point, ou picot, ou avance, qu' on fait par ornement aux dentelles.

ENGRENAGE


ENGRENAGE, s. m. ENGRENER, v. a. et n. [Engrenaje, grené: 2e e muet: devant la syll. fém. cet e devient moyen: Il engrène, engrènera, etc. On a dit anciènement, engresnage et engresner, et on le dit encôre sur les bords de la Garone. Gasc. corr.] 1°. Engrener, neutre avec la prép. dans, se dit d' une roûe, dont les dents entrent dans celles d' une aûtre roûe, en sorte que l' une fait tourner l' aûtre. "Cette petite roûe engrène bien dans la grande. Il se dit aussi absolument, et aussi comme réciproque: "Ces deux roûes engrènent, ou, s' engrènent bien. = Engrenage, se dit, dans ce sens, de la disposition de plusieurs roûes, qui engrènent les unes dans les aûtres. = Le soi-disant Curé de Kokerbourn emploie engrener au figuré. Il fait dire au Traducteur-Auteur, dans le Monologue qu' il lui prête: "Comme mes idées s' engrènent les unes dans les autres! Comme le Roman de ces lettres sera filé avec art!... Cela est admirable, en vérité. Tart. Epist.
   2°. ENGRENER, comencer à mettre son blé dans la trémie du moulin. "Engrener la trémie. _ Et neutralement: "Puisqu' il a engrené, c' est à lui à moûdre. _ Il se dit plus souvent de cette manière. = En style fig. famil., engrener bien, ou mal; bien, ou mal comencer dans une afaire. = 3°. Nourrir les chevaux de bon grain, pour les rétablir, lorsqu' ils sont maigres, ou qu' ils ont été malades.

ENGRôSSER


ENGRôSSER, v. a. [Angrôcé: 2e lon., 3e é fer.] Rendre une femme enceinte. Il est du style familier, comique, ou satirique.

ENGRUMELER


ENGRUMELER, v. n. S' ENGRUMELER, v. réc. [Angrumelé: 3e e muet, 4eé fer.] Se mettre en grumeaux. "Cela fait engrumeler le sang. "Son lait s' est engrumelé.

ENGUEULER


ENGUEULER, voy. ENGOULER.

ENGUENILLÉ


ENGUENILLÉ, ÉE, adj. [Angheni-glié: 2e e muet, 4eé fer.; mouillez les ll.] Couvert de guenilles, de hâillons.
   Tout le phébus qu' on reproche à Brébeuf,
   Enguenillé des rimes du Pont-Neuf.
       Rousseau.
L' Acad. ne met pas ce mot. Il est du style plaisant et moqueur.

ENHARDIR


ENHARDIR, v. act. [An-ardi; l' h s' aspire.] Encourager, rendre hardi. "Ce bon succès l' avoit enhardi. "Je l' ai enhardi à cette entreprise, à faire cette demande. "Il s' est enhardi à demander une pension. _ M. Duclos l' emploie neutralement, mais le régime est sous-entendu. "Les nouveaux règlemens restant toujours sans exécution, ne servoient qu' à prouver l' impunité, et à enhardir au crime: on sous-entend, les méchans, à enhardir les méchans au crime.
   Ta voix souffle en son sein la haine qui l' anime,
   Entretient son audace, et l' enhardit au crime.
       P. Marion, Cromwel.
* Un Traducteur d' un Livre anglais met enhardir de, contre l' usage. "Epicure n' avoit qu' une connoissance légère et superficielle de la nature, ce qui l' enhardit de nier la Providence. Trad. de Cumberland. Il faut, à nier, etc.

ENHARNACHER


ENHARNACHER, v. act. [An-arnaché: aspirez l' h.] Il signifie la même chôse qu' harnacher, mettre les harnois à un cheval. = On dit par plaisanterie, à un homme vétu d' une manière extraordinaire: "Comme vous voilà enharnaché; qui vous a enharnaché si plaisamment?

ENJAMBÉE


ENJAMBÉE, s. f. [Anjanbé-e: les 3 1res lon., 3e é fer., 4ee muet.] Espace entre les deux jambes étendues. Trév. L' espace qu' on enjambe; l' action d' enjamber. Acad. Rich. Port. "Faire de grandes enjambées. = D' une enjambée, adv. "Des bottes qui font sept lieues d' une enjambée, étonnent notre imagination, mais nous n' y ajoutons aucune foi, quoique incapables encore (dans l' enfance) de raisonner sur les vraisemblances. Ann. Litt.

ENJAMBEMENT


ENJAMBEMENT, s. m. ENJAMBER, v. n. et act. [Anjanbeman, : 2e lon., 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Enjamber, c' est faire un grand pas, avancer beaucoup une jambe. "Il faut bien enjamber, pour passer le ruisseau. "Il a enjambé par-dessus. _ V. act. "Enjamber le ruisseau; enjamber deux marches à la fois. = 2°. Marcher à grands pâs: "Voyez comme il enjambe. = 3°. Avancer sur: "Cette poutre enjambe tout le mur du voisin. _ "Ce vers enjambe sur l' aûtre; le sens du 1er n' est achevé qu' au comencement, ou au milieu du vers suivant: c' est une beauté dans les vers latins, et ordinairement un défaut dans les vers français. = 4°. Usurper, empiéter. "Il a enjambé sur l' héritage du voisin; sur moi; sur les Communes. _ Et activement: "Il a enjambé ce morceau sur nous. = 5°. On dit, d' un homme qui a les jambes extrêmement longues, qu' il est haut enjambé.
   ENJAMBEMENT, ne se dit que dans le sens marqué n°. 3°., en parlant d' un vers dont le sens comencé ne s' achève que dans une partie du vers suivant. _ Trév. dit aussi enjambage, mais celui-ci n' est pas usité.

ENJAVELER


ENJAVELER, v. a. [Anjavelé: la 3e est un e muet devant la syll. masc. J' enjavelais, j' enjavelai, enjavelant, enjavelé; et il se change en è moyen devant la syll. fém., ou l' e muet: j' enjavelle, ou, enjavèle; j' enjavellerai, ou, enjavèlerai, etc.] Lier des blés, des avoines, etc., qui étaient en javelle, pour en faire des gerbes. "Enjaveler des blés, etc.

ENJEU


ENJEU, s. m. [An-jeu? 1re lon.] L' argent qu' on met au jeu. Trév. Ce qu' on met au jeu, en commençant à jouer, pour être pris par celui qui gâgnera. Acad. "Voilà mon enjeu: garder ses enjeux. "J' ai retiré mon enjeu. _ * Richelet dit au-jeu, ou, enjeu. "Tirer son au-jeu, ou, son enjeu. On ne dit plus que le second.

ÉNIGMATIQUE


ÉNIGMATIQUE, adj. ÉNIGMATIQUEMENT, adv. ÉNIGME, s. f. [On ne mouille pas le g: tike, tikeman; e muet.] Enigme, est une proposition qu' on done à deviner, et qui est cachée sous des termes obscurs, ambigus, et le plus souvent contradictoires en aparence. "Faire deviner une énigme. _ Figurément, discours obscur, et dont on ne pénètre pas bien le sens. "Parler par énigme. "Ce que vous dites est une énigme pour moi. = Enigmatique, qui tient de l' énigme. Enigmatiquement, d' une manière énigmatique. Ils se disent sur-tout dans le 2d sens d' énigme. "Discours, sens énigmatique. "Parler énigmatiquement.
   Rem. Anciènement on a fait énigme masculin. M. Linguet, ou plutôt, son Imprimeur, lui a doné ce genre. "En attendant que sa conduite explique cet énigme. Ann. Polit., etc. Il faut dire, cette énigme.

ENJOINDRE


ENJOINDRE, v. a. et n. [An-joein-dre: 1re et 2e lon, 3e e muet.] Ordoner, comander expressément. "L' Église enjoint l' observation des Fêtes, du Carême. "Cela m' a été enjoint. _ Il est plus souvent neutre, régissant de et l' infinitif des verbes, et le datif des noms. "Dieu nous enjoint d' observer ses Loîx. "Le Roi enjoint à tous ses sujets de courir sus, etc.

ENJôLER


ENJôLER, v. a. ENJôLEUR, EûSE, s. m. et f. [Anjôlé, leur, leû-ze: 1re et 2e lon. _ On a écrit aussi engeoler et enjoller, et ainsi des aûtres; mais ces manières d' écrire sont contraires au bon usage et à la prononciation.] Enjôler, c' est prendre, tromper par des paroles flateûses. Enjôleur, enjôleûse~, celui, celle qui enjôle. "Enjôler une fille, une femme. "Ce marchand l' a enjôlé. _ "C' est un enjôleur, une enjôleûse. _ * Richelet dit aussi enjoleux, et cite Molière: "C' est un vrai enjoleux. On ne dit plus qu' enjôleur. Suivant M. MARIN, à la Cour on prononce enjoleux, et à Paris, en bonne compagnie.

ENJOLIVEMENT


ENJOLIVEMENT, s. m. ENJOLIVûRE, s. f. [Anjoliveman, vûre: 4e e muet au 1er, lon. au 2d.] Ces deux mots ont le même sens. Joli ornement, ajustement: mais le 2d ne se dit que des ajustemens qu' on fait à de petits ouvrages de peu de valeur. "Il a fait bien des enjolivemens à sa maison. "Cet étui est trop uni, il y faut mettre quelques enjolivûres.

ENJOLIVER


ENJOLIVER, v. a. ENJOLIVEUR, s. m. [Anjolivé, veur.] Enjoliver, rendre joli, plus joli, en parlant des chôses, car il ne se dit point des persones. "Il a enjolivé sa maison, son cabinet, etc. = Enjoliveur, celui qui enjolive, qui pâre, qui embellit.

ENJOLIVûRE


ENJOLIVûRE, voy. ENJOLIVEMENT.

ENJOUÉ


ENJOUÉ. ÉE, adj. ENJOUEMENT, s. m. [An--jou-é, é-e;an-joûman: 3e é fer. aux 2 1ers, l' e du 3e est entièrement muet. Richelet écrit comme on prononce, enjoûment.] Enjoué, qui est d' humeur gaie, badine. L' Acad. ajoute, folâtre; mais il semble que ce dernier est trop fort, et qu' il désigne l' excès de l' enjoûment. "Homme fort enjoué. Que cette femme est enjouée! "Esprit, air enjoué: humeur, conversation enjouée, style enjoué.
   Enjoué, gai, réjouissant (Synon.) C' est par l' humeur qu' on est gai; par le caractère d' esprit qu' on est enjoué; par les façons d' agir qu' on est réjouissant. Le triste est opposé au premier; le sérieux au second; l' ennuyeux au troisième. "Un homme gai veut rire; un homme enjoué est de bonne compagnie; un homme réjouissant fait rire. = Enjoué, suit toujours le nom qu' il modifie: style enjoué, manières enjouées.
   ENJOûMENT, gaité. "Il a beaucoup d' enjoûment. "Il n' y a pas assez, ou, il y a trop d' enjoûment dans cette pièce, dans cette lettre. = L' Acad. l' emploie au pluriel, dans cette phrâse: "Il y a des enjouemens qui siéent~ bien à tout âge. _ Hors de-là, il ne s' emploie qu' au singulier, et l' on dit à plusieurs persones, comme à une seule, votre enjoûment, et non pas, vos enjoûmens.

ENIR


ENIR. Terminaison de certains verbes. Ils ont le participe présent en enant, le passé en enu, le présent de l' indicatif en iens, et le prétérit en ins: Venez, venant, venu, je viens, je vins. Bénir seul, a ses inflexions comme finir; bénissant, béni, je bénis.

ENIVRANT


ENIVRANT, ou mieux, ENNIVRANT, ANTE, adj. ENNIVRER, v. act. ENNIVREMENT, s. m. [Anivran, vrante, vré, vre--man: 3e lon. aux 2 1ers, é fer. au 3e, e muet au dern. _ Les deux n paraissent nécessaires à ces mots. L' ortographe ordinaire est capable d' induire en erreur pour la prononciation. En écrivant enivrer, enivrant, etc., il semble qu' on doit prononcer énivrer, énivrant, comme on prononce énigme, énigmatique. Que si l' on écrit ennivrer, comme ennuyer, l' ortographe est alors conforme à la prononciation. Dans l' un, comme dans l' aûtre de ces deux mots, la 1ren ne sert qu' à doner à l' e le son de l' a, et la 2de se joint à la voyelle suivante. Pour être conséquent, il faut écrire enuyer, enoblir, comme on écrit enivrer; ou il faut écrire ennivrer, comme on écrit ennoblir, ennuyer. Il serait donc convenable qu' ennemi, qui a une n de trop, la cédât à enivrer, qui en a une de moins. Voy. ENN. Voy. ENNEMI. L' Acad. avertit que dans enivrer et ses dérivés, la 1re syllabe est nasale. Il ne reste donc plus d' n pour l' i qui suit, et il faudrait prononcer an-ivré. = On écrivait aûtrefois enyvrer avec un y, parce qu' on écrivait yvre, yvresse; mais il n' y a aucune raison pour mettre là cet y, qui est une lettre étrangère qui ne doit plus être employée que pour marquer l' étymologie grecque, ou pour faire fonction de deux i, comme dans ayant, essuyer. Voy A, voy. Y.]
   ENNIVRANT, qui ennivre. Liqueur ennivrante. Il est plus usité au figuré qu' au propre. "Bientôt les sots mêmes seront forcés d' ouvrir les yeux, au milieu de la vapeur enivrante dont ils (les Philosophes) les repaissent Sabat. Trois Siècles, etc. "La vapeur ennivrante du laurier ne vaut jamais la liqueur douce et salutaire de l' olive. Linguet. "Mon langage est loin des éloges enivrans que lui prodigue une aveugle prévention. Salaun.
   ENNIVRER, rendre ivre: "Il l' ennivra. "La bière ennivre comme le vin. "Il s' ennivre tous les jours. _ On dit, par extension, que le tabac ennivre; que les vapeurs d' un pressoir; que certaines odeurs ennivrent. = Il est beau au figuré. "Les louanges, les flatteries ennivrent. "Cet homme s' ennivre de la bonne opinion qu' il a de lui-même. Racine, dans Andromaque, dit, de Pyrrhus:
   S' ennivrer, en marchant, du plaisir de la voir.
"Heureux, au sein de Dieu, qui couronne tes travaux; nageant dans son immensité, tu t' ennivres d' éternelles voluptés. Jér. Dél. "Ce ne fut point le sommeil, qui lui versa ses doux pavots; ce fut la discorde, qui l' ennivra de ses poisons. Ibid. "Sa redoutable épée s' ennivre de carnage, et sème par-tout le trépas. Ibid.
   ENNIVRER, s' emploie aussi figurément, dans le style familier et proverbial. "Il s' ennivre à force de parler: "Je n' aime point à m' enivrer d' écriture. SÉV. "S' ennivrer de son vin, boire tout seul avec excès; et au figuré, avoir bone opinion de soi. = Rem. Quand ennivrer est sans régime, il ne signifie qu' un cerveau troublé par les vapeurs du vin. Ainsi, l' Auteur du Dithyrambe, aux mânes de Voltaire, a dit ce qu' il ne voulait pas dire, en disant, dans son début:
   Quel est donc ce Vieillard, ce mortel adoré,
   Qui traîne sur ses pas tout un peuple enivré?
Si le peuple était ivre, son afluence autour de Voltaire n' est pas flateûse. Ann. Litt.
   ENNIVREMENT, se dit moins au propre qu' au figuré. "L' ennivrement de l' amour et des passions.

ENLâCEMENT


ENLâCEMENT, s. m. ENLACER, v. a. [Anlâceman, enla-cé: 2e lon. au 1er, 3e e muet; il est fermé au 2d. _ Devant l' e muet l' a est long: il enlâce, enlâcera, etc.] Enlacer, est 1°. Passer des cordons, ou des lacets, etc., les uns dans les aûtres. "Enlacer des rubans, des branches d' arbres. = 2°. Passer dans un même lacet. "Enlacer des papiers. = Enlâcement, est l' action d' enlacer, ou l' éfet de cette action.

ENLAIDIR


ENLAIDIR, v. a. et n. [An-lédi: 1re lon., 2e é fer.] Rendre laid: "La petite vérole l' a enlaidie. = Devenir laid. "Elle enlaidit tous les jours.

ENLèVEMENT


ENLèVEMENT, s. m. ENLEVER, v. act. *ENLEVûRE, s. f. [Anlèveman, An--levé, Anlevûre; 1re lon. 2eè moy. au 1er, e muet aux deux aûtres; 3e e muet au 1er; é fer. au 2d, lon. au 3e. _ Dans le verbe, l' e muet se change en è moy. "Il enlève, il enlèvera, etc.] Enlèvement ne se dit que du Rapt, de l' action par laquelle une persone est enlevée malgré elle, ou une chôse est enlevée malgré celui à qui elle apartient. "L' enlèvement de Proserpine est fameux dans la Fable; et celui des Sabines, dans l' Histoire Romaine. "Bien des Filles consentent à leur enlèvement, sous l' espoir de forcer leurs parens à consentir à un mariage qui ne leur agrée pas. "Après l' enlèvement de ses meubles.
   ENLEVER, est, 1°. Lever en haut. "Enlever des pierres avec une grûe. "Un tourbillon l' enleva. = 2°. Emmener par force. "Il a enlevé cette fille. "On l' a enlevé de sa maison. = 3°. Enlever, en parlant de marchandises, se hâter d' acheter. "Dans un jour tout le café a été enlevé. _ Par extension, on dit que la mort a enlevé un jeune homme à la fleur de son âge; que la peste, la fièvre l' a enlevé en peu de jours, etc. _ Et aussi, enlever une place, s' en rendre maître: enlever un quartier, un Régiment, les forcer dans leur poste. = 4°. Enlever, transporter d' admiration. "Ce Prédicateur, cette pièce, cette musique enlève tout le monde. = 5°. Ôter de manière qu' il ne reste aucun vestige. "Enlever des taches.
   On dit, prov. Cela enlève la pâille; est au-dessus de tout, ou est décisif. _ Être enlevé comme un corps saint; être emmené, comme malgré soi, à une partie de plaisir.
   *ENLEVûRE, petite vessie ou bube, qui vient sur la peau. Ce mot est corrompu d' élevûre, et l' on ne dit plus que celui-ci.

ENLEVÉE


*ENLEVÉE, s. f. Enlèvement. C' est un mot de Pluche. "Il seroit encôre mieux de défendre les enlevées, et de laisser aux particuliers le soin de conserver leur blé. _ Enlevée n' est point dans les Dictionaires. On dit Enlèvement.

ENLIASSER


*ENLIASSER, v. act. est un gasconisme. On dit Accoupler. "Enliasser des torchons. Gasc. Corr.

ENLUMINER


*ENLUMINER, v. act. ENLUMINEUR, EûSE, s. m. et fém. ENLUMINûRE, s. f. [Anluminé, neur, neû-ze, nûre: 4e é fer. au 1er, lon. aux aûtres.] Enluminer, c' est colorier une estampe. Enlumineur, Enlumineûse, celui, celle qui fait métier de colorier des estampes, des cartes de Géographie. Enluminûre, est, 1°. l' Art d' Enluminer: Il entend bien l' Enluminûre. = 2°. L' ouvrage de l' Enlumineur. "Cette Enluminûre est grossière.
   Rem. Les deux substantifs ne se disent qu' au propre, le verbe se dit aussi au fig. dans le st. plais. mais bâs et prov. S' enluminer la trogne, le museau, boire avec excès et devenir rouge et enflamé pour avoir trop bu. _ On dit, moins bassement, que l' ardeur de la fièvre enlumine le visage d' un malade. _ Dans le Dict. de Trév. on dit même que: "la pudeur enlumine agréablement un visage, mais cela ne pourrait se dire que dans le st. badin.

ENMENER


ENMENER. Voy. EMMENER.

ENN


ENN. Dans cette syllabe, quand elle comence le mot, la 1re n est muette: elle ne sert qu' à doner à l' e le son de l' a. La 2de s' unit avec la voyelle suivante: Ennoblir, ennui, ennuyer, etc. Pron. Anoblir, anui, anuyé, etc. On ne devrait donc pas mettre cette double n à ennemi, puisqu' on ne prononce pas anemi, mais énemi; et on devrait la mettre à ennivrer et à ennorgueillir, qu' on écrit mal-à-propos enivrer, enorgueillir, puisqu' on prononce anivré, an--orgueilli, et non pas énivré, énorgeuilli.
   ENNE. La pénultième est brève, Etrenne, qu' il prenne, qu' il aprenne, etc. _ On pourrait ne mettre qu' une n, et remplacer celle qu' on suprimerait par un accent grâve sur l' e, pour marquer le son de l' è moy. "Etrène, qu' il prène, qu' il aprène, etc.

ENNEMI


ENNEMI, ou plutôt ÉNEMI, IE, subst. m. et f. [Prononc. dit l' Acad. comme s' il y avait enemi, c. à. d. avec un e ouvert: mais aucun de nos mots, excepté être, ne comence par un ê ouv. L' é d' énemi est fer. comme tous les mots de la Langue qui comencent par un e, et qui ne sont pas suivis d' une m ou d' une n. _ Mais si énemi a le 1er é fer., et quand même il aurait cet ê ouvert, pourquoi l' écrire avec 2 n? Cette ortographe est capable d' induire en erreur et le peuple et les étrangers, et à faire prononcer, ou an-nemi, comme on prononce en certaines Provinces, ou du moins anemi, comme on prononce dans, ennoblir, ennui, ennuyer, etc. Voy. ENN. _ Ennemi devrait céder à enivrer une n, qui est inutile au 1er, et qui serait nécessaire au second. On devrait écrire énemi et ennivrer. Voy. ENIVRER.] 1°. Celui ou celle qui veut du mal à quelqu' un. "Mon énemi, ses énemis, énemi de Dieu et des hommes, de la Religion, de l' État, etc. = 2°. Le parti contraire, qui fait la guerre. En ce sens, on dit l' Énemi, ou les Énemis. "Repousser l' énemi, les énemis. "En présence de l' énemi. Tomber entre les mains des énemis. = 3°. Relativement aux chôses; qui a de l' aversion pour, qui est oposé à....Énemi des cérémonies, des procès. "Énemi de la vertu, de la raison, de la société. = 4°. Énemi se dit des animaux, et même des chôses inanimées. "Le Chat est l' énemi de la Souris, le Crapaud de la Belette. "Le chou est l' énemi de la vigne. "La débauche est l' énemie de la santé. = 5°. En Poésie, on l' emploie comme adjectif. "Les destins énemis, les vents énemis, la fortune énemie, pour dire, contraires. _ On dit, en prose, nation énemie, peuple énemi, en pays énemi. = Il suit toujours, même en vers, le nom qu' il modifie.
  Chasse l' avide oiseau, détruis l' ombre énemie.
       De Lille.
Le même Poète dit du Soleil:
  Si de taches semé, sous un voile énemi,
  Son disque renaissant se dérobe à demi,
  Crains les vents pluvieux.
   On dit, en st. prov. Autant de pris sur l' énemi: c' est toujours beaucoup d' avoir tiré quelque chôse d' une persone avâre, qui ne veut jamais rien doner.
   REM. Énemi régit le datif, mais avec l' article défini. "Les impies sont les énemis de l' État, bien plus encôre que de la Religion. Voyez plus haut plusieurs aûtres exemples. * M. Sabatier de Castres emploie l' article indéfini (la prép. de sans article.) "Ce ton énemi de parûre et de prétention, a vraisemblablement contribué au peu de succès des productions de M. Tanevot, dans un siècle où l' on ne goûte que les pointes, le persiflage, et la fatigante énergie de nos prétendus penseurs en vers. _ Je pense que l' Auteur devait dire, ce ton énemi de la parûre, de la prétention; comme on dit, énemi de la joie, de la paix, de la contrainte, et non pas énemi de joie, de paix, de contrainte, etc.

ENNIVRANT


ENNIVRANT, ENNIVRER, etc. C' est ainsi qu' il faudrait écrire. Voyez ENIVRANT, ENIVRER.

ENNOBLIR


ENNOBLIR, v. act. [Anobli.] Rich., et Trév. renvoient à anoblir; mais celui-ci ne se dit qu' au propre, et ennoblir ne s' emploie qu' au fig. "Le Roi a anobli ce fameux Négociant. "Les Sciences, les beaux Arts ennoblissent une langue. L' un signifie, rendre noble, l' autre, rendre plus illustre, plus considérable.

ENNUI


ENNUI, s. m. ENNUYANT, ANTE, adj. ENNUYER, v. act. [A-nui, A-nui-ian, ian--te, A-nui-ié; 3e lon. au 2d et au 3e, é fer. au dern.] ENNUI, Lassitude, langueur d' esprit, causée par une chôse qui déplaît par elle-même, ou par sa durée. Trév. Ou par la disposition où l' on se troûve, ajoute l' Acad. "On ne peut entendre cela sans ennui. "Le Sermon, quoique fort beau, était trop long: il m' a causé beaucoup d' ennui. = Au pluriel, il signifie quelquefois, tristesse, déplaisir, souci, chagrin. "Un homme acablé d' ennuis. Mortels ennuis. "Les ennuis de la vieillesse, etc. L' Acad. en met un exemple au singulier. "Cette afaire lui a doné beaucoup d' ennui. _ Voiture a dit aussi: "J' ai peur que le remède dont je veux guérir votre ennui (il parle en cet endroit de chagrin) ne soit plus violent que le mal. _ Il dit aussi, avoir des ennuis, comme on dit, avoir des chagrins; ce que je ne crois pas être fort d' usage. "Dans tous les ennuis que j' ai, j' ai reçu cette joie aussi sensiblement que si je n' avois point de déplaisir.
   REM. 1°. Ennui a un sens passif: il se dit des persones, qui s' ennuyent, qui sont ennuyées, et non pas des chôses qui ennuyent. "Son A. R. assistoit à ces Conférences, malgré leur ennui. Anon. Ainsi l' on dirait, l' ennui d' un discours, d' une conversation: ce n' est pas l' usage. Je pense que l' on devait dire, malgré l' ennui qu' elles lui donaient ou causaient.
   2°. Dans cette expression, mourir d' ennui, ce mot a son sens propre, et non pas celui de chagrin. "Je comprends bien tous les soins que se done M. de Grignan, pour vous empêcher d' y mourir d' ennui. Sévigné.
   3°. On dit, Sécher d' ennui. Rousseau, qui avait besoin d' une syllabe de plus, a dit dessécher d' ennui.
   Peuple maudit et malheureuse race
   Que votre los fait dessécher~ d' ennui.
Il ne faut pas en faire un crime à un Poète qui écrivait en style marotique; mais en prôse ce serait une faûte.
   ENNUYER. Richelet écrit ennuier, mais cette manière d' écrire ne représente pas la prononciation, où il me semble qu' on fait entendre deux i, dont l' un s' unit à l' u qui précède, et l' aûtre à l' e qui suit. Anui-ié: l' y est nécessaire pour représenter ces deux i. Pour la même raison on doit écrire, il ennuye, et non pas, il ennuie, comme l' écrit l' Acad. "Cet homme ennuie tous ses auditeurs. Au futur, il ennuyera, etc. Peut--être en conversation, où la prononciation~ est plus rapide, peut-on prononcer ennuira. L' Abé du Resnel, qui fait ce mot de trois syllabes seulement, n' aurait pas dû l' écrire avec un y et un e muet.
   Pour les désigner tous, il me faudrait vingt pages,
   Et j' ennuyerois (j' ennuirois) peut-être autant que leurs ouvrages.
   ENNUYER, c' est lasser l' esprit par quelque chôse de désagréable ou de trop long. "Cet homme ennuye tout le monde par ses contes insipides. "Ce spectacle est fort beau, mais il ennuye par sa longueur: cela ennuye à la mort. = S' ennuyer régit de devant les noms: Il s' ennuye de tout. Pour les verbes, on dit à ou de, mais ces deux régimes expriment des sens diférens. S' ennuyer à atendre, c' est s' ennuyer en atendant; s' ennuyer d' atendre, c' est s' en aler, parce qu' on est lâs d' atendre. = On dit aussi, il m' ennuie ici, il m' ennuyait de vous atendre, il lui ennuyait de m' entendre. * M. Desgrouais regarde comme un gasconisme, j' ennuie que pour, il me tarde que. "J' ennuie beaucoup que ma soeur arrive. Mais on dit fort bien, en employant l' impersonel. "Il m' ennuye que vous ne soyiez venu. Acad. _ * J' ennuie pour je m' ennuie, est un aûtre gasconisme. _ * Anciènement on disait être ennuyé pour être fâché, chagrin, désolé de, etc. "Il étoit fort ennuyé pour quelques scandales, qui étoient survenus. Chron.
   ENNUYANT et Ennuyeux se disent indiféremment. "Homme ennuyant, ou ennuyeux. "Cela est fort ennuyant: discours ennuyeux. Temps ennuyeux ou ennuyant _ Ces deux adjectifs suivent ou précèdent leurs substantifs. C' est à l' oreille et au goût à leur assigner la place qu' ils doivent ocuper.

ENNUYEUSEMENT


ENNUYEUSEMENT, adv. [A-nui--ieû-zeman: 3e lon. 4e e muet.] Avec ennui. "Passer la journée ennuyeûsement.

ENNUYEUX


ENNUYEUX, EûSE, adj. Voyez ENNUYANT.

ÉNONCÉ


ÉNONCÉ, s. m. ÉNONCER, v. act. ÉNONCIATION, s. f. [Énoncé, , ci-a--cion: 1re é fer. 3e é fer. aussi aux 2 1ers.] Enoncé, chôse avancée, énoncée. Richelet Port. "Un simple énoncé, un faux énoncé. "Ayant à anoncer des vérités importantes, dont l' énoncé absolu et direct auroit blessé sans fruit. d' Alembert.
   ÉNONCER, exprimer ce qu' on a dans la pensée. Enonciation, expression. "La manière dont il énonce ses pensées leur done de la force. _ En matière de Théologie, il faut prendre garde aux moindres énonciations. = Énoncer s' emploie surtout avec le pronom pers. "Il s' énonce bien, il s' énonce mal. _ Énonciation se dit aussi, en ce sens, pour la manière de s' énoncer. Avoir l' énonciation belle, heureûse. _ Mais le verbe est plus usité que le substantif.

ENORGUEILLIR


ENORGUEILLIR, ou bien mieux, ENNORGUEUILLIR, v. act. [A-nor-gheu-gli: mouillez les ll. L' usage est pour la 1re manière; mais la prononciation exigerait qu' on adoptât la 2de. Pour la double n, voyez-en la raison à ENN et à ENIVRANT, etc. Pour l' u ajouté après l' e, voyez CUEILLIR. _ M l' Abé du Resnel écrit orgueuil, et c' est ainsi qu' on devrait écrire. En écrivant, comme on le fait communément, enorgueillir, on serait porté à prononcer énorghégli: ue n' exprime pas le son de la dipht eu. Voyez ORGUEIL.] Ennorgueuillir, rendre orgueuilleux. "Les succès l' ont ennorgueuilli. "De quoi vous ennorgueuillissez-vous? "Je m' ennorgueillis justement d' être le fils d' un tel père. Th. d' Educ. Le Magistrat. "Ces rivaux (les Anglais) enrichis de nos dépouilles, enorgueillis pendant cinq cens ans de nos écarts, et devenus grands par la fatalité, qui nous empêchoit de nous élever. Linguet.

ÉNORME


ÉNORME, adj. ÉNORMÉMENT, adv. ÉNORMITÉ, s. f. [1reé fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d: énorméman. _ Richelet écrit énormement, et il semble que la raison dicte cette manière d' écrire, cet adverbe étant formé d' énorme, dont l' e final est muet, mais l' usage a prévalu, d' écrire énormément avec un accent aigu sur le 2d é; et c' est une exception à la règle de la formation des adverbes.] Enorme, démesuré, excessif, "Colosse d' une grandeur énorme. _ Figurément, crime énorme, malice énorme. Il est peut être peu nécessaire d' avertir qu' il se prend toujours en mauvaise part.
   ÉNORMÉMENT, Excessivement. "Il est énormément grand. Il prétend avoir été énormément lésé.
   ÉNORMITÉ se dit quelquefois au propre, de la grandeur de la tâille; mais il s' emploie plus ordinairement au figuré, pour atrocité. "L' énormité du crime, du fait, du câs, etc.

ENQUÉRANT


ENQUÉRANT, ANTE, adj. S' ENQUÉRIR, v. réc. [Anké-ran, ante, An-kéri; 1re lon. 2e é fer. 3e lon. aux 2 prem.] Enquérant, qui s' enquiert avec trop de curiosité. Il n' est que du style familier, badin ou critique. "Vous êtes trop enquérant "C' est une femme fort enquérante.
   S' ENQUÉRIR. Je m' enquiers, tu t' enquiers, il s' enquiert: nous nous enquérons, vous vous enquérez, ils s' enquièrent. Je m' enquérais, je m' enquis, je me suis enquis. Je m' enquerrai, je m' enquerrais. Enquiers-toi, qu' il s' enquière, que je m' enquière, que je m' enquisse. _ S' informer, faire recherche. Il régit l' abl. (la prép.de.) "Enquérez-vous soigneusement de cela. "Il faut s' enquérir de la vérité du fait. = Pour le régime de la persone, il régit à ou de (le datif ou l' abl.) "Je me suis enquis à un tel, ou d' un tel, si le bruit, qui court est vrai. = On dit, dans le Dict. Gramm. que ce verbe est peu usité hors de l' infinitif et des temps composés. On devait se contenter de dire, qu' il est plus usité dans ces temps-là que dans les temps simples. = S' enquérir était du beau langage dans le dernier siècle: il a un peu vieilli: mais il est bon et utile, et il dit quelque chôse de plus fort que s' informer son synonime. S' informer, c' est seulement chercher, demander des éclaircissemens pour savoir ce qui est. S' enquérir, c' est faire des enquêtes plus ou moins étendues, pour aquérir une conaissance ample et exacte de la chôse. En demandant une chôse à quelqu' un, on s' en informe: en le demandant à plusieurs, ou en pressant, en poursuivant de questions une persone instruite, on s' enquiert. Ce dernier verbe est l' espèce, l' aûtre est le genre. "Le Nouvelliste s' enquiert des afaires publiques, l' homme oisif s' en informe. Voy. les synonymes de M. l' Ab. Roubaud.

ENQUêTE


ENQUêTE, s. f. S' ENQUêTER, v. réc. ENQUêTEUR, s. m. [Ankête, , teur: 2e ê ouv. et lon, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Enquête ne se dit plus que des recherches faites par ordre de justice. "Ordoner, faire une enquête. = Information se dit dans les Procès criminels, et enquête dans les civils. Ferrière.
   S' ENQUêTER, s' enquérir. "Je me suis enquêté par tout; enquêtez-vous de cela; du fait. = Il signifie quelquefois se soucier, et alors il est proverbial, et ne se met qu' avec la négative. "Il ne s' enquête de rien; ou, simplement, il ne s' enquête. = Ne peut-on pas dire que ce mot s' est introduit par corruption, de s' inquiéter? "Il ne s' inquiéte de rien.
   ENQUêTEUR, ne se dit qu'~ au Palais. Juge ou Officier comis pour faire des enquêtes.

ENRACINER


ENRACINER, v. neut. et récip. [Anra--ciné.] Son plus grand usage est au figuré. Il s' emploie comme verbe neutre, avec laisser. "Il ne faut pas laisser enraciner les maux, les abus, les mauvaises habitudes. _ Il est aussi réciproque. "Quand une opinion vient à s' enraciner, il est dificile de la detruire. = Enraciné se dit au propre et au figuré. "Arbre bien enraciné.: un mal enraciné.

ENRAGEANT


ENRAGEANT, ANTE, adj. ENRAGER, v. neut [Anrajan, jante, jé; 1re lon. aux deux premiers; l' e devant l' a y est muet: il n' y est mis que pour doner au g un son doux, qu' il n' a pas devant l' a et l' o; et c' est aussi pourquoi on écrit j' enrageais, il enrageait, etc.] Enrageant, quoique participe actif, ne signifie pas qui enrage, mais qui est propre à faire enrager, qui caûse beaucoup de peine, et un violent chagrin. Il n' est que du style familier. "Cela est enrageant. "C' est une chôse bien enrageante.
   ENRAGER se dit rârement au propre. "Si l' on ne done pas à boire à ces chiens, ils enrageront. "Chien enragé. = Il se dit plus souvent au figuré, parce que les ocasions de l' employer sont plus fréquentes. On le dit d' une douleur qui fait beaucoup soufrir. "Il enrage du mal de dents; d' un besoin vif et pressant: "Il enrage de la faim; d' un desir ardent et violent. Il enrage de parler, de jouer; d' un dépit, d' un déplaisir grand et sensible; il enrage de ne pouvoir se venger, de voir son énemi dans ce poste. = Avec le v. faire, il devient actif: "Sa femme, son mari le ou la fait enrager. = Passif, il régit la prép. contre. "Il est enragé contre lui, dans une grande colère, etc.
   On dit familièrement, enrager la faim; et dans cette phrâse, ce verbe est actif; mais ce régime irrégulier ne doit pas tirer à conséquence pour d' autres locutions où enrager serait employé. Dailleurs cette manière de parler est suspecte, et je ne la garantis pas. L' Acad. ne l' a point mise dans son Dictionaire.
   En style proverbial, on dit: prendre patience en enrageant; c. à. d. mal volontiers. _ Manger de la vache enragée, soufrir beaucoup de la disette et de la fatigue. On le dit sur-tout des jeunes libertins, qui courent le monde. _ Il n' enrage pas pour mentir: il a une grande inclination à mentir. _ On dit aussi, d' un homme qui ne fait que tracasser, et qu' on ne saurait satisfaire sur rien, qu' il ferait enrager la bête et le Marchand.
   ENRAGÉ, ÉE, adj. Violent, extrême: mal enragé, douleur enragée, faim enragée, passion enragée. _ On le dit aussi des persones, pour insensé, furieux. "Il faut qu' il soit enragé de faire ce qu' il fait. = S. m. C' est un enragé, un homme fougueux et impétueux. Un Auteur assez moderne l' emploie au fém. dans une acception aprochante du sens propre. "Ces enragées (les Prêtresses Idolâtres) impriment tant de crainte aux Assistans, que, et Let. Edif. Tout cela n' est que du style familier, chagrin et critique.

ENRAYER


ENRAYER, v. act. [Anré-ié; 2e et 3e é fer. _ Devant l' e muet, le 1er e est ouv. il enraie. Pron. anrê. _ Au futur et au conditionel, cet e muet ne se fait nullement entendre. "Il enraiera, enraierait: pron. anrêra, anrêrè, en trois syllabes.] Enrayer est, 1°. en terme d' art, garnir une roue de rais. = 2°. Arrêter une roûe par les rais, ou avec une chaine de fer, ou avec une pièce de bois pour en retarder le mouvement dans les descentes rapides. "Il faut enrayer une des roûes; ou, neutralement, il faut enrayer. = 3°. Figurément, style familier et badin, arrêter la trop grande vivacité de quelqu' un. "Vous êtes trop vif, il faut enrayer. = 4°. En agriculture, enrayer (v. n.) Tracer le premier sillon.