Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI DEVANT


DEVANT, prép. de lieu. [1re e muet, 2e. lon.] Vis-à-vis. "Regarder devant soi. Mettez cela devant le feu. _ C' est aussi une prép. d' ordre: marcher devant un aûtre; ou elle signifie en présence: Prêcher devant le Roi. _ Il est quelquefois adverbe: courir devant; mettez cela devant ou derrière, devant ou après. Acad. _ Il est aussi substantif.
   Rem. 1°. On ne doit pas confondre devant et avant: le premier marque proprement priorité d' ordre, et l' aûtre, priorité de temps. Plusieurs les confondent, et l' Acad. elle-même. _ Boileau a dit, et dans le Lutrin, et dans ses Satires:
   Qu' à son lever le soleil aujourd'hui
   Trouve tout le Chapitre éveillé devant lui.
       Lutrin.
  Et combien la Neveu devant son mariage, etc.
Éveillé avant, la Neveu avant auraient formé des hiatus; pour les éviter, le Poète parle peu exactement. L' Académie dit, devant ou après: il faut, ce me semble, là, avant ou après: devant ou derrière est plus correct. Voy. AVANT, n°. 1°.
   2°. Devant que, pour avant que n' est plus d' usage. Racine s' en est servi plus d' une fois.
   Si devant que mourir la Reine Bérénice, etc.
   Eh! devant qu' il expire, etc.
       Andromaque.
On dirait aujourd'hui, avant que de mourir, ou avant de mourir, etc. avant qu' il expire, etc. "Devant que de rentrer dans le Monastère. P. Sicard. Il falait, avant que, etc.
   * Fleury dit, dès devant, pour dès avant. "Il est plus vraisemblable que l' écriture étoit trouvée dès devant le déluge, etc.
   3°. Devant et au devant signifient des chôses bien diférentes: aler devant quelqu' un, c' est le précéder; aler au devant de lui, c' est aler à sa rencontre. Voy. RENCONTRE. _ Remarquez qu' on doit dire, aler, envoyer au devant d' une persone, et non pas, lui envoyer, ou lui aler au devant, comme disent les Gascons et les Provençaux.
   Aler devant et aler au devant se disent au figuré. Aler devant soi, ne rien entendre, de ce qu' on nous dit pour nous détourner d' une démarche, ou pour nous faire revenir d' une opinion. "Les hommes prévenus vont devant eux avec une aveugle détermination. Boss. _ Aler au devant d' une objection, se la proposer soi-même, et la résoudre avant qu' on nous la propôse. "Ils ont été au devant de l' objection. _ Aler au devant du mal, le prévenir. _ Hors de là, au devant, est un gasconisme.
   * Au devant d' un pupitre, avec contrainte assis.
       De Piis.
Au devant de est une faûte contre la Langue. On lit, il est vrai, dans Boileau:
   S' il ne le fait graver au devant du Recueil.
Mais au devant signifie alors à la tête. ANN. LITT.
   4°. Devant s' emploie substantivement avec gâgner et prendre. On le met au singulier, quand c' est dans le sens propre; et au pluriel, dans le sens figuré. "Donnant la chasse à deux vaisseaux, il leur gâgna le devant. Mascar. "Le Sénat tâcha de gâgner quelqu' un des Tribuns, qui pût s' oposer à cette fureur d' un de ses collègues; mais Icilius avoit pris les devans, et ils étoient tous convenus qu' aucun ne formeroit oposition à ce qui auroit été arrêté entr' eux à la pluralité des voix. Vertot. "Ils vous aiment tous passionnément. Je crois qu' ils vous écrivent. Pour moi je prends les devans, et n' aime point vous parler en tumulte. Sév. "Quand il sut que je me voulois plaindre, il prit les devans. ACAD. Il me prévint.
   Le Proverbe dit: les premiers vont devant, d' ordinaire les plus diligens ont l' avantage. La chandelle, qui va devant, éclaire mieux que celle qui va derrière: les aumônes qu' on fait pendant la vie, sont plus utiles que celles qu' on ordone par testament. _ On dit, d' un homme grôs et ventru, qu' il bâtit sur le devant. _ On dit aussi d' un homme, qu' il est devant Dieu, pour dire, qu' il est mort. _ Et ironiquement, en parlant d' un méchant, qui vient de mourir: Voilà une belle âme devant Dieu.
   *DEVANT-HIER, adv. On l' a dit aûtrefois pour avant-hier. Ménage a remarqué, il y a long-temps, qu' il n' était plus du bel usage.

DEVANTIER


DEVANTIER, s. m. DEVANTIèRE, s. f. [Devan-tié, tiè-re; 1re e muet., 2e lon. 3e é fer. au 1er, è moy. et long au 2d.] Le premier s' est dit anciènement pour tablier. On le dit encôre en quelques Provinces. L' Acad. dit qu' il est populaire.
   DEVANTIèRE, est un long tablier, ou jupe fendue par derrière, que les femmes portent, quand elles vont à cheval, jambe deçà, jambe delà.

DÉVASTATEUR


*DÉVASTATEUR, s. m. Celui qui dévaste. Néologisme. "En les dépeuplant (les Régions de l' Amérique), les Dévastateurs n' ont-ils rien perdu eux-mêmes? Raynal. "Cette ligue se consomme, et le projet dévastateur ne trouve plus d' obstacles. Linguet.
   Je crois revoir l' effet dévastateur - - De cette nuit cruelle, infortunée,
   - - Où périt Troye, aux Grecs abandonée.
       De C...
  Aux flots dévastateurs qui grondent vers les plages
      Berenger.
Il faut atendre ce que l' usage décidera sur ce mot. Il est sonôre, il peut être utile; on peut en bien augurer.

DÉVASTATION


DÉVASTATION, s. f. DÉVASTER, v. a. [Dévasta-cion, dévasté; 1re é fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Désolation, ruine d' un pays. Désoler, ruiner. "La dévastation des provinces d' Occident fut causée par l' invasion des Barbâres. "Les Turcs dévastèrent la Grèce.
   Rem. DÉVASTER paroissait étranger à M. de la Touche. Il avoûe pourtant que l' Acad. l' avait admis dans son Dictionaire. Il est bien établi aujourd'hui, et l' on ne doit pas faire dificulté de s' en servir, aussi-bien que du substantif dévastation.

DÉVELOPEMENT


DÉVELOPEMENT, s. m. DÉVELOPER, v. a. [Dévelopeman, lopé; 1re é fer. 2e e muet, 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Déveloper, c' est ôter l' envelope, défaire une chôse envelopée. Dévelopement, en exprime l' action, ou l' éfet. Ils se disent plus souvent au figuré qu' au propre. "Déveloper un paquet de linge, une tapisserie. "On a dévelopé le mystère. "Le dévelopement d' un plan, d' un systême.
   Rem. 1°. Déveloper, éclarcir, expliquer (synon.) On éclaircit ce qui était obscur; on explique ce qui était dificile à entendre; on dévelope ce qui renferme plusieurs idées réellement exprimées, mais d' une manière si serrée, qu' elles ne peuvent être saisies d' un coup d' oeil. (Encycl.) Les éclaircissemens répandent de la clarté, les explications facilitent l' intelligence, les dévelopemens étendent la connoissance. Beauzée, synon.
   2°. DÉVELOPER, ne peut se dire des persones, que par une de ces figûres hardies, qui ne sont propres que de la poésie.
   Et bientôt la Censure, au regard formidable,
   Sait, le crayon en main, marquer nos endroits faux,
   Et nous développer avec tous nos défauts.
       Boil.
  Lorsqu' il paroît s' ouvrir et se développer,
  C' est alors qu' à nos yeux il cherche à s' échapper.
      P. Marion, Cromwel.
  3°. DÉVELOPER, c' est découvrir aux aûtres. Rousseau lui done le sens de découvrir, apercevoir soi-même. Parlant du vulgaire stupide, il dit:
   D' un oeil confus, il cherche, il développe
   Quelques objets. Tournez-le télescope;
   Ce qui d' abord lui parut un géant,
   Semble, à ses yeux, rentrer dans le néant.
Il y a bien aparence que la rime a produit cette impropriété d' expression, et que télescope a amené dévelope.
   4°. DÉVELOPER n' a que le régime direct des chôses. Un vieux Biographe lui done la prép. de pour 2d régime. "Il travailloit pour développer la vérité du milieu des ténèbres. "Ils développoit, par ce moyen, la vérité du mensonge. Vie de St. Jean de la Croix. Dans le 1er exemple, tirer, et dans le 2d, séparer, étaient les termes propres.
   5°. SE DÉVELOPER, ne se dit pas des persones. "Il (l' Auteur) auroit dû se développer, pour que nous pussions le suivre dans son parallèle. Réfut. des Let. Pacif. On dit, déveloper ses idées, etc.; on ne dit pas, se déveloper soi-même.

DEVENIR


DEVENIR, v. n. [Deveni; 1re et 2e e muet.] Changer d' état, être autre qu' on n' était. Trév. Commencer à être ce qu' on n' était pas. Acad. Rich. Port. Cette dernière définition est meilleûre que la première. _ 1°. Il régit ordinairement des adjectifs. Devenir grand, riche, savant, jaloux, fâcheux, etc.; et des substantifs employés adjectivement. "Il est devenu mon ami; il est devenu son maître: "Il devient flateur, etc. Quelquefois il a pour 2d régime la prép. de. "Le gouvernement d' Athènes devint républicain, de monarchique qu' il était. Cette prép. se met élégamment à la tête de la phrâse. "De riche qu' il était, il devint gueux. = Il régit aussi le datif de la persone. "Des plaisirs variés, mais trop faciles, lui étoient devenus insipides. _ Mais ce régime n' est bon qu' avec les adjectifs. Pour les substantifs, on doit se servir de la prép. pour. "La dignité Épiscopale, loin de lui faire rien relâcher de ses austérités, lui devint un motif pour les augmenter. P. Grifet, Vie de St. André Corsin. Je pense qu' il falait dire, devint pour lui un motif de les augmenter.
   2°. DEVENIR, ne régit point les participes qui ne sont point adjectifs. On ne dit point, devenir aimé, devenir estimé, etc. Voltaire a raison de blâmer ce vers de Corneille, dans Horace:
   À~ quel point ma vertu devient-elle réduite?
Mais ce qu' ajoûte le Critique n' est rien moins qu' exact. Le mot devenir, dit-il, ne convient jamais qu' aux affections de l' âme: On devient faible, malheureux, hardi, timide, etc. Il se trompe: devenir convient tout aussi-bien aux afections du corps, à l' état de la persone: Devenir grand, grôs, maigre: Devenir aveugle, sourd, muet, etc. Devenir pauvre, riche, libre, esclave, etc. Ann. Litt. _ Voltaire devait se contenter de dire que devenir ne se joint pas à de purs participes, comme réduite.
   3°. Il ne régit pas les adverbes. "Devenir au niveau d' un fat qui est en crédit. La Bruy. L' usage n' admet point cette façon de parler. Être, régit les adverbes, être au niveau; devenir, ne les régit pas.
   4°. Il n' en est pas non plus de devenir, impersonel, comme du verbe être, employé impersonellement. On dit bien, il est impossible de faire; mais on ne dit pas bien, il devient impossible de, etc. _ M. Targe, l' Ab. Prévôt, Mde de B., Traducteurs de Livres anglais, l' ont dit, chacun, plus d' une fois, parce qu' il ont traduit trop littéralement, pour ne pas dire, trop servilement.
"La nuit étant survenue, il devint impossible de distinguer les amis des ennemis. Targe, Hist. de Smollet. "Il devint facile de les concilier. "Il devint impossible que, etc. "Il devint évident que, etc. Mde de B. Hist. de Hume. Ce sont de vrais anglicismes. En français, on dirait, il fut impossible, il fut facile. "On reconut évidemment que, etc.
   5°. Le régime de ce verbe doit le suivre, et non pas le précéder. La Fontaine a pu dire, dans le style marotique:
   Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus,
   Qui, du soir au matin, sont pauvres devenus,
   Pour vouloir trop tôt être riches.
Mais hors de ce style, on dit, sont devenus paûvres.
   6°. Le participe de devenir, peut être employé adjectivement, contre la règle assez générale des verbes neutres. "Il était au désespoir de se séparer d' un bon maître~, devenu son ami intime. Volt.: devenu, pour, qui était devenu.
   7°. * Pluche fait de devenu un adverbe, et le fait indéclinable. Il dit, au féminin et au pluriel; devenu, comme au singulier masculin. "Suivez une poule devenu mère de famille. "La sève épurée est devenu assez délicate pour être admise dans la pédicule des fleurs et des fruits. "Vos vignes devenu vigoureûses, se contentent long-temps d' une caisse de 12 à 15 pouces de diamètre. Il faut, dans ces exemples, devenûe mère, est devenûe, devenûes vigoureûses, etc.
   8°. On dit, venir à bout, avec l' ablatif. "Il vient à bout de tout ce qu' il entreprend: il en est venu à bout. * Saint-Evremont a dit, dans le même sens, devenir à bout. "De quoi ne seroient pas devenues à bout. Mde... et Mde... etc.? Il n' est pas à imiter en cela. _ On dit, devenir à rien, et l' usage a admis cette manière de paler. "Ô l' heureux siècle, où le cuivre devient or, et l' or devient à rien. Cité par M. Rigoley de Juvigny. On dit qu' une chôse devient à rien, pour dire qu' elle se réduit à rien, qu' elle s' évapôre.
   9°. On dit comunément: "Je ne sais tout ce que ceci deviendra: "Que deviendrai-je? Que deviendra tout le bien qu' il a amassé? Que sont devenus vos sermens? "Que deviendront tant de belles espérances? etc. _ On dit aussi, que devenez-vous? Où allez-vous? Que voulez-vous faire? Que voulez-vous devenir? Quel parti voulez-vous prendre? Quelle profession voulez-vous embrasser?

DÉVERGONDEMENT


DÉVERGONDEMENT, s. m. DÉVERGONDÉ, ÉE, adj. [1re é fer. 2e ê ouv. 4e e muet au 1er, é fer. aux 2 aûtres.] Le subst. est un mot de Mde de Sévigné. C' est un de ces mots qu' on forge dans la conversation, et qui, placés à propos, disent bien ce qu' on veut dire: Quand la débauche et le dévergondement sont poussés à un certain point de scandale, je suis persuadée que cet excès fait plus de tort aux hommes qu' aux femmes.
   DÉVERGONDÉ, qui n' a point de honte, qui fait des chôses indécentes et trop libres. Trév. Qui mène publiquement une vie libertine sans s' en cacher. Acad. Qui n' a point de honte. Rich. Port. La définition de Trévoux me paraît préférable: elle exprime mieux l' origine de ce mot, qui vient de vergogne, honte. Celle de l' Acad. ne parait attribuer cette qualification qu' à l' habitude du dévergondement: mais on peut l' être, ou le paraitre en passant, sans l' être habituellement. "Jeune homme dévergondé. "Cette fille est bien dévergondée.

DEVERS


DEVERS, prép. [Devèr et devant une voyelle devèrz.] "Il est devers Toulouse: "Il vient de devers ces pays là. Acad.
   Rem. Th. Corneille trouvait devers vieilli, et voulait qu' en sa place on dît vers. Mais l' Acad. ne le désaprouve point, et a continué de le mettre sans remarque. = Le Comentateur de Boileau dit, sur ce vers:
   C' est ainsi, devers Caen, que tout Normand raisonne.
L' Auteur aurait pu dire:
   C' est ainsi que vers Caen tout Bas-Normand raisonne.
Mais il a préféré devers Caen, qui est une espèce de normanisme. Un Normand, qui sera de Caen même, dit, je suis devers Caen, et non pas, je suis de Caen.
   L' Acad. disait aussi que par devers, qui passait pour très-vieux, est en usage, principalement avec les pronoms personels: Retenir des papiers par devers soi. Elle a continué de le dire, en retranchant ces mots, qui passoit pour très-vieux. "Il n' y avoit guère d' homme considérable qui n' eût par devers lui quelque prédiction qui lui promettoit l' Empire. Montesq. "Se pourvoir par devers le Juge, à son Tribunal. Acad.

DÉVERS


DÉVERS, ERSE, adj. DÉVERSER, v. n. DÉVERSOIR, s. m. [Dévers, vêrce, vêrcé, vêr-soar; 1re é fer. 2e ê ouv. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Dévers, terme d' Art, se dit de ce qui n' est pas d' à-plomb: Ce mur est dévers. = Déverser, pencher, incliner. "Ce mur déverse. = Déversoir, est l' endroit de la conduite de l' eau d' un moulin, où l' eau se perd, quand il y en a trop.

DÉVêTIR


DÉVêTIR (Se) v. réc. [Dévêti; 1re é fer. 2e ê ouv.] Se dégarnir d' habit: "Il ne faut pas se dévêtir si-tôt. "Humbert (le Dauphin) se dévêtit lui-même des marques de son ancienne dignité, pour prendre l' habit de Jacobin. Duclos.

DÉVêTISSEMENT


DÉVêTISSEMENT, s. m. [Dévêticeman; 1re é fer. 2e ê ouv. 4e e muet.] Terme de Jurisprudence. Dépouillement; démission. "Dévêtissement de ses biens en faveur de ses enfans.

DÉVIABLE


DÉVIABLE, adj. DÉVIABILITÉ, s. fém. Termes nouveaux. Qui peut être dévié. Qualité de ce qui est déviable. "Le plus déviable des rayons est le jaune, et le moins déviable est le bleu. Mercure. "On avoit toujours confondu la déviabilité des rayons avec leur réfrangibilité. Ibid. Voy. DÉVIER.

DÉVIATION


DÉVIATION, s. f. [Dévi-a-cion, en vers, ci-on; 1re é fer.] Détour. Action par laquelle un corps se détourne de son chemin. "Dans une rue aussi passante... la marche ne sauroit être droite; il y a nécessairement des déviations infinies. Linguet.

DÉVIDER


DÉVIDER, v. act. DÉVIDEUR, EûSE, s. m. et f. DÉVIDOIR, s. m. [Dévidé, vi-deur, deû-ze, vi-doar; 1re é fer. 2e é aussi fer. au 1er, lon. au 3e.] Dévider, c' est mettre en écheveau le fil qui est sur le fuseau, ou en peloton, celui qui est sur l' écheveau. Acad. Mettre en écheveau, ou en peloton. Trév. Rich. Port. L' Acad. explique mieux cette sorte d' opération. Le Rich. Port. y ajoute quelque chôse qui est nécessaire, le fil, ou la soie. _ Dévideur, dévideûse, ouvrier, ou ouvrière qui dévide des fils, des laines, des soies, etc. Dévidoir, instrument dont on se sert pour dévider.
   REM. Trév. l' admet au figuré, dans le sens de découvrir une fourberie. Il n' est guère d' usage dans cette acception. Mde de Sévigné l' emploie mieux dans un sens qui tient du propre. "Avant que tout cela soit dévidé dans l' imagination, la nuit est passée. Cela n' est pourtant bon que dans le style familier.

DÉVIER


DÉVIER, v. a. Mot nouveau. Détourner du droit chemin. "Nous cherchons un Temple (de la Justice), et je découvre un labyrinthe aussi vaste que ténébreux, où les abus déviant des Loix trop flexibles, ont formé des routes tortueuses et infinies. M. S... ancien Magistrat. _ Se dévier (Phy.) "Les rayons, après s' être déviés vers ce corps, convergent et se réunissent en différens foyers. Maret.

DEUIL


DEUIL, s. m. [Monosyllabe: mouillez l' l finale.] 1°. Afliction, tristesse, longue douleur. "Par-tout règne l' horreur, la cruauté, le deuil et l' épouvante. Jér. Dél. _ 2°. Tout ce qu' on porte en signe de douleur pour la mort d' un parent, etc. Habit de deuil, grand deuil, petit deuil: prendre, porter le deuil. _ Deuil de Cour, etc. On dit aussi, tendre une chambre, une Église de deuil. = 3°. Les parens, qui assistent aux funérâilles de, etc.; voir passer le deuil: mener le deuil. _ 4°. Le temps que le deuil dûre. "On a abrégé les deuils. "Le deuil des veuves ne dure plus qu' un an. Acad.
   Rem. * Plaindre le deuil, pour dire, faire compliment de condoléance sur la mort de quelqu' un, est un gasconisme barbâre. "Il est allé plaindre le deuil à Mde.. sur la mort de son mari.
   En style proverbial, prendre le deuil sur la fôsse, c' est exécuter sur le champ un projet.

DEVIN


DEVIN, DEVINERESSE, s. m. et f. DEVINER, v. a. DEVINEUR, s. m. [De-vein, vinerèce, viné, vi-neur; 1re e muet, 3e e muet au 2d, é fer. au 3e: dans le 2d, la 4e è moy. la 5e e muet.] Devin, Devineresse, est celui, ou celle qui fait profession de prédire les chôse à venir, et de découvrir les chôses cachées. Deviner, c' est prédire l' avenir. Devineur, est la même chôse que Devin; mais il ne se dit qu' en plaisantant et en se moquant.
   Rem. 1°. La diférence de Devin et de Prophète, dit l' Ab. Girard, c' est que le Devin découvre ce qui existe, mais qui est caché: le Prophète prédit ce qui doit arriver. La Divination regarde le présent et le passé; la Prophétie a pour objet l' avenir.
   2°. La Fontaine a employé Devineûse, dans la Fable des Devineresses.
   --- Chez la Devineuse on couroit,
   Pour se faire annoncer ce que l' on desiroit.
Le Poète a dit Devineûse plutôt que Devineresse, parce que cela l' acomodait: mais indépendamment de cela, dans ce style badin et critique, il aurait pu le dire: car, puisqu' en plaisantant et en se moquant, on dit Devineur, plutôt que Devin, pourquoi ne dirait-on pas, pour se moquer, Devineûse au lieu de Devineresse.
   3°. *DEVINATION, a été employé par Abadie et par Fleury: mais quoiqu' on dise devin, deviner, on dit divination, et non pas, devination.
   4°. DEVINER, se dit plus ordinairement pour juger par conjectûre. "Il a deviné ma pensée. "Il écrit si mal, qu' il faut qu' un mot fasse deviner l' aûtre. Et neutralement, sans régime: "Devinez d' où je viens? Vous ne devineriez pas combien cela me coûte. _ Cela vous coûte tant. _ Vous avez deviné. _ "Je vous le done à deviner en dix, en cent, se dit proverbialement d' une chôse qui ne doit pas naturellement tomber dans la pensée de celui à qui l' on parle. _ On dit, dans le même style, de celui qui parle d' une chôse conûe de tout le monde, comme d' une découverte nouvelle, qu' il devine les Fêtes quand elles sont venûes.

DEVIS


DEVIS, s. m. [1re e muet: on pron. l' s.] 1°. * Aûtrefois, propôs, discours, entretien familier. "Sans s' arrêter les uns avec les autres en devis, ne parlant que pour choses nécessaires. S. Fr. de S. = 2°. Aujourd'hui, état par le menu des ouvrages qu' il faut faire pour bâtir une maison, etc., et de ce qu' il en doit coûter. "Faire un devis: doner le devis général. Devis du menuisier, du serrurier, du maçon, etc.

DÉVISAGER


DÉVISAGER, v. a. [Dévizagé; 1re et dre é fer.] Défigurer le visage en égratignant. "Cette femme dévisageroit un homme: Ne jouez pas avec le chat; il vous dévisagera.

DEVISE


DEVISE, s. f. [Devîze, 1re et dre e muet, 2e lon.] 1°. Figûre acompagnée de paroles, exprimant d' une manière allégorique et courte quelque pensée, quelque sentiment. Acad. Représentation de quelque corps, jointe à quelque mot, qui s' aplique, dans un sens figuré, à l' avantage de quelqu' un. Trév. Ces derniers mots sont de trop; car il y a des devises satiriques. _ Suivant le Rich. Port., c' est un composé de figûres et de paroles. La figure représentée se nomme le corps de la devise: les paroles en sont l' âme. _ La définition de l' Acad. est sans contredit la meilleûre. = 2°. Devise, se dit quelquefois des paroles sans figûres, que quelqu' un choisit pour se distinguer. Ou tout, ou rien; ou César, ou rien. Ces derniers mots étaient la devise de César, Duc de Valentinois, fils d' Alexandre VI.

DEVISER


*DEVISER, v. n. S' entretenir familièrement. Il est vieux: "Il devisoient ensemble: ils s' amusaient à deviser.

DÉVOIEMENT


DÉVOIEMENT, s. m. [Le 2d e ne se fait nullement sentir: Dé-voa-man, en trois syllabes. _ On écrivait aûtrefois dévoyement, mais cette ortographe induisait à une mauvaise prononciation, à prononcer dévoa-ie--man.] Flux de ventre. "Il a le dévoiement: "Les raisins lui ont doné le dévoiement. _ Des ignorans disent dévoument pour dévoiment.

DÉVOILEMENT


DÉVOILEMENT, s. m. DÉVOILER, v. a. [Dé-voa-leman, ; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dévoiler, au propre, c' est ôter le voile. Il ne se dit que des Religieûses, et avec le pronom personel. "Dans certains Monastères, il est défendu aux Religieûses de se dévoiler, de relever leur voile, au Parloir. _ Il s' emploie quelquefois activement, pour signifier, relever une Religieûse de ses voeux. = Au figuré, il est plus usité. Découvrir une chôse qui était cachée. On a dévoilé le mystère. "Il dévoila tous les mystères de cette négociation. _ Dévoilement, ne se dit qu' au figuré: "Le dévoilement des mystères.

DEVOIR


DEVOIR, v. a. et s. m. [De-voar; 1re e muet.] Je dois, tu dois, il doit, nous devons, vous devez, ils doivent; je devais, je dûs, j' ai dû; je devrai, devrais; que je doive, je dûsse; devant, . _ Anciènement on écrivait, je deverai, je deverois, il deveroit; mais on prononçait devrai, devrais, devrait, etc.
   Tel deveroit être le saint Pere
       Hugues de Berci (1200.)
Il n' y a pas si long-temps qu' on écrivait deu, ou deub, que je deusse, pour dûsse; qu' il deut, pour dût.
   Deussé-je, après dix ans, voir mon Palais en cendre.       Androm.
  DEVOIR: 1°. Être obligé à payer quelque chôse, soit argent, ou denrée. "Devoir une somme d' argent à... Devoir tant de setiers de blé de rente. "Il doit plus qu' il n' a vaillant. = 2° Être obligé à quelque chôse par la Loi, l' honêteté, la bienséance, la reconaissance. Il a pour 2d régime le datif; et il régit les verbes à l' infinitif sans préposition. "Nous devons le respect et l' obéissance à nos parens; nous devons aimer Dieu par-dessus toutes chôses, aimer le prochain comme nous-mêmes. "Un homme d' honeur doit tenir sa parole. = 3°. Il se dit aussi, pour marquer qu' il y a une espèce de justice, de raison, qu' une chôse soit: Un bon ouvrier doit être préféré, et payé plus grâssement; ou, qu' il y a une espèce d' aparence qu' une chôse est, ou qu' elle sera. "On doit avoir bien froid en hiver, quand on est mal vétu. = 4°. Pour marquer qu' une chôse arrivera infailliblement: "Tous les hommes doivent mourir. = 5°. Quelque--fois il n' est employé que pour marquer un futur des aûtres verbes employés à l' infinitif: "Il doit arriver demain; il arrivera demain, etc.
   Rem. 1°. Ce verbe doit ordinairement être employé avec deux régimes, l' acusatif et le datif. L' Académie, dans ses Sentimens sur le Cid, reprend Corneille d' avoir dit:
   Je dois à ma Maîtresse, aussi-bien qu' à mon Pere.
Je dois, est trop vague, dit-elle: il devait être déterminé à quelque chose, qui exprimât ce qu' il doit (comme des égards, de l' amour, etc.) Le même Poète fait la même faûte plus bâs, dans la même Scène.
   Dois-je pas à mon Pere autant qu' à ma Maîtresse?
En se servant du réciproque, on peut épargner le régime. "Je me dois à mon Père, autant qu' à ma Maîtresse. _ L' infinitif des verbes, précédé de la prép. de, suplée aussi pour le régime absolu. "Thebes dois à leurs instructions, d' avoir eu peu de mauvais Princes: ou sous-entend le bonheur, l' avantage, etc. M. l' Ab. Grosier, apostrophant Senèque, dit: "Tu es un Philosophe; tu appartiens à tous les Peuples de la Terre, et tu leur dois de mettre en pratique tes préceptes sublimes.
   2°. Aûtrefois on aimait à employer devoir avec des noms, sans article.
   - - - Vous qui devez respect au moindre des Romains.
       Corn.
On doit toujours respect au Sceptre.Id.
M. Moreau l' emploie volontiers de la sorte. "Le Connétable assembloit tous les Administrateurs secondaires, qui lui devoient service et obéissance. "Tous connoissoient le Seigneur, à qui ils devoient service, et qui leur devoit réciproquement défense et protection. "Ces Arriere-Vassaux, qui, devant service, étoient aussi assurés d' exiger secours. "Il fut avoué généralement, que tout Feudataire devoit à son Seigneur service militaire, secours de ses armes, assistance de ses conseils, etc. etc. _ L' Acad. semble autoriser ces manières de parler par les phrâses suivantes: "Le Vassal doit hommage à son Seigneur. "Un fils doit respect à son père. "Un citoyen doit obéissance aux Loix; un sujet à son Prince. Mais ce sont-là des phrâses consacrées par l' usage, qui ne doivent pas tirer à conséquence pour tous les mots d' une Langue.
   3°. En devoir de reste à quelqu' un, expression du style familier. Le pronom en, quoique inutile pour le sens, est essentiel à cette manière de parler: on ne doit pas le retrancher, comme l' ont fait quelques Écrivains. Vous me devrez toujours beaucoup de reste, tant que vous ne m' aimerez pas. Voit. "Ils croient qu' on leur doit beaucoup de reste, quand on leur fait l' aumône. Charlev. = N' en rien devoir à, ne pas le céder à, n' être pas inférieur à: "Tous les tours que fait cette belle Seine, dont les bords n' en doivent rien à ceux de la Loire. Sév. _ En est là aussi nécessaire que le à céder; et ne doivent rien, comme ne cèdent point, serait irrégulier et incorrect.
   4°. Devriez, comme devrions, en prôse est de deux syllabes; en vers, il en a trois.
   Vous devriez n' avoir de secrets que les vôtres.
   5°. On doit, il faut (synonymes.) Voyez FALLOIR.
   Le proverbe dit: Qui me doit, me demande, ceux qui ont tort sont souvent les premiers à se plaindre. _ Quand on doit, il faut payer ou agréer; quand on ne paye pas un ouvrier, un marchand, il faut du moins arrêter leurs comptes, et leur doner quelque assurance de leur paiement. Qui a terme ne doit rien, on n' est obligé de payer qu' à l' échéance du terme. _ On dit, d' un homme qui doit beaucoup, qu' il doit plus d' argent qu' il n' est grôs; qu' il doit à Dieu et au monde; qu' il doit au tiers et au quart.
   DEVOIR, s. m. Ce à quoi on est obligé par la Loi, l' honnêteté, la bienséance, etc. S' aquiter de son devoir: satisfaire à son devoir; faire son devoir; remplir ses devoirs. Faire, dans une batâille, le devoir de Capitaine et celui de Soldat. Faire son devoir de Chrétien, etc. etc.
   Devoir, obligation (synon.) La Loi nous impôse l' obligation, et l' obligation engendre le devoir. Nous sommes tenus par l' obligation et à un devoir. Ainsi l' obligation désigne l' autorité, qui lie; et le devoir, le sujet qui est lié. "C' est l' obligation qui nous lie, c' est au devoir qu' elle nous lie. _ Le devoir est l' action conforme à l' obligation: Extr. des Synon. de M. l' Abé Roubaud.
   Rem. Ce mot entre dans plusieurs expressions. _ Rendre des devoirs; rendre ses devoirs; rendre visite. "Alcibiade lui rendit des devoirs. Elle ne se défia ni de lui, ni d' elle-même. Marm. "Je suis allé hier pour vous rendre mes devoirs. Aux gens fort supérieurs, on dit, rendre ses respects. _ Se mettre en devoir de, avec l' infinitif. "Les mouvemens de la nature ont déja fait bien du chemin, avant que la raison soit avertie; et quand elle s' est mise enfin en devoir d' agir, elle trouve bien du désordre. Fonten. _ Faire un devoir à... de... "Il n' auroit pas voulu lui-même lui faire un devoir d' être à lui. Marm. _ Bien faire son devoir, et en bien faire son devoir, sont deux chôses un peu diférentes: la 1re exprime réellement le devoir; l' aûtre se dit dans bien des ocasions où le devoir n' a point lieu. "Vous portez-vous bien? _ J' en fais bien mon devoir, c. à. d. Je me porte très--bien. "Je suis sûr que vous ne croyez pas le mouvement de la terre autant qu' il devroit être cru... Oh! pour cela, reprit-elle, j' en fais bien mon devoir, je crois fermement que la terre tourne. Font. _ Être dans son devoir, se tenir dans son devoir, se tenir dans l' état où l' on doit être devant les persones à qui l' on doit du respect. _ Rentrer dans son devoir: se remettre dans l' obéissance, dans la subordination, dont on s' était écarté. _ Ranger quelqu' un à son devoir, l' obliger à faire ce qu' il doit. _ Derniers devoirs, les honeurs funèbres, les cérémonies qu' on fait aux enterremens. _ Devoir Pascal, la Comunion que chaque Chrétien doit faire tous les ans à sa Paroisse dans le temps Pascal.
   * Devoir s' est dit autrefois pour obligation. On disait, avoir devoir à quelqu' un, comme on dit, lui avoir obligation. "Elles prieront pour leurs parens, et pour tous ceux à qui elles ont un particulier devoir. St. Fr. de S.

DÉVOLE


DÉVOLE, s. f. Terme du jeu de cartes, qui se dit lorsque la persone, qui fait jouer, n' a fait aucune levée. Il est oposé à vole.

DÉVOLU


DÉVOLU, ÛE, adj. DÉVOLU ou DÉVOLUT, s. m. [1re é fer.] Dévolu, qui est aquis par droit de dévolution, par droit Seigneurial et féodal. Droit dévolu, terre dévolue à la Courone. _ On dit aussi par extension, procès dévolu à la Cour; terme de Palais.
   DÉVOLUT, Provision en Cour de Rome d' un Bénéfice qu' on prétend être vacant. Prendre un dévolut, obtenir un dévolut, jeter un dévolut, faire signifier la provision obtenue. "Avoir un Bénéfice par dévolut, etc. Fig. (st. fam. et badin.) "Une Dame de la Cour jeta un dévolu sur lui. Les Numéros.
   REM. Ménage, La Touche, l' Acad. ont dit dévolu sans t. Le Dict. de Trév. met dévolut avec un t final; et il semble que dévolution, dévolutaire, qui en sont dérivés, doivent le faire préférer. Le Dict. d' Orth. done le choix des deux. Dans le Rich. Port. on met dévolu en ligne, et dévolut entre deux crochets.

DÉVOLUTAIRE


DÉVOLUTAIRE, s. m. DÉVOLUTIF, IVE, adj. DÉVOLUTION, s. f. [Dévolu--tère, tif, tive, cion; 1re é fer. 4e è moy. et lon. au 1er.] Dévolutaire, est celui qui a obtenu un dévolut. "Tout dévolutaire est odieux. Dévolutif, se dit principalement d' un apel, qui saisit de la conaissance d' une afaire, un Juge Supérieur; Apel dévolutif. _ Dévolution, aquisition d' un droit dévolu. Droit de dévolution. "Cette Seigneurie apartient au Roi par dévolution.

DÉVORANT


DÉVORANT, ANTE, adj. *DÉVORATEUR, s. m. DÉVORER, v. a. [1re é fer. 3e lon. aux 2 1ers, é fer. au 3e; l' o est long devant l' e muet: il dévôre, dévôrera, etc.] Dévorant, qui devôre. Lion dévorant, bête dévorante. Fig. Estomac, apétit dévorant; flammes dévorantes: "Il a un feu dévorant dans les entrâilles. Air dévorant, extrêmement subtil. "De l' ambition naissent les jalousies dévorantes. Massillon. "L' impétueux Hector... étoit retourné sur ses pas, quand la nuit fut venue dérober le reste des Grecs à sa dévorante épée. Mde. Dacier, Iliade. Cette dernière métaphore est hardie, et n' est bone que dans la haute Poésie.
   * Dévorateur est vieux. Il ne se dit point dans le propre, mais seulement dans le figuré-fam. "Dévorateur ou dévoreur de livres. Trév. met le 1er, et cite Benserade. "Rien n' échape à ces dévorateurs. Le Rich. Port. met les deux; l' Acad. ne met ni l' un ni l' autre. _ L' Abé Coyer a employé dévorateur, et il est, pour cela et pour beaucoup d' autres chôses, justement critiqué dans l' Ann. Litt. "L' homme devenu le dévorateur de toute la nature animée, osa tremper sa langue dans le sang des animaux.
   Dévorer, ne se dit au propre que des bêtes féroces. "Les bêtes féroces l' ont dévoré. "Il a été dévoré par les tigres, etc. On le dit aussi des crocodiles, des brochets, etc. _ Fig. et neutralement: manger goulument et avidement: "Cet homme dévôre. _ Et activement, la faim le dévôre. "Être dévôré d' ambition. Vertot.
   Quelques-uns dévorés d' une impuissante envie,
   À~ rimer pour eux seuls passent toute leur vie.
       L' Ab. du Resn.
"Dévorer une persone des yeux, les tenir fixement atachés sur elle. "Dévorer une chôse en espérance; ne douter point qu' on ne la possède bientôt. "Dévorer des livres, les lire avec avidité. On dit, dans l' Ann. Litt. sur le ton ironique: "Ces malheureuses Annales (de M. Linguet) qu' un public imbécille s' obstine à dévorer. _ Dévorer les dificultés dans les études, en venir courageûsement ou facilement à bout. _ Dévorer un afront, l' essuyer sans se plaindre; Dévorer ses larmes, les retenir. "Dévorer son coeur: se chagriner, est sans doute un hellénisme, Mde Dacier l' a employé quelquefois dans sa Traduction de l' Odyssée. Cette expression n' est pas française.

DÉVOREUR


DÉVOREUR, EûSE, s. m. et f. Mots forgés, qui peuvent servir dans la conversation et dans des Lettres. "Pour Pauline, cette dévoreûse de livres, j' aime mieux qu' elle en lise de mauvais (pour le style), que si elle n' aimoit point à lire. Sév. Voyez DÉVORATEUR.

DÉVOT


DÉVOT, OTE, adj. DÉVOTEMENT, [1re é fer. 3e e muet: Dévo, vote, vote--man.] Pieux. Pieûsement, "Homme fort dévot, femme fort dévote; air dévot, extérieur dévot. Le Sexe dévot. Les ames dévotes: être dévot à la Ste. Vierge, etc. _ Subst. "Les vrais dévots, les faux dévots. Faire le dévot. = Dévot, dévote tout court, se prend en mauvaise part, et s' entend des faux dévots, des fausses dévotes. "C' est un dévot, une dévote. _ "Prier Dieu dévotement, entendre dévotement la Messe.

DÉVOTIEUX


*DÉVOTIEUX, EûSE, adj. DÉVOTIEûSEMENT, adv. Ils sont vieux. "C' est un homme fort dévotieux.: "Il prie dévotieûsement. On dit dévot, dévotement.
   Rem. Autrefois on employait ces mots dans le sens de dévouement, comme dans celui de dévotion. On lit dans d' anciènes Remontrances du Parlement, qu' il priait Sa Majesté d' avoir ses remontrances pour agréables, comme venant de la plus dévotieûse, fidelle et obéissante Compagnie qui pouvoit être.

DÉVOTION


DÉVOTION, s. f. [Dévo-cion, et en vers ci-on: 1re é fer.] Piété, atachement au service de Dieu. Vraie ou fausse dévotion, raisonable, sincère, ou mal entendue, afectée, etc. Être dans la dévotion, dans une grande dévotion. _ Se mettre dans la dévotion.
   REM. Dévotion régit le datif, ou le génitif (à ou de): le 1re régime est le meilleur; il semble même qu' il devrait être le seul bon. Il parait qu' on devrait toujours dire, la dévotion à la Ste. Vierge, aux Ss. Anges; mais l' usage a prévalu de dire aussi, la dévotion de la Ste. Vierge, des SS. Anges. _ Avec le verbe avoir on dit toujours à, et dévotion s' emploie sans article, ou avec l' article partitif. Avoir dévotion, ou de la dévotion, ou beaucoup de dévotion à un Saint, à une Église. _ Il se prend aussi pour les exercices de la dévotion. Il est en dévotion: Je n' ai pas voulu interrompre votre dévotion. _ Voyez RELIGION.
   DÉVOTION au pluriel, se dit pour la Communion. Faire ses dévotions. * M. Grosier dit de Sennacherib, qu' il périt misérablement à Ninive, et que ses deux fils le tuèrent dans le Temple, où il faisoit ses dévotions. L' expression me parait fort impropre, aussi bien que celle de Madame Dacier, qui dit que "Mercure protégeoit Autolycus, parce qu' il avait pour lui une dévotion particulière. Ce mot, apliqué aux Divinités payènes, me parait fort déplacé.
   DÉVOTIONS signifie quelquefois Dévoument, disposition à faire la volonté de quelqu' un: mais il ne se dit que dans cette phrâse adverbiale, être à la dévotion de... à ma dévotion. "On lui manda que la ville étoit à sa dévotion. D' Abl. "Les Bactriens étoient à leur dévotion. Id. _ * Autrefois on lui donait le sens d' atachement singulier, de complaisance aveugle.
   J' aurais toujours pour vous, ô suave merveille!
   Une dévotion à nulle aûtre pareille.
       Mol.
Cela ne serait bon aujourd'hui que pour rendre ridicule un hypocrite.
   À~ dévotion, adv. À~ volonté, sans y être obligé. "L' ofrande est à dévotion. Proverbialement, à l' ofrande qui a dévotion; va à l' ofrande qui veut. Le proverbe dit: il n' est dévotion que de jeune Prêtre, comme il dit: il n' est ferveur que de novice. On n' a jamais plus d' ardeur pour une profession et dans une entreprise, que quand on la comence.

DÉVOTIONETTES


DÉVOTIONETTES, s. f. pl. Terme forgé peu heureûsement par un fabricateur de Lettres, qui, prêtant à un Pape ses basses idées, a voulu rendre la dévotion ridicule, et n' a réussi qu' à se rendre ridicule lui-même. Tant que ce mot n' aura pas d' autre autorité, il n' y a pas d' aparence que l' usage l' adopte.

DÉVOUEMENT


DÉVOUEMENT, s. m. DÉVOUER, v. a. [Dévoûman, dévou-é; 1re é fer. devant l' e muet, l' ou est long. Il dévoûe, dévoû--era, etc. Dans le futur et le conditionel, cet e muet ne se fait pas plus entendre que dans dévoument: on pron. dévoûra, dévoûrait en 3 syll.] Le dévoument est un abandonement entier aux volontés d' un autre. "Il a un entier dévoûment aux caprices de ce Grand: il s' est doné à lui avec un entier dévoûment. _ On dit aussi par politesse, à la fin d' une lettre, je suis avec un entier, un parfait, un sincère dévoûment, etc. Voy. Attache, Attachement.
   Dévouer, Dédier, consacrer. "Il a dévoué ses enfans au service de la Patrie, du Prince. "Il s' est entièrement dévoué aux fonctions du zèle, etc. "Je vis de tous côtés des femmes et de jeunes filles vainement parées, qui alloient, en chantant les louanges de Vénus, se dévouer à son Temple. Télém. Dans cette occasion, c' est un terme modeste employé par Fénélon pour exprimer les infâmes prostitutions, qui étaient quelquefois, chez les Payens, des actes de Religion. _ Il régit aussi la prép. à devant les verbes. "Se dévouer à verser sur le genre humain, non-seulement des lumières agréables, mais aussi des instructions salutaires. J. J. Rousseau.

DÉVOYER


DÉVOYER, v. a. [Dé-voa-ïé; 1re et dern. é fer. Devant l' e muet on change l' y en i; il devoie, ils devoient: pron. dé--voâ: l' oi est long. Au futur et au conditionel, il devoiera, dévoierait, et non pas dévoyera, dévoyerait. Pron. dévoâra, dé--voârè, en 3 syll.] Au propre, détourner de la voie, du chemin. "Ce guide l' a dévoyé. "Il s' est dévoyé. Figurément; se dévoyer du chemin du salut, de la vérité; le quiter.
   DÉVOYER, causer le dévoiement, éfet ordinaire des indigestions. "Ces fruits l' ont dévoyé, lui ont dévoyé l' estomac.
   DÉVOYÉ, adj. On apèle tuyau dévoyé, un tuyau de cheminée, qui, après être monté verticalement, se détourne de sa ligne droite. _ S. m. pl. Ramener les dévoyés, ceux qui ne sont pas dans la bone voie du salut. Il est un peu vieux. L' Acad. le met sans remarque.

DEUTÉRONOME


DEUTÉRONOME, s. m. [Deu-téro--nome: 2e é fer. dern. e muet.] Nom du 5e Livre du Pentateuque.

DEUX


DEUX, adj. DEUXIèME, adj. DEUXIèMEMENT, adv. [Deû, long; devant une voyelle, Deûz, deu-ziè-me, zièmeman, 2e è moy. 3e e muet.] Ils expriment un nombre double de l' unité. Deux hommes, deux femmes. "Il loge au deuzième étage, à la deuxième chambre. _ On dit plus souvent second, seconde, que deuxième. _ Deuxièmement, en second lieu.
   REM. 1°. Deux est quelquefois substantif: Éfacez ce deux; un deux de coeur, de pique, etc.
   2°. Doit-on tous deux, toutes deux, ou tous les deux, toutes les deux? Le premier vaut mieux pour le discours familier, et le 2d, pour le discours soutenu. "Elles vous embrassent toutes deux. Sév. "Sa délicatesse blessée sera leur suplice à tous deux. Marm.
   Ainsi fut fait: de tous deux
   On mit près du but les enjeux.
       La Font.
L' Acad. ne met d' exemple que de tous deux. "Je les ai vu tous deux ensemble: mais ce n' est pas une preuve qu' elle condamne tous les deux.
   3°. On dit, de deux en deux jours, de deux en deux mois, sans répéter le substantif. Dans les Lett. Edif. on lit, de deux jours en deux jours. Ce n' est pas l' usage. _ On dit, dans le même sens, de deux jours l' un.
   Piquer, ou doner des deux, apuyer en même temps les deux éperons. _ Être à deux (et non pas à droit) de jeu: n' avoir point d' avantage l' un sur l' aûtre. _ Porter ses deux, jouer seul contre deux. Figurément, exercer deux fonctions. _ On dit, en ce sens, au propre et au figuré, faire les deux mains.

DEXTÉRITÉ


DEXTÉRITÉ, s. f. *DEXTRE, s. f. DEXTREMENT, adv. [Dèkstérité, dèkstre, treman; 1re è moy. 2e é fer. au 1er e muet aux 2 aûtres.] Dextérité, se dit de l' adresse du corps et de celle de l' esprit. "Avoir de la dextérité aux ouvrages de la main. "Il joue des gobelets avec une grande dextérité. _ Dextérité à manier les afaires. "Il a conduit cette afaire avec beaucoup de dextérité. Voy. ADRESSE.
   *DEXTRE, la main droite. Vieux mot, qui n' est plus bon que pour le marotique. Le Dict. de Trév. dit que c' est un terme de Théologie. "J. C. est assis à la dextre de Dieu son Père. L' Acad. dit aussi, à la dextre de Dieu, à la dextre du Tout-Puissant, à la dextre du Père; mais elle remarque qu' il ne se dit que dans ces phrâses, où même il est vieux. On dit aujourd'hui, à la droite.
   On lit dans Froissart, qu' au dîner du Sacre de Charles VI, en 1380, les cinq Oncles du Roi Brabant, Berry, Anjou, Bourgogne et Bourbon s' assirent à table bien loin de lui, et l' Archevêque de Rheims et aûtres Prélats à sa dextre.
   Boileau, dans le Lutrin, s' est servi de ce mot. Il dit du Prélat, le Héros du Poème:
   Mais bientôt rapelant son antique prouesse,
   Il tire du manteau sa dextre vengeresse,
   Il part, et de ses doigts saintement alongés,
   Bénit tous les passans, en deux files rangés.
Corneille avait dit auparavant:
   Vous, dignes comandans, vous, dextres aguerries.
Le Lutrin est un Poème héroï-comique où les vieux mots peuvent trouver leur place. Mais dans une Tragédie, ou un Poème sérieux, on n' aprouverait peut-être pas dextre, sur-tout au pluriel.
   Dextrement, avec dextérité, parait aussi vieux, et hors d' usage. L' Acad. l' admet pourtant encore pour le style familier. "Il a fait cela fort dextrement. On l' admettait autrefois dans tous les styles. "Un Peintre peignit un rideau si dextrement, qu' on s' avisa de le tirer. D' Ablancourt.

DIA


DIA, ces trois lettres, tantôt ne forment qu' une syllabe, comme dans diable et quelques-uns de ses dérivés, Diacre, diamant, diarrhée; tantôt il est de deux syllabes, comme dans diabolique, Diaconat, diadème, diagonale, dialecte, dialogue, dialomètre, etc.

DIABLE


DIABLE, s. m. DIABLEMENT, adv. DIABLERIE, s. f. [Dia-ble, bleman, ble--ri-e; 2e e muet, 3e lon. au 2d.] Diable, Démon. Celui-ci est plus noble, et de tous les styles; celui-la n' est que du style fam. _ Comme il est souvent dans la bouche du peuple, il a servi à former plusieurs expressions proverbiales. _ Avoir le diable au corps; être fort méchant. _ Faire le diable à quatre; faire fracâs. _ Tirer le diable par la queûe; avoir de la peine à vivre. _ Faire le diable contre quelqu' un, faire du pis qu' on peut contre lui. _ Dire le diable de quelqu' un; en dire beaucoup de mal.
   On dit, de celui qui en fait plus qu' on ne lui a comandé, qu' il fait comme le valet du Diable; de celui qui trouble le repos des aûtres, que, quand il dort, le Diable le berce; d' un grand mangeur, qu' il mangerait le Diable avec ses cornes. = Il vaut mieux tuer le Diable, que si le Diable nous tûe; il vaut mieux que les aûtres soufrent le domage que nous-mêmes. _ Pour dire que tout ce qui est jeune est passable, on dit que le Diable était beau, quand il était jeune. _ C' est le diable; c' est la dificulté. _ Un diable de, signifie mauvais, désagréable. Un diable de chemin, un diable de cabaret. "Il fait une sècheresse et un diable de vent tout propre à rendre malade. M. de Coul. = Il a quelquefois le sens d' entêté, opiniâtre, difficile. "Ce diable d' homme me fait enrager. "Je n' ai jamais pu faire entendre raison à ce diable d' homme. Marin. = À~ la diable, Mauvais. Des vers à la diable. Voltaire dit dans son Épitre à Horace:
   Toujours ami des vers, et du Diable poussé,
   Au rigoureux Boileau j' écrivis l' an passé.
   "Assurément, dit Fréron, il ne faut être, ni poussé, ni possédé du Diable, pour composer de pareils vers; et si l' on ne craignoit de faire une mauvaise plaisanterie, que se seroit permis Voltaire, si elle lui étoit venûe, on pourroit dire, que ce sont des vers à la diable. Ann. Lit. _ Cela revient à cette expression proverbiale: pour faire une chôse si facile, il ne faut pas se doner au diable.
   C' est un bon diable, un bon garçon; un méchant diable, un homme très-méchant; un pauvre diable, un homme malheureux, pauvre, misérable, etc. "Il a le diable au corps, il a beaucoup d' esprit. V. CORPS, vers la fin. _ Au diable le profit que j' en ai tiré, je n' en ai tiré aucun. Au diable qui le fera, je défie quiconque de pouvoir le faire. _ Il ne craint ni Dieu ni diable, c' est un impie, un libertin endurci. _ Cela est allé à tous les diables, on ne sait ce que cela est devenu. _ "Il n' est pas si diable qu' il est noir, si méchant qu' il le parait. _ Cela se fera si le diable s' en mêle, se dit d' une chôse qu' on croît impossible. _ Le Diable n' est pas toujours à la porte d' un pauvre homme, un homme malheureux ne l' est pas toujours. _ On dit, en désaprouvant: que diable avez-vous fait, avez vous dit? À~ quoi diable s' amûse-t-il? De quoi diable se mêle-t-il?
   En diable. adv. Fort, extrêmement. Fraper en diable, menteur en diable _ On dit, dans le même sens, comme le diable, comme tous les diables: "Il l' a batu comme le diable: Il ment comme tous les diables.
   DIABLEMENT, (st. famil.) excessivement. Diablement chaud; femme diablement laide.
   DIABLERIE, sortilège. "Il y a là de la diablerie. _ Figurément, il se dit des mauvais éfets dont on ignôre la caûse. "Cette machine ne va point: il y a quelque diablerie là dedans.

DIABLESSE


DIABLESSE, s. f. DIABLEZOT! interj. [Dia-blèce, blezot: 2e è moyen au 1er, e muet au 2d.] Diablesse se dit, par injûre, d' une méchante femme: "C' est une diablesse; ou par esprit de compassion, pauvre diablesse, bonne diablesse, comme on dit pauvre diable, bon diable.
   DIABLEZOT! Interjection et exclamation. "Je vous conseille de le faire. _ Diablezot! c. à. d. je n' en ferai rien, etc.

DIABLOTIN


DIABLOTIN, s. masc. [Dia-blo-tein.] Petit diable. "Cet enfant est un petit diablotin. _ Diablotins. Petites tablettes de chocolat, couvertes de petites dragées de nom--pareille.

DIABOLIQUE


DIABOLIQUE, adj. DIABOLIQUEMENT, adv. [Di-abolike, likeman; 5e e muet.] Qui est du Diable, qui vient du Diable. "Tentation diabolique. _ Figurément et plus ordinairement, extrêmement méchant. Esprit diabolique; artifice diabolique; méchanceté diabolique; chemin diabolique; ragoût diabolique. "Calomnie diaboliquement forgée.

DIACONAT


DIACONAT, s. m. DIACONESSE, s. f. DIACRE, s. m. [Dia, dans les deux 1ers, est de deux syllabes, et d' une seule dans le dernier: Di-akona, nèce, Dia-kre; 4e è moy. au 2d, dern. é fer. aux deux derniers.] Diaconat est le second des ordres sacrés. Diacre, celui qui est promu au Diaconat. Faire Diacre à la Grand' Messe. _ Diaconesse, nom qu' on donait dans la primitive Eglise, à des veuves et à des filles destinées à certains ministères. "Les Diaconesses servaient à déshabiller les femmes et les filles qu' on baptisait par immersion.
   Rem. Aûtrefois on disait Diaconesse, ou Diaconisse; et Richelet dit qu' il semble que l' usage est pour le dernier. L' usage a donc changé. On ne dit plus que Diaconesse.

DIADèME


DIADèME, s. m. [Di-adème; 3e è moy. dern. e muet.] Bandeau royal. "Ceindre, porter le diadème. "Ceindre son front d' un diadème. _ En Poésie, diadème se prend pour royauté.

DIAGONAL


DIAGONAL, ALE, adj. DIAGONALEMENT, adv. [Di-agonal, ale, aleman; 5e e muet.] Termes de Mathématique. Diagonal est ce qui va d' un angle à l' aûtre, dans une figure rectiligne, en pâssant par le centre: ligne diagonale. _ S. fém. La diagonale. _ Diagonalement, d' une manière diagonale. "Ligne qui coupe un plan diagonalement.

DIALECTE


DIALECTE, s. m. [Di-alèkte; 3e. è moy. dern. e muet.] Le genre de ce mot a été longtems contreversé. Richelet, MM. de Port-royal, le Dict. d' Ortog. sont pour le féminin. Furetière, l' Acad. Ménage, d' Olivet, Fréron, le Rich. Port. sont pour le masculin. Les Auteurs étaient aussi partagés. Le masculin a prévalu. _ Langue particulière d' une Ville, d' une Province, dérivée de la langue générale de la Nation. "La langue grecque a diférens dialectes. Le dialecte atique, l' \ïonique, le dorique.
   Rem. Quelques Écrivains le font encôre féminin. "Il faut, pour écrire l' Histoire de Russie, aprendre non-seulement le Russe moderne, mais l' ancienne dialecte Sclavone-Russe. L' Ab. de Fontenai.

DIALECTICIEN


DIALECTICIEN, s. m. DIALECTIQUE, s. f. DIALECTIQUEMENT, adv. [Di-alèk-ti--cien (en n' a pas le son d' an) lèktike, ti--keman; 3e è moy. 5e e muet aux deux derniers.] Dialectique; Logique. Art de raisoner. Dialecticien, logicien. Dialectiquement; en bon dialecticien. "Cela ne peut se soutenir en bonne dialectique. "Il n' y a pas de la dialectique dans ce raisonement. "Il raisone fort bien: c' est un bon dialecticien. "Il procède, il raisone dialectiquement.

DIALOGIQUE


*DIALOGIQUE, adj. C' est un mot de l' Ab. Desfontaines. Qui tient de la natûre du dialogue. "Mr. Pluche a employé la forme dialogique, d' une manière qui mérite d' autant plus d' indulgence, qu' il étoit très--dificile de composer des entretiens sur la matière dont il s' agit. (Dans le Spectacle de la Nature.)

DIALOGUE


DIALOGUE, s. m. DIALOGUER, v. a. [Di-aloghe, loghé: dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dialogue est proprement un entretien de deux ou plusieurs persones: "Ils ont eu un long dialogue ensemble. Il n' est que du stile familier. _ Il se prend plus particulièrement pour un entretien par écrit. Les Dialogues de Platon, de Ciceron, de Lucien. Les Dialogues des Morts par Fontenelle, etc.
   DIALOGUER, c' est faire parler entre eux plusieurs persones. On ne l' emploie qu' au passif. "Cette scène est bien dialoguée: le dialogue y est juste, naturel, vif, animé, etc. "Il y a longtemps qu' on ne voit paroitre sur le théâtre de Melpomène, que des Romans dialogués. ANN. LIT.

DIAMANT


DIAMANT, s. m. DIAMANTAIRE, s. m. [Dia-man, en vers, di-aman, dia-mantère; 2e lon. 3e. lon. au 2d, è moy. 4e e muet.] Diamant est une pierre précieûse, la plus dûre et la plus brillante de toutes. Diamantaire est l' ouvrier qui tâille les diamans, et qui en fait trafic. Ce mot est aujourd'hui peu usité: on dit Lapidaire.
   Rem. Diamant est de trois syll. en vers.
   Un diamant informe et tout couvert de terre,
   Ne pouvoit consentir à se laisser tailler.
       L' Ab. Reyre.
  Rien n' est parfait dans la natûre,
  Les diamans ont leurs défauts.
On dit, proverbialement, à un homme à qui l' on fait espérer une récompense, s' il fait ce qu' on lui demande, qu' on lui donera une poignée de diamans.

DIAMÉTRAL


DIAMÉTRAL, ALE, adj. DIAMÉTRALEMENT, adv. DIAMèTRE, s. m. [Di-a--métral, ale, aleman, di-amètre; 3e é fer. aux trois premiers, è moy. au dern.] Diamètre est une ligne droite, qui va d' un point de la circonférence d' un cercle à un aûtre point, en passant par le centre. Diamétral, qui apartient au diamètre. Ligne diamétrale: cette phrâse est son principal, et presque son seul emploi. _ Diamétralement; d' un bout du diamètre à l' autre: "Les deux Pôles sont diamétralement oposés l' un à l' aûtre. = Il se dit figurément dans les chôses spirituelles et morales: sentimens diamétralement oposés. "L' avarice et la prodigalité sont diamétralement oposées. "Ces deux hommes étoient diamétralement oposés l' un à l' autre, pour l' humeur, le caractère, les opinions, etc.

DIANE


DIANE, s. f. Quand on parle de la Déesse des Forets, ce mot est de trois syllabes: Di-ane. Dans batre la diane, terme militaire, il est de deux syllabes seulement: dia--ne. C' est batre le tambour à la pointe du jour, pour éveiller les Soldats.

DIANTRE


DIANTRE, s. m. [Dian-tre; 1re lon. 2e e muet.] Mot très-familier, dont on se sert au lieu du mot Diable. On dit, ce diantre de, comme on dit, ce diable de. "Vous avez passé ce diantre de Rhône, si fier, si orgueilleux, si turbulent. Sév. "Au diantre soit le fou.

DIAPHANE


DIAPHANE, adj. DIAPHANÉITÉ, s. f. [Di-afane, néité; 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Transparent. Transparence. Corps diaphane. Le cristal est diaphane. "La diaphanéité de l' eau, du verre, etc. _ L' Acad. ne met pas le substantif: mais les Physiciens l' emploient souvent.

DIAPRÉ


*DIAPRÉ, ÉE, adj. DIAPRûRE, s. f. Varié de plusieurs couleurs. Variété de couleurs. Ces deux mots sont vieux, le subst. surtout. L' adjectif, participe du verbe diaprer, qui n' est plus en usage, se dit encôre en parlant d' une espèce de prunes.

DIARRHÉE


DIARRHÉE, s. f. [Diâ-ré-e; 1re et 2e lon. r forte.] Dévoiement, cours de ventre. "Avoir la Diarrhée. "Des fruits qui n' étoient pas assez mûrs, lui ont donné la diarrhée.

DIATRIBE


DIATRIBE, s. f. [Di-atribe.] Dissertation. Ce mot est à la mode, et se prend en mauvaise part. "Le silence sera ma seule réponse aux diatribes, qui ne contiendront que de frivoles récriminations. L' Ab. Grosier.

DICACITÉ


*DICACITÉ, s. f. Inclination, facilité à râiller, à dire des plaisanteries, des mots piquans. C' est un latinisme employé par quelques Auteurs. Ce mot n' est point dans les Dictionaires.
   Laissons une odieuse école,
   De luxe et de dicacité.
       Bérenger.
Le Poète a mis le mot en italique. _ Dicacités, au pluriel, mots piquans; critiques mordantes. L' Ab. Desfontaines sentait mieux que persone, les travers et les ridicules, ce qui donait souvent matière à ses dicacités. L' Ab. de la Porte.; Esprit de l' Ab. Desfontaines.

DICTAMEN


DICTAMEN, s. m. [Pron. comme s' il était écrit, Dictâmène, l' e surajouté, fort muet.] Terme dogmatique. Suggestion, moûvement de la conscience. "Chacun doit suivre le dictamen de sa conscience. St. Evr. _ L' Acad. ne met pas ce mot.

DICTATEUR


DICTATEUR, s. m. DICTATûRE, s. f. [Dicta-teur, tûre; 3e lon. au 2d.] Dictateur, est parmi les anciens Romains, le nom d' un souverain Magistrat, choisi extraordinairement dans des temps dificiles. Dictatûre est le nom de cette Magistratûre.

DICTÉE


DICTÉE, s. f. DICTER, v. act. [Dikté--e, dikté; 2e é fer. long. au 1er, dont la 3e e muet.] Dictée, est ce qu' on dicte pour être écrit en même temps par un seul ou par plusieurs. On dit la dictée d' un Professeur, ce qu' il dicte à ses écoliers. Hors de là on dit, écrire sous la dictée de... et c' est presque le seul emploi de ce mot. * Un Auteur moderne, dit à la Dictée, contre l' usage. "Les symphonistes n' exécutoient que sous eux (les Poètes) et, pour ainsi dire, à leur dictée. Anon. Dans cette acception un peu détournée du sens ordinaire de cette expression, on doit dire, sous la dictée, comme dans le sens propre.
   DICTER, c' est, au propre, prononcer mot à mot ce qu' un autre écrit en même temps. Dicter une lettre à un Secrétaire. "Cette lettre n' est pas de lui, on la lui a dictée. "Un Régent qui dicte un thème à ses écoliers. _ C' est aussi suggérer à quelqu' un ce qu' il doit dire. "On avoit dicté à l' acusé les réponses qu' il devoit faire. _ Figurément, inspirer, soit en bien, soit en mal. "La raison nous dicte cela. "La natûre nous dicte que, etc. "C' est la colère qui lui a dicté toutes ces injures. _ Prescrire: Dicter des lois:
   Telle est la Loi des Dieux, à mon Père dictée.

DICTION


DICTION, s. f. [Dik-cion.] Élocution, ou la partie du style qui regarde le choix des paroles. "Diction pûre, ou élégante, ou vicieûse, etc. En s' emparant de l' esprit de ses lecteurs, par les charmes de la diction, il (Volt.) les dispose à croire tout ce qu' il dit, comme des oracles, à estimer tout ce qu' il estime, à mépriser tout ce qu' il méprise. Le Chev. des Sabl.
   Rem. * Ce mot se dit du style, et non de la déclamation. Quelques-uns pourtant croient louer un Orateur qui prononce bien ses discours, en disant qu' il a une bonne diction. Nous avions fait cette remarque, quand nous avons lu, dans les Annales de M. Linguet, une observation pareille sur une phrâse du Mercûre. "Le défaut, le plus généralement reproché à cet Acteur, porte sur sa diction. "Qu' est ce que la diction d' un Comédien, demande M. Linguet? Depuis quand ce terme est-il synonyme de déclamation, ou de prononciation?

DICTIONAIRE


DICTIONAIRE, s. m. [Dik-cio-nère; 3e è moy. et long, 4e e muet] Dictionaire s' est dit originairement d' un recueuil des mots ou des dictions d' une langue, mis par ordre alphabétique. "Dictionaire Grec, Latin, Français, Anglais, Italien, etc. _ On l' a dit ensuite, par extension, d' un recueuil fait dans le même ordre, des termes d' un art, d' une science, avec leurs significations. "Dictionaire d' Architectûre, de Géographie, de Physique. Dictionaire Historique, etc. "On formeroit une Bibliothèque considérable de la collection de tous les Dictionaires, composés seulement depuis cinquante ans. V. Glossaire.
   Rem. On dit, d' un Traducteur, qui ne sait qu' imparfaitement la langue dans laquelle est écrit l' ouvrage qu' il traduit, qu' il a fait sa traduction à coups de Dictionaire. "M. D. L. H. à coups de Dictionaire, viendra peut-être à bout d' expliquer ce passage. Ann. Lit. _ Mallebranche avait employé cette expression, qu' on avait cru nouvelle; et peut-être en est-il l' inventeur. "La plupart des livres de certains Savans, ne sont composés qu' à coups de Dictionaires.

DICTIONARISTE


*DICTIONARISTE, s. m. Auteur de Dictionaire. Ce mot est dans Trévoux. Ni l' Acad. ni le Rich. Port. ne le mettent pas. On dit, depuis quelque temps, Lexicographe; mais ce mot est trop savant, et ne se dit que parmi les Gens de Lettres. Il semble que Dictionariste serait plus propre pour le discours ordinaire; mais l' usage ne l' a pas adopté.

DICTON


DICTON, s. m. DICTUM, s. m. [Dik--ton, diktome; l' e sur-ajouté extrêmement muet.] Ces deux mots ont la même origine, le mot latin dictum; mais le premier a pris la terminaison Française, l' autre a conservé la latine. Dicton se dit, en style familier, d' une sentence, d' un mot qui est pâssé en proverbe. On ne le dit qu' en plaisantant, et en s' en moquant. "C' est un vieux dicton. "Il n' a à la bouche que de fades dictons. _ Dictum ne se dit qu' au Palais, du dispositif d' une Sentence, d' un Arrêt.

DIDACTIQUE


DIDACTIQUE, adj. [Didaktike; dern. e muet.] Qui est propre à instruire. Ordre didactique. Termes didactiques. Le genre didactique. _ Poème didactique, qui done des préceptes, comme les Georgiques de Virgile, les Jardins du P. Rapin, etc. _ S. f. l' art. d' enseigner. "La didactique. _ S. m. le dictatique. Le genre didactique.

DIèTE


DIèTE, s. f. [Diè-te; 1re è moy. 2e e muet. Le Dict. de Trév. écrit Diette avec 2 tt; le Rich. Port. n' en met qu' un, sans~ accent sur l' e: l' Acad. écrit diète avec l' acc. grâve.] 1°. Régime de vie, qui règle le boire et le manger. "On lui a ordoné une diète exacte. = 2°. Abstinence totale du manger. Faire diète pendant quelques jours. Mettre quelqu' un à la diète. = 3°. Assemblée des Etats, en Allemagne, en Pologne, en Suède. "La diète de l' Empire. Convoquer, assembler, rompre la diète.

DIEU


DIEU, s. m. [Monosyllabe, douteux au singulier, long au pluriel: Dieux.] L' Être suprême, par qui et dans qui tous les autres Êtres existent et subsistent. "Dieu est tout-puissant, tout bon, tout miséricordieux. "Croire en Dieu, aimer Dieu, louer Dieu, etc. etc.
   Rem. 1°. Quand ce mot est dans le câs d' être régi par un verbe passif, ne vous servez pas de la prép. par; mais servez-vous de la prép. de. "Les Anges avoient été envoyés par Dieu, pour avoir soin des Hommes. Hist. Univ. Angl. _ Dites, envoyés de Dieu. "Il est mourant, lorsqu' un songe, envoyé par Dieu, le transporte au Temple du Destin. M. de Vixouze. _ Par Dieu, ressemble trop au juron vulgaire: Envoyé de Dieu, est comme je voudrais dire. Ann. Litt.
   2°. On dit ordinairement, d' un éfet marqué de la Providence, que c' est un coup du Ciel. Bossuet a dit, un coup de Dieu. Votre Ministre triomphe, et publie que c' est un coup de Dieu: mais il y a des coups de Dieu de plus d' une sorte. _ On ne dirait pas aujourd'hui coup de Dieu.
   Entre Dieu et soi, expression adverbiale. Secrettement. La Bruyère, parlant du faux dévot, dit: "Il évite une Église déserte et solitaire, où il pourroit entendre deux Messes de suite, le Sermon, Vêpres et Complies, entre Dieu et lui, et sans que personne lui en sût gré.
   Après Dieu, aûtre adverbe: "Après Dieu, il m' est redevable de la vie.
   ...Le branchage, après Dieu, le sauva.
       La Font.
  Graces à Dieu, ou Dieu merci. Façons de parler, par lesquelles on reconait tenir une chôse de la bonté de Dieu. _ On le dit quelquefois en plaisantant, ou en critiquant. "Personne, Dieu merci, ne prend intérêt à l' être de raison. Art de Penser.
   Au nom de Dieu, pour l' amour de Dieu. Termes dont on se sert comunément, quand on prie instamment quelqu' un de quelque chôse.
   Dieu sait, et que dieu fit, sont des expressions du style familier, qui ajoutent une nouvelle force au sens de la phrase. On ne peut expliquer leur signification que par des exemples. "J' ai peur que le vent ne vous emporte, sur votre terrasse. Si je croyois qu' il pût vous apporter ici par un tourbillon, je tiendrois toujours mes fenêtres ouvertes, et je vous recevrois, Dieu sait. Sév.; c. à. d., avec quelle joie! "Tout de suite on s' est mis à boire, mais boire, Dieu sait. La même; c. à. d., plus qu' on ne saurait s' imaginer. _ On dit quelquefois, dans le même sens, Dieu sait la joie.
   Rem. Quand on parle d' une chôse futûre, Dieu sait emporte une espèce d' afirmation. "Dieu sait combien vous serez méprisé, si vous vous livrez à vos passions. Mais, quand il suit un passé, Dieu sait emporte une espèce de négation. Dieu sait si j' ai commis ce crime; c. à. d., je n' ai point commis ce crime, et j' en prens Dieu à témoin.
   Que Dieu fit, équivaut à certainement. Il est du style plaisant. Dans une Fable de La Fontaine, le Lièvre dit au Grillon:
   Adieu, voisin Grillon, dit-il, je pars d' ici:
   Mes oreilles enfin, seroient cornes aussi...
   Cornes cela! Vous me prenez pour cruche;
   Ce sont oreilles, que Dieu fit.
Ce sont certainement des oreilles. _ Rousseau se fait dire aussi par Marot:
   Ta plume baptise
   De noms trop doux gens de tel acabit,
   Ce sont trop bien maroufles, que Dieu fit.
   Maroufles, soit! Je ne veux vous dédire.
   À~ Dieu ne plaise que, régit le subjonctif. Quand on fait parler les Païens, on dit: Aux Dieux ne plaise. "Un ancien Peintre répondit à un Roi, qui lui donait des avis: Aux Dieux ne plaise que vous sachiez ces choses-lâ mieux que moi. Voy. PLAIRE, vers la fin.
   L' Almanach, après ses ridicules prédictions, finit par dire, Dieu sur tout. Le peuple a aussi souvent cette expression à la bouche. "Je les rembârre qu' il n' y manque rien; je hausse le coude et je m' en vais; et Dieu par--dessus tout. Mariv. Dieu vous gard' ; Dieu merci et vous, ou à vous Dieu merci et la vôtre, sont des façons de parler populaires. Avec l' aide de Dieu, ou, Dieu aidant, expressions familières. S' il plaît à Dieu, est une locution plus noble, et qui peut entrer dans tous les styles.
   Le proverbe dit: La voix du peuple est la voix de Dieu; d' ordinaire le sentiment du public est fondé sur la vérité. _ Ce que femme veut, Dieu le veut; les femmes veulent fortement ce qu' elles veulent. _ Tout va comme il plaît à Dieu, se dit, quand on laisse tout à l' abandon.
   On dit, dans un style plus noble, d' une persone qui a un grand atachement à quelque chôse que ce soit, qu' elle en fait son Dieu. "Il n' aime que les richesses, il en fait son Dieu. "Ce sont des gens qui font leur Dieu de leur ventre, quorum Deus venter est.
   DIEU, se dit abusivement des fausses Divinités. "Les Dieux des Gentils, les faux Dieux. Jupiter, le maitre, le père des Dieux; Mars est le Dieu de la guerre; Apollon, le Dieu de la Poésie, etc.
   On dit familièrement, promettre, ou jurer ses grands Dieux, promettre, ou jurer fortement.
   La femme, neuve sur ce cas,
   Ainsi que sur mainte autre affaire,
   Crut la chose, et promit ses grands Dieux de se taire.
       La Font.
"La Présidence sur-tout, juroit ses grands Dieux qu' elle n' avoit jamais vu d' homme plus noblement coiffé. Marm. "Si Démosthene implore Jupiter ou les autres Dieux, Toureil lui fait jurer de par tous les Dieux. Linguet. Expression basse, traduction ridicule.
   On dit figurément, en parlant des Souverains, et de ceux qui ont beaucoup de pouvoir, qu' ils sont les Dieux de la Terre.

DIFF


DIFF. Dans les mots suivans on écrit deux f, et l' on n' en prononce qu' une. Il serait à souhaiter qu' on n' en écrivît qu' une aussi.

DIFFAMANT


DIFFAMANT, ANTE, ou DIFAMANT, adj. DIFFAMATEUR, s. masc. [Difaman, mante, mateur.] Difamant, se dit des chôses: qui difame, qui est dit ou fait pour difamer. Difamateur, se dit des persones: celui qui difame. Discours difamant, paroles difamantes. Pour les écrits, on dit difamatoire. "Insigne difamateur, difamateur public. "On l' a poursuivi, ou condamné comme difamateur.

DIFFAMATION


DIFFAMATION, ou DIFAMATION, s. f. DIFFAMATOIRE, adj. DIFFAMER, v. act. [Difama-cion, ma-toâ-re, ; 4e lon. au 2d.] Diffamer, c' est déshonorer, calomnier, décrier, noircir la réputation. Difamation, est l' action par laquelle on difame. difamatoire, se dit sur-tout des écrits difamans. Libelle difamatoire. "C' est se difamer soi-même, que d' écrire pour difamer les aûtres. "La difamation du prochain est un très-grand péché, et souvent une odieûse lâcheté. _ Difamer vient de fame, qu' on a dit aûtrefois pour réputation.
   Rem. Rousseau done à difamer le sens de déchirer, écorcher; mais c' est dans le style marotique.
   L' affligé Bucéphale,
   Qui, saccadé par la bride fatale,
   Se sent encor diffamer les côtés
   Par deux talons, de pointes ergotés.

DIFFÉREMMENT


DIFFÉREMMENT, adv. [Diféraman; 2e é fer.] Quelques Auteurs, ou Imprimeurs, écrivent différamment; mais puisqu' on écrit différence, différent, avec un e, il est inconséquent d' écrire différamment avec un a. = D' une autre manière. Trév. Diversement, d' une manière différente. Acad. Il se dit, ou avec la prép. de: "Vous le racontez bien diféremment de ce que je l' ai oui dire; ou sans régime. "Ils en parlent tous deux bien diféremment. On sous-entend, l' un de l' aûtre. Ainsi, l' on ne doit l' employer absolument qu' avec un pluriel, ou avec relation à une phrâse précédente. "On a raconté ce fait de la sorte. _ M. un tel, qui en a été témoin, en parle bien diféremment. Il s' associe d' ordinaire avec bien.
   Rem. Comme on dit, il en est autrement de, etc. l' Ab. Henne.. a cru pouvoir dire, en imitation, il en est diféremment de, etc. mais l' usage a reçu l' un, et n' a pas admis l' aûtre. Après avoir parlé du plaisir atroce que troûve le peuple à voir suplicier un malheureux: "Il en est différemment, dit-il, du plaisir que l' on ressent à la représentation d' un Tragédie. Du Plaisir.

DIFFÉRENCE


DIFFÉRENCE, ou DIFÉRENCE, s. fém. DIFFÉRENCIER, v. a. [Diférance, diféran--ci-é; 1re é fer. 2e lon.] Distinction, diversité, dissemblance. Distinguer, mettre de la diférence. "Faire la diférence de; mettre de la diférence entre, ou de. "Je sais faire la diférence de ces deux persones, de ces deux ouvrages: "Je sais en faire la diférence. "Quoi! vous ne mettez pas de la diférence entre l' un et l' autre! de l' un à l' aûtre, ou avec l' autre. "Il y a pourtant une grande diférence, etc.
   DIFÉRENCIER. "Cela sert à les diférencier; à en marquer la diférence. _ Un Auteur moderne le fait neutre, et lui done un sens passif. "Ces discours étourdis ne différencioient, dans la bouche du Vieillard et du Robin, que par une haleine plus renouvelée. Anon. Cette manière d' employer ce verbe est un vrai barbarisme. Il falait dire, n' étaient diférentes. _ Un aûtre le fait réciproque. "Dans ces trois ouvrages, il y des morceaux entiers qui ne se différencient que par quelques mots et quelques tournures. Tart. Epist. Il falait encôre dans cette phrâse, qui ne sont différenciés, etc.
   Rem. 1°. Diférence, inégalité, distinction. (synon.) Le 1er est le genre, dont les deux aûtres sont des espèces. Le 2d semble marquer la différence en qualité, et le 3e en quantité. Encycl. Beauzée.
   2°. DIFÉRENCE, régit le génitif et le datif (de et à.) "La puissance législative réside dans une seule persone, ou elle apartient à plusieurs: de-là la diférence des Monarchies aux Républiques. _ On dit, avec ces deux régimes, la diférence du plus au moins. Mallebranche dit toujours, différence du plus et du moins; c' est contre l' usage.
   3°. En termes de Logique, diférence, est la qualité essentielle qui distingue les diverses espèces du même genre. Dans cette définition, "L' âme est une substance incorporelle: substance est le genre, incorporelle est la diférence.

DIFFÉRENT


DIFFÉRENT, ENTE, ou DIFÉRENT adj. DIFFÉREND, s. m. [Diféran, ran-te, ran; 2e é fer. 3e lon.] Plusieurs ne mettent aucune diférence pour l' ortographe, entre l' adjectif et le substantif, et les écrivent tous deux avec un t final. L' Acad. a adopté cette manière; mais quelque grande que soit son autorité, l' usage le plus ancien, le plus constant et le plus universel est pour différend avec un d à la fin: on peut même dire que cet usage est raisonable, et qu' il est bon de diférencier ces deux mots, ne fût-ce que pour prévenir les équivoques. _ Différent, dissemblable, divers, contraire en quelque point. Trév. Il faut ajouter, à un aûtre. "Divers, etc., qui n' est pas de même. Acad. Je crois qu' on doit ajouter aussi, qu' un aûtre. "Distingué, divers, qui diffère. Le Rich. Port. La même addition parait encôre nécessaire ici, parce que différent est un terme relatif. D' ailleurs, qui difère, est équivoque, à cause des deux significations de diférer, neutre, ou actif. = Il régit la prép. de. "Ils sont diférens d' humeur, de langage, d' opinion, de sentiment. "Cela est bien diférent de ce qu' on m' a dit: "Il est souvent diférent de lui-même. _ M. Linguet met à, au lieu de de: "L' idée d' un sentiment différent à celui que je développe ici: c' est peut-être une faûte d' impression.
   Rem. 1°. Différent, aime à précéder, du moins au pluriel, où à la relation qu' il emporte avec lui est sous-entenduë; mais au singulier, où elle est exprimée par le régime, ou quand il est sans régime, par le raport à la phrâse précédente, il doit suivre le substantif. "Les diférens talens, les diférentes espèces. "Les lions ne font pas la guerre aux lions, ni les tigres aux tigres; ils n' attaquent que les animaux d' espèce différente. Télém. "Le Panégyrique du Saint est prononcé tous les jours de l' Octave par un différent Prédicateur. Vie de St. Bonaventûre. Il falait dire, par un Prédicateur diférent.
   2°. DIFÉRENT, comme divers, s' emploie quelquefois sans article, et doit être traité comme une espèce de pronom. "On dit, il est diférens moyens, comme on dit, il est plusieurs moyens. "À~ diférens degrés, et non pas, à de diférens degrés, etc. Quelques Auterurs n' ont pas fait cette observation. "Il y a aussi dans les mouvemens de l' âme de diférens degrés que l' Orateur doit distinguer. P. Rapin. "Il s' y trouve de diférentes leçons. La Bruy. "À~ mesure que les hommes et les femmes font de diférens mouvemens. P. Sicard. Retranchez le de dans ces phrâses, et autres semblables. _ Quand diférens suit le nom, l' article est nécessaire. Des degrés diférens, des leçons bien diférentes, des mouvemens diférens. = Il est à remarquer que ce mot n' a pas tout-à-fait le même sens, quand il précède, que quand il suit le substantif. Souvent, dans la 1re position, il n' exprime que le nombre, et a le sens de plusieurs; dans la 2d, il exprime et le nombre et la diférence.
   DIFÉREND, débat, contestation. "Avoir diférend, ou un diférend, ou des diférends avec... Faire naître, causer un diférend. Apaiser, assoupir, terminer un diférend.
   Diférend, dispute, querelle (synon.) La concurrence des intérêts cause les diférends; la contrariété des opinions produit des disputes; l' aigreur des esprits est la source des querelles. "On vide le diférend: on termine la dispute: on apaise la querelle. GIR.
   Diférend, Démélé (syn.) Le sujet du diférend est une chôse précise et déterminée, sur laquelle on conteste, l' un disant oui, et l' autre non. Le sujet du démélé est une chôse moins éclaircie, dont on n' est pas d' acord, et sur laquelle on cherche à s' expliquer, pour savoir à quoi s' en tenir. "La concurrence cause des diférends entre les particuliers: l' ambition est la source des démélés entre les Puissances. Id.

DIFFÉRER


DIFFÉRER, v. a. et n. [Diféré; 2e et 3e é fer. Devant l' e muet l' é de la 2de se change en è moy. et long: il difère, il difèrera.] Ce verbe a deux sens, qui n' ont aucun raport l' un avec l' autre. 1°. Retarder, remettre à un autre temps. En ce 1er sens, il est actif et neutre. "Diférer une afaire; la diférer de jour en jour. Diférer un payement. "Partez sans diférer. "Ne diférez point de vous convertir. = 2°. Être divers, n' être pas de même. Au pluriel, il se dit sans régime: ils difèrent en un point. Au singulier, il régit de. "Un homme ivre ne difère en rien de la bête.
   Rem. 1°. Dans le 1er sens, il régit la prép. de devant l' infinitif. "Il difère de venir. Plusieurs Auteurs ont préféré la prép. à. "J' ai diféré à vous écrire. Lett. Édif. "J' ai diféré à vous répondre. Maucroix. "Il ne saurait diférer à lui ordoner de partir Salaun. _ Le Dict. Gram. done le choix des deux. "Il difère de venir, ou à venir. Le 1er est le plus sûr et le plus conforme à l' usage.
   Diférer se dit des chôses, et renvoyer des chôses et des persones. "Quelques aûtres (parmi eux) furent diférés à un autre temps. Anon. Il falait là, renvoyés, etc.
   Il n' a ordinairement que le régime absolu (l' acusatif.) Vertot lui done le datif pour 2d régime. "Il ne doit pas diférer à ses amis la joie de le voir revétu de ce grand titre. Ce régime ne fait point mal dans cette phrâse, mais il ne conviendrait pas dans toutes.
   2°. Dans le 2d sens, il régit aussi de devant les noms. Dans cette locution, diférer du plus au moins, il régit de et à. * Mallebranche dit toujours, diférer du plus et du moins: il n' est pas à imiter en cela.
   Diférer, se dit toujours avec un régime parce que son sens est relatif. Brutus, dans la Tragédie de Voltaire, n' étant pas de l' avis de Publicola, lui dit:
   Rome sait à quel point la liberté m' est chère;
   Mais plein du même esprit mon sentiment difère.
   Je ne sais si, même en vers, on peut pâsser cette façon de parler. En prôse du moins, il faudrait dire: difère du vôtre. Dict. Gram.

DIFFICLE


DIFFICILE, ou DIFICILE, adj. DIFFICILEMENT, adv. [4e e muet, en, dans le 2d, a le son d' an; Dificileman.] Dificile, est ce qui done de la peine à faire, à comprendre, à gouverner, etc. Trév. _ Dificilement, avec peine. "Homme dificile à contenter; mot dificile à prononcer. Homme de dificile abord, lieu de dificile accès. "Il entend, il parle dificilement; vous ne sauriez pâsser par-là que dificilement.
   I. REM. Dificile avec le verbe être, régit à ou de devant les verbes, suivant que ce verbe être, à qui il est associé, est employé, ou non, comme verbe impersonel; et cela lui est commun avec un grand nombre d' adjectifs. On dit: Il est dificile à conduire; il est dificile de le conduire; dans le 2d exemple, le verbe être est employé impersonellement. L' Abé Prévôt a manqué à cette règle. "Il est dificile à comprendre comment deux Nations, qui n' avoient encôre aucun démélé en Europe, étoient toujours disposées à se traiter en énemies, à la moindre concurrence de navigation et de comerce. Il falait dire: il est dificile de comprendre comment, etc. _ Qu' un sot est dificile à vivre! dit Florise de Géronte, dans le Méchant. Elle veut dire, qu' il est dificile de vivre avec lui. Le tour est irrégulier, mais il n' en est que plus piquant, et l' usage l' a admis pour cette occasion.
   Dificile, régit aussi la conjonction que, avec le subjonctif, et quelquefois la particule négative ne. "Il est dificile que vous le fassiez tout seul. "Je ne puis vous dénoncer ces Prêtres, que vous cherchez, mais il sera dificile que vous ne les trouviez. "Il étoit bien dificile que les chôses se passant avec cet éclat dans le Palais, le Prince n' en fût averti. Lett. Édif. On retranche pas. Si l' on disait: il était dificile que le Prince n' en fut pas averti, on ne parlerait pas si bien.
   Faire le dificile, et faire des dificultés, régissent la prép. sur ou dessus, son adverbe correspondant. "D' autres n' ont point fait les dificiles là-dessus. Pour vous, vous faites des dificultés sur tout.
   II. Quand dificilement est à la tête de la phrase, il fait marcher le pronom nominatif après le verbe. "Dificilement en trouvera-t' on ailleurs de plus exactes. L' Abé Royou. "Plus dificilement encôre trouvera-t' on un ouvrage où la bone foi et l' amour du vrai se manifestent par des signes plus évidens (que celui de M. de St. Luc.) Id. "La lecture en auroit été plus agréable; mais dificilement pouvoit-elle devenir plus instructive. Id. "Sans une escorte, qu' on nous avoit envoyée, dificilement aurions-nous pu échaper à leur barbarie. Let. Edif.
   On dit qu' un homme est dificile, pour dire, qu' il est mal aisé à contenter; et, en style proverbial, qu' il est dificile à ferrer; c. à. d. à gouverner, à persuader. Allusion aux chevaux, qui ne se laissent, pas ferrer facilement.
   Temps difficiles, temps de désordre, de troubles, de disette, etc.

DIFFICULTÉ


DIFFICULTÉ, ou DIFICULTÉ, s. f. DIFFICULTUEUX, EûSE, adj. [Difikulté, tu-eû, tu-eû-ze; 5e lon. aux 2 dern.] 1°. Difficulté, dans son idée la plus générale, est ce qui rend une chôse dificile, ce qu' il y a de dificile en quelque chôse. "Cette afaire est pleine de difficultés. Dificulté de parler, d' entendre. La dificulté des chemins, des passages. = 2°. Obstacle, empêchement; faire naître des dificultés; surmonter toutes les dificultés. = 3°. Objection, doutes, question. Former, proposer une dificulté. "Il y a bien des dificultés dans cet Auteur, dans ces passages; bien des chôses dificiles à comprendre, à expliquer, à concilier, etc. "Examiner, lever, résoudre une dificulté. = 4°. Contestation, démélé. "Il y a entre eux quelque dificulté. _ Voy. EMPêCHEMENT.
   Rem. 1°. On dit, dans le style médiocre, trancher la dificulté (n°. 3°.) Boss. dit, dans le style relevé, retrancher la dificulté: double sujet de critique. "Dieu a retranché la dificulté par une décision qui ne soufre point de réplique.
   2°. Faire dificulté, régit la prép. de et l' infinitif des verbes. "Ils ne font pas dificulté de risquer leur vie, pour vivre à leur liberté. Miss. du Lev. Il est mieux, dans cette ocasion, quand le sens est négatif, de ne point mettre la prép. de devant dificulté. "Le jeune Comte de Sales ne fit pas de dificulté de le leur avouer. Marsolier. Il valait mieux dire, ne fit pas dificulté. "Nos meilleurs Poètes ne font pas de dificulté de s' en servir. Ménage. Retranchez de.
   3°. Quelques Auteurs ont dit, ne faire aucune dificulté, pour ne faire aucun doute, ne douter pas. "Le P. Petau ne fait aucune dificulté que l' Éclipse marquée par Phlegon ne doive s' entendre des ténèbres de la Passion. Le Gendre. "Ils ne firent aucune dificulté que le Cardinal n' usât de mauvaise foi. Mars. _ Ce tour est un peu particulier: j' en ai trouvé peu d' exemples. Je n' ôse ni le condamner, ni l' aprouver.
   On dit, proverbialement, qu' un homme est le père des dificultés, pour dire, qu' il allègue des dificultés sur tout.
   Sans dificulté, adv. Indubitablement, sans doute. "Vous serez, sans dificulté, le premier placé. Rich. Port. Il peut se mettre à la tête de la phrâse. "Sans dificulté, vous serez le plus fort. Acad.
   DIFFICULTUEUX, qui se rend dificile sur tout; qui allègue ou fait sur tout des dificultés. "C' est un homme fort dificultueux; un esprit dificulteux.
   Rem. Ce mot n' a pas cent ans d' ancièneté dans la Langue. Le P. Bouhours, dans ses Remarques nouvelles, dit qu' il n' était pas encore pâssé dans les Livres, et il ajoutait qu' il y avait aparence que cela arriverait. L' Acad. ne le dit que des persones. Le P. Bouhours dit au contraire qu' il peut se dire quelquefois des choses, et il cite pour exemple, manières dificultueûses: mais ce sont là des chôses qui ont tant de raport avec la persone, qu' elles se disent pour la persone même. _ Des Auteurs l' ont dit des chôses proprement dites, et alors il dit plus que dificile. Celui-ci n' anonce que de la dificulté d' une manière vague et générale; dificultueux, anonce une dificulté plus grande, ou un plus grand nombre de dificultés. "Entreprise, non moins dificultueûse que longue et hardie, dit M. l' Abé Grosier, parlant de l' Hist. Univ. composée depuis peu par quelques savans Anglois.
   En parlant des persones, dificultueux, est diférent de dificile. L' un se dit de celui qui trouve des dificultés à tout, qui fait des dificultés sur tout; l' autre de celui, ou avec qui on a peine à vivre, ou qui, par ocasion, ne se laisse pas aisément persuader. Le 1er est une afaire de caractère, et exprime ordinairement une habitude; l' aûtre tient aux circonstances, et n' exprime le plus souvent qu' un acte passager, du moins dans le 2d sens. "Le Comte de Charolois reçut, quelques jours après l' acomodement, un renfort... ce qui l' auroit rendu peut-être plus dificultueux. Duclos, Histoire de Louis XI. _ Il me semble que dans cet endroit, dificile était le terme propre, ce qui l' aurait rendu peut-être plus dificile (à consentir à l' acomodement).

DIFFORME


DIFFORME, ou DIFORME, adj. DIFFORMITÉ, s. f. [Dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Diforme, laid, défiguré, qui choque la vue, qui n' a pas la figûre, ou les proportions qu' il devrait avoir. Diformité, défaut dans la figûre ou dans les proportions. "Visage diforme; bâtiment diforme. "Rien de si diforme que le vice. "Cela le rend diforme: cela fait une grande diformité. "Sa diformité est telle qu' on soufre à le regarder. "La diformité du vice ne frape pas le grand nombre.
   REM. 1°. Diforme se plait à la suite du nom qu' il modifie. Il peut pourtant quelquefois se placer devant. "On n' y trouve plus (dans l' homme) que le diforme contraste de la passion qui croit raisonner, et de l' entendement en délire. J. J. Rousseau.
   2°. On a dit autrefois, déformité; mais déja du temps de Voiture, il ne se disait plus. "Déformité est mort, dit-il, depuis dix ou douze ans. Let. à M. Costar.
   Diformité, Laideur, (synon.) Le 1er exprime un défaut remarquable dans les proportions; et le 2d, un défaut dans les couleurs ou superficie du visage. Diforme, dit plus que laid; le laid n' est pas toujours diforme; le diforme est toujours laid. _ Diformité se dit des chôses, comme des persones; il se dit des bâtimens, des places, des jardins, du style, etc. Laideur ne se dit que des hommes et des meubles: _ Dans le moral, on dit, la diformité du vice, la laideur du péché. Beauzée.
   3°. * Un Auteur moderne, et plus piquant que correct dans son style, a dit, difformités pour différences. Je doute que ce mot soit français en ce sens. "De toutes les difformités, qui se trouvent entre cette Lettre et celles du Recueil, je ne m' arrêterai qu' à l' énorme diférence qui se fait sentir entre les finales de celles-ci, et la manière simple, dont G... termine cette lettre. Tart. Epist.

DIFFUS


DIFFUS, ÛSE, adj. DIFFUSÉMENT, adv. DIFFUSION, s. fém. [Difu, fûze, fûzéman, fuzion; 2e lon. au 2d; 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Ces trois mots se disent du vice d' un discours, trop long et trop étendu; non pas en lui-même, mais par les chôses inutiles qu' il renferme. "Cet homme plaide bien, mais il est trop difus; il parle difusément; style clair, naturel et sans difusion.
   Rem. En Physique, difusion, se dit de la propagation de la lumière; mais difus, pour étendu, est vieux. "Il est aussi inexplicable que l' âme soit difûse par le cerveau, que de faire qu' elle soit difûse par le corps tout entier. Leibnitz. "Celui qui voit un corps d' une difûse grandeur. Scuderi.
   Un Auteur très-moderne, prétant son style lâche et difus à un Pape, à qui il a atribué des lettres, dont la faûsseté est aujourd'hui démontrée, emploie difusion pour longueur. "Vous serez sans doute étoné de la difusion de cette lettre. M. C... s' exprime fort mal. Une Lettre peut être longue, sans être difûse; et elle peut être difûse, quoique assez courte, lorsqu' il y a plus de paroles qu' il ne faut pour exprimer ce qu' on veut dire. Il est vrai que cette lettre et les autres, que l' Auteur a si mal-adroitement fabriquées, sont écrites d' un style lâche et difus; mais ce n' est pas ce que l' Auteur a voulu dire dans cet endroit.
   Le vrai emploi de ces mots, c' est en parlant du style. "Ces qualités estimables sont excessivement déparées par une excessive difusion. Sabat. Art. Mabillon. "Des détails dont je sens que la difusion peut être fastidieûse. Moreau. "Je tomberois dans une grande difusion, si j' expliquois tous ces détails. Necker.

DIGÉRER


DIGÉRER, v. act. [2e et 3e é fer.] Au propre, faire la coction des alimens qu' on a pris. "Digérer les viandes. C' est un aliment qu' on a peine à digérer. _ Et neutralement, en sous-entendant le régime. "Son estomac est foible; il ne digère pas bien. = Au figuré, ranger les chôses dans son esprit, les mettre par ordre. "Digérer les afaires, digérer ce qu' on a à dire. = Ce Discours, ce mémoire est mal digéré. = C' est aussi, suporter quelque chôse de fàcheux. Digérer un afront. Cela est dur à digérer. "Le Calife digère cette première insolence, et prie Amorassan d' acompagner son fils à l' armée, pour l' aider de ses conseils. Ann. Lit. sur les Barmécides.
   Rem. Dans les phrâses négatives et interrogatives, digérer, régit que et le subjonctif. "Il ne pouvoit digérer qu' on l' obligeoit à cette démarche humiliante. Charlev. Il falait, qu' on l' obligeât, ou de ce qu' on l' obligeoit. Le 1er est le meilleur. Ainsi l' on pourrait dire, en interrogeant: Aurait-il pu digérer qu' on l' obligeât, etc?

DIGESTE


DIGESTE, s. m. [Digèste; 2e è moyen, 3e e muet.] Recueil des Lois sous diférens titres, compilé par l' ordre de Justinien. "Le Digeste est divisé en cinquante livres.

DIGESTEUR


DIGESTEUR, s. m. DIGESTIF, IVE, adj. DIGESTION, s. f. [Digès-teur, tif, tîve, tion, il n' a pas le son de cion; 2e è moy. 3e long. au 3e.] Digesteur, est un vâse propre à cuire promptement des viandes, et à tirer de la gelée des ôs même. Digestif, qui aide à la digestion: Remède digestif, poudre digestive. _ S. m. Un bon digestif: il a besoin de digestifs.
   DIGESTION, coction des viandes dans l' estomac. Acad. Action de l' estomac pour digérer les viandes. Trév. "Action par laquelle les parties les plus crasses des alimens sont séparées des plus subtiles. Paulian, Dict. de Phys. "Faire digestion. Cela aide ou nuit à la digestion. "Viandes de facile ou de dificile, de dûre digestion. _ Au figuré, de dûre digestion, signifie, tantôt dificile à suporter, tantôt dificile à exécuter. "Ce mauvais traitement est de dure digestion. "Cet ouvrage, cette entreprise, sont de dure digestion.

DIGNE


DIGNE, adj. DIGNEMENT, adv. [mouillez le g, 2e e muet: dans le 2d, en a le son d' an: dig-neman.] Digne, qui mérite quelque chôse, soit en bien, soit en mal. Il régit de devant les noms et les verbes. Digne de louange, de récompense; d' être loué, récompensé. Digne de mépris, de punition; d' être méprisé, puni, etc. _ Il régit aussi que, sur-tout dans les phrâses négatives, avec le subjonctif. "Il n' est pas digne qu' on fasse rien pour lui. _ Digne de croyance, digne de foi, qui mérite qu' on ajoute foi à ce qu' il dit. _ C' est un digne homme, un fort honête homme; un digne sujet, un sujet capable. _ Cela est digne de lui, se dit en mal, comme en bien, suivant les qualités de celui dont on parle.
   Rem. 1°. Quand digne est sans régime, il doit toujours précéder le substantif. Digne Magistrat, et non pas Magistrat digne.
   2°. Digne, se dit du bien comme du mal: indigne, ou qui n' est pas digne, qui est peu digne, qui n' est guère digne, ne se dit que du bien. _ Un grec persécuté, mais peu digne de l' être. Follard, Thémistocle Il me semble que l' usage réprouve cette manière de parler. On ne dit point, je ne suis pas digne d' être puni; je suis peu digne d' être chassé. On dit alors: je ne mérite pas d' être, etc. et c' est la diférence de qui ne mérite pas, d' avec qui n' est pas digne, ou qui est indigne. Le premier se dit du mal comme du bien: les aûtres ne se disent que du bien. _ Cela est aplicable au régime de la conjonction que. "Il ne mérite pas qu' on le punisse, et non pas, il n' est pas digne qu' on le punisse, etc.
   DIGNEMENT, selon ce qu' on mérite. "Il a été dignement récompensé. "Je ne saurois vous en remercier dignement. Il se met après le verbe, dans les temps simples. Dans les temps composés, il est mieux entre l' auxiliaire et le participe, comme dans le premier exemple.
   Rem. On peut dire, de dignement, ce que nous venons de dire de digne, employé avec la négative. On ne le dit que du bien. Ne dites pas; il a été dignement puni. Dites, il a été puni comme il le méritait.

DIGNITAIRE


DIGNITAIRE, s. m. [Dig-nitère; mouillez le g; 3e è moy. et long, dern. e muet.] Il ne se dit que de celui qui possède une dignité dans un chapitre. _ * Mde. de B... (Hist. d' Angl.) apelle les Évêques les dignitaires de l' Église. C' est aparemment une traduction trop litérale du terme anglais, dignitary. M. Moreau emploie aussi le mot de dignitaire en ce sens. Cet illustre Écrivain n' est pas à imiter en cela.

DIGNITÉ


DIGNITÉ, s. f. [Mouillez le g; dern. é fer.] 1°. Mérite, importance. Acad. Qualité de ce qui est digne. "La dignité du sujet; de la matière. = 2°. Noblesse, gravité dans la manière de parler et d' agir. "Parler, agir, faire les chôses avec dignité. "Il y a beaucoup de dignité dans ses discours, dans ses manières. Voy. GRAVITÉ. = 3°. Élévation, distinction éminente. "Soutenir la dignité de son rang. "Cela ne répond pas à la dignité de son caractère. = 4°. Charge, ofice considérable. "Être constitué en dignité. "Parvenir aux dignités éclésiastiques, à la dignité épiscopale. = 5°. Dans les Chapitres, place distinguée parmi les Chanoines. La Prévôté, le Doyéné, l' Archidiaconat, sont des dignités.
   Rem. * L' Ab. Du Bos dit, femme de dignité, pour, de condition, de qualité. On distingue par le masque une jeune fille d' avec une femme de dignité. Cette locution n' est pas admise par l' usage.

DIGRESSION


DIGRESSION, s. f. [Digrè-cion, en vers ci-on; 2e è moyen.] Ce qui est dans un discours, hors du principal sujet. Longue, ennuyeuse digression. Courte, agréable digression. Il fait sans cesse des digressions. "Son ouvrage est plein de digressions inutiles.

DIGUE


DIGUE, s. fém. [Dighe; 2e e muet; l' u ne se prononce pas, il n' est dans ce mot, comme dans tant d' aûtres, que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] Ouvrage de maçonerie, charpente ou fascinage, dont on fait un obstacle, qu' on oppose à l' entrée ou au cours des eaux. Trév. Amâs de terre, de pierres, de bois, etc., pour servir de rempart contre l' eau, et principalement contre les flots de la mer. Faire une digue; rompre, couper la digue.
   DIGUE, est beau au figuré: "On ne peut trouver d' assez fortes digues pour arrêter les passions de la jeunesse.
   Où sont tous ces Guerriers, dont les fatales ligues
   Devoient, à ce torrent, opposer tant de digues?
       Boil.

DILACÉRATION


DILACÉRATION, s. f. DILACÉRER, v. a. [Dilacéra-cion, .] Ces deux mots expriment l' action de déchirer avec violence, de mettre en pièces. Ils ne sont usités que parmi les savans. L' Acad. les met sans remarque et sans exemples.

DILAPIDATION


DILAPIDATION, s. f. DILAPIDER, v. a. Dépense folle. Dépenser follement et avec désordre. Ce sont des mots d' un usage peu comun et fort borné: ils ne pâssent pas le style médiocre. Ces mots se disent mieux dans le sens du latin dévaster, ruiner. MARIN.

DILATABILITÉ


DILATABILITÉ, s. f. DILATABLE, adj. DILATATION, s. f. DILATER, v. a. [Dans le 3e, tion a le son de cion; dilata-cion.] Dilater, c' est élargir, étendre. Dilatation, extension, relâchement. Dilatabilité, propriété de ce qui est dilatable, qui peut être dilaté, élargi, étendu. "La chaleur dilate les pores; l' air se dilate par la chaleur. Elle est la cause de la dilatation des corps, et le froid de leur condensation. Paulian, Dict. de Phys. "L' air est extrêmement dilatable. "La dilatabilité de l' air est démontrée. "Il se dilate et se raréfie, lorsque conservant la même quantité de matière propre qu' il avoit auparavant, il acquiert un plus grand volume. Paulian.
   Rem. Dilatable et dilatabilité, ne se disent qu' en Physique: Dilater et dilatation, se disent aussi en Chirurgie, en parlant des plaies. Dilater, est le seul qui soit du discours ordinaire, et dans cette phrâse seulement, dilater le coeur. "La joie dilate le coeur, et la tristesse le resserre, Hors de-là, on dit; étendre, élargir.

DILAYER


*DILAYER, v. a. et n. DIFÉRER, user de remise. Actif et avec le régime, il est vieux. Dilayer un payement, un jugement. Neutre, il se dit encôre. "Il dilaye toujours: il ne fait que dilayer.

DILECTION


*DILECTION, s. f. [Dilèk-cion, en vers, ci-on; 2e è moy.] Amour, charité. Ce terme est consacré en Théologie. "L' esprit de dilection et d' amour. Boss. Hors de là, il ne se dit que dans quelques Couvens de Filles, dont les Constitutions sont écrites dans un vieux langage. _ L' Acad. se contente de dire que c' est un terme de dévotion. On ne le troûve plus que chez les anciens Ascétiques. _ Elle ajoute que c' est aussi un terme dont le Pape et l' Empereur se servent, en écrivant à certains Princes. On pourrait demander si ces Souverains écrivent en français, ou en latin, ou dans leur langue naturelle? Tout cela me parait un vieux article du Dictionaire, qu' on y a laissé, et il y en a plus d' un dans ce goût-là.

DILEMME


DILEMME, s. m. [Dilème; 2e è moy. 3e e muet.] Sorte d' argument qui contient deux propositions contraires, ou contradictoires, dont on laisse le choix à l' adversaire, pour le convaincre également, soit qu' il prène l' une, soit qu' il prène l' autre. Acad. Argument fourchu, qui, après avoir divisé une proposition en affirmative ou en négative, fait voir de l' absurdité des deux côtés. Trév. Raisonnement composé, où après avoir divisé un tout en ses parties, on conclut affirmativement ou négativement du tout, ce qu' on a conclu de chaque partie. Rich. Port. Cette dernière définition n' est pas juste; celle de Trév. est obscûre. Il faut s' en tenir à celle de l' Acad., qui joint la justesse à la netteté. "Un Philosophe vouloit prouver qu' on ne devoit point se marier. Si la femme qu' on prend est belle, elle donnera de la jalousie; si elle est laide, elle déplaira. Donc, il ne faut point se marier. Art de Penser.

DILIGEMMENT


DILIGEMMENT, adv. DILIGENCE, s. f. DILIGENT, ENTE, adj. [Dilijaman, jance, jan, jante; 3e lon. aux 3 derniers, 4e e muet au 2d et au 4e.] Diligence, activité, promptitude à exécuter notre devoir, ou nos desseins. Trév. Prompte exécution. Acad. Promptitude à faire quelque chose. Rich. Port. _ Diligent, prompt à faire les chôses, expéditif. Diligemment, promptement, avec diligence. "Travailler diligemment, avec diligence; être diligent. "Aller en diligence; user de diligence; il est venu diligemment.
   I. Rem. 1°. Diligence, ne s' emploie au pluriel que dans cette phrâse, faire ses diligences. * Un pieux Biographe l' emploie dans ce nombre, dans le sens de démarches, et pour signifier des démarches où la diligence n' entre pour rien. "Il ne paroissoit pas vraisemblable que l' on eût pu se porter jusqu' à cet excès, que de faire des diligences si sanglantes contre une personne si sainte. Vie de St. Jean de la Croix. _ Des diligences sanglantes! Quel langage!
   2°. On dit, faire diligence, grande diligence, sans article: faire une chôse promptement. Faire acte de diligence, marquer qu' on s' est mis en devoir de faire quelque chôse.
   3°. On a dit aûtrefois, diligence, diligemment, pour soin, soigneûsement. "Examiner avec diligence, rechercher diligemment. Ils sont vieux, et on ne les dit plus, sur-tout l' adverbe, dans ce sens.
   4°. * Malherbe a employé diligence pour vigilance.
   Puissance, quiconque tu sois,
   Dont la fatale diligence
   Préside à l' Empire François.
Ce n' est ni la rime, ni la mesûre, qui lui a fait préférer diligence à vigilance; c' est aparemment que c' était l' usage de son temps, ou qu' il trouvait que le premier mot disait plus, et était plus énergique. Aujourd'hui les Poètes eux-mêmes ne le diraient point de la sorte.
   II. Diligent, expéditif, prompt (synon.) Diligent, est celui qui ne perd point de temps, et qui est assidu à l' ouvrage; expéditif, celui qui ne remet pas à un aûtre temps l' ouvrage qui se présente, et qui le finit tout de suite; prompt, celui qui travaille avec activité, et qui avance l' ouvrage. La paresse, les délais et la lenteur, sont les trois défauts oposés à ces trois qualités. "L' homme diligent n' a pas de peine à se mettre au travail; l' homme expéditif ne le quitte point; l' homme prompt en vient bientôt à bout. "Il faut être diligent dans les soins qu' on doit prendre; expéditif dans les affaires qu' il faut terminer, et prompt dans les ordres qu' on doit exécuter. GIR. Synon.

DILIGENTER


DILIGENTER, v. n. réc. et a. [Dilijante; 3e lon. 4e é fer.] Agir avec diligence. "Il faut diligenter, ou se diligenter. "Il faut diligenter cette afaire. "Il n' y a pas même jusqu' à la lenteur de cette tortue, qui n' ait son utilité. Si elle diligentoit davantage, combien d' animaux manqueroient leur repas! Pluche. _ Ce mot n' a pas encôre pâssé dans le beau style. L' Acad. le met sans remarque.

DILUVIEN


DULIVIEN, ENNE, adj. Qui a raport au déluge. (Néol.) "Les eaux diluviennes s' élevoient au sommet des montagnes. Lett. Helv.

DIMANCHE


DIMANCHE, s. m. [2e lon. 3e e muet.] Premier jour de la semaine, consacré au service de Dieu. Il faut sanctifier le Dimanche.
   On apèle Dimanche grâs, celui qui précède le Mercredi des Cendres; Dimanche des Rameaux, le 1er jour de la Semaine-Sainte; Dimanche de Quasimodo, le Dimanche après Pàque.
   Air de Dimanche grâs (st. famil.) Air de joie, de contentement. "Il y a un petit air de Dimanche grâs répandu sur cette lettre, qui la rend d' un goût nompareil. Sév.

DIMENSION


DIMENSION, s. f. [Diman-cion, en vers, ci-on; 2e lon.] Étendue des corps. Acad. Mesure exacte. Trév. Mesure, étendue. Rich. Port. Ces deux dernières définitions ne valent rien. Dimension n' est pas la mesûre, mais l' étendûe mesurée. "Il a pris toutes les dimensions de ce bâtiment. Le corps solide a trois dimensions, largeur, longueur et profondeur, ou hauteur.

DîME


DîME, s. f. DîMER, v. n. DîMERIE, s. f. DîMEUR, s. m. [1re lon. 2e e muet au 1er et 3e, é fer. au 2d. _ L' Acad. écrit encôre, suivant l' ancien usage, dixme, dixmer, dixmeur: elle ne met point dixmerie.] Dîme, est la dixième partie, ou portion aprochante, des fruits et aûtres productions que l' on paye à l' Église, ou aux Seigneurs. Dîmer, c' est avoir droit de lever la dîme en un lieu. Dîmeur, celui qui recueuille les dîmes. En parlant de l' Église, on dit, Décimateur. "Il a la dîme de ces Terres, de ces Paroisses. "Il dîme dans tous ces Villages. "Il est Dîmeur, ou Décimateur d' un tel lieu.
   Le Rich. Port. met le dîme subst. masc., pour l' étendûe du pays sur lequel on a droit de dîmer. On dit, la dîmerie. "Ce Village est de la dîmerie d' un tel Chapitre, d' un tel Prieuré, etc. _ Dans le même Dictionaire, on met dîmier, pour signifier un journalier qui compte et recueuille la dîme. C' est un mot de quelques Provinces.

DIMINUER


DIMINUER, v. a. DIMINUTIF, IVE, adj. DIMINUTION, s. f. [Diminu-é, nutif, tive, nu-cion; 4e lon. au 3e: devant l' e muet l' u est long, il diminûe; au futur et au conditionel l' e est tout-à-fait muet, il diminuera, diminuerait: pron. diminûra, diminûrè, en 4 syll. l' u est long.] Diminuer, rendre moindre, retrancher, amoindrir. Diminuer la portion, la dépense, etc. Diminuer le crédit, l' autorité, etc. _ V. n. Devenir moindre. La fièvre diminûe, ses forces diminûent, cet enfant diminûe (maigrit) à vûe d' oeil.
   Rem. 1°. Quand diminuer est actif, il n' a que le régime absolu. Vertot lui done pour 2d régime l' ablat. (la prép. de.) "Les jeunes Sénateurs croyoient qu' on diminuoit du Sénat tout ce qu' on proposoit pour le soulagement du peuple. Rév. Rom. Quand on veut employer deux régimes, on se sert de retrancher, avec le datif pour 2d régime. "Qu' on retranchoit au Sénat tout ce que, etc. _ Le neutre régit quelquefois la prép. de. "Il diminûe de prix tous les jours.
   2°. Diminuer, neutre, est plus usité que se diminuer, réciproque. "La vie humaine se diminue peu-à-peu. Boss. Il vaut mieux dire, diminûe, en retranchant le pron. se. _ Les Gascons disent: l' eau de la rivière se diminûe. Il faut dire, diminûe. Desgrouais.
   3°. L' Abé Prévôt (Hist. des Voy.) dit, être diminué, pour être réduit à. "Leur nombre étoit diminué à 800. Cette Traduction est pleine d' anglicismes. _ Diminué, régit la prép. de du nombre qu' on retranche, et réduit la prép. à du nombre qui reste. "Ils sont diminués des trois quarts, et réduits à un quart.
   DIMINUTIF, adj. est un terme de Gramaire. Il se dit des mots qui diminuent ou adoucissent la force des mots d' où ils dérivent. Fillette, femmelette, amourette, sont des termes diminutifs, des locutions diminutives. _ Ce mot s' emploie d' ordinaire substantivement. "Vieillot et doucet sont des diminutifs de vieux et de doux.
   DIMINUTIF, se dit aussi d' une chôse, qui est en petit, ce qu' une autre est en grand. "Ce jardin est un diminutif de celui de, etc.
   REM. Les diminutifs ne sont pas du goût présent de la Langue. * Autrefois ils étaient fort à la mode: le gai rossignolet, un langage mignardelet, les cheveux brunelets; les deux yeux noirelets. Que de diminutifs dans un petit nombre de vers de Guy de Tours! _ On peut se servir des diminutifs admis par l' usage: il n' est point permis d' en forger de nouveaux, du moins dans le style sérieux.
   DIMINUTION, Retranchement de la quantité, ou d' une partie de la chôse, ou son afaiblissement. Trév. Amoindrissement, rabais, retranchement d' une partie de quelque chôse. Acad. "Diminution de taxe, de prix; diminution de crédit, d' autorité.
   REM. L' Ac. dit, Faire, demander, prétendre diminution, sans article. "Ce Fermier demande diminution, de la diminution. "Cette Paroïsse prétend diminution de la tâille, prétend de la diminution. Hors de ces phrâses, on doit dire, de la diminution, et celui-ci est toujours plus sûr.

DIMISSOIRE


DIMISSOIRE, s. m. DIMISSORIALES, adj. f. pl. [Dimi-soâ-re, misori-ale: 3e lon. au 1er.] Dimissoire, ou Lettres Dimissoriales, Lettres par lesquelles un Évêque consent qu' un de ses Diocésains soit promu aux Ordres par un autre Évêque. Doner, obtenir un dimissoire, des Lettres dimissoriales.
   Rem. Quelques-uns font dimissoire fém. et l' emploient au pluriel. D' autres disent, démissoire: mais les uns et les autres sont condamnés par l' usage.

DINAMIQUE


DINAMIQUE, DINASTIE; Rich. Port. Voy. DYNAMIQUE, DYNASTIE.

DINANDERIE


DINANDERIE, s. f. DINANDIER, s. m. [2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d; pénult. lon. au 1er.] Dinanderie se dit de toute sorte d' ustensiles de cuivre jaune. Dinandier, Fabriquant ou Marchand des ouvrages de dinanderie. _ Ces mots tirent leur nom de Dinant, ville du Pays de Liège.

DINATOIRE


*DINATOIRE, adj. Mot de Province. C' est l' heure dinatoire, l' heure de diner. Déjeûné-dinatoire: déjeûner-diner. Voyez DÉJEûNER.

DINDE


DINDE, s. f. DINDON, DINDONEAU, s. m. DINDONIèRE, s. f. [Dein-de, don, dono, do-nière: 3e dout. au 3e lon. è moy. au 4e.] On apèle ainsi quelquefois une poule d' inde. "Nous avons une bone dinde. Acad. _ Je crois qu' on dit plus souvent dinde, que poule d' Inde. _ Plusieurs le font masc. et fém. Un dinde pour le mâle, une dinde pour la femelle. L' Acad. ne le marque que fém. _ Dindon, Coq-d' inde. Dindon à la daube; garder les dindons. _ Dindoneau, petit dindon, jeune coq d' Inde. "Les dindoneaux sont dificiles à élever. _ Dindonière, gardeûse de dindons.
   Rem. 1. Quand on dit simplement dinde, on ne met point d' apostrophe, et il prend l' s au pluriel. Les dindes, Quand on dit, poule-d' Inde, Coq-d' Inde; on met l' apostrophe; et l' s, signe du pluriel, se met à poule et à coq, et non pas à inde, qui est au génitif. "Des poules d' indes. Let. Édif. Dites, des poules d' inde, des coqs d' inde.
   2°. Dindoneau prend l' x au pluriel, dindoneaux.
   3°. Dindon, au figuré, signifie sot, de peu d' esprit: c' est un dindon. _ Garder les dindons, Dindonière, se dit d' une Demoiselle retirée à la campagne, comme on dit d' un homme, qu' il y plante des choux.

DîNÉ


DîNÉ, ou DîNER, s. m. DîNÉE, s. f. DîNER, v. n. [Dîné, né-e, ; 1re lon. 2e é fer. long au 2d.] Dîné, est le repas qu' on fait ordinairement à midi. Acad. ou à une heure;, Trév. Sur le midi; Rich. Port. _ Aujourd'hui on doit dire, après midi. "À~ l' heure du dîné, pendant le dîné. _ Il se dit aussi de la viande, et autres mets, qui compôsent le dîné: "Aporter, servir le dîné.; le dîné se gâte. Dîné somptueux, etc. = Dînée, lieu où l' on dîne. Trév. Repâs, ou dépense qu' on fait à dîner dans les voyages. Acad. Rich. Port. Pour la première partie de cette défintion, celle de Trév. est préférable; car dînée se dit, non du repas, mais du lieu où l' on dîne; et c' est ce que l' Acad. et le Rich. Port. disent plus bas. "Il y a deux lieues d' ici à la dïnée. "Il nous en a tant coûté pour la dînée. _ Dîner, prendre le repas du midi. Acad. Trév. Manger du bouilli, ou autres viandes, sur le milieu du jour. Rich. Port. Même réflexion à faire que ci-dessus. "Doner, inviter, chercher à dîner: nous avons mal dîné, etc.
   Rem. 1°. On dit le dîné, ou le dîner: il est même plus usité de retrancher cette lettre en écrivant: et même quand on l' écrit, on ne la prononce pas. L' Acad. met les deux sans remarque.
   2°. Moutarde après dîné, (st. prov.) Chôse, qui vient trop tard, et lorsqu' elle n' est plus utile ou agréable. _ Qui dort dîne; le sommeil supplée à la nourriture. _ On dit d' un homme dont on vante les richesses; s' il est riche, qu' il dîne deux fois. De celui qui ne se rend pas à l' auberge à l' heure du repas, et qui ne laisse pas de payer, que son assiète dîne pour lui. Et d' un homme ennuyeux et incomode: quand je le vois, il me semble que j' ai dîné. Ce dernier est populaire.

DîNEUR


DîNEUR, s. m. 1°. Celui dont le repas principal est le dîné. = 2°. Grand mangeur. C' est un bon dîneur. Il ne se dit que dans cette phrâse familière.

DIOCÉSAIN


DIOCÉSAIN, AINE, s. m. et f. DIOCèSE, s. m. [Di-océzein, zène, Di-ocè--ze; 3e é fer. aux 2 1ers, è moy. et long au dern. 4e è moy. au 2d.] Diocèse est une certaine étendue de Pays, sous la juridiction d' un Évêque: Diocésain, qui est du Diocèse. "Diocèse bien réglé. "Il y a tant de Paroisses dans ce Diocèse. "Mgr. je suis votre Diocésain, votre Diocésaine. _ Adj. m. Évêque Diocésain, l' Évêque du Diocèse dont on parle. "Il faut s' adresser à l' Évêque Diocésain.
   REM. Fleury avait voulu mettre une diférence entre Diocèse, pris pour l' étendue d' une Province Éclésiastique, qui comprend la Juridiction du Métropolitain et de ses Sufragans, et le même mot employé dans un sens plus limité, pour signifier l' étendue de la Juridiction de chaque Évêque. Il fesait ce mot fém. dans le 1er sens, la Diocèse; et masc. dans le second sens, le Diocèse: mais il n' a pas été suivi. Ce mot est masc. en tout sens. Dict. de la Géogr. Sacrée.

DIPHTHONGUE


DIPHTHONGUE, ou DIPHTONGUE, s. f. [Diftonghe; 2e lon. 3e e muet: l' u ne se prononce pas; il n' est là que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] Terme de Gramaire. Jonction de deux voyelles qui se prononcent ensemble, et ne font qu' une seule syllabe; comme piété, société, amitié. Les diphtongues impropres, sont celles où l' on n' entend qu' une voyelle, quoiqu' ils s' écrivent par plusieurs: comme dans j' aimai, où ai a le son de l' é fermé. J' émé _ * L' Abé Vallart met mal-à-propos au nombre des diphtongues éo, ua, , oué, dans géographie, nuage, attén, joué: mais les deux voyelles formant dans ces mots deux syllabes, ne doivent point être apelées diphtongues.
   Rem. Dans le discours familier, presque tous les assemblages de voyelles se prononcent en diphtongues. On prononce matériaux, étudiant, joué, etc. Mais dans le discours soutenu, il faut séparer ces voyelles, et prononcer matéri-aux, étudi-ant, jou-é.

DIPLôME


DIPLôME, s. m. DIPLOMATIQUE, adj. [2e lon. au 1er.] Diplôme est, 1°. une charte anciène. Diplôme de Charlemagne. = 2°. Dans certains États, Lettres-Patentes du Souverain. Ce mot est sur-tout usité en Allemagne et dans les États du Nord. _ Diplomatique, qui a raport aux diplômes; Recueil Diplomatique. _ S. f. L' art de reconnaître les diplômes authentiques. "La diplomatique a été fort perfectionée dans le dernier siècle. _ Plusieurs apellent ainsi la science des Négociateurs. _ M. Linguet, en plaisantant, le dit du Négociateur lui-même. "Un ami de M. le Comte.... vint voir l' ancien Diplomatique. _ Cela ne peut être bon que dans le style comique ou critique et moqueur.

DIRE


DIRE, v. act. et neut. [1re lon. 2e e muet.] Je dis, tu dis, il dit: nous disons, vous dites, ils disent, je disais, j' ai dit; je dis, je dirai, je dirais; dis, que je dise, je disse, disant. _ Des composés de dire, il n' y a que redire qui fait come lui, redites: les autres forment régulièrement la 2de persone au plur. du prés. de l' indicatif. Vous contredisez, dédisez, interdisez, médisez, prédisez. Il n' y a que, maudire, qui double l' s au pluriel; nous maudissons, vous maudissez, il maudissent. _ * Autrefois on disait, que je die, pour que je dise.
   DIRE, 1° exprimer, faire entendre par la parole. "Dire son avis, son sentiment, sa pensée. Dire du bien, du mal de quelqu' un. "Dire des dûretés, des injûres, des extravagances, etc. = 2°. Réciter: dire sa leçon, ses prières, son chapelet, son bréviaire. _ Dire la Messe, la célébrer. = 3°. Il se prend quelquefois pour juger: Je ne sais que dire de tout cela: On ne sait qu' en dire. = 4°. S. m. Au Palais, ce qu' une des Parties a avancé. "Le dire du défenseur, le dire des témoins, des experts, etc. En conversation, au dire de tout le monde; prouver son dire.
   Rem. 1°. L' usage ayant prévalu que, dire, avec la prép. de devant l' infinitif, a le sens d' ordoner, quand on ne veut pas lui doner ce sens, il ne faut pas employer ce régime; il faut se servir de la conjonc. que et de l' indicatif. "Quoique je vous die de partir (que je pars) dans cinq jours, ne laissez pas, je vous suplie, de m' écrire toujours. Voiture. _ Dire de partir, est aûtre chôse que ce que veut dire Voiture: ce n' est pas anoncer que l' on part: c' est ordoner, ou conseiller à un aûtre de partir. Le P. Bouhours pense que dire, en ce sens, est un gasconisme; mais il ajoute, que ce gasconisme s' est établi à la Cour et à Paris, et que, quoiqu' il ne voulût pas l' employer en écrivant, il croit qu' on peut en user en conversation. Il n' est en éfet que du style familier.
   2°. Dire, a quelquefois trois régimes des noms, l' acusatif, le datif et l' ablatif. "Il a dit de vous à votre père tous les biens du monde.
   3° Le que, après dire, régit l' indicatif, quand le sens est afirmatif. "Il dit que vous l' avez maltraité. S' il est employé avec la négative, ou si le sens est interrogatif, il doit être suivi du subjonctif. "Je n' ai pas dit, ou ai-je dit que je l' eusse fait? _ Quand il est employé au conditionel, plusieurs Écrivains lui ont fait régir le subjonctif, quoique le sens fût afirmatif. "On diroit que le livre des décrets ait été ouvert à ce Prophête. Boss. "Vous diriez qu' il ait l' oreille du Prince, ou le secret du Ministre.
   On diroit que le ciel, qui se fond tout en eau,
   Veuille inonder ces lieux d' un déluge nouveau.
       Boil.
On diroit, et vous diriez, signifient alors, il semble, et ils en prènent le régime. Voyez SEMBLER.
   4°. Quand le verbe, qui est régit par dire, se raporte à son nominatif, on peut mettre ce verbe à l' infinitif. "Il dit avoir tout entendu, est mieux que, il dit qu' il a tout entendu, mais~ celui ci pourtant est régulier. "Si quelqu' un nous dit connoître un de ces hommes merveilleux (qui savent tout) assurons-le, sans hésiter, qu' il est la dupe des prestiges d' un Charlatan. J. J. Rouss. de l' Imitation Théâtrale. _ L' Acad. ne met point d' exemples de tous ces régimes; mais ils n' en sont pas moins admis par l' usage.
   5°. Trouver à dire a deux sens; trouver qu' il manque quelque chôse; on a trouvé à dire~ à cette somme. "Il s' y est trouvé à dire un écu; et en parlant des persones. "On vous a trouvé à dire dans cette assemblée. (On dit aussi, en ce sens, il y a bien à dire, il s' en faut bien. "Il lui a acheté pour mille écus de dentelle. _ Il y a bien à dire). _ C' est aussi trouver à reprendre. "Que trouvez-vous à dire à cette action?
   6°. Faire dire régit le datif de la persone,, et non pas l' acusatif: On lui a fait dire tout ce qu' on a voulu, tout ce qu' il savait, et non pas, on l' a fait dire, etc.
   7°. On emploie quelquefois après dire, la prép. de devant un nom, au lieu de la conjonct. que devant un verbe. "On eût dit d' un Démoniaque, quand il récitoit ses vers, dit Boileau de Santeuil, pour dire: on eût dit que c' était un démoniaque. "Vous diriez d' un ressort qui vient à se détendre, au lieu de, vous diriez que c' est un ressort, etc. Ces phrâses sont fort extraordinaires, et ne passent pas le style familier.
   8°. Se dire, régit les noms sans préposition (au nominatif). "Il se dit votre parent; il dit être, etc. Le P. Barre lui fait régir l' infinitif des verbes. "Les aûtres se disoient descendre des diférentes peuplades des Germains. Hist. d' Allem. Ce régime des verbes est inusité.
   9°. Disons mieux, fait tout seul un membre de phrâse isolé: il n' a point de régime: "Il est le Protecteur des malheureux. Disons mieux: il en est le Père. Quand on veut lui doner un régime, il faut répéter disons. Mascaron n' a pas eu cette attention. "Disons mieux que le Ciel inspira le moyen de satisfaire le vainqueur et le vaincu. Il falait: disons mieux: disons que le Ciel, etc. _ Je ne dis pas, est un tour d' éloquence, une figûre de rhétorique. Il signifie quelquefois non-seulement. "C' est à Descartes que la Physique doit, je ne dis pas sa renaissance, mais ses premiers comencemens. Paulian, Dict. de Phys. _ Tout est dit: il n' y a plus de ressource. "Tout est dit: tout vos éforts sont inutiles. Moreau. Il est tout au plus du style médiocre de dissertation. _ Il signifie aussi, n' en parlons plus. "Vous me devez; vous n' êtes pas en état de me payer: tout est dit, j' atendrai. MARIN. Julie.
   10°. Gresset se sert de dire pour parler, et de parleur pour Orateur:
   Éloge unique et dificile à croire,
   Pour tout parleur, qui dit publiquement,
   Nul ne dormoit dans tout son auditoire:
   Quel Orateur en pourroit dire autant?
       Ver-vert.
Cela peut se pâsser en vers, mais en prôse, cela ne vaudrait rien, même dans le style badin. Dire n' a pas cet emploi.
   On dit familièrement, Dire à quelqu' un son fait, lui parler fortement. En dire pis que pendre, en parler fort mal. _ Cela s' en va sans dire (quelques-uns ajoutent, comme le bréviaire de Messire Jean), cela est tout simple, et coule de source; il n' est pas nécessaire de le dire. "vous ne sauriez trop aimer Brancas, La Garde et d' Hacqueville. Pour l' Ab. de Grignan, cela s' en va sans dire. Sév. "Il lui a acheté pour mille écus de dentelle. _ Et sans marchander, je parie. _ Cela s' en va sans dire. TH. D' ÉDUC.
   * Se dire, pour dire, est un gasconisme commun à toutes les Provinces méridionales. "Il ne sait ce qu' il se dit, pour, ce qu' il dit. "J' étais si troublé, que je ne savais ce que je me disais, etc.
   On dit, figurément (st. famil.) cela ne dit rien, ne signifie rien, et dans la place où il est, ne sert de rien. "Tels ornemens dans ce tableau, ne disent rien. _ Elle a de beaux yeux, mais ils ne disent rien, ils ne sont pas animés. _ Le coeur me le dit, j' en ai quelque pressentiment. "Le coeur me dit que cela arrivera. _ Il y a bien à dire, il y a tout à dire entre ces deux persones: il y a bien de la diférence. _ Cela soit dit en passant. C' est ce que dit quelqu' un qui fait quelque léger reproche en peu de mots. _ C' est tout dire, pour tout dire, pour dire en un mot, signifie qu' il n' y a rien qui ne soit renfermé dans ce qu' on a dit, ou qu' on va dire. _ Il dit d' or, il parle bien, on ne peut mieux dire, mieux parler. C' est ce qu' on dit, quand quelqu' un dit quelque chôse qui flate nos sentimens ou nos desirs. _ Cela vous plait à dire, répond, par modestie, celui qu' on loue. _ S' il vient à bout de ce qu' il entreprend, de ce dont il se vante, je l' irai dire à Rome: on veut dire par là, qu' on croit la chôse impossible, ou très--dificile, qu' on n' espère pas qu' elle ait lieu.

DIRECT


DIRECT, ECTE, adj. DIRECTEMENT, adv. DIRECTEUR, TRICE, s. m. et fém. [Dirèk, rèkte, rèkteman, teur, trice; 2e è moyen, 3e e muet au 2d et 3e] Direct, droit. Rayon direct, par oposition à rayon réfléchi. En termes d' Astronomie, moûvement direct un astre, son moûvement d' Occident en Orient, et suivant les signes du zodiaque. _ En termes de généalogie, ligne directe, ligne des descendans, par oposition à ligne collatérale. _ En termes de Droit, Seigneur direct, dont une terre, une maison, etc. relèvent, Seigneurie directe, droits d' un Seigneur sur un héritage, qui relève directement de lui.
   DIRECTE, s. f. L' étendue du Fief d' un Seigneur direct. "Cette maison est dans la directe d' un tel Seigneur, d' un tel chapitre, etc.
   DIRECTEMENT, en ligne directe. "Les deux pôles sont directement oposés. _ Au figuré, entièrement: ces deux hommes sont directement oposés dans leurs sentimens, etc. _ S' adresser directement à quelqu' un:
   DIRECTEUR, qui conduit, qui règle, qui dirige. Directeur d' une entreprise, d' un ouvrage. Directrice d' une troupe de Comédiens. _ Directeur de conscience, ou simplement, Directeur, qui a soin de la conscience de quelqu' un. On le dit quelquefois pour Confesseur: c' est mon Directeur. "Il est des persones qui ont un Confesseur et un Directeur. Dans certains Couvens de Filles, on done le titre de Directrice à la Maitresse des Novices.

DIRECTION


DIRECTION, s. fém. DIRIGER, v. act. [Dirèk-cion, en vers ci-on, dirigé; 2e è moy. au 1er, dern. é fer. au 2d.] Diriger est, 1°. conduire, régler. Diriger une compagnie. Diriger la conscience d' une persone, ou, diriger une persone. Diriger une maison religieuse. = 2°. Tourner de quelque côté. Diriger ses pas, sa course, son vol, ses regards vers, etc.
   DIRECTION, 1°. Conduite. Prendre la direction d' une afaire. = 2°. Dans les Fermes, l' emploi du Directeur, et le pays où s' étend sa commission. = 3°. Direction de l' aimant, la propriété qu' il a de tourner un de ses pôles vers le Pôle arctique.
   Rem. Dans son sens propre et naturel, direction n' a point de pluriel. Les Allemands et les Anglais, les Anglais sur-tout, l' emploient dans ce nombre, et leurs traducteurs les copient fidèlement. Ils lui donent le sens d' Instructions. "Il fut encôre à portée de profiter des directions de plusieurs hommes célèbres, qui vivoient alors. Formey. "On dona les mêmes directions (instructions) au maître de l' Anne. Voy. d' Anson. "Ce sont là les meilleures directions que je puisse fournir à ceux de nos navigateurs, qui seront à l' avenir destinés pour la Mer du Sud. Ibid. Rousseau a aussi employé ce mot au pluriel, mais c' est dans un ouvrage demi-marotique.
   Dans ces conseils, dont les directions
   Font le destin de tant de Nations.

DIRECTOIRE


DIRECTOIRE, s. m. [Dirèk-toâ-re; 2e. è moy. 3e. lon. 4e e muet.] 1°. Ordre pour régler la manière de dire l' ofice et la messe dans l' année courante. = 2°. En certains pays, Tribunal chargé d' une direction civile ou militaire.

DIRECTORAT


*DIRECTORAT, s. m. Mot employé par Ménage. "Je me souviens, dit-il, d' avoir oui dire à M. Gombaud, que sous son Directorat (à l' Académie Française), ces Messieurs ayant opiné plusieurs jours, avec aparat, pour condamner une de ces stances (de Malherbe), quand il opina, et il opinoit le dernier, en qualité de Directeur, il ne dit autre chôse, sinon, Messieurs, je voudrois l' avoir faite. _ Ce mot n' a pas pâssé. Il pourrait quelquefois être utile.

DIRIGER


DIRIGER. Voy. DIRECTION.

DIRIMANT


DIRIMANT, adj. masc. Terme de droit canonique. Empêchement dirimant, défaut qui emporte la nullité du mariage.

DISANT


*DISANT, ANTE, On disait aûtrefois bien-disant, pour disert, éloquent. On ne le dit plus que par raillerie. Le Rich. Port. le remarque de même.

DISCALZE


*DISCALZE, adj. et subst. Barbarisme employé par l' Auteur de la vie de St. Pierre d' Alcantara. On dit, déchaussé.

DISC


DISC. Quand cette syllabe est devant un e ou un i, l' s ne se prononce pas. Discerner, disciple; pron. dicèrné, diciple.

DISCÉDER


*DISCÉDER, v. n. Néologisme peu heureux. "Cela vous étoneroit sans doute, mais cela ne vous feroit pas changer d' avis, parce que vous êtes bien résolu de n' en discéder jamais. L' Ab. Bergier à J. J. Rousseau.

DISCERNABLE


DISCERNABLE, adj. Qui peut être discerné. C' est un mot de Leibnitz. "Deux goutes d' eau ou de lait, regardées par le microscope, se trouveront discernables. _ Ce mot est inusité, mais il serait utile.

DISCERNEMENT


DISCERNEMENT, s. m. DISCERNER, v. act. [Dicêrneman, cêrné; 2e ê ouv. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Discerner, c' est distinguer une chôse d' une aûtre. Discernement est la distinction que l' on en fait. Discerner les couleurs l' une de l' aûtre, en faire le discernement. "Discerner le vrai du ou d' avec le faux, le flateur d' avec l' ami.
   Rem. Discernement se dit sur-tout de cette faculté de bien distinguer les chôses, et d' en juger sainement. "Esprit de discernement. Avoir beaucoup de discernement.
   Discernement, jugement (synon.) Le 1er n' a pour objet que ce qu' il y a à savoir, et se borne aux chôses présentes; le second s' atache encôre à ce qu' il y a à faire, et pousse ses lumières dans l' avenir. Le discernement démêle le vrai et le faux, les perfections et les défauts, les motifs et les prétextes; le jugement sent le raport et la conséquence des chôses, et en prévoit les suites et les éfets. Enfin, l' on peut dire du discernement, qu' il est éclairé, qu' il rend les idées justes, et empêche qu' on ne se trompe, en donant dans le faux ou dans le mauvais; et l' on peut dire du jugement, qu' il est sage, qu' il rend la conduite prudente, et empêche qu' on ne s' égâre en donant dans le travers ou dans le ridicule. "Lorsqu' il est question de choisir, ou de juger de la bonté ou de la beauté des objets, il faut s' en raporter aux gens qui ont du discernement. Lorsqu' il s' agit de faire quelque démarche, ou de se déterminer à prendre quelque parti, il faut suivre le conseil des persones qui ont du jugement. _ Les Arts et les Sciences veulent du discernement: il est plus ou moins délicat, selon la finesse de l' esprit, et l' étendue des conaissances. Le gouvernement et la politique demandent du jugement; il est plus ou moins sûr selon la force de la raison, et l' habitude de l' expérience. _ Qui n' a point de discernement est une bête: qui manque tout-à-fait de jugement, est un étourdi. GIR. Synon.

DISCIPLE


DISCIPLE, s. masc. [Disciple: dern. e muet.] Celui qui aprend d' un maître quelque science, ou quelque art libéral. "Instruire, former ses Disciples. Les Disciples de Platon, d' Aristote, de St. Augustin, de St. Thomas, ceux qui suivent leur doctrine. _ Les Disciples de J. C. les Chrétiens. V. ÉlèVE.

DISCIPLINABLE


DISCIPLINABLE, adj. DISCIPLINE, s. fém. DISCIPLINER, v. act. [Diciplinable, pline, pliné; 4e dout. au 1er, e muet au 2d, é fer. au 3e.] Discipline est, 1°. Instruction, éducation. Être sous la discipline d' un maître sévère. "Il y a des animaux capables de discipline. = 2°. Règlement ordre, conduite. "La discipline éclésiastique, religieuse, militaire. Rétablir la vigueur de l' anciène discipline.
= 3°. Fouet de cordelettes dont on se sert pour se mortifier, ou pour châtier ceux qui sont sous notre conduite. Prendre ou se doner la discipline. Ordoner la discipline, doner la discipline.
   DISCIPLINER se dit dans le 2d. sens de discipline; régler, tenir dans l' ordre. On le dit sur-tout des troupes. Discipliner des gens de guerre. Soldats bien ou mal disciplinés; compagnie, armée, bien ou mal disciplinée. _ Et dans le 3e sens. "Il a été discipliné en plein Chapitre. Les Religieux se disciplinent une ou deux fois la semaine.
   DISCIPLINABLE, docile, capable d' être discipliné (n°. 1°.) L' éléphant est de tous les animaux le plus disciplinable. "Ce jeune homme n' est pas disciplinable. Parmi les chiens, il y a des espèces plus disciplinables. Le Gendre.
   Rem. * On disait autrefois, les belles disciplines: on dit aujourd'hui les belles lettres. "Il n' étoit pas moins l' orâcle de toutes les belles disciplines, que celui de la Justice et des Loix. Mascaron. _ Même en se servant du mot Belles-Lettres, on ne dirait point toutes les belles-lettres, ni qu' un Magistrat ou tout aûtre en est l' orâcle. Tout cela est du vieux style.
   * Bossuet s' est servi de discipline, dans le sens d' exactitude: aûtre signification de ce mot, suranée et inusitée aujourd'hui. "Nous, qui expliquons l' Écritûre avec une discipline plus sevère. On dirait aujourd'hui, avec une exactitude, ou une attention plus scrupuleûse.

DISCONTINUER


DISCONTINUER, v. act. DISCONTINUATION, s. fém. [Diskontinu-é, nu-acion; devant l' e muet l' u est long: il discontinûe; au futur et au conditionel, l' e muet ne se prononce pas: il discontinuera, discontinuerait: prononcez discontinûra, nûré; l' û est long.] Discontinuer, c' est interrompre ce qu' on avait comencé. Discontinuation, interruption pour un temps de quelque action, de quelque ouvrage. "Discontinuer un ouvrage, un bâtiment, ses études. "Travailler sans discontinuation _ Neutralement: "la pluie a discontinué. "La guerre, depuis dix ans n' a pas discontinué. "La discontinuation du travail, du commerce, de la guerre.
   Rem. Discontinuer régit la prép. de devant les verbes. "Il a discontinué d' étudier, de travailler. "Depuis trois jours, la pluie n' a pas discontinué de tomber avec la même rapidité, le vent de soufler avec la même fureur.

DISCOLE


*DISCOLE. Voy. DYSCOLE.

DISCONVENANCE


DISCONVENANCE, s. fém. DISCONVENIR, v. neut. [2e longue, 3e e muet, 4e longue au premier.] C' est deux mots, qui ont la même source, n' ont pas grand raport dans leur signification. Le 1er se dit des chôses. Manque de convenance, disproportion, inégalité. Les mariages ne sont pas heureux, quand il y a une grande disconvenance d' âge. Trév. _ Le second se dit des persones: ne pas convenir, ne pas demeurer d' acord d' une chôse. Il régit de devant les noms et les verbes. "Il ne disconvient pas du fait: il disconvenoit de l' avoir dit. _ Dans les temps composés, il prend l' auxil. être: "Il n' en est pas disconvenu, et non pas, il n' en a pas disconvenu.
   Rem. Ce verbe régit quelquefois la conjonct. que avec le subjonctif, précédé de la négative ne: "Je ne disconviens pas qu' il ne puisse résulter quelque inconvénient de cet article. Avec ce régime, disconvenir ne s' emploie qu' avec la négative, et il en exige une aûtre devant le verbe régi. Quelques Auteurs ont retranché cette particule ne devant le régime. "On ne disconvient pas que le plaisir des sens puisse coopérer au bonheur. Le Spectacle enchanteur des merveilles de la nature le manifeste à chaque instant. Il falait, ne puisse coopérer, etc. "Je ne puise disconvenir qu' il règne à Ganjàm un dérèglement de moeurs, qui n' a rien de semblable dans toute l' Inde. Let. Édif. Il falait: qu' il ne règne, etc. _ L' Acad. met cette négative dans un de ses exemples. "Vous ne sauriez disconvenir qu' il ne vous en ait parlé.
   2°. Il y a un choix à faire entre le régime de la prép. de, et celui de la conjonction que. En général, quand le verbe régi ne se raporte pas au sujet de la phrâse (au nominatif de disconvenir), il faut se servir du dernier régime. "Il ne disconvient pas que je ne le lui aie dit; que je ne l' en aie averti. Quand il s' y raporte, il faut distinguer le fait du droit. Lorsqu' on ne parle que du fait, on met de; quand on parle du droit, on se sert de que. "Il ne disconvenait pas de l' avoir dit, et qu' il n' ait fort mal fait de le dire.

DISCORD


*DISCORD, subst. masc. Discorde. L' Académie se contentait de dire qu' il est vieux, et qu' il n' est guère d' usage qu' en vers. Elle a continué de le dire de même dans la dernière édition. Le P. Bouhours, au contraire, a dit depuis longtemps, que les bons Poètes ne s' en servaient plus. Racine, qui l' avait employé dans les Frères Ennemis, ne l' employa plus dans les aûtres Tragédies.
   Et que le Ciel vous mit, pour finir vos discords,
   L' un parmi les vivans, l' autre parmi les morts.
   On s' en servait ordinairement au pluriel.
Malherbe l' a pourtant employé au singul.
   Mais après lui, notre discord,
   N' aura plus qui dompte sa rage.
Il dit ailleurs:
   Le discord sortant des enfers.
Et ailleurs aussi, nos discors, sans d devant l' s. Ménage dit que le mot est beau, et que tous nos meilleurs Poètes modernes (de son temps) ne font point dificulté de s' en servir. Voilà encôre un mot qu' ont laissé perdre les Poètes. Que ne le rapèlent-ils dans une langue d' où il a été bani, et où il serait utile?

DISCORDANT


DISCORDANT, ANTE, adj. [3e lon. 4e e muet.] Qui n' est point d' acord, ou qu' on ne peut que dificilement acorder. Il se dit des voix et des instrumens de musique. Voix discordante, instrument, ton discordant. _ On le dit aussi des caractères, des humeurs. Caractères discordans, humeurs discordantes. "Des gens dont les principes et les intérêts sont si discordans. Anon. _ Mais on ne le dit point des persones même, et je ne voudrais pas imiter Bossuet, qui parle d' hommes discordans, qui ne s' acordent pas. Ils sont persuadés que les hommes discordans sur la religion, ne sauroient se réunir dans les mêmes complots. _ Bossuet l' emploie ailleurs, en parlant des chôses avec la prép. de pour régime. "Il y ajoutoit des notes latines, qui n' étoient pas moins discordantes de son livre. Dans cet endroit, et l' emploi du mot et le régime, sont également irréguliers. _ Plus récemment, on a dit discordant avec, qui vaut mieux. "Souvent son unique but (d' Euripide.) est d' exposer des situations théatrales, quelque discordante qu' elles soient avec son sujet. Journ. de Mons.

DISCORDE


DISCORDE, s. f. DISCORDER. v. neut. [3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Discorde, dissention, division entre deux ou plusieurs persones. "Semer, nourrir, entretenir, fomenter la discorde. "Ce sont des discordes perpétuelles. _ Discorde est aussi le nom d' une Déesse fabuleûse. Elle jeta, au milieu des Dieux, une pomme d' or, qui fut entre eux un sujet de dissention. De là, l' expression: pomme de discorde, sujet, caûse de division. "Ce mariage a été pour les deux familles, une pomme de discorde. _ Cette expression, ayant son origine dans la Fable, ne doit pas, ce semble, être admise dans le langage de la Religion. St. Paul, dit le P. Griffet, jette adroitement parmi eux une pomme de discorde. Ann. Chrét. C' est un manque d' atention dans cet estimable et laborieux Écrivain.
   DISCORDER, ne se dit qu' en Musique. Être discordant. Danet l' avait mis; Trév. se contente de dire qu' il est de peu d' usage. Il ne l' est du tout point dans le discours ordinaire.

DISCOUREUR


DISCOUREUR, EûSE, s. m. et f. DISCOURIR, v. n. [Dis-kou-reur, reû-ze, ri.] Grand parleur, grande parleûse. "Les Grecs même, tout grands discoureurs qu' ils étoient, ont repris dans Homère cette intempérance de paroles, comme un défaut considérable du discours. P. Rapin. = Quand il est seul, il se prend en mauvaise part: il n' est un éloge que quand il est associé à quelque épithète honorable: C' est un beau discoureur, il parle agréablement, mais sans solidité. Ainsi, cette expression tient du blâme et de la louange. Il fait le beau discoureur, il afecte de bien parler, et il se plait à parler long-temps.
   DISCOUREûSE, a été employé adjectivement par M. Linguet. "Cette anecdote n' est pas une des moindres preûves du danger de ces assemblées discoureuses (les Parlemens d' Angleterre), où, sous prétexte d' approfondir les intérêts d' une Nation, on la compromet bien plus souvent qu' on ne la sert.
   DISCOURIR, parler sur une matière avec quelque peu d' étendûe. Il régit de, ou sur. "Socrate discourut de, ou sur l' immortalité de l' âme. Sur me parait le meilleur. _ Ne faire que discourir, ne dire que des chôses frivoles et inutiles.

DISCOURS


DISCOURS, s. m. [Dis-kour; devant une voyelle kourz.] Propos, assemblage de paroles, pour expliquer ce que l' on pense. Trév. Acad. Manière de parler d' une personne. Rich. Port. Cette dernière définition ne vaut rien: elle exprime une circonstance du discours, et non le discours lui-même. "Discours familier, ou soutenu; fleuri, ou véhément; raisonable, ou extravagant. Faire de longs discours, des discours en l' air. Interrompre le discours, reprendre le fil du discours. _ Il se prend plus particulièrement pour une pièce d' éloquence: l' Acad. dit, soit en prôse, soit en vers: mais quand on dit discours tout seul, on l' entend d' un discours en prôse. "Il a fait un beau discours sur cette matière. Dans ce discours, il s' est élevé avec force contre le luxe, contre l' irréligion. _ Discours en vers. Ils sont râres aujourd'hui; ils n' ont même jamais été fort comuns. On n' a pas souvent doné ce titre à des ouvrages de poésie.

DISCOURTOIS


*DISCOURTOIS, OISE, adj. DISCOURTOISIE, s. f. Ils sont vieux, et c' est domage. On ne les dit plus que par dérision. On dit, impoli, impolitesse.

DISCRET


DISCRET, ÈTE, adj. DISCRèTEMENT, adv. DISCRÉTION, s. f. [2e è moy. aux 3 1ers, é fer. au 4e: Diskrè, krète, krèteman, kré--cion. Il faut savoir gré à l' Acad. de n' avoir pas écrit discrette avec 2 t: mais il n' est pas aisé de deviner pourquoi elle écrit discrète avec l' acc. grâve sur la 2de, et discrétement avec l' acc. aigu: l' è est moyen dans l' un comme dans l' aûtre; il faut donc les marquer tous deux du même accent.] Discret, 1°. Sage et retenu dans ses paroles et ses actions, qui sait se taire et parler à propôs. "Il est extrêmement discret. _ Il ne se dit des chôses que relativement aux persones. "Il en a usé d' une manière tout-à fait discrète. Conduire discrète, etc. = 2°. Qui sait garder le secret, et qui le garde fidèlement. Cet homme est fort discret: Cette femme n' est guère discrète. = Discrètement, d' une manière discrète. Parler, en user, se conduire, agir discrètement.
   DISCRÉTION, prudence, retenue, science des égards. Trév. Judicieuse retenue, circonspection dans les actions et dans les paroles. Acad. Prudence, retenue, conduite discrète. Rich. Port. À~ tout prendre, la définition de l' Acad. est la meilleûre. "Il a beaucoup de discrétion: il n' a point de discrétion. "Agir, parler avec discrétion.
   On dit adverbialement, à discrétion, sans régime, et à la discrétion, avec la prép. de. Les soldats vivent à discrétion chez leurs hôtes, quand ils y vivent sans discipline et sans aûtre règle que leur volonté. "Cette Ville s' est rendue à discrétion, sans condition, et s' en remettant à la clémence du Vainqueur. Avoir du pain, du vin, etc., à discrétion, sans qu' on le règle, et tant qu' on peut en manger, ou en boire. "Elle me mit aux mains avec un reste de ragoût de la veille et des volailles froides, une bouteille de vin presque pleine, et du pain à discrétion. MARIV. "Elle se voyoit enlever l' espoir d' une soîrée où elle auroit fait la commère à discrétion, c. à. d., tant qu' elle auroit voulu. Id. = Se mettre à la discrétion de quelqu' un, se livrer entièrement à sa volonté. "Je suis, ou, je me suis mis à la discrétion de cet homme cruel et impérieux. "Quand le salut de l' Hespérie, quand celui de Salente et d' Idoménée sera à votre discrétion, serez-vous contens? _ Se remettre à la discrétion de quelqu' un, c' est s' en raporter à son jugement, à son équité. "Je me remets à votre discrétion, à sa discrétion.
   Rem. * Discrétion, en anglais, a plus d' étendûe qu' en français. Il se prend souvent pour prudence, habileté. M. Targe le traduit toujours littéralement. Il dit d' un Stathouder, qu'~ il se conduisit avec autant d' industrie que de discrétion. L' un et l' aûtre mot sont impropres en ce sens, dans notre Langue.
   DISCRÉTION, est aussi ce qu' on gage, ou qu' on joûe, sans le marquer précisément, et le laissant à la volonté de celui qui perdra. Gageons, jouons une discrétion. Perdre, gagner une discrétion.

DISCULPER


DISCULPER, v. a. [Diskulpé; 3e é fer.] Justifier d' une faute imputée. Acad. Excuser, pallier une faute, tâcher de justifier une action. Trév. Purger d' une faute imputée. Rich. Port. La définition de Trévoux ne vaut rien; car disculper, ce n' est pas seulement excuser, pallier, tâcher de justifier, c' est justifier en éfet. Il régit de: "Ses amis l' ont disculpé de ce dont on l' accusoit. Il se dit aussi avec le seul régime absolu. "Cette dernière action l' a pleinement disculpé dans le public, auprès du Prince. _ On l' emploie le plus souvent avec le pron. pers. "Il s' en est disculpé: Je veux me disculper envers lui, ou, auprès de lui.
   Rem. Ce mot vient de l' italien discolpare, et il y a apparence que nous le devons au Cardinal Mazarin. Bouh.

DISCURSIF


*DISCURSIF, IVE, adj. Ce mot est vieux. Mallebranche l' a employé pour discoureur: "Leurs esprits seront toujours foibles, superficiels et discursifs, si leurs volontés demeurent toujours légeres, inconstantes et volages. _ L' Acad. dit que c' est un terme de Logique: "L' homme a la faculté discursive, c. à. d., qui tire une proposition d' une aûtre par le raisonement. C' est de la vieille Logique.

DISCUSSION


DISCUSSION, s. f. DISCUTER, v. act. [Disku-cion, en vers, ci-on; diskuté.] Plusieurs Écrivains ont écrit discution avec un t, entr' aûtres, Bossuet, Rousseau, Bougainville, l' Ab. Bergier, etc. Dans le Dict. Gram. on le condamne; mais il semble qu' à consulter l' analogie il devrait être préféré, puisqu' il vient de discuter; au lieu que discussion n' a de plus pour lui que l' étymologie latine discussio et quelques Dictionaires. Les Auteurs sont partagés.
   DISCUTER, c' est 1°. Examiner une question, une afaire avec soin, avec exactitude; en bien considérer le pour et le contre. "Discuter un point de droit, la vérité d' un fait. "Cette afaire a été bien discutée. = 2°. Discuter, se dit au Palais, des persones. Discuter un débiteur, discuter ses biens, les faire vendre par autorité de Justice. "Il faut discuter le principal obligé, avant que d' attaquer la caution.
   Rem. Un Auteur moderne fait ce verbe neutre, et lui fait régir l' ablatif. "Les matières de la Religion exigent, outre une foi vive, une étude très approfondie, avant qu' on soit en état d' en discuter solidement. L' Ab. Henn. Peut-être faut-il lire disputer; alors le régime serait exact: en disputer, et les discuter; mais le mot serait moins propre avec l' adverbe solidement. _ Mde de Genlis l' emploie aussi neutralement, avec la prép. sur pour régime. "Je vois mon pere, entouré de Juges, discutant froidement sur l' intérêt le plus cher à mon coeur. Th. d' Educ. Le Magistrat. Et M. Targe. "Voulant satisfaire la curiosité de la Reine, on discuta sur ce bill. Hist. de Smollet. L' emploi de ce verbe avec ce régime est inusité. On dirait avec l' actif, discutant l' intérêt; on discuta ce bill.
   DISCUSSION, a les deux sens de discuter: C' est une afaire de discussion, de longue discussion. Faire une discussion de biens, etc.; mais il a un 3e sens, que n' a pas le verbe dispute, contestation. On dit: "Ils ont eu une grande discussion ensemble; mais on ne dit pas, ils ont discuté ensemble.

DISERT


DISERT, ERTE, adj. DISERTEMENT, adv. [Dizêr, zêrte, zêrteman; 2e ê ouv. 3e e muet.] Qui parle aisément et avec quelque élégance. "Il est plutôt disert qu' il n' est éloquent; il parle disertement. _ Ces mots sont tout au plus du style médiocre, du style de critique et de dissertation.
   C' est devant eux que vos langues disertes
   Pourront prêcher leurs rares découvertes.
       Rouss.
* On l' a fait aûtrefois substantif. MAYNARD dit, dans un Sonnet à GOMBERVILLE:
   Rome plaint les Diserts qu' Auguste a caressés.
   Tes écrits ont enfin guéri la Renommée
   De l' amour qu' elle avoit pour les siecles passés.
   Disert, éloquent (synon.) Ces deux termes~ caractérisent également un discours d' aparat~ Le discours disert est facile, clair, pur, élégant~ et même brillant, mais il est faible et~ sans feu; le discours éloquent est vif, animé persuasif, touchant: il émeut, il élève l' âme, il la maitrise. _ Ces epithètes se donent également aux persones, et pour les mêmes raisons. Supposez à un homme disert du nerf dans l' expression, de l' élévation dans les pensées, de la chaleur dans les mouvemens, vous en ferez un homme éloquent. Beauzée.

DISETTE


DISETTE, s. f. *DISETTEUX, EûSE, adj. [Dizète, zê-teû, teû-ze; 2e è moy. au 1er, é fer. aux 2 aûtres, 3e e muet au subst., longue à l' adj.] Disette, nécessité, manque de quelque chose nécessaire. Acad. Cherté, défaut de vivres, besoin de quelque chôse; pauvreté. Trév. Pauvreté, défaut de vivres, ou d' autre chose. Rich. Port. La définition de Trévoux me parait la meilleûre, parce qu' elle rassemble mieux tous les emplois de ce mot. "Disette de vivres; grande disette de toutes chôses. _ Figurément, dans une telle langue il y une grande disette de mots. _ Voy. BESOIN.
   *DISETTEUX, qui manque des choses nécessaires. Acad. Qui a disette. Trév. _ Ce mot est vieux. Furetière s' en est servi dans son Factum contre l' Académie. "Ils travaillent à rendre la Langue pauvre et disetteuse. L' Auteur des Réflexions dit que ce mot n' est pas d' usage. L' Acad. ne le désaprouvait point d' abord; mais dans les dernières éditions, elle dit qu' il est vieux. _ Deux Auteurs célèbres l' ont employé depuis peu. "La classe laborieuse et disetteuse est composée de familles où il se trouve des enfans qui n' ont pas encore la force de rien gagner. Linguet. "La vie dure et disetteuse des Sauvages. Raynal.

DISEUR


DISEUR, EûSE, adj. [Di-zeur, zeû-ze; 2e lon. au 2d, 3e e muet.] Celui, celle qui dit. L' emploi de ce mot est borné aux phrâses suivantes. Diseur de bons mots; diseûse de bagatelles: Diseur de nouvelles; diseur, diseûse de riens, de sornettes. _ Un beau diseur, un homme qui afecte de bien parler. "Gaumin étoit un des esprits agréables et des beaux diseurs de son temps. Sabat. Trois Siècles. _ * Mde de Sévigné emploie diseûse tout seul, sans épithète et sans régime. "Vous voudriez donc que je visse votre coeur sur mon sujet: je suis persuadée que j' en serois contente: vous n' êtes point une diseûse; vous êtes assez sincère.

DISGRâCE


DISGRâCE, s. f. DISGRACIÉ, ÉE, adj. DISGRACIER, v. a. [Il convient de mettre un accent circonflexe sur l' â du 1er, parce qu' il est long: on n' en met point sur l' a des aûtres, parce qu' il est bref. L' Acad. écrit grâce avec l' acc., et disgrace sans acc.] Disgrâce, 1°. Diminution, perte de faveur. Trév. Perte, privation des bones grâces d' une personne puissante. Acad. Ce qui est opposé à la faveur et au crédit. Rich. Port. Cette dernière définition ne vaut rien; celle de Trév. peut pâsser; la meilleûre est celle de l' Acad. "On ne sait d' où vient sa disgrâce, la caûse, le sujet de sa disgrâce. Tomber en disgrâce. Encourir la disgrâce du Prince. Durant sa disgrâce, etc. = 2°. Infortune, malheur. "Il lui est arrivé une disgrâce. "La patience dans les revers et les disgrâces, est une vertu bien râre.
   DISGRACIER, cesser de favoriser quelqu' un, le priver de ses bonnes grâces. Acad. _ Trév. ajoûte; éloigner quelqu' un de sa présence, lui ôter la faveur, la protection qu' on lui donnait. Cette addition est utile. "Le Roi le disgracia. "Ses imprudences l' ont fait disgracier.
   DISGRACIÉ, ou, disgracié de la natûre, qui a quelque chôse de défiguré, de diforme en sa persone. "On ne saurait voir une persone plus disgraciée. "Il est fort disgracié de la natûre.
   Rem. Le P. Bouhours n' aimait point qu' on dît encourir la disgrâce du Prince; tomber dans la disgrâce de Dieu. Il ne pouvait soufrir non plus disgracié tout seul, pour disgracié de la natûre: mais ces expressions se sont toujours plus acréditées; les premières dans tous les styles, l' aûtre dans le style familier seulement.

DISGRACIEUX


DISGRACIEUX, EûSE, adj. [Disgra-cieû, cieû-ze, en vers, ci-eû; 3e lon. 4e e muet.] Désagréable. Il se dit plus souvent des chôses que des persones. "Un homme disgracieux, une femme disgracieûse. Évènement, accident disgracieux; aventûre disgracieûse. M. Targe lui done le sens de, qui n' est pas gracieux, afable. Il dit, d' après Smollet, de Guillaume III: Froid parent, mari indifférent, homme désagréable, Prince disgracieux. En ce sens, c' est un anglicisme.

DISGRÉGATION


*DISGRÉGATION, s. f. DISGRÉGER, v. a. L' Acad. ne met que le substantif. Ce sont des termes de Philosophie qui vieillissent, et sont aujourd'hui peu usités. Le blanc caûse la disgrégation de la vûe, disgrège la vûe, la blesse et l' égâre, à caûse des rayons qui la frapent de tous les côtés. On a dit autrefois, que les Juifs étoient disgrégés et dispersés par le monde. Trév. Il est encôre plus vieux en ce sens.

DISJOINDRE


DISJOINDRE, v. a. Séparer des chôses qui étaient jointes. Ce verbe est peu usité. L' Acad. n' en cite qu' un exemple, qui est de la Pratique. "Disjoindre une instance en Justice. _ Mde de B... s' est servi du participe dans l' Hist. d' Angl. "Les Anglois firent quelques efforts pour rajuster les parties disjointes de leur Gouvernement. "La Normandie fut disjointe du Royaume d' Angleterre. Dans le Rich. Port. on avertit qu' il ne se dit point des chôses matérielles.

DISJONCTIF


DISJONCTIF, IVE, adj. Terme de Gramaire. Il ne se dit guère qu' au féminin. Particule, ou conjonction disjonctive, qui en joignant les membres d' un discours expriment l' alternative entre deux partis proposés, ou la négative de tous les deux. Les particules ou et ni sont des particules disjonctives: ou celui-ci, ou celui-là; ni l' un, ni l' aûtre, etc. Ajoutons-y soit et soit que, redoublés: soit dans la bonne, soit dans la mauvaise fortune; soit que vous mangiez, soit que vous buviez.
   Rem. Lorsqu' il y a plusieurs substantifs séparés par une disjonctive, il n' y a que le dernier qui fasse le régime du verbe. "Ou la force, ou la douceur, le fera, et non pas, le feront. VAUG.

DISJONCTION


DISJONCTION, s. f. Séparation. "La disjonction de deux Instances. Il ne se dit qu' au Palais. Voy. DISJOINDRE.

DISLOCATION


DISLOCATION, s. f. DISLOQUER, v. a. [Disloka-cion, disloké.] Déboîtement d' un os. Démettre, déboîter. "La dislocation des ôs. Disloquer les ôs. _ On dit par abus, mais c' est l' usage, disloquer le brâs, le pouce, pour disloquer les ôs du brâs, du pouce; plus abusivement encôre dans le style fig. famil. disloquer la cervelle, mettre l' esprit hors de son assiète. "Cela lui a disloqué la cervelle. La métaphôre n' a point de justesse, puisque la cervelle n' a point d' ôs; mais il ne faut pas demander de raison à l' Usage. _ Rousseau l' a dit de l' esprit.
   Et de quels noms plus doux et plus musqués.
   Puis-je apeler tant d' esprits disloqués?
   La figûre me paroît plus que hardie, et il me semble que la licence poétique et même marotique ne va pas jusque là.

DISPARATE


DISPARATE, s. f. et adj. Ce mot d' origine espagnole avait été adopté en France dans le dernier siècle, mais il n' avait pas fait grande fortune. Depuis quelques années, il est fort en vogue. _ Écart, inégalité dans la conduite ou dans les discours. Scuderi s' en est servi dans ses Observations sur le Cid. "En cet endroit, dit-il, s' il m' est permis d' user de ce mot, il fait encôre une disparate. Nos Écrivains modernes l' emploient sans en demander la permission. "Cette nouvelle méthode a encôre, indépendamment de ses disparates, des défauts essentiels. Bufon. "Malgré tant de disparates, capables de faire ouvrir les yeux, tout ce que cet Écrivain (Voltaire) a produit a été acueilli, cru, préconisé: il est devenu l' idole de son siècle. Sabat. Trois siècles. _ M. l' Ab. Grosier le fait subst. masc. Il dit de Shakespeare. "Par-tout des disparates choquans et bizârres. M. Servan a dit aussi, les disparates les plus choquans. Ce substantif est certainement féminin. L' Ab. des Fontaines dit Disparat au masc. et le fait adjectif. "Plus de liaison entre les faits disparats, plus de brièveté dans les digressions... doneroient à cet ouvrage (la vie de Louis XI) un nouveau lustre. _ On ne l' emploie guère qu' au feminin. "Voilà des chôses bien disparates, qui ne vont point ensemble. _ Dans l' Ann. Litt. on lui fait régir la prép. de: "Cette anecdote, si disparate de ce qui précède, a été amenée par une transition si simple. _ Ce régime peut être quelquefois utile.

DISPARITÉ


DISPARITÉ, s. f. Inégalité, différence entre des chôses qui ne se peuvent comparer. Acad. Circonstance qui fait que deux chôses ne sont point semblables. Trév. "Il y a bien de la disparité entre ces deux chôses: il y a entr' elles une grande disparité. "La disparité consiste en ce que, etc.

DISPARITION


DISPARITION, s. f. *DISPARAISSANT, ANTE, adj. DISPARAîTRE, v. n. [Dispari--cion, rê-san, sante, rêtre: 3e lon. au 3e, 4e lon. au 2d et 3e.] Disparition est l' action de disparaitre. Plusieurs Écrivains ont dit disparution. "Hermione, fille d' Hélène, s' apercevant de la disparution de sa mère. Guys: Voy. Litt. de la Grèce. "De tous ceux, que sa disparution (de Voltaire) a semblé affliger, les Philosophes ont été le plus promptement consolés. Linguet. On troûve encôre disparution dans l' Ann. Litt. et âilleurs. _ Le plus grand nombre emploie disparition. "Mémoire sur la caûse des courtes aparitions & des longues disparitions des Satellites de Vénus. Mairan. "Sa disparition subite après l' Arrêt, répand un nouveau jour sur ce mystère d' iniquité. Fréron. "Il écrit à son ami, pour le plaisanter sur sa disparition subite. Grosier. On troûve aussi disparition dans le Mercûre, dans le Dict. de Phys. du P. Paulian et dans beaucoup d' aûtres ouvrages. Tous les Dictionaires le mettent, et ne font pas mention de disparution. Celui-ci n' a d' analogie qu' avec comparution, terme de Palais. Aussi les Avocats l' emploient de préférence. Disparition est au contraire analogue pour l' ortographe à aparition, dont il est l' oposé. Pour toutes ces raisons, il est préférable.
   *DISPARAISSANT, qui disparait. Il n' est point dans les Dictionaires, et peu d' Auteurs s' en sont servis adjectivement. Je ne l' ai remarqué que dans une phrâse de Fléchier, où il fait fort bien. "Il (David) regarde la vie... comme l' ombre, qui s' étend, se retrécit, se dissipe: sombre, vide et disparaissante figûre.
   DISPARAITRE, est 1°. Cesser de paraitre. "L' Ange disparut après lui avoir parlé. "Ce météôre a disparu. = 2°. Se retirer promptement, se cacher: "Il a fait banqueroute, il a disparu. = 3°. Figurément, on le dit des chôses qu' on ne troûve pas. Je cherche en vain mes gants, ce livre; ils ont disparu.
   Rem. 1°. Le torrent des Auteurs done à ce verbe l' auxil. avoir; il a disparu, ils ont disparu. Plusieurs l' ont employé avec l' auxil. être. "vous êtes disparu. Mol.
   Quoi de quelque côté que je jette la vûe,
   La foi de tous les coeurs est pour moi disparûe.
       Racine.
S' il n' y avoit que cet exemple, on pourrait croire que la rime aurait ocasioné cette irrégularité, aussi bien que dans Racine le Fils.
   Mèdes, Assyriens, vous êtes disparus.
   Parthes, Carthaginois, Romains, vous n' êtes plus.
Mais on le troûve aussi chez des Prosateurs, qui ne sont génés ni par la mesûre du vers, ni par la rime. "Comme si tout danger fût disparu. Rollin. "Tout le bois et les parties grossières de la tige sont disparûes. Pluche. "Les grands Auteurs étoient disparus depuis long-temps. l' Ab. du Bos. "C' est ainsi que la modestie naturelle au sexe est peu à peu disparûe. J. J. Rouss. "Ils ne s' aperçurent pas que nous étions disparus. Voyageur Français. _ M. de Wailly met ce verbe au nombre de ceux, qui prènent indiféremment le v. avoir ou le v. être pour auxiliaire. L' Acad. met plusieurs exemples du 1er, et un seul où elle les met tous deux, a disparu, est disparu.
   2°. DISPARAITRE, se dit d' ordinaire absolument & sans régime, du moins de la persone. On dit, il disparut et non pas, il nous disparut, comme l' a dit Rousseau. Que si l' on dit: il disparut à nos yeux; ou c' est un régime unique, qui ne fait pas loi pour d' autres mots, ou l' on peut dire qu' à nos yeux est employé là adverbialement. _ Quelquefois pourtant disparaître régit la prép. de du lieu d' où l' on disparaît. "Il disparut de l' assemblée. Dict. Gram.

DISPENDIEUX


DISPENDIEUX, EûSE, adj. [Dispan--di-eû, eûze: 2e é & 4e lon.] Qui ne se fait qu' avec beaucoup de dépense. Entreprise dispendieûse. _ Ce mot nÞest pas du beau style: mais M. Linguet l' a heureûsement employé, à la vérité dans un aûtre sens que celui, qui lui done l' usage. Il (le Prophète Isaïe) rapelle le luxe funeste et dispendieux de ce Roi renversé. Dans cette phrâse, dispendieux signifie qui fait de grandes dépenses, qui est fort dépensier. C' est dans ce sens que plusieurs disent, cet homme est dispendieux, cette femme est fort dispendieûse. L' usage n' admet pas cette acception dans l' emploi de ce mot. Il ne se dit point des persones.

DISPENSATEUR


DISPENSATEUR, TRICE, s. m. & f. DISPENSATION, s. f. DISPENSER, v. act. [Dispansateur, trice, sa-cion, : 2e lon. en a le son d' an]. Distributeur. Distribution. Distribuer. "Juste dispensateur des bienfaits du Prince. Bonne dispensatrice. "Juste dispensation des grâces. "Il y a autant d' ignorance que d' injustice à vouloir juger des dispensations d' une Providence que nous ne concevons pas. Fielding. Ce pluriel est un anglicisme: il n' est pas dans le goût de notre langue. _ Dispenser, 1°. Dans ce sens de départir, distribuer, ne se dit guère que de Dieu & des Rois ou de leurs Ministres: "Dieu dispense ses dons comme il lui plait. "Ce Roi dispensait ses grâces avec discernement. L' Acad. le met sans remarque: elle le dit aussi des revenus éclésiastiques. Trév. le dit aussi des Sacremens; mais il ne se dit guère de cette manière.
   2°. DISPENSER a un autre sens, qui est plus comun. Exempter de la règle ordinaire, faire une exception en faveur de quelqu' un. Actif & réciproque, il régit de devant les noms et les verbes. Dispenser de la loi comune, de la règle, du jeûne, de l' abstinence. Dispenser quelqu' un de faire sa charge. "Ma maladie m' a dispensé de ce devoir pénible. "Dispensez-moi de vous dire des chôses désagréables. "Il se dispense de tous ses devoirs: il s' est dispensé de s' y rendre. _ Quelquefois ce n' est qu' une formule de politesse. Dispensez-m' en, dispensez-moi de le faire.
   Rem. * On a dit aûtrefois, se dispenser à des actions, à des libertés, pour dire, se permettre des actions, des libertés: on ne le dit plus. _ Corneille a dit dans Polyeucte.
   Quoi s' il aimoit ailleurs, serois-je dispensée
   À~ suivre, à son exemple, une ardeur insensée.
Dispensée pour autorisée. Cette expression serait aujourd'hui vicieûse.

DISPENSE


DISPENSE, s. f. [Dispanse: 2e lon. 3e e muet]. Il a le 2d sens de dispenser, et il en a les régimes, comme dispensation correspond au premier sens de ce verbe. _ Exemption de la règle ordinaire. Dispense de la loi; dispense d' âge. Dispense de résider. Demander, acorder, obtenir dispense (sans article) ou une dispense. _ Quelquefois il ne signifie que permission: "dispense de manger de la viande, d' épouser une parente, etc.

DISPERSER


DISPERSER, v. a. DISPERSION, s. f. [dispêrsé: dispêr-sion, en vers si-on: 2e ê ouv. 3e é fer. au 1er] Disperser, c' est 1°. répandre, jeter ça & là. Il se dit des chôses et des persones. "Disperser de l' argent; disperser des troupes, des soldats, les envoyer en divers lieux. = 2°. Mettre en désordre. Disperser un troupeau. "Frapée de cette terreur panique, l' armée fut bientôt dispersée. "Les Juifs furent dispersés après la destruction du Temple.
   DISPERSER pour distribuer, répandre, est un terme impropre. "Ils eurent l' imprudence de disperser des copies de cette lettre. Hist. des Tud.
   DISPERSION est l' action de disperser ou par laquelle on est dispersé. "La dispersion est une peine dont Dieu avoit menacé, et dont il punit les Juifs. "La dispersion des Juifs avoit été prédite par les Prophètes. Avec le régime de la prép. de, ce mot a le sens passif, et se dit de ceux qui sont dispersés, et non de celui qui disperse.

DISPONIBLE


DISPONIBLE, adj. Terme de Droit. Il se dit des biens dont on peut disposer. M. Moreau et M. Henaut, tout deux hommes de Palais, l' ont employé dans l' Histoire de France. "Transmissible par succession, et disponible par des conventions. Moreau. "Auparavant l' Ordonance du Domaine de 1566, les biens patrimoniaux de nos Rois étoient libres et disponibles. HENAUT. Ce dernier Auteur a eu l' attention de le faire imprimer en italique. M. Necker s' en est aussi servi dans son Compte rendu au Roi. "Il est donc simple de ne porter en revenu net, disponible, que l' excédent à verser à votre trésor royal.

DISPôS


DISPôS, adj. m. Léger, agile. "Gaillard et dispôs. "On ne peut pas être plus dispôs à son âge. Il ne se dit proprement que des hommes. Acad. Il n' a point de féminin. On ne dit point dispôse; et dispôte est un grossier barbarisme.

DISPOSER


DISPOSER, v. act. et neut. [dispozé; 3e é fer. Devant l' e muet, l' o est long: il dispôse, dipôsera, dispôserait.] 1°. Arranger, mettre les chôses dans un certain ordre. "L' Architecte a bien disposé les apartemens de cette maison. "Dieu a disposé, dans un ordre merveilleux, toutes les parties de cet univers. Disposer des troupes, etc. = 2°. Préparer à... Il régit à devant les noms et les verbes. "On l' a disposé à cette mauvaise nouvelle: "Il faut disposer ce malade à recevoir les sacremens. Se disposer et être disposé ont les mêmes régimes. Se disposer à un voyage; il se dispôse à partir. "Il est disposé à tout, à faire tout ce qu' on voudra. = 3°. Il se dit des chôses qu' on prépare pour quelque ocasion. Alors il régit la prép. pour. "On a tout disposé pour cette cérémonie. "On a disposé les apartemens pour recevoir le Prince. = 4°. Neut. Faire de quelque chôse ou de quelqu' un ce qu' on veut. Disposer de ses enfans. "On ne dispose pas de lui comme on veut. Vous pouvez disposer de moi, de tout ce que j' ai. = 5°. Aliéner. "Les mineurs ne peuvent pas disposer de leurs biens.
   DISPOSÉ, ÉE, adj. Bien ou mal intentioné pour: "Il est bien disposé pour vous, en votre faveur: vous êtes mal disposé pour lui: quelle peut en être la caûse?
   On dit que Dieu a disposé d' une persone, qu' il en a disposé, pour dire que cette persone est morte. _ Le Proverbe dit: l' Homme propôse et Dieu dispôse: nous formons des desseins; mais le succès dépend de Dieu.
   Rem. 1°. Un Auteur moderne a employé disposer dans le sens de distribuer, dispenser: "Dieu dispôse ses dons. C' est contre l' usage. _ Regnard lui done deux régimes, l' accusatif, et l' ablatif, dans le sens marqué n°. 4°. où il est neut. et n' a que ce 2d régime. "Il dispôse de son argent, quarante mille francs. L' usage n' admet pas non plus ces deux régimes. DICT. GRAM.
   2°. Un pieux Biographe fait régir, au réciproque, la prép. de: "Il se disposoit de partir. Vie de St. Jean de la Croix. _ Un des Auteurs des Lettres Edifiantes dit aussi, en employant le passif. "Il étoit disposé de faire tout ce qu' on demandoit de lui. _ Il faut, à partir, à faire,

DISPOSITIF


DISPOSITIF, s. m. [Dispozitif.] Le prononcé d' un Édit, d' une Déclaration, d' une Sentence, d' un Arrêt. "Le dispositif... porte que... Ce terme sert à distinguer le prononcé, du d' une Sentence, d' un Arrêt et du Préambule d' un Édit, d' une Déclaration.

DISPOSITION


DISPOSITION, s. fém. [Dispozi-cion, en vers, ci-on.] 1°. Arrangement: la disposition des lieux, des troupes, de la bataille, d' un Discours, d' un Poème, des Scènes d' une pièce de théâtre. = 2°. Action par laquelle on dispôse de quelque chôse, ou l' éfet qui en résulte. Disposition testamentaire. Il a fait une sage disposition. "Selon la disposition qu' il a faite, etc. = 3°. Pouvoir de disposer. "Cela est ou n' est pas en ma disposition. "Tout est en la disposition de Dieu. "Il n' est pas en ma disposition de vous confier ces papiers. "On lui a laissé l' entière disposition de tous les emplois. = 4°. Aptitude, génie, qui rend propre à quelque chôse. Disposition à ou pour la danse, la musique. "Il a de la disposition à réussir. _ Inclination. "Cet enfant a beaucoup de disposition au bien. "Naturellement on n' a que trop de disposition au mal. _ Sentimens, où l' on est à l' égard de quelqu' un. "Il a de très-bonnes dispositions pour vous. "Il est dans une disposition très-favorable pour ce qui vous regarde. = 5°. En parlant des chôses, préparation et acheminement à quelque chôse de prochain. "Il paroît dans l' air de la disposition à la pluie. "Ce pouls marque de la disposition à la fièvre.
   Dans la disposition et en disposition. adv. Ils régissent de et l' infinitif. "Il est dans la disposition de vous satisfaire: il se mit en disposition de tirer l' épée.
   En la disposition, ou à la disposition de, ont le même sens et le même régime: ils s' emploient de même avec les pronoms possessifs, en ma disposition, en sa disposition, etc. Mais il semble que le premier est plus relatif aux chôses, et le 2d aux persones. "Cela n' est pas en ma disposition. "Il a des gens à sa disposition. "Il était entièrement à la disposition de son Supérieur. _ On peut pourtant dire celui-ci, des chôses, mais celui-là ne ferait pas bien avec les persones. "Je ne repartis à cela que par un soupir: je n' avois que cette réponse à ma disposition. Mariv. _ * Le P. Barre dit, en disposition sans régime et sans pronom: c' est un vrai barbarisme. "Son Ministre ne lui laissoit rien en disposition. Hist. d' Allem. Il falait, ne laissait rien en sa disposition.

DISPROPORTION


DISPROPORTION, s. f. DISPROPORTIONÉ, ÉE, adj. [Dispropor-cion, cio-né, en vers, ci-on, ci-oné.] Inégalité, manque de proportion entre des chôses comparées. Acad. Disparité ou inégalité entre diférentes chôses, qui n' ont que des convenances éloignées, ou entre les parties d' une même chôse. Trév. Le contraire de proportion. Inégalité, Rich. Port. La définition de Trévoux est un peu longue; mais il me semble qu' elle done une idée plus juste et plus claire du sens et de l' emploi de ce mot. Disproportioné, qui manque de proportion. "Il y a entr' eux une grande disproportion d' âge, de qualité, de mérite. "Leurs âges sont fort disproportionés. "Ces partages sont bien disproportionés, etc.
   * Trév. met le verbe disproportioner, s' éloigner trop des proportions; mais ce verbe est hors d' usage, et il ne se dit qu' au participe, employé adjectivement.
   Rem. Disproportion régit de et à: disproportioné n' a que le 2d régime. Il y a une grande disproportion des secours aux besoins, des moyens au projet. "Ses forces étaient très-disproportionées à une telle entreprise.

DISPUTABLE


DISPUTABLE, adj. *DISPUTâILLERIE, s. fém. *DISPUTANT, ANTE, adj. [Mouillez les ll au 2d. 3e lon. aux deux derniers.] Disputable, qui peut être disputé. Disputâillerie, vaine dispute. Disputant, qui dispute, ou qui aime à disputer.
   Rem. Disputâillerie est dans Trév. l' Acad. ne le met pas; ce mot n' est pas fort usité: il peut servir pourtant dans le style critique, aussi bien que Disputâilleur.
   DISPUTANT est un néologisme. "Athènes fut subtile et Disputante: on dispute tout autant à Paris. Mercier. À~ forger un mot, il valait mieux dire, disputeûse; car disputant signifie plutôt qui dispute, et disputeur, qui aime à disputer, à contredire. _ M. des Maiseaux et M. Fréron ont fait disputant substantif. "Un des disputans dit que. Des Mais. "Ils se séparent en se faisant de grands complimens, et en restent, selon l' usage des disputans, chacun dans son opinion. Frér.

DISPUTE


DISPUTE, s. f. DISPUTER, v. act. et n. DISPUTEUR, s. m. [3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dispute, débat, contestation. "Être en dispute avec, avoir dispute ensemble. La chaleur de la dispute. Opiniâtre dans la dispute, etc. "L' Empereur voulut entrer en dispute avec lui. Grifet. "Cette dispute sur le genre larmoyant n' est pas la seule qui s' engage dans cette scène: il s' en élève une aûtre non moins vive sur l' abondance ou la stérilité des caractères propres à la Comédie. Journ. de Mons. Sur l' Homme Dangereux de M. Palissot. = Il se dit aussi des actions publiques, qui se font dans les Écoles pour agiter des questions. "Assister aux disputes.
   DISPUTER, v. act. contester pour emporter ou conserver quelque chose. Il régit l' accusatif et le datif. "Il lui dispute le pas, la préséance. _ Figurément, disputer le terrain, se défendre de son mieux, et pied à pied, dans une contestation. "Ce Plaideur a bien disputé le terrain. _ Au propre, il se dit d' un général qui défend un poste après l' aûtre, et le fait acheter chèrement à l' énemi. = Verbe neutre. Être en débat, avoir contestation. Disputer contre quelqu' un. "Ils disputent ensemble. Ils ne font que disputer. _ Agiter des questions dans les Écoles. "Ce Bachelier a disputé en Sorbone. = * Se disputer, sans régime, est un gasconisme. "Ils se sont long-temps disputés. Dites: ils ont long-temps disputé. Desgrouais. _ On dit fort bien avec le régime absolu. "Ils se disputent l' honeur, la gloire de, etc.
   Rem. Disputer s' emploie sur-tout élégamment avec l' ablatif et la prép. avec, ou avec le pron. le et la prép. à: "Caton ne prétendoit pas le disputer aux riches en opulence, ni aux factieux en intrigues et en cabales, mais il disputoit de valeur avec les plus braves, de retenûe avec les plus modestes, d' intégrité avec les plus gens de bien. Bouh. Pens. Ing. _ M. Marmontel n' emploie que l' ablatif (la prép. de). "On eût dit, que jaloux l' un de l' aûtre, ils disputoient de vertu et de gloire. Je crois qu' il convenait de dire, ils disputaient ensemble. Au pluriel, cet adverbe remplace la prép. avec. _ Et Voltaire, dans les Pélopides.
   Je porterai la haine au fond de ces abîmes,
   Nous y disputerons de malheurs et de crimes.
En prôse, il aurait convenu d' ajouter ensemble. _ Marsolier met la prép. avec; mais au lieu de la prép. de, ou autrement, de l' article indéfini, il emploie l' article défini. "Disputer de la vanité et du faste avec les Grands. C' est un gasconisme. Il faut dire, disputer de vanité et de faste. _ On dit dans le même sens, disputer à qui fera, à qui dira, etc. "Ils disputent à qui fera plus d' ouvrage, à qui dira plus de sotises. "Ils disputoient à qui ferait mieux, à qui aurait plutôt fini, etc. _ * Mde de B... fait régir à ce verbe la conjonction que avec le subjonctif. C' est un anglicisme. "Les Antiquaires, disputent beaucoup que ces lois... fussent d' Édouard, le Confesseur. Histoire d' Angl.
   DISPUTEUR, qui aime à disputer, à contredire. Grand, ardent, opiniâtre disputeur. "Pour se débarrasser de ces argumens, notre subtil disputeur (J. J. Rouss.) suprime le terme essentiel. L' Ab. Bergier. _ Employé adjectivement. "À~ force de disputer contre l' Église Romaine, le Clergé Protestant, prit l' esprit disputeur et pointilleux. J. J. Rouss.
   Rem. Balzac a été un des premiers à employer ce mot. Richelet dit qu' il n' est guère d' usage. L' Acad. le met sans remarque. Il n' est que de la conversation, du style polémique et critique, ou badin et comique. Voyez DISPUTANT.

DISPUTOISON


*DISPUTOISON, s. f. Vieux mot, qui n' a pas été remplacé, et qui ne le serait qu' imparfaitement par disputâillerie. "Le Roi (Philipe Auguste) ennuyé de leur disputoison, s' en va au matin sans prendre congé des Légats. Nic. Gilles.

DISQUE


DISQUE, s. m. [Diske; 2e. e muet.] Sorte de Palet que les Anciens, dans leurs jeux et dans leurs exercices, jetaient au loin pour faire voir leur adresse et leur force. _ On le dit en parlant des Astres, parce qu' à nos yeux ils paraissent plats et ronds comme un disque. "Le disque du soleil, de la Lune.

DISQUISITION


DISQUISITION, s. f. [Dis-kui-zi-cion, et non pas diskizicion.] Examen, recherche de quelque vérité dans les sciences. Disquisitions philosophiques, mathématiques, etc. Ce mot n' a jamais été d' usage que parmi les Savans, et ils ne le disent guère aujourd'hui. L' Acad. se contente de remarquer qu' on ne s' en sert que dans le didactique.

DISRUPTION


*DISRUPTION, s. f. Ruptûre. M. de Bufon a hazardé ce mot. On peut en bien augurer. Il peut être utile dans la Physique et dans l' Histoire naturelle.

DISSECTEUR


*DISSECTEUR, s. m. DISSECTION, s. f. [Di-sèk-teur, sèk-cion; 2e è moy.] Celui qui dissèque. L' action de disséquer un corps, ou l' état d' un corps disséqué. "Le Dissecteur a trouvé tous les instrumens organiques biens disposés. Faire une dissection. Une dissection anatomique, un corps disséqué.
   DISSECTEUR est dans le Trév. et le Rich. Il n' est pas dans le Dict. de l' Acad. _ Trév. au mot Disséqueur, dit que c' est le même que Dissecteur, et qu' il est plus en usage.
   Rem. Mascaron a employé dissection au figuré; mais cette métaphôre est, tout au plus, du style polémique et critique: elle n' est pas assez noble pour le discours soutenu. "La Philosophie, trop curieûse pour rien laisser échaper à ses recherches, n' a pas laissé de faire la dissection d' une chôse (le coeur humain) qui échape entre les mains. _ Il parut, il y a trente ans, un ouvrage critique, intitulé: Dissection anatomique de la Lettre de M... Ce titre ne plut pas autant que l' ouvrage, qui était piquant et plein de sel.

DISSEMBLABLE


DISSEMBLABLE, adj. DISSEMBLANCE, s. f. [Di-sanblable, blance; 2e lon. 3e dout. au 1er, lon. au 2d.] Qui n' est point semblable. Manque de ressemblance. "Deux frères dissemblables; deux humeurs dissemblables. "Il est dissemblable à lui-même. "Elle est bien dissemblable de ce qu' elle étoit. "Il y a une grande dissemblance entre ces deux frères, entre ces deux caractères, etc.
   Ces mots ont été long-temps peu employés. On s' en sert plus souvent depuis quelque temps. "L' Auteur (des Barmécides) prétend que ses énemis lui ont reproché qu' Aaron étoit Auguste, et qu' Amorassan étoit Cinna. En éfet, il n' y a que la haine assez aveugle pour raprocher des pièces si dissemblables à tous égards. L' Ab. De Fontenai. _ "Voyant que leurs actions ne ressembloient point à leurs discours, je cherchai la raison de cette dissemblance. J. J. Rousseau. "M. Ducis ayant à parler des contes de Mr. de Voltaire, a dû nécessairement se ressouvenir de ceux de La Fontaine; mais ne trouvant entr' eux aucun trait de ressemblance, il les compare par leur dissemblance, s' il m' est permis de me servir de ce terme. L' Ab. de Fontenai. "Il est sans cesse à portée de confronter la copie avec l' original, et il s' aperçoit de la moindre dissemblance. Mercûre. _ Rousseau le Poète et l' Ab. de Houteville avaient plus anciènement employé ce mot.
   Mais de ces goûts, la dissemblance extrême,
   À~ le bien prendre, est un foible problème.
"Il ne falloit passer que d' un siècle, d' un Empire, d' une Ville à l' aûtre, pour trouver ces dissemblances de culte. _ L' Acad. met dissemblable et dissemblance, sans remarque.

DISSÉMINÉ


*DISSÉMINÉ, ÉE, adj. Néologisme peu heureux et peu nécessaire. "Des OEuvres disséminées dans ces divers dépôts (les Almanachs). Les Numéros. L' Auteur a-t-il regardé semés comme trop trivial, qu' il lui ait préféré un mot barbâre?

DISSENTION


DISSENTION, ou DISSENSION, s. f. [Di-san-cion, en vers ci-on; 2e lon.] Mr. de Wailly dit dans le Rich. Port. "J' écris dissension du latin dissensio. L' Auteur du Dict. d' Ortog. reprend Richelet d' avoir écrit discution, parce que ce mot vient de discussio: il devait donc écrire dissension à cause de dissensio. _ Nous l' avions ainsi observé dans nos Remarques, et nous pensons tout à fait comme M. de Wailly; mais le Dict. d' Ortog. n' est pas le seul où l' on trouve ce mot écrit avec un t: il est écrit de la sorte dans le Dict. de Trév. et dans celui de l' Académie. D' un côté l' usage le plus autorisé, ce semble, de l' autre, l' étymologie: on se décidera chacun suivant son goût. = Mauvaise intelligence, discorde, division, querelle. Trév. Discorde, querelle, ocasionée par l' oposition, par la diversité des sentimens ou de intérêts. Acad. Discorde, division. Rich. Port. La définition de l' Acad. explique mieux le sens de ce mot. Les aûtres n' aportent que de synonymes qui n' aprènent rien. "Vivre en dissension. Causer de grandes dissensions dans un État, dans une société, dans une famille. Apaiser les dissensions.

DISSENTIMENT


*DISSENTIMENT, s. masc. Latinisme employé dans des traductions d' actes étrangers. "Les conférences ouvertes, les dissentimens (opositions) renaquirent. Du Pan. Ann. Polit. "On atribûe ce retard à quelques dissentimens entre le Grand Seigneur et son Divan. Journ. Polit. de Gen.

DISSÉQUER


DISSÉQUER, v. a. DISSÉQUEUR, s. m. [Dicéké, cékeur; 2e é fer.] Disséquer, c' est ouvrir le corps d' un animal, pour en faire l' anatomie. _ On le dit par extension, des plantes. Dans le Journ. de Mons. On l' emploie figurément. "Les mains de ces froids calculateurs... sont bien plus propres à disséquer le sentiment qu' à le faire naitre. _ Disséqueur, celui qui dissèque. "Un habile disséqueur. Il ne se dit jamais seul et sans épithète. Voyez DISSECTEUR.

DISSERTATEUR


DISSERTATEUR, s. m. *DISSERTATIF, IVE, adj. DISSERTATION, s. f. DISSERTER, v. n. [Dicêrta-teur, tatif, tî--ve, ta-cion, té; 2e ê ouv., 4e lon. au 3e.] Dissêrtation est un discours où l' on examine soigneusement quelque matière, quelqu' ouvrage d' esprit. Acad. Traité savant sur quelque matière. Trév. Rich. Port. Cette dernière définition, où il n' y a de diférence du Trév. au Rich. Port. que le mot de Traité dont se sert le 1er, et le mot de discours, qu' emploie l' autre, n' est pas une définition exacte. Le mot de traité sur-tout est trop fort. Tenons-nous-en à celle de l' Acad. _ Disserter, c' est faire une dissertation. Dissertateur, celui qui disserte. Dissertatif, qui est dans le genre de dissertation.
   1°. Dissertation et Disserter, ou s' emploient sans régime: "Il est auteur de plusieurs Dissertations savantes. "Cette sur--abondance de science reflûe sur le sexe: il n' écoute plus, il disserte; il prononce, il compôse. Coyer. Ou ils régissent la prépos. sur. "Faire une dissertation, ou disserter sur un point d' histoire. = Remarquez que quand ils sont sans régime, le substantif se prend quelquefois, et le verbe toujours en mauvaise part. "Il fait des dissertations sans fin, il disserte sans cesse.
   * M. l' Abé Feller fait disserter actif, contre l' usage. "Tout ce que M. Pound a disserté là-dessus, a obscurci cette matière par de nouvelles dificultés.
   Dissertateur ne s' emploie aussi que pour critiquer. "C' est un ennuyeux, un insipide dissertateur.
   *DISSERTATIF, peut être regardé come un néologisme utile. Il est employé à propôs dans la phrâse suivante. "Cette histoire peut prêter à la critique, relativement à sa forme un peu dissertative. An. Litt. _ On peut dire aussi; le genre dissertatif, le style dissertatif. "Ce discours est écrit d' un style plus dissertatif qu' oratoire.

DISSIDENCE


*DISSIDENCE, s. f. DISSIDENT, s. m. [Dicidance, dan; 3e lon. 4e e muet.] Scission. Celui qui fait scission. "Cette Dissidence célèbre (des Anglo-Américains) Linguet. "Les dissidens de Pologne, de l' Amérique Septentrionale. _ Ces mots ne sont pas dans les Dictionaires, mais ils comencent à s' acréditer, et ils ont l' air d' être bientôt adoptés par l' usage.

DISSIMULATEUR


DISSIMULATEUR, s. m. DISSIMULATION, s. f. DISSIMULER, v. a. [Dici--mula-teur, la-cion, .] Dissimuler, c' est cacher ses sentimens, ses desseins. "Dissimulateur, qui dissimule. Dissimulation, déguisement, art, soin de cacher ses sentimens, ses desseins. "Dissimuler sa haine, son amour, sa douleur. "Il sait dissimuler. L' art de dissimuler est souvent utile. "Qui ne sait pas dissimuler, ne sait pas régner. _ On voit, par les derniers exemples, qu' il s' emploie souvent neutralement et sans régime. _ Les plus grands Politiques sont les plus grands dissimulateurs. _ "Sage ou artificieûse dissimulation. User de dissimulation.
   REM. 1°. Dissimuler ne signifie quelque--fois que, faire semblant de ne pas remarquer ou ressentir. "Dissimuler une injûre, un afront.
   DISSIMULÉ, ÉE, adj. Fin, couvert, artificieux. Homme, esprit, caractère dissimulé. _ S. f. "C' est une dissimulée. On ne le dit point des hommes substantivement.
   Se dissimuler, employé dans une phrâse négative ou interrogative, avec le verbe pouvoir, régit le subjonctif, précédé de la particule ne: "Si l' Imprimerie a été de quelqu' utilité pour les Arts.... on ne peut se dissimuler qu' elle ne soit aujourd'hui un des plus cruels fléaux de la société. Linguet. _ Mais l' actif dissimuler, quoique dans le sens négatif, semble exiger l' indicatif, et ne demande pas la particule ne: "Nous ne dissimulerons pas que la vérité de ses récits (d' Hérodote) ait été révoquée en doute par des Savans du premier ordre. Hist. Univers. Angl. _ Là, je voudrais l' indicatif, qu' elle a été révoquée en doute, etc. Au contraire, dans le sens afirmatif, il régit le subjonctif; ce qui est l' oposé de plusieurs verbes. "Il dissimula qu' il s' en fût aperçu. Hist. des Tud. _ La raison en est que, dissimuler porte avec lui le sens négatif. Quand il est donc joint avec une négative, l' une éface l' aûtre, et le sens devient afirmatif. Ne pouvoir dissimuler, c' est être obligé de dire. Au contraire, quand dissimuler est sans négative, c' est alors que le sens est vraiment négatif, et que le subjonctif est dans l' analogie et dans le génie de la Langue.
   2°. Dissimulateur est peu usité, mais il mérite de l' être. Il est sonôre, il est énergique: il peut être souvent utile et quelquefois nécessaire, et il ne peut être remplacé que par une périphrâse.
   3°. Dissimulation se prend dans un bon, ou dans un mauvais sens, suivant l' épithète qui l' acompagne.

DISSIPANT


*DISSIPANT, ANTE, adj. DISSIPATEUR, TRICE, s. m. et f. DISSIPATION, s. f. DISSIPER, v. a. [Dicipan, pante, pa-teur, trice, pa-cion, pe: 3e lon. aux 2 1ers.] Dissiper, c' est 1°. Disperser, écarter, détruire. Le Soleil dissipe les nuages, les brouillards, les ténèbres. Dissiper une armée. Dissiper son bien, son patrimoine. "L' exercice dissipe les humeurs, etc. Dissiper les factions, les cabales, les faux bruits. "L' orage s' est dissipé; ces vapeurs se sont dissipées, etc. = 2°. Dissiper l' esprit, ou simplement dissiper, nuire au recueillement, à une vie réglée. "La fréquentation du monde l' a beaucoup dissipé; il se dissipe, il s' est dissipé, il est dissipé. "Il a l' esprit dissipé; il ne done d' atention ni à ce qu'~ on lui dit, ni à ce qu' il fait. "Un homme dissipé, trop répandu dans le monde, et plus ocupé de ses plaisirs que de ses devoirs. Mener une vie dissipée, etc. L' Acad. ne le met en ce sens qu' au participe.
   II. Dissipation a ces deux sens de dissiper. La dissipation des esprits: la dissipation des biens, des finances. "Il vit dans la dissipation, etc. Mais son emploi n' est pas aussi étendu que celui de dissiper. On ne dit ni la dissipation des brouillards, des nuages, etc. ni la dissipation d' une armée.
   Rem. 1°. Ce mot a un sens, tantôt actif, tantôt passif. Tantôt il signifie l' action de celui qui dissipe (n°. 1°.); tantôt l' état de celui qui est dissipé. Quand on dit, en parlant d' un homme, qu' on l' acûse de dissipation, cela peut signifier, ou qu' il dissipe ses revenus, ou ceux qu' on lui a confiés; ou qu' il mène une vie peu retirée, peu régulière. Le 1er répond à dissipateur, le 2d à dissipé.
   2°. Il ne se dit au pluriel que dans le 1er sens. "Il s' est ruiné par ses dissipations. Dans le 2d sens, on ne le dit qu' au singulier. "Les plaisirs et les dissipations inévitables à la jeunesse des Rois, dit Massillon. Je crois que dans cet endroit il falait dire, la dissipation; car il ne s' y agit pas de revenus dissipés, mais de l' âme dissipée par les amûsemens. Il ne s' y agit pas de ce qui est oposé à l' économie, mais de ce qui est contraire au recueillement.
   III. DISSIPANT et DISSIPATEUR, paraissent ofrir la même idée et le même sens, l' un comme adjectif, l' aûtre comme substantif: Qui dissipe, celui qui dissipe. Mais le 1er se dit des chôses, dans le 2d sens de dissiper et de dissipation; l' aûtre se dit des persones, dans le 1er sens. "Toujours le même, au milieu des occupations les plus dissipantes. Dict. Hist. Art. Coffin. "Un grand dissipateur, une grande dissipatrice.
   *DISSIPANT n' est pas dans les Dictionaires; mais parmi les adjectifs verbaux qu' on forge tous les jours, c' est un des mieux inventés. "Emploi dissipant, vie dissipante. _ Vie dissipée, ofre le sens d' une dissipation volontaire; vie dissipante, d' une dissipation involontaire: on aime l' une, et l' aûtre fait de la peine.
   Rem. * Racine emploie dissiper actif, dans une ocasion où le réciproque était le vrai mot à employer.
   Il pense voir en pleurs dissiper cet orage.
       Androm.
Quand on lit ce vers, on ne s' aperçoit pas de l' impropriété de l' actif, mis à la place du réciproque: mais qu' on dérange l' ordre des mots, et qu' on dise: "Il pense voir l' orage dissiper en pleurs, on voit alors que dissiper ne vaut rien, et qu' il falait dire, se dissiper.
   Il pense voir en pleurs se dissiper l' orage.
   M. Racine le fils justifie son Père, à sa manière acoutumée, en disant que l' Auteur a cru sans doute cette manière d' écrire aussi correcte que celle-ci, se dissiper l' orage, dont il pouvait également bien se servir. Mais cette réflexion, que ce Fils bien né répète souvent dans ses Remarques, est d' autant moins satisfaisante, qu' il assûre lui-même plus d' une fois que son Père n' a pas mis une (la) dernière main à ses Tragédies profanes. _ Ce grand Poète a employé le même tour, dans sa Comédie des Plaideurs:
   Elle voit dissiper sa jeunesse en regrets,
   Mon amour en fumée, et son bien en procès.
D' abord, nous pouvons remarquer que dissiper actif, se dit des persones, et se dissiper réciproque, des chôses. Il dissipe mon bien, ou, mon bien se dissipe en procès. Ensuite se dissiper, même ne serait pas bon pour les deux aûtres substantifs. Qu' est-ce qu' une jeunesse qui se dissipe en regrets, et un amour qui se dissipe en fumée, pour dire, qu' il n' a pas le succès que Léandre desire? C' est ainsi que les vers couvrent des incorrections et des sens forcés, que la prôse manifesterait par un aûtre arrangement des paroles.
   * Le P. Grifet done à l' actif, l' ablatif pour 2d régime. "Les ténèbres de l' Idolâtrie couvroient la plus grande partie de l' Univers: mais l' Évangile, que ce divin Sauveur apporte sur la terre, en dissipe, cette nuit sombre et funeste. Ann. Chrét.; c' est le régime de chasser, que dissiper n' a pas. Il falait dire, dissipe cette nuit, etc., qui le couvrait entièrement, ou quelque aûtre chôse semblable.

DISSOLVANT


DISSOLVANT, ANTE, adj. DISSOLUBLE, adj. [3e lon. aux 2e 1ers.] Termes de Chimie: Qui a la vertu de dissoûdre. Qui peut être dissous. Le plus dissolvant des acides est l' esprit de vitriol; et substantivement, l' eau est un grand dissolvant. _ Ce métal est dissoluble. _ Le 1er a le sens actif, le 2d le sens passif.

DISSOLU


DISSOLU, ÛE, adj. DISSOLUMENT, adv. DISSOLUTION, s. f. [Di-solu, lûe, luman, lu-cion; 3e lon. au 2d.] Les deux 1ers ne se disent que dans le moral; le 3e se dit aussi dans le physique. _ Dissolu, débauché, malhonnête. Trév. Impudique, débauché. Acad. Déshonnête, débauché, libertin. Rich. Port. _ Dissolument, d' une manière dissolûe. "Homme fort dissolu; femme dissolûe. Il est dissolu dans ses paroles; elle est dissolûe dans ses moeurs. Vivre dissolument; parler dissolument.
   Rem. 1°. * Quelques-uns font de dissolu un participe du verbe dissoudre. Cette méprise peut devenir quelquefois ridicule et odieûse. Une société dissolue et une société dissoute, sont des chôses bien diférentes: il faut bien se garder de les confondre. "Il fut arrêté à l' amiable, que les sociétés pour les huiles et les grains, entre le sieur... et les sieurs.. seroient dissolûes. Mém. de M. Cochu. Il falait dire dissoutes.
   2°. Rollin emploie dissolu substantivement. "Une troupe de débauchés et de dissolus. L' usage a admis débauché, au nombre des substantifs: c' est un débauché. Il n' a pas doné ce droit à dissolu. On ne dit point, c' est un dissolu, ce sont des dissolus: on dit, un homme dissolu, des gens dissolus.
   3°. DISSOLU, ne se dit que des moeurs, sur-tout relativement à l' incontinence. Mde. de B... (Hist. d' Angl.) l' aplique à l' autorité. "Édouard répugnoit à préparer, par cette condescendance, les entraves qu' il craignoit qu' on ne mît à sa conduite et à son autorité dissolue. Là, absolue, et encôre mieux, arbitraire, ou despotique, auraient été les termes propres: il y a aparence que c' est un anglicisme.
   DISSOLUTION, a les 2 sens de dissous et de dissolu. 1°. Séparation des parties d' un corps naturel qui se dissoût. La dissolution des simples, des métaux. _ On dit figur., la dissolution de l' âme et du corps, leur séparation. La dissolution d' un mariage; la ruptûre du lien conjugal. = 2°. Débauche, dérèglement de moeurs. La dissolution dans lequelle il vit. "Il est plongé dans toutes sortes de dissolutions.

DISSONANCE


DISSONANCE, s. f. DISSONANT, ANTE, adj. [3e lon. 4e e muet.] Termes de Musique. Faux acord, qui n' est pas d' acord. "On saûve une dissonance par un bon acord qui la suit. Instrument dissonant; voix dissonante.
   Leibnitz emploie fort à propôs, à mon avis, dissonance au figuré. "Un systême mal lié et plein de dissonances. _ On pourrait dire aussi, les dissonances du style, soit relativement au sujet que l' on traite, au genre où l' on travaille; soit par raport aux diférentes parties de l' ouvrage, qui ne sont pas d' acord. "Le style d' un grand nombre d' Auteurs de ce siècle est plein de dissonances.

DISSOûDRE


DISSOûDRE, v. a. [2e lon. 3e e muet.] Je dissous, etc., nous dissolvons, etc., je dissolvais; j' ai dissous (il n' a point d' aoriste) je dissoudrai; que je dissolve (il n' a point d' imparfait du subjonctif), je dissoudrais, Dissolvant, dissous, dissoute. _ * La Touche dit que résoûdre a au plur. du prés.: nous résolvons, vous résolvez, ils résolvent, et non pas, nous résoudons, etc.; mais que dissoûdre fait: nous dissoudons, etc., plutôt que nous dissolvons. Il dit bien pour le 1er: mais pour le 2d, il se trompe. _ Richelet met aussi, nous dissoudons, et ajoute que plusieurs disent dissolvons, mais que le grand usage est pour la première manière. L' usage a donc changé: on ne dit plus que dissolvons. _ Quelques-uns écrivent le participe avec un t final, dissout, au lieu de dissous. Richelet, Pluche et M. l' Ab. Grosier, sont de ce nombre. Il semble qu' ils ont raison, et que le fém., qui est dissoute, et non pas dissouse, anonce pour le masc. un t final, plutôt qu' une s: mais si l' analogie leur est favorable, l' usage leur est contraire. Que plusieurs les imitent, et l' usage changera!
   DISSOûDRE, réduire un corps en plusieurs parties. Trév. Pénétrer un corps solide et en détacher, en séparer toutes les parties. Acad. Liquéfier un corps dur. Rich. Port. Cette dernière définition n' est pas juste; car plusieurs corps sont dissous sans être liquéfiés. L' Acad. explique mieux le sens de ce mot que le Dict. de Trév. "L' eau dissout le sucre, le sel: "Les eaux fortes dissolvent les métaux. _ Figurément, dissoûdre un corps, une société; les détruire, les abolir. Dissoûdre un mariage, le déclarer nul, en rompre le lien. _ Se dissoûdre: "Le fer se dissout dans l' eau forte: "Une société se dissout, quand elle se rompt, se sépâre.
   Rem. DISSOûDRE, se dit d' une société, collectivement prise, et non pas des persones qui la compôsent. Ainsi il ne doit régir que des noms collectifs. *"Les Evêques se plaignoient que les Papes ne manquoient jamais de les dissoûdre, avant qu' ils eussent rien fait. Anon. Le terme n' est pas propre: il falait dire, dissoûdre le Concile, ou l' Assemblée.

DISSUADER


DISSUADER, v. act. DISSUASION, s. f. [Di-su-adé; di-su-a-zion.] Dissuader, c' est détourner quelqu' un de l' exécution d' un dessein. Il régit de devant les noms et les verbes. "On l' a dissuadé de cette entreprise, d' entreprendre ce voyage. _ Dissuasion, est l' éfet des discours qui dissuadent. Son emploi est peu étendu. "L' Orateur a deux objets, la persuasion et la dissuasion.
   Rem. * Voitûre fait régir à dissuader le datif de la persone, et l' acusatif de la chôse. "Je pense qu' en me dissuadant ce dessein, et en ayant peur pour moi, on a eu peur de moi. Il falait dire, en me dissuadant de ce dessein. C' est peut-être une faûte d' impression; car âilleurs il emploie les régimes ordinaires. "Quelques uns m' en vouloient dissuader, pour les chaleurs qu' il y aura en ce temps.

DISSUÉTûDE


*DISSUÉTûDE, s. f. Mot hazardé par quelques Auteurs modernes. À~ adopter ce mot, qui peut être utile, et remplacer celui de désacoutumance, que nous avons perdu, il faut du moins dire désuétude, qui est plus doux et plus conforme à l' étymologie. Voyez DÉSUÉTUDE et DÉSACOUTUMANCE.

DISSYLLABE


DISSYLLABE, adj. [Dicilabe.] Qui est de deux syllabes. Mot dissyllabe. _ * Quelques-uns, ignorant le sens de ce mot, apèlent dissyllabes nos vers de dix syllabes: c' est décasyllabes qu' il faut dire.

DISTANCE


DISTANCE, s. f. DISTANT, ANTE, adj. [2e lon. 3e e muet.] Distance, est 1°. L' espace, l' intervalle d' un lieu à un autre. On le dit aussi du temps. Acad. Éloignement d' une chose à l' égard d' une autre. Trév. Éloignement qu' il y a d' un lieu à un autre, d' une chose à une autre. Rich. Port. La définition de Trév. me plairait davantage, parce qu' elle est plus générale, et qu' elle renferme tout. "La distance des lieux, des temps. _ Figurément, il y a une grande distance du Créateur à la créature, du Souverain aux sujets, ou, entre le Souverain et les sujets. "La distance d' une Ville à l' aûtre. "Il y a une grande distance depuis l' Empire des Assyriens jusqu' à celui des Romains, ou, entre l' Empire des, etc., et celui des, etc. On dit adverbialement, à la distance de. Quelques-uns, depuis peu, disent absolument, à distance, sans article et sans régime. "L' exemple, le puissant exemple, agit même à distance. Target. Cette manière de parler ressemble un peu trop au jargon barbâre de l' École: Datur actio in distans.
   DISTANT, éloigné. "Ces deux villes ne sont distantes l' une de l' autre que de dix lieuës. "Ces deux époques ne sont pas fort distantes l' une de l' aûtre. _ Il ne se dit point au figuré. On ne dit point qu' un souverain est fort distant de ses sujets; que Voltaire, par exemple, est fort distant de Corneille et de Racine pour ses tragédies, et du Tasse, de Milton pour sa Henriade. On a dit pourtant dans l' Ann. Litt. "M. Cailhava a beaucoup de mérite, mais il en conviendroit lui-même: il est bien distant des bons Poètes comiques.

DISTENSION


DISTENSION, ou DISTENTION, s. f. [distan-sion, en vers ci-on: 2e lon. Richelet, Trév. l' Acad. etc. mettent le 2d: le Rich. Port. done le choix des deux. Si l' on consulte l' étymologie latine, distention vaut mieux: distentio. Si l' on a égard à l' analogie française, distension doit être préféré. On dit tension, et non pas tention, de l' état de ce qui est tendu.] Distension ne se dit qu' en médecine et en parlant des nerfs qui sont tendus. Distention des nerfs.

DISTILLATION


DISTILLATION, ou DISTILATION, s. f. DISTILATEUR, s. m. DISTILER, v. act. [distila-cion, la-teur, .] Distiler, c' est tirer par l' alambic le suc de quelque chose. Distilation est l' action de distiller, ou, la chôse distillée. Distilateur est celui qui fait profession de distiller. "Distiller des fleurs, des herbes. Faire une distillation, mettre en distilation. "Voilà de belles distillations. _ Habile distillateur.
   DISTILLER, est aussi neutre, et il a alors le sens de dégoutter, couler. "Des gouttes d' eau distilloient de la voûte.
   Il est beau au figuré; "Sa bouche distile sur tout le fiel et le poison de l' envie. Jér. Del. "Ils sont réservés à la vengeance qui distille sur eux goutte à goutte, et qui ne tarira jamais. Télém. Mais cette métaphôre doit être employée avec goût et avec précaution. Peut-être ne plaira-t' elle pas dans la phrâse suivante. "La douceur de sa conversation distilloit la piété jusque dans l' âme. Vie de Soanen. _ On a dit aussi métaphoriquement, distillateur d' esprit. "Ils étoient râres chez nos Pères les distillateurs d' esprit. Coyer.

DISTINCT


DISTINCT, INCTE, adj. DISTINCTEMENT, adv. [Disteink, teink-te, teman: 2e lon. 3e e muet.] Distinct est 1°. diférent, séparé d' un aûtre. "Ces deux choses sont bien distinctes. Il faut que les articles d' un compte soient distincts. = 2°. Clair, net. Son distinct; termes distincts; vûe, voix, idée, notion distincte. = Distinctement, n' a que le 2d sens de distinct. Clairement, nettement, d' une manière distincte. Prononcer, parler, déclarer son intention distinctement.
   Rem. Distinct, dans le sens de séparé, n' a pas un emploi aussi étendu. Il ne se dit que de ce qui est tout à la fois séparé et diférent. "Cette Église est fort grande, divisée en trois nefs distinctes (séparées) par deux rangs de colonnes. Rome Moderne. Le terme est impropre en cet endroit. Distinct, dailleurs, s' emploie sans régime.

DISTINCTIF


DISTINCTIF, IVE, adj. DISTINCTION, s. f. DISTINGUER, v. act. [disteink-tif, tîve, teink-cion, tein-ghé: 2e lon. 3e lon. au 2d].
   I. DISTINCTIF, qui distingue. Caractère distinctif, marque distinctive.
   II. DISTINCTION, est 1°. Division, séparation. Sans distinction de chapitres, de versets, &c. Il ne se dit guère en ce sens qu' avec des particules négatives. = 2°. Diférence. Faire distinction de l' ami et de l' énemi. Je fais grande distinction entre l' un et l' aûtre. Sans distinction d' âge ni de sexe, etc. = 3°. Préférence, égards. "Traiter quelqu' un avec distinction; il aime les distinctions. = 4°. Mérite, éclat de naissance, illustration d' emploi. "Homme, officier de distinction; c' est une persone de distinction. "Charge, emploi de distinction. = 5°. Explication de divers sens d' une proposition. Bonne ou mauvaise distinction. Les distinctions ou les distingo de l' École sont passés en Proverbe & se prènent en mauvaise part.
   Rem. 1°. Ce substantif régit quelquefois la prép. d' avec: "La distinction des Enfans de Dieu d' avec les Enfans des Hommes. Boss. * 2°. Leibnitz dit, avec distinction, pour dire distinctement, d' une manière claire et distincte. Il ne se dit pas en ce sens. Avec distinction signifie d' une manière distinguée, et non pas d' une manière distincte.
   3°. Dit-on, avoir des distinctions, comme on dit, avoir des égards pour quelqu' un? J' en doute. "Henri (VIII) s' aperçut des distinctions flateuses que Charles (V) avoit pour le Cardinal Wolsey. Hist. d' Angl.
   III. DISTINGUER, c' est 1°. Discerner par la vûe, par l' ouïe ou par les autres sens. Acad. Conoître ou montrer la diférence d' une chôse d' avec une aûtre. Trév. Mettre de la diférence, faire une distinction. Rich. Port. L' Acad. sépare les diférentes acceptions de ce verbe, et done des définitions plus précises et plus détaillées. Celles de Trév. et du Rich. Port. sont plus générales, mais elles sont aussi trop vagues. "Distinguer les objets; distinguer les sons, les voix, les odeurs. Distinguer une chôse d' avec une aûtre. Il distingue un écu faux entre mille. = 2°. Discerner par l' opération de l' esprit. "Distinguer le bien du mal, un ami d' un flateur, ou d' avec un flateur. = 3°. Marquer la différence. Distinguer les âges, les qualités, les liens. = 4°. Caractériser avec distinction. "La vertu, la naissance, les charges, les alliances distinguent un homme, l' élèvent au-dessus des aûtres, le tirent du commun. _ On dit, en ce sens, se distinguer. "Il se distingue, il s' est distingué par ses talens, par sa valeur. On dit aussi adjectivement, mérite distingué, naissance distinguées, etc.
   Rem. 1°. On dit, distinguer de ou d' avec; distinguer les bons des méchans ou d' avec les méchans. * M. Morin dit, distinguer sur; mauvais régime. "La seule chôse qui les distinguoit (les Philosophes) sur les aûtres hommes étoit leur habit.
   2°. La Prép. de marche ordinairement après ce verbe; mais en vers et dans la prôse poétique, il peut le précéder et se placer même à la tête de la phrâse. "De l' utile et de l' agréable, il distingue ce qui nuit, et ce qui déplait. Anti-Lucrèce.
   3°. La Bruyère lui fait régir le datif de la personne. "Je crus aussi qu' il ne seroit pas inutile de lui distinguer (au Lecteur) la première augmentation (du Livre des Caractères.) Retranchez lui, qui est inutile et contre l' usage.
   4°. Un Auteur moderne done aussi à ce verbe un autre régime inusité, l' infinitif sans préposition. "Poissons ou coquillages dont on distingue aisément le corps briller à la surface de l' eau. C' est le régime de voir; et il était plus simple et plus régulier de se servir de ce dernier verbe.

DISTIQUE


DISTIQUE, s. m. [Distike: 3e e muet.] Poésie, dont le sens est contenu en deux vers. Ce mot est surtout usité en parlant des vers grecs et latins. Tous le monde conaît le célèbre distique fait sur Didon. Reine de Tyr.
   Infelix Dido nulli bene nupta marito,
   Hot pereunte fugis, hoc fugiente peris.
Et la traduction qui en a été faite.
   Paûvre Didon, où t' a réduite,
   De tes maris le triste sort,
   L' un en mourant caûse ta fuite,
   L' autre en fuyant caûse ta mort.
L' ouvrage latin est un distique, et le français un quatrain.

DISTORSION


DISTORSION, s. f. [distor-sion, en vers si-on.] Contraction ou racourcissement d' une partie du corps par la relaxation des muscles. Dans le Dict. de Trév. on ne le dit que du visage. Elle arrive quand les muscles d' un côté du visage souffrent convulsion ou paralysie.

DISTRACTION


DISTRACTION, s. f. DISTRAIRE, v. act. [Distrak-cion: distrère: 2e è moy. et long au 2d.] Distraire, est 1°. Séparer une partie d' un tout. En ce sens il ne se dit qu' en parlant d' afaires. Distraire de la somme totale une telle somme: de ces papiers il en faut distraire ceux qui regardent un tel objet, etc. = 2°. Détourner de quelque aplication. Distraire des études, du travail; distraire dans la prière. "Un rien le distrait. "L' étude me distrait de tous mes chagrins.
   DISTRACTION a les deux sens de son verbe. "On a demandé la distraction de cette terre, de ce fief, de cette somme, etc. _ Il est sujet à des distractions, il a souvent des distractions. "Vous m' avez causé une distraction. _ Dans le 1er sens, il se dit de l' action de distraire une chôse. Dans le 2d sens, de la persone qui est distraite. Dans l' un il se dit activement, dans l' aûtre passivement. Voy. DISTRAIT et ABSTRAIT.
   REM. 1°. Distraire se conjugue comme traire. Nous pourrions renvoyer au simple, mais nous aimons mieux en donner ici la conjugaison. Je distrais; nous distrayons (et non pas distraisons.) Ils distraient, (qui est de deux syll. et se prononce dist-rè) je distrayais, nous distrayions, etc. J'~ ai~ distrait, (il n' a point d' aoriste) je distrairai, distrairais; que je distraie, (il n' a point d' imparfait du subjonctif) distrayant, distrait.
   2°. * Anciènement on disait se distraire pour se dispenser, et le P. Barre s' est encore servi de cette expression, qui est du 16e siècle. "Cette raison ne lui permettoit pas de se distraire des égards qu' il lui devoit. Hist. d' Allem.

DISTRAYANT


*DISTRAYANT, ANTE, DISTRAIT, AITE, adj. [distré-ian, ian-te, distrè, trète: 2e é fer. aux 2 1ers, è moy. aux 2 derniers.] Le 1er se dit des chôses, qui distraient; le 2d des persones qui sont distraites. Emploi, ministère distrayant. Homme distrait, femme distraite; il est fort distrait. Esprit distrait. _ * Leibnitz, et un Auteur très-moderne l' emploient substantivement. "Un aveugle ou même un distrait ne voit point. Leibn. "Un boiteux, un distrait, un sourd. Les Numeros. L' usage n' a pas encôre admis cet adjectif au nombre des substantifs.
   Rem. 1°. Distrayant, ne s' était dit jusqu' à présent que dans la conversation. Depuis quelque temps il parait dans des livres et dans de bons livres. "Puisse cet esprit d' oraison et d' abnégation pénétrer jusque dans le centre du tumulte... animer l' homme du monde dans ses fonctions les plus distrayantes. Panég. de Ste Thérèse par M. l' Ab. Duserre-Figon.
   2°. DISTRAIT, ainsi qu' abstrait, emporte dans sa signification, l' idée d' un défaut d' atention; mais avec cette diférence, que ce sont nos propres idées, qui nous rendent abstraits, et les objets extérieurs, qui nous rendent distraits. La rêverie produit des abstractions, et la curiosité caûse des distractions. Les premières sont le partage des gens d' étude; et les aûtres des esprits légers, qu' un rien amûse et détourne. Voy. ABSTRAIT.
   3°. Dans le Dict. Historique, on dit vie distraite, pour vie distrayante. "La Vie de Paris lui paroissoit trop distraite pour des méditations aussi suivies que les siennes. Art. Montmort. _ Distrait ne se dit que des persones, et il a le sens passif. L' Auteur de cet article n' a pas peut-être osé risquer distrayant: mais distrait était en cet endroit un mot impropre.

DISTRIBUER


DISTRIBUER, v. act. DISTRIBUTEUR, TRICE, s. m. et f. DISTRIBUTION, s. f. [distribu-é: dern. é fer. devant l' e muet l' u est long, il distribûe: au futur et au conditionel l' e est tellement muet qu' il ne se prononce pas. Il distribuera, distribuerait: pron. distribûra, bûrè, en quatre syllabes. _ Dis--tribu-teur, trice, bu-cion, en vers ci-on.] 1°. Distribuer, c' est partager quelque chôse à~ plusieurs personnes. Distributeur, celui, qui distribûe. Distribution, action de distribuer, ou l' éfet de cette action. "Distribuer des aumônes, une somme d' argent. Distribuer le butin aux soldats. "On leur a distribué cent mille francs. _ Se distribuer. "Cette source se distribûe dans tous les quartiers de la ville. "Distributeur des grâces, des récompenses. "Distribution des deniers, des prix. "Il a part aux distributions.
   2°. Distribuer, signifie aussi, disposer, ranger. "Distribuer par ordre. Distribuer avec goût la matière d' un ouvrage.
   REM. Distributrice, est un mot singulièrement dur; aussi est-il peu usité. "On regarde la Librairie comme la distributrice des fruits du génie. Linguet. _ Rich. le met pour celle qui distribue des rafraîchissemens à la Comédie.

DISTRICT


DISTRICT, s. m. [Distrik: le t ne se prononce jamais.] Étendue de Juridiction. "Un Juge ne peut juger hors de son district. Voyez Détroit et Ressort. _ On dit figurément (st. fam.) Cela n' est pas de mon district, de ma compétence; il ne m' apartient pas d' en juger.

DIT


DIT, s. m. Bon mot, apophtegme, maxime, sentence: il n' est d' usage que dans les phrâses suivantes: "Un dit notable, remarquable. "Les dits et faits, les dits et gestes des Anciens. Les dits et les redits. Ce sont d' anciènes locutions, encôre soufertes dans le discours familier. Voyez GESTES.

DITHYRAMBE


DITHYRAMBE, s. m. [Ditiranbe; 3e lon. 4e e muet.] Hymne à l' honeur de Bachus. Trév. Espèce de Poésie, consacrée à Bacchus. Acad. Ce qui la caractérise, c' est l' enthousiasme, le désordre, l' inégalité des mesûres des vers. Ce n' est guère que par cette dernière circonstance que le prétendu Dithyrambe sur Voltaire, ou en son honneur, comme on voudra, est caractérisé.
   REM. M. Linguet fait ce mot fém. Il est constamment masculin. "La Magdeleine, (Poème burlesque) est un chef-d' oeuvre de bon sens et de raison auprès de cette dithyrambe rurale (art. de l' Encyclopédie sur les Jardins.) Il devait dire, de ce Dithyrambe rural.

DIVAGUER


DIVAGUER, v. n. [Divaghé; 3e é fer. l' u est muet: il n' est là que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] S' écarter de l' objet d' une question. "Il ne suit rien: il ne fait que divaguer. _ M. Charles l' emploie en physique. "Le peu de lumière divaguée dans l' atmosphère.

DIVAN


DIVAN, s. m. Conseil du Grand-Seigneur. "On assembla le Divan. "L' afaire fut mise en délibération dans le Divan.

DIVERGENCE


DIVERGENCE, s. f. DIVERGENT, ENTE, adj. [Diverjance, jan, jante; 2e ê ouv. 3e lon. 4e e muet.] Lignes divergentes, qui s' écartent l' une de l' aûtre. Divergence, exprime l' état de ces deux lignes. On ne le dit qu' en Géométrie; et ce serait une pédanterie de s' en servir dans le discours ordinaire.

DIVERS


DIVERS, ERSE, adj. DIVERSEMENT, adv. DIVERSITÉ, s. f. [Divêr, et devant une voyelle, vêrz, vêrse, seman, sité; 2e ê ouv. 3e e muet au 2d et 3e.] Différent, dissemblable. Différemment, en diverses manières. Différence, variété. "Divers sentimens, divers tempéramens, diverses propositions. "On l' a raconté, on l' explique, on l' a reçu diversement. "Diversité d' objets, d' esprits, d' humeurs, d' opinions, etc.
   REM. 1°. Divers ne signifie quelquefois que plusieurs. "Je l' ai oui dire à diverses persones. Il n' est pas tout-à-fait synonyme de différent. Voyez une Remarque au mot Degré; voyez aussi Différent.
   REM. 2°. Divers pour plusieurs, est une espèce de pronom: il chasse l' article partitif~ de devant les noms. On dit à diverses persones, et non pas, à de diverses persones, comme on dirait à d' honêtes gens. _ On doit toujours le mettre au pluriel.
   Et diverse frégate, à force de ramer,
   S' écoule dans les rangs, et se laisse enfermer.
       Brébeuf.
Il faut dire diverses frégates se coulent et se laissent, etc.
   Quand il est adjectif, et qu' il a à peu près le sens de diférent, il aime à précéder le nom qu' il modifie; mais il peut quelquefois le suivre, sur-tout en vers et dans la prôse Poétique, ou Oratoire.
   De là sont nés ces esprits bigarrés,
   Foux sérieux, profanes et sacrés,
   Où je dépeins, non des moeurs trop volages;
   Mais seulement les diverses images
   Qui m' ont frapé suivant les temps divers,
   Où mon ennui m' a fait chercher des vers.
       Rouss.
Il aime aussi le nombre pluriel; car pour être divers ou diférent, il faut être au moins deux. On dit bien, ils sont de diverse religion, de divers caractère, etc. Ce sont des expressions comme adverbiales: mais on dit, les divers caractères, les diverses religions, et non pas la diverse religion, le divers caractère de ces deux hommes.
   Et sous divers prétexte à son tour reculer.
       Pertharite.
Des Imprimeurs acoutumés à ne mettre divers qu' avec des pluriels, ont mis, divers pretextes; mais pour le vers et pour l' élision de l' e muet, il faut prétexte; ce qui est contre l' usage. _ M. de Cubière a dit tout récemment:
   De l' art, dans ce passage incroyable et soudain,
   J' offrois la diverse merveille.
   On se contente de dire, dans le Mercûre, que l' Auteur a été gêné par la rime, et que cette gêne l' a rendu obscur. Je crois qu' on peut ajouter, et incorrect. Il falait dire, les diverses merveilles.

DIVERSIFIER


DIVERSIFIER, v. a. Varier, mettre de la diversité. Diversifier les viandes; les atitudes des figûres dans un tableau; ses études, ses ocupations. _ Il régit ordinairement des pluriels. On dit pourtant, diversifier l' entretien, un discours, un Poème.

DIVERSION


DIVERSION, s. f. [Divêr-sion, en vers, si-on; 2e ê ouv.] Action par laquelle on détourne. On le dit ordinairement avec le verbe faire. "Il est entré dans le pays des énemis pour faire diversion. "On l' a saigné pour faire diversion de l' humeur. "Ils aloient se quereller: j' ai parlé nouvelles, pour faire diversion. Le desir de la gloire a fait dans son coeur diversion à l' amour.

DIVERSITÉ


DIVERSITÉ. Voyez DIVERS.

DIVERTIR


DIVERTIR, v. a. DIVERTISSANT, ANTE, adj. DIVERTISSEMENT, s. m. [Di--vêrti, ti-san, san, sante, seman; 2e ê ouv. 4e lon. au 2d et 3e, e muet au dern.] I. Récréer, réjouir. Qui réjouit, qui récrée. Récréation, plaisir. "Cette lectûre, cette conversation, nous a fort divertis. Elle étoit fort divertissante. Elle a été pour nous un grand divertissement.
   Rem. 1°. Quand ces mots ne sont pas détournés à un mauvais sens par quelque aûtre mot, ils se disent d' un divertissement honnête.
   2°. Se divertir, régit quelquefois la préposition à devant l' infinitif. "Ils se divertissement à jouer à la paûme. _ Se divertir aux dépens de quelqu' un, le râiller, le plaisanter. _ Il régit de devant les noms, comme, s' amuser, se moquer. _ Vous n' étiez pas fort courroucée, quand vous êtes revenûe. _ C' est que je me suis divertie de tout ce qu' il m' a dit. Mais on ne le dit pas des persones. "Il a des amis qui se divertissent de lui. Mallebr. Il est vieux en ce sens.
   3°. * Autrefois on donait à divertir toute l' étendûe du sens de plaire. Aujourd'hui, l' usage de ce mot est plus borné: on ne le dit guère, en parlant des ouvrages d' esprit, que de ce qui est comique, et qui fait rire. On n' oserait le dire d' un Historien, d' un Orateur, d' un Poète Tragique. "La lectûre de nos Tragédies modernes ne divertit pas tant que celle des Tragédies Grecques. P. Rapin. On dirait aujourd'hui, ne fait pas autant de plaisir. "Hérodote, qui avoit précédé Thucidide, a une autre manière d' écrire plus divertissante. Id. On dirait, plus agréable, plus amusante.
   4°. À~ l' Opéra et à la Comédie, on apelle divertissement, des danses et des chants, qui font partie de chaque acte, ou qui le terminent. "Les divertissemens de cet Opéra sont bien amenés. "C' est une Comédie avec divertissemens. _ Voyez RÉCRÉATION.
   II. Divertir et Divertissement ont une seconde signification que n' a pas divertissant. C' est, en parlant de deniers, d' éfets, détourner, voler, dérober. "Il a diverti les deniers de sa recette. "Elle a diverti les éfets de la succession. Divertissement de deniers, de fonds, des éfets d' une succession. _ * Autrefois on le disait des persones, dans le sens de distraire, détourner. "Il ne vouloit pas être diverti de ses dernières pensées. Procès de Charles I. "L' âme n' étant plus divertie par les chôses sensibles, elle peut contempler facilement la vérité. Mallebr. _ En ce sens, il vieillit; Acad.

DIVIDENDE


DIVIDENDE, s. m. [Dividande; 3e lon. 4e e muet.] 1°. En Arithmétique, nombre à diviser selon la règle de Division. _ Diviseur est le nombre par lequel on le divise. Ainsi, quand on veut diviser 100 par 10, 100 est le dividende, et 10 le diviseur. = 2°. Dans les compagnies de comerce, le produit d' une action. _ M. Targe écrit dividend, parce qu' il est ainsi écrit en anglais.

DIVIN


DIVIN, INE, adj. [Di-vein, vine.] 1°. Qui est de Dieu, qui apartient à Dieu. Les divins atributs; l' ofice divin, les honneurs divins, la Providence divine. = 2°. Qui paraît être au-dessus des forces de la natûre. "Il y a en cela quelque chôse de divin. = 3°. Abusivement, qui est très-excellent dans son genre. "Ouvrage divin, beauté divine. Le divin Platon. C' est un homme divin.
   REM. 1°. Divin et divinement, sont des mots à la mode, qu' on aplique à tort et à travers. Gresset, Coyer et M. Marin s' en moquent.
   On se l' arrache au moins: je l' ai vu quelquefois
   À~ des soupers divins retenu pour un mois.
       Le Méch.
"Les airs maniérés, le bon ton, les vapeurs, les soupers divins, les amitiés des lèvres, les amours d' un jour. Coyer, Isle Frivole. "D' une chôse qui a une bonté commune, vous dites simplement, qu' elle est bonne: une importante diroit: c' est miraculeux, c' est divin. Id. "Des mains, qui peignent divinement une voiture, etc: Id. "J' ai une partie arrangée; c' est un souper délicieux avec quatre hommes divins et une femme charmante. MARIN, l' Amante Ingénue.
   2°. Divin, se met indiféremment devant ou après le nom qu' il modifie; les divins orâcles, les orâcles divins. Il y a pourtant un choix à faire entre les deux, suivant les ocasions. L' oreille seule et le goût en sont les juges.
   3°. Boileau a employé divin substantivement. "Longin, au milieu des ténèbres du paganisme, n' a pas laissé de reconoître le divin qu' il y avoit dans ces paroles de l' Écriture (Que la lumière se fasse, etc.) Cela n' est pas à imiter.
   4°. On dit: il fait beau. Mde. de Sév. dit. "J' alai diner à Lyon: il faisoit divin: je me promenai délicieûsement. Cette expression peut être bone en conversation et dans une lettre: mais elle ne vaudrait rien à être souvent répétée.

DIVINATION


DIVINATION, s. f. [Divina-cion. en vers, ci-on.] 1°. L' art de prédire. "La divination est une superstition, qui a toujours été condamnée par l' Église. = 2°. Moyen dont on se servait pour deviner, pour prédire. Divination par le vol des oiseaux, par l' inspection des entrâilles des victimes, etc.
   Rem. Quoiqu' on dise deviner, et non pas diviner, on doit dire divination, et non pas devination.

DIVINEMENT


DIVINEMENT, adv. [Divineman; 3e e muet.] Par la vertu, par la puissance Divine. "Les Prophètes ont été divinement inspirés. = Abusivement (st. famil.), excellemment, parfaitement. "Il travaille, il chante, il écrit divinement. Il joue du violon divinement bien. Voyez DIVIN, Rem. n° 1°.

DIVINISER


DIVINISER, v. a. DIVINITÉ, s. f. [Dern. é fer.; nizé, nité.] Diviniser, c' est reconaître pour divin. Les Payens divinisoient les Orâcles.
   DIVINITÉ, est 1°. L' essence, la natûre Divine: La Divinité du Verbe. = 2°. Il se prend pour Dieu même. "Adorer la Divinité; les conseils, les décrets de la Divinité. = 3°. Il se dit des faux Dieux. Les Divinités des eaux, des forêts: La Divinité du lieu. = 4°. Abusivement, et par un reste de langage payen, une belle femme, "C' est une Divinité.
   Rem. DIVIN, est d' un emploi plus étendu que divinité. On dit, les Livres divins, les Divines écritûres; et l' on ne dirait pas, la Divinité des écritûres, la Divinité des Livres saints, etc. * D' Avrigny parle de la Divinité du Sacerdoce: l' expression est impropre, quoique celle de Sacerdoce divin soit reçûe. Peut-être est-ce une faûte d' impression, et faut-il lire, la dignité du Sacerdoce. En tout câs, cette faûte aurait doné lieu à une remarque utile.

DIVISÉ


DIVISÉ, ÉE, partic. et adj. [Divizé, zé-e: 3e é fer., long au 2d.] Il signifie quelquefois, où il y de la division, où règne la discorde, la dissension. On le dit d' un Royaume; mais le dit-on d' une famille, absolument et sans addition? J' ai peine à le croire. "L' engagement des affaires l' engagea dans des négociations avec la Maison de Savoie, qui étoit alors divisée. Fonten.

DIVISER


DIVISER, v. a. DIVISION, s. f. [Divizé, vi-zion, en vers, zi-on; devant l' e muet, l' i est long: Il divîse, il divisera, etc.] Diviser, c' est partager, séparer en deux ou plusieurs parties. "Diviser le tout en ses parties. Ce Royaume est divisé en tant de Provinces. _ Quelques Auteurs ont dit, diviser l' un de l' aûtre, ou d' avec l' aûtre. Séparer est plus sûr avec ce régime.
   DIVISION, est 1°. Le partage d' un tout, en ce qu' il contient. Division d' un discours, d' une somme. = 2°. Désunion, discorde. "Il y a division, ou de la division entre eux: le 2d est le plus conforme à l' usage actuel. "Semer, fomenter, entretenir la division. = 3°. La quatrième règle d' Arithmétique, selon laquelle on divise un tout en plusieurs parties. = 4°. En termes de Guerre, il se dit des parties d' une armée de terre, ou d' une flote: Première, seconde division; et des parties distinctes d' un batâillon.
   Rem. On dit, diviser en; mais les noms précédés de cette préposition doivent être employés sans article. Ne dites pas avec le Père Rapin: "Aristote divise le Poème dramatique en la Tragédie et en la Comédie. Dites, en Tragédie et en Comédie. Ainsi l' on dit: La Théologie se divise en Théologie positive, scolastique et morale; et non pas, en la Théologie, etc.

DIVISEUR


DIVISEUR, voy. DIVIDENDE.

DIVISIBLE


DIVISIBLE, adj. DIVISIBILITÉ, s. fém. [Divizible, vizibilité.] Qui se peut diviser. Qualité de ce qui peut être divisé. "La divisibilité de la matière. "La quantité est divisible à l' infini.

DIVISION


DIVISION, voy. DIVISER.

DIVORCE


DIVORCE, s. m. 1°. Ruptûre de mariage. "Le divorce n' est pas permis dans le Christianisme. _ Divorce, répudiation (synon.) Le 1er se dit proprement de la séparation de deux époux; le 2d, du renvoi de l' un par l' autre. "Le divorce se fait par un consentement mutuel; la répudiation se fait par la volonté, et pour l' avantage d' une des deux parties, indépendamment de la volonté et de l' avantage de l' aûtre. Montesq. L' Abbé Roubaud. = 2°. Dissensions entre le mari et la femme. "Ils sont dans un continuel divorce. _ On le dit même des amis: "Il est en divorce avec ses amis; mais il ne s' unit pas avec toute sorte de verbes. Racan dit, de Malherbe, qu' il avait été ami de Regnier, mais qu' il survint entre eux un divorce, dont il raconte la caûse. Ce mot ainsi employé est impropre. = 3°. Il régit les chôses avec la prép. avec. "Faire divorce avec les plaisirs, avec le monde, y renoncer. Il est beau dans ce sens figuré.

DIVORCÉ


*DIVORCÉ, ÉE, adj. Mot forgé par Voltaire. "Les deux époux sont réellement divorcés, et cependant ils ne peuvent pas se pourvoir ailleurs. C' est un vrai barbarisme.

DIURÉTIQUE


DIURÉTIQUE, adj. [Di-urétike; 3e é fer., dern. e muet.] Apéritif; qui fait uriner. "Remède diurétique. _ S. m. C' est un bon diurétique.

DIURNAL


DIURNAL, s. m. DIURNE, adj. [iu, dans le 1er, est monosyllabe; dans le 2d il est dissyllabe: Diur-nal, di-urne.] Diurnal, est un livre qui contient l' Ofice canonial de chaque jour, à l' exception de Matines. L' Acad. ajoute, et quelquefois de Laudes. Je ne conais point de Diurnal dans ce goût-là, mais peu importe.
   DIURNE, terme d' Astronomie. D' un jour "Le mouvement diurne de la terre.

DIVULGATION


DIVULGATION, s. fém. DIVULGUER, v. act. [Divulga-cion, ghé; 3e é fer. au 2d; l' u y est muet; il n' y est mis que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] Divulguer, c' est publier une chôse, la découvrir à ceux qui ne la savaient pas, la dire à plusieurs persones: c' est cette dernière circonstance qui caractérise ce mot. Divulgation, action de divulguer, ou état de ce qui est divulgué. "Divulguer un secret, une nouvelle, par-tout, dans toute la Ville. _ Il ne régit pas les persones: * Ne me divulguez point: Si mon mari savoit ma conduite, je serois perdue. Rétif. _ Il n' a que le régime absolu: Rollin lui done le datif pour 2d régime. "Par ce moyen on divulgoit le mot aux ennemis. C' est un faux régime, et divulguoit n' était pas le mot propre, en cet endroit; on découvrait, on faisait conaitre, auraient mieux valu.

DIX


DIX, adj. numéral. C' est le premier nombre, après 9, qui s' écrit avec deux caractères, l' unité avec un zéro, 10, ou s' exprime par un X, en chifre romain. Trév. Nombre pair, composé de deux fois cinq, et qui suit immédiatement le nombre de 9, Acad.
   Rem. 1°. Devant une consone, l' x ne se pron. pas: Dix soldats (pron. di soldâ); devant une voyelle il se prononce comme un z, dix hommes (di-zome); quand il est final, ou qu' il est suivi d' un repôs, ou qu' il est substantif, il se prononce comme une s forte. "Je vous en donnerai dix. "Un dix de pique, (prononcez dis.)
   2°. Quand dix est joint à un aûtre nom de nombre, on met un tiret entre les deux: Dix-sept, dix-huit, dix-neuf, quatre vingt-dix; mais on n' en met point à cent dix, mille dix, etc. _ Dans ses composé, l' x de dix se prononce comme une s devant les consones, et comme un z devant les voyelles: dis-set, di-zui, etc.

DIXAIN


DIXAIN, DIXAINE. Voy. DIZAIN, DIZAINE.

DIXIèME


DIXIèME, adj. [Pron. di-ziè-me; 2e è moy. 3e e muet.] Nombre ordinal, correspondant au nombre cardinal dix. "Le dixième jour; la dixième fois. _ S. m. La dixième partie d' un tout. "Il est héritier pour un dixième. "Il a un dixième dans cette affaire, dans cette société.

DIXME


DIXME, DIXMER, DIXMEUR. Voyez DîME, DîMER, DîMEUR.

DIZAIN


DIZAIN, s. m. DIZAINE, s. f. [Di-zein, zène; 2e è moy. au 2d.] Le premier se dit d' une Stance composée de dix vers; le second, d' un total de chôses ou de persones, composé de dix. "Une dizaine d' écus: une dizaine d' ouvriers.
   Rem. Quelques-uns écrivent dixain, dixaine, ce qui est plus naturel: mais dizain, dizaine, sont plus selon l' usage.

DIZEAU


DIZEAU, s. m. [Dizo; 2e dout. au sing. lon. au plur. dizeaux.] Il se dit de dix gerbes de bled, de dix bottes de foin. "Un dizeau, six dizeaux, cent dizeaux.

DIZENIER


DIZENIER, s. m. [2e e muet, 3e é fer.; l' r ne se prononce pas.] Oficier de Ville, qui a une dizaine de persones sous sa charge. _ Trév. écrit dizainier, mais cette ortographe est contraire à la prononciation.

DOCILE


DOCILE, adj. DOCILEMENT, adv. DOCILITÉ, s. f. [3e e muet aux 2 1ers; dans le 2d, en a le son d' an, docileman.] Docile, qui a de la disposition à profiter de l' instruction, à se laisser conduire, à être soumis, à obéir. Docilité, qualité par laquelle on est docile. Docilement, avec docilité. "Naturel, esprit, humeur docile: Enfant docile. "Écouter docilement: il a une grande docilité.
   Rem. 1°. Docile régit la prép. à: soyez docile aux avis de vos maîtres. Mais il ne régit point les persones. On ne dit pas. "Les enfans doivent être dociles à leurs pères, les disciples à leurs maîtres; la femme doit être docile à son mari: on doit dire, docile aux volontés, aux ordres, aux avis de, etc.
   2°. Quand il est sans régime, il marche devant ou après le substantif, au choix de l' Orateur ou du Poète, guidé par l' oreille et le goût.
   Amener du sommet d' un rocher sourcilleux,
   Un docile ruisseau..       De Lille.
  Vous aurez sous vos lois un docile troupeau.
      Gresset.
  Mon chalumeau docile enfantoit de beaux airs.
      Idem.
  3°. * La Bruyère a fait docile substantif. "Le docile et le foible sont susceptibles d' impressions: l' un en reçoit de bonnes, l' aûtres de mauvaises. _ L' usage n' a pas admis ce substantif. On doit dire, l' homme docile, et l' homme faible, etc.

DOCTE


DOCTE, adj. DOCTEMENT, adv. DOCTEUR, s. m. [Dokte, teman, teur; 2e e muet aux deux premiers.] Docte, Savant. Un homme docte. Les doctes veilles. L' Acad. dit aussi, un livre docte, une docte dissertation, qui contient beaucoup de doctrine. On ne l' emploie que dans le style relevé; et il marche d' ordinaire devant le subst. quand il se dit des chôses. Un docte discours, de doctes écrits. L' harmonie empêche qu' on ne dise un docte livre.
   DOCTEMENT, savamment. "Traiter doctement une matière.
   DOCTEUR, qui est promu dans une Université, au plus haut degré de quelque faculté. Docteur en Théologie, en Droit, en Médecine. _ Dans le style familier, savant, habile homme. "Il est Docteur dans cet art: il n' est pas grand Docteur.
   Rem. 1°. Autrefois on employait plus souvent qu' aujourd'hui Docte substantivement. On disait, un Docte, les Doctes. On dit plus volontiers aujourd'hui, un Savant, les Savans. "Les Doctes veulent que ce soit Amenophis. Boss. "Ce défaut a empêché presque tous les Doctes de bien juger de Virgile. P. Rapin. "Parmi ce grand nombre de Doctes qui sont à Paris. P. Sicard. _ L' Acad. dit encôre dans la dern. édition. "Les Doctes ne sont pas de tel avis. Je crois qu' on le dit plus souvent en se moquant, que sérieûsement.
   2°. Docte, Docteur (synon.) Être Docte, c' est être véritablement savant. Être Docteur, c' est avoir reçu ce degré d' honeur dans une Université. Tout Docte mérite d' être Docteur, mais parmi les Docteurs, il n' y en a pas beaucoup qui soient Doctes. De là vient la distinction plaisante, que done peut-être trop sérieûsement la Bruyère, dit M. Beauzée. "Un homme qui a un long manteau, etc. un collet bien fait et bien empesé, les cheveux arrangés et le teint vermeil, qui, avec cela, se souvient de quelques distinctions métaphysiques, etc. Cela s' apelle un Docteur. Une persone humble, qui est ensevelie dans le cabinet, qui a médité, lu ou écrit toute sa vie, est un homme docte. _ Voy. Habile et Savant.

DOCTORAL


DOCTORAL, ALE, adj. DOCTORAT, s. m. DOCTORERIE, s. f. Qui apartient au Docteur. Bonet doctoral: robe doctorale. = Degré, qualité de Docteur. "Il est parvenu au doctorat. = Acte qu' on fait en Théologie, pour être reçu Docteur. "Il a disputé à la doctorerie d' un tel.

DOCTRINAIRE


*DOCTRINAIRE, s. m. Faiseur de systêmes (Néologisme). "Ce n' étoit point l' étendard de la vérité, que tenoient entre leurs mains certains Doctrinaires exagérés. Neck. On ne peut guère bien augurer de ce mot, non plus que d' exagéré pour exagératif.

DOCTRINAL


DOCTRINAL, ALE, adj. DOCTRINE, s. f. Le 1er se dit des avis que les Théologiens donent en matière de doctrine. Avis doctrinal de la Sorbone, sur un ouvrage.
   DOCTRINE est; 1°. Savoir, érudition. "Cet homme a beaucoup de doctrine. "Ce livre est plein de doctrine. = 2°. Et plus ordinairement, maximes, sentimens, enseignemens. Bonne, saine, ou fausse, dangereûse doctrine. La doctrine de l' Évangile, des Pères, de St. Augustin, de St. Thomas. La doctrine de Platon, d' Aristote.
   Rem. 1°. Doctrine, sur-tout avec le régime de la prép. de, ne s' emploie point au pluriel. L' on dit, la doctrine d' un Auteur, d' un Concile, quoiqu' il s' agisse de plusieurs points de doctrine. N' imitez pas Leibnitz quand il dit: "Je demeure d' acord que les Doctrines du Concile de Trente sont reçues en France. Il faut dire, la doctrine, ou bien les points, les articles de doctrine.
   Cependant il est quelque ocasion où doctrine peut s' employer au pluriel. "St. Pierre les prémunit contre les fausses doctrines, qui commençoient à se répandre. Berault-Bercastel. _ Les fausses doctrines signifie là les erreurs. Il est employé sans régime et indéfiniment. C' est comme si l' on disait, contre les erreurs qui commençaient à se répandre.
   2°. * Faire la doctrine, le catéchisme, est une expression populaire, un vrai provençalisme. Aussi c' est un Auteur Provençal qui s' en est servi. "Les Réformateurs qui ont fait la doctrine le sâbre à la main. Les Numéros.

DOCUMENT


DOCUMENT, s. m. [Dokuman.] Terme de Pratique. Il s' emploie d' ordinaire au pluriel. Titres, ou preuves des faits qu' on allègue, et sur-tout des chôses anciènes. Trév. "Vieux, anciens documens. Titres et documens.

DODINER


DODINER (SE) v. réc. (st. famil.) se dorloter, avoir beaucoup de soin de sa persone. Acad. Rich. Port. Vivre délicieusement et à son aise, sans vouloir se doner aucune peine. Trév. La 1re définition vaut mieux. "Il ne fait que se dodiner. _ Dodiner, v. n. Suivant Trév. il se dit du mouvement du balancier.

DODO


DODO, s. m. Mot dont on se sert en parlant aux enfans. Mot de nourrice et de bonne. Faire dodo, dormir, aller à dodo, aller dormir, aller se coucher. En Provence, on dit, nono; faire nono.

DODU


DODU, ÛE, adj. [2e lon au 2d: 3e e muet.] Grâs, potelé, qui a beaucoup d' embonpoint. Acad. _ Le Dict. de Trév. ajoute douillet; mais cette addition n' entre point dans l' idée que fait naître ce mot. "Grâs et plein de chair. Rich. Port. Il est dodu, cette femme est dodûe. Il n' est que du style familier.

DOGAT


DOGAT, s. m. DOGE, s. m. [Doga, doge; 2e e muet au 2d; le t ne se pron. pas dans le 1er.] Doge est le nom du Chef des Républiques de Venise et de Gènes. Dogat, la dignité de Doge, et le temps qu' on a été Doge. "Le Dogat de Venise est à vie; celui de Gènes est de deux ans. "Pendant le Dogat de... il se passa des évènemens mémorables.

DOGMATIQUE


DOGMATIQUE, adj. DOGMATIQUEMENT, adv. [Dog-matike, tikeman; 4e e muet.] Dogmatique, qui regarde les dogmes de la Religion. Dogmatiquement, d' une manière dogmatique. "Terme dogmatique, style dogmatique. Jugement dogmatique et irréformable. "Traiter une question dogmatiquement.
   DOGMATIQUE, s. m. Le style dogmatique. Ce terme n' a d' usage que dans le dogmatique.
   Dans le style simple, ton dogmatique, et parler dogmatiquement se disent d' un homme qui parle d' un ton sententieux et décisif. C' est un ridicule.

DOGMATISER


DOGMATISER, v. n. DOGMATISEUR, DOGMATISTE, s. m. [Dogmatizé, ti-zeur, tiste.] Ils se prènent en mauvaise part et dans le sens propre, où ils signifient une doctrine fausse ou dangereûse, principalement en matière de Religion; et dans le style familier, où par extension, on le dit d' un homme qui ne parle que par Sentence et d' un ton décisif. "Il dogmatise, il se mêle de dogmatiser. "Il dogmatise sur tout. "On est ennuyé de l' entendre dogmatiser. "C' est un grand dogmatiseur. "Ainsi confondoit-on dès lors les dogmatiseurs téméraires, qui prétendoient que la Foi chrétiène n' avoit pas été constamment la même depuis son origine. Bercastel.
   Rem. Dogmatiser est neutre, et même sans régime. Un Auteur moderne le fait actif. "Dogmatiser le Baïanisme. C' est un barbarisme de phrâse.
   DOGMATISTE, est peu usité dans le sens de dogmatiseur. On ne le dit guère que d' une secte de Médecins, par oposition à celle des Empiriques. Ceux-ci se bornaient à la pratique: les aûtres donaient beaucoup trop à la théorie.

DOGME


DOGME, s. m. [2e e muet.] Maxime, axiome, principe. Trév. Point de doctrine, enseignement reçu et servant de règle. Acad. La définition de Trév. ne vaut rien. Car il y a beaucoup d' axiomes, de maximes, de principes qui ne sont pas des dogmes. L' Académie définit bien ce mot. Il se dit principalement de la Religion, et par extension de la Philosophie. "Les dogmes de la Foi, les dogmes de la Philosophie, les vérités qu' elle enseigne. _ On dit aussi quelquefois, les dogmes de la Politique. "Si le dogme politique des Gaules n' eût pas été la pleine et entière souveraineté du Prince, etc. Moreau.
   Rem. Quand on dit, le dogme tout seul et sans addition, on l' entend toujours de la Religion. Ces matières concernent le dogme, et non la discipline.

DOGUE


DOGUE, s. m. SE DOGUER, v. récip. DOGUIN, DOGUINE, subst. masc. et fém. [Doghe, ghé, ghein, ghine, l' u y est muet; il n' y est mis que pour doner au g un son fort, qu' il n' a pas devant l' e et l' i.] Dogue, gros chien, courageux et bon gardien. Doguin, Doguine, petits dogues, mâle et femelle. _ Se doguer, se heurter de la tête les uns contre les autres, comme les beliers et moutons. Trév. L' Acad. ne met pas ce verbe. Il est dans le Rich. Port.

DOIEN


DOIEN, DOIENNÉ, Richelet. Voyez DOYEN, DOYENNÉ.

DOIGT


DOIGT, ou DOIT, s. m. [doa: le g ne se prononce jamais: on ne le laisse que par respect pour un ancien usage et pour l' étymologie; on devrait bien le retrancher.] Partie de la main ou du pied de l' homme. Acad. Cette définition est trop vague. Extrémités des pieds et des mains de l' Homme, divisées en cinq branches. Trév. "Les cinq doigts de la main; le gros doigt, le petit doit. _ Il se dit de quelques animaux, du singe, du canard, de la bécasse, etc.
   DOIT, petite mesûre, qui contient à peu près l' épaisseur d' un pouce. Acad. de la grandeur d' un travers de doit. Trév. Rich. Port. "L' épée lui entra deux doigts dans le corps. "Un doigt de vin, un peu de vin. Donnez-moi du vin, je n' en veux qu' un doit.
   Les Poètes donent à l' Aurôre des doigts de rôse. "Quand l' Aurôre, avec ses doigts de rôse, entrouvrira les portes dorées de l' Orient, nous reprendrons l' Histoire de vos malheurs. Télém.
   DOIT entre dans plusieurs expressions du style familier. _ Montrer au doit, qui était chez les Romains une marque d' estime: digito monstrarier hic est, est parmi nous, une marque de mépris. "Si vous faites cela, tout le monde vous montrera au doigt. _ Toucher à quelque chôse du bout du doigt, en être bien proche. * Un Auteur moderne a dit. "Nous touchons à la victoire du bout du doigt. L' expression est bâsse. _ Avoir de l' esprit au bout des doigts, être adroit de la main. _ Faire toucher au doigt, rendre les chôses sensibles. "Le Soleil qui remonte tous les jours, me fait toucher au doigt ce temps. Sév. c. à. d. me le raproche. _ Être à deux doigts de... être bien près, sur le bord: à deux doigts de la mort. _ Doner, ou avoir sur les doigts, corriger ou être corrigé. _ Compter sur ses doigts, compter à la manière du peuple. _ Mettre le doigt dessus, deviner. _ S' en mordre les doigts, s' en repentir. _ Savoir sur le bout du doigt, savoir par coeur et parfaitement. Mde. de Sévigné dit de la soeur de M. de Pompone. "Elle sait notre Syndicat, notre Procureur... comme elle sait la Cour et les intérêts des Princes, c' est"à-dire, sur le bout du doigt. On l' apèle le petit Ministre. _ Être servi au doigt et à l' oeil, ponctuellement. Voir au doigt et à l' oeil, évidemment. Cette montre va au doigt et à l' oeil; elle a besoin qu' on y touche souvent pour la mettre sur l' heûre qu' elle doit marquer.
   On dit, de deux bons amis, qu' ils sont les deux doigts de la main. "M. de Marseille (de Janson) vint hier au soir: nous dinons chez lui: c' est l' afaire des deux doits de la main. SÉV. _ Des bons morceaux, on s' en lèche les doits. _ On dit aussi: "Je voudrois qu' il m' en eût couté un doit et que cela ne fût pas. "Je n' en mettrois pas un doit au feu, je ne voudrois pas le garantir. _ On dit encore d' un paresseux, qu' il ne fait oeuvre de ses dix doits. _ On dit aux enfans pour leur faire croire qu' on sait la vérité de ce qu' ils ne veulent pas dire: "mon petit doigt me l' a dit. Voy. ARBRE, BRAS, DÉMANGER, GRATER.

DOIGTIER


DOIGTIER, ou DOITIER, s. m. [doa--tié: 2e é fer.] Ce qui sert à couvrir un doit. un doitier de linge, de cuir.

DOL


DOL, DOLE, Villes de France. Ce sont deux villes diférentes: l' une est en Bretagne, l' aûtre est en Franche-Comté. * le P. Barre (Hist. d' Allem.) parle de l' Évêque de Dole, où il n' y a point d' Évêché. Il faut dire, de Dol.
   DOL, s. m. Vieux mot, qui n' est plus en usage qu' au Palais. Tromperie, fraûde. "Sans dol, ni fraûde.

DOLÉANCE


DOLÉANCE, s. f. DOLEMMENT, adv. DOLENT, ENTE, adj. [dolé-ance, laman, lan, lante: 2e é fer. 3e. lon. au 1er et aux deux dern.] Doléance, plainte, ne se dit qu' au pluriel, et il n' est plus que du style familier, et quelquefois du style badin et moqueur.
   Gilles, singe de son métier.
   À~ raton, chat prudent, faisoit sur ses soufrances
   Maintes et maintes doléances.       DU CERCEAU.
  DOLENT, triste, affligé, plaintif. Il se dit des persones et des chôses, qui ont raport aux persones. "Il est fort dolent, elle est si dolente. Visage, ton dolent. Mine dolente. _ Il ne se dit guère qu' en plaisanterie et pour se moquer.
   DOLEMMENT, adv. D' une manière dolente. "Il parloit dolemment.

DOLER


DOLER, v. act. DOLOIRE, s. f. [dolé, loâ-re: 2e é fer. au 1er lon. au 2d] Doler apartient à tous les Arts, qui travaillent sur le bois. Égaler, aplanir; blanchir et unir le bois. Doler des planches. Elles n' ont pas été bien dolées. _ Doloire est un instrument de tonelier, qui sert à doler le bois.

DOM


DOM, ou DON, s. m. [L' Acad. met les deux. Le 1er est plus conforme à l' étymologie de Dominus: mais on le prononce comme le 2d est écrit.] On le met devant les noms de Baptême ou de famille des Seigneurs Espagnols et Portugais, et de certains Religieux; comme Chartreux, Bénédictins, Bernardins, Feuillans. Dom Louis, Dom Juan d' Autriche, Dom Philippe, Dom Carlos, Dom Mabillon, Dom Calmet, etc. _ L' Acad. remarque que les Espagnols écrivent Don et les Portugais Dom. En France, en parlant des Religieux, nous avons aussi adopté le dernier.

DOMAINE


DOMAINE, s. m. DOMANIAL, ALE, adj. [Domène, è moy. domani-al, ale.] Domaine: bien, fonds, héritage, propriété. "Mon domaine finit où le votre comence. Domaine utile, se dit de celui qui paye le cens au Seigneur, et à qui le domaine apartient et qui en recueille les fruits, pour le distinguer du Domaine Direct qu' a le Seigneur, à qui l' on paye le cens. On dit absolument le Domaine, pour signifier le domaine du Roi. Fermiers, Receveurs du Domaine. "Cette terre a été réunie au Domaine: cette aûtre est reversible au Domaine, à défaut d' hoirs mâles.
   DOMANIAL, qui est du domaine. Droit Domanial. Biens Domaniaux. Rentes domaniales.

DOMANIALITÉ


DOMANIALITÉ, s. f. C' est un mot de M. Moreau. "L' idée de domanialité, que l' on atacha à la possesion de ces grands Fiefs, etc.

DôME


DôME, s. m. [1re lon. 2e e muet.] Ouvrage d' Architectûre, qui s' élève au-dessus d' un bâtiment. Trév. Cela est trop vague. L' Acad. ajoute fort à propos, élevé en rond, en forme de coupe renversée. C' est ce qui caractérise le dôme. Il y en a quelques-uns, mais en petit nombre, qui sont octogones. "Le dôme de St. Pierre de Rome, du Val de Grâce, des Invalides.

DOMERIE


DOMERIE, s. f. [2e et dern. e muet, 3e lon.] Titre que prènent quelques Abayes, qui sont, ou qui étaient des espèces d' Hôpitaux.

DOMESTICITÉ


DOMESTICITÉ, s. f. DOMESTIQUE, adj. DOMESTIQUEMENT, adv. [domèsticité, tike, tikeman: 2e è moy. 4e e muet au 2d et 3e.] Domesticité est l' état de domestique. "Ce témoin n' a pas été admis à caûse de la domesticité. _ Domestique, qui est de la maison, qui apartient à la maison. Afaires domestiques, exemple domestique. _ S. m. Mon domestique, mes domestiques. _ Il se dit toujours au masculin, même en parlant des femmes: "Un bon domestique. _ Il signifie aussi tous les domestiques pris collectivement. "Il a un nombreux domestique. _ On ne troûve rien dans le Dict. de l' Acad. relativement à ces deux Remarques. _ Le domestique, l' intérieur de la maison. Le ménage. "Il aime son domestique. "Il ne veut pas qu' on sache ce qui se passe dans son domestique, qu' on se mêle de son domestique. "Les distractions que donent le détail d' un domestique est une des raisons, que done La Bruyère de ce que les femmes ne deviènent pas savantes. Cette raison n' a guère lieu aujourd'hui. _ L' Acad. le dit avec les pronoms possessifs mon, son, leur: avec un il ne fait pas bien.
   DOMESTIQUE est quelquefois oposé à étranger. Chagrin domestique, guerres domestiques, civiles. _ Animal domestique; le chien est un animal domestique.
    DOMESTIQUEMENT, 1°. à la manière d' un domestique. "Il est ataché domestiquement à ce Seigneur. Il est peu usité en ce sens. = 2°. Familièrement. "Il vit domestiquement avec nous.

DOMICILE


DOMICILE, s. m. SE DOMICILIER, v. réc. Ils ne se disent qu' en termes de Pratique. Habitation, maison. S' habituer dans une demeûre. "Élection de domicile. Signifié à domicile, en son domicile. "Il s' est domicilié en cette ville. Il est domicilié: il a une demeûre certaine. _ On dit aussi juge domiciliaire, dans le ressort duquel est le domicile de la partie. "Il a demandé son renvoi par devant son Juge domiciliaire. Ferrière.

DOMINANT


DOMINANT, ANTE, adj. DOMINATEUR, TRICE, s. m. et f. DOMINATION, s. f. [tion a le son de cion, en vers ci-on.] Dominant, Dominateur, qui domine. Le 1er se dit des chôses, le 2d des persones. Passion, humeur dominante, goût dominant. "Dominateur de l' Univers. "Ses flotes ne sont plus les dominatrices des mers. Ses armées ne sont pas invincibles sur terre. Linguet.
   REM. Bossuet aplique dominant aux persones. Il dit, en parlant des Lois Romaines. "Ces Institutions étoient propres de leur natûre à former un peuple invincible et dominant: c' est-à-dire, capable de dominer. Dominateur aurait été plus convenable. "Un peuple dominateur peut s' afranchir de tout impôt, parce qu' il règne sur des nations sujettes. Montesq. _ L' Acad. ne dit dominant que des chôses, qui ont raport aux persones. Elle ne l' admet que pour le style soutenu.
   *DOMINATRICE n' est point dans les Dictionaires: mais il fait fort bien dans la phrâse de M. Linguet, et on peut l' employer dans des ocasions pareilles.
   II. DOMINATION, s. f. Puissance, empire, autorité souveraine. Vivre sous la domination de... Étendre sa domination sur... Domination douce, ou dûre, tyrannique.

DOMINER


DOMINER, v. n. [Dominé] 1°. Comander. Avoir autorité et puissance absolue sur... Dominer sur la mer, sur toute l' Europe. "Il veut par tout dominer. = 2°. Se faire apercevoir et sentir par dessus tout. "Cette figure domine dans ce tableau. "Le poivre domine dans cette sauce. " La bile domine dans son tempérament. = 3°. Figurément, il se dit assez indiféremment ou comme actif avec le régime absolu, ou comme neutre avec la prép. sur. "Dominer les passions ou dominer sur les passions. "Cette montagne domine la ville, ou domine sur la ville. La Touche préfère le 2d: j' aimerais mieux le 1er. L' Acad. les mets tous deux sans remarque. _ * Le P. La Rûe ne met ni l' un ni l' autre de ces deux régimes: il done la préférence à la prép. à. "Votre salut, nécessité qui domine à toutes les aûtres. "Comme tous les membres du corps ont besoin les uns des aûtres, aussi ont-ils besoin d' un chef, qui domine à tous les aûtres. On doit dire dans cette ocasion, domine sur. L' actif n' y serait pas bon: la prép. à n' y vaut rien.

DOMINICAL


DOMINICAL, ALE, adj. Il ne se dit guères qu' au fém. "L' Oraison Dominicale, le Pater. Bossuet dit la prière dominicale: il s' écarte en cela de l' usage. Oraison dans cette phrâse est un terme consacré, qu' il ne faut pas changer. _ Lettre dominicale, celle qui dans le calendrier marque le dimanche. Elle varie toutes les années. _ S. f. La Dominicale, cours de sermons qu' on prêche tous les dimanches. Prêcher la dominicale. L' Acad. dit aussi, les dominicales. Celui ci est moins en usage.

DOMINICALIER


DOMINICALIER, Trév. s. m. Celui qui prêche la dominicale. Il ne se dit que dans le style familier. Trév. L' Acad. ne le met point.