Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI DEMANDE


DEMANDE, s. f. DEMANDER, v. a. DEMANDEUR, EûSE, s. m. et f. [1re. e muet; 2e. lon. 3e. e muet au 1er, é fer. au 2d. lon. au dern.] Demande est, 1°. l' action par laquelle on demande. "Votre demande est juste. "Voilà bien des demandes. = 2°. Question. "La réponse doit être conforme à la demande. = 3°. Action qu' on intente en justice. "Demande en complaintes, en réparation d' honeur. Former sa demande. "Il a été débouté de sa demande.
   On dit, (st. famil.) d' une chôse où il n' y a pas de dificulté: belle demande! voilà une belle demande! _ Le Proverbe dit: à folle ou sotte demande, point de réponse.
   II. DEMANDER, actif est, 1°. Prier quelqu' un d' acorder quelque chôse. Je vous demande une grâce, votre amitié, votre protection, votre secours. = 2°. S' adresser à la Justice pour obtenir: Demander un règlement, un renvoi, une provision, etc. = 3°. Desirer ou exiger. Cela demande de grands soins. Le comerce ne demande que liberté et protection. Cet habit en demande un aûtre. = 4°. Interroger. Demander des nouvelles. "Il lui a demandé son nom et sa demeure.
   DEMANDER, neut. se dit, ou sans régime: il demande toujours; il demande de porte en porte; il ne fait que demander; ou avec le régime du datif; il demande à tout le monde; demandez-lui d' où il vient.
   Rem. 1°. Demander actif régit à; neutre il régit de. "Il lui demanda une somme à emprunter; ils lui demandèrent d' entrer en alliance avec lui. Dict. Gram. "Plusieurs Evêques n' eussent pas mieux demandé que de leur ôter ce prétexte. Moreau. Cependant de bons Auteurs fournissent des exemples contraires à cette remarque que nous croyons conforme à l' usage le plus constant et le plus autorisé. "M. le Duc de Chaulnes a écrit au Maréchal d' Étrées, qui ne demande pas mieux qu' à nous faire plaisir. Sév. "Philocles demanda au Roi à se retirer dans une solitude. Télém. "Je demanderai toujours à avoir quelque défaut ou quelque foiblesse pour la consolation de ceux avec qui j' aurois à vivre. Fonten. "La chronologie Samaritaine demande en quelques endroits à être corrigée. L' Ab. Du Voisin. Malgré ces exemples, je persiste à croire que de vaut mieux.
   2°. Demander, neutre, régit aussi la conjonction que et le subjonctif. "Ils demandèrent au Roi qu' il leur fût permis de diposer de leurs terres.
   3°. Un Auteur moderne done à demander pour régime de la persone, l' ablatif au lieu du datif (de au lieu de à) "Zozime demanda de tous les Évêques non seulement qu' ils rejetassent l' hérésie pélagiène, mais encore qu' ils en signassent la condamnation. _ C' est le régime du V. Exiger.
   4°. Demander régit quelques noms sans article: demander grâce, demander pardon, demander raison, etc.
   Je vous demande donc sûreté toute entière
   Contre la violence et contre la prière.      Sertorius.
  DEMANDER entre dans quelques phrâses du style familier. Demander son pain, sa vie, demander l' aumône. Demander la bourse; exiger par violence l' argent qu' un homme a sur lui. Ne demander pas mieux: être fort content de ce qu' on nous propôse. "Voulez-vous venir avec nous à Paris? Il ne vous en coûtera rien. _ Je ne demande pas mieux. = Ne demander qu' amour et simplesse; ne chercher qu' à vivre en repos et à laisser les aûtres. _ Qui nous doit nous demande, dit-on, quand ceux là se plaignent, de qui on a raison de se plaindre.
   3°. Demandeur, eûse; qui demande quelque chôse, qui fait métier de demander. "C' est un demandeur perpétuel, une demandeûse importune. "Je hais les demandeurs. _ Au Palais c' est la partie qui intente une action contre une aûtre, qu' on apele demandeur. Le féminin est demanderesse, défenderesse.

DÉMANGEAISON


DÉMANGEAISON, s. f. DÉMANGER, v. n. [Démangèzon, démangé: 1re. é fer. 2e. lon. 3e. è moy. au 1er. é fer. au 2d. Le Dict. d' Ortogr. écrit ces mots sans accent; demangeaison, demanger, et plusieurs y prononcent un e muet au lieu de l' e fermé. Et l' ortographe et la prononciation sont vicieûses.] Ils se disent d' un certain chatouillement ou picotement entre cuir et chair, qui done envie de se grater. "Sentir une démangeaison. "Il lui prit une telle démangeaison que, etc. "La tête lui démange. Et impersonellement. "Il me démange; je sens une démangeaison.
   Rem. 1°. Démangeaison, au figuré, régit de et l' infinitif. "Avoir la démangeaison ou une grande démangeaison d' écrire, de parler, de plaider, de se batre. "À~ mesûre que l' on croît en âge, on rougit de la coupable démangeaison de s' égayer aux dépens du prochain, et d' agiter des matières, qui exigent outre, une foi vive, une étude très-aprofondie, avant qu' on soit en état d' en discuter solidement. Du Plaisir.
   2°. On dit figurément (st. fam.) d' un homme, que les piés lui démangent, pour dire qu' il a envie de sortir. _ Les doigts lui démangent; il brûle de se battre ou d' écrire. "Je suis fort en peine de lui, non pas quand je pense au Prince d' Orange, mais à M. de Luxembourg, à qui les mains démangent furieûsement. Sév.
   Mûse c' est donc en vain que la main vous démange
   S' il faut rimer ici, rimons quelque louange.
       Boil.
On dit, d' un autre, que la peau lui démange, qu' il cherche à se faire batre.

DÉMANTèLEMENT


DÉMANTèLEMENT, s. m. DÉMANTELER, v. a. [1re. é fer. 2e. lon. 3e. è moy. au 1er. e muet au 2d; 4e. e muet au 1er. é fer. au 2d. Le Rich. Port. écrit démantélement avec l' acc. aigu; mais cet è est moyen et non pas fermé: il faut done l' acc. grâve. L' Acad. ne met point d' accent sur cet e, démantelement; c' est sans doute une inatention de l' Imprimeur.] Démanteler, c' est démolir les murailles d' une ville: on le dit surtout des Places fortifiées. Démantèlement est l' action de démanteler, ou l' état d' une place démantelée. _ Voy. Démolir.

DÉMANTIBULER


DÉMANTIBULER, v. a. [1re. et dernier é fer. 2e. lon.] * Au propre, rompre la mâchoire. Il est hors d' usage. _ Au figuré (st. fam.) Rompre ou déranger des meubles et autres ouvrages de l' art. "Ce tourne-broche est tout démantibulé; cette armoire est démantibulée. Il s' emploie ordinairement au passif. On peut dire cependant~ en employant l' actif. Cet horloger, au lieu de racomoder cette pendule, l' a toute démantibulée.

DÉMARCHE


DÉMARCHE, s. f. [1re. é fer. dern. e muet.] Au propre, alûre; manière de marcher. "Il vint à nous d' une démarche fière. "Je l' ai reconu à sa démarche. "_ Une démarche lente paroit afectée, et une démarche précipitée, ne marque pas assez de de gravité. Dacier. Au figuré, manière d' agir, procédé, conduite. "Il a fait une fausse démarche. On observe toutes vos démarches. "Il faut, quand on entre à la Cour, prendre garde à ses premières démarches.
   Rem. * La Bruyère dit, faire des démarches à, pour faire des pâs vers... "Quelles grandes démarches ne fait-on pas au despotique, par cette indulgence? On dirait, aujourd'hui: quels pâs ne fait-on pas vers le despotisme?

DÉMARIER


DÉMARIER, v. a.; [1re et der. é fer.] Déclarer un mariage nul. "On les a démariés. "Il voudroit bien se démarier. Il n' est que du style familier.

DÉMARQUER


DÉMARQUER, v. a. [démarké; 1re et dern. é fer.] Ôter une marque. Il ne se dit point de la marque qu' on ôte, mais de la chose à laquelle on ôte la marque. Démarquer un livre.

DÉMâRRER


DÉMâRRER, v. n. [Démârré; 1re et dern. é fer. 2e lon. r forte.] Il ne se dit guère qu' avec la négative, et dans le st. fam. "Il ne démârre point, il ne bouge point: il ne quitte point sa place. "Il ne demârre pas de cette maison: il n' en démârre pas. _ En termes de Marine: il est actif. Il faut démârrer le canon. _ Fig. (st. fam.) Il se dit de toutes les chôses pesantes. "Cette armoire est si lourde, qu' on ne sauroit la démârrer. _ En parlant des vaisseaux, il est neutre, et signifie partir. "Nous démarrâmes du Port un tel jour. "Le vaisseau démârra par un beau temps.

DÉMASQUER


DÉMASQUER, v. a. [Démaské: 1re et dern. é fer.] Ôter à quelqu' un le masque qu' il a sur le visage. "C' est un afront que de démasquer un homme qui est en masque. "Ils n' ont pas voulu se démasquer. _ Figurément, Démasquer un homme, c' est le faire conaitre tel qu' il est. "C' est un hypocrite; je le veux démasquer. Non, il se démasquera bientôt lui-même, il se fera conoître pour ce qu' il est.
   REM. Démasquer, même au figuré, n' a que le régime direct (l' acusatif.) Mde. de B.. et Pluche lui donent le datif pour 2d régime. "Les précautions des Ministres ne servirent qu' à lui démasquer leur jalousie. Hist. d' Angl. "J' essaye de leur démasquer ces personages fabuleux. Hist. du Ciel. C' est le régime de dévoiler. Îl est reçu pour celui-ci, il ne l' est pas pour l' aûtre.

DÉMâTER


DÉMâTER, v. a. et n. [1re et dern. é fer. 2e lon.] Abatre ou rompre le mât, ou les mâts d' un vaisseau. "La tempête l' a démâté. "Il a démâté du mât de misaine, de tous ses mâts.

DÉMÉLÉ


DÉMÉLÉ, s. m. [1re et dern. é fer. 2e é fer. aussi] Querelle, contestation, brouillerie. "Avoir un démélé, ou des démélés avec quelqu' un. Leur démélé est fini. _ Voy. différend.

DÉMêLEMENT


*DÉMêLEMENT, s. m. DÉMÉLER, v. act. [1re é fer. 2e ê ouv. et long au 1er, é fer. au 2e, 3e e muet au 1er. Devant l' e muet, le 2d ê est ouv et long. "Il démêle, il démêlera: é fer au 2d.] Le subst. n' a pas fait fortune, quoique l' Acad. l' eût employé dans ses sentimens sur le Cid, et Mde. de Sévigné dans ses charmantes Lettres. "L' intrigue et le démêlement ne manquent point à cette Pièce. Acad. "Tout cela me paroissoit comme une machine, que la Providence conduisoit avec mille ressorts et mille cordes, dont je voyois le démêlement. Sév. Nous verrons la suite et le beau démêlement de toute cette intrigue. La même. _ L' Acad. qui l' avait employé autrefois, ne l' a point mis dans son Dictionaire. Il serait utile que l' usage adoptât ce mot.
   Déméler, c' est séparer les chôses qui sont mélées. Déméler du fil, les cheveux, etc. _ Il se dit au fig. et c' est même son emploi le plus ordinaire. 1°. Apercevoir, reconaitre, déméler quelqu' un dans la foule. = 2°. Débrouiller, éclaircir. "Déméler une afaire, une intrigue, un point d' histoire, etc. = 3°. Distinguer. "Il est souvent dificile de déméler le vrai d' avec le faux. _ Le Gendre dit avec, qui ne vaut rien. "Les réflexions d' un homme qui rêve sont faciles à démêler avec celles d' un homme qui veille. = 4°. Se déméler de... se tirer heureusement de.... Se déméler d' une afaire, d' un combat, d' un embarras. = 5°. Déméler, Contester. "Ils ont toujours quelque chôse à déméler ensemble.
   REM. Bossuet se sert de ce verbe d' une manière qui manque de justesse. "Démêler une obscurité par une obscurité plus grande. La métaphôre n' est pas juste. On démêle ce qui est embrouillé; on éclaircit ce qui est obscur.
   On dit, proverbialement, déméler la fusée, débrouiller une afaire, une intrigue. "Laissons-les déméler cette fusée.

DÉMEMBREMENT


DÉMEMBREMENT, s. m. DÉMEMBRER, v. a. [Démanbreman, Démanbré; 1reé fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] La Touche soutient qu' on ne dit ces mots qu' au fig.; et je pense qu' il a raison. "On a démembré ses États; le démembrement de sa Terre en a bien diminué le prix. L' Acad. dit le verbe au propre, et ne done que ces deux exemples. "Les Bacchantes démembrèrent Penthée. Il se feroit plutôt démembrer, que de faire cela. Je crois ces deux phrâses vieilles; et mettre en pièces, qui a le même sens, est certainement plus usité. Pour le substantif, elle ne l' admet que pour le style figuré. "Il croit, par le démembrement de sa terre, en tirer plus d' argent. Il signifie quelquefois la chôse démembrée. "Ce fief est un démembrement d' un tel Duché.

DÉMÉNAGEMENT


DÉMÉNAGEMENT, s. m. DÉMÉNAGER, v. a. [Déménageman, Déménagé; 1re et 2e é fer. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Déménagement, est l' action de déménager, de transporter ses meubles d' une maison dont on déloge, à une aûtre où l' on va loger. "C' est un souci pour moi que ce déménagement. "Il a déménagé tous ses meubles, tous ses livres. _ On dit, neutralement et sans régime: il déménage, il a déménagé, il faut déménager.
   Rem. Un Auteur moderne done à ce verbe l' auxil. être. "Mde. de... étant déménagée pour retourner à, etc. Il faut, ayant déménagé.

DÉMENCE


DÉMENCE, s. f. [Démance; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Folie, aliénation d' esprit. "Il est en démence, il est tombé en démence.

DÉMENER


DÉMENER (se) v. réc. [1re et dern. é fer. 2e e muet.] Se débatre, s' agiter, se remuer violemment. Il se dit au propre et au figuré: "Il se démène comme un possédé. Il s' est bien démené pour cette afaire. "Elle n' avoit pas dans ses mouvemens cette pesanteur des femmes trop grasses... et l' on voyoit cette masse se démener avec une vigueur, qui lui tenoit lieu de légéreté. Mariv. "Rien de si amusant, que de le voir (M. L. H.) se démener contre la force, la chaleur, et prononcer sur la diférence~ des génies. Sab. trois Siècles.

DÉMENTI


DÉMENTI, s. m. DÉMENTIR, v. act. [Démanti; 1re é fer. 2e lon.] Démentir, c' est dire à quelqu' un qu' il a menti. Démenti est donc une parole par laquelle on dit à un homme qu' il en a menti. "Il l' a démenti, il lui a doné un démenti. _ En avoir le démenti, c' est avoir l' afront de ne pas réussir.
   Démentir est beau au figuré, apliqué aux chôses. "C' est une chôse que l' expérience dément tous les jours. "Sa conduite dément sa naissance.
   Son Livre, en paroissant, dément tous ses flateurs.
       Boil.
"Jamais ce grand Prince ne s' est démenti, ne s' est relâché de ses devoirs. "Ce discours se soutient d' un bout à l' aûtre et ne se dément point. _ Se démentir, se dit aussi des bâtimens, des ouvrages de menuiserie, de la charpente, etc. Cette murâille comence à se démentir. "Cette cloison, ce lambris se dément.

DÉMÉRITE


DÉMÉRITE, s. m. DÉMÉRITER, v. n. [1re, et 2e é fer. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Plusieurs trouvent que ces mots avaient cessé d' être du bel usage. L' Académie ne condamnait pas le subst.; et pour le verbe, elle disait qu' il n' était en usage que dans le dogmatique, pour signifier, faire quelque chose qui prive de la grâce de Dieu. Dans la dern. édit. elle lui done aussi le sens de, faire quelque chôse qui prive de la bienveillance, de l' afection de quelqu' un. "Quel démérite ai-je auprès de vous? En quoi ai-je démérité auprès de vous? "Son fils aîné n' avoit jamais démérité auprès de son père. Causes célèbres. Plusieurs disent de, au lieu de auprès de... Ce dépouillement total de quatre héritiers honnêtes gens, qui n' ont pas démérité du Testateur, est un acte de rigueur, ou un oubli incroyable de la part du Sieur de.... Mém. _ Il s' emploie le plus souvent avec la négative.

DÉMESURÉ


DÉMESURÉ, ÉE, adj. [Démezuré, ré--e; 1re et 4e é fer. 2e e muet.] Qui excède la mesure ordinaire. "Homme d' une grôsseur démesurée. _ Extrême, excessif. Ambition, envie démesurée. = Cet adjectif suit toujours le substantif, même au masculin.

DÉMESURÉMENT


DÉMESURÉMENT, adv. [1re et 4e é fer. 2e e muet. Démezuréman.] D' une manière démesurée. Excessivement. Démesurément grand; démesurément ambitieux.

DÉMETTRE


DÉMETTRE, v. a. [Démètre: 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet.] 1°. Disloquer, ôter un ôs de sa place. Il se dit moins de l' ôs, que de la partie où cet ôs est situé. En jouant, on lui a démis le poignet. "Il s' est démis le brâs. = 2°. Déposer, destituer. Il se dit sur--tout avec le pronom pers. pour, se défaire d' un emploi, d' une charge. "On l' obligea de se démettre de sa charge. "Il s' est démis purement et simplement de son bénéfice, entre les mains du Collateur. "Dioclétien se démit de l' empire.

DÉMEUBLEMENT


DÉMEUBLEMENT, s. m. DÉMEUBLER, v. a. [Démeubleman, blé; 1re é fer. 3e. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Démeublement est l' action de démeubler, de dégarnir de meubles. Démeublement d' une maison; démeubler un apartement. "Sa chambre est démeublée.

DEMEURANT


DEMEURANT, ANTE, adj. Qui demeûre. Il n' est adjectif verbal qu' au Palais, où l' on dit; la Dame de... demeurante à telle rûe. Dans le discours ordinaire, on dit toujours demeurant.
   Au demeurant, adv. Au reste, au surplus. _ Du temps de M. Coeffeteau, et plusieurs années après sa mort, cet adverbe a été en grand usage parmi les Auteurs; mais il a vieilli, dit Vaugelas, et ceux qui écrivent bien ne s' en servent plus. Il s' est conservé dans la conversation. Regn.Acad. Il est du style badin.
   J' avois un jour un valet de Gascogne...
   Sentant la hart de cent lieuës à la ronde,
   Au demeurant, le meilleur fils du monde.
       Marot.
"Au demeurant, amie de tout le monde. Mariv.
Rem. Anciènement on employait demeurant comme substantif: le demeurant, le reste. Malherbe dit, dans un sonet sur un Livre de fleurs.
   Certes, il a privé mes yeux
   De l' objet qu' ils aiment le mieux,
   N' y mettant point de marguerite;
   Mais, pouvoit-il être ignorant
   Qu' une fleur de tant de mérite
   Auroit terni le demeurant.

DEMEûRE


DEMEûRE, s. f. DEMEURER, v. neut. [1re e muet 2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] I. Demeûre est, 1°. Habitation, domicile, lieu où l' on habite; belle, agréable ou triste, sombre demeûre. Choisir, établir, fixer, sa demeûre en tel endroit; changer de demeûre. = 2°. Le temps pendant lequel on habite en un lieu: "Il n' a pas fait longue demeûre en cette Ville. _ En ce sens, son emploi n' est pas fort étendu. = 3°. État de consistance: "Cela n' est pas à demeûre, n' est pas fait à demeûre. _ En style de Palais, être en demeûre avec ses créanciers, c' est, ne pas les satisfaire au temps qu' on a promis, être en retard. Mettre en demeûre, ôter toute excûse, en observant les formalités. "On recommande aux Evêques de ne retrancher aucun pécheur de la communion de l' Église, avant que de l' avoir mis en demeûre par des monitions canoniques. Moreau. _ Dans le discours ordinaire, on dit de quelqu' un, qu' il est en demeûre envers un aûtre, quand il ne satisfait pas à ce qu' il lui doit, et qu' il ne rend pas les bienfaits, les plaisirs qu' il en a reçus.
   II. DEMEURER est, 1°. Faire sa demeûre. "Demeurer à la Ville, à la campagne, dans une telle rûe, à telle enseigne, etc. = 2°. Être permanent. "Il demeûre toujours dans le même état. Il est peu usité en ce sens. = 3°. Rester: "Il ne lui est rien demeuré de tant de biens. = 4°. Il se dit quelquefois pour le verbe être, et ne fait que renforcer l' expression. "Demeurer interdit, confus. Demeurer d' acord. Demeurer les brâs croisés. = 5°. Tarder. "Il demeûre longtemps à venir: "Sa plaie demeûre longtemps à guérir. = 6°. S' arrêter. Demeurer-là! "Le carrosse demeura au milieu du chemin, sans pouvoir avancer. = 7°. Demeurer dans une harangue, dans un sermon; manquer de mémoire au point de ne pouvoir plus continuer.
   8°. DEMEURER entre dans plusieurs expressions familières. _ Demeurer en arrière; rester débiteur. _ Demeurer sur la bone bouche, sur ce qui plait. _ Demeurer sur son apétit, se retenir de manger quand on a encôre apétit. Figurément, quitter avec regret quelque chôse qui fait plaisir. _ Demeurer en beau chemin, s' arrêter lorsque la chôse est plus agréable ou plus favorable. _ Demeurons-en là, n' en parlons pas davantage. "Henri Morus récrivit à Descartes; celui-ci lui répondit: et la dispute en demeura-là. PAULIAN. _ On dit d' une chôse qu' on a avalée, qu' elle est demeurée sur le coeur, sur l' estomac; qu' elle cause des soulevemens de coeur; qu' elle pèse sur l' estomac. On dit, figurément, de ce dont on conserve du ressentiment, que cela nous est demeuré sur le coeur. _ La victoire nous est demeurée, l' afront leur est demeuré: nous avons eu la victoire, ils ont eu l' afront. _ Cette afaire n' en demeurera pas là: elle aura des suites, bones ou mauvaises. = M. MARIN pense que dans toutes ces phrâses, rester vaut mieux, et qu' il est plus d' usage.
   Rem. 1°. Demeurer prend, dans ses tems composés, tantôt être, tantôt avoir. Avec l' auxil. être, il marque qu' on est encôre dans un lieu: "Il est demeuré à Paris pour poursuivre un procès. Avec l' auxil. avoir, il marque qu' on n' est plus dans le lieu dont on parle: il a demeuré un an en Italie Restaut. _ Racine dit (Bérénice, act. II. sc. II.)
   Ma langue embarrassée
   Dans ma bouche, vingt fois, a demeuré glacée.
Dans ce vers, dit D' OLIVET, démeurer ne saurait être pris que pour rester. Ainsi, ma langue est demeurée glacée, était la seule bonne manière de parler.
   2°. Demeurer difère de loger, en ce qu' il se dit par raport au lieu topographique qu' on habite (ville, village ou campagne); et loger, par raport à l' édifice où l' on se retire. "On demeure à Paris, en Province; à la campagne. On loge au Louvre, chez soi, en hôtel garni. GIR. Synon.
   Demeurer difère aussi de rester, en ce qu' il ne présente que cette idée simple et générale de ne pas quitter le lieu où l' on est, et que rester a de plus, une idée accessoire de laisser aller les aûtres. "Il demeure toujours chez soi: il est resté le dernier à l' Eglise. Il parait aussi que rester convient mieux dans les ocasions où il y a une nécessité indispensable de ne pas bouger de l' endroit, et que demeurer figûre bien où il y a pleine liberté. Ainsi, l' on dit que la sentinelle reste à son poste, et que le dévot demeûre long-temps à l' Eglise. Id. Ibid.
   3°. Demeurer, apliqué aux chôses, n' est pas du beau style. "Les soins publics seroient abandonnés, les afaires demeureroient, les subalternes abuseroient de leur autorité. Massill. J' ôse dire que cette expression n' est pas assez noble pour la chaire.
   4°. Demeurer d' acord régit de devant les noms et les verbes. "Il est demeuré d' acord de tout ce que nous avons dit. "Nous sommes demeurés d' acord de nous écrire. Sév. _ Demeurer pour certain est vieux: il régit la conjonct. que et l' indicatif. "Il demeûre pour certain et indubitable que vous vous êtes trompé. Voy. Acord.
   Demeurez-en là et demeurez-là sont bien diférens. L' un signifie, n' alez pas plus loin dans cette afaire; l' aûtre, ne bougez de cet endroit. En est nécessaire avec demeurer, dans le 1er sens.
   Dans demeurer court, court est indéclinable, et l' on doit dire d' une femme, elle est demeurée court, et non pas courte; et de plusieurs, ils sont demeurés court, et non pas courts. "Il congratule Théodème sur un discours qu' il n' a pas entendu.... Il lui parle sur-tout de la fidélité de sa mémoire, et il est vrai que Théodème est demeuré court. La Bruyère.

DEMI


DEMI, DEMIE, adj. [1ree muet: 2e lon. au 2d.] Moitié d' une chôse. "Demi-cercle demi-bastion, demi-lune, demi-heure.
   Rem. Demi est indéclinable quand il marche avant le substantif, comme il parait par les exemples cités, où l' on met demi devant des noms féminins, comme devant les masculins. Mais il devient adjectif quand il marche après, et il doit s' acorder en genre avec le substantif: un jour et demi, une heure et demie. Cependant il n' a pas de pluriel, soit qu' il précède ou qu' il suive. On ne doit pas dire demis-diamètres, avec Le Gendre, ni deux heures et demies; mais demi-diamètres, deux heûres et demie.
   DEMIE, s. f. Demi-heûre. "La demie sonne. "Cette horloge sone les heûres et les demies. Il n' a de pluriel que dans cette ocasion.
   DEMI, adv. Presque. "Il est demi-cuit. Il est demi-fou, demi-mort. Il est donc adjectif avec les noms substantifs, et adverbe avec les noms adjectifs.
   À~ demi, adv. Se met devant les participes. "Des mots à demi articulés, expirent sur les lèvres. On dit, dans le Testament (suposé) de Louvois: "Plus de demi partagée; il falait, plus d' à demi, etc
   Plusieurs, parmi les Étrangers, disent, un demi an, un quart d' an, trois quarts d' an. Il faut dire, six mois, trois mois, neuf mois.
   On doit dire aussi, semi-Arien, semi-Pélagien, et non pas, demi-Arien, demi-Pélagien.

DÉMISSION


DÉMISSION, s. f. [Démi-cion, en vers, ci-on; 1re é fer.] Acte par lequel on se démet de quelque charge, emploi, etc. Faire sa démission. "On lui a demandé sa démission. "Il a été obligé de doner sa démission.

DÉMOCRATIE


DÉMOCRATIE, s. f. DÉMOCRATIQUE, adj. DÉMOCRATIQUEMENT, adv. [Démo--kraci-e, tike, tikeman; 1re é fer. 4e lon. au 1er, 5e e muet.] Démocratie, est un gouvernement populaire. Démocratique, qui apartient à la Démocratie. Démocratiquement, d' une manière démocratique. "La Démocratie, ou le gouvernement démocratique, est sujette, ou sujet à de grands inconvéniens. Athènes était une pure Démocratie. "Plusieurs des Cantons Suisses sont des États démocratiques, se gouvernent démocratiquement.

DEMOISELLE


DEMOISELLE, s. f. [De-moa-zèle; 1re et dern. e muet, 3e è moy. _ Du temps de Richelet on disait aussi Damoiselle, mais il trouvait Demoiselle plus doux.] Terme devenu comun à toutes les filles d' honête famille, et par lequel on les distingue des femmes mariées. "C' est une Demoiselle bien née, bien élevée. _ Employé adjectivement, il ne se dit que des filles nées de parens nobles. "On dit, elle est Demoiselle, elle est bone Demoiselle, comme on dit, il est Gentilhomme, bon Gentilhomme.
   DEMOISELLE, poule de Numidie. _ Insecte volant. _ Instrument à enfoncer les pavés, aûtrement Hie.

DÉMOLIR


DÉMOLIR, v. act. DÉMOLITION, s. f. [Démoli, li-cion, 1re é fer.] Abatre, ruiner, en parlant des bâtimens. _ Action de démolir. "Démolir un édifice, une maison. "La démolition de cette tour coûtera beaucoup. _ Au pluriel, matériaux qui restent, après avoir démoli. "Il a acheté les démolitions de ce Palais.
   Démolir, râser, démanteler, détruire (synon.) On démolit par économie; pour tirer parti des matériaux et de l' emplacement, ou pour réédifier: on râse par punition, pour laisser subsister un monument de la vindicte publique: on démantèle par précaution, pour mettre une place hors de défense: on détruit, dans toute sorte de vûes, et par toute sorte de moyens, pour ne pas laisser subsister. "Un particulier fait démolir; un Général fait démanteler une place qu' il a prise; et pour cela, il en fait détruire les murailles et les fortifications. Beauzée, Synon.

DÉMON


DÉMON, s. m. [1re é fer.] Diable, malin esprit. _ Il ne se dit plus que des mauvais Anges, des mauvais génies. On le disait aûtrefois des bons.
   Que l' honneur de mon Prince est cher aux destinées!
   Que le Démon est grand, qui lui sert de support!
       Malh.
La Touche prétend, au comencement de ce siècle, qu' il se prend pour génie, esprit, soit bon, soit mauvais. Il se trompe; et de~ son temps même, l' usage avait déjà changé. On disait bien encôre le Démon de la guerre, des combats; mais on ne disait plus, le Démon de la France, pour le Génie de la France. * M. Guyétand dit: le Démon des Nouvelles.
   Le Démon des Nouvelles
   Est sans voix et sans ailes.
   On se moque de cette expression dans le Journal de Monsieur. "Le Démon des Batâilles, est une expression ordinaire; mais le Démon des Nouvelles est une idée neuve, hardie, marquée au coin du génie.
   Dans le style familier, plaisant ou critique, on se sert encôre de Démon, pour passion.
   De tout ce qu' il a fait, sottement entêté;
   Possèdé du Démon de la propriété,
   Il réglera pour vous, son penchant et sa haine,
   Sur l' air dont vous prendrez tout son petit domaine.
       Méch.
Suivant l' Acad. on dit encôre, le Démon de Socrate.
  DÉMON, se dit encôre, toujours dans ce style, fig. famil., d' un méchant homme, d' une méchante femme. "C' est un Démon, ce n' est pas un homme. "Mon Démon (c' est de ma femme dont je parle) étoit parente d' un de mes Juges. Mariv. _ Il a de l' esprit comme un Démon, beaucoup d' esprit. Faire le Démon, tempêter, faire du bruit, de la peine. "Cet enfant a fait le Démon toute la nuit.

DÉMONIAQUE


DÉMONIAQUE, adj. et subst. DÉMONOGRAPHE, s. m. [Démoniake, nogra-fe; 1re é fer. dern. e muet.] Qui est possédé~ du malin esprit. _ Auteur qui a écrit sur les Démons. "Il est démoniaque: Femme démoniaque. = Subst. Un démoniaque, une démoniaque, les démoniaques. = Les Démonographes, parmi quelques vérités, ont raconté bien des fables.

DÉMONSTRABILITÉ


*DÉMONSTRABILITÉ, s. f. Qualité de ce qui est démontrable. "La démonstrabilité des vérités morales. Locke et Leibnitz. _ Ce mot, ou celui de démontrabilité, serait utile. L' usage n' a encôre admis ni l' un ni l' aûtre.

DÉMONSTRABLE


DÉMONSTRABLE, Trév. Dict. Gram. Voy. DÉMONTRABLE.

DÉMONSTRATEUR


DÉMONSTRATEUR, s. m. DÉMONSTRATION, s. f. [Démonstra-teur, tra-cion, en vers, ci-on; 1re é fer. 2e lon.] Démonstrateur, celui qui démontre. On ne le dit que de certaines sciences. "Démonstrateur en Anatomie, en Botanique. _ Démonstration, est 1°. Preûve évidente et convaincante. Démonstration mathématique. Faire une démonstration; faire la démonstration d' une proposition _ 2°. Marque, témoignage. "Démonstration d' amitié; démonstration d' impatience. = 3°. Leçon de quelques Professeurs. Faire une démonstration d' Anatomie, de Botanique.
   Rem. 1°. Quelques personnes, dit Bouhours, confondent démonstration d' amitié avec témoignage d' amitié: cependant il y a quelque diférence. Démonstration, va tout à l' extérieur; témoignage, au contraire, est plus de l' intérieur, et va plus au solide. "C' est une démonstration d' amitié, que d' embrasser un ami; c' est un témoigange d' amitié, que de prendre ses intérêts, que de lui prêter de l' argent, etc. "Les démonstrations d' amitié, sont souvent frivoles: les témoignages d' amitié ne le sont pas d' ordinaire.
   2°. Faire démonstration, comme faire mine, qui a le même sens, mais qui est moins noble, régit de et l' infinitif. "Quelque démonstration que fît Henri de vouloir des conseils sinceres. Boss. "Le Sénat étoit sur--tout indigné contre les deux Consuls, qui les avoient abandonnés au ressentiment de Virginius, sans avoir fait la moindre démonstration de vouloir adoucir le peuple en leur faveur. Vertot.

DÉMONSTRATIF


DÉMONSTRATIF, IVE, adj. DÉMONSTRATIVEMENT, adv. [Démonstratif, tîve, tîveman; 1re é fer. 2e lon. 4e lon. au 2d et au 3e, 5ee muet.] Démonstratif, se dit 1°. D' une preûve qui démontre. Argument démonstratif, raison démonstrative. = 2°. D' un genre d' éloquence qui a pour objet la louange et le blâme. "Les trois genres d' éloquence sont, le démonstratif, le délibératif, et le judiciaire. Les Panégyriques sont dans le genre démonstratif.
   3°. Pronoms démonstratifs, sont ceux qui démontrent la chôse dont on parle; comme, ce livre, cette table, cet homme, ces tableaux, etc. Lequel aimez-vous le mieux? Celui-ci. Laquelle choisissez-vous? Celle-là. _ Ce, Cette, ceci et cela, ne sont que démonstratifs; mais, celui-ci, celui-là, sont, de plus, relatifs, parce qu' ils supôsent presque toujours un substantif, dont ils tiènent la place.

DÉMONTER


DÉMONTER, v. a. [1re et dern. é fer. 2e lon.] 1°. Ôter à quelqu' un sa montûre. "On a démonté ce cavalier. _ Ce cheval a démonté son homme, l' a jeté par terre. = 2°. En parlant de meubles, de machines, désassembler: "Démonter un lit, une armoire, une horloge, une montre. _ Figurément, la machine comence à se démonter; cette santé si bone comence à se déranger notablement. = 3°. Mettre en désordre, déconcerter. "Cette objection l' a démonté. "Ce Ministre démonta la politique des Énemis. "Les Courtisans ont des visages qui se démontent; ils en changent selon l' ocasion.

DÉMONTRABLE


DÉMONTRABLE, adj. DÉMONTRER, v. a. [1re é fer. 2e lon. 3e dout. au 1er, é fer. au 2d.] Démontrer, c' est prouver d' une manière évidente et convaincante. Démontrable, qui peut être démontré. Démontrer une vérité, une proposition, clairement, invinciblement. "Cette proposition est, ou n' est pas démontrable.
   En Anatomie, en Histoire Naturelle, c' est faire voir aux yeux la chôse dont on parle.

DÉMORDRE


DÉMORDRE, v. n. [1re é fer. dern. e muet.] Quiter prise, après avoir mordu. "Les dogues d' Angleterre ne démordent jamais. _ Au figuré, se départir de... "Les gens à systêmes démentiroient leurs propres yeux, plutôt que de démordre de leurs opinions. Bergier.

DÉMUNIR


DÉMUNIR, DÉMURER, v. a. Dict. de Trév. (1704) On y dit que ces deux verbes ne se troûvent dans aucun aûtre Dictionaire; que le premier est dans Nicot, mais qu' il ne s' y arrête pas, et qu' il renvoie à DÉGARNIR. _ L' Acad. les met tous deux sans remarque. _ Ôter les munitions d' une place. _ Ouvrir une porte, une fenêtre, qui était murée: ôter la maçonerie qui les bouchait.

DÉNAIRE


DÉNAIRE, adj. [Dénère; 1re é fer. 2e è moy. et long, 3e e muet.] Qui a raport au nombre dix. Nombre dénaire; arithmétique dénaire.

DÉNATTER


DÉNATTER, v. a. [Dénaté; 1re et dern. é fer.] Détortiller ce qui était tortillé en natte, comme des cheveux; les crins d' un cheval, etc. _ L' Acad. n' avait pas mis ce mot: elle lui a doné place dans la dern. édit.

DÉNATURÉ


DÉNATURÉ, ÉE, adj. DÉNATURER, v. a. [1re et 4eé fer. long. à la 4e du 2d: l' u est bref devant la syll. masc., devant l' e muet il est long: Il dénatûre, il dénatûrera.] Le verbe ne se dit que dans cette phrâse: Dénaturer son bien, le faire changer de natûre, comme par exemple, vendre ses propres pour faire des aquêts, dont on ait la libre disposition; vendre des immeubles et acquérir des capitaux, etc. "Ces biens ont été dénaturés. _ L' adjectif se dit de ceux qui manquent d' afection et de tendresse pour leurs proches parens. Enfant dénaturé; père dénaturé: fille, ou mère dénaturée. _ En parlant des chôses, qui est contraire aux sentimens que la natûre inspire aux proches parens, les uns envers les aûtres. "Action barbâre et dénaturée.

DÉNÉGATEUR


*DÉNÉGATEUR, s. m. DÉNÉGATION, s. f. [Dénéga-teur, ga-cion; 1re et 2e é fer.] Le premier a été employé par M. Linguet. Je ne sait s' il est de son invention, ou s' il est usité au Palais, comme dénégation; action par laquelle on dénie quelque chôse en Justice. "Ce Dénégateur opiniâtre de l' existence de la Société. "Il persiste dans sa dénégation. _ Dénégateur, n' est pas dans les Dictionaires.

DÉNI


DÉNI, s. m. [1re é fer.] Il ne se dit plus qu' au Palais: Déni de Justice, de renvoi, d' alimens, etc. Refus. Bossuet a employé déni tout seul. "À~ une allégation sans preuve on oppose un simple déni. _ Il signifie, parole par laquelle on nie: mais il n' est point d' usage dans ce sens et dans cet emploi. On ne dit pas non plus négation, ni dénégation. L' un de ces mots manque à la Langue.

DÉNIAISER


DÉNIAISER, v. a. [D-éniè-zé; 1re et dern. é fer. 2e è moy.] 1°. Rendre quelqu' un moins niais. "La cour, le monde, les afaires l' ont déniaisé. "Il s' est déniaisé; il a été déniaisé en peu de temps. = 2°. Tromper. "Les filous l' ont déniaisé, et lui ont gagné tout son argent. "Il s' est laissé déniaiser. = Dans l' un et l' aûtre sens, il n' est que du style familier.
   DÉNIAISÉ, s. m. Homme fin et rusé. "C' est un déniaisé. _ * Trév. et le Rich. Port. mettent aussi déniaisement, action par laquelle on trompe les niais. * Dans les Additions au Grand Richelet, on met Déniaiseur, homme fin et adroit, qui déniaise les aûtres. _ Le Rich. Port. le met aussi, en avertissant qu' il est peu usité. _ L' Acad. ne met ni l' un, ni l' aûtre.

DÉNICHER


DÉNICHER, v. act. DÉNICHEUR, s. m. [Déniché, ni-cheur.] Dénicher, c' est ôter du nid. Dénicheur, celui qui déniche. "Dénicher des oiseaux. "Dénicheur de moineaux. Le substantif est peu usité au propre. On dit, au figuré, dénicheur de merles, de fauvettes, Chevalier d' industrie. _ On a apelé M. de Launoi, Docteur de Sorbone, Dénicheur de Saints, parce qu' il avait ataqué l' existence de quelques Saints honorés à Paris, ou âilleurs. En ce sens, ce mot n' a pas raport à nid, mais à niche.
   DÉNICHER, se dit au figuré (st. famil.) v. act. Faire sortir par force de quelque poste. "On a déniché les énemis de ce poste, les voleurs de ce bois. = V. n. S' évader, s' enfuir: Les énemis ont déniché: "Il a déniché la nuit. = En style proverbial, les oiseaux sont dénichés, ce qu' on cherchait n' est plus où on l' avait mis.

DENIER


DENIER, s. m. DÉNIER, v. a. [De-nié, dénié; le 1er a l' e muet à la 1re, et il n' est que de deux syllabes; l' e du 2d est fermé, et il est de trois syllabes: l' i est long devant l' e muet: Il dénîe: au futur et au conditionel, l' e est tellement muet, qu' on ne le fait nullement sentir: Il déniera, dénierait: pron. dénira, diniré, en trois syllabes.] I. Denier, est, 1°. Une petite monoie de cuivre, valant la 12e partie d' un sou. "Il y avait aûtrefois des deniers d' argent; et c' est de ces deniers dont on parle, quand on dit que le Sauveur fut vendu trente deniers. = 2°. Au pluriel, somme d' argent. Les deniers royaux, les deniers publics, les derniers d' une recette, etc. = 3°. Intérêt d' une somme principale. Le denier vingt, le cinq pour cent; le dernier vingt-cinq, le quatre pour cent. = 4°. Certaine part qu' on a dans une afaire. "Il a un denier dans les Fermes, la douzième partie d' un vingtième. = 5°. Faire les deniers bons, ou, être garant des deniers, c' est garantir le paiement de la somme qu' on est chargé de faire payer. "Ils en avoient aboné le produit, moyennant une somme, dont on faisoit les deniers bons au Prince. Moreau. = 6°. On dit proverbialement~, qu' on mettrait bien son denier à une chose, pour dire, que si elle était à vendre, on en ferait volontiers l' aquisition. _ On dit aussi, d' un homme plus fin qu' un aûtre, qu' il le vendrait à beaux deniers comptans.
   II. DÉNIER, est 1°. Nier. En ce sens, il ne se dit qu' en ces phrâses: Dénier un fait, un crime, un dépôt, une dette. = 2°. Refuser ce que l' honêteté, l' équité, ne veulent pas qu' on refuse. "Ne me déniez pas votre secours: On lui a dénié toute justice. Il est plus d' usage au Palais que dans le discours ordinaire, où refuser est plus usité. _ Aûtrefois on en faisait un plus grand usage. "Puis-je lui dénier quelque part dans mes discours? Bossuet. "Il pouvoit bien lui demander la mort, mais il ne la pouvoit pas espérer; et se la voyant déniée, il ne se devoit point retirer de devant elle, sans faire du moins quelque démonstration de se la vouloir donner. Acad. Sent. sur le Cid.

DÉNIGRANT


*DÉNIGRANT, adj. et subst. Qui dénigre. (Néologisme.) "Le génie dénigrant de l' Observateur ne se fait pas moins remarquer dans la troisieme Lettre que dans les précédentes. Ann. Litt. "Il ne fait pas grand cas des choses, et il est trop dénigrant. Anon. "Des femmelettes, des petits-maîtres, ne se connoissant à rien... des gens blasés, ou des dénigrans. Journ. de Litt. "Le peuple des dénigrans s' est surpassé. _ L' adjectif vaut mieux, à mon avis, et sera plutôt reçu que le substantif.

DÉNIGREMENT


DÉNIGREMENT, s. m. DÉNIGRER, v. a. [1re é fer. 3e e muet au 1er, dénigreman, é fer. au 2d, dénigré.] Dénigrer, c' est noircir la réputation de quelqu' un, ou chercher à rabaisser le prix de quelque chôse. Dénigrer la réputation, ou les ouvrages de quelqu' un. "On l' a dénigré cruellement. On a injustement dénigré son Poème. _ Dénigrement, a un sens tantôt actif, action de dénigrer; tantôt passif, état de mépris où tombe celui qui est dénigré: "Il y a trop de dénigrement dans ce que vous dites de cet homme. "Il est tombé dans un grand dénigrement, et vous devez vous le reprocher.

DÉNOMBREMENT


DÉNOMBREMENT, s. m. [Dénonbre--man; 1re é fer. 3e e muet, 2e et dern. lon.] Compte et détail. Il régit, ou des noms au pluriel, ou un nom collectif au singulier: Le dénombrement des habitans; le dénombrement du peuple. * Un Auteur moderne a dit tout récemment: "Le dénombrement de notre indigence lui parait (à M. S... ancien Magistrat) encore plus long à faire que celui de nos richesses. _ Le dénombrement de notre indigence, pour dire, le détail de toutes les chôses où nous sommes paûvres, n' est proprement d' aucune Langue.

DÉNOMINATION


DÉNOMINATION, s. f. DÉNOMMER, v. a. [Dénomina-cion, dénomé; 1reé fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Dénommer, est un terme de Pratique, et dénomination, un terme de Savans. Dans le discours ordinaire, on dit, nommer et nommé, qui ont le même sens. "Il n' est pas dénommé (nommé) dans l' information. "Dans les Arts, il ne faut rien changer aux dénominations reçues, aux noms et aux termes d' usage.

DÉNONCER


DÉNONCER, v. a. DÉNONCIATEUR, s. m. DÉNONCIATION, s. f. [Dénoncé; ci-a-teur, a-cion: 1re é fer. 2e lon.] Dénoncer, c' est 1°. Déclarer, publier; dénoncer la guerre. = 2°. Déférer en Justice; Dénoncer un coupable au Magistrat; un livre, une proposition comme hérétique. = Dénonciation a ces deux sens: Dénonciateur n' a que le 2d. "La dénonciation de la guerre: "Le Dénonciateur ne remporta que la honte pour prix de sa dénonciation.
   REM. M. Linguet emploie Dénonciatrice, et l' emploie comme adjectif. "Tel est le morceau qui a allumé la bile dénonciatrice de M. de.. Ann. T. IX, 227. _ On le dit au Palais substantivement. "Quoi, ma femme, quoi, ma belle-mère, tout à à la fois instigatrices, dénonciatrices, plaignantes et témoins! Elie de Beaumont.

DÉNOTATION


DÉNOTATION, s. f. DÉNOTER, v. a. [Dénota-cion, dénoté; 1reé fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Désignation, indication. Désigner, indiquer. Il y a long-temps que dans le Dict. de Trév. on traite ces deux mots de vieux. L' Acad. les met sans remarque; ils sont certainement de peu d' usage.

DÉNOUEMENT


DÉNOUEMENT, s. m. DÉNOUER, v. a. [Dénoûman, Dé-nou-é; 1reé fer. 2e lon. au 2d.] Dénouer, au propre, c' est défaire un noeud. Dénouer un ruban, des cordons. Votre ruban se dénoûe, s' est denoué. _ Au figuré, déméler, déveloper. Il se dit, sur tout des pièces de Théâtre. "Ce Poète a bien dénoué l' intrigue de sa Comédie: elle est dénouée, ou elle se dénoûe agréablement.
   Dénouement ne se dit qu' au fig. On dit, le dénouement d' une Pièce de Théâtre; le dénouement d' une intrigue de cabînet. "Le dénouement de cette afaire n' a pas été heureux.
   Dénouement, Catastrophe (synon.) Le 1er est la dernière partie de la pièce; le 2d est le dern. évènement de la Fable. Le dénouement démêle l' intrigue; la catastrophe termine l' action. Le dénouement, par des dévelopemens successifs, amène la catastrophe; la catastrophe complète le dénouement.. Le dénouement doit naître de l' intrigue même. La catastrophe doit sortir, comme d' elle-même, des moeurs et de la situation des persones. Roubaud, Synon.
   REM. Se dénouer, en parlant des enfans, se dit au physique et au moral, pour, être plus souples. "Cet enfant se dénoue; ce jeune homme était lourd et pesant: il commence à se dénouer.
   On dit aussi que la langue se dénoûe, quand, après s' être tu, on comence à parler.
   Ma langue n' atend pas que l' argent la dénoûe.
       Boil.

DENRÉE


DENRÉE, s. f. [Danré-e; 1re lon. 2e é fer. et long, 3e e muet.] Tout ce qui se vend pour la nourriture et pour la subsistance des hommes et des bêtes. Acheter des denrées; mettre le prix aux denrées. Dans le style badin, on le dit des autres marchandises. "C' est une mauvaise denrée, une chère denrée: "Cet homme vend bien sa denrée.

DENSE


DENSE, adj. DENSITÉ, s. f. [Danse, sité: 1re lon. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dense est oposé à râre. Il se dit en Physique, de ce qui est épais, compacte, dont les parties sont serrées. Densité est la qualité de ce qui est dense. "L' eau est plus dense que l' air. "La densité des corps, de l' air, de l' eau. "À~ volume égal, les corps sont plus pesans à proportion qu' ils sont plus denses, qu' ils ont plus de densité.
   Dense n' aime pas à marcher devant le substantif. "Nos armées sont de profondes, larges et denses masses d' hommes alignés et pressés, se mouvant en tout sens comme un seul. Raynal. _ Denses masses est bien dur à prononcer. Masses denses le serait aussi, mais il le serait moins.

DENT


DENT, s. f. [Dan: monos. lon.] Petit ôs, qui tient à la machoire de l' animal, et qui lui sert à mâcher, à mordre, etc. _ Dents de lait, sont les premières dents qui viènent aux enfans, quand ils sont encôre en nourrice, et qui comencent à leur tomber vers les sept ou huit ans. _ Dents de sagesse, les quatre dernières molaires, qui ne viènent qu' entre vingt et trente ans. _ Fausse dents, sont des dents artificielles, qu' on met à la place de celles qui manquent.
   Dent fournit à un grand nombre d' expressions du discours familier. _ Arracher une dent à un avare, le forcer à doner de l' argent. _ Avoir une dent de lait contre quelqu' un: avoir du ressentiment contre lui~. Mde. de Sévigné joûe le mot sur cette expression prov. "Mde de Coulanges me mande que du jour d' hier la dent avoit paru arrachée. Si cela est, vous aurez très-bien deviné qu' on n' aura point de dent contre elle. _ Montrer les dents à un homme, lui résister en face; lui faire voir qu' on ne le craint pas. "L' Histoire de la censûre étoit du même style. Je sais bien, dit l' Auteur (Quesnel) que cela ne sera pas agréable à Rome: mais il est bon de leur montrer les dents. D' Avr. L' expression n' est ni noble, ni décente. _ Parler à quelqu' un des grosses dents, avec force, avec vivacité. Le déchirer à belles dents, en médire cruellement. "Après l' avoir entendu, (M. d' Al...) traiter avec tant d' indécence les Souverains regnans ou détrônés, on ne sera pas surpris de le voir déchirer à belles dents un célèbre Écrivain, etc. l' Ab. Royou. _ Murmurer entre ses dents, tout bâs. _ Parler entre ses dents, peu distinctement. _ Rire du bout des dents, par force ou par complaisance, sans en avoir envie. _ Ne pas desserrer les dents, ne dire mot. _ Prendre le mords aux dents, s' emporter, ou prendre du courage. _ Être sur les dents, extrêmement fatigué, harassé. _ Manger de toutes ses dents; vîte et beaucoup.
   On dit d' un pédant, savant jusqu' aux dents; d' un Cavalier armé de toutes pièces, armé jusqu' aux dents. Et quand on croit qu' une chose est impossible, on dit qu' on prendrait plutôt la Lune avec les dents. "Vous savez que c' est un des plus honnêtes garçons qu' on puisse voir, et propre aux galères, comme à prendre la Lune avec les dents. Sév.
   Et pour lier des mots si mal s' entr' acordans,
   Prendre, dans ce jardin la Lune avec les dents.
       Boil.
Avoir les dents longues, avoir faim. "Les paûvres ont souvent les dents longues. Ils n' ont pas de quoi mettre sous la dent. _ On dit d' un homme, à qui le chagrin n' ôte pas l' apétit, qu' il n' en perd pas un coup de dent.
   Il sort de table, et la cohorte
   N' en perd pas un seul coup de dent.
       La Font.
Malgré lui et ses dents: malgré tous ses éforts. Voyez AIDANT. Voyez Arracheur, aiguiser, Alchymie, Croquer, Creux.
   On dit encôre, d' un homme à qui il vient du bien à la fin de ses jours, qu' il lui vient du bien lorsqu' il n' a plus de dents. _ Doner des noisettes à qui n' a plus de dents; doner quelque chôse à quelqu' un, dans un temps où il n' est plus en état d' en profiter. _ Il y a long-temps qu' il n' a plus mal aux dents, qu' il est mort.

DENTALE


DENTALE, adj. f. [Dantale.] Il se dit des lettres qui se prononcent à l' aide des dents, comme d, t.

DENTÉ


DENTÉ, ÉE, adj. DENTÉE, s. f. [Dan--té, té-e, 1re lon. 2e é fer. lon. au 2d et 3e.] Denté, qui a des dents; roûe dentée. _ Dentée, coup de dent. "Le chien a doné une dentée au loup.

DENTELÉ


DENTELÉ, ÉE, adj. DENTELLE, s. f. DENTELûRE, s. f. [Dantelé, lé-e, tèle, telûre; 1re lon. 2e e muet aux 2 1ers et au dern. è moyen au 3e.] Pluche écrit dentellé avec 2 ll. Cette ortographe induirait en erreur pour la prononciation~, et ferait prononcer la 2de syllabe en é fer. contre l' usage. Dentelé, qui est tâillé en forme de dents. Roûe dentelée; la feuille de l' orme est dentelée. _ Dentelle, ouvrage à jour de fil, de soie, d' or ou d' argent, qui se fait avec des fuseaux. "Manchettes à dentelle. Porter de la dentelle. _ Dentelûre, ouvrage de sculptûre en forme de dents.

DENTICULE


DENTICULE, s. m. [Dantikule; 1re lon. dern. e muet.] Ornement d' Architectûre consistant en plusieurs petites pièces, coupés carrément et également.

DENTIER


*DENTIER, s. m. DENTûRE, s. f. [Dan-tier, tûre; 1re lon. 2e lon. au 2d.] Dentier, rang de dents. Cette femme a un beau ou un vilain dentier. Il est vieux. _ Dentûre, ordre dans lequel les dents sont rangées. "Belle dentûre.

DENTIFRICE


DENTIFRICE, s. m. DENTISTE, s. m. DENTITION, s. f. [Dantifrice, tiste, ti-cion; 1re lon.] Dentifrice se dit d' un remède propre à froter et à nétoyer les dents. Dentiste, Chirurgien qui ne s' ocupe que de ce qui concerne les dents. Dentition, terme de Médecine: la sortie naturelle des dents depuis l' enfance jusqu' à l' adolescence.

DÉNUEMENT


DÉNUEMENT, s. m. DÉNUER, v. a. [Pron. Dénûman, dénu-é; 1re é fer. 3e é fer. au 2d.] Dénuer, c' est dégarnir, priver des chôses regardées comme nécessaires. Denuement, dépouillement, privation. "La fortune l' a dénué de tout. "Il s' est dénué de tout pour ses enfans. "Dénuement de tout secours spirituel. "Il est dans un grand dénuement.
   REM. Dénué, partic. s' emploie adjectivement, au propre comme au figuré, avec la prép. de: dénué de biens, de secours, d' assistance, de conseil. Dénué d' esprit, de bon sens, de grâce, d' agrément. "La valeur, dénuée des autres vertus, ne peut rendre un homme digne d' une véritable estime. _ Dénuement n' est bon qu' en matière de dévotion. L' Acad. le met sans remarque; mais les exemples qu' elle en done, et que nous avons raportés, prouvent la justesse de cette observation, qui est de Bouhours. _ Nous ajouterons que dénuement a un sens actif, il se dit de celui qui se dénûe lui-même; dénué, au contraire, a un sens passif, et se dit de celui qui est privé, malgré lui, des qualités qu' il desirerait d' avoir, et souvent de celles qu' il croit avoir.

DÉPAQUETER


DÉPAQUETER, v. act. [Dépaketé; 1re et dern. é fer. 3e e muet.] Défaire un paquet: dépaqueter des hardes, des lettres. Il se dit, non du paquet qu' on défait, mais des chôses qui sont dans le paquet.

DÉPAREILLER


DÉPAREILLER, v. act. [déparè-glié; 1re et dern. é fer. 2e è moy. mouillez les ll.] Ôter l' une des deux ou de plusieurs chôses pareilles. Dépareiller des gants, des bâs, des souliers, des livres. "Cette histoire est dépareillée, il manque un des volumes.

DÉPARER


DÉPARER, v. act. [1re et dern. é fer.] Ôter ce qui pâre. Déparer un autel. = Rendre moins agréable. "La façon dont elle se met la dépâre. "Ce défaut dépâre toutes ses bones qualités.

DÉPARIER


DÉPARIER, v. act. [Déparié; 1re et dern. é fer. l' i est long devant l' e muet: il déparie. _ Au futur et au conditionel l' e est tellement muet, qu' il ne se fait pas sentir: il dépariera, déparierait: pron. déparira, dépariré, en 4 syllabes.] Ôter l' une des deux chôses qui font une paire. Déparier des gants, des souliers, des bâs, des manchettes. _ Déparier des pigeons, ôter d' ensemble des pigeons qui sont apariés.

DÉPARLER


DÉPARLER, v. n. [1re et dern. é fer.] Il n' est que du style familier, et ne s' emploie qu' avec la négative. "Il ne déparle point, il n' a point déparlé: il ne cesse, il n' a pas cessé de parler.
   Point ne manquoit du don de la parole
   L' oiseau disert. Hormis dans les repas,
   Tel qu' une None, il ne déparloit pas.
       Ver-vert.
Sans déparler, sans cesser de parler.

DÉPART


DÉPART, s. m. [Dépar; 1reé fer. le t final ne se prononce pas.] Action de partir. "Le jour du départ; avant, après son départ. Le départ du courrier. _ Être sur son départ (st. famil.) être près de partir.

DÉPARTAGER


DÉPARTAGER, v. act. [1re et dernière é fer.] Terme de Palais. Ôter le partage. "L' afaire avoit été partagée dans la première des Enquêtes: on a été à la troisième, pour la départager. "Le Polémarque avoit voix délibérative, et pouvoit départager les opinions. Orig. des Lois.

DÉPARTEMENT


DÉPARTEMENT, s. m. [Départeman; 1re é fer. 3e e muet.] 1°. Distribution. Le département des quartiers, en parlant des Troupes. "Le département des Tâilles. _ En parlant des diférentes afaires d' état, on dit, le département de la guerre, de la Marine. "Cette afaire est du département d' un tel Secrétaire d' Etat. = 2°. Il se dit des lieux départis et distribués. "Le département de Brest, de Toulon. "Tous les Oficiers ont eu ordre de se rendre à leur département.

DÉPARTIE


*DÉPARTIE, s. f. [1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] Il s' est dit anciènement pour départ. "Cruelle départie! malheureux jour!
   Quel astre malheureux ma fortune a bâtie!
   Que l' extrême regret ne m' ait point empêché
   De me laisser resoudre à cette départie.       Malherbe.

DÉPARTIR


DÉPARTIR, v. act. [Départi; 1re é fer.] Distribuer, acorder: "Les biens que le Seigneur vous a départis. = 2°. Partager. "Cela a été départi entre tous les habitans. _ * Avec le seul régime direct, il est vieux en ce sens. "Deux sortes d' esprits départent (partagent) les cercles. Les uns sont des Pygmées... les aûtres sont des Géans... Anon. = 3°. Se désister: "Il s' est départi de sa demande; il ne se départira jamais de ses prétentions. = 4°. En parlant des devoirs, des règles; s' en écarter. "Ce n' est pas une règle dont on ne puisse se départir. Patru. "Les États où la multitude gouverne, se départent aussi facilement des lois que du culte de leurs Pères. Massill. "Il ne faut jamais se départir du respect et de l' obéissance qu' on doit au Roi.

DÉPâSSER


DÉPâSSER, v. act. [Dépâcé; 1re et 3e é fer.] 1°. En parlant d' un ruban, d' un cordon, etc. qu' on avait pâssé dans un oeillet, dans une ganse, les en retirer. "Dépâsser un ruban. = 2°. Pâsser au delà: "Ce vaisseau marchoit mieux que le nôtre: il nous dépâssa bientôt.

DÉPAVER


DÉPAVER, v. a. [1re et 3eé fer. l' a est long devant l' e muet: il dépâve, il dépâvera.] Ôter le pavé: il ne se dit point du pavé qu' on ôte, mais des lieux où on l' ôte. "Les charrois ont dépavé le grand chemin. "Dans le temps des sièges, on dépave les rûes, pour éviter les éclats des bombes.

DÉPAYSER


DÉPAYSER, v. act. [Dépé-izé; 1re, 2e et dern. é fer.] Dans une édition de Trév. on écrit dépaïser; mais cette ortographe induirait à prononcer dépa-ïzé, contre l' usage. Voy. A, au commencement. = Dépayser, au propre; c' est tirer quelqu' un de son pays et le faire pâsser dans un âutre. "Il n' a pas le mauvais accent de sa Province, parce qu' on l' a dépaysé de bonne heure. _ Au figuré, détourner l' esprit de ce qui pourrait faire deviner ce qu' on veut tenir caché. "Il a changé toutes les circonstances de cette Histoire, pour dépayser ceux qui l' entendoient. _ L' Ab. Laugier, parlant des conditions du problème d' un nouvel ordre d' architectûre, finit par dire. "Il faut qu' en considérant le tout ensemble, le spectateur acoutumé aux ordres dorique, ionique et corinthien, se trouve véritablement dépaysé, sans toutefois être égaré.

DÉPèCEMENT


DÉPèCEMENT, s. m. DÉPÉCER, v. a. [1re é fer. 2e è moy. au 1er, é fer. au 2d. 3e e muet au premier, é fermé au second. Dépèceman, dépécé: Trévoux écrit dépécer, avec un acc. aigu sur le 2d e comme sur le 1er. L' Académie ne met point d' acc. sur ce 2d e, ce qui fait une prononciation niaise; mais, si c' est l' usage, je n' ai rien à dire. Pour le substantif, l' Acad. écrit dépécement avec un acc. aigu sur le 2d é; mais devant l' e muet, l' e est moyen: il faut donc mettre un acc. grâve. _ Devant la syll. fém. le 2d e est moyen: il dépèce, il dépècera: la raison est la même pour ce 2d e dans dépècement.] Dépècement est l' action de dépécer, de mettre en pièces, en morceaux. Le dépècement d' un beuf, d' un mouton; dépécer de la viande, un vieux carrosse, de vieilles hardes.

DÉPêCHE


DÉPêCHE, s. f. DÉPêCHER, v. act. [1re é fer. 2e ê ouv. et long. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dépêche est une Lettre concernant les afaires publiques. L' Ambassadeur a reçu sa dépêche, ses dépêches. "Sa dépêche portoit que, etc.
   DÉPêCHER, 1°. en parlant des chôses, expédier, hâter, faire promptement. Il faut dépêcher cet ouvrage, et (familièrement, sans article) dépêcher besogne. "Dépêchez ce que vous avez à faire; et encôre, dans le style familier: dépêchez-vous, dépêchez! = 2°. En parlant des persones, envoyer avec diligence, porter des ordres. "Dépêcher un courrier à un Prince, à Rome, en Espagne. _ Neutralement, et sans régime. "On a dépêché à Rome. "Le Roi avoit déjà dépêché vers Stanislas, pour lui faire part de cette nouvelle intéressante. Anon.
   3°. Se dépêcher régit de et l' infinitif: "Dépêchez-vous d' écrire cette lettre, de partir, etc. Mde. de Sévigné retranche le pronom, "dépêchez de vous divertir. Cela n' est pas exact, même dans une Lettre.
   4°. Dépêcher quelqu' un, s' en défaire en le tuant. _ Se batre à dépêche compagnon, sans quartier.

DÉPEINDRE


DÉPEINDRE, v. a. [1re é fer. 2e lon. 3e e muet; dé-pein-dre.] Décrire et représenter par le discours. Dépeindre une action si vivement, qu' il semble qu' on la voie. Dépeindre le caractère d' un homme. Dépeindre la vertu avec tous ses charmes, le vice avec toutes ses horreurs.

DÉPENâILLÉ


DÉPENâILLÉ, ÉE, adj. [Dépenâ-glié, gliée; 1reé fer. 2e e muet, 3e lon. mouillez les ll; 4e é fer.] Déguenillé, couvert de hâillons. Ce mot n' est que du discours familier.

DÉPENDAMMENT


DÉPENDAMMENT, adv. DÉPENDANCE, s. f. DÉPENDANT, ANTE, adj. [Dé--pandaman, dance, dan, dante; 1re é fer. 2e lon. 3e br. au 1er, longue aux aûtres.] Dépendamment, avec dépendance. "Cela se fait dépendamment de telle chôse; l' âme agit souvent dépendamment des organes. = Dépendance, sujétion, subordination. "Les sujets sont dans la dépendance de leur Souverain; les enfans doivent être dans la dépendance de leur pères. = En parlant des terres, on dit, être de la dépendance, et non pas, dans la dépendance. "Cette terre est de la dépendance de la miène; cela est de ma dépendance. = Au pluriel, ce qui fait partie d' un héritage, d' une maison, etc. léguer, vendre une terre avec ses apartenances et dépendances, etc.
   DÉPENDANT, ANTE, qui dépend. "Il est entièrement dépendant de cet homme. "Il s' est rendu dépendant de tous les caprices de cette femme.
   Rem. 1°. * Richelet dans son Dictionaire, le P. Rapin et aûtres Auteurs, ont écrit dépendemment avec un e devant la double m; mais puisque l' on écrit dépendance, dépendant, et non pas dépendence, dépendent, il est raisonable d' écrire dépendamment avec un a.
   2°. * Le P. Grifet fait régir à dépendance la prép. à: "La dépendance à l' autorité: c' est un faux régime. On dit, sujétion, soumission à, et dépendance de.
   3°. * La Bruyère a employé dépendant substantivement: "L' on veut des dépendans, (des gens qui dépendent de nous) et qu' il n' en coûte rien. _ * M. Targe dit aussi: "Les Directeurs des théâtres ofrirent aussi de lever un corps de leurs dépendans, pour le service du Gouvernement. _ Dans celui-ci c' est un anglicisme.

DÉPENDRE


DÉPENDRE, v. n. [Dépandre; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] 1°. Être sous l' autorité de... "Les sujets dépendent des Souverains, les enfans de leurs Pères. = 2°. Relever. "Cette terre dépend d' un tel Marquisat. = 3°. Provenir: L' éfet dépend de la caûse: la bonté du fruit du Soleil. = 4°. S' ensuivre: cette démonstration dépend d' un tel principe. = 5°. Impersonel, il régit de et l' infinitif. "Il ne dépend que de nous d' être heureux: Il dépend de vous d' être sage. = 6°. * Dépendre s' est dit autrefois pour dépenser. "M. de Bellegarde, qui était Gascon, envoyant demander à Malherbe, lequel étoit mieux dit de dépensé ou de dépendu, il répondit sur le champ, que dépensé étoit plus François, mais que pendu, dépendu, rependu étoient plus propres pour les Gascons. Vie de Malherbe. _ Dépendre s' est conservé dans cette expression proverbiale: je suis à vous à vendre et à dépendre, vous pouvez absolument disposer de moi. _ Plusieurs aiment mieux dire, à engager que à dépendre _ Cela dépend, expression du style familier: "Vous me ferez ce plaisir? _ Cela dépend. On sous-entend, si je le puis, ou si vous le méritez.

DÉPENS


DÉPENS, s. m. pl. [Dépan; 1re é fer. 2e lon.] Terme de Pratique. Les frais qu' on fait à quelque chôse. "Il a gagné frais et dépens. On lui a adjugé les dépens. "Il aura bien de la peine à retirer ses dépens. Condamner aux dépens. Dépens réservés, dépens compensés. Sans dépens, etc.
   À~ ses dépens, à ses frais et dépens; aux dépens de... locutions adverbiales du style familier. "Servir à ses dépens; se divertir aux dépens d' autrui. "Vous pouvez le tenter, mais à vos frais et dépens.
   Donnant comme eux, ridicules Héros,
   À~ nos dépens, la comédie aux sots.
       Rousseau.
_ On dit, proverbialement, d' un homme, qui a beaucoup dépensé pour une afaire qui n' a pas réussi, qu' il a été condamné aux dépens.

DÉPENSE


DÉPENSE, s. f. DÉPENSER, v. act. DÉPENSIER, IèRE, adj. [Dépanse, pansé, sié, siè-re; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d. et 3e, è moyen et long au dern.] Dépense, est l' argent qu' on emploie à quoi que ce puisse être. Dépenser, c' est employer cet argent. Dépensier, qui aime à dépenser de l' argent, qui en dépense excessivement. "Il fait grande dépense; il dépense beaucoup, il est fort dépensier; c' est une femme fort dépensière. Le subst. et le verbe s' emploient au figuré. "Elle n' est point la dupe de la sorte de tendresse et d' amitié qu' on y dépense (à la Cour) Sév. "J' ai cru qu' en dépensant moins en science, on gagneroit des Lecteurs. Coyer.
   Rem. 1°. Faire la dépense d' une maison, c' est être chargé du détail de tout ce qui se dépense dans une maison. Faire de la dépense, dépenser beaucoup. Se mettre en dépense, faire une dépense, qui n' est pas ordinaire. Faire une dépense sourde, secrète et qui ne parait point.
   DÉPENSE est aussi, dans les maisons bourgeoises, ce qu' on apèle office dans les grandes maisons, le lieu où l' on serre le fruit, la vaisselle et le linge qui servent pour la table. Il serait aussi ridicule de dire l' ofice chez un Bourgeois, que la dépense chez un Duc et Pair.
   2°. DÉPENSER est souvent neutre. "Il aime à dépenser: "Il dépense en habits, en bijous, en chevaux, etc. _ On dit, proverbialement, d' un homme qui est mal informé de ce qu' il devrait savoir, qu' il ne dépense guère en espions.
   3°. DÉPENSIER se dit substantivement de celui qui fait la dépense dans une maison religieuse ou dans un vaisseau. On dit de même, la Soeur dépensière, ou, la dépensière, dans les Couvents de filles. _ Dépensier, ière est aussi substantif dans son sens ordinaire. "C' est un dépensier, une dépensière.

DÉPERDITION


DÉPERDITION, s. f. [Dépêrdicion: 1re é fer. 2e ê ouv.] Perte, dissipation: "Déperdition de substance. "S' il y a une sorte de végétation qui puisse compenser la déperdition de matière végétale, qui se fait par les animaux, ce sont surtout les bois. J. J. Rousseau. _ Ce mot ne se dit que parmi les savans, et il y aurait de la pédanterie de s' en servir dans le discours commun. _ M. Linguet l' emploie allégoriquement: "L' État, forcé de subvenir tout à la fois à ces déperditions multipliées, tombera dans le marasme le plus funeste.

DÉPÉRIR


DÉPÉRIR, v. n. DÉPÉRISSEMENT, s. m. [Depéri, riceman; 1re et 2eé fer. 4e e muet au 2d.] Dépérir, diminuer, se ruiner. Dépérissement, état de décadence. Acad. Altération d' une chôse qui diminue. Trév. _ Le verbe prend être ou avoir pour auxiliaire, comme le simple périr. "L' armée dépérit, est dépérie, a dépéri. "Si ces marchandises sont dépéries, il est tenu des dommages et intérêts. Ferrière. "Cette maison dépérit faute d' être entretenue. "Cet homme dépérit, ou, sa santé dépérit à vue d' oeil. "Le dépérissement de sa santé; des meubles, etc. cette maison est dans un grand état de dépérissement.
   Rem. Comme on dit, adverbialement, au préjudice de... M. Targe, toujours servile Traducteur, a cru pouvoir dire en français, comme on le dit en anglais, au dépérissement de. "Elles l' accusèrent d' avoir joui d' un autre don dans la forêt de Dean, au dépérissement des bois, et au préjudice de la Marine. Hist. d' Angl. de Smolet. C' est un anglicisme.

DÉPERSUADER


*DÉPERSUADER, v. act. Détromper. Vieux mot. On s' en sert encôre au Palais. "La preuve qu' elle en auroit été dépersuadée, c' est que, etc. Causes célèbres.

DÉPêTRER


DÉPêTRER, v. act. [1re et dern. é fer. 2e ê ouv. et long.] Il se dit au propre, des pieds quand ils sont embarrassés. Dépêtrer un cheval qui s' est embarrassé dans ses traits. Se dépêtrer d' un bourbier. _ Au figuré (st. famil.) délivrer, débarrasser. Se dépêtrer d' un importun: "Je n' ai pu me dépêtrer des mains de cet homme.

DÉPEUPLEMENT


DÉPEUPLEMENT, s. m. DÉPEUPLER, v. a. [Dépeupleman, dépeuplé; 1reé fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dépeupler, c' est dégarnir un pays d' habitans, en diminuer extrêmement le nombre. Dépeuplement est l' action par laquelle on dépeuple. "La guerre et la peste ont dépeuplé cette Province, en ont causé le dépeuplement. Voy. DÉPOPULATION. _ On dit par extension, dépeupler un étang, le dégarnir de la plus grande partie du poisson; dépeupler un pays de gibier; une garenne de lapins; un colombier de pigeons.

DÉPILATION


DÉPILATION, s. f. DÉPILATOIRE, s. masc. DÉPILER, v. act. [Dépilacion, la-toâ--re, lé; 1re é fer. 4e. lon. au 2d.] Dépiler, c' est faire tomber le poil avec une pâte, composée de certaines drogues; se dépiler, se faire dépiler. _ Dépilation est l' action de dépiler, ou l' éfet de cette action. Dépilatoire est une drogue ou pâte pour dépiler: apliquer un dépilatoire.

DÉPIQUER


DÉPIQUER, v. a. [Dépiké; 1re et dern. é fer.] Ôter le chagrin, la pique à quelqu' un. Ce terme n' est pas aussi nouveau que quelques-uns l' imaginent. On voit, par la 47e Lettre de Voiture, qu' il était en usage de son temps. "Cela me dépique de toutes les pertes que j' ai faites l' hiver passé, c. à. d. me console, me dédomage de, etc. Il n' est que du style familier. "Il est allé à la Comédie pour se dépiquer de l' argent qu' il a perdu au jeu. = Dépiquer n' était point dans la première édition du Dict. de l' Acad. Elle l' a mis dans les suivantes.

DÉPISTER


*DÉPISTER, v. a. Chasser. Mot forgé; bon pour le comique et le satirique. "Si cependant quelque furet venoit à me dépister de ce souterrain, je sais bien ce que je ferai: j' anoncerai qu' il y a une faûte d' impression dans les chifres. Tart. Epist.

DÉPIT


DÉPIT, s. m. SE DÉPITER, v. réc. [1re é fer. 3e é fer. au 2d.] Dépit est un chagrin mélé de colère. Se dépiter, c' est se fâcher, se mutiner, agir par dépit. "Concevoir un dépit, ou du dépit. Faire quelque chôse par dépit, ou de dépit. "J' ai grand dépit de ce qu' il a fait. "Il ne l' a fait que pour me faire dépit. "N' est-il pas vrai, Madame, que je vous aurois fait grand dépit, si j' avois mis encôre cinq ou six fois celles-ci et celles-là, et que vous vous seriez étonnée de la nouveauté du style. Voit. "Il s' est dépité de ce que vous lui avez dit: il se dépite contre le jeu.
   Rem. 1°. En dépit est une sorte de préposition qui régit de pour les noms, et la conjonct. que avec le subjonctif, pour les verbes: En dépit de vos éforts, en dépit que vous en ayiez. En dépit de lui, de tout le monde, en dépit qu' il en ait, malgré lui, malgré qu' il en ait. _ Écrire en dépit du bon sens, faire des vers en dépit de Minerve, se disent d' un méchant Écrivain, d' un mauvais Poète. _ On dit d' une chôse, qui réussit sans qu' on en prène soin, qu' elle croît par dépit.
   2°. DÉPITER, est quelquefois actif. "Cette perte l' a dépité; il n' a plus joué depuis. "Ne dépitez pas cet enfant, ne lui donez pas ocasion de se mutiner.
   Se dépiter contre son ventre, c' est, au propre, se priver de manger par chagrin, par dépit; au figuré (st. prov.,) agir par dépit contre ses intérêts.

DÉPITEUX


*DÉPITEUX, EûSE, adj. Qui se dépite. "Un enfant dépiteux. Ce mot est vieux, et c' est domage: il exprimait une chôse fort comune, qu' on ne peut aussi bien rendre par un aûtre mot.

DÉPLACEMENT


DÉPLACEMENT, s. m. DÉPLACER, v. a. [Déplaceman, déplacé; 1reé fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Déplacer, c' est ôter une chôse, ou une persone, de la place qu' elle ocupait. Déplacement, est l' action de déplacer. "Ne déplacez rien; que persone ne se déplace; je ne veux déplacer persone. "Le déplacement d' un bureau, d' une armoire. Le déplacement des créatures d' un Ministre disgracié, etc.
   DÉPLACÉ, ÉE, adj. Mal placé, ou placé dans un poste qui ne convient pas. Cet homme est déplacé dans cet emploi. = En parlant des chôses peu convenable: Discours déplacé, paroles déplacées. "Il y a, dans cette Pièce, des traits brillans, mais déplacés, peu convenables au sujet.

DÉPLAIRE


DÉPLAIRE, v. n. DÉPLAISIR, s. m. [Déplère, déplèzi; 1reé fer. 2e è moy. long au 1er.] I. Déplaire c' est, 1°. Être désagréable, en parlant des chôses. Cela me déplaît, lui déplaît à la mort. On le dit quelquefois des persones, sur-tout des femmes, et même sans régime. "Elle n' est pas belle, mais elle ne déplaît pas. = 2°. Fâcher, doner du chagrin. "En cela je n' ai pas cru vous déplaire. "Votre procédé déplaît à tout le monde, choque tout le monde, est désaprouvé de tous. = 3°. Impersonel, il régit le datif des noms et la prép. de, devant les verbes, ou, que avec le subjonctif. "Il lui déplaît fort d' être obligé à cette démarche par votre faûte, et que vous l' ayiez forcé à faire une chôse qui lui coûte beaucoup. "Il me déplaît seulement que tant d' artifice et d' éloquence ne puisse me déguiser la vérité. Voit. _ * Anciènement on l' employait avec le seul régime des noms. "Il lui en a toujours déplu, et à présent déplaît. Hist. de Louis XI.
   4°. Se déplaire, régit dans, ou en: Il se déplaît dans ce lieu, dans la solitude, en compagnie, etc. Il s' y ennuye, il n' y a que du chagrin, de l' ennui. = On le dit des animaux, et même des plantes, par métaphôre. "Les troupeaux se déplaisent dans ce lieu; telle plante se déplaît dans un sol humide, etc. _ Mais il ne régit point les verbes: * Il se déplaît de vivre, est contre l' usage: on pourrait tout au plus dire; il lui déplaît de vivre, la vie lui est à charge. Voy. n°. 3°.
   Ne vous déplaise, ne vous en déplâise, n' en déplaise à... Façon de parler du style familier, dont on se sert pour montrer qu' on ne demeure pas d' acord de ce qu' on dit.
   Nuit et jour, à tout venant,
   Je chantois, ne vous déplaise.
       La Font.
"La chôse ne se passa pas ainsi, ne vous en déplaise. "Je vous embrasse avec une tendresse qui ne sauroit avoir d' égale, n' en déplaise à toutes les autres. Sév. "M. Rousseau (Jean-Jaques) croit être à Lacédémone: mais Genève, ne lui en déplaise, a de meilleurs garants de sa liberté, que les moeurs de ses Habitans. Marm.
   II. DÉPLAISIR, 1°. Chagrin, douleur d' esprit, afliction. "Avoir beaucoup de déplaisir de... Cela me done un grand déplaisir. C' est avec déplaisir que je me vois contraint de vous dire, etc. = 2°. Mécontentement. "Vous m' avez fait un sensible déplaisir. Causer, doner de grands déplaisirs. "Louis XIV dit, de la Reine sa femme, quand elle mourut, que c' est le premier déplaisir qu' elle lui avait causé.

DÉPLAISANCE


DÉPLAISANCE, s. f. DÉPLAISANT, ANTE, adj. [Déplèzance, zan, zante; 1re é fer. 2e è moy. 3e lon. 4e e muet.] Répugnance, dégoût. "Prendre quelqu' un en déplaisance. Il ne se dit guère que dans cette phrâse. Acad. _ * Plusieurs Auteurs lui ont doné le sens de douleur, déplaisir. "La contrition n' est pas, si j' ose user de ce terme, une simple déplaisance de la raison, qui, naturellement droite, ne peut s' empêcher d' apercevoir le désordre du péché et de le condamner. Bourdal. "La Noblesse le vit (cet enregistrement) avec déplaisance. Journ. des Et. de Bret. _ Ce mot n' a pas, suivant l' usage, cette signification.
   DÉPLAISANT, désagréable, qui déplaît, qui chagrine, qui fâche. Homme déplaisant; figûre, manière déplaisante. _ "Il n' y a rien de si déplaisant que cela: c' est la chôse du monde la plus déplaisante _ Avec le verbe être, impersonel, il régit de et l' infinitif: "Il est fort déplaisant de perdre toujours, de se voir enlever le fruit de ses travaux. _ Il régit aussi quelquefois le datif des noms, et la conjonction que, devant les verbes. "Il m' eût été déplaisant qu' elle m' eût envisagé sous toutes ces faces-là. Mariv. _ Remarquez qu' on met l' infinitif, quand déplaisant est sans régime des noms; et quand il les régit, que, et le subjonctif. _ * Le peuple dit: Je suis déplaisant de cela, pour dire, cela me déplaît: c' est un barbarisme de phrâse.

DÉPLANTER


DÉPLANTER, v. a. DÉPLANTOIR, s. m. [Déplanté, déplan-toar; 1reé fer. 2e lon. 3e é fer. au 1er, dout. au 2d.] Déplanter, c' est ôter une plante, un arbre de terre, pour les planter âilleurs. Déplanter des laitûes, des oeuillets, de jeunes arbres, etc. Déplantoir, outil avec quoi on déplante des racines, des plantes, etc.

DÉPLIER


DÉPLIER, DÉPLISSER, v. a. [Dépli-é, dépli-cé; 1re et dern. é fer.] Défaire ce qui était plié, ou plissé. Déplier du linge, une étofe. Déplisser une jupe, des manches, etc. "Cet habit se déplisse, les plis s' en défont. _ Il ne se dit que des plis faits à l' aiguille, en quoi il difère de déplier.

DÉPLORABLE


DÉPLORABLE, adj. DÉPLORABLEMENT, adv. DÉPLORER, v. a. [1re é fer. 3e dout. au 1er, é fer. au 3e; dans le 2d, en a le son d' an, déplorableman; l' o est long devant l' e muet: Il déplôre, il déplôrera, etc.] Déplorer, c' est plaindre avec de grands sentimens de compassion. Déplorable, qui mérite d' être déploré. Déplorablement, d' une manière déplorable. "Déplorer les malheurs. "État, sort, condition déplorable. "Il s' est conduit déplorablement dans cette afaire.
   Rem. 1°. * On disait aûtrefois, plourer, déplourer
   O vous, qui d' amour déplourez
   Les angoisses tant dures.      Romance.
* 2°. Déploré, pour désespéré, est aussi vieux.
  En surmontant leur espérance,
  Remettons en telle assurance
  Leur salut, qui fut déploré.
      Malherbe.
L' Acad. ne l' admet qu' en style du Palais: "Cette afaire est déplorée, il n' y a plus aucune espérance de réussir. _ La Touche le dit aussi d' une maladie: Elle est déplorée, sans espérance. C' est du vieux style.
   3°. DÉPLORER et DÉPLORABLE, ne se disent que des chôses: On déplôre le sort de quelqu' un, mais on ne le déplôre pas lui-même. On dit que son état est déplorable; on ne dit pas que lui-même est déplorable. _ Racine a apliqué, et le verbe et l' adjectif, aux persones.
   Infortunés tous deux, dignes qu' on les déplore!
       FR. ENN.
  Prêt à suivre par-tout le déplorable Oreste.
      Androm.
Racine le Fils ajoûte plusieurs aûtres exemples des Tragédies de son Père, où déplorable se dit des persones, et il demande si ces exemples n' ont pas autant d' autorité qu' une décision (de l' Académie,) dont la raison ne frape pas. Mais en fait de langage, ce n' est pas la raison qui décide, mais l' usage. On peut souhaiter qu' il réponde dans la suite plus favorablement à la question que fait le Fils, en aprouvant les exemples du Père.
   4°. DÉPLORABLEMENT, se dit d' une pitié acompagnée de mépris et d' improbation. "Il chante, il écrit déplorablement.

DÉPLOYER


DÉPLOYER, v. a. [Dé-ploa-ié; 1re et dern. é fer. _ Au présent, il déploie, et non pas, déploye. À~ l' imparfait pluriel, et au présent du subjonctif, nous déployions, vous déployiez, et non pas, nous déployons, vous déployez, qui se dit au présent de l' indicatif. Au futur et au conditionel, je déploierai, déploierais, etc. (pron. déploaré, déploarè,) et non pas, déployerai, déployerais, etc.] Étendre. "Déployer les étendards: "Quand les aigles déploient leurs ailes. "On marcha aux énemis enseignes déployées. "Voguer à voiles déployées. = On dit figurément, déployer toute son éloquence, tout son savoir, en faire montre, en faire parade. _ La Touche dit, déployer toutes les voiles de l' éloquence: on ne le dirait aujourd'hui qu' en se moquant. _ Déployer tous ses charmes, les étaler. _ Rire à gorge déployée, de toute sa force.

DÉPLUMÉ


DÉPLUMÉ, ÉE, adj. SE DÉPLUMER, v. réc. [1re et 3e é fer.] Oiseau déplumé, qui a perdu ses plumes, qui a mué. Se déplumer, perdre ses plumes. "Les oiseaux se déplument pendant la mûe.

DÉPOLIR


DÉPOLIR, v. a. Ôter le poli. "Le feu dépolit le marbre.

DÉPOPULATION


DÉPOPULATION, s. f. [Dépopula-cion; 1re é fer.] La population, dont on parle tant depuis quelques années, a mis en vogue dépopulation, qui est son contraire, et l' a fait substituer à dépeuplement, déjà peu usité. "L' Auteur de cet ouvrage (Mémoire sur la population) examine d' abord les caûses de la dépopulation. Ann. Litt. _ M. Raynal a fabriqué dépopulateur, qui peut aussi-bien être à la mode comme un aûtre.

DÉPORTATION


DÉPORTATION, s. f. [Déporta-cion; 1re é fer.] Action de transporter des criminels dans un aûtre pays. Ce mot a un sens passif: il se dit, non de ceux qui transportent, mais de ceux qui sont transportés. "On vida les prisons d' Espagne pour peupler la Colonie, et les Juges furent autorisés à condamner à la déportation. Hist. de l' Amér. par Robertson. _ L' Acad. ne le dit que de l' anciène Rome; mais on peut l' apliquer, en certains câs, aux peuples modernes.

DÉPORTEMENT


DÉPORTEMENT, s. m. [Déporteman; 1re é fer. 3e e muet.] Conduite, moeurs, manière de vie. Il se prend ordinairement en mauvaise part, et ne se dit qu' au pluriel. "Veiller sur les déportemens de quelqu' un. "On l' a chassé pour ses mauvais déportemens. "Mauvais sujets, déjà conus par leurs déportemens en Italie et en Afrique. Berault, Hist. de l' Égl. "Voyez, d' après ses déportemens publics, quel fond vous devez faire sur ses délations et ses effervescences particulières. Linguet. _ Trév. le dit des bones comme des mauvaises moeurs. "Ce valet est estimé par son maître, pour ses bons déportemens. _ Le Rich. Port. le met au singulier. Déportement scandaleux. Il est moins usité de ces deux manières.

DÉPORTER


DÉPORTER (se), v. réc. [1re et dern. é fer.] Se désister, se départir de... Son plus grand usage est au Palais: Se déporter de ses prétentions, de la poursuite d' un procès, etc. _ Regnard fait ce verbe actif, et lui fait régir l' infinitif avec à. "Qui déporte Geronte à leur faire ce legs. _ Si ce verbe était français, employé activement, il régirait plutôt la prép. de.

DÉPOSANT


DÉPOSANT, ANTE, adj. DÉPOSER, v. a. DÉPOSITION, s. f. [Dépo-zan, zante, , zi-cion; 1re é fer. 3e lon. aux deux 1ers, é fer. au 3e. _ Devant l' e muet l' o est long: Il dépôsera, etc.] Déposer, est 1°. Destituer, ôter d' une dignité, d' un emploi. "On le déposa de sa charge, de son emploi. Quand on parle des anciens Empereurs, des Évêques, du Grand-Seigneur, on ne l' emploie qu' avec le seul régime direct (l' acusatif.) On le déposa, on parlait de le déposer, etc. = 2° Quiter. Sylla déposa la Dictatûre. _ Figurément, déposer le masque, le voile. "Déposez ce masque mensonger, ce voile hypocrite. Anon. = 3°. Confier, remettre: "Déposer une somme entre les mains de... = 4°. Mettre en dépôt: "Déposer un corps dans une Église, pour l' enterrer ensuite dans une aûtre. = 5°. V. n. Dire en témoignage ce qu' on sait. "Les témoins ont déposé contre lui, ils ont déposé que, etc.
   DÉPOSANT, n' a que ce dernier sens. "Les témoins déposans, les femmes déposantes. _ Subst. "Et plus, n' a dit savoir, le dit déposant, la dite déposante. _ On le dit, en conversation, par allusion au style des procédures criminelles, pour marquer qu' on ne sait rien de plus que ce qu' on vient de dire.
   DÉPOSITION, a le premier et le dernier sens de déposer. Destitution. La déposition d' un Oficier, du Sultan, d' un Évêque. _ Ce qu' un témoin dépôse. La déposition du domestique porte que, etc. "Il a varié dans sa déposition.

DÉPOSSÉDER


DÉPOSSÉDER, v. a. DÉPOSSESSION, s. f. [Dépocédé, dépocè-cion; 1re é fer. 3e é fer. au 1er, è moy. dans le 2d: devant l' e muet, l' é fer. du verbe se change en è moy. Il dépossède, il dépossèdera, etc.] Ôter la possession de... Action de déposséder. "On l' a dépossédé de sa charge, de son bénéfice. "Sa dépossession a été pour lui le comble du malheur. "Par le moyen de la réintégration, la dépossession est jugée nulle. Ferrière. _ Déposséder, est du discours ordinaire: Dépossession, n' est que du style du Palais. "Les Tribuns prétendoient déposséder de ces fonds les anciens propriétaires. Vertot.

DÉPOSTER


DÉPOSTER, v. a. [1re et dern. è fer.] Chasser d' un poste, en termes de Guerre. "Enfin, on vint à bout de déposter l' énemi. Les Gens de Guerre ont introduit ce mot dans la Langue. La Touche en augurait bien: il ne s' est pas trompé. _ L' Académie l' a~ admis~ dans la nouvelle édition.

DÉPôT


DÉPôT, s. m. [1re é fer. 2e lon. L' o doit porter un acc. circ.] 1°. Ce qu' on a donné en garde à quelqu' un. Mettre en dépôt, ou, avoir un dépôt chez quelqu' un. Nier un dépôt. Le dépôt est une chôse sacrée. = 2°. Lieu où l' on dépôse. "Mettre un corps en dépôt dans une Eglise. _ Dépôt, lieu où l' on dépôse du sel, du tabac, etc. jusqu' à ce qu' ils soient voiturés au lieu de leur distribution. = 3°. En termes de Médecine, amâs d' humeurs, qui se fait en quelque endroit du corps. _ Dépôt, est aussi le sédiment des urines, quand elles ont été gardées quelque temps.

DÉPOUDRER


DÉPOUDRER, v. a. [dépoudré: 1re et dern. é fer. Devant l' e muet, l' ou est long. Il dépoûdre, il dépoûdrera.] Ôter, ou faire tomber la poudre des cheveux d' une perruque. "Le vent l' a tout dépoudré; lui a dépoudré sa perruque.

DÉPOUILLE


DÉPOUILLE, s. f. DÉPOUILLEMENT, s. m. DÉPOUILLER, v. act. [dé-pou-glie, glie-man, glié; 1re é fer. 3e e muet aux 2 1ers, é fer. au 3e; mouillez les ll.] I. Dépouille est, 1°. La peau de certains animaux. "La dépouille d' un serpent, d' un ver à soie, d' un tigre, léopard, panthère, etc. _ Le corps d' un homme après sa mort, s' apèle, figurément et par extension, sa dépouille mortelle, ou simplement sa dépouille. _ Andromaque apostrophant Hector, et parlant de Pyrrhus: Ah! dit-elle, s' il étoit assez magnanime
   Pour nous laisser du moins
   Au tombeau qu' à ta cendre ont élevé mes soins...
   Il ne séparât pas des dépouilles si chères.
"Un coin ignoré de la terre possède leurs dépouilles. Jér. Dél. _ Mais on ne peut pas dire ce mot, de son propre corps.
   Que cent fois mon tombeau vomisse ma dépouille.
Fait dire à Thamas-Kouli-Kan M. du Buisson. Quelle barbarie, d' apeler son propre corps sa dépouille! Ann. Litt.
   REM. Reliques et Dépouilles ont le même sens, mais non pas le même emploi. Le 1er ne se dit que des Corps Saints: le 2d n' est en usage qu' en Poésie.
   2°. Ce qu' on remporte des énemis par la victoire. "Remporter de riches, de glorieûses dépouilles. _ On dit, en ce sens, d' un Auteur plagiaire, qu' il se pâre, qu' il se revêt, qu' il s' enrichit des dépouilles d' autrui. = 3°. La récolte des fruits de l' année. "La dépouille de cette année a été médiocre. = 4°. La dépouille d' un homme, sa succession. "Il a eu sa dépouille, ses biens, ou sa charge, son emploi, son bénéfice.
   II. Dépouillement, 1°. Privation volontaire. Action, non de dépouiller les aûtres, mais de se dépouiller soi-même. "Le dépouillement de sa volonté. "Il vit dans un grand dépouillement des biens, des plaisirs, des honeurs de ce monde. = 2°. Extrait d' un compte d' un procès, d' un inventaire. Faire le dépouillement de, etc.
   III. Dépouiller, est, 1°. Déshabiller. "Les voleurs l' ont dépouillé. _ Dépouiller un lièvre, un lapin, lui ôter la peau. _ Les serpens se dépouillent tous les ans. _ Les arbres se dépouillent, perdent leurs feuilles. = 2°. Figurément, Priver, dénuer. "Dépouiller un homme de ses biens, de sa charge, un Prince de ses États. = 3°. Figurément aussi, Quiter, dépouiller toute humanité, se dépouiller de ses préventions, etc. = 4°. Recueillir: "Il a dépouillé pour mille écus de bled, de vin, d' huile, etc. = 5°. Dépouiller un compte, un inventaire; en faire l' extrait, en doner un état abrégé.
   Rem. 1°. Selon le P. Bouhours, l' act. vaut mieux dans le propre, et le réciproque pour le figuré. On dit bien dépouiller ses habits, dépouiller sa chemise; mais on ne dit pas si bien, dépouiller le faste de la grandeur. Il faut dire, se dépouiller du faste, etc. Depuis cette Remarque, de très-bons Écrivains, Poètes et Prosateurs, ont employé l' actif au figuré.
   Hé bien! dépouille enfin cette douceur contrainte.
       Rac. Alex.
  Avez-vous dépouillé cette haine sévère?
      Id. Athalie.
  Pasteurs, rassemblez-vous, dépouillez vos guirlandes.
      Gress.
  Notre défunt étoit en carrosse porté,
  Bien et duement empaqueté,
  Et vêtu d' une robe, hélas! qu' on nomme bière,
  Robe d' hiver, robe d' été.
  Que les morts ne dépouillent guère.  La Font.
Dans cet exemple, on peut dire que dépouiller est employé au propre. Mais Fontenelle dit, dans l' éloge de M. du Hamel: "Ce sont des raisonemens philosophiques, qui ont dépouillé leur sécheresse ordinaire, en passant au travers d' une imagination fleurie et ornée. Et M. Thomas, dans l' éloge du Duc de Sully. "Nous ne pardonnons pas à ceux qui nous humilient.. La postérité, plus juste, dépouille ce caractère. L' Acad dit aussi, dépouiller toute humanité. _ Pour dire notre sentiment, nous croyons la remarque du P. Bouhours juste, en y mettant~ cette restriction, que l' actif, dans la Poésie et dans le discours soutenu est plus élégant que le réciproque, et que celui-ci vaut mieux dans le discours fam.
   2°. Le P. Bouhours dit aussi, qu' en matière de dévotion, on dit fort bien, dépouiller le vieil homme, et qu' on pourrait peut-être dire de même, dépouiller les mauvaises habitudes; la 2de expression est bone, mais la première est surannée, à mon avis, à moins qu' elle ne soit la traduction du passage de St. Paul. L' Acad. la met sans la désaprouver. Dépouiller le vieil homme, se dépouiller du vieil homme. Termes de l' Écriture Sainte, pour dire, quitter les inclinations corrompûes, les vieilles habitudes criminelles.
   En style proverbial, jouer au roi dépouillé, c' est dépouiller un homme de tout son bien.

DÉPOURVOIR


DÉPOURVOIR, v. a. [Dépour-voar, 1re é fer.] Dégarnir de ce qui est nécessaire. Il n' est en usage qu' au prétérit et à l' infinitif. "Il ne faut pas dépourvoir une place de munitions. Se dépourvoir d' argent: Il s' est dépourvu de tout pour avancer sa famille. Il est dépourvu de sens, d' esprit, de raison; il en manque, il n' en a pas.
   Au dépourvu, adv. "Il l' a pris au dépourvu; il ne le prendra jamais au dépourvu, sans être pourvu des chôses nécessaires, ou sans être préparé à ce qu' on peut lui demander, aux ataques qu' on peut lui faire.

DÉPRAVATION


DÉPRAVATION, s. f. DÉPRAVER, v. a. [Déprava-cion, en vers ci-on: Dépra--vé: 1re é fer. 3e é fer. aussi au 2d. Devant l' e muet, l' a est long: il déprâve, déprâvera, etc.] Corruption. Corrompre, pervertir. "La dépravation du siècle, des moeurs, du goût. "Le siècle est tombé dans une grande dépravation. "La lecture des Romans lui a dépravé le goût. "Il s' est dépravé le goût à force de boire. = Le verbe se dit sur-tout au participe, employé adjectivement. Goût dépravé, jugement dépravé, moeurs dépravées: Siècle dépravé, jeunesse dépravée
   Rem. M. L' Abé Grosier l' emploie substantivement, dans la Traduction d' un discours anglais. "L' interposition du pouvoir législatif devient nécessaire pour forcer les dépravés à circonscrire leur conduite. _ C' est un anglicisme, et ce n' est pas le seul qui soit dans cette phrâse: car circonscrire la conduite, a bien l' air d' avoir été traduit mot à mot de l' anglais.

DÉPRAVATEUR


*DÉPRAVATEUR, s. m. DÉPRAVITÉ, s. f. Celui qui déprave, Dépravation. Deux néologismes peu heureux, à mon avis. "Il faloit un Tribunal toujours subsistant, chargé de prévenir toute altération dans la foi, et toute corruption dans la morale; et de condamner également les dépravateurs de l' une et de l' aûtre. L' Abé Bergier. "Les actes de législation ne peuvent rien contre la dépravité de la natûre humaine. _ Celui-ci est un anglicisme, dont nous sommes encôre redevables à M. l' Ab. Grosier.

DÉPRÉCIATION


DÉPRÉCIATION, s. f. DÉPRÉCIER, v. a. [Dépré-cia-cion, déprécié; 1re et 2e é fer. 4e é fer. aussi au 2d.] Dépréciation, est l' action de déprécier, de mettre une chôse ou une persone au-dessous de son prix. "Pour prévenir la dépréciation des papiers (publics), nous avons résolu de ne plus en créer. Linguet: Annales. _ L' Acad. ni les autres Dictionaires ne mettent point le substantif. Il serait utile, et l' on peut croire que l' usage l' adoptera.

DÉPRÉDATEUR


*DÉPRÉDATEUR, s. m. DÉPRÉDATION, s. f. DÉPRÉDER, v. a. [1re et 2e é fer.: tion, dans le 2e, a le son de cion; en vers ci-on.] Ces mots expriment l' action de voler, ruiner, piller avec dégât. "Déprédation dans une maison, dans un État. La déprédation des Finances: la déprédation des biens d' un pupille. Par ces exemples donés par l' Acad. il parait que ces mots ne doivent se dire que du pillage fait par des Administrateurs, domestiques, tuteurs, etc. Elle ne met point déprédateur, et ne done aucun exemple de dépréder, qu' elle met sans remarque, et qui est peu usité. = Plusieurs Auteurs emploient ces mots~, et le substantif sur-tout, pour signifier~ toute sorte de pillages et de pillards. "Le déprédateur des Indes, le Verrès moderne, n' a trouvé à son retour (en Angleterre) que des mers paisibles, et des rivages reconnoissans. Linguet. "Il est temps enfin qu' on dévoûe à l' oprobre ces brillans Déprédateurs, qui n' ont de grands talens que pour de grands désordres, et des succès que pour le deuil de l' univers. L' Abé Boulogne. L' Orateur désigne par-là les Conquérans. Le terme est impropre, et le titre de ravageurs leur convient mieux que celui de déprédateurs. _ M. de Maucroix a dit dans la Traduction de Sanderus: "Après la déprédation de tant de Maisons Religieuses. Le mot de pillage aurait mieux convenu. La déprédation est un pillage commis par les Administrateurs même: et dans cette ocasion, il était produit par la force majeure et l' abus de l' autorité. Ce n' étaient pas les Religieux qui pillaient, ils étaient pillés. _ Bossuet dit, dans le même sens, et avec la même impropriété du terme: "On cria de cette sacrilège déprédation des biens consacrés à Dieu. _ Pour Mde. de B... dans sa Traduction de l' Histoire de Hume, elle emploie habituellement ce mot pour signifier les ravages et les pillages produits par les Armées. C' est le sens du mot anglais, déprédation, traduit trop littéralement. M. Moreau lui a doné la même signification. "Si ces Troupes continuent leurs ravages, tout l' Empire se réunira pour se venger de leurs déprédations. "Ce n' étoit pas seulement contre les usurpateurs des biens de l' Eglise que le Clergé sévissoit, c' étoit contre tout ce que la guerre avoit ocasioné de déprédations et de rapines. Id. Ce mot est encôre plus impropre dans ce sens-là.

DÉPRENDRE


DÉPRENDRE, v. a. [Déprandre: 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Détacher. "On ne peut déprendre ces dogues, tant ils sont acharnés l' un contre l' aûtre. "Ces oiseaux se sont pris à la glu: ils ne peuvent se déprendre. _ Figurément, il ne peut se déprendre de cette femme. "Ce n' est pas qu' il en fût dépris: Retif. "Il faut déprendre son coeur des atachés violentes.

DÉPRÉOCUPÉ


*DÉPRÉOCUPÉ, ÉE, adj. SE DÉPRÉOCUPER, v. réc. Mots forgés peu heureusement, et qui n' ont pas fait fortune. "Il se troûve un grand nombre de particuliers, à qui un examen atentif, circonspect et dépréocupé paroît de beaucoup trop pénible: Crouzaz. "Qu' on examine notre Tactique avec un esprit dépréocupé des préjugés de la coutume: le Chev. de Follard. "Pour peu qu' on examine les choses de près, et que l' on se dépréocupe, on troûvera que non-seulement la chôse a pu être ainsi, mais même qu' il a été nécessaire qu' elle fût ainsi: Abadie. _ Ce mot serait utile; il est à souhaiter que l' usage, qui l' a si long-temps négligé, l' adopte enfin.

DÉPRESSION


DÉPRESSION, s. f. [Dépré-cion, 1re et 2e é fer.] Abaissement. Il se dit au propre en Physique, et au figuré, pour humiliation. Vivre dans la dépression. "Laissons Genève à sa place, et Rousseau dans sa dépression.

DÉPRIER


DÉPRIER, v. a. [Dépri-é, 1re et dern. é fer. _ Devant l' e muet, l' i est long: Il déprîe; au futur et au conditionel, il n' est que de trois syllabes: il dépriera, déprierait; pron. déprira, déprirè.] Envoyer s' excuser auprès des persones qu' on avait invitées, les contremander.: "On les avoit priés, on les a envoyés déprier.

DÉPRIMANT


*DÉPRIMANT, ANTE, adj. DÉPRIMER, v. a. [1re é fer. 3e lon. aux deux 1ers, é fer. au dern.] Déprimer, c' est rabaisser, avilir. "Vous avez tort de déprimer cet homme, cet ouvrage. "À~ l' enthousiasme louangeur des Anglois, ils ont joint la manie déprimante et inhumaine de la légèreté française: Linguet. On forge aujourd'hui beaucoup d' adjectifs verbaux: on peut bien augurer de celui-ci et du suivant.

DÉPRISANT


*DÉPRISANT, ANTE, adj. DÉPRISER, v. a. [Déprizan, zante, , 1re é fer. 3e lon. aux deux 1ers, é fer. au dern. _ Devant l' e muet, il est long. Il déprîse, il déprîsera, etc.] Dépriser, c' est témoigner qu' on fait peu de câs d' une chôse. Il ne se dit que de la marchandise. M. Linguet en étend l' emploi, en se servant adjectivement du participe. "Employer cette expression déprisante, c' est violer la bienséance en tout sens. _ Déprisant dit moins que méprisant; il peut donc être utile là où méprisant serait trop fort.

DEPUIS


DEPUIS, prép. [De-pui, devant une voyelle, depuiz: 1re e muet.] I. C' est une prép. ou de temps: depuis la création du monde; ou de lieu: depuis le Levant jusqu' au couchant; ou d' ordre: depuis le plus grand jusqu' au plus petit. _ Remarquez pourtant que depuis n' est préposition de lieu, que lorsqu' il est relatif à jusque. Quelques-uns disent, depuis ici, depuis là, depuis cet endroit, etc. pour dire, d' ici, de là, de cet endroit. Cette faûte est comune en Franche-Comté. _ On y dit aussi depuis moi, depuis lui, pour dire, depuis que j' ai quité, ou qu' il a quité ce pays, ce séjour. Un Comtois, âgé de 50 ans, au moins, disait à une jeune Dame: "Depuis moi, combien avez-vous eu d' enfans? Il voulait dire, depuis mon départ de cette ville: mais on voit que cette expression est ridicule. _ Il y a des exemples, dans les meilleurs Auteurs, de depuis, régissant les persones, mais il y est mieux employé. "Mon Médecin s' en est allé aujourd'hui: il reviendra, car il aime la bonne companie; et depuis Madame de Noailles, il ne s' est pas trouvé à telle fête. Sév. "Comme depuis mon inconûe, je voyois la première sans plaisir, je la perdois sans regret. Créb. "Gustave remonta sur le Trône: la Suède, depuis lui, fut Luthérienne. Hénault. _ "D' aûtres, depuis lui, ont avancé la même proposition. D' Avr. "D' aûtres Écrivains, depuis lui, se sont éforcés de déprécier ces mêmes Auteurs. Sabat. Trois Siècles, etc. Remarquez sur ces deux derniers exemples, que le verbe sous-entendu est le même que celui qui est exprimé. Depuis lui, c. à. d. depuis qu' il a avancé, qu' il a déprécié, d' aûtres ont avancé, ont déprécié. Or, cette diférence ou cette conformité entre le verbe sous-entendu et le verbe exprimé, fait que quelques-unes de ces expressions choquent ou embarrassent, et que les aûtres ne choquent ou n' embarrassent pas.
   II. Depuis, ne régit point les verbes à l' infinitif, mais la conjonct. que et l' indicatif. " * Depuis être arrivé, j' ai fait bien des chôses; dites: depuis que je suis arrivé. "Il y a bien loin depuis avoir permission de vendre sa charge jusqu' à avoir trouvé un Marchand. Sév. = Ces deux régimes de depuis et de jusque, sont tout au plus bons dans la liberté de la conversation.
   Depuis que, ne doit jamais se mettre devant le prétérit antérieur. "Depuis que nous vous eumes quittés, est mal dit: il faut dire, après que nous vous eumes quittés. On ne doit mettre depuis que, que devant le présent et le prétérit. Regn. "Depuis que j' ûse de régime, je me porte mieux. "Depuis que vous me l' avez recomandé, j' y ai fait atention. Voy. JUSQUE.
   III. Depuis est aussi adverbe, sans régime. Il se place, ou après, ou devant le verbe, ou même à la tête de la phrâse. "Les Carthaginois ne cessèrent depuis de faire de mauvais desseins. Boss. "Je n' ai pas entendu parler depuis de ce que nous croyons qui a causé tous mes maux. Sév. "Du Guay-Trouin, de simple Armateur devenu Chef d' Escadre, et depuis Lieutenant-Général. Thomas. "C' étoient là ses anciènes digues. Depuis, elle s' en est fait d' aûtres. Servan, Disc. sur les Moeurs. "Je ne regrettois rien, quand je vous ai conu; depuis, je sens que je me livre à la douceur de votre comerce. Marm. _ Mais il ne doit pas se mettre entre l' auxil. et le partic. *"Les dommages que le feu a depuis faits. Gaffarel, cité par Le Gendre. Dites, a faits depuis. _ Dans ces temps composés, il ne ferait pas bien non plus, placé devant le verbe: que le feu depuis a faits; il doit être toujours placé après.
   On dit aussi adverb. depuis peu, pour dire, depuis peu de temps; et depuis quand, pour dire, depuis quel temps?
   IV. On s' est obstiné long-temps à dire du depuis. "Il n' y a point de terme dans la Langue, dit Vaugelas, qui se soit tant opiniâtré pour s' établir, et qui ait été tant rebuté que celui-là. Il faut toujours dire depuis, et jamais du depuis. Vaug. Th. Corneille, L. T. _ Cependant, Rousseau le Poète et Montesquieu l' ont encôre employé; mais tout grands Écrivains qu' ils sont, il ne faut pas les imiter en cela.
   Faunes cornus vers leurs troncs s' envolèrent,
   Et du depuis n' ont osé se montrer.
       Rouss.
"Lorsqu' Auguste eut conquis l' Égypte, il aporta à Rome le trésor des Ptolomées. Cela y fit, à-peu-près, la même révolution, que la conquête des Indes a fait du depuis en Europe. Montesq. Retranchez du dans ces deux exemples.

DÉPURATION


DÉPURATION, s. f. DÉPURER, v. a. [Dépura-cion, Dépuré; 1reé fer. 3e é fer. au 2d.] Dépurer, c' est rendre plus pur. Dépuration, est l' action de dépurer. Ils se disent en Médecine et en Chimie. "Dépurer le sang, un métal, une liqueur. "La dépuration du sang, d' une liqueur, d' un métal.

DÉPUTATION


DÉPUTATION, s. f. DÉPUTÉ, s. m. DÉPUTER, v. a. [Députacion, , ; 1re é fer. 3e é fer. aussi aux deux dern.] Députer, c' est envoyer avec commission. On ne le dit point d' un particulier, mais d' un corps, ou d' une persone en place, en autorité. Députation, est l' envoi avec commission, ou collectivement, le corps des Députés. Député, se dit de celui qui est ainsi envoyé. "Députer vers le Roi des hommes de confiance. Députer aux États des gens choisis à la pluralité des voix. "Députation de tant de persones. "Toute la députation a été d' avis que, etc. "Les Députés de la Noblesse, du Tiers-État, du Clergé, etc.
   REM. Députer est souvent neutre. "Les Citoyens de Paris députèrent au Roi, pour le suplier de revenir dans sa Capitale. Volt.

DÉRACINEMENT


DÉRACINEMENT, s. m. DÉRACINER, v. a. [Déracineman, ciné; 1re é fer. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Déracinement est l' action de déraciner, d' arracher un arbre, une plante. Le subst. ne se dit qu' au propre. "Le déracinement d' un arbre. Le verbe se dit au propre et au fig. "Les grands vents déracinent quelquefois les arbres. Déraciner un mal, le guérir entièrement, radicalement. "On a de la peine à déraciner les vices contractés par une longue habitude, les abus invétérés, les anciènes erreurs, etc.

DÉRADER


DÉRADER, v. n. [1re et 3eé fer.] Terme de Marine. Il se dit d' un vaisseau, qui quitte la rade où il avait mouillé.

DÉRAISON


DÉRAISON, s. f. DÉRAISONABLE, adj. DÉRAISONABLEMENT, adv. DÉRAISONER, v. n. [Dérèzon, zonable, nableman, né; 1re é fer. 2e è moy.] Tous ces mots expriment un défaut de raison. "Les systêmes des Philosophistes ne sont que déraison et inconséquence. Ils déraisonent continuellement. On ne voit dans leurs écrits que des pensées déraisonables. "Jamais on n' avait parlé plus déraisonablement.
   REM. 1°. Déraisoner s' emploie toujours neutralement et sans régime. Il y en a un dans la phrâse suivante, où l' on peut le pâsser, à cause du contraste et des privilèges du style critique. "L' Auteur le fait raisonner, ou plutôt déraisoner politique. Ann. Litt. 2°. Quelqu' un a employé déraisonement, mais ce mot n' a pas fait fortune. Dailleurs il est inutile, et déraison a le même sens.

DÉRANGEMENT


DÉRANGEMENT, s. m. DÉRANGER, v. a. [Dérangeman, ; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Déranger, C' est ôter de son rang, de sa place. Dérangement, désordre, état des chôses dérangées. "Vous avez dérangé mes papiers, mes meubles, ma chambre. "Ils sont dans un grand dérangement. = Au figuré, Troubler, brouiller, mettre en désordre. "Ce procès a dérangé toutes ses afaires. Cela m' a tout dérangé. "Il y a bien du dérangement dans son esprit. Le dérangement de ses afaires, de sa santé.
   Rem. 1°. Au réciproque et au passif, il se dit des persones. "Il se dérange, il n' a plus une conduite aussi réglée qu' auparavant. Il est dérangé, endetté ou débauché. "Vous êtes riche, fort répandu, et à moins d' une espèce de prodige, il faut que vous soyez plus dérangé qu' un aûtre. Marm. Être dérangé chez soi, dans sa maison, se dit quand les meubles n' y sont pas arrangés proprement et avec soin.
   2°. Les persones qui aiment la nouveauté, dit La Touche, afectent beaucoup ce mot là, pour signifier désorienté. "Je suis toute dérangée, quand je suis trois jours sans aler à la Cour. Ce terme serait plus suportable, si l' on disait tout dérangé, pour signifier déshabillé: tout en désordre. L. T.

DÉRATÉ


DÉRATÉ, ÉE, adj. [1re et 3e é fer.] Il ne se dit qu' au fig. Gai, enjoué, éveillé, rusé. "Petit garçon dératé, petite fille dératée. _ Subst. C' est un dératé, une dératée. (St. fam.)

DERECHEF


DERECHEF, adv. [1re et 2ee muet; on prononce l' f final] Une autrefois, de nouveau. _ Il est vieux, et ne se dit plus que dans le burlesque. La Touche était étoné que Mrs. de l' Acad. ne le condamnâssent pas. Il remarque ensuite que dans la nouvelle édition (en 1718), ils disent qu' il vieillit. _ J. J. Rousseau s' en est servi souvent: il l' écrit en deux mots, de rechef. "Je puis voir changer de rechef le Public pour moi. _ M. de Berault l' a employé tout récemment: "Se mettant à genoux tous ensemble; et derechef rendant grâces à J. C. ils eurent la tête tranchée. "Mon père vint derechef à la prison. _ C' est du vieux style.

DÉRèGLEMENT


DÉRèGLEMENT, s. masc. DÉRÉGLÉMENT, adv. DÉRÉGLER, v. a. [1reé fer. 2e è moy. au 1er, é fer. au 2d.; c' est la diférence du subst. et de l' adv. aussi bien que l' e muet du 1er, et l' é fer. du 2d. 3e e muet au 1er, é fer. aux deux aûtres. _ L' Acad. met un accent aigu à la seconde du subst. déréglement; mais devant l' e muet, cet e est moyen: il faut donc mettre un acc. grâve.] Le dérèglement est un désordre, une oposition aux règles de la morale. "Vivre dans le dérèglement: le dérèglement de sa vie, de ses moeurs, de son esprit. _ Il se dit aussi dans le phisique. Le dérèglement du pouls, des saisons, des humeurs, d' une montre, etc.
   DÉRÉGLÉMENT, ad. Sans règle; d' une manière déréglée. "Vivre déréglément.
   DÉRÉGLER, mettre hors de la règle, hors des règles. "Il a déréglé toute la compagnie. "La mauvaise nourriture lui a déréglé l' estomac. "Le mauvais temps dérègle les horloges. "Pour peu qu' il mange trop, son estomac se dérègle. Son pouls s' est déréglé. "Sa montre s' est déréglée. _ Et avec le participe, employé adjectivement, temps déréglé, Horloge déréglée, etc.

DÉRESPECTUEUX


*DÉRESPECTUEUX, EûSE, adj. On dit dans le Dict. Gram. que c' est un mot peu heureûsement inventé. Il n' a pas paru tel à M. l' Ab. Grosier. La conduite du Général Arnold a été trouvée dérespectueuse pour la suprême autorité exécutive de cet Etat. _ C' est un anglicisme: disrespectful.

DÉRIDER


DÉRIDER, v. act [1re et dern. é fer.] Ôter les rides. Pomade pour dérider. "La joie déride le front. _ Figurément: "Cet homme est extrêmement sérieux; son front ne se déride jamais.

DÉRISION


DÉRISION, s. f. [Déri-zion; 1re e fer.] Moquerie. Son emploi est borné. "Tourner en dérision: "Ils tournent en dérision les chôses les plus respectables. Faire quelque chôse en dérision. Il ne se dit que dans des phrâses pareilles.

DÉRIVANT


*DÉRIVANT, ANTE, adj. verbal. M. Linguet s' en est servi. "Les entrans et les sortans avoient également leurs ordres, tous dérivans d' une même caûse. Voilà trois mots de nouvelle fabrique.

DÉRIVATION


DÉRIVATION, s. f. [Dériva-cion; 1re é fer.] En Gramaire, l' origine d' un mot. _ En Médecine, détour qu' on fait prendre au sang ou à quelque humeur. _ En Hydraulique, détour qu' on fait prendre aux eaux.

DÉRIVÉ


DÉRIVÉ, s. m. [1re et dern. é fer.] Il se dit, en Gramaire, des mots qui tirent leur origine d' un aûtre mot. Aimable est le dérivé d' aimer.
   Rem. Les dérivés gardent ordinairement la même ortographe dans les syllabes qui ont le même son: Eloquence, éloquent, éloquemment: puissance, puissant, puissamment. _ C' est n' être pas conséquent que d' écrire, par exemple, dépendant avec un a, et dépendemment avec un e, comme le P. Rapin et d' aûtres Ecrivains.

DERIVER


DERIVER, v. n. [1re et dern. é fer.] En termes de Marine, c' est s' écarter de la route qu' on tient en mer. "Les courants nous firent dériver; nous dérivâmes de dix lieuës. = Dans le discours ordinaire, tirer son origine de... "C' est de là que dérivent tous ses malheurs; desont dérivées tant d' hérésies. _ * Un Auteur moderne le supose actif, puisqu' il l' emploie au passif. "Le même éfet aura été ici dérivé de la même caûse. Croharé. Il faut: sera ici dérivé. Ce verbe prend l' auxil. être. = En Gramaire, il se dit des mots qui tirent leur origine d' un aûtre mot. "Aimable dérive d' aimer. "Beaucoup de mots Français dérivent du grec ou du latin. _ On le fait aussi actif, en ce sens. "D' où dérivez-vous ce mot là? Je le dérive du grec.

DERNIER


DERNIER, IèRE, adj. [Dêr-nié, niè--re; 1re ê ouv. 2e é fer. au 1er, è moy. au 2d.] I. Qui est après tous les aûtres, ou après quoi il n' y a plus rien. "Le dernier mot, la dernière année: rendre le dernier soupir, les derniers devoirs. Faire un dernier éfort, etc.
   Rem. 1°. Il précède ordinairement~ le substantif. Au fém. Il peut plutôt le suivre qu' au masc. En vers sur-tout, et dans la prôse poétique et oratoire. Dans le Dict. Gram. on a critiqué les neveux derniers de Regnard. Mais Gresset a fort bien dit dans Edouard.
   Accordez-moi du moins une grâce dernière,
   Qu' on ne me ferme plus la prison de mon père.
Et M. de Vixouze:
   Il ranime sa force à son heure dernière.
   Le masculin même fait fort bien, dans la phrâse suivante, après le substantif. "J' ai vécu, j' ai regné, tout est fini pour moi. Un jour dernier, un jour inévitable est arrivé pour nous. Jér. Dél.
   2°. Le relatif, après dernier, comme après premier, régit le verbe au subjonctif. "C' est une des dernières Épîtres que St. Paul ait (et non pas a) écrites. "Les intérêts de leur vanité sont les derniers qu' on doive ménager. Geoffroi. Il a alors la vertu d' un superlatif. Voy. SUPERLATIF. Voy. PREMIER. _ Il est aussi comme superlatif dans ces phrâses. "Il est le dernier dans le catalogue; elle est la dernière dans la liste. "Il est arrivé le dernier; elle est entrée la dernière. On sous-entend, de tous, de toutes; et quelquefois on l' exprime.
   3°. On se sert souvent de ce mot dans le figuré, pour signifier extrême. "Avec la dernière impatience. Au dernier degré de la perfection. "Nous fimes les derniers éforts pour entrer dans la rade. = Il se prend souvent en mauvaise part, pour vil, méprisable. "C' est le dernier des hommes; la dernière des créatures. _ En ce sens, il peut ocasioner des équivoques, s' il est mal placé. "Les Grands furent ses 1res victimes, et il versa le sang de ses derniers sujets. Ann. Lit. Il falait, ce me semble, des derniers de ses sujets, des moins considérables, pour ne pas doner à entendre qu' il les avait tous massacrés.
   On dit quelquefois, dans le discours familier: Cela est du dernier bourgeois, du dernier ridicule, et plus comunément encôre, du dernier bien, du dernier mal. "C' est une fort méchante habitude que l' usage du rouge: à la fin je ne pourrai m' en passer, et je serai du dernier mal sans cela. Narcisse, ou l' Amant de soi-même. Mais il faut user sobrement de ces sortes d' expressions, qui paraissent trop afectées, et sentent le jargon moderne.
   4°. * Le peuple, quand il écrit, dit souvent, la vôtre dernière, au lieu de, votre dernière lettre. Mde. de Sévigné l' a dit aussi. Il n' y eut jamais une si brillante lettre que la vôtre dernière. Je ne crois pas qu' on doive imiter en cela ce modèle inimitable du style épistolaire. Elle plaisantait peut-être en employant cette expression populaire. L' Editeur aurait bien dû la mettre en italique.
   5°. On emploie familièrement dernier comme substantif. "Il veut toujours avoir le dernier, être le dernier à répliquer. * En Provence on dit la dernière.

DERNIèREMENT


DERNIèREMENT, adv. [dêr-niè-reman; 1re ê ouv. 2e è moy. et long: 3e e muet.] Depuis peu, il n' y a pas long-tems. "Il arriva dernièrement un étrange accident. "Je lisois dernièrement dans un Auteur que, etc.

DÉROBER


DÉROBER, v. a. [1re et dern. é fer.] 1°. Prendre en cachette ce qui apartient à autrui. "Dérober une montre, un manteau. _ Neutralement: "Il est enclin à dérober. _ Figurément, dérober à un Auteur une pensée saillante, des vers, etc. se les aproprier. "Dérober à quelqu' un la gloire d' une belle action; lui ôter la gloire qui lui est dûe. = 2°. Soustraire. "Dérober un homme à la colère du Prince, à la fureur du peuple. _ Il régit à et non pas de. "Pacachunta fut la protectrice des Anglois: elle les déroba souvent de la cruauté de son père. Mercûre. C' est un faux régime. _ On dit d' une armée, qu' elle dérobe une marche à l' énemi, c. à. d. qu' elle fait une marche sans que l' énemi l' aperçoive. = Figurément (st. famil.) dérober sa marche, c' est aler d' un côté, quoiqu' on ait fait entendre qu' on alait d' un aûtre. Plus figurément encôre, cacher les moyens dont on se sert pour aler à ses fins. = 3°. Se dérober, se retirer de... se dérober d' une compagnie, s' en retirer sans dire mot, sans qu' on s' en aperçoive. Il se dit quelquefois absolument. "Il s' est dérobé adroitement. = 4°. Se dérober à, se sauver de: "Il se déroba à ses coups, à la poursuite de ses énemis. 5°. Se dérober à la vue, disparaitre. "Le vaisseau se déroba bientôt à la vue, à notre vue. = 6°. Se dérober un repas (st. famil.), s' abstenir d' un repas qu' on a acoutumé de faire. _ Celui qui a acheté fort cher une chôse, dit qu' il ne l' a pas dérobée.
   Rem. Quelques Auteurs ont fait régir à se dérober, l' ablatif de la persone. "Alphonse se déroba de lui et se retira à Seville. D' Orléans. "Toutes les chôses qui se dérobent de nous. Mascar. _ Se dérober régit plus régulièrement la prép. à (le datif) des chôses. "Confûse, interdite, elle ne savoit si elle devoit se dérober ou se livrer à cet enchantement. Marm.
   DÉROBÉ, ÉE, adj. Escalier dérobé, qui sert à dégager un apartement, pour y pouvoir entrer, et en pouvoir sortir sans être vu. _ Faire une chôse à ses heures dérobées, dans des momens qu' on ménage, et qu' on prend sur ses ocupations ordinaires. _ En parlant des fèves, dérobé a un autre sens que celui du verbe dérober. _ Il signifie qui est dépouillé de sa robe. "Fèves dérobées, dépouillées de leur première peau.
   À~ LA DÉROBÉE, adv. Furtivement, en cachette. "Ils ne se voient qu' à la dérobée.

DÉROGATION


DÉROGATION, s. f. DÉROGATOIRE, adj. [Déroga-cion, ga-toâ-re; 1re é fer. 4e lon. au 2d.] Dérogation, est l' acte par lequel le Roi déroge à un Édit, à une Loi, et des particuliers, à un contrat, à un testament, etc. Dérogatoire, se dit des claûses par lesquelles on déroge à un acte, à un Édit, etc.

DÉROGEANCE


DÉROGEANCE, s. f. DÉROGEANT, ANTE, adj. [Dérojance, jan, jante; 1re é fer. 3e lon.; l' e devant l' a est muet: il n' est là que pour doner au g un son doux, qu' il n' a pas devant l' a.] Dérogeance, est l' action par laquelle on déroge à noblesse. Dérogeant, qui déroge. Le subst. n' a d' usage qu' en style de Chancellerie. "On l' a mis à la tâille à caûse de sa dérogeance. "Acte dérogeant au premier. Actions dérogeantes à la noblesse, ou, à noblesse. _ Leibnitz lui done le sens de désobligeant. "On ne peut rien tirer de dérogeant à M. Newton de ces paroles, qu' en les empoisonnant. Ce mot n' est pas admis dans ce sens.

DÉROGER


DÉROGER, v. n. [1re et dern. é fer.] 1°. Faire un acte, ou une disposition contraire à un contrat, ou à une loi précédente. "Déroger à une transaction par une aûtre. "Le Roi, par sa Déclaration d' un tel jour, a dérogé à l' Édit d' un tel mois. "Les privilèges dérogent à l' ordre comun. = 2°. Déroger à noblesse, ou simplement, déroger, c' est faire quelque chôse qui, par les Lois du pays, fait déchoir de la noblesse. "Il n' est plus noble; son aïeul, son père a dérogé. _ Il se dit quelquefois au figuré. "La Muse de M. l' Ab. de... eût cru déroger, en décrivant en vers bourgeois le Jardin fruitier et potager, le parterre et le petit bois. Ann. Litt.

DÉROUGIR


DÉROUGIR, v. a. et réc. [1reé fer. Dé-rougi.] Faire perdre, ou perdre la rougeur. "Le grand air l' a dérougi: Cela dérougira, ou se dérougira à l' air. _ Richelet l' emploie neutralement au figuré. "Quand la honte est grande, on ne dérougit pas sitôt. L' Acad. ne done d' exemples que du propre.

DÉROUILLER


DÉROUILLER, v. a. [Dé-rou-glié; 1re et dern. é fer.: mouillez les ll: devant l' e muet, l' ou est long: Il déroûille, il droûillera, etc.] Ôter la rouille de dessus le fer. "Dérouiller des armes. "Le fer se dérouille peu à peu, à force d' être manié. = Au figuré, façoner, polir. "Les bones compagnie dérouillent un jeune homme, lui déroûillent l' esprit. "L' esprit se dérouille dans le comerce du monde.

DÉROULER


DÉROULER, v. act. [Dé-rou-lé; 1re et dern. é fer.] Étendre ce qui était roulé. Dérouler une étofe, une estampe, etc.

DÉROUTE


DÉROUTE, s. f. [De-rou-te; 1reé fer. dern. e muet.] Au propre, fuite des troupes, qui ont été défaites. "C' est dans la déroute que se fait le grand carnage. _ Au figuré, désordre des afaires d' un homme. Ses afaires sont en déroute.
   Rem. 1°. DÉFAITE, DÉROUTE (synon.) Le 2d ajoute au 1er, et désigne une armée qui fuit en désordre, et qui est totalement dissipée. Beauzée. La déroute supôse la défaite; mais elle ne supôse pas toujours une défaite bien grande. La défaite n' est pas toujours suivie de la déroute. "Des terreurs paniques ont souvent produit des déroutes, dans des armées qui non seulement n' étoient pas défaites, mais qui étaient victorieûses.
   2°. On dit, mettre en déroute, être mis en déroute; mais je ne crois pas qu' on dise, se mettre en déroute soi-même: cette expression anonce l' impulsion d' une caûse étrangère. "L' armée marcha à la pointe du jour, et dès qu' elle parut, les énemis se mirent en déroute. D' Avr. _ Se débander, s' enfuir à la débandade, auraient été là le terme propre. = Au reste, mettre en déroute, est une de ces locutions qui ne soufrent point de changement, ni d' addition. "Ils furent mis dans une entière déroute, dit le P. Barre (Hist. d' Allemagne.) Je crois qu' il faut dire, ils furent mis entièrement en déroute.

DÉROUTER


DÉROUTER, v. act. [Dé-rou-té; 1re et dern. é fer.] Au propre, tirer quelqu' un de sa route. "Nous étions dans le chemin, vous nous avez déroutés: nous sommes déroutés: il s' est dérouté en nous déroutant. = Au figuré, rompre les mesûres de quelqu' un. "La mort, ou la disgrâce d' un favori, déroutent toutes ses créatûres. = Déconcerter. "Ce qu' on lui a dit l' a dérouté. Quand on lui a fait cette objection, ou ce reproche, il a paru tout dérouté. "Combien d' Écrivains, qui ne cherchent qu' à dérouter leurs Lecteurs, en dénaturant les questions. Anon. Le sens figuré de cette phrâse aproche du sens propre. "Ils en furent si déroutés, si étourdis, qu' il ne leur resta pas même assez de présence d' esprit pour nous faire la moue. Mariv. "Ah! Ah! la pauvre enfant! la voilà toute déroutée! Th. d' Éduc. "Trouver un Rapporteur et son Secrétaire, tous deux sans maitresses: cet accident doit en effet dérouter l' intrigue. Ibid.
   Rem. Ce verbe n' est pas un terme noble, et déconcerter est plus du beau style. Je ne pense pas qu' on doive aprouver la phrâse suivante de Bossuet. "C' est ainsi que Dieu déroute les hommes.

DERRIER


*DERRIER, pour dernier, est un barbarisme. "Les Bourguignons ignorans, qui veulent quelquefois entreprendre de parler français, disent: Il est venu le derrier, pour, il est venu le dernier. La Monnoie. _ Cette faûte est comune dans d' aûtres Provinces que la Bourgogne.

DERRIERE


DERRIERE, prép. [Dé-riè-re; 1re é fer. 2e è moy. et long; r forte, 3e e muet.] Elle est oposée à devant, et elle marque ce qui est après une chôse, ou une persone. Derrière la maison, derrière la porte; derrière vous, derrière lui, etc. _ Figurément, laisser quelqu' un bien loin derrière, c' est avoir beaucoup d' avantage sur lui. _ Il ne faut pas regarder derrière soi, quand on est dans le bon chemin, il faut avancer toujours, et ne pas retourner sur ses pâs. _ En style proverbial, porte de derrière, échapatoire, faux-fuyant. "On ne sauroit traiter sûrement avec cet homme; il a toujours quelque porte de derrière.
   DERRIèRE, s. m. La partie postérieûre. Le derrière de la maison. "Il est logé sur le derrière. _ Proverbialement, cet homme fait rage des pieds de derrière. Il met tout en usage pour réussir. = Derrière, est aussi cette partie de l' homme qui comprend les fesses et le fondement. _ En style fig. famil., on dit d' un homme, qui ne s' est pas tiré avec honeur de ce qu' il a entrepris, qu' il a montré le derrière.
   Rem. DERRIèRE, est un terme moins malhonête que cul; et les honêtes gens s' en servent de préférence. Au singulier, il a pourtant un sens bâs, quand il est joint aux pronoms possessifs mon, ton, son, leur; mais il n' en est pas de même du pluriel, quand on parle d' une armée. "Cette alliance mettant en sûreté tous ses derrières, lui donnoit lieu de tourner tous ses soins et tous ses efforts du côté de la Macédoine. Rollin. Si cet illustre Écrivain eût dit, mettant en sûreté son derrière, il eût fait rire ses Lecteurs.

DERVIS


DERVIS, s. m. [Quelques-uns écrivent Derviche. L' Acad. les met tous deux.] Espèce de Moine, chez les Turcs.

DES


DES. Il s' écrit sans accent, quand il est article, et avec un accent grâve, dès, quand il est préposition.
   DES, particule, qui tient lieu de la prép. de, et de l' article les: on la met pour de les. "La folie des hommes, la vanité des femmes, etc. _ Pron. devant une consone: dè fame, et dèz, devant une voyelle, ou une h muette: dèz home, l' è fort ouvert. Quelques-uns font cet e muet devant une voyelle: c' est une bien mauvaise prononciation.
   1°. DES est article, ou défini, ou indéfini. Si c' est le 1er, il est au génitif, quand il est régi par des noms; ou à l' ablatif, quand il est régi par des verbes. "L' étude des Belles-Lettres: Comblé des biens de ce monde. _ Quand il est article indéfini, il est au nominatif. ou à l' acusatif. "Des hommes savans ont dit, etc. J' ai vu des chôses admirables.
   2°. DE, ou DES, paraissent également bons en certains endroits; comme lettres pleines de marques, ou des marques de, etc.: mais il faut observer qu' on doit mettre de, quand la chôse est indéterminée, et des, quand elle est déterminée. Ainsi, l' on doit dire, des lettres pleines de marques d' amitié, et pleines des marques de son amitié, etc.; et ainsi des aûtres semblables.
   DÉS, est aussi une préposition inséparable de certains mots, qui leur done une signification contraire à celle qu' ils ont, étant simples; comme, désavantage, déshériter, etc. Dés a l' é fermé, et non pas muet: il le faut marquer d' un accent aigu.
   DèS, prép. de temps et de lieu [, et devant une voyelle, ou une h muette, dèz, ê ouv. _ On écrivait aûtrefois dez, mais le z désigne l' é fer.: cette ortographe induit à une mauvaise prononciation.] Depuis. "Dès l' enfance, dès le point du jour; dès Orléans, dès sa source, etc.
   Rem. 1°. Dès peut s' unir avec avant, ou après, qui sont aussi des prépositions de temps. "Dès avant le sacrifice. Boss. "Dès après la Messe: d' abord vaut pourtant mieux, sur-tout avec le dernier. _ L' Auteur des Réflexions, etc., remarque que quelques persones faisaient dificulté de se servir de dès avant, mais que de bons Auteurs s' en sont servi, et qu' il a d' ailleurs quelquefois plus de force qu' avant. "Vous voulez que je prie pour vous: je le faisois dès avant que vous me l' eussiez demandé. Let. de St. Aug. _ Mais avec le régime de l' infinitif, dès avant a quelque chôse de sauvage. "Il l' avoit déclaré son successeur, dès avant d' entreprendre l' expédition qu' il fit contre l' Angleterre. (Hist. d' Angl.) Même avant d' entreprendre, etc., serait plus régulier.
   Dès auparavant, est bon quand il est adverbe; il ne vaut rien quand il est préposition. On dit bien, il l' avait prédit dès auparavant: mais c' est mal parler que de dire, comme Mde de B... "Il étoit résolu, dès auparavant la mort de Harold, de recouvrer par les armes ce qu' il avoit perdu. Hist. d' Angl. Voy. AUPARAVANT.
   Dès à présent, dès maintenant, sont d' un usage plus comun, et à présent, maintenant, sont les adverbes avec lesquels dès aime mieux à s' associer.
   2°. Dès que, conjonction, sert aussi à désigner le temps. "Dès qu' il fut venu. _ Il a aussi quelquefois le sens de puisque: Dès que vous le voulez, je le ferai. On dit aussi, mais seulement dans le discours familier, dès là que, dans le même sens.
   3°. Dès là (à caûse de cela,) est vieux et inusité. "Sarmates, peuples qui ne savoient combattre qu' à cheval, et dès là, étoient peu propres à soutenir un siège. P. Barre, Hist. d' Allem. "Il n' est pas davantage en usage pour dès-lors. "Ceux qui ont embrassé le Christianisme dans les Castes les plus nobles, comme celle des Brames, sont dès-là (dès-lors) en butte aux plus indignes traitemens. Let. Édif.
   4°. Quoique dès ait beaucoup de raport avec depuis pour le sens, il ne peut pas toujours le remplacer. Dès long-temps, pour depuis long-temps, m' a toujours fait de la peine, soit en prôse, soit en vers. "Le Cardinal de Lorraine, dès long-temps avoit médité en lui-même de proposer, etc. "Peuple, dont les débordemens auroient dès long-temps englouti l' Europe, si, etc. Thomas, parlant des Turcs. _ M. Linguet a dit aussi: dès long--temps, dans le Siècle d' Alexandre, 2e édit. pag. 188. _ Racine a dit, plus anciènement:
   Vous me donnez des noms qui doivent me surprendre;
   Et les Dieux, dès long-temps contre moi déchaînés,
   À~ mon orgueil encor, les avoient épargnés.
       Iphigénie.
On peut passer cette licence aux Poètes génés par la mesure: mais en prôse, je crois qu' il faut dire, depuis long-temps.
   5°. Je pense aussi que dès n' est bon qu' avec les temps suivans des verbes; l' imparfait, le prétérit, et le plus que parfait. "Il était à Paris; il avait quité ce poste; il vint ici; il s' en retourna; il s' en est alé dès l' année, etc. Au présent, on doit se servir de depuis. Dans l' Hist. du Parlement de Paris, par voltaire, on lit cette note. "Maillezais, Évêché qui n' existe plus, et qui est transféré à la Rochelle dès l' année 1649. Il falait dire, ce me semble, qui a été transféré dès l' année, ou, qui est transféré~ depuis l' année 1649.

DÉSABUSEMENT


DÉSABUSEMENT, s. m. DÉSABUSER, v. act. [Dézabûseman, dézabuzé; 1re é fer. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] _ Devant l' e muet l' u est long; il désabûse, il désabûsera.] Désabuser, c' est détromper de quelque fausse croyance. "Vous êtes dans l' erreur, je veux vous désabuser. "Je suis bien désabusé de cet homme, j' en suis désabusé, j' ai perdu l' estime, la confiance que j' avois mal-à-propos pour lui. "Désabusez-vous, on ne se moque pas de Dieu impunément.
   DÉSABûSEMENT est l' action de désabuser. L' Ab. Regnier des Marais et M. De Bussi-Rabutin ont employé ce mot, mais il n' a pas fait fortune. Le P. Bouhours pensait qu' il serait à souhaiter que l' usage l' eût établi. Il serait en éfet utile en bien des ocasions. L' Acad. ne l' avait pas dabord mis dans son Dictionaire. Elle l' a inséré dans la dern. édit. sans remarque; cependant ce mot n' est~ pas plus usité aujourd'hui qu' il ne l' était à la naissance du Dictionaire Académique.

DÉSACORDER


DÉSACORDER, v. a. [Dézakordé; 1re et dern. é fer.] Détruire l' acord des cordes d' un instrument de Musique. "Vous avez désacordé mon clavecin.

DÉSACOUPLER


DÉSACOUPLER, v. a. [déza-kou-plé; 1re et dern. é fer.] Détacher des chôses acouplées. "Désacoupler du linge.

DÉSACOUTUMANCE


*DÉSACOUTUMANCE, s. f. DÉSACOUTUMER, v. act. [Déza-kou-tumance~, ; 1reé fer. 5e long. au 1er.] Désacoutumance est dans Nicot et dans Pomey. Il est vieux, et c'~ est~ domage. Il vaudrait mieux que désuétude, qui ne fait que de naître, et qui n' a pas un sens si étendu. Voy. DÉSUÉTUDE. _ Désacoutumer, c' est faire perdre une coutume, une habitude. Il régit de devant les noms et les verbes. "Il faut désacoutumer de bone heure les enfans de l' indocilité, d' être opiniâtres, etc. "Il se désacoutume du jeu, de jouer. "Les Troupes étoient désacoutumées des manoeuvres de la guerre. Hist. des Tud. "Vous êtes donc désacoutumée de philosopher, mais non pas de raisoner. SÉV.

DÉSACHALANDER


DÉSACHALANDER, v. act. Faire perdre les chalands, les pratiques. "Ce mauvais bruit a désachalandé ce Marchand; désachalanda sa boutique.

DÉSAFOURCHER


DÉSAFOURCHER, v. act. [Déza-four--ché; 1re et dern. é fer.] Terme de Marine. Lever l' ancre d' afourche.

DÉSAFFECTION


*DÉSAFFECTION, s. f. [Désafèk-cion: 1re é fer. 3e è moy.] Néologisme tout récent. "La couardise, l' ignorance, la désaffection à la Patrie éclatèrent de toute part. Anon. L' Auteur devait dire, du moins, la désaffection pour la Patrie.

DÉSAGENCER


*DÉSAGENCER, v. act. Trév.Rich. Port. C' est le contraire d' agencer. _ L' Acad. ne le met pas.

DÉSAGRÉABLE


DÉSAGRÉABLE, adj. DÉSAGRÉABLEMENT, adv. DÉSAGRÉER, v. neut. et act. [Dézagré-able, ableman, gré-é; 1re et 3eé fer.] Désagréable, qui déplait. désagréablement, d' une manière désagréable. Persone, figure, humeur, discours, compliment désagréable. "Parler, rire, etc. désagréablement. "Séjour désagréable; il est désagréablement en ce lieu-là.
   Rem. Avec le v. être, il régit à ou de, suivant que ce verbe n' est pas ou est employé comme impersonel. "Cela est désagréable à voir, à entendre: il est désagréable de le voir triompher, de l' entendre se vanter, etc. _ L' Ab. Laugier l' emploie substantivement. "Combien d' édifices, où les Architectes ont le champ très-libre, et où leurs plans donent non seulement dans le trivial, et le comun, mais dans l' incomode et le désagréable.
   DÉSAGRÉER a deux sens, qui n' ont aucun raport l' un avec l' aûtre: 1°. V. n. Déplaire. "Cela ne me désagrée pas. "Ces façons de faire lui désagréent fort. Il ne se dit guère des persones comme sujet de la phrâse. On ne dit point cet homme, cette femme me désagrée: on doit dire, me déplaît. = 2°. V. act. Terme de Marine, désagréer un vaisseau, lui ôter les agrès. On dit aussi dégréer.

DÉSAGRÉMENT


DÉSAGRÉMENT, s. m. [Dézagréman; 1re et 3e é fer.] Chôse désagréable, sujet de chagrin, d' ennui, de dégoût. "C' est un grand désagrément que de parler à des gens qui n' écoutent pas. "Il a eu un grand désagrément, de grands désagrémens, beaucoup de désagrémens. _ Suivant l' Acad. Il se dit aussi des défauts de la persone. "Elle a quelque désagrément dans le visage. Cette marque à la joue est un grand désagrément.

DÉSAJUSTER


DÉSAJUSTER, v. a. [Dézajus-té: 1re et dern. é fer.] Faire qu' une chôse ne soit plus dans l' ordre et la justesse où elle était. "Le vent a désajusté la coifûre de cette Dame. _ Figurément: "Les afaires étaient près d' être conclues, un accident imprévu a tout désajusté. _ Cheval désajusté, qui ne fait plus le manège avec la même justesse.

DÉSALIER


*DÉSALIER, (SE) v. réc. C' est un mot de l' Ami des Hommes. Il désigne le mariage ou l' aliance de deux persones, qui, par leur état, leurs moeurs (ou leurs préjugés) ne se conviènent point, quoiqu' il n' y ait point entr' elles cette disproportion de naissance, de conditions, selon laquelle on se mésalie. "Un homme de Cour et une fille de robe se désalient sans se mésalier. Voy. Synon. de M. l' Ab. ROUBAUD.

DÉSALTÉRER


DÉSALTÉRER, v. act. [Dézaltéré; 1re, 3e et dern. é fer.] Ôter la soif. "Le vin mélé avec de l' eau désaltère mieux que l' eau toute pûre. _ Le régime est sous-entendu; désaltère celui qui le boit. = Figurément. "Il chantoit les délicieuses nuits de l' Été, où les zéphirs rafraîchissent les hommes, et où la rosée désaltère la Nature. Télém.

DÉSANCRER


DÉSANCRER, v. n. Lever l' ancre.

DÉSAPOINTER


*DÉSAPOINTER, v. act. Ôter du rôle des Officiers, des Soldats. Il est vieux.

DÉSAPAREILLER


DÉSAPAREILLER, v. act. On dit plus ordinairement dépareiller. Voy. ce mot.

DÉSAPÉTISSER


*DÉSAPÉTISSER, v. act. [Dézapéticé; 3e et dern. é fer.] Faire perdre l' apétit. Ce mot est de peu d' usage. Trév. Peu usité. Rich. Port. _ L' Acad. ne le met pas.

DÉSAPPROBATEUR


*DÉSAPPROBATEUR, s. m. Qui désaproûve. Ce mot est de Montesquieu: "Je n' ai point naturellement l' esprit désaprobateur. "Vous refusez du ton le plus désaprobateur. La Baumelle. _ On l' a aussi employé dans les Afiches de Province. "Il eut un grand nombre de désaprobateurs. Ce mot manque à la langue. Censeur, critique ne le supléent pas.

DÉSAPPROBATION


*DÉSAPPROBATION, s. f. Autre néologisme moins heureux et moins utile. On a improbation, qui a le même sens. "L' on a remarqué que, d' un bout à l' autre, rien n' avoit excité la plus légère désapprobation de la part des spectateurs. Afiches de Prov.

DÉSAPRENDRE


DÉSAPRENDRE, v. a. [Dézaprandre; 1re é fer. 3e lon. dern. e muet.] Oublier ce qu' on avait apris. "Il a désapris tout ce qu' il savait.

DÉSAPROPRIATION


DÉSAPROPRIATION, s. f. DÉSAPROPRIER, (se) v. réc. [Dézapropri-a-tion, pri-é; 1re é fer.] Ces mots sont plus usités chez les Ascétiques et dans les Livres de spiritualité, que dans le discours ordinaire. "Une entière désapropriation de soi-même. "Se désaproprier de tout.

DÉSAPROUVER


DÉSAPROUVER, v. act. [Dézaprou-vé; 1re et dern. é fer. _ Devant l' e muet, l' ou est long: il désaproûve, desaproûvera, etc.] Blâmer, trouver mauvais. "Tout le monde désaproûve sa conduite. "Cette action est désaproûvée de tout le monde.
   DÉSAPROUVER, improuver, réprouver, (synon.) Le premier signifie simplement, ne pas aprouver; le second, blâmer, condamner; le troisième, proscrire. "On désaprouve ce qui n' est pas bon: on improuve ce qu' on trouve mauvais: on réprouve ce qu' on juge odieux, détestable. Extr. des Synon. de M. l' Ab. ROUBAUD.

DÉSARBORER


*DÉSARBORER, v. act. Richelet. Abatre le Pavillon. Ce mot est hors d' usage. "Cette flotte étoit sur le fer toute désarmée et désarborée. D' Avr.

DÉSARÇONER


DÉSARÇONER, v. act. [Dézar-soné; 1re et dern. é fer.] Mettre hors des arçons. "En sautant, le cheval l' a désarçoné. _ Figurément et familièrement, mettre quelqu' un hors d' état de répondre aux objections qu' on lui fait. "Il désarçona bientôt son adversaire.

DÉSARGENTER


DÉSARGENTER, v. a. [Dézarjanté; 1re é fer. 3e lon. dern. é fer.] Ôter l' argent d' une chôse, qui était argentée. "Le feu a désargenté ces flambeaux. Ils sont entièrement désargentés. _ En style proverbial, désargenter quelqu' un, le dégarnir d' argent.

DÉSARMEMENT


DÉSARMEMENT, s. m. DÉSARMER, v. act. et neut. [Dézarmeman, dézarmé; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] 1°. Désarmer, actif, Ôter les armes. "Le Gouverneur a désarmé les Bourgeois. "En se batant contre lui, il le désarma. = 2°. V. n. Congédier les troupes, cesser de faire la guerre. "Tous les Princes ont désarmé. = 3°. En termes de Marine, désarmer un vaisseau; ou absolument, désarmer; c' est dégarnir un vaisseau de l' artillerie, de l' équipage, des agrès. = 4°. Figurément: "Désarmer la colère, la vengeance; se laisser désarmer par les soumissions d' un aûtre. _ En ce sens, il n' a que le régime direct. * Le P. Rapin lui done la prép. de pour 2d régime. "Il désarme le Juge de sa colère, et lui en done quand il lui plait. On dirait aujourd'hui: il désarme le Juge, et l' irrite quand il lui plait. On n' aimerait pas ces expressions, désarmer de la colère, doner de la colère.
   DÉSARMEMENT, a le 2d et le 3e sens de désarmer. Licenciement des troupes. Action de désarmer un vaisseau.

DÉSâRROI


DÉSâRROI, s. m. [Dézâ-roa; 1re é fer. 2e lon. r f.] Désordre dans les afaires. "Il est en désârroi. "Ses affaires sont dans un grand désârroi.

DÉSASSEMBLER


DÉSASSEMBLER, v. act. [Déza-sanblé; 1re et dern. é fer. 3e lon.] Séparer ce qui était joint par assemblage, en parlant des pièces de charpente et de menuiserie. "Il faut désassembler ces tablettes pour pouvoir les transporter. _ Figurément: "Ne craignons pas d' ataquer cette seconde partie de son Roman: Désassemblons les pièces qui le composent Tronchet. "La grandeur de Charles V n' étoit qu' un composé de plusieurs hasards; et qui désassemblerait toutes les pièces dont elle étoit formée, vous le feroit voir bien clairement. Fontenelle.

DÉSASSIÉGER


*DÉSASSIÉGER. Verbe hors de tout usage.

DÉSASSORTIR


DÉSASSORTIR, v. act. [Déza-sorti; 1re é fer.] Ôter ou déplacer quelqu' une des chôses, qui avaient été assorties. Désassortir des porcelaines, des meubles, des livres.

DÉSASSORTISSEMENT


*DÉSASSORTISSEMENT, s. m. Mot forgé par Mde de Sévigné "La barbe faite avec de grosses bottes crotées, est un désassortissement tout a fait ridicule. _ On dit Assortiment. Ainsi, à employer son contraire, il faudrait dire désassortiment. Les Dictionaires ne mettent ni l' un ni l' aûtre.

DÉSASTRE


DÉSASTRE, s. m. DÉSASTREUX, EûSE, adj. *DÉSASTREûSEMENT, adv. [Dézas--tre, treû, treûze, zeman; 1re é fer. 3e lon. aux trois derniers.] Désastre, Accident funeste, malheur. Désastreux, Funeste, malheureux. Désastreûsement, d' une manière désastreûse. "C' est un grand désastre pour cette famille, pour ce pays. "Évènement désastreux, guerre désastreûse.
   Rem. 1°. Trév. en 1704, traitait désastreux de vieux mot. On l' a rajeuni. Suivant l' Académie, il n' a d' usage que dans la poésie et dans le style soutenu. Mais elle n' a pas consulté le goût moderne. Cet adjectif est fort à la mode, et embellit fort le jargon précieux. On l' emploie moins dans son acception ordinaire que dans le sens de mauvais, détestable, etc. quel chant désastreux, quelle musique désastreûse! "Il chante, il écrit désastreûsement. Cet adverbe est un néologisme qui contribue à enrichir la langue, ou plutôt le langage des petites maîtresses.
   2°. DÉSASTREUX ne se dit point des persones. Il a le sens actif, et non pas passif. Il se dit des chôses qui produisent les malheurs, et non pas des hommes qui les éprouvent. *"L' Auteur (J. J. Rouss.) toujours ami du merveilleux et de la singularité, fait partir le désastreux Époux à pied et sans argent. Journ. de Mons. sur le Suplément à l' Emile.

DÉSAVANTAGE


DÉSAVANTAGE, subs. masc. DÉSAVANTAGER, verbe. actif. [Dézavantaje, dézavantagé; première é fer. troisième lon. dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Désavantage est, 1°. Infériorité en quelque genre que ce soit, dans le combat, la dispute, etc. Il se dit des persones et des chôses. En râse campagne, l' Infanterie a bien du désavantage contre la Cavalerie. Prendre quelqu' un à son désavantage. Le désavantage du poste, des armes, du vent. = 2°. Préjudice, domage. Il a eu du désavantage dans cette afaire. _ En ce sens, il se dit le plus souvent, adverbialement, au désavantage de... à son désavantage. "Ne faites rien au désavantage de la société; qu' il ne se passe rien à son désavantage.
   DÉSAVANTAGER, c' est causer de la perte, en privant quelqu' un de ce qu' il pouvait espérer. Il est dans Trév. et dans le Rich. Port. L' Acad. ne le met pas. Suivant le Dict. de Trév. il ne se dit que d' un père qui désavantage ses aûtres enfans pour un aîné, par exemple, ou tout autre, qu' il préfère et qu' il fait son héritier, ne laissant aux aûtres que ce qu' il ne peut leur ôter. En ce sens, ce mot est usité, et il est utile; mais il n' a pas d' aûtre usage.

DÉSAVANTAGEUX


DÉSAVANTAGEUX, EûSE, adj. DÉSAVANTAGEûSEMENT, adv. [Dézavantageû, geû-ze, geû-zeman; 1re é fer. 3e et 5e lon. 6e e muet.] Qui caûse, ou qui peut causer du préjudice, du domage, du désavantage. "Mariage désavantageux, situation désavantageûse. "Discours désavantageux au prochain, à sa réputation. _ Parler désavantageûsement de quelqu' un: se marier, se poster désavantageûsement, d' une manière désavantageûse.

DÉSAVEU


DÉSAVEU, s. m. DÉSAVOUER, v. a. [Déza-veu, vou-é; 1re é fer. Devant l' e muet, l' ou est long; il désavoûe: dans le futur et le conditionel, l' e est tellement muet, qu' il ne s' y fait pas sentir, il désavouera, désavouerait. Pron. Dézavoûra, voûrè, en 4 syllabes. Les Poètes font bien d' écrire, désavoûra, etc. sans e.] Désavouer, c' est, 1°. nier d' avoir dit ou fait quelque chôse. Désaveu, est l' action ou l' acte par lequel on désavoûe. "Il le désavoûe, il en a fait le désaveu. = 2°. Ne vouloir pas reconaitre une chôse pour sienne. Désavouer son seing, un Livre qu' on nous atribûe, etc. Désavouer quelqu' un pour son parent. = 3°. Avec les persones, pour régime; déclarer qu' on n' a pas doné ordre. Désavouer un Ambassadeur, un Procureur, un Comissionaire, etc.
   REM. Désavouer, dans le 1er sens, régit que, et l' indicatif ou le subjonctif. "Je ne désavoue pas que j' en ai été fâché: je ne désavoue pas que je n' en aye été fâché. Ces deux phrâses sont de l' Acad. _ Je crois qu' on pourrait dire aussi dans une phrâse afirmative: Je désavoue que j' en aye été fâché, en employant le subjonctif, comme on l' emploie avec le verbe nier. _ On peut aussi se servir de la prép. de et de l' infinitif. "Le Comte d' Eu désavoua d' avoir eu part à la conjuration. Hist. d' Angl.

DÉSAVEUGLER


DÉSAVEUGLER, v. a. [Dézaveuglé; 1re et dern. é fer.] C' est un mot de Port-Royal: "La grâce désaveugle les pécheurs. L' Acad. ne l' avait pas dabord admis dans son Dict. Elle l' a inséré dans la dern. édit. avec cette remarque, qu' il ne se dit qu' au fig. Je crois que dans ce style même, peu de persones s' en servent.

DESCELLER


DESCELLER, v. a. [Dés-célé; trois é fer. Devant l' e muet, le 2d. e est moy. Il descelle, descellera, ou descèle, descèlera.] Détacher ce qui est scellé en plâtre. "Il faut desceller ces gonds.

DESCENDANCE


DESCENDANCE, s. f. DESCENDANT, ANTE, adj. [Dé-sandance, dan, dante; 1re é fer. 2e et 3e lon. 4e e muet.] Descendance, ne se dit qu' au figuré pour extraction. Il se dit de telle race, mais il ne prouve pas bien sa descendance. _ Descendant, qui est issu. Les descendans d' Abraham, de St. Louis. On ne l' emploie point au singulier. On ne dit point un descendant de moi, un des descendans de, etc. En termes de Généalogie, la ligne ascendante se dit des Ancêtres, la ligne descendante, de la postérité de quelqu' un. _ En Anatomie et en Astronomie, Descendant se dit au propre: l' aorte descendante, qui descend; les signes descendans, par lesquels le Soleil parait descendre.
   REM. 1°. M. Moreau emploie descendance pour descendans. "Il n' existoit plus de cette famille que la descendance de Clovis. "Les Lois de la Monarchie assuroient la Couronne à la descendance de Clovis. _ Ce mot n' a pas cette signification, suivant l' usage.
   2°. Mde. de B... et M. Linguet emploient substantivement le féminin descendante, l' une au sing. l' aûtre au plur. ce qui est également contre l' usage actuel. "S' il vouloit la reconoitre comme seule descendante du Roi.... Comme seule descendante de Henri. Hist. d' Angl. "Ce qui restera des revenus sera consacré à faire des pensions aux aûtres veûves, ou descendantes des Militaires.
   3°. Descendant, peut-il se dire de celui qui ne tient à un homme que par la ligne collatérale? Je ne le crois pas. M. Royou, en parlant du Duc de Niv.... "Un descendant de cet habile Négociateur (le Cardinal Mazarin) qui a hérité de ses talens et de ses vertus, sans qu' on puisse lui reprocher aucun des défauts de son ancêtre. _ Ni ancêtre, ni descendant ne se disent au singulier, et ils paraissent impropres en parlant d' un arrière petit-neveu et d' un arrière grand-oncle, et qui ne l' était que du côté des femmes.

DESCENDRE


DESCENDRE, v. n. [Dé-san-dre; 1reé fer. 2e lon. 3e e muet.] Quelques Écrivains ont écrit autrefois décendre, décente.
   REM. Descendre et monter prènent l' auxil. avoir, quand ils sont actifs, et qu' ils ont un régime absolu. "Il a monté, il a descendu les degrés; et ils prènent l' auxil. être quand ils sont neutres. Il est monté, il est descendu. _ Th. Corneille, d' après Ménage, done des exemples de descendre et de monter, neutres, avec l' auxil. avoir. "Elle a monté dans sa chambre; cet Écolier a monté en Troisième; j' ai monté à cheval, etc. etc. Mais ces Messieurs ne citent point d' Auteurs. Fontenelle dit aussi: "Tout de bon, ne pouviez-vous plus rire, quand vous eutes descendu dans l' antre de Trophonius? Mais Fontenelle était, pour les verbes neutres, sujet à des distractions; témoin l' anecdote racontée au mot tomber. Tenons-nous-en à la distinction de Restaut. Disons: elle est montée, je suis monté, lorsque vous fûtes descendu, etc. M. Targe a dit tout récemment: ayant, pour étant descendu en Irlande. L' Acad. met aussi cette phrâse: on dit que la Justice a descendu en un lieu, quand, etc. Mais c' est du style du Palais, qui est souvent l' antipode du discours ordinaire.
   DESCENDRE, c' est, 1°. se mouvoir de haut en bâs. Descendre d' une montagne dans la plaine, du second étage au premier. "Les rivières descendent. = 2°. Pendre. "Ses cheveux lui descendent jusqu' à la ceintûre. _ V. a. Descendre une montagne, les degrés: "Les bateaux descendent la rivière, etc. Descendre, transporter en bâs, descendre du vin à la câve, descendre un homme de cheval. = 3°. Figurément, être issu de.... Nos Rois descendent de St. Louis. _ Déchoir d' un rang. "Quand on est parvenu à un poste si élevé, il est triste de descendre, on doit craindre de descendre.
   Descendre est beau au figuré, dans le st. élevé
   Vos bienfaits ont daigné descendre jusqu' moi.
       Rouss.
  Et l' inocence enfin, peu faite à suplier,
  Ne descend pas au soin de se justifier.
  DESCENDU, participe. Bossuet lui done le sens de dérivé. "Le mot servus est descendu du mot servare, conserver. Il n' est pas usité en ce sens.

DESCENSION


*DESCENSION, s. f. Les Aérostats ont ocasioné ce néologisme. "Il nous a été aisé de déterminer notre descension; Alban et Vallet. Ascension est un mot ancien dans la Langue: Descension est un mot nouveau, et peu nécessaire, puisqu' on a le mot de descente, qui exprime la même chôse. "Nos moyens de descension et d' ascension: ici ce mot parait plus utile; à force d' être répété, il passera peut-être comme un terme de navigation aériène.

DESCENTE


DESCENTE, s. f. [Dé-sante; 1reé fer. 2e lon. 3e e muet.] 1°. Action de descendre. "La descente du St. Esprit sur les Apôtres. = 2°. Penchant par lequel on descend. "La descente de cette montagne est fort rude.
   À~ la descente de... adv. "Il ala l' embrasser à la descente du carrosse.
   3°. Descente, visite d' un lieu où l' on se transporte par autorité de Justice. On a fait une descente sur les lieux. = 4°. Hernie, ruptûre. "Il lui est survenu une descente: il est mort d' une descente.

DESCRIPTEUR


*DESCRIPTEUR, s. m. DESCRIPTION, s. f. *DESCRIPTIF, IVE, adj. [Dès-krip-teur, cion, en vers ci-on, tif, tîve; 1re è moy. 3e lon. au dern.] Description, est un discours par lequel on décrit, on dépeint. Descripteur, celui qui décrit. Descriptif, qui apartient à la description. "La description d' une tempête, d' une bataille, etc. "Les anciens Poètes étoient de grands descripteurs: "Ils sont de grands modèles du genre descriptif.
   REM. Descripteur et Descriptif sont deux néologismes. M. Mercier parait Auteur du premier. "Les moeurs de l' Iliade contredisent à chaque instant le génie descripteur du Poète. "Les Poètes anciens, quoique grands descripteurs, ne nous ont point représenté les modes de ces temps éloignés avec assez de vérité pour que nous puissions nous en former une juste idée. _ M. l' Abé Grosier a été un des premiers à employer l' adjectif descriptif. "Horace n' a pas voulu saisir ce morceau (l' Histoire d' Europe) du côté descriptif. "Ne pouvant suivre la marche du Poète Latin (Ovide dans ses Fast.) laquelle lui a fourni des mouvemens variés et des situations dramatiques, il a fallu que son Imitateur (M. Le Mierre) se bornât au ton descriptif, qui ne peut être long-temps suportable. _ Depuis quelque temps, à l' ocasion des Poètes Allemands, on parle beaucoup du genre descriptif, genre bien fatigant et bien ennuyeux, à mon avis.

DÉSEMBALLER


DÉSEMBALLER, v. a. [Dé-zanbalé: 1re et dern. é fer. 2e lon.] Défaire une balle, en tirer ce qui y avait été emballé. Désemballer des marchandises.

DÉSEMBARQUEMENT


DÉSEMBARQUEMENT, s. m. DÉSEMBARQUER, v. a. [Dézanbarkeman, Dézan--barké: 1re é fer. 2e lon. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Désembarquer, c' est tirer d' un vaisseau les marchandises qu' on y avait embarquées. Désembarquement, est l' action à désembarquer. "Il falut désembarquer des marchandises: Le désembarquement fut long et dispendieux.

DÉSEMBOURBER


DÉSEMBOURBER, v. a. [Dézanbour--bé: 1re et dern. é fer. 2e lon.] Tirer hors de la bourbe. "On a eu bien de la peine à désembourber ce carrosse, ce cheval.

DÉSEMPARER


DÉSEMPARER, v. a. et n. [Dézanparé; 1re et dern. é fer. 2e lon.] 1°. Abandonner. Quiter. Désemparer la ville, le camp. "Il ne désemparoit pas la porte de ma chambre. Lett. Edif. = Il est plus souvent neutre, ou sans régime; les énemis désemparèrent, se retirèrent. "Les Habitans ont désemparé à l' aproche des gens de guerre; ou avec la prép. de. "Je n' ai point désemparé de la ville. "Nous ne désemparons point d' ici, que, Pénélope n' ait doné la main à celui qui lui sera le plus agréable. Mde. Dacier, Odysée.
   2°. En termes de Marine, désemparer un vaisseau, c' est le mettre en désordre, le démâter, ruiner ses manoeuvres. "Il eut bientôt désemparé le vaisseau énemi. "On compta cinq vaisseaux coulés à fond, quatre pris, et six désemparés.

DÉSEMPLIR


DÉSEMPLIR, v. a. et n. [Dézanpli; 1re é fer. 2e lon.] Vider ce qui est plein. "Désemplir un cofre, un toneau: "On l' a saigné, pour désemplir les veines. = V. n. Il ne s' emploie qu' avec la négative, et régit la prép. de: "Sa maison ne désemplit point de Joueurs, sa cour de carrosses. _ V. réc. "Ce canal se désemplit tous les jours: bientôt il n' y aura plus d' eau. "La bourse se désemplit.

DÉSENCHANTEMENT


DÉSENCHANTEMENT, s. m. DÉSENCHANTER~, v. a. [Dézanchanteman, : 1re é fer. 2e et 3e long, 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Désenchanter, rompre l' enchantement, le faire finir. Désenchantement, action de désenchanter. Il est peu usité au propre. _ Au figuré, guérir d' une passion. "On aura de la peine à désenchanter ce jeune homme: il est trop épris.
   Rem. Suivant l' Auteur des Réflexions, c' est un terme agréable, dont on se sert sans scrupule. "Il a désenchanté la Cour, et désabusé la Ville. Ce terme pouvait être à la mode dans ce temps-là (vers la fin du siècle passé) Aujourd'hui il est peu usité, et l' on ne se sert guère que de désabuser, dans ce sens de détromper. = Désenchanter, peut pourtant être encore bon dans le style comique ou critique. "Un terrible coup de siflet désenchante l' Auteur, les enthousiastes, et les Comédiens. Ann. Litt. _ M. l' Abé De Lille l' a employé dans le sérieux et au propre.
   Et l' esprit inquiet désenchante les yeux.
Là, désabuser ne vaudrait rien. Dailleurs, désenchanter est plus énergique; il fait image.

DÉSENCLOUER


DÉSENCLOUER, v. a. [Dêzan-klou-é; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Tirer un clou. Désenclouer un cheval, lui ôter un clou, qui le faisait boiter. Désenclouer un canon, ôter le clou, qui avait été enfoncé dans la lumière.

DÉSENFLER


DÉSENFLER, v. a. n: et réc. [Dézan--flé; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Ôter l' enflûre. Désenfler un ballon. "Son brâs desenfle, se désenfle, est désenflé.

DÉSENFLûRE


DÉSENFLûRE, s. f. [Dézanflûre; 1re é fer. 2e et 3e lon. dern. e muet.] Cessation d' enflûre. "Il est désenflé, mais la désenflûre n' est pas parfaite.

DÉSENNIVRER


DÉSENNIVRER, v. a. [Désanivré; 1re et dern. é fer. _ On écrit désenivrer, et désennuyer: c' est une inconséquence. La raison est la même, pour doner à ces deux mots la même ortographe. Voyez Ennivrer.] Faire passer l' ivresse. "Le sommeil l' a désennivré. _ Il est neutre dans cette phrâse. "Il ne désennivre point. "Cette marche si désordonée et si dissolûe, (d' Alexandre) dura sept jours, pendant lesquels l' Armée ne désennivra point. Rollin. _ L' expression me parait un peu bâsse pour une histoire sérieûse.
   Rem. On a dit autrefois, désivrer. _ Ennivrer se dit au propre et au figuré: Désennivrer ne se dit qu' au propre.

DÉSENNUYER


DÉSENNUYER, v. a. [Dézanuïé: 1re et der. é fer. On ne prononce qu' une n; la 1re n' est là que pour doner à l' e son de l' a; la 2de s' unit avec l' u qui la suit. À~ l' imparfait de l' indicatif et au présent du subjonctif, il faut écrire et prononcer: nous désennuyions, vous désennuyiez, pour le distinguer du présent de l' indicatif, nous désennuyons, vous désennuyez. Peu de persones, même parmi les plus habiles, font cette distinction, qui est très raisonable.] Divertir. Chasser l' ennui. "En désennuyant les aûtres, il se désennuye lui-même.

DÉSENRAYER


DÉSENRAYER, v. a. et n. [Dézan--ré-ié; 1re 3e et dern. é fer. 2e lon.] Ôter la corde ou la chaîne qui empêche que la roûe ne tourne. "Désenrayer la roûe, ou, neutralement, désenrayer.

DÉSENRHUMER


DÉSENRHUMER, v. a. [dézanrumé: 1re et dern. é fer. 2e lon.] Ôter le rhûme. "Ce sirop m' a désenrhumé. "Il s' est désenrhumé, il est désenrhumé.

DÉSENROUER


DÉSENROUER, v. a. [Dézanrou-é; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Ôter l' enrouement. "Le sirop de meure l' a désenroué. _ Neutralement: "L' eau fraîche désenroûe; on sous-entend, ceux qui sont enroués. "À~ force de crier, il s' est désenroué.

DÉSENSEVELIR


DÉSENSEVELIR, v. a. [Dézanseveli; 1re é fer. 2e lon. 3e et 4e e muet.] Ôter le linge, la toile qui ensevelissait un mort. "On l' a désenseveli, pour l' embaumer.

DÉSENSORCELER


DÉSENSORCELER, v. a. DÉSENSORCELLEMENT, s. m. [Dézansorcelé, cele--man; 1reé fer. 2e lon. 4e e muet au 1er, è moy. au 2d. 5e é fer. au 1er, e muet au 2d.] C' est la même chôse que désenchanter, désenchantement. Il se dit plus au figuré, qu' au propre. "On ne peut le désensorceler de cette femme.

DÉSENTêTER


DÉSENTêTER, v. a. [Dézantêté; 1re et dern. é fer. 2e lon. 3eê ouv. et long.] Faire cesser l' entêtement. _ Ce mot était nouveau du temps du P. Bouhours, et il plaisait à beaucoup de gens: cependant, quelques persones pensaient qu' on ne devait pas s' en servir dans le style sublime (il veut dire, élevé.) Aujourd'hui il est peu usité, et parait même rârement dans la conversation. L' Acad. l' a admis dans son Dictionaire, et sans remarque. Il est plus d' usage au passif et au réciproque qu' à l' actif. "Il est désentêté de la chasse. "J' espère qu' il se désentêtera bientôt de cette femme. "Il ne peut se désentêter de cette opinion. On voit, par ces exemples, qu' il régit la prép. de (l' ablatif.)

DÉSERT


DÉSERT, ERTE, adj. DÉSERT, s. m. [Dézêr, zêrte, zêr; 1re é fer. 2e ê ouv. 3e e muet.] Désert, se dit de ce qui est inhabité, qui n' est guère fréquenté. Lieu désert, campagne déserte.
   DÉSERT, s. m. Lieu désert et inhabité. Désert sauvage: Les déserts de l' Arabie, de la Thébaïde. Se confiner, se retirer dans un désert. Les Pères du Désert. "Les Turcs ont fait de vastes déserts des plus belles Provinces de l' Asie.
   Rem. M. de Bufon l' emploie au figuré, et lui fait régir la prép. de: "Quel vide, quel désert de spéculations, dans la Philosophie de Platon! _ Ce sont-là d' heureûses hardiesses des grands Écrivains, qu' il n' apartient pas à tout le monde d' imiter avec succès.

DÉSERTER


DÉSERTER, v. a. et n. DÉSERTEUR, s. m. DÉSERTION, s. f. [Dé-zêrté, zêr-teur, zêr-cion, en vers, ci-on, 1reé fer. 2e ê ouv.] Déserter, c' est abandoner un lieu. "Il fut obligé de déserter la Province. "La peste, en 1720, fit déserter Marseille. _ V. n. Ou avec de pour régime: "La fumée me fera déserter du logis; ou sans régime: "Cet homme est insuportable, il me fera déserter. _ Il se dit plus particulièrement des soldats: Déserter l' armée, le service, le régiment, ou du régiment. "Les soldats qui désertent sont sévèrement punis.
   DÉSERTEUR et DÉSERTION, ne se disent, au propre, que des soldats: C' est un déserteur. "Il y a eu beaucoup de déserteurs, ou une grande désertion dans ce régiment, dans cette armée. _ Au figuré: Déserteur de la Foi, de la bone caûse. _ Familièrement: Vous êtes un déserteur, vous avez abandoné notre société: nous ne vous pardonons pas votre désertion. _ Voy. TRANSFUGE.
   Rem. 1°. DÉSERTER, a le sens de quiter, abandoner. Brébeuf lui done celui de rendre désert.
   Cet orage fumant, cette vague brûlante...
   Déserte la campagne, et brise les rochers.
Le Rich. Port. met cette signification, que l' usage a réprouvée. Dépeupler, dépouiller de monde.
   2°. DÉSERTEUR, est beau au figuré.
   Je ne puis estimer ces dangereux Auteurs,
   Qui, de l' honneur, en vers, infâmes déserteurs,
   Aux yeux de leurs Lecteurs, rendent le vice aimable.       Boil.
  3°. DÉSERTÉ, ÉE, adj. Il n' a d' usage que dans le premier sens de déserter: Les campagnes sont désertées pendant la guerre. _ Désert, se dit de ce qui est habituellement inhabité; et déserté, de ce qui l' est accidentellement.

DÉSESPÉRADE


DÉSESPÉRADE, (à la) adv. [Dézèspé--rade; 1re et 3eé fer. 2e è moy. dern. e muet.] À~ la manière d' un désespéré. S' en aler, se batre à la désespérade. Style familier.

DÉSESPÉRÉ


DÉSESPÉRÉ, ÉE, adj. DÉSESPÉRÉMENT, adv. DÉSESPÉRER, v. a. et n. [Désèspéré, ré-e, réman, ; 1re, 3e et 4e é fer. 2e è moy.] Désespéré a deux sens, l' un passif, l' aûtre actif. Il se dit, et de celui dont on désespère, et de celui qui désespère. Homme désespéré, afaire désespérée. "Crier comme un désespéré: "Se batre, agir, jouer en désespéré, en furieux. Mde de Sévigné réunit les deux sens dans la même phrâse. "Elle est désespérée, et des Chirurgiens, et de mourir si jeune. Cela ne peut être bon que dans la conversation, et dans le style épistolaire.
   DÉSESPÉRÉMENT, éperdument, avec excès, comme un désespéré, un furieux. "Il est désespérément amoureux. L' emploi de cet adverbe est fort borné.
   DÉSESPÉRER, actif. Faire perdre l' espérance, tourmenter, afliger au dernier point. "Cela me désespère. "Il ne faut pas désespérer cet homme. _ Neutre et réciproque, perdre l' espérance. "On désespère de sa guérison, de le tirer d' afaire. _ Il se désespère, il se livre au désespoir.
   Rem. Le neutre régit quelquefois les persones: Désespérer d' un malade, ne point espérer qu' il guérisse: désespérer d' un jeune homme, ne point espérer qu' il se corrige.

DÉSESPOIR


DÉSESPOIR, s. m. [Dézès-poar; 1re é fer. 2e è moy.] 1°. Perte d' espérance. "Quelquefois le désespoir redouble le courage. = 2°. Abatement de l' âme; violent chagrin. "Tomber dans le désespoir: être au désespoir: mettre au désespoir. _ Dans le 1er sens il a raport à l' avenir; dans le 2d au passé. Dans tous les deux, il régit de, devant les verbes; mais non pas devant les noms. "Le désespoir de réussir; le désespoir de n' avoir pas réussi. _ "Le désespoir de son retour flétrit sa jeunesse. M. Gin. Odyssée. Ce régime des noms est tout au moins douteux. = 3°. Désespoir, se dit quelquefois pour ce qui caûse le désespoir. "La chose paroît facile (d' inventer de nouveaux ordres d' Architecture.) Le croira-t-on? Elle a été jusqu' à présent le désespoir de tous ceux qui ont voulu l' entreprendre. Laugier. "Les vapeurs sont la honte et le désespoir de la Médecine.

DÉSHABILLÉ


DÉSHABILLÉ, s. m. DÉSHABILLER, v. a. [Dézabi-glié; 1re et dern. é fer.: mouillez les ll.] Déshabillé, est un habillement, dont les femmes se servent pour garder la chambre. "Les femmes d' aujourd'hui dépensent plus en déshabillés qu' en robes. _ Figurément, il est fort à la mode pour exprimer la vie privée et domestique: mais cette métaphôre est tout au plus du style médiocre. "Tel est notre amour pour nos Princes, que leur deshabillé même nous intéresse, et qu' aucun des détails, qui les concernent, ne peut nous être étranger. Moreau. "Ce sont particulièrement les Héros que nous aimons à voir ainsi, en quelque sorte, en déshabillé. Ann. Litt.
   DÉSHABILLER, c' est ôter les habits. Un valet qui déshabille son maître. "Il se déshabille lui-même. _ Neutralement: "Il a été trois mois sans déshabiller. Celui-ci n' est que du style familier.
   On dit proverbialement, déshabiller un Saint, pour en habiller un aûtre; Faire du mal aux uns, pour faire du bien aux aûtres; réparer une chôse, qui ne vaudra pas mieux, aux dépens d' une aûtre qui vaut tout autant. Se déshabiller avant que de se coucher, doner ses biens de son vivant. "Lorsque Robert lui demanda (à Guillaume le Conquérant son père) l' exécution de ses engagemens, il n' en tira qu' un refus positif, accompagné de la maxime vulgaire, qu' il ne falloit pas se déshabiller avant l' heure de se mettre au lit. Hist. d' Angl.

DÉSHABITER


*DÉSHABITER, v. a. Il n' est plus d' usage qu' au participe, déshabité, qui n' est plus habité. Pays déshabité, maison déshabitée.

DÉSHABITUER


DÉSHABITUER, v. a. [Dézabitu-é; 1re et dern. é fer.] Faire perdre l' habitude. Désacoutumer. Il régit la prép. de (l' ablatif.) "Il faut le déshabituer de cela, l' en déshabituer. "Tâchez de vous en déshabituer.

DÉSHÉRITER


DÉSHÉRITER, v. a. [Dézérité; 1re, 2e et dern. é fer.] Priver de sa succession. "Il est des câs où un père peut désheriter ses enfans.
   Rem. Être déshérité, régit la prép. par, pour les persones. Crébillon lui fait régir de, devant les chôses.
   Avez-vous pu penser que ce Fils endurci,
   Déshérité des soins que la nature inspire, etc.
À~ vouloir personifier la natûre et ses soins, c. à. d., ses sentimens, il faudrait dire, déshérité par les soins, etc.

DÉSHONêTE


DÉSHONêTE, adj. DÉSHONêTEMENT, adv. DÉSHONêTETÉ, s. f. [Dézonête, nête--man, nêteté; 1re é fer. 3e ê ouv. et long, 4e e muet, 5e é fer. au dern.] Déshonête, qui est contre la pudeur, la bienséance. Déshonêtement, d' une manière déshonête. Déshonêteté, vice de ce qui est déshonête. "Pensée, parole, action, geste, compagnie, lieu, etc. déshonête; parler déshonêtement. "La déshonêteté de ces discours revolta tout le monde. Celui-ci est peu usité; cependant il est aussi utile, aussi nécessaire que les aûtres: pourquoi se ferait-on scrupule de s' en servir?
   Rem. Il ne faut pas confondre déshonête avec malhonête: le 1er est contre la pudeur, le 2d contre la civilité, et quelquefois contre la bone foi et la droitûre. Déshonête, ne se dit que des chôses; malhonête, se dit également des chôses et des persones. Voy. MALHôNETE.

DÉSHONEUR


DÉSHONEUR, s. m. DÉSHONORER, v. act. [Dézo-neur, dézonoré; 1reé fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Déshoneur, est une honte, un oprobre. Déshonorer, c' est perdre d' honeur et de réputation, difamer. "C' est un grand déshoneur à un homme de guerre d' avoir fui dans un combat. "Il se déshonore par une telle lâcheté. Cette action l' a déshonoré. "Un mérite, dont il lui faut tenir compte (à M. Danchet,) c' est de n' avoir jamais déshonoré l' usage de l' esprit, par aucun abus de la Poésie. Gresset. _ Déshonorer sa famille, ses ancêtres, faire des actions qui font déshoneur à une famille; dégénérer de la vertu de ses ancêtres; faire déshoneur à leur mémoire. _ Déshonorer une fille, une femme, en abuser.
   REM. Tenir à déshoneur, régit de et l' infinitif. "On tient à déshoneur de passer pour dévot: "On ne tient plus à déshoneur de passer pour impie. _ Faire déshoneur, régit la prép. à (le datif.) "Ce jeune homme a fait déshoneur à ses parens. "Vous pouvez répondre de lui, il ne vous fera point de déshoneur; ou, il ne vous fera point déshoneur. ACAD. Le 2d est le meilleur.; car dans ces expressions consacrées par l' usage, où les noms s' emploient sans article, ils ne prènent point le de, régi par les adverbes de comparaison; on dit, je n' en ai pas besoin, et non pas, de besoin.
   On dit, en style proverbial, prier quelqu' un de son déshoneur, lui demander une chôse qui le déshonorerait, s' il la faisait.
   *DÉSHONORABLE, DÉSHONORANT, qui déshonore. Trév. ne met que le 1er. Le Rich. Port. les met tous deux, et préfère le 2d. L' Acad. ne met ni l' un ni l' aûtre: l' un des deux serait pourtant utile; et dans le choix, déshonorant est préférable. "Ils concluoient qu' il étoit inutile et déshonorable pour eux de rester plus long-temps à Trente. Barre, Hist. d' Allem. _ Là, peu honorable aurait mieux convenu. "De tels éloges (des Protestans) sont déshonorables à un Évêque. Confér. d' Ang. _ On dit, honorable à, et déshonorable, ou mieux encôre, déshonorant pour, etc.

DÉSHUMANISER


*DÉSHUMANISER, v. act. Saint-Évremont s' est servi de ce mot, et Vaugelas le trouvait heureusement inventé. L' usage n' a pas été de cet avis.

DESJEUNER


*DESJEUNER, voyez DÉJEûNER.

DÉSIGNATION


DÉSIGNATION, s. f. DÉSIGNER, v. a. [Dézig-na-cion, zig-né; mouillez le g; 1re é fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Désigner, c' est 1°. Dénoter par des marques qui font conaitre. Désignation est l' action de désigner. "Il ne l' a point nomé, mais il l' a si bien désigné, que tout le monde l' a reconu. "Cette désignation est précise. "Ce pouls désigne un abscès; ce vent désigne de la pluie. = 2°. Nomer, destiner. "Il désigna un tel pour son successeur. "Il mourut, après avoir fait la désignation de son successeur.

DÉSINCORPORER


DÉSINCORPORER, v. act. [Dé-zein--korporé; 1re et dern. é fer. 2e. lon.] Séparer une chôse du corps où elle avait été incorporée. "Les terres unies au Domaine ne peuvent se désincorporer que par échange. "On avoit incorporé ce bataillon dans un tel régiment; on l' a désincorporé. _ L' usage de ce mot n' est pas fort étendu.

DÉSINENCE


DÉSINENCE, s. f. [Dézinance; 1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] Terme de Gramaire. Terminaison. _ L' Ab. du Bos écrit désinance, et il s' est servi du caractère italique, pour montrer que ce mot n' était pas encôre assez autorisé. "La désinance, ou la terminaison seule du mot (latin,) marque le câs où il est employé. On conait encôre par la désinance, s' il est au pluriel ou au singulier, etc. _ Désinence avec un e entre les deux n, vaut mieux pour l' ortographe; et terminaison, qui est plus français, est préférable pour l' usage.

DÉSINFATUER


DÉSINFATUER, v. a. [Dé-zein-fatu-é; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Désabuser un homme qui était infatué, de... "On ne peut le désinfatuer de cette femme, de cette opinion. "Il en est enfin désinfatué. "Il s' en désinfatuë enfin.
   Rem. On dit, dans le Dict. Gram., que c' est un mot hazardé; l' Acad. le met pourtant sans remarque, et sans dire à quel style il appartient. Il parait que ce n' est qu' un mot de conversation, et que peu d' Auteurs s' en sont servi. Il n' est guère bon que pour le style familier, ou comique, ou critique.

DÉSINTÉRESSÉ


DÉSINTÉRESSÉ, ÉE, adj. [Dé-zein--térécé; 2e lon. 4 é fermés.] 1°. Qui n' est pas intéressé. "Homme désintéressé; conduite désintéressée. = 2°. Qui agit sans prévention, sans mouvement de haine, d' envie, ou de toute aûtre passion. "Regarder les chôses d' un oeil désintéressé, avec un esprit désintéressé.
   Rem. Le simple intéressé régit quelque--fois le datif (la prép. à:) Il est intéressé à la chôse; il y est intèressé: mais son composé ou son contraire, désintéresse, s' emploie toujours sans régime. M. Linguet lui en done pourtant un. "Je le répète avec d' autant plus de franchise, que j' y suis maintenant désintéressé. Je crois qu' il faut dire, que je n' y suis plus intéressé, ou, que je n' y ai plus d' intérêt. Remarquez que désintéressé a un sens actif, et qu' il signifie, qui n' agit pas par intérêt, et non pas, qui n' a point d' intérêt à la chôse. _ M. Locke dit aussi: "Un créancier désintéressé par des offres aussi satisfactoires, etc. Le mot est également impropre, du moins hors du Palais, où l' on dit désintéresser, pour mettre hors d' intérêt. Voy. DÉSINTÉRESSER.

DÉSINTÉRESSEMENT


DÉSINTÉRESSEMENT, s. m. DÉSINTÉRESSER, v. a. [Dé-zein-térèceman, récé; 1re et 3e é fer. 2e lon. 4e è moy. au 1er, é fer. au 2d, 5e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Désintéressement, est le détachement de son propre intérêt. Parfait, entier désintéressement. "Il est d' un grand désintéressement.
   DÉSINTÉRESSER, c' est mettre hors d' intérêt, dédomager. "Vous n' y perdrez rien, on vous désintéressera. Je le crois vieux hors du Palais. L' Acad. le met sans remarque. "Un honête homme se paye par ses mains de l' aplication qu' il a à son devoir, par le plaisir qu' il sent à le faire, et se désintéresse sur les éloges, l' estime et la reconnoissance, qui lui manquent quelquefois. La Bruy. On dirait aujourd'hui, se dédomage des éloges, etc. _ M. Moreau a dit, plus récemment: "Elle crut désintéresser les Grands, les tenter même par un attrait puissant. "La restitution de la Normandie désintéressoit Hugues et Richard. Cet illustre Écrivain emploie volontiers les termes de Palais, et c' est le fruit du séjour qu' il a fait au Barreau.

DÉSIR


DÉSIR, s. m. [Dézir; 1reé fer. Plusieurs écrivent et prononcent désir, e muet; et l' usage est partagé là-dessus. Le premier vaut mieux: c' est le seul que l' Acad. ait adopté.] Souhait, envie de quelque chôse. Trév. Mouvement de la volonté vers un bien qu' on n' a pas. Acad. Il régit de, devant les noms et les verbes. "Le désir de la gloire: un grand désir de gloire. "Un trop grand désir de réussir empêche quelquefois le succès.

DÉSIRABLE


DÉSIRABLE, adj. [Dézirable; 1re é fer. 3e dout.] Qui mérite d' être désiré; bien, état, situation désirable. "La félicité du ciel est la seule qui soit véritablement désirable.

DÉSIRANCE


*DÉSIRANCE, s. f. C' est ainsi que le peuple apèle, en Champagne, et peut-être âilleurs, ce qu' on nome envie de femme grosse.

DÉSIRER


DÉSIRER, v. a. [Déziré; 1re et 3e é fer.; l' i est long devant l' e muet: Il désîre, il désîrera, etc.] Souhaiter, porter ses désirs vers quelque bien qu' on n' a pas. "Désirer les richesses, les honeurs, la gloire, etc. _ Il régit quelquefois de, devant les noms et les verbes. "Je désire quelque chose de vous. Voit. "Que désirez-vous de moi? Je désire de vous voir entièrement converti. On peut dire aussi, je désire vous voir, etc.; mais, je désire de, etc., vaut beaucoup mieux. _ Remarquez que l' on emploie l' infinitif, quand le verbe régi se raporte au nominatif de désirer, et qu' on se sert de que avec le subjonctif, quand il ne s' y raporte pas: Je désire de partir: je désire que vous partiez bientôt, puisque c' est pour votre avantage. _ Avec le verbe être, impersonel, on met toujours que: "Il seroit à désirer que vous rentrassiez en vous-même, et que vous comprissiez enfin l' indignité de votre conduite.
   Il y a quelque chôse à désirer dans une persone, ou un ouvrage. Il y manque quelque qualité qu' on souhaiterait d' y trouver. _ On dit, au contraire, qu' un ouvrage ne laisse rien à désirer, quand il a toute la perfection dont il est susceptible.
   DÉSIRER ne signifie quelquefois que souhaiter, et il en a les régimes: "Je lui désire toute sorte de prospérité.

DÉSIREUX


DÉSIREUX, EûSE, adj. [Dézi-reû, reû--ze; 1reé fer. 3e lon.] Qui désire avec ardeur. Il régit de: Désireux de gloire, d' honeur, de chôses nouvelles, etc.
   Rem. Vaugelas s' était souvent servi de ce mot dans son Quinte-Curce; mais le Père Bouhours ne l' aprouvait point. Il dit que ceux qui écrivaient, bien ne s' en servaient plus de son temps, et qu' on pouvait tout au plus l' employer en matière de dévotion. Richelet a dit aussi qu' il vieillissait, et que de son temps il n' était presque plus en usage. L' Acad. dit seulement qu' il n' a guère d' usage que dans le style soutenu. Pourquoi borner ainsi l' usage d' un mot utile et sonôre, qui peut être nécessaire dans tous les styles? "Pourquoi un homme, (Melanchton) désireux de la paix, ne la chercha-t-il pas dans l' Église? Boss.

DÉSISTEMENT


DÉSISTEMENT, s. m. SE DÉSISTER, v. réc. [Dézis~-teman, . 1reé fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Se désister de, c' est renoncer à; abandoner une entreprise, une demande, un apel. Désistement est l' action par laquelle on se désiste. "Se désister d' une poursuite, d' une prétention, d' une demande, etc. "Il a fait son désistement. Voy. ABDICATION.
   Rem. Plusieurs Auteurs ont fait désister neutre. "Vous ne savez ce que c' est que d' en désister. Bourdal. "Son acusateur avoit désisté de son entreprise. Anon. "Ils aiment mieux mourir que de désister de leurs poursuites. Let Edif. On doit dire, s' était désisté, que de se désister de, etc.

DES-LORS


DES-LORS, adv. [Délôr; 1reè moy. 2e lon.] Dès ce moment, dès ce temps là. Il se met, ou à la tête de la phrâse, ou après les verbes; et dans les temps composés, après l' auxiliaire, ou après le participe. "Dès-lors il comença à faire. "Je vis bien dès-lors que, etc. "Il avait dès-lors imaginé, ou il avoit imaginé dès-lors ce beau moyen, etc.

DÉSOBÉIR


DÉSOBÉIR, v. neut. DÉSOBÉISSANCE, s. f. DÉSOBÉISSANT, ANTE, adj. [Dézobé--i, i-sance, i-san, sante; 1re é fer. 5e lon.] Désobéir, ne pas obéir, n' exécuter pas les commandemens d' un supérieur. Désobéissance, défaut d' obéissance. Désobéissant, qui n' obéit pas, qui désobéit. "Désobéir au Prince; désobéissance des sujets, des enfans. Fils, sujet désobéissant, Fille désobéissante.
   Rem. 1°. Désobéir, contrevenir, désobéissance~, contravention. Les 1ers sont relatifs aux persones, les 2ds aux chôses; on désobéit au Prince, en contrevenant à ses ordonances. "La désobéissance tire sa malice de l' importance de la loi à laquelle on contrevient. "La contravention à un règlement est une désobéissance au supérieur qui l' a fait.
   2°. Désobéir et obéir, quoique verbes neutres, s' emploient au passif: Il veut être obéi, il ne veut pas être désobéi: "Si on lit les guerres de Bélisaire contre les Gots, on verra un Général presque toujours désobéi par ses Officiers. Montesq.

DÉSOBLIGEAMMENT


DÉSOBLIGEAMMENT, adv. DÉSOBLIGEANT, ANTE, adj. DÉSOBLIGER, v. a. [Dézoblijaman, jan, jante, gé; 1re é fer. 4e lon. au 2d et 3e, é fer. au dern. Dans les trois premiers l' e est muet; il n' y est mis que pour doner au g un son doux, qu' il n' a pas devant l' a.] Désobliger, c' est faire quelque déplaisir. Désobligeant, qui désoblige. Désobligeamment, d' une manière désobligeante. L' Acad. remarque fort bien qu' ils ne se disent que des légères ofenses. "Il m' a fort, extrêmement~, sensiblement désobligè. "Homme désobligeant, persone désobligeante. "Procédé désobligeant. Réponse, manière, action, parole, etc. désobligeante. "Il m' a répondu, parlé fort désobligeamment.

DÉSOCUPATION


DÉSOCUPATION, s. f. DÉSOCUPER, v. a. [Dézokupa-cion, kupé; 1reé fer. dern. é fer. au 2d.] Désocupation est l' état d' une persone désocupée. On dit plutôt désoeuvrement. _ Désocuper ne se dit plus qu' avec le pron. pers. "Il faut se désocuper de tout autre soin que de celui de plaire à Dieu. _ L' Acad. n' avait pas mis ce verbe dans la 1re édition. Il se troûve dans les dernières, où, après un exemple du réciproque, il est dit qu' il est plus usité au participe. Homme désocupé, esprit désocupé. "Avoir le coeur pur et désocupé de toutes les chôses du monde. Marsol. "Les Journaux, les Dictionaires, les Almanachs nous donent la science en découpûre. En prend qui veut, et d' un air désocupé. Coyer.
   Rem. Mrs. de Port-Royal avaient fabriqué désocuper, désapliquer, désaveugler. Le P. Bouhours n' augurait pas bien de ces néologismes; et en éfet, ils n' ont pas été du goût de l' usage.

DÉSOEUVRÉ


DÉSOEUVRÉ, ÉE, adj. DÉSOEUVREMENT, s. m. [Dézeu-vré, vré-e, vreman; 1re é fer. 3e é fer. aux deux 1ers, e muet au dern. _ L' o n' est mis dans ces mots que par respect pour l' étymologie: il n' y fait aucune fonction.] Désoeuvré, qui n' a rien à faire, qui ne sait pas s' ocuper. Désoeuvrement, état d' une persone désoeuvrée. "Un homme désoeuvré est à charge à tout le monde et à lui-même. Vivre dans le désoeuvrement est un crime, et une source de crimes.
   Rem. Bien des gens, dit La Touche, disent désoeuvré pour désocupé. Cette remarque prouve que ce mot n' est pas ancien dans la langue, et qu' il était encôre nouveau au commencement du siècle: aujourd'hui, il est plus en usage que désocupé.

DÉSOLANT


DÉSOLANT, ANTE, adj. DÉSOLATEUR, s. masc. DÉSOLATION, s. fém. DÉSOLER, v. act. [Dézolan, lante, la-cion en vers, ci-on, dézolé; 1re é fer. 2e long. aux deux premiers, é fer. au dern.] Désoler est, 1°. Ravager, ruiner. "Désoler un pays, une Province. = 2°. Causer une grande afliction: la perte de ce procès le désole. _ Dans le premier sens, il se dit des persones, dans le second, des chôses, comme sujets de la phrâse. = Désolant se dit ordinairement des chôses, quelquefois des persones; désolateur ne se dit que des persones; l' adjectif dans le second sens de désoler, le substantif dans le premier. "Je souffre à vous répéter des chôses si désolantes. Fielding. "C' est un homme désolant; ennuyeux, fastidieux. "Ce Conquérent fut le désolateur de l' Asie. Acad.
   DÉSOLATION se dit dans les deux significations de son verbe. Ruine entière, destruction. "La peste a causé une entière désolation dans ce pays. _ Êxtrême afliction. "Toute cette famille est dans une extrême désolation.
   Rem. C' est Sarrazin qui a introduit Désolateur dans la langue. "Le désolateur de tout son Royaume. Disc. sur la Trag. Ce mot est beau, dit l' Auteur des Réflexions; mais je ne crois pas, ajoute-t-il, que l' usage l' ait assez autorisé. _ Dans le Dict. de Trév. on dit que ce mot est un peu hardi, (on veut dire que c' est une hardiesse de l' avoir employé) et que M. Sarrazin est peut-être le seul qui s' en soit servi. _ Il n' était point dans les premières éditions du Dict. de l' Académie. Elle l' a inséré dans la dernière sans remarque.

DÉSOPILATION


DÉSOPILATION, s. f. DÉSOPILER, v. a. [Dézopila-cion, pilé; 1reé fer. dern. du 2d. é fer. aussi.] Désopiler, c' est déboucher, ôter les obstructions, les opilations Désopilation, débouchement de quelque partie opilée. "Désopiler la rate; et neutralement: "ces remèdes ont la vertu de désopiler. On sous-entend, ce qui est obstrué, opilé. "La désopilation de la rate. _ On dit, figurément, (st. famil.) d' une chôse qui réjouit, qui fait rire, qu' elle désopile la rate. _ En parlant des remèdes, on dit, désopilatif, désobstruant.

DÉSORDONÉ


DÉSORDONÉ, ÉE, adj. DÉSORDONÉMENT, adv. [Dézordoné, né-e, néman; 1re et 4eé fer.] 1°. Désordoné, qui n' est point dans l' ordre; déréglé. Désordonément, d' une manière désordonée; avec beaucoup de désordre et de licence. "Vie désordonée, maison, communauté désordonée. "Vivre désordonément. _ L' Acad. dit l' adjectif des persones. "Homme désordoné dans sa conduite. On peut douter que l' usage l' admette dans cet emploi.
   Désordoné et désordonément se disent plus souvent pour excessif, excessivement. Apétit désordoné, faim, passion désordonée. "Aimer le jeu désordonément.
   Rem. Désordoné ne se dit qu' en matière des moeurs. Dans l' An. Lit. on le dit d' un Poète qui viole toutes les règles. "De quel triste sort est menacé le Théâtre de Melpomène, si nous sommes condamnés à faire nos délices d' un Écrivain aussi désordoné. (Shakespear.) L' usage n' a point encôre admis ce mot dans ce sens; mais cela viendra peut-être.

DÉSORDONER


DÉSORDONER, v. act. Trév. Troubler l' ordre. L' Acad. ne met pas ce mot. Il était enseveli dans ce premier Dictionaire: on vient de le ressusciter. "Si le mouvement s' arrête, se ralentit ou se désordone, tous les ressorts exposés à nos yeux laissent voir quel en est le méchanisme. Mercure. On dit ordinairement, se dérange; mais ce mot a paru trop trivial à l' Auteur.

DÉSORDRE


DÉSORDRE, s. m. [Dézordre; 1re é fer. dern. e muet.] On dit dans le Dict. Gram. que plusieurs écrivent et prononcent desordre, mais que cette prononciation n' est bone tout au plus que pour la conversation. Cette remarque n' a point de fondement dans l' usage, ni dans l' autorité des Gramairiens. _ Désordre est, 1°. dans le physique, manque d' ordre, dérangement, confusion des chôses qui ne sont pas dans l' état où elles devraient être. "Le désordre des élémens. "Sa chambre, sa bibliothèque est dans un grand désordre. "Le désordre se mit dans les troupes. "L' armée se retira en désordre. Dans les choses morales et spirituelles. "Ses afaires sont en désordre. "Il y avait un grand désordre dans les Finances. "Il règne un grand désordre dans cet ouvrage.
   Souvent un beau désordre est un éfet de l' art.
       Boil.
Il se dit sur tout des persones qui sont dans le vice et le dérèglement. "Il a toujours vécu dans le désordre: "Elle est depuis long--temps dans le désordre. _ Plusieurs le disent au pluriel. "Pleurez vos désordres et vos dérèglemens. Il est douteux, employé dans ce nombre. L' Académie n' en done pas d' exemple. On en trouve en grand nombre chez les Ascétiques.
   2°. Trouble, embârras, égarement d' esprit. "Son esprit est en désordre. Le désordre de son esprit parut en ce que, etc. "Voyez le désordre où la colère la mis; comprenez par là combien les passions mettent l' âme en désordre. = 3°. Pillage, dégât: "Les troupes ont passé sans faire aucun désordre. = 4°. Dissention entre des persones, auparavant unies. "Un léger intérêt a mis le désordre dans cette famille.
   Rem Rétablir le désordre est une expression dont s' étaient servis d' Ablancourt, Vaugelas et Corneille. L' Académie la désaprouva dans ses Sentimens sur le Cid. "On ne dit point rétablir le désordre, mais bien, rétablir l' ordre. ACAD. BOUH. L. T.

DÉSORIENTER


DÉSORIENTER, v. act. [Dézori-anté: 1re et dern. é fer. 4e lon.] Au propre, c' est faire perdre la conaissance du côté du Ciel où le Soleil se lève, par raport au pays où l' on est, ou dont on parle. "Nous étions sans boussole: la brume acheva de nous désorienter. "Nous nous trouvâmes au milieu d' un bois si sombre, que nous fumes entièrement désorientés. _ Au figuré, mettre un homme en désordre, le déconcerter. "Tirez-le de la chicane si vous voulez le désorienter: il n' entend que cela. "Le seul but de toutes les femmes est de désorienter la morgue masculine, et d' acoutumer les hommes à l' obéissance qui leur convient. J. J. Rouss. Reine Fantasque. _ Il est sur-tout usité au passif. "Elle est toute désorientée, déconcertée.

DÉSORMAIS


DÉSORMAIS, adv. [1re é fer. dern. ê ouv. désormê. _ Dans le Dict. Gram. on met dèsormais ou désormais, é fermé ou e muet; le 2d ne vaut rien.] Dorénavant, à l' avenir. "Je ne sortirai plus désormais si tard. _ Il semble qu' il ne doit se dire qu' avec le futur. L' Acad. le met avec le présent. "Il est temps désormais, de ce moment-ci: je suis vieux désormais. _ J' avoue que ces exemples m' étonent, et je pense qu' on doit dire à présent, et non pas désormais, dans de pareilles phrâses.

DÉSôSSER


DÉSôSSER, v. act. [Dézôcé; 1re et dern. é fer. 2e lon. sur-tout devant l' e muet.] Ôter les ôs de quelque viande, ou les arêtes de quelque poisson, pour les mettre en pâte ou en hachis. Désôsser un lièvre, un dinde, une carpe, un brochet: Lièvre désôssé; carpe désôssée.

DÉSOUCI


*DÉSOUCI, s. m. [Dé-sou-ci; 1re é fer.] Insouciance, inaplication. Mot forgé depuis peu. "Votre désouci de toute afaire épineuse. Le M. de M... Ce mot n' a pas l' air de faire fortune.

DÉSOURDIR


DÉSOURDIR, v. act. [Dé-zour-di; 1re é fer.] Défaire ce qui était ourdi. Il a peu d' usage. Acad. Peu usité. Rich. Port.

DESPECT


*DESPECT, s. m. Mot forgé, peu heureûsement, par une Milady, vraie ou prétendûe: Mépris. Le contraire de respect. "Elles sortiront de cette sorte de despect (de mépris) que mérite leur ineptie. _ Notre Langue ne s' enrichit que de guenilles, et de mots barbâres.

DESPOTE


DESPOTE, s. masc. DESPOTIQUE, adj. DESPOTIQUEMENT, adv. DESPOTISME, s. m. [Dèspote, tike, tikeman, tis-me; 1re è moy. 3e e muet au 1er, 4e e muet aux trois dern.] L' Acad. définit le despotisme, autorité absolue; et Despote, celui qui gouverne despotiquement. Cette définition n' est pas juste. Le despotisme est une autorité non-seulement absolue, mais arbitraire, et qui n' a d' aûtre règle que la volonté de celui qui gouverne. Le Despote est donc celui qui gouverne arbitrairement, et sans avoir d' aûtre règle que sa volonté. On dit, en ce sens, pouvoir despotique, gouvernement despotique, gouverner despotiquement.
   Rem. 1°. Despote est aussi le titre qu' on done aux Princes de Servie et de Valachie. On apèle despotat le pays qui est sous le gouvernement de ces Princes.
   2°. M. Moreau done à Despote le sens de tyran, et lui atribue le même régime, la prép. de. "Il ne devait pas être le Despote de ses frères. Cela est dit contre l' usage.
   3°. * La Bruyère dit, le despotique pour le despotisme. "Quelles grandes démarches ne fait-on pas au despotique, par cette indulgence? "Il n' y a point de Patrie dans le despotique: d' aûtres chôses y supléent: l' intérêt, la gloire, le service du Prince. _ Dans cette dernière phrâse, l' Auteur confond le despotique avec le gouvernement monarchique: on le distingue mieux aujourd'hui.
   4°. * On a dit aûtrefois despoticité et despotisme. Le dernier a prévalu et le premier ne se dit plus.

DESSAISIR


DESSAISIR, (SE) v. réc. DESSAISISSEMENT, s. m. [Décèzi, décèziceman: 1re é fer. 2eè moyen; 4e e muet au 2d.] Se dessaisir de... C' est relâcher une chôse qu' on a en sa possession, dont on est saisi. Dessaisissement est l' action par laquelle on se dessaisit. "Il a de bons gages, il ne veut pas s' en dessaisir. "Il trouve qu' il est injuste d' exiger de lui un tel dessaisissement.

DESSAISONER


DESSAISONER. Voy. DESSOLER.

DESSALER


DESSALER, v. act. [Dé-salé; 1re et dern. é fer.] Faire perdre la salûre à une viande salée. Dessaler de la morûe, du hareng; une sausse trop salée. "On a tenté vainement de dessaler l' eau de la mer. _ On dit, en stile familier, un dessalé, un homme fin, rusé.

DESSANGLER


DESSANGLER, v. act. [Dé-sanglé; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Lâcher ou défaire les sangles. Dessangler un cheval.

DESSAOULER


DESSAOULER, v. act. [Dé-sou-lé; 1re et dern. é fer. _ L' Acad. qui écrit souler, auroit dû, ce semble, écrire aussi comme elle avertit de prononcer dessouler.] Désennivrer. Faire qu' on cesse d' être soul. On dit que la soupe à l' oignon dessoule ceux qui ont trop bû. _ Il est aussi neutre, comme ennivrer, avec la négative: "Il ne dessoûle jamais: il est toujours soul.

DESSÉCHANT


DESSÉCHANT, ANTE, adj. DESSèCHEMENT, s. m. DESSÉCHER, v. a. [Dé-séchan, chante, sècheman, séché; 1re é fer. 2eé fer. au 1er et 3e è moyen au 2d.: 3e e muet au subst. é fer. au verbe. L' Acad. écrit desséchement avec un accent aigu sur la seconde syllabe; mais devant l' e muet, cet è est moyen: il faut donc le marquer d' un accent grâve.] Desséchant est ce qui dessèche. Dessèchement, l' action de dessécher, ou l' état de ce qui est desséché. "Vent desséchant, exhalaison desséchante. "On réduit les coquilles d' écrevisse en une cendre, qui, étant desséchante, consume et absorbe le venin. Le Gendre. "On a entrepris le dessèchement des marais pontins. "Il est dans un dessèchement, qui fait craindre pour sa vie. _ Dans la 1re phrâse, il a un sens actif; dans la 2de, un sens passif.
   Dessécher, au propre, rendre sec; ce vent a desséché la terre; ou mettre à sec: dessécher un marais. _ On dit, de ce qui dissipe trop l' humidité du poumon ou du cerveau, qu' il dessèche le cerveau, le poumon. _ Au figuré: "L' étude des Sciences abstraites dessèche l' esprit. _ Les Sciences Sacrées elles-mêmes souvent dessèchent le coeur, diminuent le goût de la piété. "La grâce éteint le feu des passions et dessèche l' amour propre jusqu' aux racines. Fléchier. "L' extrême justesse dessèche le discours. "Claudine (femme de Colletet) n' est pas la seule femme, dont la mort d' un mari ou d' un ami ait entièrement desséché la veine. Sabat. Trois Siècles. Voyez l' épigramme de La Fontaine, au mot Dessus, à la fin.
   Rem. Brébeuf écrit desseicher: c' était peut-être l' ortographe de son temps. Cet i était inutile, et il a été avantageûsement remplacé par l' acc. aigu. sur l' é.

DESSEIN


DESSEIN, s. m. [Dé-cein; 1reé fermé.] 1°. Intention de faire quelque chôse; projet, résolution. "Former, exécuter un dessein. Avoir, ou faire dessein (sans article) de faire, de dire, etc. "Il ne va pas là sans dessein: "Il y va avec dessein, à mauvais dessein. Avoir de grands desseins: venir à bout de ses desseins, etc., etc.
   Rem. On dit exécuter, non achever un dessein, à moins qu' on n' entende par-là l' ouvrage d' un homme qui dessine. Achever ne se dit que de ce qui est comencé: or, ce qui est un dessein (un projet) n' est pas quelque chôse de comencé; ou si c' est quelque chôse de comencé, ce n' est plus simplement un dessein, c' est une entreprise. M. l' Abé d' Olivet fait cette remarque, au sujet de ces vers de Racine, dans Alex.
   Et ne le forçons pas, par ce cruel mépris,
   D' achever un dessein qu' il peut n' avoir pas pris.
L' Abé Des Fontaines était du sentiment, qu' achever un dessein, est plus énergique, qu' exécuter, et qu' il est très-français. M. Racine le fils, comme de raison, est du même avis. Pour moi, je n' ose le condamner en vers, mais je ne voudrais pas le dire en prôse. _ Racine se soutient; et s' il a dit, achever un dessein, dans un endroit, il avait dit, comencer un dessein dans un autre.
   Hâtez-vous donc, cruels, de me percer le sein,
   Et comencez par moi votre horrible dessein.
       Fr. Én.
Auparavant Éthéocle avait dit à Polinice:
  J' accepte ton dessein, et l' accepte avec joie.
Cette expression est également impropre. On accepte une proposition, mais on n' accepte~ pas un dessein. Tout cela ne peut se dire que par des figûres hardies, qui ne sont que de la haûte Poésie. _ Gresset a dit comme Racine: achever un dessein.
   Parmi ces énemis j' ai conduit mon dessein;
   Et prête â l' achever, je puis t' instruire enfin.
       Edouard.
  À~ DESSEIN, adv. Tout exprès. "Il l' a fait à dessein. _ Il régit de, et l' infinitif, ou que, avec le subjonctif; le 1er, quand le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse, le 2d, quand il ne s' y raporte pas. "Il a dit cela à dessein de vous tromper; à dessein que vous en trompiez d' autres en le redisant. _ On dit aussi, de dessein prémédité; et, comme à dessein, il ne s' unit qu'~ à~ des verbes actifs ou neutres: on en voit aisément la raison. Bossuet dit, de dessein, tout seul, et l' associe à un verbe passif. "Il avoit été jeté dans ces troubles, plutôt par hazard, que de dessein. _ On dit bien, cela a été fait à dessein, ou de dessein prémédité; mais dans cette phrâse et autres semblables, le passif peut se réduire en actif; celui qui a fait cela, l' a fait à dessein; mais il n' en est pas de même de la phrâse de Bossuet. Si l' on disait, en changeant le passif en actif: on l' avait jeté dans ces troubles plutôt par hazard, que de dessein; c' est sur ceux qui l' auraient jeté que tomberait cet adverbe, et non pas sur lui, qui aurait été jeté; ce qui fait un sens~ contraire à celui que Bossuet avait dans l' esprit.
   À~ BON DESSEIN, adv. "Cela peut avoir été fait à bon dessein. Voit. L' Acad. dit, à mauvais dessein. Par analogie, on peut dire, à bon dessein.
   I. DESSEIN, BUT, VûE (synon.) Voy. BUT
   II. DESSEIN, Représentation, plan, ouvrage de Dessinateur. Depuis quelque temps on écrit dessin. Cette ortographe s' acrédite tous les jours, et elle est utile pour distinguer dessein (projet) de dessin (art de dessiner, ou ouvrage de celui qui dessine.) Mais des Auteurs, ou Imprimeurs, portent cette innovation trop loin, en suprimant l' e, même dans le 1er sens. "Il avoûe qu' il avait formé un dessin condamnable, mais qu' il est devenu coupable par excès d' amitié. Mercûre. _ Le Rich. Port. met dessin ou dessein, dans le 2d sens. L' Acad. a conservé l' anciène manière, et ne met que dessein dans les deux sens.

DESSELLER


DESSELLER, v. a. [Décélé, 3 é fer. mais devant l' e muet, le 2d devient moy. Il desselle, ou il dessèle; il dessellera, ou dessèlera, etc.] Ôter la selle de dessus un cheval. "Ce cheval a trop chaud: il ne faut pas le desseller sitôt: dans quelque temps vous le dessellerez.

DESSERRE


DESSERRE, s. f. DESSERRER, v. act. [Décère, décèré; 1re é fer. 2e è ouv. r forte, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d; la 2de est lon. au 1er.] Desserrer, c' est relâcher ce qui était serré. Desserrer un noeud, une ceintûre. _ Familièrement, Desserrer un coup de pied, un coup de fouet, un souflet à quelqu' un, le lui doner avec violence. Voyez DENTS.
   Desserre, ne se dit que dans cette phrâse du st. fam. Être dur à la desserre, avoir de la peine à doner de l' argent, à payer. _ Trév. et le Rich. Port. le disent aussi pour débâcle. "La rivière est bien glacée: quand la desserre viendra, les bateaux seront en danger. _ L' Acad. ne le met point en ce sens. Il parait que c' est un mot populaire.

DESSERT


DESSERT, s. m. DESSERTE, s. f. [Dé--cèr, cèrte; 1reé fer. 2e è ouv. 3e e muet.] Le dessert est le dernier service qu' on met sur les tables, quand on ôte les autres viandes. Trévoux. Le fruit, et tout ce qu' on a acoutumé de servir à table avec le fruit. Acad. Rich. Port. "Aportez le dessert. "On avoit servi du dessert, un bon dessert. _ Plusieurs dédaignent ce mot, et le trouvent trop bourgeois: ils veulent qu' on dise, le fruit: servez le fruit. L' Acad. avait dabord dit qu' à la Cour on dit le fruit, et que c' est le bel usage. Dans la dern. édit. elle se contente de dire, qu' on dit plus comunément le fruit.
   Desserte, est, 1° ce que l' on dessert, ce qu' on ôte de dessus la table; doner la desserte aux paûvres. = 2°. L' action de desservir une Chapelle, etc. "On lui done tant pour la desserte de cette Chapelle. "Comettre un Prêtre à la desserte d' une Cure, d' une Succursale. _ Dans le 1er emploi, ce mot a un sens passif; dans le 2d, il a un sens actif. _ Au sujet de celui-ci, l' Acad. remarque qu' on ne le dit guère que d' un Prêtre commis à la place du Titulaire: mais c' est trop resserrer l' usage de ce mot.
   Desserte s' est dit anciènement pour mérite.
   Très-bon loyer aurez de vos dessertes.
       Cretin.
Marot s' en est servi dans la Traduction des Pseaumes.

DESSERVANT


DESSERVANT, s. m. DESSERVIR, v. act. [Décèrvan, vi; 1re é fer. 2e ê ouv.] Desservir a trois sens qui n' ont pas beaucoup de raport entre eux. 1°. Ôter les plats de dessus la table. "Desservir les viandes, et plus comunément, desservir tout seul: Desservez! A-t-on desservi? = 2°. Nuire à quelqu' un, lui rendre de mauvais ofices. Il se dit, ou avec le seul régime direct: "Il a fait tout ce qu' il a pu pour me desservir; ou avec la prép. auprès, pour 2d régime: "Il vous a desservi auprès du Ministère. = 3°. Faire le service, les fonctions d' une Chapelle, d' une Cûre. "Depuis long-temps il dessert cette Chapelle. "L' Evêque l' a commis pour desservir cette Cûre, en l' absence du Curé.
   Desservant ne se dit que dans cette dernière acception. "L' Evêque a mis un Desservant dans cette Cûre.

DESSERVICE


*DESSERVICE, s. m. Mauvais ofice. Mézerai l' avait employé; mais l' Académie, après l' avoir mis dabord dans son Dict. le fit éfacer dans les Additions. _ M. Mallet du Pan s' en est servi tout récemment, et écrit dé-service, contre l' analogie.

DESSICATIF


DESSICATIF, IVE, adj. DESSICATION, s. f. [Décikatif, tîve, Décïka-cion; 1re é fer. 4e lon. au 2d.] L' Acad. écrit ces mots avec 2 c: Trév. et le Rich. Port. n' en mettent qu' un. Ce double c est fort inutile.] Dessicatif, est ce qui a la vertu de dessécher. Dessication, action de dessécher, dessèchement. Ces mots ne se disent que parmi les Savans. Onguent dessicatif, eau dessicative, huile dessicative. "La dessication des plantes. J. J. Rousseau "Les diférens lits horisontaux, qu' on observe dans les masses calcaires, doivent souvent leur origine à la dessication. Soulavie.

DESSILLER


DESSILLER, v. a. [Décilé: on ne mouille point les ll. Dans le Dict. Gram. on avertit de les mouiller. C' est l' usage du plus grand nombre, mais ce n' est pas le bon usage.] Quelques-uns écrivent déciller, et cette manière d' écrire parait plus conforme à l' étymologie de cil, mais l' usage est pour dessiller. Voy. Déciller à sa place. _ Ce verbe ne se dit qu' en parlant des yeux et des paupières. "Il étoit si endormi qu' il ne pouvoit dessiller les yeux, dessiller les paupières. _ Figurément, Dessiller les yeux à quelqu' un, le détromper, le désabuser.

DESSIN


DESSIN, s. m. DESSINATEUR, s. m. DESSINER, v. a. [Dé-cein, cina-teur, ciné: 1re é fer.] Dessin, est une heureûse innovation, pour exprimer l' art de dessiner et l' ouvrage du Dessinateur. On écrivait auparavant dessein, l' Acad. l' écrit encôre de même. Voyez DESSEIN. _ Dessinateur, est celui qui sait dessiner. Grand Dessinateur, mauvais Dessinateur. _ Dessiner, c' est, 1°. faire le 1er trait d' une figûre. "Il est bon coloriste, mais il ne dessine pas correctement. = 2°. Il se dit de tout ce qu' on représente sur le papier avec le crayon ou avec la plume. Dessiner un paysage: Dessiner de fantaisie, d' après nature, d' après l' antique. _ Figure bien dessinée.
   Rem. 1°. On écrivait anciènement Dessigner. On a retranché le g, soit que la prononciation ait changé, soit qu' on ne le prononçât pas, et qu' on l' ait jugé inutile.
   2°. DESSINER, au figuré, est un mot à la mode. On ne peint plus, comme on disait aûtrefois, on dessine, on crayone. "Un homme vraiment poli a un bonet (un chapeau,) pour ne jamais se couvrir: Il dessine bien une révérence, et n' appelle pas sa femme, ma femme. Coyer, Ile Frivole. L' Auteur se moque de l' expression, tout en l' employant.

DESSOLER


DESSOLER, v. a. [Dé-solé; 1re et dern. é fer.] 1°. Ôter la sole: Dessoler un cheval, un mulet. = 2°. Changer l' ordre des soles d' une terre labourable. "Il n' est pas permis à un Fermier de dessoler les terres de sa ferme. On dit aussi dessaisoner.

DESSOUDER


DESSOUDER, v. act. [Dé-soudé; 1re et dern. é fer.] Ôter, fondre la soudûre. Dessouder les branches d' un chandelier. "Le fer-blanc se desoude facilement au feu.

DESSOULER


DESSOULER, voy. DESSAOULER.

DESSOUS


DESSOUS, adv. [De-sou, et devant une voyelle, de-souz; 1re e muet.] Dessus et dessous, sont des adverbes de lieu, dont l' un exprime la situation d' une chôse qui est sur une aûtre, et le 2d, la situation de celle qui est sous une aûtre chôse. Ce livre est sur la table, il est dessous: "On le cherchait dessus, il était dessous.
   Rem. 1°. Dessus et dessous, n' ont pas ordinairement de régime. Au lieu de dire, dessus le lit, dessous la table, il faut dire, sur le lit, sous la table. _ Vaugelas, qui fait cette remarque, soufre encôre, dans les vers, dessus et dessous comme préposition; mais d' Olivet remarque que la poésie se pique à présent d' être aussi exacte que la prôse. Il condamne donc ce vers de Racine:
   Ses sacrileges mains,
   Dessous un même joug, rangent tous les humains.
       Alex.
Racan dit que Malherbe se blâmait d' avoir écrit, dessus mes volontés, pour sur mes volontés. D' OLIV. _ Cependant il y a des ocasions où ces mots ont un régime exprimé; et c' est premièrement, quand on met ensemble les deux oposés: J' ai cherché dessous et dessus le lit; secondement, quand ils sont précédés des préposition de et par: de dessus la maison, de dessous le théâtre: par-dessus la tête, par-dessous les brâs. Rest. Acad.
   2°. Au-dessus et au dessous, sont des prépositions et des adverbes: ils régissent la prép. de, ou s' emploient sans régime. Ils sont employés; ou par raport à l' ordre des temps: On enrôla tous les hommes au-dessus de vingt ans, ou, au-dessous de trente ans; ou par raport à la supériorité ou à l' infériorité de situation: Charenton est au-dessus de Paris, et Saint-Cloud est au-dessous: ou par raport au rang: Être assis au-dessus ou au-dessous de quelqu' un; ou par raport à la supériorité ou à l' infériorité d' excellence: Être au-dessus ou au-dessous de... en naissance, en dignités en mérite.
   Rem. Au-dessus ne régit point les verbes. Mde de Sévigné lui fait régir de et l' infinitif: "Il ne voit rien, dans sa fortune, au-dessus d' avoir été aimé de ce Héros (M. de Turenne.) C' est une ellipse; et c' est comme si elle avait dit, au-dessus de la gloire d' avoir été aimé, etc.
   3°. DESSOUS est quelquefois substantif, et signifie la partie de dessous d' une chôse. "Le dessous d' une table. "Le dessous est plus beau que le dessus. _ Le dessous des cartes, est la carte, ou les cartes qui sont au-dessous du jeu des cartes, quand on a coupé. C' est aussi le revers des cartes. Au figuré, voyez CARTE.
   Rem. Doit-on dire, avoir du dessus, du dessous, ou, le dessus, le dessous? Le dernier me parait préférable. "Les Japonois eurent toujours du dessus. Charlev. "Bataille de Dorilée, où les Chrétiens ont d' abord du dessous. Ann. Litt. _ Le Rich. Port. met, avoir du dessous. L' Acad. dit, au contraire, avoir le dessus, avoir le dessous: "On lui a doné du dessous dans cette afaire.
   4°. On dit, sans dessus dessous. Mde de Sévigné redouble la prép. sans: elle dit, sans dessus, sans dessous. Le 2d sans est inutile, et contre l' usage. _ Sens dessus dessous, vaut mieux, à mon avis. Voy. SANS, à la fin.

DESSUS


DESSUS, adv. [De-su; 1re e muet.] Sur. Il n' a point de régime. Voy. DESSOUS: Cela est dessus; mettez-le dessus; il n' est ni dessus, ni dessous.
   DESSUS, est quelquefois substantif. "Le dessus de la main, de la tête, la partie supérieûre;le dessus d' une table, d' un livre, etc. _ Figurément, avoir le dessus dans un combat, remporter l' avantage, la victoire. Voyez DESSOUS, n°. 3°.
   Rem. On dit, avoir, ou prendre le dessus sur. Quelques Auteurs ont mis à la place la prép. de.
   Si de mes ennemis Rodrigue a le dessus.
       Le Cid.
"Enfin, la piété eut le dessus de la nature et elle se soumit à la volonté de Dieu. Marsolier. _ Il faut dire, si sur mes ennemis Rodrigue a le dessus. "La piété eut le dessus sur la nature.
   DESSUS, subst., a divers sens: 1°. La suscription, l' adresse d' une lettre, d' un paquet. "Mettez le dessus à cette lettre, à ce paquet. = 2°. En termes de Marine, gâgner, prendre le dessus du vent, être au-dessus du vent, c' est se placer, ou demeurer entre le lieu d' où le vent soufle et le vaisseau sur lequel on prend ou l' on conserve cet avantage. _ Figurément, il est au-dessus du vent, ses afaires sont en si bon état, qu' il n' a plus rien à craindre. = 3°. En termes de Musique, le dessus, est la partie la plus haute, et qui est oposée à la bâsse. "La bâsse est bone, le dessus ne vaut rien. Premier dessus, second dessus. _ On dit d' une persone qui chante le dessus, c' est un beau, ou un bon dessus, ou au contraire.
   AU-DESSUS, prép. Voy. DESSOUS, n°. 2°. _ On dit figurément (st. famil.) qu' un homme est au-dessus de ses afaires, pour dire, que sa fortune est bien établie, et qu' il a plus de bien qu' il n' en dépense. _ Dans un style plus noble, être au-dessus des louanges, c' est, ou avoir du mérite au-delà de ce que les louanges peuvent exprimer; ou, n' être point touché des louanges: Être au dessus de l' envie, de la calomnie; être dans un tel état, ou avoir un tel mérite, que la calomnie ou l' envie ne peuvent nuire. Se mettre au-dessus de tout ce qu' on peut dire, au-dessus des bienséances, etc., ne se mettre point en peine de tout ce qu' on peut dire, ne se point soucier des bienséances du monde. Cela se prend en mauvaise part, et c' est l' excès de la dépravation. Se mettre au-dessus du respect humain, peut avoir, au contraire, et a d' ordinaire un bon sens; mépriser les critiques injustes, et les râilleries d' un monde énemi de la piété et de la vertu.
   PARDESSUS, prép. Sur, au-delà de, outre cela "Il porte un manteau par-dessus son just' au-corps: "Par-dessus les murâilles. "Il est riche, il est jeune; et par-dessus cela, il est sage. _ En parlant d' un grand embarras d' afaires, on dit (st. famil.) qu' on en a par-dessus les yeux, par-dessus la tête. On dit ordinairement des malades, qu' ils rendent les médecines par le haut et par le bâs. * M. Tissot dit, pardessus et par-dessous: c' est un vrai barbarisme. _ Par-dessus l' épaule, point du tout. "Il l' a payé par--dessus l' épaule. _ Par-dessus, est aussi adverbe sans régime. "On lui a doné ce qu' il demandait, et quelque chôse par-dessus.
   * On a dit anciènement, au par-dessus, pour au reste, du reste. Il peut être encôre employé dans le burlesque.
   Les oracles ont cessé:
   Colletet est trépassé.
   Dès qu' il eut la bouche close,
   Sa femme ne dit plus rien:
   Elle enterra vers et prose
   Avec le pauvre Chrétien.
   En cela, je plains son zèle,
   Et ne sais, au par-dessus,
   Si les Graces sont chez elle;
   Mais les Muses n' y sont plus.      La Font.
  Là-DESSUS, adv. Sur cela, à ces mots, dans le moment. "Là-dessus il s' en ala; il nous quitta.

DESTIN


DESTIN, s. m. [Dès-tein; 1reè moy. _ On écrivait aûtrefois destein, comme on écrit encôre dessein.] Destin, se dit 1°. De la fatalité. Il ne se dit qu' en parlant des Payens. Destin immuable, irrévocable. "Les ordres, les arrêts du destin. _ Les Poètes disent indiféremment, le destin, ou les destins. = 2°. Il se dit pour sort, pour ce qui arrive ordinairement de bien ou de mal à chacun. "On ne peut fuir son destin. "C' est le destin des grands hommes, d' être persécutés pendant leur vie, et d' être célébrés après leur mort.
   DESTIN, DESTINÉE (synon.) On dit souvent l' un et l' aûtre indiféremment. Destin, est le seul bon, quand il est personifié. "Les orâcles du destin. Destinée vaut mieux, quand on parle de ce à quoi on est destiné. "Telle est la destinée des Rois et des Princes de la Terre, d' être établis pour la perte, comme pour le salut du reste des hommes. Massil. Voy. DESTINÉE.

DESTINATION


DESTINATION, s. f. [Dèstina-cion, en vers, ci-on; 1re è moy.] La disposition qu' on fait d' une chôse dans son esprit. Acad. Disposition d' une chose relative à une autre. Trév. "Il ne faut pas changer la destination des Fondateurs. "Suivant la destination qui en a été faite. Dans la 1re phrâse, destination a le sens actif, et se dit de l' action de destiner, et de la persone qui destine. Dans la 2de il a le sens passif, et se dit de la chôse qui est destinée.

DESTINÉE


DESTINÉE, s. f. [Dèstiné-e; 1re è moy. 3e é fer. et long, 4e e muet.] Destin. Il est plus en usage en prôse que destin; et la plupart du temps il se prend au singulier pour l' effet du destin. Acad. Voy. DESTIN. "Fatale destinée. Remplir ses destinées. "Il faut suivre sa destinée: On ne peut fuir, vaincre sa destinée. _ Finir sa destinée, finir sa vie, mourir.

DESTINER


DESTINER, v. a. et n. [Dèstiné, 1re è moy. dern. é fer.] 1°. Disposer de quelque chôse dans son esprit. 2°. Projeter, se proposer de faire quelque chôse. Actif, il a pour 2d régime la prép. à: Destiner un enfant à l' Église: Il a destiné cet argent aux paûvres, ou, pour les paûvres. "Il est destiné à succéder au commandement. _ Neutre dans le 2d sens, il régit la prép. de: "J' ai destiné de faire cela. Acad. "Son Altesse Royale ayant destiné de voir les Galeres de France. Anon. "Domicile, est le lieu où un pere de famille habite, et où il a destiné d' établir le siege de sa fortune, et de sa demeure fixe et permanente. Ferrière. _ On dit qu' un homme était destiné à une chôse, pour dire, que son destin l' y portait. "Il étoit destiné à mourir d' une mort violente.
   DESTINÉ, participe et adjectif, régit aussi la prép. à. "Lieu destiné (consacré) à la promenade; destiné aux jeux et aux divertissemens. Homme destiné au Barreau, au Commerce, etc.

DESTITUABLE


DESTITUABLE, adj. DESTITUER, v. a. DESTITUTION, s. f. [Dèstituable, tu-é, tu-cion; 1re è moy. 4e dout. au 1er, é fer. au 2d.] Destituer, c' est priver quelqu' un de la charge, de l' emploi qu' il exerçait. Destituable, qui peut être destitué. Destitution, action de destituer, ou plutôt, privation, etc. "On l' a destitué de son emploi: "Le Vicaire d' un Curé est destituable à volonté, ad nutum. "Depuis sa destitution, il n' a fait que languir.
   Rem. 1°. DESTITUTION a un sens passif. Il se dit, non de celui qui destitûe, mais de celui qui est destitué. "La destitution de cet Oficier a été fort désaprouvée.
   2°. DESTITUÉ, participe, n' a pas le sens de son verbe. Il signifie dépourvu, dénué, privé de... "Destitué de tout secours; destitué de raison, de bon sens. "Que peut la raison, destituée des lumières de la Foi? "Ces clameurs éternelles, dont on nous étourdit, sont destituées de tout fondement.

DESTRIER


*DESTRIER, s. m. Vieux mot, qui signifiait Cheval: "Au diner du Sacre de Charles VI, le Sire de Couci, et aûtres servoient le Roi et les Princes du Sang sur hauts destriers tout couverts et parés de drap d' or. _ En la marge du Cérémonial Français, qui raporte ce fait, il est écrit: "Ce mot destrier signifie un cheval; et aussi les Chroniques de France disent que ce diner fut servi à cheval. Le Gendre. _ L' Académie dit que destrier signifiait un cheval de main, de batâille, et qu' il était oposé à palefroi, qui était un cheval de cérémonie. On voit, par le trait cité, qu' il se disait même dans les grandes cérémonies.

DESTRUCTEUR


DESTRUCTEUR, s. m. DESTRUCTIF, IVE, adj. DESTRUCTION, s. f. [Dès--trukteur, tif, tîve; Dèstruk-cion, en vers ci-on; 1re è moy. 3e lon. au 3e.] Destructeur est celui qui détruit; destructif, se dit de ce qui détruit, qui caûse la destruction, la ruine totale. "Les Grecs furent les destructeurs de Troie. "Ce prodigue, ce libertin a été le destructeur de sa maison. "Ce Prince a été le destructeur de l' hérésie. _ "Principe destructif, cause destructive. "Des doctrines destructives de tous les devoirs de la société et même de l' humanité. L' Abé De Fontenai.
   REM. 1°. Destructeur peut être employé comme adjectif, et apliqué aux chôses. "Les lumières purement spéculatives n' ont d' influence sur le sort des Nations qu' à titre d' agens destructeurs. Briatte. "On ne prenoit aucune précaution contre ce torrent destructeur (les Normands). Millot.
   2°. Destructif n' est pas ancien dans la Langue, mais il a été bien reçu, et s' est bientôt acrédité. "D' elle-même et par elle-même, l' irréligion est donc énemie et destructive de la probité. Neuville.
   *DESTRUCTRICE, adj. fém. [Ce mot est bien dur à prononcer. Trév. et le Rich. Port. le mettent avec destructeur. L' Acad. ne le met pas.] "C' étoit une Nation bien destructrice que celle de Gots. Montesq. "Loi qui devient destructrice du corps politique. Id. "Cette Philosophie destructrice du bon et du beau. Ann. Litt. "Il vint un temps où cette autorité se décria elle-même, et ce fut quand elle s' arma par des passions destructrices pour l' ambition, pour la vengeance. Moreau. M. l' Abé Royou a aussi employé ce mot. _ Destructive a le même sens, est aussi énergique, et il est plus doux.

DÉSUÉTUDE


DÉSUÉTUDE, s. f. [Dézu-étude; 1re et 3e é fer. dern. e muet.] Il se dit des Lois, des Règlemens, anéantis en quelque sorte, par le non usage. "Cette Loi est tombée en désuétude.
   Rem. Ce mot confiné dans le Barreau, est employé par de bons Auteurs, depuis quelque temps. Il est plus doux que désacoutumance, qui est encore moins usité. La Langue a besoin de l' un ou de l' aûtre, et même de tous les deux: car désuétude se dit même de l' inexécution des Lois, pour laquelle désacoutumance ne vaudrait rien. _ Quelques-uns disent et écrivent dissuétude, qui ne vaut rien.

DÉSUNION


DÉSUNION, s. f. DÉSUNIR, v. act. [Dézu-nion, en vers ni-on, dézuni.] 1°. Disjonction, disjoindre: Démembrement, démembrer. "Désunion de deux Prébendes, et deux Cûres, de deux fiefs: Bulles de désunion; Sentence, arrêt de désunion. "Désunir un Prieuré d' une Cure, un fief d' une terre~, etc. = 2°. Division, mésintelligence. Diviser, rompre l' union et la bone intelligence. "Causer, mettre la désunion dans l' État, dans une famille. "Désunir les factions. "C' est l' intérêt qui unit et désunit les hommes. "S' ils se désunissent, ils sont perdus.
   REM. Se désunir s' emploie sans régime. * Bossuet lui fait régir la prép. avec. "Il s' est désuni avec ses Confrères. À~ employer un régime, d' avec vaudrait mieux; mais se séparer est plus propre avec la prép. de: Il s' est séparé de ses Confrères.

DÉTACHEMENT


DÉTACHEMENT, s. m. DÉTACHER, v. a. [Détacheman, ché; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Détachemant, est 1°. Dégagement d' une passion, d' une opinion, etc. "Étre dans un entier détachement de toute sorte d' intérêt, de toutes les chôses du monde. = 2°. Action de détacher des gens de guerre d' un plus grand corps, pour quelque dessein. Faire un Détachement. Il se dit des hommes ainsi détachés, pris collectivement. Comander un Détachement, être d' un Détachement.
   DÉTACHER, est, 1°. séparer d' une chôse ce qui y était ataché; détacher un chien, une tapisserie, un tableau; ou ce qui l' atachait, détacher une épingle, un ruban, une agrafe. = 2°. Tirer d' un corps d' Armée des soldats pris dans un Corps, ou dans plusieurs, pour quelque dessein. On détacha mille chevaux, pour investir la place, "Le Prévôt a détaché des Archers après les voleurs. = 3°. Dégager des opinions, des passions. "La vertu l' a détaché de ses préjugés funestes. "Rien n' est plus capable de nous détacher du monde que les revers et les disgraces. = 4°. Se détacher, se dit dans ces trois acceptions. "Jarretière, ruban qui se détache. "Deux Cavaliers se détachèrent pour faire le coup de pistolet. Se détacher du jeu, se détacher du monde, des chôses du monde. "Il s' est detaché de cette femme.

DÉTAIL


DÉTAIL, s. m. DÉTAILLER, v. a. DÉTAILLEUR, s. m. [Dé-tail, Déta-glié, ta-glieur; 1re é fer. mouillez l' l finale du 1er, et les ll des deux aûtres.] Détail, en parlant de marchandises, ne se dit qu' adverbialement: vendre, débiter en détail; c. à. d. par le menu. Il est oposé à vendre en grôs. "Marchand en grôs et en détail. = En parlant d' afaires: récit de ce qui est arrivé, acompagné de toutes ses circonstances. Faire le détail; un long détail d' une afaire, d' un siège, d' un combat, etc. Raconter une histoire fort en détail, etc. "C' est un homme de détail; il entend le détail; il entre dans les moindres circonstances d' une afaire, d' une narration.
   Rem. 1°. Le P. Bouhours n' aimait pas ce mot au pluriel. Au lieu de dire: il faut descendre dans mille détails; il voulait qu' on dît: dans le détail de mille chôses. Il n' admettait détails, qu' en parlant d' afaires et de narrations, dont on est ennuyé. "Je n' ai, ou je n' avois que faire de ces détails. Cependant de très-bons Auteurs ont dit détails. "Vous n' avez point à craindre tous ces longs détails de chicanes ennuyeuses, qui sèchent l' esprit de l' Écrivain. Racine. _ L' Acad. dit aussi ce terme au pluriel. "Rien ne plait tant dans les Relations, que les détails, quand ils sont faits avec choix. Aucun Gramairien n' a été de l' avis du Père Bouhours.
   2°. On dit, en détail, ou dans le détail: Mde. de Genlis dit, avec détail. "Vous me parlez des vertus de mon père: eh! qui les admire plus que moi? moi, qui vois avec détail l' austérité de sa vie, et les sacrifices multipliés qu' il fait sans cesse à ses devoirs. Th. d' Educ. Le Magistrat.
   Détailler, a les deux sens de détail: il est oposé à vendre en grôs. Détailler du sucre, du café, etc. _ Détailler une afaire, la raconter avec toutes ses circonstances. _ L' Auteur des Réflexions trouvait que, dans cet emploi, détailler est du style bâs, et qu' il ne devait point entrer dans le discours relevé. L' Acad. le met sans remarque. Je ne le crois pourtant pas du beau style.
   Détailleur ne se dit que du Marchand, qui vend en détail. Il est oposé à marchand grossier.

DÉTALER


DÉTALER, v. a. [1re et dern. é fer.] Ôter, serrer la marchandise qu' on avait étalée. "Il étale sa marchandise le matin, et la détale le soir. _ V. n. "Les marchands ont détalé: "Le Commissaire les a fait détaler. _ Populairement, se retirer de quelque endroit promptement et malgré soi. "Il détala au plus vîte. "Je le ferai bien détaler.

DÉTALINGUER


DÉTALINGUER, v. n. Terme de Marine. Ôter le câble d' une ancre.

DÉTEINDRE


DÉTEINDRE, v. a. [1re é fer. dern. e muet.] Faire perdre la couleur. "Le Soleil déteint les couleurs, le vinaigre déteint les étofes. "Cette couleur se déteint aisément. "Ces draps ne se déteignent, ou ne déteignent point. Dans la dernière phrâse, il est neutre.

DÉTELER


DÉTELER, v. a. et n. [1re é fer. 2e e muet devant la syllabe masc. Je dételais, il détela, etc. è moyen devant l' e muet: il dételle ou détèle; détellera ou détèlera, etc.] Détacher des chevaux, etc. qui étaient attelés. "Cocher qui dételle ses chevaux; Laboureur, qui détèle ses boeufs. _ V. n. sans régime; Dételez! Il détela: il n' a pas encôre dételé.

DÉTENDRE


DÉTENDRE, v. a. [Détandre; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] 1°. Relâcher ce qui était tendu. Détendre une corde, un arc, un ressort. = 2°. Détacher ce qui était posé, attaché, tendu. Détendre une tapisserie, un lit, une tente. _ Détendre une chambre, une Église; ôter les tapisseries qui étaient tendûes. On dit en ce sens, neutralement: "On détend dans les rûes, quand la St. Sacrement a passé. "On a détendu dans toutes les chambres, dans tout le camp. On sous-entend, les tapisseries, les tentes. = 3°. Figurément, Détendre son esprit, se relâcher l' esprit, après des ocupations qui demandaient beaucoup d' aplication.

DÉTENIR


DÉTENIR, v. a. DÉTENTEUR, TRICE, s. m. et f. DÉTENTION, s. f. [Déteni, tanteur, trice, tan-cion; 1re é fer. 2e e muet au 1er, lon. aux 3 aûtres.] Détenir, c' est retenir ce qui n' est pas à soi. Détenteur, celui qui tient, qui possède sans droit. Détention, état d' une persone, ou d' une chôse qui est saisie par Justice, et détenûe. "Détenir le bien d' autrui; détenir les éfets d' une succession. Détenteur d' un héritage. Détentrice des éfets de la succession. "La détention d' une persone, d' un bien. Détention injuste. "Depuis, ou pendant sa détention; après une longue détention. _ Ces termes ne se disent guère qu' au Palais; surtout détenteur.
   REM. La Touche pense que détenir n' est plus du bel usage; et qu' au lieu de dire, la fièvre le détient au lit depuis trois jours: on l' a détenu long-temps en prison, il faut dire, le tient, ou le retient, etc. On l' a tenu, ou retenu, etc. Il avoue pourtant qu' on dit bien au passif, il est détenu au lit par maladie, il est détenu prisonier. Pourquoi donc ne le dirait-on pas à l' actif? _ Ce qui est vrai, c' est qu' à l' exception de ces phrâses, détenir est peu usité hors du Palais. _ il a quelquefois pour 2d régime le datif. "Ce paûvre homme ne peut faire juger son procès, parce qu' on lui détient ses papiers.

DÉTENTE


DÉTENTE, s. f. [Détante; 1re é fer, 2e lon. 3e e muet.] 1°. Ce qui sert à faire lâcher le ressort d' une arme à feu, d' une arbalête. "Le pistolet est chargé et bandé, ne touchez pas à la détente, vous le feriez tirer. _ 2°. L' action de ce ressort. "Ce fusil est fort, et dur à la détente.

DÉTENU


DÉTENU, UE, participe du verbe Détenir. Détenu en prison; détenu prisonier, détenu au lit. _ Voltaire l' emploie substantivement au masc. "Les détenus (en prison) ne s' entrecomuniquent que des exhalaisons empestées. "L' emprisonement est déja une peine par lui-même. Il doit donc être proportioné au délit, dont le détenu est acusé. Et un Anonyme: "Le plus souvent leurs papiers ne leur sont pas rendus, à moins que le détenu ne soit un homme assez puissant, pour l' obtenir. On peut regarder ce substantif comme un néologisme.

DÉTERGER


DÉTERGER, v. a. [1re et dern. é fer.] Terme de Médecine. Nettoyer. Déterger une plaie, les intestins, etc.

DÉTÉRIORATION


DÉTÉRIORATION, s. f. DÉTÉRIORER, v. a. [Détéri-ora-cion, ri-oré; 1re et 2e é fer. dern. é aussi fer. au 2d.] Détériorer, c' est gâter, dégrader, rendre pire. Détériorer un héritage, une terre, une maison. Détériorer sa condition, la rendre plus mauvaise. = Détérioration, est l' action par laquelle une chose est détériorée. = Ce mot a un sens passif; il ne se dit pas de celui qui détériôre, mais de ce qui est détérioré. "Quand la détérioration des marchandises vient de la faute du Gardien, il en est responsable. "Tout Locataire est responsable des détériorations faites durant son bail. "Cette terre est bien détériorée; tout y est dans une grande détérioration. "Ces mots ne se disent qu' au Palais, et en parlant d' afaires de comerce.
   Rem. Détériorer n' a que le régime absolu. M. Moreau lui done la prép. à pour régime relatif. "St. Gregoire... comme Pasteur, défend de rien détériorer à cette propriété. Il falait, ce me semble, de détériorer le moins du monde, ou en quoi que ce soit, cette propriété.

DÉTERMINANT


DÉTERMINANT, ANTE, adj. DÉTERMINATION, s. f. [Déterminan, nante, na--cion.] Déterminant, qui détermine. Motif déterminant, raison déterminante. "Les objets qu' ils avoient à lui présenter, n' étoient pas aussi déterminans. HIST. DES TUD. L' Académie ne met pas cet adjectif verbal; mais l' usage l' aprouve: il est dans le Richelet Portat.
   DÉTERMINATION, est la résolution qu' on prend après avoir balancé les deux partis. On lui demanda une prompte détermination. _ En physique, action de la caûse qui détermine: la détermination du mouvement.

DÉTERMINÉ


DÉTERMINÉ, ÉE, adj. Voy. après, DÉTERMINER.

DÉTERMINEMENT


*DÉTERMINEMENT, s. m. DÉTERMINÉMENT, adv. [La diférence de ces deux mots est dans la 4e, qui est un e muet au 1er, un é fer. au 2d.] Déterminement est un mot forgé et peu nécessaire, puisque nous avons détermination, qui a le même sens. "Afin qu' on parviène à un prompt acomodement et déterminement. Journ. Polit. de Gen.
   DÉTERMINÉMENT se prend dans trois acceptions diférentes. 1°. Résolument, absolument: Il l' a voulu déterminément. 2°. Expressément, précisément: "Je vous avois marqué déterminément ce qu' il y avoit à faire. 3°. Courageûsement, hardiment. "Les troupes allèrent déterminément à l' assaut.

DÉTERMINER


DÉTERMINER, v. act. [Détêrminé: 1re et dern. é fer. 2e ê ouvert.] Déterminer est, 1°. Décider en matière de Doctrine, de Jurisprudence, de gouvernement. "L' Église a déterminé ce point, cet article. _ Neutralement: Le Concile détermina que, etc. = 2°. V. n. Résoûdre, former, prendre une résolution: "Il a déterminé de rebâtir sa maison. _ Activement: "Je l' ai déterminé à cela. "Déterminez-vous à quelque chôse: Je ne puis me déterminer à rien. _ Ou sans régime: il s' est enfin déterminé. = 3°. Déterminer un mot à un sens, ou en déterminer le sens; en faire conaître la vraie signification. "Ce mot a plusieurs sens; mais les autres mots qui l' acompagnent, le déterminent à un tel sens, en déterminent le sens.
   DÉTERMINÉ, ÉE, adj. En parlant des chôses, résolu, décidé, fixe. En parlant des persones, ou de ce qui y a raport. 1°. Entièrement adoné à... "Chasseur, joueur, buveur déterminé. = 2°. Hardi, courageux, qu' aucun péril n' éfraie. Soldat déterminé: "Ils se jetèrent dans Dieppe avec cent Bretons déterminés. Duclos. D' un air déterminé. "Par cette action déterminée, il étona les ennemis. = 3°. Subst. masc. Méchant, emporté, capable de tout faire. "C' est un determiné, un vrai, un franc déterminé.
   DÉTERMINÉ, partic. a les régimes de son verbe: déterminé à tout; à tout entreprendre. Voitûre l' emploie sans régime. "Je me fortifie tous les jours, et je suis plus déterminé qu' il n' est possible de croire. Le régime est sous-entendu: "Je suis plus déterminé à tout risquer, à tout souffrir, etc.

DÉTERRER


DÉTERRER, v. act. [Détêré; 1re et dern. é fer. 2e ê ouv. r forte.] 1°. Exhumer, tirer de terre, du tombeau, une persone qui a été enterrée. "On a déterré le corps pour le visiter. = 2°. Découvrir une chôse cachée, ou une persone qui ne voulait pas être conûe. Déterrer un trésor, un secret; des papiers, des titres. "Il pensoit être bien caché, mais on le déterra bientôt. "Elle croyoit n' être pas connue, mais on déterra bientôt qui elle étoit.
   DÉTERRÉ, s. masc. Il se dit dans cette phrâse: "Il a le visage d' un déterré; il est fort pâle, fort défait. "Il est malade... comme il est changé! il a l' air d' un déterré. Th. d' Èduc.

DÉTERSIF


DÉTERSIF, IVE, adj. [Détêrcif, cîve; 1re é fer. 2e ê ouv. 3e lon. au 2e, 4e e muet.] Terme de Médecine. Qui déterge, qui nettoie. Remède détersif; Médecine détersive.

DÉTESTABLE


DÉTESTABLE, adj. DÉTESTABLEMENT, adv. [1re é fer. 2e è moyen, 3e dout. au 1er, 4e e muet, dans la 5e en a le son d' an, le t ne s' y prononce pas.] Détestable, qui doit être détesté. Détestablement, d' une manière détestable. "Crime détestable. Peuple, maxime, opinion détestable; homme détestable. Il se dit plus souvent de ce qui vient des persones, que des persones mêmes. Par exagération, vers détestable, vin détestable. "Chanter, écrire détestablement. L' adv. ne se prend que dans cette dernière acception.
   Rem. Détestable suit ou précède au choix de l' Orateur ou du Poète, guidé par l' oreille et le goût. "Tyran détestable; détestable systême.
   Il punira sur vous le détestable hommage
   De vos adulateurs.
       Rouss.

DÉTESTATION


DÉTESTATION, s. fém. DÉTESTER, v. act. [Détèsta-cion, détèsté; 1re é fer. 2e è moyen.] Ils expriment l' horreur qu' on a pour certaines chôses. La détestation du péché: détester son crime, ses péchés. Détester les désordres de sa vie passée.

DÉTEUR


*DÉTEUR ou DETTEUR, s' est dit autrefois pour Débiteur. Voy. DETTEUR, avec deux tt.

DÉTIRER


DÉTIRER, v. act. [1re et dern. é fer.] Tendre en tirant: détirer du linge, du ruban, des dentelles, etc.

DêTISER


DêTISER, v. act. [Détizé; 1re et dern. é fer. l' i est long. devant l' e muet: il détise, détisera, etc.] Détiser le feu est tout l' emploi de ce mot. C' est séparer les tisons, afin qu' ils ne brûlent plus.

DÉTONER


DÉTONER, v. n. [Détoné: 1re et dern. é fer. Trév. met deux nn à ce mot. Il faut savoir gré à l' Acad. de n' en avoir mis qu' une.] Sortir du ton qu' on doit garder pour bien chanter. Acad. Ne chanter pas juste, ne suivre pas la règle de la musique. Trév. Sortir de ton. Rich. Port. La 1re définition est préférable. "Il ne s' acorde pas avec les aûtres; il détone. _ Figurément, en parlant des ouvrages d' esprit; il y a des chôses, qui détonent dans cet ouvrage; qui ne s' acordent pas avec le ton général qui y règne. "On dit que nous mélons les styles; que La Fontaine, dans ses Fables, était toujours naïf, Rousseau, dans ses Odes toujours sublime; et que nous sommes sujets à détoner. Coyer. "Les préambules des Lois ne doivent jamais détoner avec le commandement qui suit.

DÉTORDRE


DÉTORDRE, v. act. [1re é fer. dern. e muet.] Déplier ce qui était tors. Le remettre dans son premier état. Détordre du linge pour l' étendre. Détordre une corde, du fil, etc. _ Se détordre le pied, le brâs; s' y faire du mal, en étendant quelque nerf, quelque muscle. _ Le se est au datif.

DÉTORQUER


DÉTORQUER, v. act. [Détorké: 1re et dern. é fer.] Détorquer un passage, un raisonement; en éluder la force, en lui donant une explication forcée et peu naturelle. C' est tout l' emploi de ce mot.

DÉTORSE


DÉTORSE, s. f. L' Acad. le done comme un terme de Chirurgie. Le Rich. Port. renvoie à ENTORSE: celui-ci est plus usité. Voyez-le à sa place.

DÉTORTILLER


DÉTORTILLER, v. act. [Détorti-glié; 1re et dern. é fer. mouillez les ll.] Défaire ce qui était tortillé. Détortiller un ruban, un cordon. "Je ne sais comment le détortiller.

DÉTOUR


DÉTOUR, s. masc. [Dé-tour; 1re é fer.] 1°. Sinuosité: les détours que fait une rivière. = 2°. Endroit qui va en tournant. "Il y a un détour à droite, à gauche. "Le voleur l' attendit à un détour. 3°. Chemin qui éloigne de la route que l' on tient. "Ne passez pas par là, vous feriez un trop grand détour. 4°. Figurément, adresse, subtilité. "Il m' a doné d' un détour. "Je connois ses tours et ses détours. = Prendre de longs détours, ou simplement, des détours, c' est dans le discours, parler de chôses et aûtres, pour en venir ensuite adroitement à ce qu' on veut proposer ou demander.
   Rem. Le P. Barre dit doner des détours, pour dire, employer des artifices, des subterfuges. "Le Duc, aussi délié que lui, le suivit par tous les détours qu' il lui dona. On dit simplement, le suivit dans tous ses détours. On dit bien doner d' un détour, et nous venons de le dire d' après l' Acad. mais c' est une expression familière, et elle ne s' emploie point au pluriel. _ Bossuet dit aussi, doner des détours, mais dans un autre sens, dans le sens de détorquer, ou détourner. "Rien de plus forcé que les détours qu' on done à ces passages, dans sa secte. Cela n' est point de l' usage actuel.

DÉTOURNEMENT


*DÉTOURNEMENT, s. m. Pomey le met pour empêchement. Molière s' en est servi pour action de se détourner. "Leurs détournemens de tête et leurs cachemens de visage firent dire cent sotises de leur conduite. _ M. Targe l' emploie plus à propos, et il serait utile, employé de cette manière. "Il observa que le détournement des fonds, était une source de taxes perpétuelles. Histoire d' Angl. Smolet.

DÉTOURNER


DÉTOURNER, v. act. [Détourné; 1re et dern. é fer.] 1°. Tourner âilleurs, éloigner, écarter. Détourner quelqu' un de son chemin. Détourner l' eau, le cours de l' eau. Détourner la vûe de dessus quelque objet. "Il en détourna la vûe. "Se détourner de son chemin, du chemin de quelqu' un, etc. = Se détourner est aussi, prendre, ou à dessein, ou par hazard, un chemin plus long. "Je me suis détourné de trois lieuës, pour vous venir voir. "Il s' égara et se détourna de plus d' une lieuë. _ V. n. Quitter le droit chemin: "Quand vous serez arrivé à une Croix, détournez à gauche. = Figurément; détourner le sens d' un passage, d' une loi, d' un mot, lui doner une autre signification que celle qui lui est propre: en faire une aplication forcée et peu naturelle. Bossuet le dit des paroles mêmes. "C' est ce que font ceux qui détournent les paroles de N. S. dont il s' agit. On ne dit point, détourner des paroles, mais en détourner le sens.
   2°. Soustraire frauduleûsement, détourner les papiers, les éfets de la succession. = 3°. Figurément, distraire; cela me détourne de mes afaires, de mes études; ou dissuader: On n' a pu le détourner d' un si mauvais dessein.
   DÉTOURNÉ, ÉE, adj. Peu fréquenté; rûes détournées, chemins détournés. _ Figurément, prendre des chemins détournés; se conduire avec finesse. St. famil. _ Louange détournée; délicate et fine, qui ne s' adresse pas directement à la persone qu' on à intention de louer.

DÉTRACTER


DÉTRACTER, v. act. DÉTRACTEUR, s. m. DÉTRACTION, s. f. Médire. Médisant. Médisance. "Détracter de son prochain. Acad. "Il ne faut pas écouter les détracteurs, ni la détraction. _ Détracteur s' emploie adjectivement avec la prép. de: M. de Sigrais s' élève avec force contre nos Philosophes modernes, détracteurs de tout mérite, qui n' est pas le leur. Journal de Monsieur.

DÉTRAPER


*DÉTRAPER, v. act. Ce mot n' est pas dans Nicot, mais il est dans Monet: il est dans le Dict. des Rimes de La Nouë et de Boyer. _ Du Bartas l' a employé dans sa fameûse description du cheval de Caïn.
   Le champlat bat, abat, détrape, agrape, atrape.
Quel horrible jargon! _ Un usage fréquent de détraper, en Bourgogne, c' est dans la signification de desservir après le repas. "Le Comte de Bussi, (Rabutin) dans le 1er tome de ses Mémoires que la Monnoie avoit vus, écrits de sa main, avoit, en ce sens, usé de ce mot, que le P. Bouhours, qui les revit, n' eut garde d' y laisser. La Monn.

DÉTRAQUER


DÉTRAQUER, v. a. [Détraké; 1re et dern. é fer.] 1°. Détraquer un cheval, lui faire perdre ses bones alûres. "Celui qui a monté ce cheval l' a tout détraqué. = 2°. Détraquer une machine, la dérégler. Vous avez détraqué ma montre: elle se détraque. _ Par extension: "Ces alimens m' ont détraqué l' estomac. Mon estomac se détraque. = 3°. Figurément, détourner d' un train de vie réglée. "Il ne faut qu' un mauvais Religieux pour détraquer toute une Communauté. _ Il a quelquefois pour second régime la prép. de. "Sa maladie l' a détraqué de ses études. Il se dit aussi avec le pronom personel. Il s' est entièrement détraqué. "Il se détraque tous les jours davantage.
   Rem. Détraquer n' est pas du beau style, et il ne figure pas bien dans une histoire sérieûse. "L' ignorance et la superstition des peuples est un ressort si comun, si grossier, si peu susceptible d' accidens, qui le détraquent, qu' il peut réussir dans les mains même les plus mal adroites. Mde de B... Hist. d' Angl.

DÉTREMPE


DÉTREMPE, s. f. DÉTREMPER, v. a. [Détranpe, , 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Détremper est un terme de Peintûre. Couleur délayée avec de l' eau et de la gomme, et dont on se sert pour peindre. "La détrempe s' éface aisément avec de l' eau. "Ce tableau n' est pas peint en huile, il n' est qu' en détrempe. _ En style proverbial, mariage en détrempe, comerce criminel, sous quelque apparence de mariage.
   DÉTREMPER est, 1°. Délayer dans quelque liqueur. "Détremper avec ou dans de l' eau, du vin, du lait, etc. Détremper des couleurs. = 2°. Ôter la trempe de l' acier, en le faisant rougir au feu, en le faisant refroidir peu à peu. "Détremper de l' acier, un couteau, etc.

DÉTRESSE


DÉTRESSE, s. f. [Détrèce; 1re é fer. 2e. è moy. 3e. e muet.] Peine d' esprit. "Être dans une grande, dans une extrême détresse. "Comme nous sommes exposés à de pareilles détresses, c' est notre~ intérêt, qui nous~ fait~ pleurer, quand nous croyons pleurer le malheur des aûtres.

DÉTROIT


DÉTROIT, s. m. [Dé-troa; 1re é fer.] 1°. Endroit où la mer est serrée entre deux terres. Le détroit de Gibraltar; le détroit de Magellan. = 2°. Passage serré entre deux terres. "Dans les détroits des montagnes. = 3°. Au Palais, district, étendûe de pays soumis à une Juridiction. District est plus usité. _ Le Dict. de Trév. (1704) dit que les vieux Patriciens apelaient cela district. Il préfère donc détroit. L' usage a donc changé, car détroit ne se dit presque plus, et district est fort en usage, même dans le discours ordinaire.

DÉTROMPER


DÉTROMPER, v. act. [Détronpé; 1re et dern. é fer. 2e. lon.] Désabuser, tirer d' erreur. Je veux vous détromper, ou, détrompez-vous de cette erreur.
   Rem. 1°. Dans le Dict. Gramat. on critique Molière, pour avoir doné le régime relatif à la persone. "Je veux, dit George Dandin à sa femme, je veux qu' on soit détrompé de vous. Mais l' Acad. done des exemples de ce régime. "Je veux vous détromper de cet homme là. "Il se fioit à ce fripon, j' ai eu bien de la peine à l' en détromper. Bossuet a dit aussi: "C' en seroit assez pour se détromper de tels Docteurs. Je persiste cependant à croire qu' en parlant des persones, désabuser vaut mieux. On dit pourtant, je veux qu' on soit détrompé sur votre compte; mais ce n' est pas le régime de la prép. de.
   2°. Racine done au contraire à ce verbe le régime direct de la chôse: "Détrompez son erreur. On dirait en prôse, détrompez-le de son erreur. Mais les Poètes ont le droit de personifier tout ce qu' ils veulent (d' Oliv.) droit, dont ils abûsent quelquefois. _ Le Gendre est plus inexcusable d' avoir dit, en prôse, en se servant du passif. "L' Opinion que nous concevons de ses richesses, seroit bientôt détrompée, si nous apercevions ce qui se passe au dedans de cet homme riche. On dit bien qu' on est détrompé d' une opinion; mais on ne dit point, qu' une opinion est détrompée.

DÉTRôNER


DÉTRôNER, v. act. [1re et dern. é fer. 2e lon. sur-tout devant l' e muet: il détrône, détrônera, etc.] Chasser du trône. Le Prince d' Orange détrôna son Beau-Père.

DÉTROUSSER


DÉTROUSSER, v. act. [Détroucé; 1re et dern. é fer.] 1°. Détacher ce qui était troussé: détroussé une robe. Les Dames se détroussent, avant d' entrer dans les lieux qui demandent du respect. = 2°. Voler avec violence. Détrousser les passans. "Des voleurs le détroussèrent. _ * On disait aûtrefois détrousseur pour voleur. Il est vieux.

DÉTRUIRE


DÉTRUIRE, v. act. [Dé-truî-re; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Démolir, abatre, ruiner, renverser. Détruire un Palais, une forteresse, une Eglise. "Le temps détruit les plus solides bâtimens. _ Figurément. "Le luxe détruit les familles et les Etats. "L' âge détruit la beauté. "Détruire des objections, une faction, la fortune de quelqu' un, etc.~ _ Se détruire: "Cette opinion ce faux bruit se détruisent d' eux-mêmes; tant ils ont peu de fondement. Voy. DÉMOLIR.
   Rem. 1°. Détruire ne se dit des persones, que dans le sens de décréditer. "On l' a détruit dans l' esprit de son Protecteur. Il est ridicule de le dire d' un Souverain. "Les Grands formoient tous des prétentions pour gouverner la Reine (Elisabeth), ou pour l' épouser, ou pour la détruire. Hist. d' Angl- Le mot est impropre.
   2°. Détruire s' emploie quelquefois neutralement, en sous-entendant le régime. "Le goût des siècles passés, étoit de fonder et d' établir: celui du siècle présent est d' abolir et de détruire. "Des médiateurs, qui n' aient aucun intérêt de détruire. MOREAU.
   3°. Détruire n' a que le régime absolu. L' Auteur d' une gazette lui done la prép. à pour régime rélatif. "Ils ont détruit plusieurs convois à l' ennemi. C' est un gasconisme.

DETTE


DETTE, s. fém. [Dète; 1reè moyen, 2e e muet: On écrivait autrefois debte, debvoir.] Ce que l' on doit. L' Acad. dit, la somme que l' on doit; mais il y a d' aûtres dettes que celle de l' argent. "Contracter, faire des dettes. _ Dette active est celle qu' on a droit d' exiger de quelqu' un. Dette passive, qu' on est obligé de payer. Dette privilégiée, hypothécaire, exigible, véreuse, criarde. V. tous ces mots à leur place, dans l' ordre alphabétique. _ Avouer une dette, ou la dette, avouer qu' on doit; nier ou désavouer une dette, nier qu' on doive. _ En style fig. familier, avouer ou confesser la dette, avouer qu' on a tort, ou convenir d' un fait qu' on voulait cacher.

DETTEUR


*DETTEUR, DEBTEUR, ou DÉTEUR. Vieux mots qu' on a dits autrefois pour débiteur. _ Il semble que detteur, dont s' est servi anciènement un de nos plus célèbres Ecrivains devrait être adopté, étant plus français que débiteur, parce qu' il s' éloigne plus du latin; mais l' usage l' a réprouvé, et il y a très-longtemps qu' on ne dit que débiteur. _ La Fontaine a encôre employé detteur. Voy. CHAUVE-SOURIS.

DEU


*DEU, ou DEUB. Anciène ortographe du participe passif du verbe devoir. Depuis longtemps on écrit .

DÉVALER


*DÉVALER, v. act. et neut. Il n' est plus d' usage que parmi le peuple. Descendre. _ Dévaler du vin à la câve. "Dévaler les degrés, les montagnes. Dévaler de sa chambre. Dévalez: il faut dévaler, etc.
   L' autre jour Frère Jean mourut de la gravelle,
   Et son ame aussitôt aux enfers dévala.
       Ancien Poète.
Il ne peut plus être bon que pour le burlesque et le bâs comique. Corneille l' avait employé dans Rodogune.
   On ne montera point au rang dont je dévale,
   Qu' en épousant ma haine, au lieu de ma rivale.
Même en employant dévaler, il fallait d' où, et non pas dont.
   *DÉVALER a été encôre employé dans la Traduction du Voyage d' Anson. "Il dévala par la fenêtre de la grand' chambre un seilleau, dans lequel le canonier mit, par un des sabords de la Sainte-Barbe, quelques cartouches de pistolet. _ On ne dit plus que descendre: "Il descendit, etc.

DÉVALISER


DÉVALISER, v. act. [Dévalizé; 1re et dern. é fer. l' i est long devant l' e muet: il dévalise, il dévalisera, etc.] Détrousser, voler; dérober à quelqu' un ses hardes. "Des voleurs l' ont dévalisé. _ Ruiner au jeu. Trév. "Il a été entièrement dévalisé: il a perdu tout son argent. Voyageur, courrier, joueur dévalisé.

DEVANCEMENT


*DEVANCEMENT, s. m. Ce mot n' est que dans Pomey: il parait que l' usage ne l' a pas adopté. Cépendant il serait utile en bien des ocasions; comme: le devancement de l' époque de ce payement, du jugement de ce procès me dérange extrêmement. "Le devancement du terme d' un bail, etc.

DEVANCER


DEVANCER, v. a. DEVANCIER, IèRE, s. m. et fém. [1ree muet: 2e lon. 3e é fermé aux deux premiers, , cié, è moy. et long au 3e, cière.] Devancer est, 1°. gagner le devant, prévenir quelqu' un en arrivant avant lui. "Il a devancé~ le~ Courier. = 2°. Précéder par l' ordre du temps: "L' aurôre devance le Soleil. = 3°. Précéder quant au rang. "Je l' ai toujours devancé en pareille cérémonie. _ Dans le 2d sens, on dit, ceux qui nous ont devancés, ceux qui ont vécu avant nous, ou ceux qui nous ont précédés en quelque charge. = 4°. Surpasser, avoir l' avantage. "Cet écolier a devancé tous ses camarades.
   Devancer, précéder, (synon) Le premier de ces mots désigne une différence d' activité, le second une diférence d' ordre. Vous devancez, en prenant ou gagnant les devans pour gagner de vitesse: vous précédez en prenant ou ayant le pas. "Les coureurs devancent, les chefs précèdent. ROUB. Synon.
   DEVANCIER, prédécesseur. "Mon devancier, ou mes devanciers; ma dévancière, ou mes devancieres l' ont ainsi pratiqué. _ Au pluriel masculin, il signifie quelquefois Ancètres, mais dans un sens indéterminé. "Imitons l' exemple de nos devanciers.