Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI


D



D


D, s. m. [Prononcez dé ou de, é fermé ou muet. Voy. Alphabet. Un D majuscule, un petit d; un d mal formé.] Quatrième Lettre de notre Alphabet et la troisième des consones. C' est une de celles qu' on apèle dentales, parce que les dents sont nécessaires pour les prononcer.
   1°. Le son de notre D est le même que celui du mot Allemand Dagen, du mot Anglais Duty, du mot Italien Dare, du mot Espagnol Dar.
   2°. Le D a beaucoup de raport avec le T; de sorte que le d est un t prononcé foiblement, et le t un d prononcé fortement. Aussi, les Allemands et les Suisses lui donent ordinairement le son du t; et prononcent Diable, comme s' il était écrit Tiable. C' est à quoi ils doivent faire atention.
   3°. D, dans la composition des mots, conserve toujours la prononciation de son caractère devant quelque voyelle que ce soit. Quant aux consones, il n' y en a guère devant lesquelles il se troûve que l' j consone, l' m, l' r et l' v consone. Adjectif, admirable, adresse, adverbe, etc. _ * Devant l' j consone, on ne l' écrit plus dans les mots où il ne se prononce pas: on n' écrit plus adjouter, adjourner, advis, Advocat, mais, ajouter, etc. _ Devant l' m, il se prononce toujours, et on l' a retranché des mots où il s' écrivait aûtrefois sans se prononcer. Dites-en de même de l' v consone. _ Pour l' r, le d se prononce toujours, quand il le précède,: Dragon, droitûre, etc.
   4°. D ne redouble que dans addition, reddition, où les deux d se prononcent.
   5°. Le d à la fin des mots, suivis d' une voyelle ou h muette, a le son du t: grand homme, pron. gran-tome; il entend à demi mot: antan-ta demi mo. _ Dans la conversation, le plus souvent on ne le fait pas sentir: antan à demi mo; mais on dit toujours, grant homme, grant arbre, etc. et jamais gran home, gran arbre, etc. _ Il y a des mots où on le suprime toujours dans la prononciation, comme sourd, fond, gond, nid, nud, rond, verd, etc. Sourd animal, fond inépuisable, etc. pron. sour animal, fon inépuisable, etc. _ Dans les temps des verbes, qui, à la troisième persone, se terminent par un d, on ne le prononce ordinairement que quand ces verbes sont suivis immédiatement de leur pronom personel: entend-on? répond-il? Pron. antan-ton, répon-ti. Hors de là on ne prononce le d que dans le discours soutenu: il répond en Docteur. Dites dans la conversation, répon en Docteur.

Dà


Dà, adv. [Anciènement on écrivait dea.] Espèce d' interjection, que le peuple place souvent à la fin des phrâses. "Oh! les billets doux ont une autre mine que ça... j' en ai vu, dà! Th. d' Éduc. _ L' Acad. ne le met que dans oui-dà, nenni-dà. style famil.

D' ABONDANT


*D' ABONDANT est vieux et hors d' usage. Voy. Abondant.

DABORD


DABORD, ou D' ABORD, adv. [L' Acad. le met sous la lettre A, après Abord. On peut l' écrire avec l' apostrophe ou sans apostrophe: il y a des raisons et des autorités pour et contre. Pron. Dabor, sans faire sentir le d final, même devant une~ voyelle: dabord après, pron. dabor après.] Aussitôt, tout de suite, dès le premier instant. Il se met souvent à la tête de la phrâse. Dabord il semble que cela soit vrai. Il signifie souvent premièrement; et quand on a plusieurs raisons à doner, on dit, par exemple: dabord je ne le savais pas, ensuite, quand je l' aurais su, il me convenait de le faire, etc.
   Tout dabord vieillit, et il est tout au plus bon dans la conversation et pour le style comique. L' Acad. dit seulement qu' il rend l' expression un peu plus forte.
   Et tout dabord, oubliant leur mangeaille,
   Vous eussiez vu canards, dindons, poulaille
   De toutes parts acourir, l' entourer,
   Batre de l' aîle, aplaudir, admirer.       Rouss.
"Je le mis tout dabord sur le point d' histoire proposé. _ Dans ces deux endroits, il est en place; mais il ne fait pas bien dans des ouvrages écrits, dâilleurs, avec élégance. "Ayant trouvé tout dabord un Père Bénédictin, il le fit monter par un escalier dérobé. D' Avr. "Peut-être les Syriens et les Cananéens ont-ils tout dabord reçu des Égyptiens l' écriture symbolique. Pluche. Histoire du Ciel. "Les élémens, soit terrestres, soit célestes, sont des matières destinées tout dabord à certains éfets incorruptibles, etc. Id. Ibid.
   * Dabord que, pour dès que, est vieux et hors d' usage.

DACTYLE


DACTYLE, s. m. C' est, dans la Poésie grecque ou latine, un pied de vers, composé d' une longue et de deux brèves, comme tempora.

DADA


DADA, s. m. Mot burlesque ou enfantin. Un petit dada, un petit cheval. Aler à dada, à cheval.
   Le délivreur d' Andromède,
   Monté sur son aîlé dada.       Voit.

DADAIS


DADAIS, s. m. [Dadê, ê ouv.] Niais, nigaud, homme décontenancé (st. famil.) c' est un Dadais; un grand dadais.

DAGORNE


DAGORNE, s. f. Vache à qui l' on a rompu une corne. Figurément et bâssement, Femme vieille, laide et chagrine. "C' est une vieille dagorne.

DAGUE


DAGUE, s. f. *DAGUER, v. a. [Daghe, daghé: 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.: l' u est muet: il n' est là que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e.] Dague est une espèce de poignard.
   *DAGUER, c' est fraper de coups de dague. Ce verbe est vieux. = En style proverbial, fin comme une dague de plomb, se dit d' un esprit grossier, qui veut faire le fin.

DAIGNER


DAIGNER, v. n. [Dègné, mouillez le g, 1re è moy. 2e é fer.] Avoir pour agréable, s' abaisser jusqu' à vouloir bien. Il est toujours suivi de l' infinitif. "Il demande que vous daigniez l' écouter; il n' a pas daigné lui faire réponse.
   Daignerez-vous compter les jours de mon absence?
   Rem. Il me semble que ce verbe n' est guère d' usage à la première persone, à moins qu' on ne fasse parler Dieu ou un Souverain, ou qu' on parle en badinant, ou dans le dépit. Hors de là il ne doit point~ avoir lieu, et j' ôse ne pas aprouver Bossuet, tout grand homme qu' il est, quand il dit: je ne daignerai, ni les avouer, ni les nier. Cela parait trop fier et trop hautain. _ Le même Auteur, employant daigner dans une phrâse négative, retranche pas, et ne met que la particule ne. "M. Jurieu ne daigne entrer dans cet examen. Cela n' est pas dans l' usage actuel.

DAILLEURS


DAILLEURS. Voy. AILLEURS.

DAIM


DAIM. s. m. [Dein. Rollin écrit Dain avec une n: cette ortographe est aussi dans les Lettres Édifiantes. Le féminin daine, semble autoriser cette manière d' écrire le masculin; mais l' usage y est contraire. _ L' Acad. ne met point de féminin.] Espèce de bête faûve, d' une grandeur moyenne, entre le cerf et le chevreuil. "Vite comme un Daim.

DAIS


DAIS, s. m. [Dê, ê ouv. et long.] 1°. Espèce de poèle, fait en forme de ciel-de-lit, avec un dôssier pendant, que l' on tend dans l' apartement des Princes, des Ducs, Ambassadeurs, Avoir le dais, c. à. d. le droit de mettre un dais dans son apartement. _ 2°. Poèle qu' on tend aux Églises, sur le Maître Autel. _ 3°. Poèle soutenu par deux ou quatre petites colones, sous lequel on porte le Saint Sacrement dans les Processions, en viatique, et que l' on présente aux Rois à leurs entrées dans les Villes. Porter le dais. _ On apèle haut dais, le lieu élevé, sur lequel le Roi ou la Reine se mettent dans les cérémonies publiques, soit qu' il y ait un dais dessus, soit qu' il n' y en ait point.

DALLE


DALLE, s. f. [Dale, 2e e muet.] Tablete de pierre dûre. Couvrir une terrasse de dalles. _ Dalle de poisson; voy. DARNE.

DALMATIQUE


DALMATIQUE, s. f. [Dalmatike.] Vêtement des Diacres et des Sou-Diacres, quand ils servent le Prêtre à la Grand' Messe. "Nos Rois, à la cérémonie de leur sacre, portent une dalmatique sous leur manteau royal.

DAM


DAM, s. m. [Dan.] On ne l' emploie que dans ces phrâses adverbiales: à votre dam, à son dam, à leur dam, à votre domage, etc. _ La peine du dam, en parlant des damnés, la privation de la vision béatifique.
   Rem. Malherbe écrit dan avec une n, pour le faire rimer avec éridan; mais damnation, damner montrent assez qu' on doit écrire dam avec une m à la fin. Segrais et Malleville l' ont employé comme Malherbe, et avec la même ortographe. Ménage trouvait que, à leur dam étoit une expression un peu vieille. L' Acad. la met sans remarque: elle n' est pas du beau style.

DAMâS


DAMâS, s. m. DAMASSER, v. act. DAMASSûRE, s. f. [Damâ, macé, ma-sûre; 2e lon. au 1er, 3e é fer. au 2d, longue au 3e.] Damâs est une étofe de soie à fleurs. Elle tire son nom de Damâs, Ville de Syrie, où elle a été dabord fabriquée. _ Damasser, fabriquer une étofe ou du linge en façon de damâs: Linge damassé. _ Damassûre, l' ouvrage du linge damassé. Cette damassûre est fort belle.

DAMASQUINER


DAMASQUINER, v. act. DAMASQUINûRE, s. fém. [Damas-kiné, nûre; 4e. é fer. au 1er, longue au 2d.] Le verbe exprime l' action d' enchâsser de petits filets d' or ou d' argent dans du fer ou de l' acier, entâillé et travaillé exprès pour cela. Le substantif se dit du travail de ce qui est damasquiné. "Damasquiner une épée d' or, d' argent. "Couteau damasquiné, garde damasquinée. "La damasquinûre de cette épée est d' un grand goût.

DAME


DAME, s. f. 1°. Celle qui possède une Seigneurie. "C' est la Dame du Village. _ 2°. Titre d' honeur que l' on done aux femmes de qualité, aux Religieuses dans les Abayes et dans certaines communautés, et même à toutes les femmes d' une condition un peu honnête. "C' est une grande Dame, une Dame très-spirituelle, très-vertueûses: elle fait la Dame, la grande Dame: les Dames de la Cour, de la Ville, de la Province. Être civil avec les Dames, plaire aux Dames, etc. _ 3°. En parlant à des femmes de basse condition, au lieu de dire Madame, on dit Dame telle: Dame Françoise, Dame Isabeau. _ 4°. Dame! espèce d' adverbe, qui sert à afirmer ou à marquer de la surprise: "Dame! si vous ne vous arrêtez, vous verrez beau jeu. "Dame! vous m' en direz tant, que, etc. Dame! c' est juste. Th. d' Éduc. etc. Il est populaire. _ 5°. Dame, terme des jeux de trictrac, des échecs, des cartes, etc.
   Rem. Ce mot n' est d' usage qu' en Europe, et l' on ne doit pas s' en servir, excepté en plaisantant, en parlant des femmes des autres parties du monde. Le P. Charlevoix parle des petits Goschis, qui fesoient, dit-il, l' amusement des Dames. _ M. de Bufon, qui le cite, demande s' il y avoit des Dames à St. Domingue, quand on en fit la découverte.

DAME-JEANNE


DAME-JEANNE, s. f. [Damejane: 2e et dern. e muet.] Grosse bouteille, qui sert à garder et transporter du vin et aûtres liqueurs. L' Acad. avertit qu' il est du st. fam. L' avis n' était pas fort nécessaire.

DAMER


DAMER, v. a. En parlant du Jeu des Dames, c' est mettre une Dame par-dessus une âutre, quand celle-ci est parvenue à l' une des dernières câses du parti contraire. "Me voilà à dame, damez-moi. "Une dame damée peut aler à tout sens. _ On dit, en style prov. Damer le pion à quelqu' un; le suplanter: "Il vous a damé le pion.

DAMERET


DAMERET, s. m. [Damerè: 2e e muet, 3e è moyen.] Damoiseau éféminé; homme qui fait le beau, et qui s' atache à plaire aux Dames. Il est peu usité aujourd'hui. _ N' allez pas, dit Boileau aux Poètes et aux Romanciers:
   Peindre Brutus galant, et Caton dameret.

DAMIER


DAMIER, s. m. [Da-mié: 2e é fer.] Échiquier; Tablier, distingué par un certain nombre de cârrés blancs et noirs, au nombre de soixante-quatre, qu' on apèle câses.

DAMNABLE


DAMNABLE, adj. DAMNABLEMENT, adv. [Dânable, dânableman: l' â est long. On ne prononce point l' m.] Qui peut atirer la damnation éternelle: opinion, action, conduite damnable. = Pernicieux, abominable: maximes, propositions damnables: dessin; entreprise damnable. _ Richelet écrit dannable: mauvaise ortographe.
   DAMNABLEMENT, d' une manière damnable. "Il a abusé damnablement de la confiance qu' on avait en lui. _ Cet adverbe parait peu usité. L' Acad. le met sans remarque.

DAMNATION


DAMNATION, s. f. [Dânacion, en vers ci-on; 1re lon. On ne prononce point l' m.] La damnation éternelle: sur peine de damnation.

DAMNÉ


DAMNÉ, ÉE, adj. et subst. DAMNER, v. a. [Dâné, né-e, né: 1re lon. 2e fer. long au 2d. _ Racine et d' âutres Auteurs écrivaient danner avec deux n. Richelet le marque de même. Rollin écrit condanner. Voyez ce mot. À~ ne pas vouloir écrire l' m, qui ne se prononce point, et qui n' est-là que pour l' étymologie, il faudrait écrire, dâner, dânation, dânable; car l' a est long, et avec les 2 n il parait bref.] Damner, c' est punir des peines de l' enfer. Se damner, s' exposer à ces peines. "Dieu damnera les méchans. "En tenant cette conduite, vous vous damnez, ou, elle vous damnera. _ On dit, par exagération, d' une chôse qui choque, qui importune extrêmement; cela me ferait damner. Cette manière de parler n' est que du style familier.
   Damné, s. m. soufrir comme un damné, comme une âme damnée. _ Ah! je soufre en damné. Molière.
   REM. 1°. Damné ne se dit guère que des Réprouvés éfectifs, si l' on peut s' exprimer ainsi, de ceux dont la condamnation est éfectuée. Il me semble qu' il y a impropriété dans cette phrâse de Bossuet. "Dieu fléchi par son fils, avoit fait un nouveau traité avec tous les hommes, quoique pécheurs et damnés. _ En cet endroit, condamnés, aurait été le vrai terme. Dieu ne fait point de traité avec les damnés.
   2°. Ânciènement on disait, damné pour condamné, proscrit. Dans un ancien plaidoyer de l' Université, il est dit que, par les Conciles de Constance et de Bâle, avoient été extirpés, damnés et abolis les Annates, Déports de Bénéfices, etc.
   3°. En style proverbial, on apèle, âme damnée de quelqu' un, celui qui est capable de tout faire pour le servir. "Ce valet est l' âme damnée de son maître. Il se prend en mauvaise part.

DAMOISEAU


*DAMOISEAU, DAMOISEL, s. m. C' est ainsi qu' on apelait un jeune Gentilhomme, avant qu' il fût Chevalier. Domicellus, comme qui dirait, petit Seigneur, parvus Dominus. On troûve dans les Histoires anciènes, Damoisel Pepin, Damoisel Louis le Gros, Damoisel Richard, Prince de Galles, etc. _ Aujourd'hui, Damoiseau est un homme éféminé, qui fait le beau, qui afecte trop de propreté. Voyez ACCOUTREMENT. _ L' Acad. ne le met point en ce sens.

DAMOISELLE


*DAMOISELLE, s. f. Il s' est dit aûtrefois, et se dit encôre au Palais pour Demoiselle. _ Marsolier le dit toujours de même, mais mal.

DANCE


DANCE. Voyez DANSE.

DANDIN


DANDIN, s. m. DANDINEMENT, s. m. DANDINER, v. n. [Dan-dein, Dan--dineman, dandiné; 1re lon. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Ces mots ne se disent que dans le style familier. On apèle Dandin un niais décontenancé. Dandiner ou se Dandiner, c' est branler le corps, comme font ordinairement ceux, qui n' ont point de contenance. Dandinement est le mouvement de celui qui dandine, ou se dandine. "C' est un grand, un vrai dandin: "Il s' en va dandinant: il ne fait que dandiner, ou se dandiner: "Corrigez-vous de ce dandinement continuel.

DANGER


DANGER, s. m. DANGEREUSEMENT, adv. DANGEREUX, EûSE, adj. [Dangé, ge-reû-zeman, ge-reû, reû-ze: 1re lon. 2e é fer. au 1er, e muet~ aux aûtres: 3e long.] * Plusieurs écrivent et prononcent dangéreux avec un accent sur l' é: et l' ortographe et la prononciation sont également vicieûses. _ On disait aûtrefois dangier.
   I. Danger, péril, risque; ce qui expose à un malheur, à quelque perte ou dommage. Grand danger, danger éminent, (Acad.) ou plutôt imminent. Être en danger, se mettre en danger: courir ou courre un grand danger. Braver, afronter les dangers. = Suivant l' Abé Girard, danger, regarde le mal qui peut arriver. Péril et risque, regardent le bien qu' on peut perdre. Suivant M. d' Alembert, le 1er se dit de toute sorte de malheurs, dont on est menacé; le 2e, des cas où la vie est intéressée; le 3e, de ceux où l' on a lieu de craindre un mal, comme d' espérer un bien. Suivant M. l' Abé Roubaud, le danger est ce qui nous menace de quelque domage, le péril, une rude épreuve par laquelle on passe avec un grand danger; le risque, une situation glissante, dans laquelle on court des hasards.
   Rem. 1°. On dit, être en danger de, et il y a du danger à. "Je m' ocupois à considérer des vaisseaux, agités par la tempête, qui étoient en danger d' être brisés contre les rochers. Télém. "Il y a trop de danger à suivre cette entreprise. _ Il régit aussi que avec le subjonctif, précédé de la négative ne. "Il y a du danger qu' en voulant découvrir le mal, on ne l' enseigne à ceux qui l' ignorent.
   2°. Dit-on adverbialement, au danger de, comme on dit, au risque de? Je ne le crois pas. "Tous les jours on s' y trompe, au danger de faire naufrage. Lett. Édif. Cette expression est tout au moins douteuse. "Il n' avoit qu' une maison de terre.... au danger continuel d' être pillé par les Nègres. Hist. des Voy.
   II. Dangereûsement, avec danger. Dangereûsement malade, ou blessé. Il n' a pas un emploi fort étendu. _ * On dit, être ataqué d' une maladie dangereûse, et non pas dangereûsement, comme dit Le Gendre.
   III. Dangereux, en parlant des chôses, qui met en danger. Mal dangereux, maladie dangereûse, ocasion dangereûse: cela serait d' une dangereûse conséquence. _ En parlant des persones, à qui l' on ne peut se fier sans danger. cet homme est dangereux. "Le titre d' Homme dangereux, que l' Auteur avoit doné dabord à sa Pièce, ne lui convient point. Valère n' est qu' un sot étourdi, qui n' est point du tout à craindre. Journ. de Mons. _ Dangereux, se dit aussi d' un homme qu' on croit propre à se faire aimer des Dames.
   * En Provence, on dit qu' un malade est dangereux, pour dire, qu' il est en danger de mourir. C' est un vrai barbarisme. Dangereux se dit du mal, et non pas du malade.
   Rem. 1°. Avec le verbe Être impersonel, il régit de et l' infinitif. "Il est dangereux d' avoir sans cesse sous les yeux l' objet de son péché. La Baumelle. "Il est toujours dangereux de s' écarter des Règles. Id. Avec que, il régit le subjonctif précédé de la négative ne, comme le verbe craindre. "Il est dangereux que la vanité ne nous flate de parvenir à des conoissances qui ne sont pas faites pour nous Fontenelle.
   2°. Pour les noms, dangereux régit pour et non pas à. * "Des mesures dangereûses à la Religion et à la liberté. Histoire des Stuarts. Ce régime est un anglicisme. To the Religion and Liberty.
   3°. Dangereux, peut se placer devant ou après le substantif, mais non pas indiféremment: Dangereux mortel est bien, dangereux homme sonne mal.
   DANS, prép. de lieu [Dan, et devant une voyelle, danz: long.] 1°. Dans la chambre. Un coup d' épée dans la cuisse. "Ce passage est dans un tel Auteur. = Prép. de temps. "Dans trois jours: dans quel temps: Dans combien de temps: dans peu. = 2°. On s' en sert aussi pour marquer l' état, la disposition du corps, ou de l' esprit, des moeurs, de la fortune, etc. Être dans une posture génante, incomode; dans un grand embarras; dans une grande colère. Vivre dans l' oisiveté: être dans une grande misère. = 3°. Il se prend pour avec: il l' a fait dans la vue, dans le dessein, dans l' intention de, etc., ou pour, selon: il entend cela dans le sens de St. Augustin, etc.
   REM. I. Dans et en ne sont synonimes, ni pour l' emploi, ni pour le sens. Pour l' emploi, voyez EN. _ Pour le sens, lorsqu' il s' agit du lieu, dans, a un sens précis et défini, qui fait entendre qu' une chôse contient ou renferme l' aûtre, et marque en raport du dedans au dehors; on est dans la chambre, dans la maison, dans la ville, dans le Royaume, quand, on n' en est pas sorti, ou qu' on y est rentré. En, a un sens vague et indéfini, qui indique seulement en général où l' on est, et marque un raport du lieu où l' on se trouve, à un aûtre, où l' on pourrait être; on est en ville, quand on n' est pas à sa maison; en campagne, ou en province, quand on a quitté Paris. On dit, mettre en prison, dans les cachots. _ Lorsqu' il est question du temps, dans marque plus particulièrement celui où l' on exécute les chôses; et en marque plus proprement celui qu' on emploie à les exécuter. "La mort arrive dans le moment où l' on y pense le moins. On passe en un instant de ce monde à l' aûtre. (Je le ferai dans trois jours d' ici: je l' ai fait en trois jours.) _ Lorsque ces noms sont employés pour indiquer l' état et la qualification; dans est ordinairement d' usage pour le sens particularisé, et en, pour le sens en général. Ainsi l' on dit: vivre dans une entière liberté; être dans une fureur extrême; tomber dans une profonde léthargie: mais on dit: vivre en liberté; entrer en fureur; tomber en léthargie. Gir. Synon.
   II. On se sert quelquefois de dans plutôt que de à avec les noms de ville, sur-tout quand on est dans la ville, dont on parle. Un homme qui est à Paris, dira: il y a plus de huit cent mille âmes dans Paris: il n' y a persone dans Paris, que j' estime autant que vous: le bruit court dans Paris, etc. Si l' homme qui parle, était hors de Paris, à Paris, irait mieux. Enfin, s' il ne s' agit que d' une simple demeûre, ou fixe, ou passagère, il faut toujours dire à, et non pas dans. Il est à Paris, il demeûre à Paris: je n' ai été que quinze jours à Paris. Bouh.
   III. Plusieurs, après Dans, emploient l' adverbe y, dans la même phrâse. C' est une faûte grossière. Dans l' Ann. Litt. on la relève dans ces vers.
   Mais j' aurai dans ces murs le tranquile avantage,
   D' y trouver des mortels dont je chéris la foi.
       Le Suirre.
Il faut dire, de trouver.

DANSANT


DANSANT, ANTE, adj. Ce mot n' est guère usité. Mde. de Sévigné l' emploie fort bien. "Jamais je n' ai vu une petite fille si dansante naturellement.

DANSE


DANSE, s. f. DANSER, v. n. DANSEUR, EûSE, s. m. et f. [1re lon. 2e e muet au 1er, é fer. au 2d, dout. au 3e, lon. au dern.] Richelet écrit danse ou dance, danser ou dancer. L' usage ancien et constant est pour la 1ere manière.
   Danse, est un mouvement du corps, qui se fait en cadence, au son des instrumens ou de la voix. Il se dit aussi d' un air à danser; et de la manière de danser. Aimer la danse. Il danse toute sorte de danses. Il a une danse noble, libre, aisée, ou contrainte. _ Danser, mouvoir le corps en cadence, etc. Danseur, eûse, celui, celle qui danse. "Il danse avec grâce: il danse toute sorte de danses. Danser une courante, un branle, etc. Dans le 1er exemple, il est neutre; dans les deux aûtres, il est act. _ "C' est un bon, un grand danseur. "Il y avait à la 2de entrée du Ballet quatre Danseurs et quatre danseûses.
   Ces mots fournissent à quelques expressions du style familier. _ Commencer, ou mener la danse, ou entrer en danse, comencer une afaire, ou y intervenir. _ Avoir l' air à la danse, l' air de réussir. _ Ne doit point se mettre en danse, qui ne veut danser. Lorsqu' on s' est embarqué dans une afaire, il faut en essuyer tous les évènemens, bons ou mauvais. _ Après la panse, vient la danse; après avoir fait bone chère, on songe à d' aûtres plaisirs.
   On dit d' un homme, qu' on le fera danser, qu' on lui donera de l' exercice, du fil à retordre; qu' il ne sait plus sur quel pied danser, ni que faire pour vivre. "À~ chaque pas ils s' arrêtent: ils ne savent plus sur quel pied danser. J. J. Rouss. On lui a fait danser un branle de sortie; on l' a chassé. _ Il paye les violons, et les aûtres dansent; il fait tous les frais, et les aûtres ont l' honeur et le profit. _ Il danse sur la corde, il est dans une situation délicate et périlleûse. _ Toujours va qui danse. Il n' importe de bien danser, pourvu qu' on danse. _ Figurément, faites toujours le mieux que vous pourrez, n' importe que la chôse n' aille pas si bien. _ On dit d' un vin très-vert, qu' il feroit danser les chèvres. _ Danser sur rien; être pendu. Expression basse et populaire.
   Avec toute ma gloire,
   Je puis peut-être un jour redevenir Grégoire,
   Et je serois fâché d' aller danser sur rien.       Du Cerc.

DARD


DARD, s. m. DARDER, v. a. DARDEUR, s. m. [Dar, dé, deur: le d final ne se prononce point au 1er. L' Acad. ne met pas le 3e. Il est dans Trév. et dans le Rich. Port.] Dard, arme qui se lance avec la main; darder, fraper, blesser avec un dard. Dardeur, celui qui darde des traits: "Jeter, lancer un dard: Ce fut lui qui darda la baleine. "Les armés à la légère, comme archers, frondeurs, dardeurs, ne faisoient pas corps avec la Phalange. Le Chev. de Follard. "Il rangea les dardeurs devant son aile gauche. D' Ablanc.
   On dit figurément, que le soleil darde ses rayons; et Scarron a dit, darder un regard. L' Acad. le met sans remarque.

DARNE


DARNE, s. f. Tranche d' un poisson, tel que le saumon, l' alôse. Pour le thon, on dit rouelle. _ Trév. et le Rich. Port. disent dalle pour darne, et de celui-ci renvoient à celui-là.

DARSE


DARSE, s. f. Partie d' un port de mer la plus avancée dans la Ville. Trév. Laquelle se ferme avec une chaîne, et où l' on a acoutumé de retirer les galères et aûtres petits bâtimens. Acad. _ Le Rich. Port. dit darse ou darsine, et done la même définition que Trévoux. _ À~ Marseille, on donait le nom de darse à l' Arcenal, où il y avait des bassins pour construire des galères et galiotes.

DARTRE


DARTRE, s. f. DARTREUX, EûSE, adj. [2e e muet au 1er, lon. aux deux aûtres. Dans certains pays, on dit dertre, dertreux. En Provence, on fait dartre masc. On doit dire, une dartre farineûse, vive, etc., et non pas, un dartre vif, un dartre farineux.] Mal qui vient sur la peau en forme de gratelle. = Qui est de la natûre des dartres. Humeur dartreûse.

DATAIRE


DATAIRE, s. m. DATERIE, s. f. [Datère, Daterie; 2e è moy. au 1er, e muet au 2d; 3e lon. au 2d, 4e e muet.] Daterie, est le lieu, à Rome, où l' on date les expéditions des Bénéfices, les Rescrits, etc. = C' est aussi l' ofice du Dataire, de celui qui préside à la Daterie.

DATE


DATE, s. f. DATER, v. a. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Date, est ce qui marque le lieu et le temps où une chôse a été faite. "Dater, mettre la date à... La date d' un contrat, d' un Arrêt, d' une lettre, etc.; d' un évènement, d' un trait d' histoire, etc. Vous n' avez pas mis la date: Il retient les dates. "Il a daté sa lettre de Paris, du 1er de l' an: La date est fraîche, est nouvelle; elle est anciène, etc.
   DATE, en matière bénéficiale, se dit du jour de l' enregistrement d' une suplique, pour obtenir un Bénéfice en Cour de Rome. "Prendre date; retenir plusieurs dates. _ Retenir une date chez un Notaire, retenir le jour où l' on veut qu' un contrat soit passé. _ On dit figurément, prendre date, retenir date, prendre un certain temps pour faire ou exiger quelque chôse. = Évènement d' anciène date, qui s' est passé il y a long-temps. _ Notre amitié est d' anciène date, il y a long-temps que nous sommes amis.

DATIF


DATIF, s. m. [On pron. l' f finale.] Le 3e câs, dans les Langues où les mots se déclinent. Il est désigné en français par la particule au pour le masculin, dans les mots qui comencent par une consone ou par une h aspirée; et à l' pour ceux qui comencent par une voyelle ou par une h muette; au féminin par l' article à la; au pluriel, par aux: Au Temple, au Héros; à l' homme, à l' Ambassadeur; à la femme, aux Temples, aux Héros, aux Ambassadeurs, aux hommes, aux femmes. _ Pour les noms propres, c' est la prép. à qui le représente; à Alexandre, à César, etc.
   Rem. 1°. Le datif, est celui de tous les câs, qui peut être régi par plus de diférentes parties d' oraison; car il est régi par des verbes; doner aux paûvres; par des participes ou actifs: assistant à l' Ofice, ou passifs: ocupé à l' étude; par des adjectifs: contraire à la santé; enfin, par des substantifs: soumission à la volonté de Dieu. REGN. On peut ajouter, par des adverbes: ami jusqu' à l' Autel, par raport à lui, etc.
   2°. Il se place ordinairement après le verbe ou le nom, qui le régit; mais quelquefois il le précède élégamment, et il marche même à la tête de la phrâse. "À~ qui afirme sans raison, il sufit de nier de même. Bossuet: "À~ un jour brûlant succède une nuit plus cruelle, que remplace un jour plus affreux. Jér. Dél. À~ tout ce qu' on pouvoit lui dire de plus touchant, il ne répondoit que par des gémissemens et des sanglots. Télém. "À~ des vérités anciennes et consolantes, les Incrédules n' opposent que des doutes, des soupçons, des hypothèses imaginaires, qui ne laissent à l' homme que le sentiment de ses maux, sans espérance ni consolation. Le P. Berthier. "Au Grand, rien ne suffit, parce qu' il peut prétendre à tout. Massil.
   3°. Le datif se met quelquefois en vers et dans la prôse poétique, à la place du pronom relatif et du verbe avoir.
   La malice, au souris perfide;
   L' imposture, aux yeux effrontés.       Rouss.
"La Déesse aux grands yeux, la Déesse aux beaux yeux. Iliade. C' est comme qui dirait, qui a le souris perfide, etc. etc. _ Mais dans la prôse ordinaire, ce serait une afèterie ridicule, excepté dans le style badin et râilleur. _ P. Corneille met le datif au lieu de la prép. dans.
   Agir aux grands effets avec tant de langueur.
Au lieu de, dans les grandes ocasions.
   Ces titres, aux Chrétiens, sont-ce des impostures?
Au lieu de, dans les Chrétiens.
   4°. Deux datifs de suite choquent extrêmement les oreilles délicates, quand ils ont tous deux le même article. Il faut renoncer à l' atache à son sens. C' est quelque chose de bien rude que cet à l' attache à son sens, dit Bouhours. Renoncer à l' attache au jeu, ne choqueroit pas tant, parce que les deux articles ne sont pas les mêmes; mais il choquerait pourtant toujours un peu. Id.

DATTE


DATTE, s. f. DATTIER, s. m. [Date, da-tié; 2e e muet au 1er, é fer. au 2d. _ On écrit datte, fruit du palmier, avec deux tt, et date, action de dater, avec un seul t.] Datte, est le fruit du dattier, qui est la même chôse que le palmier. _ L' Acad. dit qu' on done aussi le nom de dattes à une espèce de prunes.
   Rem. * En Provence, on fait datte masc. On dit, ces dattes ne sont pas mûrs; voilà de bons dates. _ Il faut dire, de bones dattes; ces dattes ne sont pas mûres.

DAVANTAGE


DAVANTAGE, adv. [2e lon. dern. e muet.] Plus: "Il est riche, mais son frère l' est davantage. "Il n' y en a pas davantage.
   REM. 1°. Régulièrement, davantage ne régit rien, et s' emploie absolument: cependant de bons Auteurs en font un comparatif, et l' emploient au lieu de plus, avec la prép. de. "Il y a davantage de peine à se venger d' une injure qu' à l' oublier. Je crois que ce régime est contraire à l' usage. Voy. PLUS. C' est encôre plus mal employer davantage, que de l' employer pour le superlatif le plus: "C' est celui de tous que j' aime davantage. Dites, le plus.
   2°. DAVANTAGE, n' est guère bien placé qu' après les verbes, même dans les temps composés. "Je vous en aime davantage: Celui-là m' aurait plu davantage, et non pas, m' aurait davantage plu. = Suivant le Père Bouhours, quand davantage est éloigné de la conjonction que, il a bone grâce au milieu du discours: "Il n' y a rien qu' il faille davantage éviter, en écrivant, que les équivoques: mais quand il ne suit point de que, on met davantage au milieu, ou à la fin. _ Cette remarque n' est aplicable qu' à l' infinitif, où il peut être indiférent que davantage suive ou précède, en quelques ocasions; comme, il n' est rien qu' on doive davantage recomander, ou recomander davantage aux jeunes gens, que de prendre garde aux liaisons qu' ils forment. Hors de là, sa place naturelle est après le verbe.
   3°. DAVANTAGE, au comencement d' une période, pour signifier de plus, est vieux et hors d' usage. _ * On le disait aûtrefois pour outre cela, même dans le cours de la phrâse. "Il s' engagea même en des cabales avec des personnes qui, non-seulement haïssoient le Cardinal, mais davantage, qui avoient de mauvais desseins contre l' État. Hist. du Card. de Richelieu.
   * 4°. Comme on dit bien plus, à la tête de la phrâse, le P. Buffier a cru pouvoir dire, bien davantage: "La simple nature en fait plus en un moment, par son instinct, pour nous apprendre à raisonner, que toutes les Logiques du monde par leurs règles. Bien davantage, ceux qui dans le monde passent pour les plus importuns raisonneurs, pourroient bien être justement ceux qui ont le plus étudié ces règles.
   On dit, de quelqu' un qui fait une sotise, en aparence pour l' excuser, mais dans le fond pour le blâmer, qu' il n' en sait pas davantage. "Par respect pour la confidence qu' on devoit lui faire, elle débuta par avertir toute la maison, qu' on devoit lui en faire une. Son zèle et sa bonté n' en savoient pas davantage. Mariv.

DAûBE


DAûBE, s. f. DAUBER, v. a. DAUBEUR, s. m. [L' au est dout. devant la syll. masc.; il est long devant l' e muet: Une daûbe, il daûbe, il daûbera: pron. dôbe, dobé, do-beur; il dôbe, il dôbera.] Daûbe, se dit, 1°. d' une manière d' aprêter certaines viandes: Faire une daûbe; gigot à la daûbe. 2°. De la viande ainsi aprêtée: Manger une daûbe. = Dauber, c' est batre à coups de poings; et figurément, râiller quelqu' un, ou parler mal de lui. Au propre, il est populaire; au figuré, il est familier. _ Daubeur, ne s' emploie qu' au figuré et dans le style familier.
   Le Renard se dispense, et se tient clos et coi;
   Le Loup en fait sa cour, daube, au coucher du Roi,
   Son camarade absent.       La Font.
  Messieurs les Courtisans, cessez de vous détruire...
  Le mal se rend, chez vous, au centuple du bien,
  Les daubeurs ont leur tour, d' une ou d' autre manière.
      Idem.

DAUPHIN


DAUPHIN, s. m. [Do-fein; 1re dout.] 1°. Poisson de mer, qui a de la ressemblance avec le marsouin. _ 2°. Le Fils ainé de nos Rois. _ On apèle Dauphine, la femme du Dauphin.

DAURADE


DAURADE, voy. DORADE.

D' AUTANT


D' AUTANT, voy. AUTANT, à la fin. _ * 1°. On mettait anciènement, d' autant plus et d' autant moins, au comencement de la phrâse, et on les redoublait. "D' autant plus qu' une personne est élevée en dignité, d' autant plus doit-elle être humble. _ On se sert aujourd'hui de plus redoublé: Plus elle est élevée, plus elle doit être humble; ou l' on met plus au 2d membre: Elle doit être d' autant plus humble, qu' elle est plus élevée en dignité. _ Racine a dit:
   --- Comme vrai, je m' y perds, d' autant plus que j' y pense.
Au lieu de dire, plus j' y pense, plus je m' y perds. Ce tour est suranné et entièrement hors d' usage, même en vers.
   2°. On disait aussi, pour autant que, au lieu de d' autant que. "Agésilas, Roi de Sparte, avoit accoutumé de dire que Justice étoit la premiere de toutes les vertus pour autant, disoit-il, que la prouesse ne vaut rien, si elle n' est conjointe avec la justice. Amyot. _ Pour autant que, ne se dit plus, et d' autant que, est rélégué au Palais.

DE


DE, prép. [e muet. Dans les Provinces méridionales, plusieurs le prononcent comme un é fermé, dé: c' est un des défauts les plus comuns de la prononciation gascone.] I. Cette préposition sert à exprimer plusieurs raports: 1°. La matière dont une chôse est faite. "Une tabatière d' or. 2°. Une partie de la chôse; un morceau de pain. 3°. L' apartenance, les OEuvres de Boileau, la maison de Charles. 4°. La relation, Alexandre, Fils de Philipe. 5°. Il s' emploie pour pendant, ou durant: "Il est parti de jour; il est arrivé de nuit; pour touchant~, sur: Parlons de cette afaire; pour à cause: Je suis charmé de sa fortune; pour aûtre: "Un ambitieux ne connoît de loi (pas d' aûtre loi) que celle qui le favorise. Massil.; pour parmi: "De ces orâcles... il y en avoit auxquels il falloit se préparer par des jeûnes: "De ceux (de ces Temples,) Julien s' appliqua à en rétablir le plus qu' il put. Fonten.; au lieu de pour. "Vous ne le connoissez que de l' avoir rencontré dans la rue. Mariv.
   Rem. * On disait aûtrefois, de moi, à la tête de la phrâse, au lieu de pour moi. "De moi, dit Voiture, je souffrirois volontiers d' être vaincu, puisque ce sera de vous. On dirait aujourd'hui, pour moi; par vous. _ * Malherbe se servait volontiers de cette façon de parler, et en prôse, et en vers.
   De moi, que tout le monde à me nuire s' apprête;
   De moi, c' est chose certaine...
   De moi, je suis combattu~.
   Vaugelas estimait que, de moi était plus consacré à la poésie; et que pour moi était plus de la prôse. Malherbe cependant s' est servi du dernier dans ce vers:
   Pour moi, dont la foiblesse à l' orage succombe.
Et Ménage se vante de l' avoir suivi, dans son Églogue intitulée, Christine.
   Pour moi, de qui le chant n' a rien de gracieux.
c' est ainsi qu' il faut dire. Déjà, depuis long-tems, de moi n' est plus en usage, ni en prôse, ni en vers: il est cependant plus doux que pour moi, et l' on aurait dû le conserver. "Il y avoit à gagner, dit La Bruyère, à dire de moi, au lieu de pour moi, quant à moi.
   * Aûtrefois aussi, on employait plus souvent qu' aujourd'hui la prép. de, au lieu d' avec, ou de par. On est plus réservé à présent.
   Des biens de l' étranger, cimentons nos plaisirs.
       Rouss.
"De ma lance, je renversai le Fils du Roi. Télém. "Vénus s' avançoit... d' une démarche légere. Ibid. "Loup affamé, qui, d' une gueule béante, s' élance pour les dévorer. Ibid.
   Allez, belle Junie; et d' un esprit content,
   Hâtez-vous d' embrasser ma Soeur, qui vous attend.       Rac.
  Mais, d' un sort si cruel, la Fortune me joue.
      Id.

  Vaincu du pouvoir de vos charmes. Id.
  Et d' un sceptre de fer, veut être gouverné.   Id.
Il y a des endroits, dit d' Olivet, où cela paraît, aujourd'hui du moins, avoir quelque chose de sauvage.
   Bossuet a dit aussi: "Le Troupeau, racheté d' un si grand prix; et Mde de Sévigné: "M. de Coulanges vous dira de quelle grâce le Roi a fait cette action.
   6°. De, est aussi prép. de lieu. De, marque le lieu que l' on quitte, et à le lieu, où l' on va: "Il est parti de Paris, il est alé à Rome. "Les éclairs fendoient la nue de l' un à l' autre pole. Télém.
   De Paris jusqu' à Rome,
   Le plus sot animal, à mon avis, c' est l' homme.
          Boileau.
  7°. Il est encôre prép. de temps: "De la bataille de Pharsale à celle d' Actium, il y a 17 ans. _ Il se dit pour dès: "De cet instant les loix étoient suspendues. Linguet.
   8°. Il entre dans plusieurs adverbes: De près, de loin, de travers, de côté, de concert, de çà, de là, etc. etc.
   II. De, sert à marquer le génitif et l' ablatif, soit~ seul, soit avec l' article. 1°. Il se met sans article avec les génitifs singuliers des noms comuns et apellatifs, lorsque ces noms sont employés d' une manière vague et indéterminée, ou qu' ils ne marquent qu' une portion, une partie: Un grain de bled, un muid de vin: Avoir besoin d' argent: Incapable de lâcheté. Faire des actions de vertu. = 2°. De, s' emploie à l' acusatif singulier, avec l' article défini, devant les noms masculins qui comencent par une voyelle, et devant les noms féminins, lorsqu' il est pareillement question de désigner une portion de la chôse signifiée. "Emprunter de l' argent, avoir de la joie. = 3°. Il s' emploie aussi au même acusatif, mais sans article, lorsque le substantif est précédé de son adjectif: Doner de bon argent; manger de mauvais pain; boire d' excellent vin. = 4°. Il s' emploie encore seul, dans le même sens, au nominatif et à l' acusatif pluriel des noms comuns, lorsqu' ils sont précédés de leurs adjectifs. "De grands Philosophes tiènent que, etc. D' habiles gens ont cru que, etc. On dit, des hommes très-savans, et de savans hommes. _ Racine a manqué à cette règle. Il dit, dans Mithridate:
   Qui sait... si ce Roi
   N' accuse point le Ciel, qui le laisse outrager,
   Et des indignes Fils qui n' osent le venger?
Il est clair qu' en cet endroit, il falait, d' indignes Fils, qui n' ôsent, etc. M. Racine le Fils atribûe cette faûte à l' Imprimeur; et il soupçone que son Père avait écrit, deux indignes Fils.
   5°. De ou des s' emploient aussi à l' acusatif, après certaines prépositions, en diverses phrâses, où le sens est indéterminé; avec cette diférence que de, comme nous l' avons dit, se met devant les adjectifs, qui précèdent immédiatement leurs substantifs, et des devant les substantifs, quand les adjectifs sont après: "Avec de grandes peines; avec des peines infinies; après de longues remises; après des remises considérables. _ Dites en de même de la prép. de combinée avec l' article: avec du bois; avec de l' argent; dans du foin, dans de la paille; pour du pain; sur du marbre, etc.
   6°. De sert encôre tout seul à marquer le génitif pluriel des noms communs, soit précédés, soit suivis de leurs adjectifs; actions de gens hardis, d' habiles gens, etc.
   7°. De, précédé de la prép. à sert à marquer le datif, singulier ou pluriel, des noms pris indéterminément, avec cette distinction, qu' au singulier, il est toujours suivi de l' article, et qu' au pluriel il s' emploie sans article: S' amuser à de la canâille; ne tient-il qu' à de l' argent? Avoir afaire à de braves gens; s' apliquer à de grandes chôses. Quand l' adjectif est après, on dit, à des: À~ des gens honêtes, à des chôses utiles, etc.
   8°. De sert à désigner l' ablatif des noms communs, pris indéterminément: agir de tête; payer d' esprit; parler d' afaires, etc.
   9°. Pour les noms propres, de n' est la marque que de leur génitif ou de leur ablatif. De Louis, de Paris: Le regne de Louis XIV; il le tenoit de Voltaire; la Ville de Paris; il vient de Paris, etc.
   10°. De se met aussi devant l' infinitif des verbes; achever de dire, tâcher de faire.
11°. De régit ces six prépositions: entre, après chez, avec, en, par: l' un d' entre eux; d' après l' original; de chez vous; d' avec lui; d' en haut, d' en bâs; de par le Roi, etc. etc.
   Rem. Cette préposition de semble braver la Gramaire dans des phrâses du style famil. "Un honête homme de père, dit Molière dans l' Avare. "Un fripon d' enfant; un saint homme de chat, dit La Fontaine dans ses Fables. C' est un latinisme, et il y en a des exemples dans Plaute et âilleurs. "Scelusviri, monstrum mulieris. D' OLIV.
   III. La place naturelle de la prép. de, est d' être près du nom ou du verbe qui la régit. Quelquefois pourtant c' est une élégance de la faire précéder, et de la mettre même à la tête de la phrâse; non seulement devant des superlatifs (de tous ceux-là le rouge me plait le plus) mais encôre dans d' aûtres ocasions. "D' un troisième, qui, importuné d' un ami paûvre, lui donne quelque secours, l' on dit qu' il achète son repos, et nullement qu' il est libéral. La Bruy. "Chevalier dégénéré! De vengeur de J. C. tu étois devenu, par un indigne échange, l' esclave d' une créature rebelle à son Auteur. Jér. Dél. _ M. Linguet y ajoute en: "De forces maritimes, vous n' en avez point: de forces terrestres, vous en avez peu. _ Cet en est nécessaire dans cet endroit et d' autres semblables, comme le, la ou les; quand le régime direct est à la tête de la phrâse. "Ces tableaux qu' on a exposés, comment les trouvez-vous?

DÉ


DÉ. Cette particule entre dans la composition de plusieurs mots, et signifie ordinairement privation, retranchement: ainsi, débarrasser, c' est ôter l' embarrâs; débarquer, c' est mettre hors de la barque, du vaisseau, etc. Cette particule porte d' ordinaire l' accent aigu.
   Vaugelas a fait une remarque curieûse sur ces composés, où la prép. dé emporte le contraire de la signification du simple. Il en produit pour exemple debrutaliser, qu' avait fait Mde. de Rambouillet. Le décatoniser de Scarron n' est pas moins heureux pour dire, rendre capable de faire rire un Caton, un homme grâve. Et l' on n' a pas désaprouvé, dans Molière, l' endroit où Sosie dit à Amphytrion:
   La rigueur d' un pareil destin,
   Monsieur, aujourd'hui nous talonne,
   Et l' on me dés-sosie enfin,
   Comme on vous désamphitrione.
Voy. La Monnoie, Glossaire alphabétique. _ Nous ajouterons ici que tout cela n' est bon que pour le burlesque et le bâs comique, où l' on a la liberté de forger des mots. Dans le style sérieux, il ne faut se servir que de ceux qui sont en usage.
   DÉ, s. m. [é fermé.] Petit morceau d' ôs ou d' ivoire, de figûre cubique, à six faces, dont chacune est marquée d' un diférent nombre de points, depuis un jusqu' à six, et qui sert à jouer. "Jouer aux dés, aux trois dés. Piper les dés, etc.
   On dit, proverbialement, à vous le dé, c' est à vous à parler, à agir. _ Il ne faut pas flatter le dé; il faut agir rondement, et avec franchise. _ Tenir le dé, se rendre maître d' une conversation. _ Faire quitter le dé à quelqu' un, l' obliger à céder, à se désister. _ Le dé ou le sort en est jeté, la résolution en est prise: jacta est alea. _ Beaucoup de dé, profit considérable, heureûse aventûre: "Le beau pays, et la jolie petite terre! Il ne faut qu' une tête qu' elle ne soit à vous: ce seroit un beau coup de dé. Sévigné.
   DÉ, en Architectûre, cube de pierre, ou de toute autre matière, qui fait la partie du milieu d' un piédestal. _ Petit cube de pierre sur lequel on met des vâses.
   DÉ, Instrument de cuivre ou d' autre métal, dont on se couvre le doigt pour pousser l' aiguille en cousant.

DÉBACLAGE


DÉBACLAGE. Voy. DÉBâCLEMENT.

DÉBâCLE


DÉBâCLE, s. f. DÉBâCLEMENT, s. m. DÉBACLER, v. a. et n. DÉBACLEUR, s. m. [Débâkle, bâkleman, baklé, ba-kleur: 1re é fer. 2e lon. aux deux premiers. _ L' Acad. met l' acc. circ. aux deux derniers; mais l' a y étant bref, il ne faut point d' accent.] I. Débâcle, au propre, c' est la ruptûre des glaces, qui arrive tout à coup quand la rivière a été prise long-temps. C' est aussi le débarrassement d' un port, quand on fait retirer les vaisseaux, qui ont déchargé, pour faire aprocher ceux qui sont encôre chargés. _ Au figuré, révolution qui se fait tout d' un coup dans les afaires. "La confusion et le désordre, qui alloient résulter de cette débâcle (le discrédit de la Banque). Anon.
   II. Débâclement se dit du moment de la débâcle des glaces et de l' action de débacler des vaisseaux, des bateaux. Trév. dit débaclage dans le second sens, et débaclement dans le premier.
   III. Débacler, actif, en parlant d' un port, des bateaux, c' est débarrasser. _ En parlant d' une porte, d' une fênêtre, il est populaire. _ V. n. il se dit d' une rivière, quand les glaces viènent à se rompre et à suivre le fil de l' eau.. "La rivière débacle; elle commence à débacler: elle a débaclé cette nuit.
   IV. Débacleur, Oficier qui comande sur les ports quand il faut débacler.

DÉBAGOULER


DÉBAGOULER, v. a. [Déba-gou-lé; 1re et dern. é fer.] Vomir, dégueuler. Il est très-bâs. _ L' Acad. ne le met qu' au figuré: dire indiscrètement tout ce qui vient à la bouche. "Il a débagoulé tout ce qu' il avoit sur le coeur. "Ce criminel a tout débagoulé. "Débagouler des rapsodies. D' Abl. Il est aussi bâs au fig. qu' au propre.

DÉBALLER


DÉBALLER, ou DÉBALER, v. a. [Le 1er est de l' Acad. le 2d de Trév. Débalé, 1re et dern. é fer. On dit aussi désembaler.] Défaire une balle; en tirer des marchandises, des hardes. On n' a pas encôre debalé mes meubles.

DÉBANDADE


DÉBANDADE, s. f. DÉBANDEMENT, s. m. DÉBANDER, v. a. [1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e. Débande--man, Débandé.] Le 1er ne se dit que dans cette phrâse adverbiale: À~ la débandade. "Une Armée, des Troupes s' en vont à la débandade, en confusion, sans garder aucun ordre. _ Fig. Mettre, ou laisser tout à la débandade, abandonner le soin de son bien, ou de quelque afaire, comme désespérée. _ Débandement est, en parlant des Troupes, l' action de se débander, de se séparer d' un escadron ou d' un bataillon confusément et sans ordre.
   Débander, c' est, 1°. Détendre. Débander un arc, un pistolet. = 2°. Ôter une bande ou un bandeau. Débander une plaie; débander un homme à qui l' on avait bandé les yeux. = Se débander, se dit dans le 1er sens, au propre: "Son fusil se débanda. _ Figurément, se débander l' esprit, se doner un peu de relâche. _ Le temps se débande; il comence à s' adoucir après une forte gelée.

DÉBANQUER


DÉBANQUER, v. a. Terme de Jeu. Gagner tout l' argent qu' un Banquier a devant lui.

DÉBAPTISER


DÉBAPTISER, v. a. [Débatizé: 1re et dern. é fer.] Il ne se dit que dans cette phrâse du discours familier. "Il se feroit plutôt débaptiser que de faire cela.

DÉBARBOUILLER


DÉBARBOUILLER, v. a. [Débar-bou--glié, 1re et dern. é fer. Mouillez les ll.] Nétoyer, ôter ce qui salit. Il ne se dit que du visage. Débarbouiller un enfant, se débarbouiller le visage. Allez-vous débarbouiller.

DÉBARQUEMENT


DÉBARQUEMENT, s. m. DÉBARQUER, v. n. et a. [Débarkeman, débarké: 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Débarquement est l' action de débarquer, de sortir d' un vaisseau, ou d' en tirer les marchandises, qui y avaient été embarquées. Le débarquement des marchandises, des Troupes, etc. _ Des Troupes de débarquement, Troupes destinées à faire une descente en pays énemi. _ Débarquer à un port, débarquer des Troupes, du canon, etc.
   Rem. 1°. On a dit aûtrefois, Désembarquer: on ne le dit plus. 2°. Quelques Auteurs ont doné à débarquer, neutre, le verbe être pour auxiliaire. "Marius étant débarqué sur les côtes d' Afrique. Vertot. "Ayant apris que l' Évêque étoit débarqué à Nangasaqui. Charlev. "Il fit mordre la poussière au plus grand nombre, quoiqu' il ne fût débarqué qu' avec 80 des siens. Prévot. "Adalgise étoit débarqué en Italie. Moreau. "Depuis que M. de la Cr... est débarqué de sa province, pour nous doner dans chaque Mercure des vues profondes et sublimes sur la Législation, sur-tout Criminelle~, etc. Journ. de Mons. "Les premières Nations, qui étoient débarquées au nouveau Monde. Rayn. _ Je crois que l' auxiliaire avoir, est plus usité; ayant débarqué; avait débarqué, eût débarqué, a débarqué, etc.
   DÉBARQUER, s. m. Au débarquer, dans le temps, ou au moment du débarquement. "On l' atendait au débarquer.
   DÉBARQUÉ, adj. ou plutôt subst. masc. Nouveau Débarqué, homme nouvellement arrivé de la province. "Il a l' air d' un nouveau débarqué. Le P. Follard a fait une Comédie du Nouveau Débarqué de Paris. "Les Provinciaux nouveaux Débarqués de la Capitale, sont souvent plus ridicules que ne le sont à Paris, les nouveaux débarqués des Provinces.

DÉBâRRASSER


DÉBâRRASSER, v. a. [1re é fer. 2e lon. Débâracé.] Ôter l' embarras, ou ôter d' embarras. Il se dit au propre et au fig. Débârrasser les rûes, les chemins; Se débârrasser des importuns, des afaires qu' on avait, de ses créanciers, etc. "Sa tête commence à se débârrasser.

DÉBâRRER


DÉBâRRER, v. a. [1re et dern. é fer. 2e lon. sur-tout devant l' e muet, il débârre, il débârrera, etc. debâré, debâre, r f. etc.] Ôter la barre; débarrer une porte.

DÉBAT


DÉBAT, s. m. DÉBATRE, v. a. [1re é fer.] Débat, diférend, contestation. Débatre, contester, disputer. Être en débat de... Mettre en débat. Vider un débat. _ Débatre une question, les articles d' un compte, etc. _ On dit, proverbialement, entre eux le débat, ou à eux le débat: qu' ils s' arrangent comme ils voudront, je ne m' en mêle pas.
   Se débattre a un autre sens: s' agiter, se tourmenter. Se débatre comme un possédé; comme un forcené; des pieds et des mains. Le poisson se débat dans l' eau, etc.

DÉBATU


DÉBATU, ÛE, adj. Examiné, discuté. Compte bien débatu, caûse bien débatûe.

DÉBâTER


DÉBâTER, v. a. [1re et 3e. é fer. 2e lon.] Ôter le bât. Débâter un cheval, un mulet.

DÉBATTRE


DÉBATTRE. Voy. Débat.

DÉBAUCHE


DÉBAUCHE, s. f. DÉBAUCHER, v. a. [Débôche, déboché; 1re é fer. 2e lon. au 1er, dout. au 2d. _ Richelet écrit débauche sans accent. Cette ortographe induit à une mauvaise prononciation.] Débauche est 1°. Un dérèglement, un excès, sur-tout dans le boire et le manger. Faire la débauche, ou, débauche (sans article.) Faire quelque chôse par débauche, par esprit de débauche, etc. = 2°. Il se prend pour incontinence. "Il s' est jeté dans la débauche: c' est un homme perdu de débauche, etc. Voyez VOLUPTÉ. = 3°. On le dit d' une honête réjouissance dans un repâs; mais alors l' épithète le détermine à un bon sens.: honête débauche, agréable débauche. = 4°. On dit, au figuré; débauche d' esprit, de dévotion, etc. "Vous soupez peut-être, à l' heure qu' il est, chez l' Intendant. Vous n' y ferez pas, à mon avis, débauche de sincérité. _ Remarquez, qu' employé tout seul au figuré, il n' est pas du goût d' aujourd'hui. "Ces hommes, dit Boileau, acoutumés aux débauches et aux excès des Poètes modernes, ne pensent pas qu' un Auteur soit élevé, s' ils ne l' ont entièrement perdu de vûe. On ne s' exprimerait pas de la sorte aujourd'hui.
   Débaucher, c' est, 1°. jeter dans la débauche; Débaucher un jeune homme, une fille, etc. = 2°. Corrompre la fidélité de.... Débaucher des soldats, des domestiques, les engager à quiter un service pour l' aûtre. = 3°. Détourner du devoir. Débaucher un ouvrier du travail, de sa besogne. = 4°. Se débaucher, se jeter dans la débauche. "Quel dommage que ce jeune homme se soit débauché!
   *DÉBAUCHEUX, EûSE, s. m. et f. Ce mot n' est pas français: on dit Débauché, Débauchée: c' est un débauché, un vieux débauché. _ On ne le dit guère substantivement des femmes: on ne dit point une débauchée, mais, une femme débauchée.

DEBELLER


*DEBELLER, v. a. Vieux mot. Vaincre. "Tout le monde aplaudit, et la Maréchale fut encôre débellée. Sév. c. à. d. vaincue, honnie. "Cela ne peut se dire qu' en plaisantant. _ M. Gaillard l' a employé sérieusement. "Les Saxons eussent saccagé la France entière, si Charlemagne ne les eût entièrement débellés. Il faut voir si l' usage ressuscitera ce mot. Multa renascentur, qu‘ jam cecidere.

DÉBIFFER


DÉBIFFER, ou DÉBIFER, v. a. Afaiblir, déranger. Il ne s' emploie qu' au passif et au participe: Être tout débifé; il a le visage débifé, qui paraît afaibli par quelque excès. Estomac débifé, qui ne fait pas bien ses fonctions.

DÉBILE


DÉBILE, adj. DÉBILEMENT, adv. [1re é fer. 3e e muet: dans le 2d, en a le son d' an: Débileman.] Ils sont moins usités que faible, faiblement, qui ont le même sens: et ainsi l' on dit plutôt, faiblesse, afaiblir, que débilité, débiliter. Ceux-ci sont pourtant bons à conserver, ne fût-ce que pour la variété. L' Acad. ne les condamne pas. Elle se contente de dire qu' on ne les emploie guère qu' en parlant de l' homme. "Je me sens tout débile, avoir l' estomac débile, les jambes débiles; et figurément, cerveau débile, esprit faible; mémoire débile, mauvaise mémoire.
   Rem. Les Poètes sont en possession d' apliquer débile aux chôses, comme aux persones.
   À~ l' ombre de ton nom, ils cherchent un asyle,
   Comme on voit dans les champs un arbrisseau débile,
   Qui, sans l' heureux apui, qui le tient ataché,
   Languiroit tristement sur la terre couché.
       Boil.
M. De Lille dit aussi, parlant des arbres.
  Et d' un père afoibli naît un enfant débile.
Débile vaut mieux pour le style relevé, et faible pour le style simple. "Dieu a doné la force au lion et au taureau, mais il a dit à l' un, tu vivras, et à l' aûtre tu serviras. Il a fait l' homme débile, mais intelligent, et il lui a dit: tu gouverneras le monde entier. Moreau.
   Alors, pour soutenir la débile innocence,
   Pour réprimer l' audace et dompter la licence,
   Il fallut à la gloire immoler le repos.
       Rouss.
  Je sais combien mes débiles talens
  Sont au-dessous de leurs dons excellens. Id.

DÉBILITÉ


DÉBILITÉ, s. f. DÉBILITATION, s. f. DÉBILITER, v. a. Faiblesse, afaiblissement, afaiblir. Voy. DÉBILE. On ne le dit que de l' homme: Débilité de nerfs, de jambes, d' estomac. Débilitation de nerfs: Cela débilite la vûe, l' estomac, l' esprit, etc. = Débilitation a un sens actif. Il se dit de l' action de débiliter: Cela caûsera la débilitation de la vûe, de l' estomac. Débilité a un sens passif, et se dit de l' état de ce qui est débilité: "Débilité de vue, de cerveau, etc. = En Médecine, débilité s' emploie au pluriel, sans régime. "Nous ne considérons ici les débilités que comme maladies principales. Voullonne. "Nous les subdiviserons en trois ordres subalternes... Débilités par épuisement... Débilités par oppression... Débilités par découragement. Id. _ Hors de là, débilité se dit toujours au singulier.
   Rousseau a employé débilité comme adjectif, et au figuré:
   Si, rejetant la véritable gloire,
   Nous nous bornons à l' honneur illusoire
   De fasciner, par nos foibles clartés,
   D' un vain Public, les yeux débilités.

DÉBIT


DÉBIT, s. m. DÉBITANT, ANTE, s. m. et f. DÉBITER, v. a. [1re é fer. 3e lon. au 2d et 3e, é fer. au dernier.] Débiter, c' est vendre. Débit, est donc vente, trafic; et Débitant, celui qui vend, qui débite. "Débiter des marchandises. Débiter en grôs et en détail. Acad. Il se dit sur-tout du détail. "Il se fait un grand debit de telle étofe, etc. _ Un Débitant de tabac. De ces trois mots, celui-ci est le moins usité. _ On dit figurément, débiter, répandre des nouvelles. _ On dit aussi d' un homme, qu' il a le débit aisé, un beau débit, le débit agréable, pour dire, qu' il parle avec facilité et avec grâce. On dit dans le même sens, et proverbialement, qu' il débite bien sa marchandise.
   Rem. 1°. * Quelques-uns, dans les Provinces méridionales, disent la débite, pour le débit des marchandises. C' est un barbarisme.
   2°. M. Linguet done a débit le sens de déclamation. "Les Orateurs Grecs et Romains couvroient ces irrégularités, aux yeux de leurs contemporains, par une partie de l' éloquence, trop négligée parmi nous; c' étoit le débit. _ Plusieurs emploient débiter dans ce même sens: "Il a très-bien débité son Sermon. _ Dans cette acception, l' usage de ces deux mots est tout au moins douteux. M. MARIN pense qu' il ne l' est pas. On dit fort bien, débiter son rôle, débiter un discours, etc.

DÉBITEUR


DÉBITEUR, TRICE, s. m. et f. Celui, celle qui doit. Il est mon débiteur; elle est ma débittrice.
   DÉBITEUR, dans un aûtre sens, a pour féminin débiteûse. Celui, celle qui débite des nouvelles, des fariboles, des sornettes. Grand débiteur de fausses nouvelles, grande débiteûse de sornettes. Il se prend toujours en mauvaise part.

DÉBLAI


DÉBLAI, s. m. DÉBLAYER, v. a. [Déblê, déblé-ié; 1re é fer. 2e é ouv. et long au 1er, é fer. au 2d, dont la 3e é fer. aussi.] Déblai, se dit des terres qu' on enlève, pour mettre un terrein de niveau, ou pour quelque aûtre usage. Déblayer, c' est débarrasser une cour, une maison, une salle, des chôses qui y sont en désordre et qui les embarrassent.
   On dit au figuré (st. famil.), voilà un beau déblai, quand on est défait de quelqu' un, ou de quelque chôse qui incomodait.

DÉBOIRE


DÉBOIRE, s. m. [Dé-boâ-re; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Au propre, mauvais goût, qui reste de quelque liqueur, après qu' on l' a bûe. _ Au figuré, chagrin, dégoût, mortification. "Les plaisirs ont leur déboire. "On lui a doné, ou, il a reçu bien des déboires, de fâcheux déboires.

DÉBOîTEMENT


DÉBOîTEMENT, s. m. DÉBOITER, v. a. [1re é fer. 2e lon. au 1er, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d: De-boâ-teman, dé-boa-té.] Déboîtement, se dit des ôs qui sont déboités, c. à. d., disloqués. "Le déboîtement des ôs est toujours dangereux. "Cette chute lui a déboité un ôs. "Les ôs ne se déboitent pas sans de grandes douleurs.
   DÉBOITER, par extension, se dit des ouvrages de menuiserie et d' assemblage, qui se déjoignent. Ces grandes secousses ont déboité cette porte, cette cloison. Elles se sont déboitées: Elles sont toutes déboitées.

DÉBONDER


DÉBONDER, v. a. DÉBONDONER, v. a. [1re et dern. é fer.] Ôter la bonde. _ Ôter le bondon. Débonder un étang. Débonder, ou débondoner un toneau.
   DÉBONDER est aussi neutre: Sortir avec impétuosité, avec abondance. L' eau a débondé cette nuit; et réciproque: L' étang s' est débondé. = Figurément: Les pleurs qu' elle avait retenus si long temps, débondèrent enfin. Et ainsi de la colère, etc.

DÉBONAIRE


DÉBONAIRE, adj. DÉBONAIREMENT, adv. DÉBONAIRETÉ, s. fém. [Débonère, nèreman, nèreté; 1re é fer. 3e è moy. et long, 4e e muet.] Doux et bienfaisant. _ Douceur, bonté. _ Suivant Bouhours, on se sert fort bien de ces termes en matière de piété. "Les vrais Chrétiens sont débonaires: "La débonaireté est une vertu toute céleste. Hors de là, on ne doit guère l' employer que dans le style comique. = Dans la 1re édition de son Dictionaire, l' Acad. n' en distinguait point l' usage; dans les suivantes, elle dit que débonaire n' a d' usage dans le style sérieux qu' en parlant des Princes: Louis le Débonaire; c' est un Prince débonaire.
   La vertu d' un grand Roi, c' est d' être débonaire.
   Il est, de ses Sujets, moins le Roi que le Pere.
       P. Marion, Cromwel.
Et sur débonaireté, elle dit qu' il est de peu d' usage. L. T. Dans la dern. édition, l' Acad. avertit que l' adv. et le subst. vieillissent, et que l' adjectif, excepté en parlant des Princes, ne se dit qu' en plaisantant. "C' est un homme débonaire. "Un mari débonaire, qui soufre patiemment la conduite de sa femme. _ Dans l' Ann. Litt. on apèle M. P... l' illustre et débonaire Auteur de la Dunciade. C' est une ironie, une contre-vérité.

DÉBORD


DÉBORD, s. m. DÉBORDEMENT, s. m. DÉBORDER, v. n. [Débor; le d ne se pron. jamais: débordeman, débordé; 1re é fer. 3e e muet au 2d, é fer. au 3e.] Suivant La Touche, débord est un vieux mot, qu' on disait pour débordement: Un débord d' humeurs, de bile, de pituite. Il n' est plus usité qu' en termes de monoie, pour signifier ce qui est au-delà du cordon de la légende. _ On dit, dans Danet, dans les Additions au Richelet, dans le Rich. Port., et même dans le Dict. de l' Acad., que ce mot, dans le 1er sens, est en usage parmi les Médecins.
   DÉBORDEMENT, se dit, 1°. De l' action par,laquelle une rivière se déborde. Le débordement du Nil, de la Seine, du Rhône, etc. = 2°. Par extension, des humeurs: Débordement de bile. _ On apèle, en ce sens, débordement de cerveau, une chute extraordinaire de pituite, qui vient des conduits salivaires, par le nez et la bouche. = 3°. Figurément, irruption d' un peuple barbâre: Le debordement des Barbâres dans l' Empire Romain.
   De quels débordemens de sang et de carnage
   La terre a-t-elle vu ses flancs plus engraissés?
       Rouss.
= 4°. Dissolution, débauche. Le débordement des moeurs. Vivre dans un grand, dans un étrange débordement.
   DÉBORDER, neutre et réciproque, a les sens de débordement, et il en a que débordement n' a point. "La rivière a débordé; elle s' est débordée. "La bile se déborde; les humeurs se sont débordées. "Quand les Barbares se débordèrent dans l' Empire avec tant de fureur. "La Poésie épique est le fruit d' une imagination forte, et une imagination forte est sujette à se déborder. Le Chev. des Sablons. "Il ne put d' abord arrêter le torrent qui se débordoit sur sa Patrie. Volt. "C' est un jeune homme fort débordé; une femme débordée: Mener une vie débordée. Il n' a ce dernier sens qu' au participe.
   DÉBORDER, actif; ôter le bord. Déborder une jupe. _ Neutre; passer au-delà du bord: La doublure déborde. = En termes de Guerre: La première ligne des énemis débordait la nôtre. Là il est actif.

DÉBOTTER


DÉBOTTER, v. a. et s. m. [Déboté; 1re et dern. é fer.] Tirer les bottes à... Son valet le débotte; il se fait débotter par son valet. _ S. m. Le Débotter du Roi: Il se trouva au débotter.

DÉBOUCHÉ


DÉBOUCHÉ, DÉBOUCHEMENT, s. m. DÉBOUCHER, v. a. et n. [Dé-bou-ché, cheman, ché; 1re é fer. 3e é fer. au 1er et dern. e muet au 2d.] Les deux 1ers se disent d' un moyen de se défaire des marchandises ou des billets, dont il n' est pas aisé de trouver le débit, ou de faire un bon emploi. "On cherche, ou on a trouvé un débouché, ou un débouchement, pour ces marchandises, pour ces billets. _ Il me semble que débouché est le plus usité des deux.
   DÉBOUCHER, actif; c' est ôter ce qui bouche. Déboucher une bouteille, ôter le bouchon. _ Déboucher les chemins, les passages; en ôter les obstâcles. _ Cette médecine vous débouchera, vous évacuera, ôtera les obstructions.
   DÉBOUCHER, neutre; passer par des gorges de montagnes: "L' armée déboucha heureusement par cette gorge sans trouver d' obstâcles. En ce sens, l' infinitif s' emploie substantivement. "Au déboucher du défilé, ils trouvèrent les énemis, etc.

DÉBOUCLER


DÉBOUCLER, v. a. Ôter la boucle, ou les boucles, de ce qui est bouclé. Déboucler un ceinturon, une cuirasse, des bottines. Déboucler des cheveux, une perruque, etc.

DÉBOUQUEMENT


DÉBOUQUEMENT, s. m. DÉBOUQUER, v. n. [Dé-bou-keman, dé-bou-ké; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Termes de Marine. Ils expriment la sortie d' un vaisseau hors d' un détroit. "Le vaisseau débouqua heureûsement: Dans le débouquement, nous eûmes toute sorte de malheurs.

DÉBOURBER


DÉBOURBER, v. a. Ôter la bourbe. Débourber un fôssé, un étang.

DÉBOURRER


DÉBOURRER, v. a. [Débou-ré, r forte; 1re et dern. é fer. _ Devant l' e muet, l' ou est long: Il déboûrre, déboûrrera, etc.] Au propre, c' est ôter la bourre; mais il ne se dit guère qu' au figuré (st. famil.) Mettre un jeune homme dans les bones compagnies, pour le débourrer; c. à. d., pour le former, le façoner, et lui ôter le mauvais ton, les mauvaises manières, et l' air embarrassé qu' ont les jeunes gens qui n' ont pas encôre vu le monde. On dit aussi, avec le pron. se: "Il comence à se débourrer; je crois qu' il ne se déboûrrera jamais.

DÉBOURSÉ


DÉBOURSÉ, s. m. DÉBOURSEMENT, s. m. DÉBOURSER, v. a. [1re é fer. 3e é fer. au 1er et dern. e muet au 2d.] Déboursé, est l' argent qu' on a déboursé. Déboursement, c' est l' action de débourser, de tirer de l' argent de sa bourse pour payer. "Le tâilleur ne demande que son déboursé: "Il est dur au déboursement. "J' ai tant déboursé pour vous; voilà le compte. "Il a acheté une terre, et l' a payée sans rien débourser.

DEBOUT


DEBOUT, adv. [1re e muet, de-bou.] Sur pied, sur ses pieds. "Il est debout; se tenir debout.
   Être debout, être levé. "Tout son monde était debout dès le grand matin. "Il se porte mieux; il est debout. _ Debout! debout! interjection. Levez-vous!
   On dit d' un ancien bâtiment, qu' il est debout, pour dire qu' il subsiste encôre. Racine a ennobli ce mot.
   Ils vivent cependant, et leur Temple est debout.
       Athalie.
Mde Dacier l' a imité. "Parce que cette muraille fut bâtie contre la volonté des Dieux immortels, elle ne devoit pas être long--temps debout. Iliade.
   Mettre un toneau debout, sur un de ses fonds. _ Avoir le vent debout (Marine), l' avoir contraire. _ Des marchandises passent debout dans une Ville, lorsqu' elles y passent sans décharger.
   On dit proverbialement, d' un homme dont le crédit est bien établi, qu' il ne saurait tomber que debout. _ Contes à dormir debout; fables, contes en l' air, vaines promesses.

DÉBOUTER


DÉBOUTER, v. a. [Dé-bou-té; 1re et dern. é fer.] Terme de Pratique. Déclarer par Sentence que quelqu' un est déchu de la demande qu' il a faite en Justice. _ Il régit la prép. de: "L' Arrêt l' a débouté, ou, il a été débouté de sa demande, de ses prétentions.
   Rem. Quoiqu' il semble que déchu et débouté soient la même chôse, cependant le premier se dit ordinairement de l' apel, et l' aûtre de la demande ou de l' oposition. Ainsi l' on dit, débouté de sa demande, débouté de son oposition; et à l' égard de l' apelant, on dit, déchu de son apel. Ferrière, Dict. du Droit Civil.

DÉBOUTONER


DÉBOUTONER, v. a. Faire sortir les boutons des boutonières ou des ganses. Déboutoner sa soutane, son juste-au-corps; ou simplement, se déboutoner. _ On dit, figurément (st. famil.) se déboutoner avec ses amis, parler librement avec eux, leur dire tout ce qu' on pense. _ Rire ou manger à ventre déboutoné, de toute sa force; avec excès.

DÉBRâILLÉ


DÉBRâILLÉ, ÉE, adj. SE DÉBRâILLER, v. réc. [Débrâ-glié, glié-e, glié; 1re é fer. 2e lon. sur-tout devant l' e muet: il se débrâille; mouillez les ll; 3e é fer. long au 2d.] Se débrailler, c' est se découvrir la poitrine avec quelque indécence. Se débrâiller devant tout le monde _ On l' emploie le plus souvent au participe, pris adjectivement. Homme tout débrâillé; femme toute débrâillée.

DÉBRÉDOUILLER


DÉBRÉDOUILLER, v. act. [Débré-dou--lié, 1re, 2d. et dern. é fer. mouillez les ll.] Au propre, c' est un terme de trictrac. Faire ôter la bredouille. Voy. Bredouille. _ Au figuré, changer en bien une fortune long-temps ingrate et peu favorable. "Ces trois jours on débrédouillé le Chevalier (de Grignan); c' est le premier bien qu' il ait reçu, et la première mort qui lui ait été bonne. Sév.

DÉBRIDER


DÉBRIDER, v. act. [1re et dern. é fer.] Ôter la bride à un cheval. "Avez-vous débridé le cheval? _ Neutre et sans régime. "Il est temps de débrider; faire dix lieuës sans débrider. _ Figurément, faire une chôse avec précipitation. Voyez comme il débride, comme il mange. "Il a bientôt débridé son Breviaire.
   Sans débrider, adv. (Style figuré famil.) Tout de suite et sans interruption. "Il a parlé trois heures sans débrider. Elle a dormi huit heures sans débrider.
   * REM. Pomey met débridement, pour exprimer l' action de débrider. Ce Lexicographe a beaucoup de ces substantifs, forgés d' après des verbes.

DÉBRIS


DÉBRIS, s. m. [Débri; 1re é fer.] Au propre, les restes d' un édifice, et sur-tout d' un vaisseau qui a fait naufrage. "On n' a pu rien sauver, ou, voilà tout ce qu' on a sauvé du débris de ce vaisseau. _ Au figuré, bien qui reste à un homme après un grand revers de fortune. On dit, en ce sens, le débris de l' armée, le débris de sa fortune, etc.
   Rem. 1°. L' Acad. ne dit ce mot que des restes d' un vaisseau naufragé; mais il se dit aussi d' un édifice ruiné ou démoli. _ Ainsi, en comparant débris, décombres, ruines, on trouve cette diférence, que les deux derniers ne s' apliquent qu' aux édifices, et que le 3e supôse même que l' édifice, ou les édifices détruits sont considérables. Débris se dit, au contraire, des vaisseaux, comme des édifices. On dit, les débris d' un vaisseau, les décombres d' un bâtiment, les ruines d' un Palais ou d' une Ville. Décombres ne se dit jamais qu' au propre: débris et ruine se disent souvent au figuré; mais, ruine, en ce câs, s' emploie plus souvent au singulier qu' au pluriel. Ainsi, l' on dit: les débris d' une fortune brillante: la ruine d' un particulier, de l' état, de la Religion, du comerce. Encycl.
   2°. Débris ne s' emploie guère tout seul et sans régime, sur-tout avec les pronoms: on ne dit point un débris, ce débris, son débris; on dit toujours le débris, les débris de; ou sans régime, les débris, au pluriel, plutôt que le débris, au singulier; ramasser les débris; les débris en sont encôre considérables. _ Racine, le plus correct de nos Poètes, a pourtant dit, dans Bajazet:
   Par une belle chute il faut me signaler,
   Et laisser un débris, du moins après ma fuite,
   Qui, de mes énemis, retarde la poursuite.
Il aurait pu dire, en ne rien dérangeant dans ses vers, et laisser des débris, etc. mais l' harmonie en aurait soufert. Des débris du moins, aurait été dur. Il a préféré un débris, qui est plus doux. _ Bourdaloue dit, ce débris: "De quoi est-il touché? de cette séparation, de ce renversement, de ce débris subit et si général. Outre l' emploi de ce mot au singulier, sans régime et avec le pronom ce, qui ne me paraissent pas réguliers, il y a quelque chôse à dire sur la signification que ce grand Orateur done à débris dans cette phrâse. Qu' est-ce qu' un débris subit; s' il n' entend pas par-là un renversement, une destruction prompte et générale? Mais débris n' est pas le renversement, la destruction, il en est l' éfet: il exprime ce qui reste, après que la plus grande partie d' une chôse a été détruite. = Le P. d' Orléans dit, son débris. "Henri pensoit qu' il ne seroit pas impossible que la couronne venant à tomber de dessus la tête d' un Roi, qui aliénoit de lui toute la Castille, il ne se trouvât à portée de profiter de son débris. Révol. d' Espagne. On peut demander ce que c' est que le débris d' un Roi qui est détrôné. L' Auteur a-t-il voulu dire par-là, sa chute, son malheur? mais ce n' est pas le sens de débris. Le débris n' est qu' un reste; il ne se dit point des persones, et il ne s' emploie guère au singulier, qu' avec la prép. de. "Le triste débris d' une si haute fortune. "De tous les débris de cette grande fortune du premier homme, il n' est rien resté de plus précieux à ses enfans, que l' amour de la vérité. Mascaron.

DÉBROUILLEMENT


DÉBROUILLEMENT, s. m. DÉBROUILLER, v. a. [Dé-brou-glie-man, dé-brou-glié; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Débrouiller, c' est déméler une chôse embrouillée, mettre de l' ordre dans les chôses qui étaient en confusion. Débrouillement c' est l' action de débrouiller. "Débrouiller des papiers qui étaient mal en ordre. Et, figurément, éclaircir des afaires, des questions, etc. C' est un chaos d' afaires, très-dificile à débrouiller. "Il faut lui laisser le débrouillement de cette afaire. "Il fera très-bien ce débrouillement.

DÉBRUTALISER


*DÉBRUTALISER, v. a. Ce verbe fut fait par Mde. de Rambouillet, du temps de Vaugelas, qui le trouvait assez heureûsement inventé. Il signifie, défaire une persone de sa brutalité. Ce mot n' a pas passé: il n' est point dans le Dict. de l' Acad. il est hors d' usage, dit-on, dans le Rich. Port. _ Il est tout au plus bon pour le burlesque, où tout est bon.

DÉBRUTIR


DÉBRUTIR, v. act. Dégrossir: ôter ce qu' il y a de plus brut et de plus rude. Débrutir une glace; du marbre, etc. Il se dit principalement des glaces de miroir.

DÉBUCHER


DÉBUCHER, v. n. [1re et dern. é fer.] Sortir du bois. Le cerf a débuché. _ S. m. Il se trouva au débucher.

DÉBUSQUER


DÉBUSQUER, v. act. [Débus-ké; 1re et dern. é fer.] Chasser d' un poste avantageux. "On débusqua les énemis de ce poste à coups de canon. _ Figurément "On l' a débusqué de cet emploi. "Il vint à bout par ses intrigues, de débusquer ce Ministre. _ Il est familier, et même un peu bâs. "Vains systèmes qui se débusquent l' un l' autre, sans pouvoir, ni se soutenir, ni se faire comprendre. Hist. du Ciel. "M. l' Ab. de Boismont est d' assez bonne composition: il laisse aux Philosophes le néant, quoiqu' il eût été plus charitable de les débusquer de ce poste, qui n' est rien moins qu' assuré. Journ. de Mons. L' expression est plus énergique qu' élégante.

DÉBUT


DÉBUT, s. m. DÉBUTANT, ANTE, s. m. et f. DÉBUTER, v. n. [1re é fer. 3e lon. au 2d, et 3e; é fer. au dern.] Début est, 1°. le premier coup, à certains jeux, comme au mail, au billard, à la boule, etc. Voilà un beau début. _ Il se dit par extension des aûtres jeux. = 2°. Figurément, commencement d' une entreprise, d' un discours, des premières actions dans une profession. "Voilà un beau, ou un mauvais début. _ Débutant, qui débute. On le dit sur-tout des Acteurs et Actrices, en parlant de la première fois qu' ils paraissent sur un théâtre. L' Acad. ne met pas ce mot, qui est très-usité. "Il (M. Claque) se chargeoit, pour une somme honnête, de faire réussir les débutans et les pièces nouvelles. Ann. Litt. Par extension, on le dit des Auteurs. "M. de... nouveau débutant dans la carrière Poético-philosophique. Ibid.
   Débuter, v. n. Jouer le premier coup à certains jeux. "Il a débuté par un beau coup. _ Figurément, faire les premières démarches dans un genre de vie. "Il débuta par un long discours: par se plaindre, par représenter, etc. "Il a mal débuté dans le monde. Un Comédien qui débute. _ V. a. Ôter d' auprès du but. Débuter une boule.

DEÇA


DEÇA, adv. [1re e muet: l' a doit porter un accent grâve.] Deçà et delà sont deux prépositions de lieu, dont la 1re marque le lieu qui est proche de la persone qui parle, ou qui est de son côté; et le second, un lieu qui est plus éloigné ou qui est de l' autre côté. Ainsi, à Paris on dit, les Provinces deçà la Loire, et l' on désigne par là les Provinces septentrionales qui sont les plus près de Paris, et les Provinces delà la Loire, les Provinces méridionales. Voy. Rem. n°. 2°. au mot Cuiller.
   Deçà et delà s' unissent à de, au, par, en. De deçà le Rhone, au deçà de la Loire, au delà des monts, en deçà du fleuve, par delà la Seine, etc. On dit aussi, sans régime, deçà, delà, de côté et d' aûtre. _ Rem. que deçà aime mieux s' associer avec en et de, et delà avec par et au.
   * Bossuet emploie deça et delà dans une ocasion ou ça et là sont les termes propres. "Des Docteurs répandus de çà et de là, sans aucune succession manifeste et légitime. Observons à ce propôs, que deçà et delà expriment le lieu d' une manière définie, et çà et là d' une manière vague et indéterminée. "Ils erroient çà et là On dit, figurément, être en deçà d' une chôse: n' y pas ateindre. "On sent par là combien le systême des matérialistes est en deçà de toute probabilité. Catéch. Philos.

DÉCACHETER


DÉCACHETER, v. a. [1re et dern. é fer. 3e e muet.] Ouvrir ce qui est cacheté. Décacheter un paquet, une lettre.

DÉCADE


DÉCADE, s. f. [1re é fer. dern. e muet.] Il ne se dit que d' une Histoire, dont les livres sont partagés en dixaines. Les décades de Tite Live. Première, seconde, troisième Décade.

DÉCADENCE


DÉCADENCE, s. f. [Dékadanse; 1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] État de ce qui tend à sa ruine. Commencement de ruine. Acad. Chute, ruine immense. Trév. Disposition à la chute, à la ruine. Ce qui va vers le déclin. Rich. Port. La définition de l' Acad. est la plus juste. "Tomber, aler en décadence: ce Palais s' en va en décadence. _ Fig. la décadence de l' Empire, des Lettres, des afaires, d' un État, du commerce, etc. "Sa santé, ses afaires vont en décadence.
   Rem. 1°. Suivant le P. Bouhours, décadence ne se dit qu' au figuré. On ne dirait pas bien, la décadence d' un Palais, pour, la ruine de ce Palais. Et si l' on dit, la décadence d' une maison, c' est qu' alors maison se prend pour famille. Cependant il a dit lui-même, la décadence de Troie. Et l' Acad. "Ce Palais tombe en décadence (1res édit.) ou, s' en va en décadence (dern. édit.) Je crois pourtant qu' il vaut mieux suivre la décision du P. Bouhours que son exemple; et que celui qui est cité par l' Acad. n' est pas juste non plus, et qu' on doit dire tomber en ruine, et non pas en décadence. Voy. Th. Corn. sur Vaugelas. V. plus bâs n°. 4°.
   2°. Je pense aussi que décadence ne se dit point des persones. "La fidèle Fatime, qui s' aperçut de sa décadence, rêva une nuit qu' elle le quittoit, et le quita le lendemain. Marm.
   Aussitôt que Juba connoit leur décadence,
   Plein de joie et d' ardeur, il court à leur défense.
       Brebeuf.
Je crois que dans le premier, il faut dire, la décadence de sa fortune, et dans le 2d, leur chute, leur déroute.
   3°. Il me semble aussi que, même en parlant des chôses au figuré, décadence ne se dit point seul et sans régime. Regnard dit, dans les Folies Amoureuses, dans cette décadence, pour dire, dans ce changement, dans cette révolution. Il n' est pas à imiter en cela.
   4°. Décadence, ruine (synon.) Ces deux mots diffèrent, en ce que le premier prépare le second, qui en est ordinairement l' éfet. "La décadence de l' Empire Romain, depuis Théodose, annonçoit sa ruine entière. On dit, des Arts qu' ils tombent en décadence, et d' une maison, qu' elle tombe en ruine. Encycl. Beauzée.
   Décadence, déclin, décours (synon.) Le premier est l' état de ce qui va tombant; le second, l' état de ce qui va baissant; le troisième, l' état de ce qui va décroissant. L' Ab. ROUBAUD, synon.

DÉCAGONE


DÉCAGONE, s. m. et adj. [1re é fer. dern. e muet.] Figûre qui a dix angles et dix côtés: "Un décagone régulier. _ Un bassin décagone.

DÉCAISSER


DÉCAISSER, v. a. [Dékècé; 1re et dern. é fer. 2e è moyen.] Tirer d' une caisse. Décaisser des marchandises, un oranger qui est en caisse, etc.

DÉCALOGUE


DÉCALOGUE, s. m. [Dékaloghe, et non pas gû-e: l' u est muet, et n' est mis dans ce mot que pour doner au g un son fort qu' il n' a pas devant l' e; 1re é fer. dern. e muet.] Les dix Commandemens de Dieu. "Les préceptes du Décalogue.

DÉCAMPEMENT


DÉCAMPEMENT, s. m. DECAMPER, v. n. [Dékanpeman, dékanpé; 1re é fer 2e 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Décamper, c' est lever le camp. Figurément, s' enfuir. Décampement, est l' action de décamper. "L' armée décampa au point du jour. "Le décampement se fit avec précipitation. "Quand il sut qu' on le cherchait, il décampa bien vîte.
   REM. Décamper prend l' auxiliaire avoir: J' ai décampé~, il a décampé. Quelques Auteurs lui ont donné le verbe être pour auxiliaire. "Les Troupes sont décampées. Sév. "L' Armée qui étoit décampée, etc. D' Avr. "Il fit courir le bruit qu' il étoit decampé. P. Barre. "Il vint dire que Charles étoit décampe. Id. Ces Auteurs ne sont pas à imiter en cela. _ L' Acad. ne met d' exemple que de l' auxil. avoir: dès que l' Armée eut décampé.

DÉCANAT


DÉCANAT, s. m. [1re é fer. On ne prononce point le t final.] Dignité du Doyen, ou le temps qu' elle dure, quand elle n' est pas perpétuelle. Le Décanat du Sacré Collége. "Son Décanat a duré trois ans. _ Quand on parle de bénéfices, on dit Doyéné.

DÉCAPITER


DÉCAPITER, v. a. [Dékapité; 1re et dern. é fer.] Couper la tête à quelqu' un, par ordre de Justice. "On le décapita; il fut décapité dans la cour du Palais, sur la place publique.

DÉCâRRELER


DÉCâRRELER, v. a. [Dékârelé; 1re et dern. é fer. 2e lon. r forte; 3e e muet.] Ôter les carreaux d' une chambre. "On a decârrelé; il a fait décârreler tous les apartemens.

DÉCASYLLABE


DÉCASYLLABE, adj. [Dékacilabe; On ne prononce qu' une l; 1re é fer. dern. ê muet.] Qui est de dix syllabes. Vers Décasyllabes. * Plusieurs disent Dyssyllabes, mais mal, puisque celui-ci signifie, qui a deux syllabes.

DÉCÉDER


DÉCÉDER, v. n. DÉCèS, s. m. [3 é fermés dans le 1er; au 2d, 1er é fer. 2e ê ouv. et long: Décê; et devant une voyelle, décêz.] Décès, mort naturelle. Décéder, mourir de mort naturelle. Après son décès. Il décéda un tel jour. _ Décéder prend l' auxil. être. "Il est décédé, et non pas, il a décédé.
   Rem. Ces termes sont plus du Palais, que de l' usage ordinaire, où l' on dit, mort et mourir. Quelques bons Auteurs s' en sont pourtant servis, mais je ne crois pas, dit avec raison La Touche, qu' on doive les imiter en cela. L' Acad. ne désaprouve point ces mots; elle se contente de dire qu' on ne les dit que de la mort naturelle des persones. Mais au Palais, on ne les dit point non plus d' une mort violente.

DÉCèLEMENT


DÉCèLEMENT, s. m. DÉCÉLER, v. act. [Décèleman, Décélé; au 1er, 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet; au 2d, 3 é fermés.] L' Acad. ne met point d' acc. à la 2de syllabe, et écrit Décelement, décéler; comme elle écrit le simple celer sans acc. = Décèlement, est l' action de décéler, de découvrir ce qui est caché. Le substantif est peu usité. Le verbe régit les chôses et les persones; Décéler un secret, un crime. Son embarras décéla son crime. On l' a décélé; c' est son ami même qui le décéla. "Cette attention à braver la mort et à s' égayer sur ce sombre sujet, décèle, si je ne me trompe, une frayeur cachée, qu' on tâche de calmer. Le Chev. des Sablons.
   Décéler a paru vieux à plusieurs persones: mais il paraît au contraire qu' il se soutient fort bien. L' Acad. le met sans remarque, et l' on peut l' employer sans crainte.

DÉCEMBRE


DÉCEMBRE, s. m. [Dé-sanbre; 1re é fer. 2e lon. em a le son d' an: 3e e muet. _ * Dans les Provinces Méridionales, quelques-uns prononcent Dexembre; d' aûtres, Dézambre; deux prononciations vicieûses.] = Le dernier mois de l' année.

DÉCEMMENT


DÉCEMMENT, adv. DÉCENCE, s. f. DÉCENT, ENTE, adj. [Dé-saman, Dé--sance, san, sante; 1re é fer. 2e br. au 1er, longue aux trois aûtres.] La décence est la bienséance, l' honnêté extérieûre. Décent, qui est conforme à la Décence. Décemment, d' une manière décente. "Il n' est pas de la décence de faire cela. "Les lois, les règles de la décence. "Cela n' est pas dans~ la décence. "Habit décent: "Il n' est pas décent à un Magistrat d' avoir des manières si libres. "Être vétu fort décemment, etc.
   REM. Décence s' emploie quelquefois au pluriel: "Philipe bravant toutes les lois et toutes les décences, fut jugé par la conscience de ses sujets; et c' est-là pour les Rois un tribunal sans apel. Moreau.
   DÉCENCE, Bienséance, Convenance (synonimes.) La décence regarde l' honnêteté morale: elle règle l' extérieur selon les bones moeurs. La Bienséance concerne l' honêteté civile: elle règle nos actions selon les moeurs et les usages de la société. La Convenance pure s' atache aux chôses moralement indiférentes: elle règle des arrangemens particuliers, selon les bienséances et les conjonctures. Roubaud, Synon.

DÉCEMVIR


DÉCEMVIR, s. m. DÉCEMVIRAT, s. m. [Em n' y a pas le son d' an. Prononcez comme s' il était écrit: Décè-mevir, Décè--mevira; l' e sur-ajouté fort muet: 1re é fer. 2e è moy.] Décemvir, se dit dans l' Hist. Romaine seulement, d' un des dix Magistrats créés par la République en diverses ocasions. Decemvirat, est la dignité de Décemvir, et aussi le temps que durait cette dignité.

DÉCENDANT


DÉCENDANT, DÉCENDRE, DÉCENTE. Richelet. Voyez DESCENDANT, etc.
   DÉCENCE; Voyez DÉCEMMENT.

DÉCENNAL


DÉCENNAL, ALE, adj. [Décen-nal, ale; 1re é fer. On prononce les deux n; en n' a pas le son d' an.] Qui dure dix ans, ou qui revient tous les dix ans. "Voeux décennaux; Magistrature décennale; Fêtes décennales. _ Ce mot n' est guère en usage que dans l' Histoire des Empereurs Romains.
   DÉCENT, ENTE. Voyez DÉCEMMENT.

DÉCEPTION


DÉCEPTION, s. f. *DÉCEPTRICE, adj. f. Tromperie; Trompeûse. Le 1er se dit au Palais. _ Le 2d est un néologisme. "Toutes les notions vagues sont presque toujours déceptrices. M. de Luc. _ Pourquoi ne pas parler comme tout le monde, ne pas dire, trompeûses?

DÉCERNER


DÉCERNER, v. a. [Décêrné; 1re et dern. é fer. 2e ê ouv.] Ce mot est fort beau, mais on ne le dit guère dans le discours familier. Il signifie, ordoner juridiquement, ou par autorité publique. "On décerna de grandes peines contre eux. Décerner des récompenses. "Les Sénat lui décerna le triomphe.

DÉCèS


DÉCèS, s. m. On écrivait aûtrefois déceds. Voyez DÉCÉDER. Voyez aussi TRÉPAS.

DÉCEVANT


DÉCEVANT, ANTE, adj. DÉCEVOIR, v. a. [Décevan, vante, voar; 1re é fer. 2e e muet; 3e lon. aux 2 1ers.] Décevoir, je déçois, nous décevons, ils deçoivent; je décevais, je déçus, j' ai déçu; je décevrai, décevrais; que je déçoive, je déçusse; décevant, déçu.
   Ces mots, disait La Touche, au comencement du siècle, comencent à vieillir; le verbe sur-tout: et c' est domage: Il serait bon à conserver, du moins dans le beau style. La Touche dit avec raison, qu' il est plus usité en poésie, qu' en prôse. Il avoue que l' Acad. n' en distinguait point l' usage, et qu' elle disait qu' on s' en sert ordinairement, pour dire, tromper par la voie de la douceur et des caresses. "Décevoir une fille. _ Dans la dern. édit. elle change un peu la définition et les exemples. Tromper, séduire par quelque chôse de spécieux et d' engageant. "Ces propositions ne tendent qu' à vous décevoir: ses espérances ont été déçues. Espoir décevant; paroles décevantes. _ Il paraît que decevoir est aujourd'hui plus d' usage au passif qu' à l' actif. Il a été déçu par de belles promesses.
   Dans le siècle passé, on faisait grand usage de ces deux mots.
   Qu' il ne se flate point d' un espoir décevant.
       Corn. dans Pertharite.
Maynard dit à Gomberville dans un sonnet:
   L' art, qui fait les discours fleuris et décevans
   Montre toute sa pompe en ce que tu compôses.
"Les aûtres Sectes, qui semblent, à cet égard, plus décevantes. Bossuet. "Ils seront déçus faute d' avoir été avertis. Id. _ Rousseau parlant du peuple, dit:
   Fausse lueur ses foibles yeux déçoit.
Mais c' est en vers et dans un style demi-marotique.
   M. de Bufon l' a employé en prôse et sérieûsement. "Les raports, que ces parties donent au singe avec nous, nous plaisent, nous déçoivent. _ L' usage de decevant se soutient encôre, sur-tout en vers, et dans le style soutenu.
   Aprobateur folâtre et décevant.
       Rouss.
"La nature l' avoit douée de mille charmes décevans. Mde. de Riccoboni.

DÉCHAîNEMENT


DÉCHAîNEMENT, s. m. DÉCHAîNER, v. a. [Déchêneman, déchêné; 1re é fer. 2e ê ouv. et long. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Déchaîner, au propre, c' est ôter la chaîne, détacher de la chaîne. "On déchaîna les captifs. _ Au figuré, exciter, animer, irriter contre quelqu' un. "Ils ont trouvé moyen de déchaîner contre eux des gens de tout état et de toute secte. _ Se déchaîner, s' emporter contre... "Que vous ont-ils fait pour vous déchaîner ainsi contre eux? On dit, dans le même sens, être déchaîné. "Elle est déchaînée, comme vous, contre le Public, qui se déchaîne toujours sans savoir pourquoi. Mde de Coulanges. _ On le dit aussi, figurément, en parlant des vents, d' un orage, etc. "Il sembloit que tous les vents fussent déchaînés. "Les vents déchaînés mugissoient avec fureur dans les voiles. Télémaque.
   Déchaînement ne se dit qu' au figuré. "On ne vit jamais un pareil déchaînement, un si grand emportement. "Son déchaînement contre les... est étrange: c' est une vraie fureur. Anon.

DÉCHARGE


DÉCHARGE, s. f. DÉCHARGEMENT, s. m. DÉCHARGER, v. a. [1re é fer. 3e e muet aux 2 1ers, é fer. au 3e En, dans le 2d a le son d' an: Déchargeman.] I. Décharge est, 1°. l' action par laquelle on décharge des hardes, des ballots, des marchandises. Il ne se dit que des Messagers, Voituriers, Charretiers. "Se trouver à la décharge d' un ballot. "Ils sont obligés de faire la décharge de leurs marchandises en tel endroit. = 2°. L' action de décharger les armes à feu. "La décharge de la mousqueterie, du canon. "Ils firent une furieûse décharge. _ On dit, en ce sens: une décharge de coups de bâton. = 3°. Acte, par lequel on décharge quelqu' un d' une chôse dont il était chargé. "Décharge bonne et valable. "Ce reçu est nécessaire pour ma décharge. = 4°. Ce que les témoins disent pour décharger un acusé. Informer à charge et à décharge. "Tous les témoins ont parlé à sa décharge. = 4°. L' endroit par lequel l' eau d' une fontaine, d' un canal se décharge. = 5°. Lieu, dans une maison, où l' on serre bien des chôses, qui ne sont pas d' un usage ordinaire. = 6°. Soulagement: "Les Couvens sont une décharge pour les familles. _ La décharge, ou l' aquit de la conscience. "Je vous en avertis pour la décharge de ma conscience.
   II. DÉCHARGEMENT, est l' action de décharger. Il se dit sur-tout des vaisseaux et des marchandises, dont ils étaient chargés. Ainsi, décharge se dira des voitûres de terre, et déchargement, de celles de mer. "Le déchargement de ce vaisseau a duré vingt jours. "Veillez au déchargement des marchandises, pour qu' on ne vole rien, on ne gâte rien.
   Chargement, a un sens tantôt actif, tantôt passif. Il se dit de l' action de charger un vaisseau, et des marchandises qui y ont été chargées. _ Déchargement, n' a qu' un sens actif, soit qu' on parle du vaisseau, ou des marchandises. Il ne signifie que l' action de décharger.
   III. DÉCHARGER, c' est 1°. Ôter le fardeau du lieu où il était. Décharger une charrette, un crocheteur, des marchandises, des ballots. _ Figurément (st. famil.), décharger son estomac, son ventre, par quelque évacuation. _ Et dans un style plus noble, décharger son coeur, découvrir à un ami les sujets de douleur ou de plaintes que l' on a. Décharger sa conscience, satisfaire à quelque chôse à laquelle on se croit, ou l' on est obligé. "Je dis cela pour décharger ma conscience. "Je m' en décharge, et je vous en charge. _ Décharger sa colère sur quelqu' un, s' emporter contre lui, ou lui faire de la peine, souvent sans sujet, quand on est en colère d' âilleurs. _ On dit proverbialement, décharger sa colère sur les mets, sur les plats, bien manger. Décharger le plancher, sortir, se retirer, style badin. = 2°. Délivrer d' une comission, d' une afaire, etc. Il régit de: Il m' a déchargé, ou,  je suis déchargé, ou, je me suis déchargé de cet embârras, de cette afaire désagréable. _ Se décharger, a quelquefois trois régimes: se, régime direct; de, et à: "Je me suis déchargé de ce soin sur mon frère. = Décharger une arme à feu, la tirer. _ Décharger un coup de poing, de bâton, de sabre, etc., le doner de toute sa force. = 4°. Tenir, déclarer quitte; délivrer d' une redevance, d' une demande, d' une dette, etc. "On l' a déchargé de l' assignation: il s' est fait décharger de la tutelle: il a été déchargé, par Arrêt, de la demande intentée contre lui. Cette Province a été déchargée d' une partie des impositions, etc. _ Décharger un registre, y mettre la quittance de ce qu' on a reçu. _ Décharger un acusé, dire des chôses qui vont à le justifier. _ 5°. Se décharger, se dit d' une rivière qui entre, ou qui se jette dans une aûtre: "La Saone se décharge dans le Rhône, et le Rhône dans la mer.

DÉCHARGEUR


DÉCHARGEUR, s. m. [Dé-char-geur; 1re é fer.] Celui qui décharge les marchandises.

DÉCHARNÉ


DÉCHARNÉ, ÉE, adj. DÉCHARNER, v. a. [1re et dern. é fer.; il est long au 2d, devant l' e muet.] Décharner, c' est 1°. Ôter la chair de dessus les ôs. Il se dit, en ce sens, des Chirurgiens, qui décharnent les corps, en faisant des anatomies. = 2°. Amaigrir, ôter l' embonpoint: Cette maladie l' a fort décharné. = Son emploi le plus ordinaire est au participe passif, employé adjectivement. Corps, visage décharné; brâs décharné; main décharnée. _ Figurément, style décharné, trop sec. Jejuna oratio.

DÉCHAûSSEMENT


DÉCHAûSSEMENT, s. m. DÉCHAUSSER, v. a. [Déchôceman, Déchocé; 1re é fer. 2e. lon. au 1er, dout. au 2d; mais devant l' e muet elle est longue: Il déchaûsse, déchaûssera, etc.] Déchausser, est 1°. Ôter les bâs ou les souliers. Il se dit, et de ce qu' on ôte, et de celui à qui on ôte: "Déchausser des bâs, des souliers. "Un valet qui déchausse son maître. Se déchausser soi-même. = 2°. Déchausser des arbres, ôter la terre qui est autour du pied. _ Déchausser les dents, les découvrir, et les détacher de la gencive.
   On dit proverbialement, de quelqu' un qui n' en vaut pas un aûtre, qu' il n' est pas digne de le déchausser, allusion à la parole de St. Jean-Baptiste. Cujus non sum dignus solvere corrigiam calceamentorum. "Cela n' est pas digne de déchausser votre histoire amoureûse. Sév.
   DÉCHAûSSEMENT, n' a que le 2d sens de déchausser. Il ne se dit que de l' action de déchausser les arbres, les vignes, en les labourant au pied, et ôtant un peu de la terre qui est sur les racines.

DÉCHAUSSOIR


DÉCHAUSSOIR, s. m. [Décho-soar; 1re é fer. 2e dout.] Instrument pour déchausser les dents, qui sert à séparer les gencives d' autour des dents qu' on veut arracher.

DÉCHAUX


*DÉCHAUX, adj. m. On dit vulgairement, Carmes Déchaux. Il faut dire: Carmes Déchaussés, Augustins Déchaussés.

DÉCHÉANCE


DÉCHÉANCE, s. f. [1re et 2e é fer. 3e lon. 4e e muet.] Perte d' un droit. "À~ peine de déchéance. _ C' est un terme de Palais. L' Acad. le met sans remarque.

DÉCHEOIR


DÉCHEOIR, voy. DÉCHOIR.

DÉCHET


DÉCHET, s. m. [Déchè; 1re é fer. 2e è moy.] Diminution. "Il y a toujours du déchet dans la fonte des monoies, sur le vin et le blé qu' on garde trop long-temps.

DÉCHEVELER


DÉCHEVELER, v. a. [1re et dern. é fer. 2e et 3e e muet.] Décoîfer une femme, en sorte que ses cheveux soient épars et en désordre. "En se battant avec elle, il l' a entièrement déchevelée: "Elles se sont toutes deux déchevelées. "Elle parut dans un grand désordre et toute déchevelée, les cheveux épars.

DÉCHIFRABLE


DÉCHIFRABLE, adj. DÉCHIFREMENT, s. m. DÉCHIFRER, v. a. DÉCHIFREUR, s. m. [1re é fer. 3e dout. au 1er, e muet au 2d, é fer. au 3e: dans le 2d, en a le son d' an: Déchifreman. _ On écrit ordinairement ces mots avec deux f; mais on peut, sans grand inconvénient, n' en mettre qu' une.] Déchifrable, est ce qui peut être déchifré. Déchifrement, action de déchifrer; d' expliquer ce qui est écrit en chifre. Déchifreur, celui qui a la clef du chifre, ou qui a le talent de déchifrer les écritures, sans en avoir la clef. Voy. CHIFFRE, n°. 2°. "Cette lettre n' est pas déchifrable. "Par le déchifrement de cette lettre, on aprit une conjuration qui se tramait. "Ce chifre est mal-aisé à déchifrer. "C' est un habile déchifreur.
   Rem. 1°. DÉCHIFRABLE, ne s' emploie guère qu' avec la négative.
   2°. DÉCHIFRER, c' est quelquefois simplement, lire ce qui est mal écrit: On a peine à déchifrer cette écritûre. _ Figurément, pénétrer dans une afaire obscûre, embarrassée. "Je ne saurois déchifrer cette intrigue. _ On le dit même des persones, ordinairement en mauvaise part. "On l' a déchifré dans une compagnie; on l' a bien fait conaître.

DÉCHIQUETER


DÉCHIQUETER, v. a. DÉCHIQUETûRE, s. f. [1re é fer. 3e e muet, 4e é fer. au 1er, lon. au 2d.] Déchiqueter, c' est découper, en faisant diverses taillades. Déchiqueter la peau, la chair: On l' a tout déchiqueté. _ Déchiqueter une étofe, y faire diverses petites taillades. = Déchiquetûre, ne se prend que dans cette dernière acception.

DÉCHIRANT


DÉCHIRANT, ANTE, adj. [1re é fer. 3e lon.] Mot assez nouveau, et qui, à mon avis, mérite d' être adopté par l' usage. Il ne se dit qu' au figuré; qui déchire le coeur. "Le coeur humain n' éprouve point alors ces combats déchirans entre la nature et la loi. Servan. "Molière a négligé, dans le Tartufe, l' intérêt qui pourrait résulter de la situation déchirante d' une famille honnête prête à devenir la victime d' un scélérat, parce qu' il a jugé qu' il ne falloit pas faire rire et pleurer dans une Comédie. Ann. Litt. "Que cette situation seroit déchirante, si l' Auteur, qui paroît avoir du talent, avoit su l' approfondir. Ibid. On y dit âilleurs, parlant de Zaïre: "L' Auteur a vraiment choisi un sujet, qui seroit tragique, et dont les situations seroient déchirantes, si elles étoient possibles.

DÉCHIREMENT


DÉCHIREMENT, s. m. DÉCHIRER, v. a. DÉCHIRûRE, s. f. [Déchireman, déchiré, rûre; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d, longue au 3e.] Déchirement, est l' action de déchirer, de rompre, de mettre en pièces, sans user d' instrumens tranchans. Déchirûre, est l' éfet de cette action. "Déchirement d' habits. "Déchirer un habit, un manteau, une lettre. "Il y a une déchirûre à votre habit.
   Rem. 1°. DÉCHIREMENT, n' est guère d' usage au propre, excepté dans cette phrâse: "Il fit paroître son emportement, sa douleur, par le déchirement de ses habits. "Le déchirement des habits, étoit un signe de douleur et d' indignation, parmi les Juifs. _ On dit au figuré, déchirement d' entrailles, violente colique. Plus figurément encôre, déchirement de coeur, douleur vive et amère. _ Raynal le dit des Empires, des États. "Les esprits hardis demandoient qu' on se séparât entiérement de la Métropole: les esprits timides... se décidèrent enfin pour ce grand déchirement. "Le nouvel Hémisphère doit se détacher un jour de l' ancien: ce grand déchirement est préparé en Europe. _ Ces deux phrâses figureraient très-bien dans le Dictionaire Néologique. = M. MARIN n' est pas de cet avis: il troûve l' expression très énergique.
   2°. DÉCHIRER, se dit aussi au figuré. "Douleurs qui déchirent l' estomac, les entrâilles. "La triste situation de cette persone déchire le coeur. "Est-il juste et généreux de déchirer sans pitié un coeur, dont le seul crime est de vous aimer? Marm. "Ne peut on pas lui reprocher (à Racine) de n' avoir que touché le coeur, quand il pouvoit le déchirer. Le Chev. des Sablons. _ On abûse de cette expression aujourd'hui. Tout est plein d' un enthousiasme factice. On veut que le style brûle le papier. On ne se contente pas d' être touché, on veut être déchiré. Ne serait-ce pas qu' on est blasé sur les bones chôses, et qu' on a besoin d' être écorché pour sentir? Non: mais c' est que c' est la mode; et tout est mode en France; et par une conséquence naturelle, tout est mauvais goût.
   On dit aussi, qu' une mère voyant soufrir son fils, se sent déchirer les entrâilles; qu' un État est déchiré par les factions; que l' Église est déchirée par un schisme; que les passions oposées déchirent le coeur, l' âme, etc. _ Déchirer, est aussi, au figuré, ofenser, outrager par des médisances. Déchirer son prochain, déchirer sa réputation; et populairement, déchirer sa robe. _ Se déchirer: "Les femmes, les Auteurs, se déchirent les uns les aûtres. "Ils se déchirent mutuellement. _ L' actif, régissant les persones, me paraît un peu vieux. "Vous ne cessez de me déchirer. Boss. "Vous me déchirez, en me pleurant. Fénélon.
   Rem. 3°. Le réciproque est, au propre, plus usité que le passif. Mrs de Port-Royal avaient mis, dans la première édition du Nouveau Testament de Mons: "Le voile du Temple fut déchiré: mais dans la seconde ils mirent: "Le voile du Temple se déchira; et c' est en éfet comme il faut parler, dit le P. Bouhours.
   4°. DÉCHIRÉ, ÉE, adj. Se dit au propre et au figuré, des persones, mais seulement dans le style familier. On dit d' un homme, qu' il est tout déchiré, pour dire, que ses habits sont déchirés; d' une fille ou d' une femme, qu' elle n' est pas trop, ou tant déchirée, pour dire, qu' elle n' est pas laide, qu' elle est assez jolie.
   Le proverbe dit, que les chiens hargneux ont toujours les oreilles déchirées; qu' un querelleur a toujours des afaires désagréables.

DÉCHOIR


DÉCHOIR, v. n. [Dé-choar; 1re é fer.] Je déchois, nous déchoyons, ils déchoient (il n' a point d' imparfait); je déchus, je suis déchu; je décherrai, je décherrais; que je déchoie; je déchusse; déchu, ûe.
   Rem. 1°. On disait aûtrefois, il déchet, au lieu de il déchoit.
   Soit Roi, soit Prince, ou Conquérant,
   On déchet bien fort en mourant.
   2°. Plusieurs Gramairiens veulent qu' on prononce, nous déchéons, vous déchéez, ils déchéent. On l' a ainsi marqué dans le Dict. Gram. Je crois pourtant que l' usage le plus autorisé est de prononcer, nous déchoyons (déchoa-ion), vous déchoyez, ils déchoient (dé-choâ.)
   DÉCHOIR, c' est aler en décadence, de mal en pis: Diminuer en biens, crédit, faveur, santé. Trév. Tomber dans un état moins bon que celui où l' on étoit. Acad. Diminuer peu à peu: venir peu à peu de mal en pis. Tomber de quelque état heureux ou glorieux. Rich. Port. La définition de l' Acad. est la plus juste et la plus précise. _ Il se dit, ou avec la prép. de, pour régime: Déchoir de son rang, de son poste: "Il est bien déchu de son crédit, de sa faveur. "Ils sont déchus de leurs privilèges; ou sans régime: "Le Roi étoit tellement déchu dans l' esprit des siens, qu' il devint l' objet de leur mépris. Boss. On vit déchoir l' éloquence. "On voit le bon goût déchoir parmi nous. = Déchoir se dit quelquefois des chôses, comme on vient de le voir; mais seulement de celles qui ont raport aux persones: "Son crédit commence à déchoir.

DÉCHOUER


DÉCHOUER, v. a. [Dé-chou-é; 1re et dern. é fer.] Terme de Marine. Remettre à flot un vaisseau échoué.

DÉCIDÉ


DÉCIDÉ, ÉE, partic. et adj. *DÉCIDÉMENT, adv. [Décidé, dé-e, décidéman, 1re et 3e é fer. long. au 2d.] Décidé, comme participe, régit quelquefois des adjectifs: "Pour des caûses décidées justes par un Jugement rendu dans les formes. Moreau. _ Il se dit quelquefois des persones: "C' est un homme décidé, une femme décidée; d' un caractère ferme, et qui a des principes, dont il, ou elle ne s' écarte point. Voyez DÉCISIF.
   *DÉCIDÉMENT est un mot à la mode: je ne sais s' il y sera long-temps. On l' a dabord dit en conversation. Depuis quelque temps on commence à l' écrire. "L' expérience de tous les siècles a montré que, de tous les gouvernemens, le monarchique est décidément le meilleur. Anon. "Les Prélats avoient pris decidément leur parti. Moreau. "Je ne suis pas fâché de vous prouver qu' il n' y a rien dont je ne viène à bout, quand je le veux décidément. Th. d' Éduc. Vous m' aviez promis une fête; et décidément il m' en faut une. Ibid. _ On troûve encôre ce mot dans le Journal de Genève, dans les Lettres de quelques Juifs à Mr. de Voltaire, et dans d' aûtres ouvrages. _ Il en est qui écrivent décidemment, qu' il faudrait prononcer décidament. Si l' une de ces deux manières doit rester dans la Langue, il y a à parier pour décidément. Le Rich. Port. met celui-ci sans remarque. L' Acad. ne le met pas.

DÉCIDER


DÉCIDER, v. a. et neut. [1re et 3e é fer.] Résoudre, déterminer, porter son jugement sur une chôse douteûse et contestée. En régime direct, il régit les persones et les chôses: "Décidez-moi? "Décidez cette question. Il a aussi pour second régime la prép. à.
   Mais Louis, par ces mots, les décide au combat.
       Vixouze.
"Je me charge de le décider à ce sacrifice, quelque pénible qu' il puisse être. Th. d' Éduc. _ Neut. il régit l' ablat. (la prép. de) mais des chôses seulement. "Cette faute décida du sort de la batâille: "C' est à vous à en décider: "Les Juges décident de la fortune et de la vie des hommes. "Ces questions où l' orgueil et l' irréligion ont plus de part que l' amour de la vérité... où l' on traite ce qui doit décider du bonheur ou du malheur éternel, comme un problème indiférent. Massill. _ * Racine lui fait régir les persones:
   Du Troyen ou de moi faites-le décider.       Androm.
M. Racine le Fils, dit qu' on range ces mots sans songer à la syntaxe: à la bonne heure; mais on pense au régime, et on le trouve irrégulier.
   Rem. 1°. Dit-on Décider de faire? Je ne le crois pas. Soit à l' actif, soit au réciproque, soit au passif, on doit dire, à faire. "On l' a décidé à le faire; il s' est décidé, ou il est décidé à le faire. "Il a décidé de refuser toute entrée dans ses ports aux Anglais. Journ. Gen. de Fr. Je pense qu' il faut dire, il s' est décidé à refuser, etc. "Voltaire se décida de faire, à Ferney, ce que le Gouvernement françois avoit voulu faire à Versoix. Sherlock. _ Se décida à faire aurait été trop rude; mais alors il fallait construire aûtrement la phrâse: Par exemple, se décida généreusement à faire, etc.
   2°. Décider, act. avec le régime absolu (l' accusatif) est souvent plus élégant que décider, neut. avec l' ablatif pour régime. "Ce ne sont point les vertus qui font la guerre, et encôre moins, qui décident les succès. Linguet. Là décident les succès est meilleur que décident des succès.
   3°. Décider régit quelquefois la prép. sur.
"Décider sur tout à tort et à travers. _ Il s' emploie aussi sans régime. "Il aime à décider; il décide trop hardiment _ Se décider. "Décidez-vous. "Il ne sait pas se décider. "Il s' est décidé trop légèrement.

DÉCILLER


DÉCILLER, v. act. [Déci-glié; 1re et dern. é fer. mouillez les ll.] C' est ainsi qu' il faudrait écrire ce mot, puisqu' il vient de cils. Cependant le grand nombre des Dictionaires et des Auteurs écrit dessiller. _ Ce mot est fort élégant au figuré.
   Que feroit-il, hélas! si quelque audacieux.
   Alloit, pour son malheur, lui déciller les yeux.
       Boil.
Ce célèbre Poète écrivait dessiller, comme tout le monde. _ Ce mot avait été oublié dans le Dict. de l' Acad. dans la dernière édit. on a mis Desciller.

DÉCIMABLE


DÉCIMABLE, adj. Qui est sujet aux décimes:

DÉCIMATEUR


DÉCIMATEUR, s. m. Il ne se dit que de celui qui a droit de lever la dixme dans une Paroisse.

DÉCIMATION


DÉCIMATION, s. f. Action de décimer. La Décimation des soldats, de la Légion, etc. Voy. Décimer.

DÉCIME


DÉCIME, s. f. [1re é fer. dern. e muet.] 1°. Au singulier, la dixième partie des biens éclésiastiques, levée pour quelque afaire importante à la Religion ou à l' Église. "Le second Concile de Lyon ordona une Décime pour six ans. = 2°. Au pluriel, ce que le le Clergé séculier et régulier paye au Roi tous les ans, d' après le règlement du don gratuit, fait dans les assemblées du Clergé. L' Acad. ne parle que des Bénéficiers, ce qui n' est pas exact. "Payer les décimes; Receveur des décimes, etc.
   Rem. 1°. * M. Linguet emploie décime pour décimation. "Après les avoir enlevés à leurs foyers par la décime, apelée milice. Annales. Ce mot n' a pas cette signification.
   2°. Décime, Dixme, Dixième; ces trois mots viènent du latin decimus; mais ils ont une signification diférente. Les décimes, c' est ce que le Clergé done au Roi; la dixme, ce que les fidèles donent aux Ministres de l' Eglise; le dixième, une imposition royale, qui est la dixième partie des biens.

DÉCIMER


DÉCIMER, v. act. [1re et dern. é fer.] Prendre au sort le dixième soldat pour le faire mourir. "Il ordona qu' on décimât la Légion, qui s' étoit mutinée.

DÉCISIF


DÉCISIF, IVE, adj. DÉCISIVEMENT, adv. DÉCISIONS, s. f. [Décizif, zîve, zîve--man, déci-zion, en vers, zi-on; 1re é fer. 3e lon. au 2d. et au 3e; 4e e muet.] Décisif, qui décide. Décisivement, d' une manière décisive. Décision, action de décider. Résolution, jugement. "Jugement décisif, combat décisif, bataille décisive. "Parler décisivement. La décision des Docteurs sur: la décision d' un dogme, d' une afaire.
   Rem. 1°. Longtems on n' a dit décisif, que des chôses. Depuis quelque temps on le dit des persones. "C' est un homme décisif, un peu trop décisif: "Les jeunes gens sont ordinairement décisifs; c' est que les ignorans le sont plus que les savans. "Il s' agit d' atraper ce ton, et l' on devient aussi décisif qu' on est superficiel. Coyer. "Rien n' est si décisif que l' ignorance; et le doute est aussi rare parmi le peuple, que l' afirmation chez les vrais Philosophes. J. J. Rouss. "Il s' est condamné lui-même par cette maxime, car, qui fut jamais plus décisif. _ On dit aussi, avoir l' esprit décisif, le ton décisif.
   2°. Décisif, décidé: le premier a le sens actif, il se dit de celui qui décide aisément et hardiment: le second a le sens passif, et se dit de celui qui est décidé, qui a le caractère ferme.
   3°. Décision, résolution (synon.) La décision est un acte de l' esprit, et supôse l' examen: la résolution est un acte de la volonté, et supôse la délibération. La première ataque le doute, et fait qu' on se détermine. Il semble que la résolution emporte la décision, et que celle-ci puisse être abandonée de l' aûtre. "On n' est jamais résolu sans être décidé; mais il arrive quelquefois qu' on n' est pas encôre résolu à entreprendre une chôse pour laquelle on a déja décidé; la crainte, la timidité ou quelqu' aûtre motif s' oposant à l' exécution de l' arrêt prononcé. "Il est rare que les décisions aient, chez les femmes, d' autre fondement que l' imagination et le coeur. Envain les hommes prènent des résolutions; le goût et l' habitude triomphent toujours de leur raison. _ V. CANON.
   * Être de décision, être décisif, en parlant des chôses, est une expression assez particulière, employée par Fontenelle. "Je ne veux pas dire que dans l' un ou l' aûtre câs l' autorité de ceux qui croient ou ne croient pas, soit de décision. _ On dit, soit décisive.
   * On dit, homme décidé, on ne dit point décision, en ce sens "La décision du Comte Guillaume, la fermeté des troupes, etc. Journ. de Gen. _ Cela n' est pas selon l' usage.

DÉCLAMATEUR


DÉCLAMATEUR, s. m. DÉCLAMATION, s. f. DÉCLAMATOIRE, adj. [Déklama-teur, ma-cion, en vers, ci-on, ma-toâ-re; 4e lon. au dern.] Déclamation est, 1°. la prononciation et l' action de celui qui déclame. = 2°. Afectation de termes pompeux et figurés dans un ouvrage et un sujet qui ne le comporte pas. "Il règne dans cette Pièce, un ton de déclamation qui choque. = 3°. Invective. Les Avocats sont sujets à mettre, au lieu des raisons, de vives déclamations contre la partie adverse.
   DÉCLAMATEUR, se prend dans les deux premiers sens de déclamation; déclamatoire dans le second seulement. "C' est un bon, un mauvais déclamateur. En ce sens, on n' a égard qu' aux tons et aux gestes. "Ce n' est qu' un déclamateur; style de déclamateur, ou style déclamatoire, style figuré et ampoulé. "À~ ces funestes éfets de la manie déclamatoire, dont les Anglois sont saisis depuis long-temps, il en faut joindre un autre, etc. Linguet.
   REM. Gresset emploie singulièrement déclamateur. "Quand on parcourt l' Histoire de la Poésie, on a quelquefois le regret de trouver les plus belles maximes en contradiction avec la vie de leur déclamateur. _ Je ne crois pas qu' on dise un déclamateur de belles maximes. L' Auteur avait mis plus haut: "Il est aisé d' être le panégyriste de l' Honeur; terme plus propre: il n' a pas voulu le répéter.

DÉCLAMER


DÉCLAMER, v. a. et n. [1re et dern. é fer.] 1°. Prononcer, réciter à haute voix, et d' un ton d' Orateur. Déclamer des vers de Racine. Déclamer un sermon de bonne grâce. _ V. neut. "Il déclame bien, ou mal. S' exercer à déclamer. = 2°. Invectiver, parler avec chaleur contre... "Il déclame sans cesse contre son frère. Déclamer contre le vice, contre le luxe.

DÉCLARATIF


DÉCLARATIF, IVE, adj. DÉCLARATION, s. f. DÉCLARATOIRE, adj. [Dékla--ratif, tîve, ra-cion, en vers, ci-on, ra-toâ--re: 4e. lon. dans le 2d. et dans le 4e.] Déclaration est l' action de déclarer; un discours, un acte par lequel on déclâre. Déclaratif et déclaratoire, qui déclâre. L' un et l' autre est un terme de Pratique. "Déclaration publique, solennelle. J' en fais la déclaration: je fais ma déclaration que, etc. Déclaration d' amour, ou simplement, déclaration. _ "Titre qui n' est pas atributif de droit, mais seulement déclaratif. "Acte déclaratoire, Sentence déclaratoire.
   DÉCLARATION est aussi le nom qu' on done à une Ordonance du Roi en interprétation d' un Édit. = Déclaration de guerre: Ordonance par laquelle un Prince déclâre la guerre à un aûtre Prince. = En termes de Pratique, doner la déclaration de ses biens, d' une terre, d' une maison, des dépens; déclarer en quoi ils consistent.

DÉCLARÉ


DÉCLARÉ, ÉE, adj. DÉCLARER, v. a. [1re et dern. é fer. long au féminin de l' adjectif: l' a est bref devant la syl. masc. je déclarais, nous déclarions, je déclarai, déclarant, déclaré: il est long devant l' e muet: il déclâre, déclârera, etc.] Déclarer, c' est manifester, faire conaître. Déclarer ses intentions; déclarer son mariage; déclarer (révéler) ses complices.
   DÉCLARÉ, s' emploie adjectivement: il suit toujours le nom qu' il modifie. Enemi déclaré, guerre déclarée. Il est oposé à caché. L' Acad. ne le met que participe, sans en doner d' exemple: c' est un oubli.
   Rem. 1°. Déclarer, découvrir, manifester, révéler, décéler, (synon.) Faire connaître ce qui est ignoré, est la signification commune de tous ces mots; mais, déclarer, c' est dire les chôses exprès et de dessein, pour en instruire ceux à qui on ne veut pas qu' elles demeûrent inconûes: Découvrir, c' est montrer, soit de dessein, soit par inadvertence, ce qui avoit été caché jusqu' alors: Manifester; c' est produire au dehors les sentimens intérieurs: Révéler, c' est rendre public ce qui a été confié sous le secret: Décéler, c' est nomer celui qui a fait la chôse, mais qui ne veut pas en être cru l' Auteur. "Les criminels~ déclârent presque toujours leurs complices: les confidentes découvrent ordinairement les intrigues: les courtisans ne se manifestent pas aisément: il est peu de persones qui ne révélent, par imprudence, le secret qu' elles veulent tenir caché. Quand on ne veut pas être décélé, il ne faut avoir aucun témoin de son action. GIR. Synon.
   2°. Se déclarer régit les noms sans prép. (au nominatif ou à l' acusatif): il s' est déclaré mon énemi; mais il ne régit point les verbes. Le P. Charlevoix parle contre l' usage, quand il dit: "Civan s' étant déclaré qu' il n' admettoit aucun idolâtre dans sa nouvelle ville. Ce régime apartient à l' actif déclarer: ayant déclaré que, etc. = Plusieurs, et l' Académie même, font régir au réciproque le pronom en, qui est un ablatif. "Quelle raison eut-il de s' en déclarer de la sorte? Bourdaloue. "Le Roi d' Ixo s' en déclaroit ouvertement. Charlev. "Il s' en est déclaré hautement. Acad. _ On dit plus souvent, se déclarer sur, se déclarer là-dessus.
   3°. Se déclarer, en parlant des persones, prendre parti. Se déclarer pour, ou contre. En parlant des choses, se manifester. "La maladie se déclara. "La victoire s' est déclarée pour les François, etc.

DÉCLIN


DÉCLIN, s. m. [Dé-klein: 1re. é fer.] Etat d' une chôse qui penche vers sa fin. Acad. Décadence, déchet de force et de vigueur. Abaissement, diminution. Trév. Décadence, fin. Rich. Port. La définition de l' Acad. est encôre la meilleûre. _ Le déclin du jour, de l' âge, d' une maladie, de la fièvre. Sa fortune est sur son déclin. "Cette beauté est sur son déclin.
   DÉCLIN se dit aussi du ressort d' une arme à feu, par lequel le chien d' un pistolet, d' un fusil, vient à s' abatre sur le bassinet. "Le déclin s' est lâché, s' est débandé.

DÉCLINABLE


DÉCLINABLE, DÉCLINANT, adj. DÉCLINAISON, s. f. DÉCLINER, v. neut. [1re é fer. 3e dout. au 1er, lon. au 2d, è moy. et lon. au 3e. é fer. au dern. Déklinèzon, dékliné.] Décliner, neut. déchoir, pencher vers sa fin. Le jour commence à décliner; cet homme décline tous les jours, il va en déclinant. Sa fortune décline, etc. = 2°. Décliner de, s' éloigner de. La boussole décline de tant de degrés du Nord; les Astres déclinent de l' équateur. On dit plus ordinairement, décliner, tout seul, en nommant de combien ils le font. En Gnomonique, un mur décline, lorsqu' il s' écarte un peu du point cardinal qu' il regarde le plus. "Ce mur est au midi, mais il décline vers le levant ou le couchant. = 3°. V. act. c' est, en Gramaire, faire passer un nom par tous ses câs. Voy. CâS. = Décliner son nom (st. fam.) dire son nom dans un lieu où l' on n' est pas conu.
   J' aimerois mieux encor qu' il déclinât son nom,
   Et dit, je suis Oreste, ou bien, Agamemnon,
   Que d' aller, par un tas de confuses merveilles,
   Sans rien dire à l' esprit, étourdir les oreilles.
       Boil.
On dit d' un homme ignorant, qu' il ne sait pas décliner son nom.
   * Coyer dit dans le même sens, se décliner, qui ne se dit point de cette manière. "L' Amiral, en se déclinant anglois, voulut prouver sa proposition. Se décliner, se dit des noms qui suivent telle ou telle règle dans leur déclinaison.
   4°. Décliner une Juridiction, en termes de Pratique, c' est ne vouloir pas reconaître la Juridiction d' un Tribunal.
   DÉCLINABLE se dit, dans le troisième sens de décliner, des noms qui peuvent être déclinés; déclinant, dans le second sens, d' un cadran, qui décline. _ Déclinaison n' a que le 2d et le 3e sens de décliner. La déclinaison des noms propres, des noms communs, etc. La déclinaison de la boussole, d' un astre, d' un mur, d' un cadran, etc.

DÉCLINATOIRE


DÉCLINATOIRE, adj. Il se dit dans le quatrième sens de décliner, fins déclinatoires, exceptions déclinatoires; moyens qu' on allègue pour décliner une Juridiction. _ S. m. Faire signifier un déclinatoire. C' est un terme de Palais, qui ne se dit point dans le discours ordinaire. Bossuet en est servi, il employait volontiers les termes de Pratique.

DÉCLIVITÉ


DÉCLIVITÉ, s. f. [1re et dern. é fer.] Situation d' une chôse qui est en pente: "La déclivité d' un terrein. = Ce mot n' est guère d' usage que parmi les Savans.

DÉCLôRRE


DÉCLôRRE, v. act. DÉCLôS, ÔSE, adj. [Déklôre, r forte, déklô, klô-ze; 1re é fer. 2e lon.] Ôter la clotûre. _ Qui n' est plus clôs, ou dont une partie de la clotûre est tombée: Il a été condamné à déclôrre son parc. "Ce parc est déclôs.

DÉCLOUER


DÉCLOUER, v. a. [Dé-klou-é; 1re et dern. é fer. l' ou est long devant l' e muet; il décloûe: au futur et au conditionel, cet e muet ne se prononce pas: il déclouera, il déclouerait; pron. dé-kloura, dé-klourè.] Détacher quelque chôse en arrachant les clous qui l' atachent. Déclouer des ais, des planches, etc. Cela est tout décloué.

DÉCOCHEMENT


DÉCOCHEMENT, s. m. DÉCOCHER, v. a. [1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d: Dékocheman, dékoché.] Décocher c' est tirer une flèche, un trait. Décochement, action de décocher. "Décocher les traits de sa colère, ou de la satire, contre quelqu' un. _ Décochement n' est guère usité, ni au propre, ni au figuré. L' Acad. le met sans remarque.

DÉCOCTION


DÉCOCTION, s. f. [Dékok-cion, en vers, ci-on; 1re é fer.] 1°. Breuvage médicinal. Faire, boire une décoction. = 2°. Eau dans laquelle on fait bouillir les herbes, racines, etc. Mettre infuser du séné dans une décoction de chicorée.

DÉCOIFER


DÉCOIFER, v. a. [De-koa-fé, 1re et dern. é fer.] 1°. Ôter la coifure d' une femme. "Sa femme de chambre la coîfe et la décoîfe. = 2°. Déranger les cheveux: "Le vent l' a toute décoifée. _ "Ces deux femmes, en se querellant se sont décoifées. = 3°. Décoifer une bouteille: ôter l' envelope, qui entoure le bouchon.

DÉCOLLATION


DÉCOLLATION, s. f. DÉCOLLER, v. a. [Dékola-cion, Dékolé; 1re é fer.] Décoller a deux sens bien diférens l' un de l' aûtre, dont l' un a raport à col ou cou, et l' aûtre à colle. = 1°. Couper le cou à quelqu' un, par autorité de Justice. "En France on ne décolle que les Gentils-hommes. = 2°. Détacher une chôse, qui était collée: "Décoller du papier, une estampe. "La pluie décolle les châssis. "La bordûre de ce tableau s' est décollée: ces ais se décollent.
   Décollation, ne se dit que dans le premier sens, et n' est d' usage qu' en parlant du martyre de St. Jean-Baptiste. = Dans le 2d sens, Trév. et le Rich. Port. disent décollement. L' Acad. ne le met pas.

DÉCOLLETER


DÉCOLLETER, v. a. [Dékoleté; 1re et dern. é fer. 3e e muet.] Découvrir la gorge. _ Il se dit sur-tout au participe. "Cette femme est toujours décolletée.

DÉCOLORÉ


DÉCOLORÉ, ÉE, adj. DÉCOLORER, v. a. [1re et 4e é fer. long au 2d.] Décolorer, c' est ôter, éfacer la couleur. "La maladie l' a toute décolorée. _ Un teint décoloré, fleurs décolorées, lèvres décolorées, fruits décolorés. Figurément, Style décoloré; Poésie décolorée: c' est un mot à la mode dans le style critique. "La poésie en est maigre, flasque, décolorée; Journ. de Mons.

DÉCOMBREMENT


*DÉCOMBREMENT, s. m. On trouve ce mot dans l' Hist. de Malthe par Vertot. "Rhodes n' étoit plus qu' un amas de decombremens. _ Pourquoi forger un mot, quand la Langue en fournit un, qui a le même sens: décombres?

DÉCOMBRES


DÉCOMBRES, s. m. plur. DÉCOMBRER, v. a. [Dékonbré, bré; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Décombres sont les pierres et menus plâtres de peu de valeur, qui demeurent après qu' on a abatu un bâtiment. "Enlever les décombres. _ Décombrer, c' est ôter les décombres, qui embarrassent un terrain, etc. Décombrer un canal, le pied d' une muraille, une rûe, etc.

DÉCOMPOSER


DÉCOMPOSER, v. a. DÉCOMPOSITION, s. f. [Dékonposé, posi-cion? 1re é fer. 2e lon.~: l' o de la 3e est long devant l' e muet: il décompôse, décompôsera: 4e é fer. au 1er.] Ces deux termes apartiènent à la chimie: ils expriment l' action de réduire un corps à ses principes, ou de séparer les parties, dont il est composé. Décomposer les corps mixtes: la décomposition d' un corps mixte.

DÉCOMPTE


DÉCOMPTE, s. m. DÉCOMPTER, v. n. et act. [Dékonte, Dékonté; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Décompte est ce qu' on a à rabatre sur une somme que l' on paye. "Il y a tant de décompte. _ Faire le decompte, c' est rabatre sur une certaine somme. C' est aussi, faire la suputation de ce qu' il y a à rabatre. _ Figurement: on troûvera bien du décompte dans cette afaire; elle ne sera pas aussi avantageûse qu' on l' espère.
   DÉCOMPTER, v. a. Rabatre sur une somme, "Sur ce qu' on lui doit, il faut décompter ce qu' il a reçu. _ V. n. Au Fig. Rabatre de l' opinion qu' on avait d' une afaire, d' une persone. "Il faudra en décompter; J' ai trouvé qu' il y avoit beaucoup à décompter.

DÉCONCERTEMENT


*DÉCONCERTEMENT, s. m. DÉCONCERTER, v. a. [1re é fer. 2e lon. 3e ê ouv. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d: Dé--koncêrteman, dekoncêrté.] 1°. Troubler un concert de voix ou d' instrumens. "Sa voix déconcerte toutes les aûtres. En batant la mesure sans règle et sans goût, il déconcerte tout l' Orchestre. 2°. Il est encôre plus usité au fig. Rompre les mesures prises par les aûtres.: "Cet accident les a tous déconcertés. "La perte de cette batâille déconcerta tout le parti énemi. _ * Plus fig. il régit les chôses, dans un sens, qui aproche encôre plus du sens propre. "Il montroit par le succès des sueurs, combien la transpiration facilitée, ou diminuée, déconcerte, ou rétablit toute la machine du corps. Télémaque. = 3°. Toujours dans le sens fig. Mettre une persone en désordre; lui faire perdre contenance. "Il faut peu de chôse pour le déconcerter; il se déconcerte aisément: il est dabord déconcerté.
   * Rollin a employé Déconcertement: peut-être même l' a-t-il inventé. "Un morne silence, un déconcertement général régnoient dans l' Armée. _ Ce mot n' a pas fait fortune. Il pourrait pourtant être utile en certaines ocasions.
   Déconcerté, Décontenancé, qui ne sait quelle posture tenir. "Un homme déconcerté déconcerte quelquefois les aûtres.

DÉCONFIRE


*DÉCONFIRE, v. a. DÉCONFIT, ITE, adj. DÉCONFITûRE, s. f. [1re é fer. 2e lon. 3e lon. au 1er, 4e lon. au dern.] Vaincre, défaire. _ Vaincu, défait. _ Défaite. = Ces mots étaient autrefois fort usités, au propre. Aujourd'hui ils ne peuvent se dire que dans le burlesque, ou au fig. dans le style fam. "M. de L... est entièrement déconfit. Ce n' est pas un homme, ni un petit homme; ce n' est pas même une femme; c' est une vraie femmelette. Sév.
   L' Espagne pleurera ses provinces désertes,
   Ses châteaux abatus, et ses camps déconfits.
       Malherbe.
Ménage remarque fort bien que, lors même que déconfire était en usage, on ne le disait point des chôses inanimées.
   Un Chat, nommé Rodillardus,
   Faisoit des Rats telle déconfitûre,
   Que l' on n' en voyoit presque plus.
       La Font.
En style familier, Déconfire quelqu' un, le reduire à ne savoir plus que dire. "Ce discours l' embarrassa: il fut tout déconfit. _ Déconfitûre, ruine. "Les pertes qu' a faites ce Négociant ont été caûse de sa déconfitûre. _ On dit burlesquement, d' un repas où il y a beaucoup de gibier, des pâtés, etc. etc. "On en fit une belle déconfiture.

DÉCONFORT


*DÉCONFORT, s. m. DÉCONFORTER, v. a. Désolation, découragement. _ Décourager, désoler. _ Le subst. est vieux et hors d' usage. On se sert encôre du verbe. "Cela l' a extrêmement déconforté. Il ne se déconforte point. "J' ai vu Mde. de St. Géran: elle n' est nullement déconfortée. Sév.

DÉCONSEILLER


DÉCONSEILLER, v. a. [Déconsè-glié: 1re et dern. é fer. 2e lon. 3e è moy. Mouillez les ll.] Dissuader. "Que de sagesse, que de dignité dans le discours d' Archidamas, Roi de Sparte, qui déconseille la guerre aux Lacédémoniens. P. Rapin. "Je ne lui conseille, ni ne déconseille cette démarche. "Le Roi avoit déconseillé à son fils d' ambitioner cette Courone. Anon.

DÉCONTENANCÉ


DÉCONTENANCÉ, ÉE; adj. *DÉCONTENANCEMENT, adv. DÉCONTENANCER, v. a. [1re é fer. 2e et 4e lon. 3e é muet, 5e é fer. excepté au 3e, où il est muet; Dékontenanceman.] Décontenancer quelqu' un, c' est lui faire perdre contenance. "Ce qu' on lui a dit l' a décontenancé; il se décontenance aisément. "Un homme décontenancé, fait souvent perdre contenance aux aûtres;
   *DÉCONTENANCEMENT, est un de ces mots, que l' on forge dans la liberté de la conversation. "Son décontenancement me fait suer. Sév.

DÉCONVENûE


DÉCONVENûE, s. f. [1re é fer. 2e et 4e lon. 3e et dern. e muet.] Malheur, mauvais succès. Il est du style famil. "Dès que j' eus pris part à la déconvenûe de nos pauvres meubles, je retournai à Versailles. M. de Coulanges. "Cet Écrivain a donné une Traduction de Suétone, qui l' a jeté dans un aûtre genre de déconvenûe. Sabat. Trois Siècles, etc.

DÉCORATEUR


DÉCORATEUR, s. m. DÉCORATION, s. f. DÉCORER, v. a. [Dékora-teur, ra--cion, en vers ci-on; dékoré; 1re é fer.] Décorer, c' est orner, parer. Au propre, il ne se dit que des Théâtres et des lieux publics, ornés dans des ocasions extraordinaire; et des édifices construits avec magnificence. Il s' emploie le plus souvent au passif. "Le Théâtre étoit bien décoré. L' Église avoit été décorée avec goût. "Le frontispice de cet édifice est trop décoré; il y a trop d' ornemens. _ Décorer, se dit aussi des titres d' honeur, des dignités. La Pairie, le Cordon bleu décôrent une maison, un homme de qualité.
   Décoration, a les deux sens du verbe. Faire plusieurs ouvrages pour la décoration de la Ville. "Le Bâton de Maréchal est une grande décoration pour une Maison. _ En parlant du Théâtre, c' est la réprésentation des lieux où l' action est suposée se passer.
   Décorateur n' a que le 1er sens de décorer. Il ne se dit que de celui, qui fait des décorations pour des Fêtes, pour des Théâtres. Il serait souverainement ridicule de dire qu' un Prince a été le décorateur d' une famille, parce qu' il lui a donné des titres d' honneur, des dignités qui la décôrent.

DÉCORUM


DÉCORUM, s. m. [Dékôron; 1re é fer. 2e lon.] Mot latin, qui ne s' emploie que dans cette phrâse du style fam. Garder le décorum; la bienséance, les aparences.

DÉCOUCHER


DÉCOUCHER, v. n. [Dé-kou-ché; 1re et dern. fer.] Coucher hors de chez soi. Je n' aime pas à découcher: j' aime encôre moins que mes valets découchent. _ V. a. Être caûse que quelqu' un quitte son lit pour nous le donner. Je ne veux pas vous découcher; que vous vous découchiez pour moi.

DÉCOûDRE


DÉCOûDRE, v. a. [1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Au propre: Défaire une coutûre. Décoûdre un habit, une doublûre. "Cette robe se décout; est décousûe. _ Figurément: * Ses afaires se décoûsent: elles comencent à se décoûdre: elles comencent à aller mal. "Leur amitié comence à se décoûdre. Ils comencent à se refroidir l' un pour l' aûtre. "Ils se gardent bien de déchirer l' amitié: ils aiment mieux la décoûdre. Sacy. Traité de l' Amitié. _ Je ne sais: mais cette métaphôre me paraît bâsse en cet endroit. = V. n. En décoûdre, en venir aux mains (st fam.) Encôre que le Prince d' Orange eût fait mine d' en vouloir découdre, on est fort persuadé qu' il n' en fera rien. Sév.
   Décousu, se dit figurément du style où il n' y a pas de liaison entre les phrâses. "Cet ouvrage est écrit d' un style lâche et décousu. Il ne se dit point des Auteurs, et l' on n' a pas aprouvé ces Prosateurs décousus et nébuleux de M. l' Abé Sabatier, Trois Siècles, etc. M. Formey dit, lire d' une manière décousûe. Je crois que cela peut se dire. _ Afaire décousûe, qui est en mauvais état. Rich. Port.

DÉCOULEMENT


DÉCOULEMENT, s. m. DÉCOULER, v. n. [Dekou-leman, lé; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Découler, c' est couler peu-à-peu et de suite. "L' eau découlait: les humeurs découlent du cerveau dans l' estomac, etc. _ Découlement est le flux, le mouvement de ce qui découle. L' Acad. ne le dit que des humeurs et de la pituite. Trév. le dit aussi des eaux. "Le découlement des eaux de votre goutière sur mon mur l' a entièrement ruiné.
   REM. Découler, est toujours neutre C' est un gasconisme que de le faire actif, et de dire: "Mes habits découlaient l' eau, pour dire, qu' ils étaient si mouillés que l' eau en découlait. Mde. de Sévigné a dit, dans le même sens: Voilà une pluie traitresse, qui se met dabord à nous noyer, mais noyer à faire découler l' eau de partout sur nos habits. _ C' est ainsi qu' il faut dire. "L' eau découlait de nos habits.
   Racine emploie découler d' une aûtre manière, qui n' est pas non plus selon l' usage.
   Un aûtre sang, Madame,
   Rend la paix à l' État, et le calme à votre âme
   Un sang digne des Rois dont il est découlé.       Fr. Én.
Au propre, découler, veut dire, tomber goutte à goutte. Au figuré, il ne se dit que des chôses spirituelles. "Dieu fait découler ses grâces sur nous. "C' est de Dieu que toutes les grâces découlent. _ L' Acad. ne le met point en ce sens. C' est un oubli.

DÉCOUPER


DÉCOUPER, v. a. DÉCOUPEUR, EûSE, s. m. et f. DÉCOUPûRE, s. f. [Dé-kou-pé, peur, peû-ze, pûre; 1re é fer. au 1er, lon. aux 2 dern.] Découper; c' est couper en petites parties. Découper une pièce de toile. _ Découper un chapon, une poularde, les dépécer pour en servir à tous les convives. _ On le dit aussi neutralement. "Il faut qu' un jeune homme aprène à découper. "Ce sont les Dames qui découpent aujourd'hui. _ Des Rafineurs, ou Puristes prétendent qu' il faut dire couper. L' Acad. dit découper; mais il y a plus de 20 ans, et la mode a pu changer dix fois depuis-lors. _ Découper du papier, des cartes, du parchemin, à jour, les couper de manière que ce qui en reste forme une figûre. Découper une image, une estampe, séparer les figûres du fond, pour les apliquer sur un aûtre fond.
   Découpûre, se dit de la taillade, faite pour ornement à quelque étofe, papier, etc. et plus souvent, de la chôse même qui est découpée. "Il a ramassé, je ne sais combien de découpûres. Figurément. "Tous ses Ouvrages (de Volt.) ne sont presque que des découpûres, telles qu' il les faloit dans un siècle frivole. Le Chev. des Sabl. Découpeur, Découpeûse, est celui ou celle qui travaille en découpûre.

DÉCOUPLÉ


DÉCOUPLÉ, ÉE, adj. DÉCOUPLER, v. a. [1re et dern. é fer. Dékou-plé, plé-e, plé.] Découpler, au propre, c' est détacher des chiens couplés. _ Au fig. Découpler des gens après quelqu' un, c' est les lâcher après lui, pour lui faire de la peine.
   Découplé, se dit adjectivement (st. fig. fam.) d' un jeune homme de belle tâille: "Il est bien découplé.

DÉCOURAGEANT


DÉCOURAGEANT, ANTE, adj. DÉCOURAGEMENT, s. m. DÉCOURAGER, v. a. [Dé-kou-rajan, jante, geman, gé; 1re é fer. 4e lon. aux 2 1ers, e muet au 3e, é fer. au dern.] Décourager, c' est ôter, abatre le courage. Découragement, perte de courage, abatement de coeur. Décourageant, qui décourage. "Cet accident découragea les Soldats: Ils furent découragés, ils se découragèrent. "Le Général voyant leur découragement, leva le siège. "Cette aventûre étoit en éfet décourageante.
   Rem. 1°. Décourager, ne signifie quelquefois, que faire perdre l' envie, le courage de faire quelque chôse, qu' on avait dessein de tenter. Il régit de devant les noms et les verbes. "On l' a découragé de cette entreprise; ses amis l' en ont découragé. "on le découragea de la tenter. "Toutes les tentations de ses voisins contre lui, le trouvèrent toujours si bien préparé, qu' ils furent découragés de les poursuivre, et de les renouveler. Hist. d' Angl.
   2°. DÉCOURAGEANT, employé adjectivement, est un néologisme; mais il a bien pris, et l' on peut en bien augurer. "Les éloges sans fondement, sont aussi décourageants pour le vrai mérite, que les satires injustes. Linguet. "Quel travail pénible et décourageant n' a-t-il pas fallu, pour achever l' ouvrage que nous annonçons. Mercure. "L' esprit de corps done à la fois une noble confiance et une sage docilité: l' esprit particulier inspire tout ensemble une pusillanimité décourageante et un entêtement téméraire. Cerutti, Apol. de l' Inst. des Jés.

DÉCOURS


DÉCOURS, s. m. Il se dit au propre, du décroissement de la lune: "Elle est en décours. _ Par extension, on le dit du déclin des maladies. "Le mal était en son décours.

DÉCOUSûRE


DÉCOUSûRE, s. f. [Dé-kou-zûre; 1re é fer. 3e lon. dern. e muet.] L' endroit décousu de quelque linge, de quelque étofe. "Il n' y a point de déchirûre; ce n' est qu' une décousûre.

DÉCOUVERT


DÉCOUVERT, ERTE, adject. DÉCOUVERTE, s. f. [1re é fer. 3e ê ouv. 4e e muet.] Pays découvert, où il n' y a point d' arbres: Allée découverte, dont les arbres ne se joignent pas par en haut. _ En termes de Pratique, payer ou ofrir une somme d' argent à deniers découvertes, ou, en deniers à découvert, en argent comptant. _ À~ visage découvert, expression adverbiale: ouvertement, sans détour.
   À~ DÉCOUVERT, adv. Sans être découvert. Il est oposé à l' adv. à couvert. "Nous étions à découvert. _ En termes de Guerre, sans que rien puisse mettre à couvert du feu des énemis. "Nous étions à découvert dans la tranchée. _ Figurément, manifestement, sans ambiguité: "Dire les chôses à découvert.
   DÉCOUVERTE, est l' action de découvrir. "Travailler à la découverte d' une mine; faire la découverte d' un trésor. La découverte du Nouveau Monde. _ En termes de Guerre, aler à la découverte des énemis, ou simplement, à la découverte.

DÉCOUVRIR


DÉCOUVRIR, v. a. [Dé-kou-vri; il se conjugue comme couvrir.] 1°. Ôter ce qui couvrait une chôse, ou une persone. Découvrir un pot, un plat, un panier. Découvrir une maison, ôter le couvert, le toit. Découvrir un homme qui est dans son lit, ôter ou déranger la couvertûre qui le couvrait. _ Découvrir son jeu, laisser voir ou montrer ses cartes, ou jouer de manière à faire conaître son jeu à l' adversaire. _ Au figuré, doner à conaître ses desseins. _ Se découvrir, ôter son chapeau, son bonet. = 2°. Parvenir à conaître ce qui était caché. "On a découvert le mystère: J' ai découvert son dessein, sa fourbe, ses sentimens, etc. _ 3°. Comencer d' apercevoir. "On découvrit les vaisseaux énemis, la tête de l' armée énemie, etc. _ Il se dit, en ce sens, de ce qui n' était pas conu, et qu' on vient à conaître. Découvrir une mine, une carrière de marbre, etc.; une terre nouvelle, un pays inconu, etc. _ "On dispute sur celui qui a le premier découvert la circulation du sang.
   On dit, en style proverbial, découvrir le pot aux rôses, ce qu' il y a de secret dans une intrigue.
   Rem. Se découvrir, se dit des persones et des chôses. Pour celles-là, il a un sens actif, et c' est un vrai réciproque. "Il s' est découvert (soi-même.) Pour les chôses, il a un sens passif, et il n' est réciproque que par l' expression. "Tout cela se découvrira peu à peu, c. à. d., sera découvert.
   DÉCOUVRIR, DÉCLARER (synon.) Voyez DÉCLARER.

DÉCRASSER


DÉCRASSER, v. a. [Dékracé; 1re et dern. é fer.] Ôter la crasse. Décrasser la peau, les mains, le visage. _ Remarquez qu' on dit, se décrasser les mains, le visage, le corps, et non pas, décrasser son corps, son visage, ses mains, etc.
   On dit au figuré (st. famil.), d' un homme mal élevé, qu' il faut que le comerce du monde, des honêtes gens, le décrasse, le polisse. _ On dit, dans le même style, d' un homme de basse extraction, qui a acheté une charge, ou un ofice qui anoblit, qu' il l' a achetée pour se décrasser, pour se doner quelque relief.

DÉCRÉDITEMENT


DÉCRÉDITEMENT, s. m. DÉCRÉDITER, v. a. [Dékréditeman, dité; 1re et 2e é fer. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Décréditer, ôter, faire perdre le crédit. Décréditement, action de décréditer. Perte de crédit. "La mauvaise foi décrédite un marchand: Il s' est décrédité; il est tout-à-fait décrédité. "Le décréditement d' un marchand, fait par malice, est un crime plus grand qu' on ne pense. "La manière dont on se récrie sur la bonne foi, le désintéressement de quelques-uns, n' est pas tant leur éloge, que le décréditement du genre humain. La Bruyère. _ Au figuré, c' est faire perdre à quelqu' un l' autorité, la considération, l' estime où il était. "Cette action, cette démarche l' a entièrement décrédité. "Il s' est décrédité par sa mauvaise conduite. _ Il se dit aussi d' une opinion, d' un remède, etc. "Cette opinion comence à se décréditer. "Ce remède est décrédité.

DÉCRÉPIT


DÉCRÉPIT, ITE, adj. DÉCRÉPITUDE, s. f. [1re et 2e é fer.] Ménage, dans ses Observations sur Malherbe, écrit décrépite au masculin. "J' avoue que vitupere est vieux, et presque décrépite. _ On lit aussi, dans un ancien Rondeau:
   Puis, par cette eau, son corps tout décrépite,
   Transmuté fut, par maniere subite,
   En jeune gars, frais, gracieux et droit.
Suivant le Dict. de Trév. on dit décrépites, au pluriel masculin. L' usage le plus comun et le plus autorisé est contraire à cette remarque.
   DÉCRÉPIT, extrêmement vieux, fort âgé. Décrépitude, vieillesse extrême et infirme. "Vieillard décrépit, femme cassée et décrépite. "Être dans la décrépitude. _ M. Moreau l' emploie au figuré: "La Nation Romaine (au 6e siècle) étoit dans cette décrépitude de moeurs, qui annonce une révolution, et qui souvent en a besoin.

DÉCRET


DÉCRET, s. m. DÉCRÉTALE, s. f. DÉCRÉTER, v. a. [Dékrè, krétale, krété; 1re é fer. 2e è moy. au 1er, é fer. au 2d et 3e, dont le 3e é aussi fermé. _ Plusieurs écrivent et prononcent decret, sans accent sur la 1re syllabe, faisant cet e muet. Le P. Bufier est de ce sentiment, contre la pratique et la manière d' écrire des meilleurs Auteurs et des meilleurs Dictionaires.] I. Décret, est, en général, une Ordonance, un Jugement. Les Décrets éternels; les Décrets du Ciel, de la Providence. Les Décrets de l' Église, etc. Décret d' un Concile. Voy. CANON. _ Il se prend plus particulièrement pour l' Ordonance d' un Magistrat, portant prise de corps, saisie de biens, etc. Décret de prise de corps, d' ajournement personel. Maison mise en Décret, vendûe par Décret, etc.
   DÉCRET. C' est le nom d' un Recueil d' anciens Canons. Le Décret de Gratien.
   II. DÉCRÉTALE: Épître écrite par les anciens Papes. Le Recueil des Décrétales; les fausses Décrétales.
   III. DÉCRÉTER, ne se dit qu' au Palais, v. n. Doner un Décret. Décréter de prise de corps, d' ajournement personel. Décréter contre quelqu' un. _ V. act. Décréter une maison, une terre, faire vendre par décret.

DÉCRI


DÉCRI, s. m. DÉCRIER, v. a. [1re é fer. 3e é fer. au 2d: l' i est bref devant la syll. masc. Nous décrions, je décriais, etc.; il est long devant l' e muet: Il décrie, ils décrient: au futur, je décrierai, et au conditionel, je décrierais, l' e est tellement muet, qu' il ne se fait point sentir: pron. dékrîrai, dékrîrais.] À~ l' imparfait, on doit écrire, nous décriions, vous décriiez, pour le distinguer du présent, nous décrions, vous décriez. = Décri, est, au propre, la défense de vendre certaines marchandises, ou d' employer dans le comerce certaines monoies: Le décri des toiles peintes d' Angleterre, des vieilles espèces, etc. _ Au figuré, perte de réputation, de crédit. Être, tomber dans le décri. "Cela l' a mis tout-à-fait dans le décri.
   DÉCRIER, c' est défendre le cours, ou l' usage de certaines chôses, par cri public. Il se dit sur-tout des monoies. _ Au figuré, ôter la réputation, le crédit. Un tel le décrie par--tout: Cette action l' a fort décrié: Il s' est décrié par sa mauvaise conduite.
   Rem. 1°. On confond quelquefois décrier avec décréditer: mais le premier va directement à l' honeur, le 2d au crédit. "On décrie une femme, en disant d' elle des chôses qui la font passer pour une personne peu régulière: on décrédite un marchand, un homme d' affaires, en publiant qu' il est ruiné. Bouhours. "L' esprit de parti décrie les persones, pour venir plus aisément à bout de décréditer leurs opinions. Beauzée.
   2°. DÉCRIER, n' a ordinairement que le régime absolu (l' acusatif.) Bossuet lui done le datif pour régime relatif. "Ne vous laissez pas émouvoir aux histoires qu' on vous fait, pour vous décrier la conduite du saint Père et des Évêques. On dirait plutôt, pour décrier auprès de vous, ou, dans votre esprit, la conduite, etc.
   DÉCRIÉ, ÉE, adj. Homme décrié, qui a perdu sa réputation. Conduite décriée, mauvaise conduite, désaprouvée de tout le monde. _ On dit proverbialement, décrié comme la faûsse monnoie (Rich. Port.); ou, comme la vieille monnoie, extrêmement décrié.

DÉCRIRE


DÉCRIRE, v. a. [1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Il se conjugue comme écrire. _ Représenter, dépeindre par le discours. "Ce Poète décrit bien une batâille, une tempête. _ En Géométrie, tracer, décrire une courbe, un cercle, etc.
   * Rem. 1°. Quelques persones emploient mal-à-propos ce verbe, pour signifier, copier, transcrire. Le P. Rapin lui a doné cette signification. "Démosthène décrivit jusqu' à huit fois l' histoire de Thucidide. _ L' Acad. l' avait dabord mis en ce sens: mais il a disparu dans les dernières Éditions.
   * 2°. DÉCRIRE ne regit point les verbes. "Voilà de quelle manière l' Ab. Arnaud décrit, qu' il (St. Bernard) sortit d' Italie.

DÉCROCHER


DÉCROCHER, v. a. [1re. & dre. é fer.] Détacher une chôse qui était accrochée. "Décrocher une tapisserie.

DÉCROIRE


DÉCROIRE, v. a. [Dé-croâ-re: 1re. é fer. 2e. long. 3e. e muet] . Ne pas croire. _ Il ne s' emploie jamais que par oposition avec croire, et seulement dans cette phrâse du discours familier: je ne le crois, ni ne le décrois; hors de laquelle il n' est presque pas en usage.

DÉCROISSANCE


*DÉCROISSANCE, s. f. DÉCROISSEMENT, s. m. DECROîTRE, v. n. [Dékroâ--sance, dékroâ-ceman, dékroâ-tre: 1re. é fer. 2e. lon. 3e. e muet au 2d et 3e.] Diminution. Diminuer. "Le décroissement de la rivière, des jours. "La rivière décroit: les eaux sont bien décrûes. "Après la St. Jean, les jours comencent à décroître.
   Rem. 1°. Décroissance est dans Pomey. C' est un barbarisme: on dit, décroissement. Voy. DÉCRûE.
   2°. Plusieurs prononcent décrêtre. _ Brébeuf le fait rimer avec naître. _
   Neptune, qui ne veut ni s' enfler, ni décroître.
   Des fleuves qu' il reçoit, ou de ceux qu' il fait naître.
   Cette prononciation n' est pas du bel usage. Voy. Croître.
   3°. M. de Wailly met décroître au nombre des verbes neutres, qui prènent indifféremment être ou avoir pour auxiliaire. "Il est décru, ou il a décru. L' Acad. ne done d' exemple que du v. être. Voy. plus haut.

DÉCROTER


DÉCROTER, v. a. DÉCROTEUR, s. m. DÉCROTOIRE, s. f. [1re. é fer. 3e. lon. au dern. Dékro-toâ-re. _ L' Acad. écrit ce mot avec 2 t] .
   DÉCROTER, c' est ôter la crotte; décroteur, celui qui l' ôte, décrotoire, brosse avec laquelle on l' ôte. "Décroter des souliers, des bottes, des habits. "Petit décroteur: "Cette décrotoire est usée. _ On dit d' une persone qui a la peau fort rude, qu' elle l' a rude comme une décrotoire. Il peut être inutile d' avertir que cette expression n' est que du stile familier.

DÉCRûE


*DÉCRûE, s. f. Décroissement. Mot nouveau, qui, à mon avis, mérite d' être reçu pour son utilité. "La crûe et la décrûe de l' eau. _ Il me semble qu' en parlant des eaux, il vaut mieux que décroissement.

DÉCUIRE


DÉCUIRE, v. a. [Dé-kui-re: 1re. é fer. 2e. lon. 3e. e muet.] Il ne se dit que des sirops et des confitûres; et c' est y mettre de l' eau, quand ils sont trop cuits. "Ce sirop est trop épais, il faut le décuire. _ On dit que les confitûres se décuisent, quand, faûte d' avoir été assez cuites, elles se liquéfient trop. C' est un aûtre sens.

DÉCUPLE


DÉCUPLE, s. m. Dix fois autant. "Il a gagné dans cette afaire le décuple de sa mise. = Adj. Nombre décuple.

DÉCURIE


DÉCURIE, s. f. DÉCURION, s. m. [Déku-ri-e, Déku-rion, en vers, ri-on: 1re. é fer. 3e. lon. au 1er.] Décurie, est le nom qu' on donait chez les Romains à une troupe de dix soldats comandés par un Oficier apelé Décurion.

DÉDAIGNER


DÉDAIGNER, v. a. DÉDAIN, s. m. [dédègné, dé-dein: 1re. é fer. 2e. è moy. au 1er. mouillez le g] . Dédain est une sorte de mépris. Dédaigner est donc mépriser en quelque sorte. "Recevoir avec dédain: témoigner du dédain: essuyer le dédain d' un Grand, d' une Belle &c. "Vous dédaigner mon amitié, mes ofres de service. _ Dédaigner s' emploie aussi neutralement avec la prép. de et l' infinitif pour régime. "Il dédaigne de nous parler, de nous regarder &c.
   Rem. 1°. Malherbe écrit dédagne, et le fait rimer avec campagne. Cette manière d' écrire est contre l' usage actuel et contre la prononciation. Ce serait aujourd'hui une fausse rime.
   2°. Dans une Édition des OEuvres de Bossuet, on met constamment dédin sans a. "Est-ce l' ortographe de l' Auteur, de l' Éditeur, ou de l' Imprimeur? c' est ce que j' ignôre: mais elle est contraire à l' usage constant et universel.
   3°. Dédain pour dégoût est un gasconisme. * "Il a du dédain pour la nourritûre.

DÉDAIGNEUX


DÉDAIGNEUX, EûSE, adj. DÉDAIGNEûSEMENT, adv. [Dédèg-neû, neûze, neû-zeman: 1re. é fer. 2e. è moy. mouillez le g: 3e. lon. 4e. e muet.] Qui marque du dédain. _ Avec dédain: "Air dédaigneux, mine dédaigneûse. "Recevoir, traiter dédaigneûsement. _ * On a dit autrefois dédaigneur ou dédaigneux: le 1er. ne se dit plus depuis long-temps.
   Rem. Dédaigneux suit ordinairement le Substantif qu' il modifie. En vers pourtant il peut être placé plus élégamment devant qu' après. "Ce dédaigneux mortel.
   La dédaigneuse et mordante Satire.       Rous.

DÉDALE


DÉDALE, s. m. Labyrinthe, qui tire son nom de celui de l' Auteur du Labyrinthe de Crète. _ Ce mot n' est bon que pour la poésie et la prôse poétique: dans le discours ordinaire labyrinthe vaut mieux. _ On dit figurément, le dédale des procédûres, des lois; le dédale des coeurs etc.
   Vouloir tromper le Ciel, c' est folie à la terre,
   Le dédale des coeurs, en ses détours n' enserre
   Rien, qui ne soit dabord éclairé par les Dieux.
   Dans ce nuage épais quel flambeau peut me luire?
       La Font
  Dans ce dédale obscur quel fil peut me conduire?
      L. Rac.

DÉDAMER


DÉDAMER, v. n. C' est au jeu de dames déplacer une des quatre dames qui sont au premier rang.

DEDANS


DEDANS, adv. [Dedan: 1re. e muet, 2e. lon.] C' est un adverbe de lieu: il est là dedans: entrez là dedans; en dedans, par dedans.
   Rem. 1°. Autrefois on employait dedans comme préposition, et à la place de dans: on disait dedans la maison, dedans la ville. On ne le dit plus. _ Suivant Restaut et autres Gramairiens~, on le dit encore quand il est joint à dehors. "La peste étoit dedans et dehors la ville. Dans et hors sont plus sûrs.
   2°. Dedans combiné avec au et par, devient préposition. Au dedans de la ville: par dedans la ville. L' Acad. ne l' admet que pour le dernier~; mais le premier est aussi en usage.
   DEDANS, s. m. La partie intérieure de... "Le dedans ou les dedans d' une maison. "Le mal est au dedans: il vient du dedans.
   "Le dedans, est en bon état. "Il sut si bien composer son extérieur que persone ne s' aperçut des troubles et des agitations du dedans.
   On dit, figurément (st. famil.) quand on est encôre incertain du succès d' une afaire, qu' on n' est ni dedans, ni dehors. _ Doner là dedans: croire bonement une histoire fabuleûse. "Ma mère a cru tout cela: j' en étois bien aise, et cependant ça me faisoit de la peine de voir qu' elle donoit là dedans. Th. d' Éduc.

DÉDICACE


DÉDICACE, s. f. DÉDICATOIRE, adj. DÉDIER, v. a. [1re. é fer. 4e. lon. au 2d. dédika-toâ-re.] Dédier, c' est 1°. consacrer au culte divin: dédier une Èglise, une Chapelle, un Autel. 2°. = Destiner à quelque chôse de saint. "Se dédier au service de Dieu. "Ses parens le dédièrent à l' Église dès le berceau. =
   3°. Dédier un livre, un ouvrage à quelqu' un, le lui adreser par une épitre ou une inscription à la tête du livre.
   DÉDICACE a le 1er. et le 3e. sens de dédier: dédicatoire n' a que le dernier. "La dédicace d' une Église. Dédicace ou Epitre dédicatoire. "Il n' y aura point de dédicace dans cet ouvrage. "Les Auteurs se sont dégoutés des dédicaces. "Il y a peu d' Epitres dédicatoires qui satisfassent les Lecteurs.
   Rem. 1°. Plusieurs pensent que Dédicace ne se dit point des Livres, et qu' on ne le dit que des Thèses et Actes publics. L' Acad. le dit des uns et des aûtres.
   2°. * Dédier se disait autrefois des choses profanes. "Cette maison a été dédiée à son divertissement. "Il s' est dédié entièrement à l' étude. Dict. de Trév. On dit aujourd'hui, a été consacrée; il s' est consacré. _ Le Rich. Port. met encôre se dédier à l' étude. L' Acad. ne le met point.

DÉDIRE


DÉDIRE, v. a. [1re. é fer 2e. lon. 3e. e muet. _ Il se conjugue comme dire, excepté à la 2de. persone du pluriel du présent de l' Indicatif, où l' on dit, vous dédisez et non pas vous dédites.] Avec le régime des persones, désavouer quelqu' un de ce qu' il s' est avancé de dire ou de faire pour nous. J' espère que vous ne me dédirez pas. Vous n' en serez pas dédit. _ En parlant des chôses qu' on a dites mal-à-propos, se rétracter. "Les témoins se sont dédits. "Il vous faut dédire de tout ce que vous avez dit. = Se dédire c' est aussi manquer de parole. "Il s' est dédit; il s' en est dédit. _ Ne pouvoir plus s' en dédire, être forcé de le faire. "Ce Général s' est trop avancé: il faut qu' il livre batâille: il ne peut plus s' en dédire.

DÉDIT


DÉDIT, s. m. [1re é fer. On ne pron. point le t final.] 1°. Révocation d' une parole donée. "Il a son dit et son dédit. Il ne se dit, en ce sens, que dans cette phrâse du style familier. = 2°. Peine dont on est convenu entre deux ou plusieurs persones, contre celui qui se dédira. "Il y a un dédit de mille écus.

DÉDOMAGEMENT


DÉDOMAGEMENT, s. m. DÉDOMAGER, v. a. [1re é fer. 4e e muet au 1er, é fer. au 2d; geman, gé.] Dédomager, c' est indemniser quelqu' un du domage qu' on lui a causé. Dédomagement, est la réparation d' un domage. "Vous êtes obligé de me dédomager. "Il ne veut pas me dédomager de la perte qu' il m' a ocasionée, me doner aucun dédomagement. "Vous me dédomagez bien de l' ennui que ce bavard m' a causé.
   Rem. DÉDOMAGER, ne régit que les persones, en régime simple (à l' acusatif.) Quelques Auteurs lui ont doné ce régime des chôses, en l' employant au passif. "Acheter un simple plaisir de goût par une peine qu' on ne croit pas devoir être assez dédommagée. Brumoi. Il falait dire, dont on ne croit pas devoir être assez dédomagé. "Cette incommodité est bien dédommagée par la situation où se trouve l' Égypte. P. Sicard. Il falait dire, que l' Égypte est assez dédomagée de cette incomodité, par la situation, etc. Egypte est là personifiée, et mise pour les Egyptiens.

DÉDORER


DÉDORER, v. a. [1re et dern. é fer.; l' o est bref devant la syll. masc., il est long devant l' e muet: Il dédôre, dédôrera, etc.] Ôter la dorûre. "À~ force d' y toucher, vous dédôrerez ce câdre. "Cette vaisselle de vermeil comence à se dédorer.

DÉDOUBLER


DÉDOUBLER, v. a. Ôter la doublûre Dédoubler un habit.

DÉDUCTION


DÉDUCTION, s. f. DÉDUIRE, v. act. [Déduk-cion; dui-re; 1re é fer. 2e lon. au 2d.] Déduire, rabatre, soustraire. Déduction, soustraction. "Il en faut déduire les frais. "On lui a tant payé, en déduction du principal.
   Rem. DÉDUIRE et DÉDUCTION ont un aûtre sens, ou ils sont moins usités aujourd'hui qu' aûtrefois. Faire l' énumération, détailler par le discours. "Déduire son fait, ses raisons; faire une longue déduction de ses raisons. Acad. Elle les met sans remarque. "Pour déduire par ordre les Mystères qui sont compris dans ce mot évangélique. Boss. "Les Cardinaux chargés d' examiner le livre du Docteur, en ayant fait la deduction (le raport,) Sa Sainteté prononça la sentence. Vie de S. Bonav. _ On les employait même pour narrer, narration. "Il nous a déduit (ou, nous a fait une déduction agréable de) tout ce qui s' est passé dans cette fête. Trév. "Les affaires de Sicile donnent lieu à diverses autres expéditions, qui sont déduites (dans Thucidide) dans le même caractère, (c. à. d. d' une manière grande, noble et forte.) Père Rapin. Il est encôre plus vieux en ce sens.

DÉDUIT


*DÉDUIT, s. m. Divertissement. Vieux mot.
   Il avoit dans la terre une somme enfouie,
   Son coeur avec; n' ayant d' autre déduit
   Que d' y ruminer, jour et nuit.
       La Font.
"Il aime le jeu: c' est tout son déduit. Trév. Le Rich. Port. dit qu' il est vieux. L' Acad. ne le met pas.

DÉESSE


DÉESSE, s. f. [Dé-èce; 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet.] Divinité fabuleûse du sexe féminin. La Déesse Junon. Diane, Déesse des forêts. _ On dit, d' une belle femme qui a l' air et le port majestueux, qu' elle a l' air, l' aspect d' une Déesse.

DÉFâCHER


DÉFâCHER (se), v. réc. S' apaiser, après s' être mis en colère. Il ne se dit que dans ces phrâses du style proverbial: "S' il s' est fâché, qu' il se défâche: "S' il se fâche, il aura la peine de se défâcher. "Il aura deux peines, celle de se fâcher, et celle de se défâcher.

DÉFAILLANCE


DÉFAILLANCE, s. f. DÉFAILLANT, ANTE, adj. et subst. DÉFâILLIR, v. n. [Défâ-glian-ce, gli-an, glian-te, gli; 1re é fer. 2e lon.; mouillez les ll; 3e lon. aux 3 1ers.] I. Défâillance, faiblesse, évanouissement, pamoison. Tomber en défâillance: Il lui a pris une défâillance: Avoir de fréquentes défâillances. _ Le P. Bouhours remarque fort bien, que tomber en défâillance, se dit proprement des persones à qui le coeur manque, et qui s' évanouissent; mais qu' on ne le dit pas des personnes qui, par un excès de fatigue, ou faûte de nourriture, sont afaiblies, sans s' évanouir. Ainsi, l' on ne dirait pas de dix mille hommes, qui ont fait une longue marche sans manger, qu' ils tombent en défâillance.
   Rem. * M. Moreau done à défâillance un sens qu' il n' a pas, même au Palais. "La défâillance des enfans mâles rend cette portion au légitime héritier de la Couronne.
   II. DÉFâILLANT, qui dépérit, qui s' afaiblit. La natûre défâillante. "L' irruption des Barbares acheva presque d' anéantir toutes les connoissances humaines, déjà défâillantes. Hist. d' Angl. _ * Aûtrefois on l' employait substantivement, pour signifier celui ou celle qui a commis une faûte, et comme on dit, le délinquant. _ Aujourd'hui, défâillant ne se dit qu' au Palais, de celui qui ne s' est pas présenté en Justice, et qui, en conséquence, est condamné par défaut. "Le défâillant a été condamné. _ L' Acad. ne met ce mot que dans cette seule acception.
   III. DÉFâILLIR. Nous défâillons, etc.; je défâillais, etc., je défâillis, etc., j' ai défâilli. Aûtrefois on disait, il défaut; mais on ne le dit plus au singulier du présent. Pour le futur, les uns étaient pour défâillerai, les aûtres pour défaudrai: on ne dit ni l' un ni l' aûtre. _ 1°. Manquer. "La Famille Royale étoit défâillie. Boss. Il est vieux en ce sens. On dit, avait manqué. = 2°. Dépérir, s' afaiblir. "Ses forces lui défâillent tous les jours. "Il se sent défâillir; il sent que ses forces diminûent; ou, il se sent tomber en défâillance.

DÉFAIRE


DÉFAIRE, v. a. [Défère; 1re é fer. 2e è moy. et long, 3e e muet. _ Il se conjugue comme faire.] 1°. Détruire ce qui est fait. "Ce que le père avait fait, le fils le défait. "On ne peut défaire ce noeud. = 2°. Mettre en déroute, tâiller en pièces. "On défit les énemis à plate coutûre. "L' armée des Alliés fut entièrement défaite. Figurément, obscurcir par plus d' éclat, plus de mérite. "Cette Dame défait toutes celles qui se trouvent auprès d' elle. "Ce diamant défait toutes les autres pierreries, etc. = 3°. Délivrer, débarrasser. Il régit la prép. de: "Il m' a défait de cet importun: Je me suis défait de cette charge. _ Dans un sens aprochant, se défaire, c' est se corriger, se désacoutumer. "Défaites-vous de cette mauvaise habitude, de cette timidité, qui nuit à votre gloire et à votre fortune. _ Fontenelle emploie l' actif en ce sens.
   Mais de votre rigueur je ne veux vous défaire;
   Que par la pitié de mes maux.
_ Mde de Sévigné lui fait régir de et l' infinitif. "Défaisons-nous de croire que nous puissions rien penser de juste sur l' avenir. Ce régime peut être bon pour le discours familier et le style épistolaire. _ Se défaire d' un domestique, le renvoyer. Se défaire d' un énemi, le faire mourir. Se défaire d' une marchandise, d' un cheval, d' un carrosse, etc., les vendre. Se défaire d' un Bénéfice, le résigner, ou s' en démettre. = 4°. Se défaire, se troubler. "Tout le monde le râilla; mais lui, sans se défaire, répondit fort bien à tout ce qu' on lui dit. = 5°. Défaire, amaigrir. "Cette maladie l' a bien défait. _ Vin qui se défait, qui s' afaiblit.

DÉFAIT


DÉFAIT, AITE, adj. DÉFAITE, s. f. [Défè, fète, fète; 1re é fer. 2e è moy.] Défait, amaigri, atténué. "Il a le visage défait; il est défait. "Elle est maigre, pâle et défaite.
   DÉFAITE, est, 1°. Déroute d' une armée, ou d' une partie. Défaite entière. Sanglante défaite. "La défaite des énemis fut complète. = 2°. Débit, facilité de se défaire de quelque chôse. "Cet article (le cuivre) est de si bone défaite dans l' Inde, qu' on prétend que les 18 toneaux (pesant) raporteront l' équivalent de 50 de toute autre marchandise. _ Il est indéclinable, et se dit toujours au singulier. "Ces denrées communes, étant seules, ne sont pas de défaites. Let. Édif. Retranchez l' s. "C' étoient des marchandises de peu de défaite. Ibid. "Ils seroient bien embarrassés de leur persone, ces sublimes génies de Paris et de Londres, chez un Peuple simple, vertueux et sensé, où le bel-esprit ne seroit pas une denrée de défaite. Ann. Litt. = 3° Excûse artificieûse. "C' est une mauvaise défaite.

DÉFALQUER


DÉFALQUER, v. act. [Défalké; 1re et dern. é fer.] Richelet, qui est déjà vieux, dit que ce mot vieillit; mâis l' Acad. ne le condamnait pas, et elle a continué de le mettre. Il est du style familier. Rabattre d' une somme, déduire. "Il faut défalquer de cette somme ce que j' ai déjà payé.

DÉFAVEUR


*DÉFAVEUR, s. f. DÉFAVORABLE, adj. [1re é fer.] Balzac et Voitûre s' étaient servis de défaveur, qui signifie disgrâce; mais il était déjà vieux au temps de Bouhours. L' Acad. le met jusque dans la dern. édit. et sans remarque. "Depuis sa défaveur. "La défaveur des éfets de la banque. Il est plus en usage, dans le sens de la 2de phrâse, que dans celui de la 1re. On ne dit guère la défaveur d' un homme, pour exprimer sa disgrâce.
   DÉFAVORABLE, s' est mieux soutenu. Qui n' est point favorable. "Un Juge lui a été défavorable. "Cette modération eut des suites défavorables. Hist. d' Angl. "Leur excessive délicatesse ne peut pas devenir défavorable à la Mere de famille, pour laquelle les autres se sont si ouvertement déclarés. Linguet.

DÉFAUT


DÉFAUT, s. m. [Défô; 1re é fer. 2e lon. _ Ménage veut qu' on prononce defaut, e muet. Si c' était l' usage de son temps, de quoi on peut douter, ce ne l' est plus aujourd'hui: on y met un acc. aigu, et l' é est fermé. _ Dans ce temps là on écrivait deffaut avec 2 f, et au plur. deffaux, ou défaux, avec une x. Témoins l' Acad. dans ses Sentimens sur le Cid; le P. Rapin; Boileau, etc. _ La Touche, au comencement de ce siècle, prétend qu' on doit écrire défaut avec un accent aigu, quand il signifie imperfection, et defaut sans accent, en termes de Pratique et de Chasse: Il a été condamné par defaut. "Les chiens sont en defaut. L' Acad. ne fait point cette distinction, qui est sans fondement dans l' usage.]
   DÉFAUT, 1°. Imperfection. Il se dit des persones et des chôses. "Il a un grand défaut: Chacun a ses défauts: "Il y a beaucoup de défauts dans cet ouvrage.
   Rien n' est parfait dans la nature.
   Les diamans ont leurs défauts;
   Et quelque tache défigure
   Toujours les objets les plus beaux.
Le proverbe dit, qu' il faut aimer ses amis avec leurs défauts. "Conservez-nous quelque sorte d' amitié, quelqu' indignes que nous en soyions par notre tristesse: Il faut aimer ses amis avec leurs défauts: c' en est un très-grand que d' être malade. Sév. Voy. FAûTE et VICE. = 2°. Le défaut des côtes, l' endroit où elles se terminent. Le défaut de la cuirasse, l' endroit où elle finit. Figurément, l' endroit faible d' un homme, d' un écrit. = 3°. En termes de Pratique, manquement à l' assignation donée. Juger un défaut, condamner par défaut. = 4°. En termes de Chasse, être en défaut, se dit des chiens, quand ils ont perdu la voie de la bête; et, relever le défaut, quand ils se sont remis sur les voies. _ La 1re de ces deux expressions s' emploie au figuré. "Je ne lui ai jamais trouvé l' esprit en défaut sur les expédiens. = En défaut, se dit absolument et sans régime. * "Edouard ne fut pas moins en défaut de politique. Ce régime n' est pas selon l' usage. On dirait, en pareil câs: "Il ne fut pas moins en défaut du côté de la politique; ou bien: sa politique ne fut pas moins en défaut.
   AU DÉFAUT DE, adv. "Au défaut de l' un, on prendra l' aûtre. À~ son défaut, nous chercherons ailleurs. Quelques-uns disent, à défaut de. "On craint qu' à défaut de redevances, les Comtes n' exigent des services. Moreau. "Il se trouvoit appelé à la succession de ce Fief, à défaut de tout héritier légitime. Id. _ À~ défaut de, est du style du Palais.
   * Anciènement on disait, par votre défaut, par son défaut, pour dire, par votre faûte, par sa faûte.

DÉFECTIF


DÉFECTIF, adj. m. Terme de Gramaire. Il se dit des verbes, qui n' ont pas tous leurs temps et tous leurs modes. Faillir, par exemple, est un verbe défectif.

DÉFECTION


DÉFECTION, s. f. [Défèk-cion; en vers, ci-on; 1re é fer. 2e è moy.] Abandonement d' un parti auquel on est lié. Désertion. _ Ce mot a eu de la peine à s' établir. Plusieurs le trouvaient trop latin: mais les meilleurs Auteurs s' en sont servis sans dificulté. Réflex. _ Selon l' Acad. il ne se dit guère que des troupes, lorsqu' elles se mutinent et abandonent le service. _ Dans la dern. édit. elle le dit aussi des sujets qui abandonent leur Prince. _ * M. Moreau le dit d' un simple manque de parole. "Cette espèce de défection (de Louis VII, qui manqua de se trouver à l' entrevûe projetée et arrêtée entre lui et l' Empereur Frédéric) sembloit donner au parti de Victor (Antipape) une supériorité, dont l' Empereur ne profita point. _ Ce mot est impropre dans cette ocasion.

DÉFECTUEUX


DÉFECTUEUX, EûSE, adj. DÉFECTUEûSEMENT, adv. DÉFECTUOSITÉ, s. f. [Défèktu-eû, eû-ze, eû-zeman, ozité; 1re é fer. 2e è moy. 4e lon. 5e e muet au 2d et 3e.] Défectuosité, est une imperfection, un vice, un défaut. Défectueux, qui a des défauts, qui manque des qualités requïses. Défectueûsement, d' une manière défectueûse. Ouvrage défectueux, plein de défectuosités. "Écrire, parler, agir fort défectueûsement.
   Rem. * Défectueux ne se dit point des persones. Un Auteur parle de Maîtres défectueux et imparfaits. L' emploi de ce mot n' est point propre, et celui d' imparfait ne l' est pas davantage. On dit bien d' un homme qu' il est rempli d' imperfections et de défauts; mais on ne dit point: c' est un homme imparfait, un homme défectueux. Ces deux adjectifs ne s' apliquent qu' aux chôses.

DÉFENDEUR


DÉFENDEUR, ERESSE, s. m. et fém. [Défan-deur, derèce; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 2d, 4e è moy.] Ils ne se disent qu' au Palais, de celui à qui on fait quelque demande en justice. Ils sont oposés à demandeur, demanderesse. _ Il ne faut pas confondre défendeur avec défenseur. Il serait aussi ridicule de dire défenseur en ce sens, au Palais, que défendeur dans le langage ordinaire. Dailleurs, ils ont un sens bien diférent. Défendeur est celui qui se défend soi-même, défenseur, celui qui défend les aûtres. _ On lit dans une édition, assez peu correcte, des Révolutions Romaines par Vertot: "Dans un litige, et avant le Jugement définitif, le demandeur ne peut troubler le défenseur dans sa possession. Il faut, en cet endroit, le défendeur.

DÉFENDRE


DÉFENDRE, v. a. DÉFENSE, s. f. [Dé--fandre, fance; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet] Ces deux mots ont deux sens principaux, d' où découlent tous les aûtres; 1°. Protéger, Protection. "Défendre ses amis, ses concitoyens, son Prince. "Prendre la défense de l' innocent. S' armer pour la défense de la patrie. _ Se défendre, s' excuser de faire ce qu' on nous propôse: "Il s' en défend; il se défend de l' accepter. _ Se défendre, se disculper: "On l' en a acusé, mais il s' en défend. _ Se garantir. "Se défendre du froid, du hâle, etc. _ En termes de Palais, défendre, neutre, c' est fournir des défenses contre les demandes de la partie adverse: "Il a été condamné faûte de défendre.
   2°. Prohiber, prohibition. "On a défendu le port des armes. Défendre quelque chôse sur peine de la vie. Les duels sont défendus. "Faire des défenses, faire défense de... Publier des défenses, etc.
   REM. Défendre (prohiber) régit la prép. de et l' infinitif. * Quelques-uns y ajoutent, mal à-propôs, la négative ne: "Le Roi défendit de ne~ pas songer à ce mariage. Mém. de Berwick: "Il lui défendit, avec dureté, de ne se présenter jamais devant lui. Vertot. "L' on vérifia quatre déclarations... la 3e pour défendre au Parlement, de ne plus se méler que des afaires civiles et criminelles. D' Avrigny. Cet Auteur dit mieux en un aûtre endroit. "Cet Arrêt du Conseil défendoit expressément (au Parlement de Bord.) de se méler d' aûtre chôse que de rendre la Justice. "Sa Majesté défend de ne rien écrire pour soutenir cette doctrine. Id. Retranchez ne, et dites, défend de rien écrire. "Il étoit défendu de ne poursuivre l' énemi qu' autant qu' il le falloit pour constater la victoire. Journ. de Litt. _ Dites, il étoit ordonné de ne poursuivre qu' autant, etc. ou il étoit défendu de poursuivre, etc. au-delà de ce qu' il falloit, etc. _ C' est encôre pis, quand on ajoûte pas ou point à ne; car, défendre de ne pas faire, c' est ordoner de faire.
   2°. * Quelques Auteurs ont aussi employé la conjonct. que avec la négative ne et le subjonctif. "Romulus défendit qu' on ne fît aucune élection... qu' on n' eût pris auparavant les auspices. Vertot. Là, cette négative paraît être comandée par le que qui suit, qu' on n' eût pris, etc. mais, en pareil câs, il faut prendre un aûtre tour et dire: "Il défendit qu' on fît aucune élection avant que d' avoir pris les auspices. "Schah Hussein défendit qu' on n' éteignît le feu. Hist. de Pers. "On dit que ce grand Homme (Scipion) défendit en mourant, que ses cendres ne fussent raportées dans son ingrate Patrie. Le Gendre. Retranchez ne dans ces phrâses.
   3°. Ces deux régimes de la prép. de et de la conjonction que, ne doivent pas s' employer indiféremment. Le premier doit avoir lieu quand défendre régit quelque nom au datif: il lui défendit de jouer; le second, quand il ne régit aucun nom. "Il défendit qu' on jouât, dans les endroits publics, les jours de Dimanches et de Fêtes, dans le temps des Ofices. Molière dit:
   Je vous défends que cela continue.
   Il devait dire: je vous défends de continuer.
   4°. Défendre (protéger) régit la prép. contre. "Défendez-moi contre la rage de mes ennemis. _ Sans changer beaucoup le sens, et en lui donant celui de garantir, on peut employer la prép. de: "Défendez-moi de la rage, etc. "Cette compagnie, défendue de la pudeur, par sa propriété de n' opérer qu' en troupe. Linguet.
   Défendre, justifier (synon.) Voy. JUSTIFIER et PROTÉGER.

DÉFENDU


DÉFENDU, ÛE, part. et adj. "Place bien défendûe; cause bien défendûe. _ Livres défendus; marchandises défendûes. "Adam mangea du fruit défendu, et ce fruit défendu est passé en proverbe.
   Rem. I. On dit, prendre la défense de quelqu' un, le prendre sous sa protection. _ Racine a dit de Dieu:
   Il prend l' humble sous sa défense.
Mais, demande d' Olivet, prendre sous sa défense a-t-il été reçu par l' usage? Rien de plus commun que des termes, qui paraissent synonymes, et qui ne peuvent cependant être mis l' un pour l' autre, soit avec les mêmes prépositions, soit avec les mêmes verbes.
   II. Défenses, au pluriel, c' est 1°. En termes de Pratique, ce qu' on répond par écrit aux demandes de la partie adverse. "Doner ses défenses; fournir des défenses. _ C' est aussi un Jugement qu' on obtient pour empêcher l' exécution d' un aûtre Jugement. Arrêt de défenses. Obtenir, avoir, faire signifier, faire lever des défenses. _ 2°. En termes de Fortification, ce qui sert à mettre à couvert ceux qui défendent une place. "Abatre, ruiner les défenses d' une place. = 3°. Défense du sanglier, les deux dents d' en bâs, qui sortent de la gueule de cet animal, et dont il se sert pour se défendre.

DÉFENSABLE


*DÉFENSABLE, adj. Qui peut être défendu. C' est un mot nouveau, du moins pour le langage ordinaire. "Cette place n' est pas défensable. Ce mot revient souvent dans l' Hist. de Fr. continuée par M. l' Ab. Garnier. M. l' Ab. Grosier en a fait la remarque. Ce mot n' est en usage qu' au Palais, et il l' est dans un autre sens; il se dit des bois, des près, etc. où il est défendu de mener paître les bestiaux.

DÉFENSEUR


DÉFENSEUR, s. m. DÉFENSIF, IVE, adj. [Défan-ceur, cif, cîve; 1re é fer. 2e lon. 3e lon. au dern.] Défenseur n' a que le 1er sens de défendre: Celui qui défend, qui protège. Défenseur de la Foi, de la Patrie. "Vous avez en lui un bon défenseur. Voy. DÉFENDEUR. _ Défensif n' a aussi que ce premier sens: Fait pour la défense. Il ne se dit guère au masc. "Comment pouvais-je suprimer un écrit défensif pour mon honeur. J J. Rousseau. "Hugues les invite à un Traité défensif. Moreau. _ Son plus grand usage est avec guerre, ligue, armes. "Guerre défensive; armes défensives; ligue ofensive et défensive. _ S. f. On dit, se mettre sur la défensive, se tenir sur la défensive, ne faire simplement que se défendre. Dans une édition de La Bruyère, on lit, sous la défensive. Que cette manière soit de l' Auteur ou de l' Imprimeur, elle est irrégulière.

DÉFÉRANT


DÉFÉRANT, ANTE, adj. DÉFÉRENCE, s. fém. DÉFÉRER, v. neut. [1re et 2e é fer. 3e lon. aux trois 1ers, é fer. au dern. Dans le 3e en a le son d' an: déférance.] Déférer, condescendre. Déférant, qui défère, qui condescend. Déférence, condescendance. "Déférer à quelqu' un, à l' âge, à la dignité, au mérite; à l' avis, à l' opinion de quelqu' un, au jugement, au sentiment des aûtres. "Avoir de la déférence~ pour l' âge, la qualité, etc. "Esprit doux et déferant; humeur douce et déférante. L' adj. ne se dit qu' en ces phrâses.
   DÉFÉRER, actif, a un aûtre, ou plutôt deux aûtres sens: C' est, 1°. Doner, décerner. "Déférer des dignités, des honneurs à quelqu' un. _ Au Palais, déférer le serment à une des Parties, c' est s' en raporter à son serment. "On défère ordinairement le serment au demandeur. = 2°. Dénoncer. "Déférer quelqu' un en Justice, à l' Inquisition, etc.

DÉFÉRRER


DÉFÉRRER, v. act. [1re et dern. é fer. 2e ê ouv.] Au propre, ôter le fer du pied d' un cheval, âne, mulet, etc. "On a été obligé de déferrer ce cheval des quatre pieds. _ Au figuré, rendre muet, interdit, confus. "Il vouloit me déferrer, je l' ai déferré lui-même. _ Il se dit sur-tout avec le pron. pers. se déferrer: "Quoi qu' on lui puisse dire, il ne se déferre pas.

DÉFEUILLER


DÉFEUILLER, v. a. [Dé-feu-glié; 1re et dern. é fer. mouillez les ll.] Ôter les feuilles des arbres. "Le vent a défeuillé les arbres. "L' hiver aproche, les arbres se défeuillent. _ Ce mot est dans le Dict. de Trév. On peut être étoné que l' Acad. ne l' ait point mis dans le sien.

DÉFI


DÉFI, s. m. DÉFIER, v. a. [1re é fer 3e é fer au 2d.] 1°. Défi est une provocation et défier, c' est provoquer au combat. Envoyer un défi; il lui fit un défi, il l' envoya défier. "Il venoit devant Verneuil le défier à un combat singulier. Moreau. _ Par extension, il se dit de toute autre sorte de provocations. "Ils se sont défiés au trictrac, au piquet; à boire, à qui courra le mieux, etc. Je le défie de me surprendre. "Je vous défie de deviner qui m' a parlé. Il ne pourra me surprendre; vous ne pourrez deviner. _ Je vous en défie; je vous défie de le faire; vous n' oseriez, ou vous vous en répentiriez. _ Le Proverbe dit: Il ne faut jamais défier un fou.
   2°. Se défier a deux aûtres sens. Ne pas se fier, suspecter. "C' est un homme dont il faut se défier. "Je me défie de ses caresses. _ Se défier de ses forces, de son esprit; n' y avoir pas trop de confiance. = Se douter, prévoir. "Je ne me serois jamais défié que vous dussiez me jouer un pareil tour.
   Rem. 1°. Anciènement on écrivait deffi, deffier. On le trouve ainsi ortographié dans l' ancien Trévoux, dans Boileau, Mde. Dacier et autres Auteurs de leur temps.
   2°. Défier est beau au figuré: Défier les dangers, la mort; les afronter, les braver. ne pas les craindre.
   Braver mille morts toujours prêtes,
   Et dans les feux et les tempêtes,
   Défier les fureurs de Mars.       Rousseau.
Défier. Faire un défi: au figuré. "Voyez à présent comme elle est pâle et triste, elle dont le teint pouvoit défier toutes les fleurs du printemps. Marm.
   Rem. 3°. Se défier régit quelquefois la conj. que et le subj. avec la partic. négative ne. On doit toujours se défier qu' ils ne viènent à nous manquer. Le Dict. de Trév. condamne ce régime; mais se défier, ayant à peu près le sens de craindre, doit avoir, ce semble, les mêmes régimes que ce verbe. Ainsi, comme on dirait, "on doit craindre qu' ils ne viennent, pour quoi ne pas dire aussi: on doit se défier qu' ils ne viennent. _ L' Ab. Prévot retranche la négative ne: "Se défiant que ce fût des Portugais, il ne s' aprocha qu' autant qu' il falloit pour les observer. Je dirais: se défiant que ce ne fût; comme on dit, craignant que ce ne fût, etc. _ Au contraire, quand se défier est employé avec la négative, on la suprime devant le verbe régi, comme on le pratique avec le verbe craindre. "Je ne me serois jamais défié que vous dussiez me manquer au besoin. Acad.

DÉFIANCE


DÉFIANCE, s. fém. DÉFIANT, adj. [1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] Soupçon, crainte d' être trompé. _ Soupçoneux, qui craint toujours qu' on ne le trompe. "Avoir, concevoir de la défiance. Être dans la défiance; entrer en défiance. "Homme défiant, femme défiante.
   Rem. 1°. Anciènement, et à la fin même du dernier siècle, on écrivait deffiance, deffiant. On a suprimé une f, et on l' a remplacée par l' acc. aigu sur l' é.
   2°. DÉFIANT n' est pas bien placé devant le substantif. "Il ne falloit pas doner d' ombrage aux Maures, qui étoient les plus défians peuples du monde. Marsolier, Vie du Card. Ximenès. Il falait dire: les peuples du monde les plus défians.
   3°. Entrer, ou mettre en défiance régit la prép. de devant les noms. "Il est entré en défiance de ce que vous lui avez dit: "Mentor n' en dit pas davantage, de peur de mettre Calipso en défiance de lui. Télém. _ Il n' est pas aussi bien, ce me semble, avec le régime des persones, qu' avec celui des chôses. _ Le P. d' Orléans fait régir la conjonction que à entrer en défiance. "Alphonse étant entré en défiance qu' Aben Joseph avoit dessein de se saisir de sa persone, se déroba secretement de lui. Je crois qu' il fallait dire, étant entré en défiance qu' Aben Joseph n' eût dessein, etc. Voy. Se défier.
   Rem. 3°. Celui-ci vaut mieux; s' étant défié qu' il n' eût, etc. _ Défiance, hors de cette composition, avec entrer et mettre, n' a point de régime pour les noms, à moins que par régime on n' entende le génitif. Quand on dit la défiance d' un Roi, par exemple, on veut parler d' un Roi qui se défie, et non pas d' un Roi dont on se défie. Ainsi, ce mot a un sens actif et non pas passif.

DÉFICIT


DÉFICIT, s. m. [1re é fer. On prononce le t final.] Mot emprunté du latin, pour signifier ce qui manque. "Si ce fonds surpassoit les besoins, il en résulteroit une augmentation annuelle. S' il étoit inférieur, il seroit si facile d' y supléer, que ce déficit ne seroit jamais sensible. Linguet. On atribue ce déficit au retardement de la flotte Baltique, chargée de mâts et de cordages, etc. Journ. Polit. de Gen. _ Ce mot n' a point de pluriel, dit l' Académie. Elle veut dire qu' au pluriel il ne prend point l' s, qui en est le signe.

DÉFIER


DÉFIER. Voy. DÉFI.

DÉFIGUREMENT


*DÉFIGUREMENT, s. m. [Défigûre--man; 1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] Mot employé par Mde de Sévigné. Il est imprimé en italique, pour montrer que c' est un mot hazardé. "Je voudrois ménager de ne point avancer dans ce chemin (de la vieillesse) des infirmités, des douleurs, des pertes de mémoire, des défiguremens, qui sont près de m' outrager. _ * M. Tissot dit défiguration, qui est encôre plus mauvais.

DÉFIGURER


DÉFIGURER, v. a. [Défiguré; 1re et dern. é fer. L' u est bref devant la syllabe masc. Il est long devant l' e muet. Il défigûre, il défigûrera, etc.] Gâter la figûre, rendre diforme. "défigurer une statue, un tableau. "La petite vérole l' a défiguré. _ Figurément: "Il a voulu traduire cet Ouvrage, et il l' a tout défiguré.

DÉFILÉ


DÉFILÉ, s. m. DÉFILER, v. a. et n. [1re et dern. é fer.] Défilé, est un passage étroit où il ne peut passer que peu de persones de front. Pays plein de défilés. Le Général s' assura, se rendit maître du défilé. "L' armée s' engagea dans un défilé. _ Figurément, situation embarrassante, où l' on s' est mis, et d' où l' on a de la peine à se tirer. "Comment n' a-t-elle pas aperçu le défilé dangereux où elle s' engageoit, lorsque, pour garantir~ la vérité de ses allégations, elle a eu l' imprudence de circonstancier des détails, qui en prouvent la fausseté. T....
   DÉFILER, act. Ôter le fil, le cordon qui était passé dans... Défiler des perles, un collier, un chapelet. Son collier s' est défilé. _ En st. prov. le chapelet se défile, ou s' est défilé; la société se dissout, ou s' est dissoute. _ "Elle a défilé son chapelet. Elle n' est plus dévote. _ Défiler, neutre; aller l' un après l' aûtre. Il ne se dit proprement que d' une marche de Troupes. Les Troupes défilaient quatre à quatre. On fit défiler les Troupes dix à dix.

DÉFINIR


DÉFINIR, v. act. DÉFINITION, s. f. [Défini, ni-cion, en vers ci-on: 1re é fer.] I. Définir est, 1°. Marquer, déterminer, en parlant du temps ou du lieu. "Dieu a défini le temps et le lieu où telle chôse arrivera. = 2°. Expliquer l' essence d' une chôse par son genre et sa diférence. "On définit l' homme, animal raisonnable. Le genre est animal, la diférence raisonable. _ Définir un homme, c' est le faire conaître par les qualités bones ou mauvaises, qui le caractérisent. "Définissez-moi cet homme-là! On ne saurait le définir. = 3°. Décider. "Le Concile a défini que, etc. Les questions définies par l' Église.
   II. Défini, ie, adj. Nombre défini, nombre indéfini. _ Article défini. Voyez ARTICLE. Prétérit indéfini. Voyez PRÉTÉRIT.
   III. Définition a le 2d et le 3e sens de définir. La définition d' une science, d' une chôse, d' un mot. "Ninon dit que votre frère est au-dessus de la définition. Il est vrai qu' il ne se conoît pas lui-même, et que les aûtres le conoissent encôre moins. Sév. Voyez plus haut; Définir un homme. "Les définitions qui sont dans les Dictionaires, sont souvent faûsses, obscûres, vagues, insufisantes. _ Les défintions d' un Concile, ses décisions.
   Rem. On dit, donner la définition de.... Bossuet dit doner à, aparemment à cause du verbe donner. "Après avoir rejeté la définition que nous donnons à l' Église Catholique, mais encôre celle, que lui voudroient donner les Protestans. Il faut dire la définition que nous donons de l' Église, et celle qu' en donent les Protestans, etc.

DÉFINITIF


DÉFINITIF, IVE, adj. DÉFINITIVEMENT, adv. [Définitif, tîve, tîveman: 1re é fer. 4e lon. aux 2 dern. dont la 5e e muet. Ferrière, dans l' ordre alphabétique, met définitif; et dans le cours de son Dictionaire, il met souvent diffinitif, diffinitivement. Ceux-ci ne se disent plus.] Qui~ décide~, qui juge le fond d' un procès. Jugement, Arrêt définitif, Sentence définitive. _ Il est oposé à provisoire et interlocutoire _ Juger définitivement. "Cette afaire a été jugée définitivement.
   En définitive, adv. Par un Jugement définitif. "Cette afaire a été jugée en définitive. _ Au Palais on dit, En définitif. On le lit ainsi dans le Dict. de Droit, et dans les Caûses Célébres. _ * M. Linguet, hors même des afaires du Palais, dit aussi en définitif. Il signifie, enfin, définitivement, et se place à la tête de la phrâse. "En définitif (ou, mieux, en définitive, après des années entières d' amertume, de douleurs, de tourmens de toute espèce, vous vous trouvez avec votre innocence, qui ne sert à rien, et la réputation d' un tracassier, qui éloigne de tout.

DÉFLEURIR


DÉFLEURIR, v. a. [Dé-fleu-ri; 1re é fer.] Faire tomber la fleur qui était aux arbres. Le vent et la gelée ont défleuri ces arbres. _ V. n. Quand la vigne vient à défleurir.
   Nos prés sont défleuris;
   De plantes infertiles
   Nos sillons sont remplis.
       Gresset.
  Son règne à ses peuples chéris,
  Sera ce qu' aux champs défleuris
  Est l' eau que le Ciel leur envoie.
      Rousseau.
"Je ne puis soutenir la vûe de vos tiges défleuries. Reyrac.
   Comme il y a des fruits, qui ont sur leur peau une poussière qu' on apelle fleur, les défleurir, c' est leur ôter cette fleur, en les touchant sans précaution. "Vous touchez ces prunes, vous les défleurissez.

DÉFONCER


DÉFONCER, DÉFORMER; DÉFOURNER, v. a. Ôter le fond; gâter la forme; ôter du four. Défoncer un toneau; déformer un chapeau, un soulier; défourner le pain.

DÉFRAYER


DÉFRAYER, v. a. [Dèfré-ié, 3e é fer. Devant l' e muet, ai est un ê ouv. Il défraie, ils défraient: pron. défrê. Au futur et au conditionel, je défraierai, il défraierait: l' e est entièrement muet.; et l' on prononce défrêré, défrêré, en 3 syllabes.] Payer la dépense de quelqu' un. Je vous défraierai; il m' a défrayé; je ne demande que d' être défrayé.
   Rem. Il ne se dit que des persones, pour le régime direct; et des chôses, pour le relatif. Le Traducteur de l' Hist. de Hume, lui fait régir directement les chôses. "On leva sur eux plus de cent mille marcs, somme alors exorbitante, et capable de défrayer la guerre la plus dispendieûse. "Les Bourgs, qui les députoient, défrayoient leurs dépenses. Il falait dire, capable de défrayer le Roi de la guerre, etc. "Les Bourgs les défrayoient de leurs dépenses. Voyez le meme faux régime à dédomager.
   Défrayer la compagnie, c' est, en style prov. l' entretenir agréablement, ou la faire rire, ou plus souvent encôre, lui servir de risée.

DÉFRICHEMENT


DÉFRICHEMENT, s. m. DÉFRICHER, v. a. DÉFRICHEUR, s. m. [Défricheman, ché, cheur; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2e.] Défricher, ôter les mauvaises herbes, et tout ce qui empêche une terre inculte de produire comme il faut. Défrichement, ce qu' on fait pour mettre en valeur une terre inculte. Défricheur, celui qui défriche.
   Défricher, se dit au figuré. Défrichement, et Défricheur ne se disent qu' au propre. Défricher une afaire, une matière, une question; l' éclaircir, la débrouiller. "Les Scaliger, les Casaubon, les Érasme ont défriché les Belles-Lettres. "Amyot est un des premiers qui aient défriché notre Langue.

DÉFRISER


DÉFRISER, v. a. [Défrizé; 1re et dern. é fer. Devant l' e muet, l' i est long: il défrise.] 1°. Défaire la frisûre. "Le vent l' a défrisé; lui a défrisé les cheveux. = 2°. Ôter les cheveux de dessous les papillotes. Défriser une perruque.

DÉFRONCER


DÉFRONCER, v. a. [1re et dern. é fer. 2e lon.] Déplisser, ôter les plis: défroncer le col d' une chemise, d' une jupe, etc.

DÉFROQUE


DÉFROQUE, s. f. DÉFROQUER, v. a. [Défroke, ké; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] La défroque, est la dépouille d' un bénéfice régulier. Défroquer, ôter le froc. Il se dit, sur-tout au réciproque, se défroquer; et au participe, Moine défroqué. _ S. m. C' est un défroqué. "La plupart des Succursales ne sont desservies que par des Défroqués.

DÉFUNT


DÉFUNT, UNTE, adj. et subst. [Défeun, feun-te; 1re é fer. 2e lon.] Qui est mort. _ Comme adjectif, il n' est d' usage, dit l' Acad. que dans ces phrâses, le défunt Roi, la défunte Reine. Il me semble qu' on dit plus comunément, le feu Roi, la feuë Reine. = Subst. Le pauvre défunt, la pauvre défunte; les enfans du défunt, de la défunte. "Priez Dieu pour les défunts. Acad. _ Richelet remarque avec raison qu' il est plus du Palais que du beau langage. Du moins il ne s' emploie que dans le style fam. L' Acad. le met sans remarque.

DÉGAGEMENT


DÉGAGEMENT, s. m. DÉGAGER, v. a. [1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d; en a le son d' an. Dégageman, déga--gé.] I. Dégagement, est l' action de dégager, ou l' état d' une chôse dégagée. "Le dégagement de sa parole; le dégagement de la poitrine. _ Dans un apartement, issue secrette et dérobée, qui sert à la commodité. "Chaque chambre a son dégagement. "Escalier de dégagement.
   REM. * Marsolier l' emploie dans le sens de désintéressement. "D' aûtres vantoient cette libéralité, ce dégagement sans exemple, qui le portoit à employer à l' avantage de l' Église et de l' État, les grands revenus dont il jouissoit. Vie de Ximénès. _ Dégagement ne se dit pas en ce sens, seul et sans régime. Tout au plus pourrait-on dire, ce dégagement des biens de la terre; encôre ne voudrais-je pas en répondre.
   II. Dégager est, 1°. Retirer ce qui était engagé. "Dégager des pierreries, de la vaisselle. "Il a dégagé peu-à-peu ses Terres. _ Figurément, Dégager un Soldat, obtenir son congé. Dégager sa parole; tenir parole, ou la retirer, quand elle avait été donée sous condition. _ Dégager son coeur, se retirer de l' engagement où l' on était avec une femme. "Il faut dégager son coeur des intérêts du monde. = 2°. Délivrer, débarrasser: "Il le dégagea du combat, du milieu des énemis. "Il a eu peine à se dégager de dessous son cheval; il ne pouvoit se dégager de la presse. "Je me dégageai de ce mauvais pâs. _ "Ce remède a dégagé la tête, la poitrine, etc. _ Dégager un apartement, lui doner une autre issûe que la principale. _ "Cet habit vous dégage la tâille, la fait bien paraître.
   DÉGAGÉ, ÉE, adj. Air dégagé, aisé: taille dégagée, aisée. Airs dégagés, un peu trop libres, trop familiers, etc.

DÉGAINE


DÉGAINE, s. f. DÉGAINER, v. n. [Dé--ghêne, Déghéné; 1re é fer. 2e ê ouv et long au 1er, é fer. au 2d, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Dégaîne ne se dit que dans cette phrâse du style proverb. bâs et ironique; d' une belle dégaîne; d' une façon maussade.
   DÉGAîNER; tirer l' épée du fourreau. "Il n' aime pas à dégaîner. Figurément, on le dit d' un avâre (st. fam.) s. m. "Brave jusqu' au dégaîner.
   REM. 1°. L' Acad. dit que, quoique ce verbe soit actif on ne l' emploie guère qu' en suprimant le régime. Guère, dans son langage, signifie jamais. Mais si on ne le met jamais que sans le régime, ce verbe est donc neutre.
   2°. Dégainer ne se dit qu' en plaisantant. Quand on parle sérieusement, on doit dire, tirer l' épée.
   On dit proverbialement d' un homme, dont les éfets ne répondent pas aux menaces, qu' il ne frape pas comme il dégaine.

DÉGANTER


DÉGANTER, v. a. [1re et dern. é fer. 2e lon.] Ôter les gants. "Dégantez-moi: Je ne saurais me déganter.

DÉGARNIR


DÉGARNIR, v. a. [1re é fer.] 1°. Ôter la garniture de... Dégarnir un lit, des chaises, etc. = Dégarnir une maison, une chambre, en ôter les meubles. = 2°. En parlant d' une place de guerre, en ôter une partie considérable de la garnison. "On fut obligé de degarnir les places, pour renforcer l' armée. = 3°. Se dégarnir, se vétir, se couvrir plus légèrement. "Il ne faut pas trop tôt se dégarnir. "Il s' est enrhumé, pour s' être dégarni trop tôt.

DÉGâT


DÉGâT, s. m. [Dégâ; 1re é fer. 2e lon.] 1°. Ruine, ravage. "La grêle a fait un grand dégât dans les vignes. "Les bêtes fauves font bien du dégât dans les terres. "On envoya plusieurs détachemens pour faire le dégât aux environs de la place. _ 2°. Consomation de denrées faite sans économie. "On fait un grand dégât de bois, de vin dans cette maison.

DÉGEL


DÉGEL, s. m. DÉGELER, v. a. [Dé--gèl, gelé; 1re é fer. 2e è moy. au 1er, e muet au 2d, dont la 3e é fer.] Dégel, est l' adoucissement de l' air, qui résout la glace. Dégeler, fondre la glace. "Le dégel est venu tout-à-coup. "Le vent a dégelé la rivière. _ V. n. La rivière dégèle, comence à dégeler, à se dégeler; et avec l' impersonel: il comence à dégeler, il dégèle.
   On dit, figurément (st. fam.) qu' un homme se dégèle, lorsqu' il comence à parler, après s' être tû long-temps. "Il me parut bien dégelé sur l' estime qu' il a pour lui (le Chev. de Grignan) Sév.

DÉGÉNÉRATION


DÉGÉNÉRATION, s. f. Trév. Ce mot est peu usité. L' Acad. ne le met pas. "Les talens sont parvenus à un tel point de dégénération, que jamais les conseils ne furent plus indispensables. Ann. Litt.

DÉGÉNÉRER


DÉGÉNÉRER, v. n. [4 é fer. Dégé--néré.] 1°. Ne pas suivre la vertu, les bons exemples de ses ancêtres. Il se dit, ou avec la prép. de: "Il a dégénéré de la valeur de ses aïeux; ou sans régime; "Il dégénère, il a dégénéré. Fig. on le dit des animaux. = 2°. C' est aussi, ne pas se soutenir après avoir bien comencé. "Dans sa jeunesse, cet homme étoit un héros: dans ses premiers essais, cet Auteur faisoit merveille: Ils ont bien dégénéré. = 3°. En parlant des arbres, des plantes, s' abâtardir. "Ces arbres, ces plantes dégénèrent, comencent à dégénérer.
   Rem. 1°. Suivant l' origine et le sens de ce mot, qui vient de genus, il ne doit se dire que des enfans par raport à leurs pères, à leurs aïeux, et des modernes à l' égard des anciens, et non pas des contemporains. "Ils auroient cru dégénérer de ceux qui avoient combattu jusqu' à la mort pour leur patrie. Rollin. Ce verbe n' était pas-là le mot propre.
   2°. Quand il se dit des persones, il régit la prép. de; et quand il se dit des chôses, la prép. en. "Le style pompeux dégénère souvent en galimathias. Vertot met, dans: "Empêcher que leur domination ne dégénérât dans (en) une tyrannie perpétuelle.
   3°. Le même Auteur lui done être pour auxiliaire. "Plusieurs disoient, pour sonder les esprits, que l' État Monarchique étoit préférable à une République, qui étoit dégénérée en pûre anarchie. Il falait, qui avait dégénéré. _ Quand il est sans régime, le passif vaut mieux que l' actif, du moins au présent. "Cette Pièce (Bérénice) qui a fait verser des larmes sous Louis XIV, n' en feroit pas répandre une seule aujourd'hui; nous sommes donc dégénérés. Ann. Litt. Nous avons donc dégénéré ne serait pas si bon en cet endroit, à mon avis. _ D' aûtres préfèrent l' auxil. avoir. "Il paroît démontré que la Nation a dégénéré; et si l' on excepte deux ou trois hommes de génie, la Littératûre a suivi cette malheureûse révolution. Marin. "Chevalier dégénéré, de Vengeur de J. C. tu étois devenu, par un indigne échange, l' esclave d' une créature rébelle à son Auteur. Jérus. Déliv.

DÉGINGANDÉ


DÉGINGANDÉ, ÉE, adj. [Dé-gein--gandé, dé-e: 1re et 4e é fer. 2e et 3e lon.] Celui ou celle, dont la contenance et la démarche sont mal assurées (st. fam.) "C' est un homme tout dégingandé: "elle est toute dégingandée~. "Il s' emploie quelquefois au fig.: "Esprit dégingandé, style dégingandé, pensées dégingandées. "Cette rage de m' éloigner encôre de vous, et de voir pour quelque temps notre comerce dégingandé, me done une véritable tristesse: Sév. _ L' Acad. ne done point d' exemple du figuré.

DÉGLUER


DÉGLUER, v. a. [Déglu-é: 1re. et dern. é fer. L' u est bref devant la syll. masc. mais devant l' e muet, il est long: il déglûe] Ôter la glu. _ Se degluer, se débarraser de la glu: cet oiseau n' a pu se dégluer. _ Se dégluer les yeux, ôter la chassie qui colle les paupières.

DÉGOBILLER


DÉGOBILLER, v. a. DÉGOBILLIS, s. m. [1re. é fer. mouillez les ll] ces termes sont bas. Vomir les viandes et le vin qu' on a pris avec excès. "Il a dégobillé son diner: cela sent le dégobillis.

DÉGOISER


DÉGOISER, v. a. [Dé-goa-zé: 1re. et dern. é fer. Devant l' e muet, oi est long: il dégoise, dégoisera etc.] Il s' est dit aûtrefois des oiseaux au propre: chanter. _ Au figuré, dire ce qu' il faut taire. "Il a dégoisé tout ce qu' il sait. = v. n. On l' a fait dégoiser: "ce prisonier a dégoisé. "cette femme aime à dégoiser. Il est populaire dit l' Acad. C' est trop dire, ce me semble. Il sufit d' avertir qu' il est du style familier.
   C' étoit d' ailleurs un vieux routier
   Et qui, dans sa décrépitude
   Dégoisoit pseaumes et leçons
   Sans y faire tant de façons.
       Gresset.
"Peste, Madame la Nourrice! comme vous dégoisez. Mol.

DÉGORGEMENT


DÉGORGEMENT, s. m. DÉGORGER, v. a. [1re. é fer. 3e. e muet au 1er. dé--gorgeman, é fer. au 2d. dégorgé.] Dégorger c' est déboucher un passage engorgé. Dégorger un égoût, un tuyau, etc. _ Il est aussi neutre. "Cet égoût a dégorgé et a empuanti tout le quartier. _ Se dégorger se dit, dans un autre sens du poisson, et c' est se purger du goût de la marée et de la bourbe. _ Dégorgement se dit dans le 1er. sens de l' épanchement des eaux et des immondices retenûes, mais il ne se dit pas des eaux mêmes: il se dit de ce qui les contenait. "Le dégorgement d' un égout etc. = Par extension, on le dit de la bile, des humeurs. "Il lui survint un dégorgement de bile: il faut procurer le dégorgement des humeurs.

DÉGOTER


DÉGOTER, v. a. Chasser de son poste. "On l' a dégoté, il a été dégoté. Il est du style badin. Rich. Port. l' Acad. ne le met pas.

DÉGOURDI


DÉGOURDI, IE, adj. DÉGOURDIR, v. a. DÉGOURDISSEMENT, s. m. [1re. é fer. 4e. e muet au dern. dé-gour-diceman.] Dégourdir c' est redoner du mouvement, de la chaleur à ce qui étoit engourdi par le froid, ou par quelque autre caûse. Se dégourdir les mains. Nous avons été long-temps assis: il faut marcher pour nous dégourdir. = Faire dégourdir de l' eau, la mettre auprès du feu, ou sur le feu pour l' attiédir. _ Figurément dégourdir un jeune homme, le façoner, le polir. "Il commence à se dégourdir: bientôt il sera trop dégourdi.
   DÉGOURDI, s' emploie adjectivement: il est bien dégourdi et substantivement, c' est un dégourdi, un homme qui en sait long et à qui l' on n' en fait pas acroire. On le dit surtout des jeunes gens et rârement des femmes.
   DÉGOURDISSEMENT ne se dit qu' au propre de l' action, par laquelle les membres engourdis se dégourdissent. "Le dégourdissement se fait sentir par un picotement dans les nerfs. On ne dit guère le dégourdissement d' un jeune homme, pour l' action de la façoner pour le commerce du monde. Cependant on pourrait le dire dans le discours familier. "Il faut travailler au dégourdissement de ce jeune homme.

DÉGOûT


DÉGOûT, s. m. DÉGOUTANT, adj. DÉGOUTER, v. a. [1re. é fer. 2e. lon. au 1er. br. aux 2 aûtres: mais devant l' e muet, l' ou est long: il dégoûte, dégoûtera etc. L' Acad. met l' acc. circ. sur l' adjectif et le verbe: mais la dipht. ou n' y étant pas longue, cet accent peut induire en erreur. Que si on ne le conserve que pour marquer la supression de l' s, parce--qu' aûtrefois on écrivait dégoust, dégouster, cette attention est aujourd'hui inutile.] Dégoût est 1°. un manque de goût, d' apétit. "Il a un grand dégoût: il lui a pris un dégoût pour la viande, pour le poisson, etc. = 2°. Figurément, aversion qu' on prend pour une chôse ou pour une persone. "Il a un grand dégoût pour le monde; "Il lui a pris un furieux dégoût pour cette persone. "Il ne savoit que penser du dégoût qui lui avoit pris pour les choses de pur agrément. Marm. = 3°. Déplaisir, chagrin. "On lui a doné un furieux dégoût. "On lui a doné bien des dégoûts, etc.
   Rem. Comme on dit être à charge, M. Desaci a dit par imitation, être à dégoût. Imit. de J. C. On dit le 1er, on ne dit pas le second.
   DÉGOUTANT, qui done du dégoût. Il se dit au propre et au figuré. "Viande dégoutante; manières dégoutantes; homme dégoutant. "Il arrive bien des chôses dégoutantes dans la vie. Voy. Fastidieux. _ Âpliqué aux persones, il se dit plutôt du corps que de l' esprit. On dit qu' un homme est dégoutant, quand il est mal-propre, qu' il sent mauvais etc.
   DÉGOUTER~, ôter l' apétit, faire perdre le goût. "À~ force de le faire manger vous l' avez dégouté. "Trop d' avoine dégoûte un cheval. _ Au figuré il régit la prép. de. "Les perfidies du monde nous dégoûtent de lui. "Il s' est dégouté de cette maison, de cet emploi. _ Faire le dégouté, le dificile, le délicat _ Et par contre verité, c' est un dégouté, un bon dégouté, un homme de bonne humeur, de bonne chère.

DÉGOUTTANT


DÉGOUTTANT, ANTE, adj. DÉGOUTTER, v. n. [Ils difèrent des précédens par l' étymologie, l' ortographe et le sens. Les précédens viènent de goût et ceux-ci de goutte.] Dégoutter, c' est couler goutte à goutte. Dégouttant, qui dégoutte. "La sueur lui dégouttait du front, le sang du nez. "On dételle les chevaux dégouttans de sueur et couverts de poussière. Mde. Dacier Iliade.
   Le Proverbe dit d' une afaire, d' un comerce, où il y a toujours quelque chôse à gagner; s' il ne pleut, il y dégoutte. "Quand il pleuvra sur lui, il dégouttera sur moi. Trév.

DÉGRADATION


DÉGRADATION, s. f. DÉGRADER, v. a. [Dégrada-cion, dégradé.] dégrader c' est 1°. Démettre de quelque grade. Dégrader un gentilhomme; le dégrader de noblesse; dégrader des armes un homme de guerre pour quelque lâcheté comise, etc. = 2°. Faire du dégat. Dégrader des bois, etc. = 3°. En peintûre, dégrader la lumière ou les couleurs dans un tableau, les afaiblir par degrés.
   DÉGRADATION a ces trois significations. Dégradation de noblesse, des armes; la dégradation d' un oficier, etc. "Il a fait de grandes dégradations dans ces bois. _ "Ce Peintre entend bien la dégradation des couleurs.
   Rem. 1°. Aûtrefois on employait dégrader pour déshonorer. "En tous lieux il me dégrade. Voit. Il se dit encôre avec le pron. pers. "Cet homme croiroit se dégrader en veillant à ses afaires.
   2°. M. Necker fait ce verbe neutre, dans le sens de descendre de degré en degré. "Et ainsi de suite en dégradant jusqu' à la dernière (clâsse) qui n' est imposée qu' à raison d' un 24e. _ Dans cet emploi, dégrader est une nouveauté.

DÉGRAFER


DÉGRAFER, v. a. [1re. et dern. é fer.] Détacher une agrafe. "Dégrafer un habit; une jupe. etc.

DÉGRAISSER


DÉGRAISSER, v. a. DÉGRAISSEUR, s. m. [Dégrècé, ceur: 1re. é fer. 2e. è moy. 3e. é fer. au 1er.] Dégraisser est 1°. ôter la graisse, dégraisser le pot, le bouillon. = 2°. Ôter les taches, que la graisse a faites. "Dégraisser un habit, un chapeau. _ Dégraisser les cheveux. " La poudre dégraisse les cheveux. = 3°. Figurément, dégraisser un homme, lui ôter une partie de ses richesses. "Le premier bail l' avoit enrichi, le second l' a dégraissé. _ "Les ravines dégraissent les terres, etc.
   DÉGRAISSEUR ne se dit que, dans le 2d sens, de celui qui dégraisse des habits, des étofes.

DÉGRAVOIMENT


DÉGRAVOIMENT, s. masc. DÉGRAVOYER~, v. act. [Dégra-voa-man, Dégra--voa-ié: 1re é fer.] Dégravoyer, c' est déchausser des pilotis, des murs, etc. "L' eau a dégravoyé ce mur. Dégravoiment est l' éfet d' une eau courante qui dégravoie.

DEGRÉ


DEGRÉ, s. m. [1re e muet, 2e é fer. Plusieurs Auteurs ou Imprimeurs écrivent mal-à-propos dégré avec un accent aigu sur le 1er é.] 1°. Degré, au propre, se dit, et d' un escalier, et d' une de ses marches. "Le grand degré, un degré doux et aisé. "Monter, descendre les degrés. Des degrés de pierre, de bois, etc. = 2°. Figurément, il se dit des emplois par lesquels on s' élève à des grades supérieurs. Il est parvenu là par degrés; il s' est élevé de degré en degré _ Dans les Universités, degrés ou grades de Maître ès-Arts, de Bachelier, de Licentié, de Docteur. Prendre ses degrés; il a tous ses degrés. = 3°. En parlant des qualités morales, le plus haut, le dernier, le suprême degré, le comble de ces qualités. "Être insolent au dernier, au plus haut degré. Être parvenu au suprême, au souverain degré de la gloire. = 4°. En parlant de parenté, la proximité ou l' éloignement qu' il y a entre parens. "Les frères et soeurs sont au premier degré, les cousins au second degré, etc. = 5°. Degré de Juridiction se dit d' un Tribunal dont on peut apeler à un aûtre qui lui est supérieur. "Il y a en France, deux degrés de Juridiction entre un Evêque et le Pape, le Métropolitain et le Primat pour certaines Provinces. = 6°. Degré, en Géométrie, est la 360e partie d' un cercle. _ En parlant des thermomètres et des baromètres, c' est une des parties dans lesquelles ils sont divisés.
   Rem. 1°. Degré, escalier, montée (synon.) Montée ne se dit que par le peuple, de l' escalier d' une petite maison. Il se dit aussi (populairement) pour la marche d' un escalier: une montée est rompue: faire sauter les montées à quelqu' un. Degré et escalier se disent également, mais escalier semble plus noble, quand il s' agit d' un très-beau degré. "Un magnifique escalier; le grand escalier de Versailles. L. T. Voy. MONTÉE et MARCHE.
   2°. DEGRÉ s' emploie souvent au figuré. _ Par degrés, ou de degré en degré. "Les Tribuns, pour faire réussir leurs desseins secrets, vont comme par degrés à la tyrannie. Vertot. "De degré en degré, ils étoient parvenus à partager l' autorité royale. Anon. _ * Pluche dit, s' élever par degré, au singulier. C' est aparemment une faûte d' impression; car, pour s' élever, il faut plusieurs degrés. Il dit âilleurs, "tout alla par degre: il faut là aussi par degrés, au pluriel. _ À~ différens degrés, ou, à divers degrés. Le premier vaut mieux, divers, signifiant plutôt le nombre que la diférence, et diférent, marquant l' un et l' aûtre. "Il n' y avoit que le seul Mentor, pour lequel (pour qui) il n' avoit aucune réserve. Il se confioit à d' autres amis, mais à divers degrés, et à proportion de ce qu' il avoit éprouvé leur amitié et leur sagesse. Télém. _ En même degré, sur la même ligne, au même point.
   Chez nos Neveux, moins incrédules,
   Les vrais Césars, les faux Hercules,
   Seront mis en même degré.
       Rousseau.
* Avoir le degré sur quelqu' un, l' emporter sur lui; expression populaire. "J' étois rouge comme le feu. _ C' est lui qui devoit rougir. _ C' est vrai, il a beau être un grand Seigneur; la pauvre Cathérine, dans ce moment là, avoit le degré sur lui. Th. d' Educ.

DÉGRÉER


DÉGRÉER, v. a. [3 é fermés.] Ôter les agrès d' un vaisseau. On a dégréé le vaisseau. _ Vaisseau dégréé, qui a perdu, par la tempête ou le combat, ou, à qui l' on a ôté ses agrès.

DÉGRINGOLER


DÉGRINGOLER, v. a. et n. [Dé-grein--golé; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Sauter, descendre vite. "Il a dégringolé les montées. Acad. "On lui a fait dégringoler l' escalier. Et, neutralement, sans régime. "Il a dégringolé. _ Il est bâs. Dict. Gram. Il est familier. Acad.

DÉGRôSSIR


DÉGRôSSIR, v. act. [Dégrôci; 1re é fer. 2e lon.] En parlant des ouvrages de menuiserie et de sculptûre, ôter le plus grôs de la matière, pour commencer à lui doner la forme que l' Ouvrier veut lui doner. "Dégrôssir un bloc de marbre. _ Figurément: Il faut dégrôssir les matieres avant que de les traiter à fond.

DêGUENILLÉ


DêGUENILLÉ, ÉE, adj. [dégheni-glié, glié-e: 1re et 4e é fer. long. au 2d: mouillez les ll.] Dont les habits sont en lambeaux, ou du moins sales et mal en ordre, comme on dirait, composés de guenilles. "Il étoit tout déguenillé: "Elle est toute déguenillée.

DÉGUERPIR


DÉGUERPIR, v. act. et neut. Terme de Pratique: Abandoner un héritage, la possession d' un immeuble. "Il a été obligé de déguerpir cet héritage, cette maison. Ou neutralement, il a été condamné à déguerpir. _ Dans le discours ordinaire, il régit l' ablatif. Déguerpir d' un lieu: "On l' a fait déguerpir de sa place: "Je le ferai bien déguerpir. _ Dans le ressort du Parlement de Toulouse, on dit, guerpir, guerpissement. Ferrière.

DÉGUERPISSEMENT


DÉGUERPISSEMENT, s. m. [Dêghêr--piceman; 1re é fer. 2e. ê ouv. 4e e muet.] Il ne se dit qu' au Palais; le déguerpissement ou abandonement d' un héritage.

DÉGUEULER


DÉGUEULER, v. n. [Dégheulé: 1re et 3e é fer.] Vomir. Il est bâs, et ne se dit que d' un vomissement qui vient d' excès et de débauche.

DêGUISEMENT


DêGUISEMENT, s. masc. DÉGUISER, v. act. [Déghizeman, ghizé; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d: l' u est muet: il n' est là que pour doner au g un sens fort qu' il n' a pas devant l' i. Cet i est long devant l' e muet: il déguîse.] Déguisement est l' état où est une persone déguisée. "Je le reconus malgré son déguisement. _ Au fig. artifice pour cacher la vérité. "Il a beau se servir de déguisemens. "La vérité se reconnoît malgré tous ces déguisemens.
   DÉGUISER, au propre, c' est travestir une persone de telle sorte, qu' il soit dificile de la reconaître. "On le déguisa en femme, en Abbé; en Moine, etc. _ On dit, par extension, déguiser sa voix, son écritûre, son style. _ Déguiser des viandes, les aprêter de telle sorte qu' on ait peine à les reconaitre. _ Au figuré, cacher sous des formes trompeûses: déguiser les faits, la vérité. _ Se déguiser, au propre, se travestir; au figuré, feindre, se cacher, cacher ses vûes, son caractère, ses vices, etc.
   Rem. Divers Auteurs ont doné à Déguiser diférens régimes relatifs. 1°. L' ablatif (la prép. de). "De brillantes assemblées ne lui semblent qu' un coupe-gorge, déguisé du nom spécieux de sociétés sur le bon ton. Du Plaisir. _ M. d' Andilly avait aussi dit aûtrefois:
   Déguiser d' un beau nom son ardente avarice.
= 2° La prép. en: "Plus touché de ses faûtes que des vaines louanges, qui les lui déguisent en vertus. Massill. = 3°. Sous:
   Sous les noms spécieux de zèle et de justice,
   Vous vous déguiserez les plus noirs atentats.
       Rouss.
Cette dernière manière est la plus usitée. V. CACHER.
DÉGUISÉ, adj. Amant déguisé, avarice déguisée: "Les vertus des Hommes ne sont que des vices déguisés. St. Evr. _ Voyez MASQUÉ.

DÉGUSTATION


DÉGUSTATION, s. f. [Dégus-ta-cion: 1re é fer.] Essai qu' on fait des liqueurs en les goutant. Ce mot ne se dit guère que parmi les savans. Il ne se dit point dans le discours ordinaire. Il y serait utile. _ L' Acad. le met sans remarque.

DÉHâLER


DÉHâLER, v. act. [Dé-âlé, l' h s' aspire; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Ôter l' impression faite sur le teint par le hâle.

DÉHANCHÉ


DÉHANCHÉ, ÉE, adj. [Dé-anché, ché-e; 1re et dern. é fer. 2e lon.] Qui a les hanches rompûes et disloquées. "Homme, cheval déhanché; femme toute déhanchée.
   Rem. Autrefois on écrivait deshanché. Joubert l' écrit de la sorte, et avertit qu' on prononce déhanché. Puisque l' s était muette, on a bien fait de la suprimer.

DÉHARNACHER


DÉHARNACHER, v. a. [L' h est aspirée; dé-arnaché: 1re et dern. é fer.] Ôter les harnais à un cheval, Trév. _ l' Acad. ajoute, de trait, ce qui est plus juste. "Le cocher n' a pas encôre déharnaché ses chevaux.

DEHORS


DEHORS, adv. de lieu. Il est oposé à dedans _ Hors est la prép. correspondante "Il est allé dehors: Cela avance trop en dehors. Mettre un domestique dehors, le chasser, lui doner son congé.
   Rem. 1°. Dehors n' a pas de régime quand il est seul. On ne doit pas dire dehors la ville, mais, hors de la ville. _ Racine avait dit:
   Mille objets de douleur déchiroient mes entrailles,
   J' en voyois et dehors et dedans nos murailles.
   On ne le dirait plus aujourd'hui, dit Racine le fils. _ M. Moreau a pourtant dit tout récemment: "On n' étoit pas encôre dehors de la maison où le traité avoit été signé, et déja ce Prince avoit proposé à plusieurs... d' abandoner le parti de leur Maître. _ Il faut, hors de la maison.
   2°. Avec au et par, il a un régime. "Au dehors de la Ville, par dehors la Ville. _ Avec de et en, il est adverbe et sans régime. "On le voit de dehors; il faut le mettre en dehors.
   DEHORS, s. m. La partie extérieûre de quelque chôse. "Cette maison est belle par le dehors. "Le mal n' est qu' au dehors. _ Les dehors d' une Ville, d' une place, d' un château, etc. _ Il s' emploie élégamment au figuré, pour signifier les aparences, l' extérieur. "Elle garde bien les dehors: "C' est un homme qui a de beaux dehors: "Elle n' a que le dehors. Voy. EXTÉRIEUR.
   Rem. Il ne se dit au figuré qu' au pluriel: et cette dernière phrâse, qui est de La Touche, n' est pas fort régulière. Avec un, il est encôre plus mal employé. "Il afectoit un dehors, qui en paroissoit infiniment éloigné (de ces qualités.) Marsollier, Vie de Ximenès. _ Afecter des dehors ne vaudrait pas grand' chôse; mais afecter un dehors est tout-à-fait mauvais.

DÉJà


DÉJà, adv. de tems. [1re é fer. l' à doit porter un accent grâve. On écrivait autrefois desjà.] 1°. Dès cette heure, dès à présent. Trév. Acad. Rich. Port. Cette définition~ ne me parait pas juste; parce que, dès cette heure, dès à présent se disent relativement à la persone qui parle, qui raconte, et ne peuvent s' apliquer à celle dont on parle. Au lieu de dire, il est déjà arrivé, diroit-on, il~ est arrivé dès cette heure? Non, sans doute. Et un Historien qui dit: "Déjà les armées commençoient à s' ébranler, pourrait-il dire à la place, dès à présent les armées commençaient à s' ébranler? Encôre moins. Je traduirais donc déjà par il y a quelque temps, quelques momens, et avec l' imparfait, dès lors, dès ce moment. Encôre cela ne rend-il pas bien l' idée de déjà, et n' est pas bien aplicable à tous les câs. Il y a bien des mots qu' on ne peut définir, et dont on embrouille la signification en les définissant. _ 2°. Déjà signifie quelquefois auparavant. "j' avois déjà été chez vous.
   Rem. Déjà se met ordinairement après le verbe, dans les temps simples; et dans les temps composés, entre l' auxil. et le partic. "Il fait déjà son paquet: "Il est déjà arrivé; je l' ai déjà dit. Il est fort mal placé après le participe. "Il renvoie à l' ouvrage qu' il a donné déjà sur les ruines de la Grèce. Ann. Litt. _ Quelquefois on le place à la tête de la phrâse sur-tout dans le style historique. Déjà l' aile droite était rompuë; déjà plusieurs corps fuyaient à la débandade, etc.

DÉICIDE


DÉICIDE, s. m. [1re é fer. dern. e muet.] Il ne se dit qu' en parlant des Juifs, qui condamnèrent à mort Notre-Seigneur. Acad. Crime de ceux qui firent mourir le Sauveur du Monde. Trév. Mot consacré en parlant de la condamnation du Sauveur du Monde, par Pilate et les Juifs. Rich. Port. La définition de Trév. est la meilleure; car on peut dire que les Juifs firent mourir le Sauveur; mais ils ne le condamnèrent pas: ils demandèrent seulement et procurèrent sa condamnation. _ Ce mot se dit et du crime et des criminels. "La mort de J. C. fut, de la part des Juifs, un horrible déicide. Nation, peuple deicide.

DÉJECTION


DÉJECTION, s. f. [Déjèk-cion, 1re é fer. 2e è moy.] Terme de Medecine. Les excrément, les selles d' un malade. Il se dit toujours au pluriel.

DÉJETER


DÉJETER, (SE) v. réc. [1re et dern. é fer. 2e e muet. Devant la syllabe fém. cet e devient moyen: il se déjette, ou déjète, se déjettera, ou déjètera.] Il se dit du bois qui se tourmente, se courbe, s' enfle et s' étend. Acad. _ Trév. ajoute, qui sort de ses jointûres, de ses rainûres. "Le bois verd se déjète plus que le sec.

DÉJEûNÉ


DÉJEûNÉ, ou DÉJEûNER, s. m. DÉJEûNER, v. n. [D-éjeû-né; 1re é et 3e fer. 2e lon. l' û doit porter un acc. circ.] Ils expriment l' un comme substantif, l' aûtre comme verbe, ce petit repâs qu' on fait le matin avant le diner, "Un bon déjeûné. "Un mauvais déjeûner. "Je n' ai pas encôre déjeûné; je ne déjeûne jamais. _ Déjeûner-dîner; (pron. déjeûné-diné.) Grand déjeûné qui tient lieu de diné. Quelques-uns disent, déjeûné-dinatoire. Expression barbâre.
   Rem. On écrivait autrefois desjeuner, et Mde. Dacier l' a écrit encore de la sorte dans une note de sa traduction de l' Odyssée.
   On dit proverbialement, ne faire qu' un déjeûner de, etc. s' en emparer facilement, ou le dissiper en peu de temps. "Leurs Hautes Puissances, par leur neutralité, conservèrent à l' Empereur ces Provinces de Flandre, dont, pour parler ainsi, la France auroit pu faire un déjeûné. Anon. Il falait: dont la France n' aurait fait qu' un déjeûné. La négative et la conjonction que sont nécessaires dans cette expression proverbiale. _ On dit, dans le même sens, d' un dissipateur, qui vient d' avoir un héritage, qu' il n' en aura pas pour un déjeûné.

DÉIFICATION


DÉIFICATION, s. f. DÉIFIER, v. act. [Dé-ifika-cion, en vers ci-on; dé-ifi-é; 1re é fer. Il l' est aussi à la dern. du 2d.] Déifier, c' est mettre au nombre des Dieux. Déification, apothéôse. Action par laquelle les Romains mettaient leurs Empereurs au nombre des Dieux de l' Empire.

DÉJOINDRE


DÉJOINDRE, v. a. [Dé-joein-dre; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.] Faire que ce qui était joint ne le soit plus. Le Soleil a déjoint ces ais. "Ils sont tout déjoints. "Ils se déjoignent. "Les pierres de cette voûte comencent à se déjoindre.

DÉISME


DÉISME, DÉISTE, s. m. [1re é fer. dern. e muet.] Le Déisme est le systême de ceux, qui, n' admettant aucune révélation, croient seulement un Dieu, un Souverain Être. Le Déiste est celui ou celle, qui suit, ou qui afecte de suivre ce Systême.

DÉITÉ


DÉITÉ, s. f. [Dé-ité; 1re et dern é fer.] Dieu ou Déesse de la Fable. On ne le dit qu' en Poésie. En Prôse on dit divinité.
   La paresse est ma déité.
       Gresset.

DÉJUC


*DÉJUC, s. m. DÉJUCHER, v. n. Le 1er est vieux. Le temps du lever des oiseaux. Le verbe se dit encôre des poules. "Elles déjuchent; elles sont déjuchées; elles sortent, ou sont sorties du juchoir. _ Figurément: "Je vous ferai déjucher, ou je vous déjucherai de là. (st. fam.)

DELà


DELà, adv. [1re e muet: l' à doit porter un accent grâve. _ L' Acad. en fait deux mots, de-là, et renvoie à là.] De ce lieu. Il se combine avec plusieurs prépositions; au delà de la Loire: en delà de la Seine, de delà le Rhône, par delà les Alpes~. _ Il passa de là à Paris. "De là il vint à Rouen, etc.
   Il se met quelquefois à la tête de la phrâse, comme une conséquence ou une suite de ce qu' on a dit auparavant. "La vanité a gagné tous les états. Delà ce luxe funeste, qui, etc. Delà la pudeur abandonée et méprisée, etc. etc.
   Rem. * Quelques-uns emploient delà, pour ensuite, qui est adverbe de temps. "Geoffroi fut premier Évêque de Lincoln, et delà Archevêque d' Yorck. Hist. d' Angl. Il falait dire, ensuite. Si l' Auteur avait dit; et delà, c. à. d. de Lincoln, il passa à l' Archévêché d' Yorck, delà aurait été bien placé, parce que, pâsser désigne le lieu. _ M. de Berault a dit aussi: "Ouvrier en cuivre et laiton... delà (ensuite) Médecin ou Charlatan. Histoire de l' Eglise. Et un des Auteurs des Lettr. Edif. "Delà à quelques mois j' eus à essuyer un aûtre coup plus acablant. Dans cette dernière phrâse, delà signifie, de ce temps-là; et n' est pas plus conforme à l' usage.
   2°. Quand delà n' est pas à la tête de la phrâse, il doit être placé plutôt après le verbe, que devant. "S' étant logé chez un de ces Indiens, delà il parcourut toutes les cabanes d' alentour. Lett. Edif. Il falait dire: Il se logea, etc. Dela il parcourut, etc. ou bien: "S' étant logé, il parcourut delà, etc.
   3°. Au delà désigne souvent autre chôse que le lieu. Sa paix, sa résignation, son détachement sont au delà de ce que l' on voit, Sév. c. à. d. surpassent encôre ce qu' on voit.

DÉLâBREMENT


DÉLâBREMENT, s. m. DÉLâBRER, v. a. [Délâbreman, lâbré; 1re é fer. 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Délâbrer, déchirer, mettre en lambeaux. Académie. Mettre en pièces, en désordre, en mauvais équipage. Trév. Cette seconde définition me parait meilleûre: elle renferme plus de manières, dont une chôse peut être délâbrée. Délâbrement: état d' une chôse délâbrée. Au propre, il se dit sur-tout, des meubles et des habits. On les a délâbrés; ils sont tout délâbrés; ils sont dans un grand délâbrement. = Au fig. on le dit des afaires. "Les banqueroutes qu' il a essuyées ont fort délâbré les afaires de ce Marchand. "Sans moi, vos afaires étoient fort délâbrées. Mol. "Armée délâbrée, réputation délâbrée; famille toute délâbrée, ruinée.

DÉLACER


DÉLACER, v. a. [1re et dern. é fer. Devant l' e muet, l' â est lon. Elle délâce.] Défaire un lacet, qui est pâssé dans les oeuillets d' un corps de jupe. On a dit délacer un corps, et délacer une femme: "Elle est évanouie, il faut la délacer.

DÉLAI


DÉLAI, s. m. [Délè; 1re é fer. 2e è moy.] Retardement, remise. Demander, obtenir un délai: Doner, prendre du délai.
   Rem. On a dit anciènement, délayer, pour différer. On dit ensuite dilayer. L' un et l' aûtre sont vieux. Dilayer ne se dit plus. Délayer a un aûtre sens.

DÉLAISSEMENT


DÉLAISSEMENT, s. m. DÉLAISSER, v. a. [Délèceman, lècé; 1re é fer. 2e è moy. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Délaisser, abandonner. Délaissement, état d' une persone, qui est abandonée de tout le monde, privée de tout secours, de toute assistance. "Dieu ne délaisse jamais ceux qui espèrent en lui. "Ses parens l' ont délaissée. "Elle est dans un entier délaissement.
   REM. Massillon lui fait régir la prép. à. "Une enfance délaissée à elle-même, et à tous les périls de la Royauté. Dans cette ocasion, Délaissé vaut mieux qu' abandoné, qui a aussi ce régime. _ Délaisser, abandoner, synon. Abandoner, se dit des persones et des chôses: Délaisser, ne se dit que des persones. Au Palais, on dit, délaissement d' un héritage, pour abandonement.

DÉLASSEMENT


DÉLASSEMENT, s. m. DÉLASSER, v. a. [Délaceman, lacé; 1re é fer. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Délasser, c' est ôter la lassitude. Délassement, repos qu' on prend pour se délasser. Ils se disent, de l' esprit comme du corps. "Après un travail si pénible, il faut se délasser, il faut du délassement. "Le changement d' ocupation et de travail délasse l' esprit, et quelquefois même le corps. "Le jeu doit être un délassement, et non pas une étude.
   Rem. On emploie quelquefois délasser neutralement, en sous-entendant~ le régime. L. Racine, dans la préface de son Poème de la Religion, dit: "Dans tout aûtre Poème Didactique, les fictions pourroient trouver place de temps en temps pour délasser de la froideur des préceptes et des raisonnemens. _ Le régime direct est sous--entendu, pour délasser l' esprit, ou le Lecteur.

DÉLATEUR


DÉLATEUR, s. m. DÉLATION, s. f. [Déla-teur, la-cion, en vers ci-on. 1re é fer.] Acusateur, Dénonciateur. Acusation, Dénonciation. "Cet Empereur écoutoit trop les Délateurs. "Il recevoit favorablement les delations.

DÉLATTER


DÉLATTER, v. a. [Délaté; 1re et dern. é fer.] Ôter les lattes de dessus un toit. "On a délaté ce toit.

DÉLAVÉ


DÉLAVÉ, ÉE, adj. [1re et 3e é fer. long à la 3e du 2d.] Il se dit des couleurs foibles et blafardes. "Ce bleu est trop délavé. _ On dit aussi, visage délavé, pâle, défait.

DÉLAYANT


DÉLAYANT, s. m. DÉLAYEMENT, s. m. DÉLAYER, v. a. [Délé-ian, ie-man, ié; 1re et 2e é fer. 2e e muet au 3e, é fer. au 3e.] Délayer, c' est détremper. Délayer de la farine, des oeufs, des couleurs, etc. Délayement, action de délayer. Délayant, remède, qui rend les humeurs plus fluides. "Les délayans s' emploient dans la plupart des maladies.
   Délayer, se dit au figuré. "Tout ce morceau, déjà trop long, est paraphrasé et délayé par le Traducteur. Journ. de Mons.

DÉLECTABLE


DÉLECTABLE, adj. DÉLECTATION, s. f. DÉLECTER, v. a. [Délèktable, ta--tion, té; 1re é fer. 2e è moy.] Ces mots fort à la mode autrefois, l' ont été beaucoup moins pendant quelque temps; ils recommencent à prendre faveur; mais il me semble qu' ils ne sont plus du beau style comme aûtrefois, et qu' ils ne sont guère propres que du style familier ou critique. l' Académie les met sans remarque. Elle dit seulement que se délecter est familier, et que délecter ne se dit qu' en fait de morale.
   DÉLECTABLE, agréable, qui plaît. Délectation, plaisir qu' on savoûre, qu' on goûte avec réflexion. Délecter, divertir, réjouir. Gresset dit dans sa Chartreûse, où il décrit sa Cellule jésuitique.
   Sur ce portrait abominable
   On penseroit qu' en lieu pareil
   Il n' est point d' instant délectable,
   Que dans les heûres du sommeil.
   "Il y a une diférence extrême entre le travail, qui produit à l' homme les chôses qui ne sont que délectables, et le travail, qui lui fournit son pain. Pluche. = Délectable ne fait pas bien en cet endroit. Des chôses de luxe ou de pur agrément seraient une meilleure expression. _ S. m. On a dit aûtrefois: "L' honête doit être préféré au délectable, et le Rich. Port. met encôre cette phrâse. "J' estime extrêmement ceux qui mêlent l' utile au délectable. Corneille. Aujourd'hui on dirait plutôt, à l' agréable. Voy. Plaisant.
   DÉLECTATION est de ces trois mots celui qui est le plus usité dans le discours familier; se délecter est aussi d' usage dans ce style. "Boire, manger, faire quelque chôse avec délectation. Prendre trop de délectation aux chôses du monde. "Se délecter à l' étude, aux beaux arts, à peindre, etc. "Ces initiations littéraires, où l' Hiérophante philosophe délecte les oreilles, et devient lui-même la Divinité qu' on encense. Linguet.

DÉLÉGATION


DÉLÉGATION, s. f. DÉLÉGUER, v. a. [Déléga-cion, déléghé; 1re et 2e é fer. 3e é aussi fermé au 2d.] Déléguer, en parlant des persones, c' est députer, comettre, envoyer quelqu' un avec pouvoir d' agir, de juger, etc. "Le Pape a délégué des Juges pour cette afaire. _ En parlant des chôses, assigner des fonds pour le paiement d' une dette. "Déléguer une somme pour payer un créancier.
   DÉLÉGATION, a ces deux significations. "Ce Juge ne peut conaître de cette afaire, même par délégation. "Faire, doner une délégation sur un fermier.

DÉLESTAGE


DÉLESTAGE, s. m. DÉLESTER, v. act. DÉLESTEUR, s. m. [Délèsta-ge, té, teur; 1re é fer. 2e è moy.] Délester, c' est ôter le lest d' un vaisseau. Délestage, est l' action de le délester. Délesteur, est celui qui est chargé du délestage.

DÉLEURRER


*DÉLEURRER, v. a. Détromper. Mot nouveau, ou renouvelé de l' ancien langage. "Peut-être que cette histoire déleurrera Mr. le Colonel, et le familiarisera avec le ton de toutes les dédicaces de Thèses. Anon. _ Déleurrer, n' est bon que pour le burlesque, ou la satire.

DÉLIBÉRANT


*DÉLIBÉRANT, ANTE, adj. [1re et 3e é fer. 4e lon.] Irrésolu, qui délibère sans cesse. Rich. Port. _ L' Acad. ne met pas ce mot. M. Linguet s' en est servi. "Elle (la Grande-Bretagne) continuera de désoler ses Délibérans voisins (les Hollandais.) C' est un néologisme, et pour l' emploi du mot, et pour la construction. Quand délibérant, employé adjectivement, serait selon l' usage, il ne ferait pas bien devant le substantif. Délibérans voisins, est une inversion fort dûre.

DÉLIBÉRATIF


DÉLIBÉRATIF, IVE, adj. DÉLIBÉRATION, s. f. DÉLIBÉRER, v. n. [Délibératif, tîve, ra-cion, ré; 1re et 3e é fer. 5e lon. au 2d.] Délibérer, c' est examiner, consulter en soi-même, ou avec les aûtres. Délibération, action de délibérer, consultation. "On a long--temps délibéré sur cette afaire. "On s' amûse en délibérations.
   DÉLIBÉRATIF, IVE, se dit avec genre et voix. En Rhétorique, le genre délibératif est ce genre de discours par lequel l' Orateur veut persuader, ou dissuader une chôse mise en délibération: "Cet Orateur excelle dans le genre délibératif. _ Avoir voix délibérative; c' est avoir voix de sufrage dans une compagnie. Voix délibérative, est oposé à voix consultative.
   Rem. 1°. Délibérer, opiner, voter (synon.) Délibérer, c' est peser le pour et le contre; opiner, c' est dire son avis, et le motiver; voter, c' est donner son suffrage, quand il ne reste plus qu' à recueillir les voix. J. J. Rouss.
   2°. DÉLIBÉRER, signifie aussi résoudre, et régit, comme ce verbe, de, et l' infinitif. "Il délibéra de se révolter. "On délibéra d' aller aux énemis. _ Délibération, signifie aussi résolution. "La délibération de la Sorbone fut que, etc. Les délibérations du Conseil, etc.

DÉLIBÉRÉ


DÉLIBÉRÉ, ÉE, adj. DÉLIBÉRÉMENT, adv. [1re, 2e et 4e é fer.] Chôse délibérée, conclûe, arrêtée. _ De propos délibéré, à dessein, exprès, après y avoir bien pensé. _ En parlant des persones: aisé, libre: Air délibéré. Cet homme est bien délibéré. _ Délibérément, a ce dernier sens: D' une manière délibérée: Marcher délibérément.

DÉLICAT


DÉLICAT, ATE, adj. DÉLICATEMENT, adv. DÉLICATESSE, s. f. [Délika, kate, kateman, katèce; 1re é fer. 4e e muet au 2d et 3e, è moy. au dern.] Délicat, est, 1°. Délicieux, agréable au goût: "Mets, vin délicat; viande, chère, table délicate. = 2°. Figurément, qui juge finement des chôses de l' art et de l' esprit. "Goût, jugement, esprit délicat. Oreille délicate, ou, dificile à contenter. "Vous êtes trop délicat: il ne faut pas être si délicat. _ On dit qu' une afaire est délicate, qu' une matière est délicate, qu' elle est dificile et dangereûse à traiter. = 3°. Faible. "Tempérament délicat, santé délicate. "Il a le sommeil délicat, le moindre bruit l' éveille. = 4°. Fin, délié. Teint délicat, peau délicate. Ouvrage délicat, pensée délicate. "Cet Artiste a la main délicate, le pinceau, le burin, le ciseau délicat. = 5°. Sensible, aisé à blesser, prompt à s' alarmer. "Il est délicat sur ce qui regarde la Religion, sa famille, ses amis: Il a la conscience délicate.
   DÉLICATESSE, s' emploie dans presque tous les sens de délicat. "Délicatesse des viandes, de la bone chère, de la table, etc. Délicatesse de jugement, d' esprit; d' un ouvrage, d' une pensée. Délicatesse du tempérament, de la santé. Délicatesse de conscience, etc. _ On dit au pluriel, les délicatesses (les finesses) de la Langue. Les délicatesses de la table, les mets délicats. = Délicatesse, se prend quelquefois pour mollesse. "Cet enfant est élevé avec trop de délicatesse, ou, trop délicatement. "Garder le lit par délicatesse, etc.
   DÉLICATEMENT, avec délicatesse, d' une manière délicate. Manger, se traiter, ou traiter les aûtres délicatement. Juger, travailler, écrire délicatement, etc.
   Rem. 1°. DÉLICAT n' aime pas à précéder le substantif. Ces délicates craintes, comme dit Molière, forment une inversion dûre, même en vers. Mde de Sévigné a dit aussi, "C' est une suite de notre délicate santé. On dit ordinairement, santé délicate.
   2°. DÉLICAT régit quelquefois la prép. à, devant l' infinitif; mais c' est moins par lui-même, que par la sourde influence du verbe être, qui est sous-entendu. "Fonctions aussi nobles que délicates à remplir. Vertot. On sous-entend qu' elles sont.
   En style proverbial, on dit d' un homme, qui fait le beau et le dificile, qu' il est délicat et blond. "La réputation des hommes est plus délicate et blonde que celle des femmes. Sév. Dans cet endroit, il sufisait de dire délicate; maîs l' agréable Auteur y ajoute blonde, pour faire allusion à l' expression proverbiale. Cela pourrait pourtant devenir ridicule, s' il était trop souvent répété.

DÉLICATER


DÉLICATER, v. act. [Délikaté; 1re et dern. é fer.] Traiter avec mollesse. "C' est gâter les enfans, que de les tant délicater. "Quand on aspire aux grandes chôses, il ne faut pas se délicater, il faut s' acoutumer à la fatigue, etc.

DÉLICES


DÉLICES, s. f. pl. [1re é fer. dern. e muet.] Plaisir, volupté. "Les délices des sens, de l' esprit. Goûter les délices de la vie; être plongé dans les délices, etc.
   Rem. 1°. Vaugelas, Th. Corneille, Ménage, ont remarqué, il y a déjà long-temps, qu' on ne dit plus, comme aûtrefois, c' est un délice, c' est un grand délice; et qu' on ne se sert plus de ce mot qu' au pluriel et au féminin. Mrs de l' Académie ne le condamnaient point dans leur Dictionaire, et dans les Observations sur les Remarques. Dans les éditions postérieures du Dictionaire, ils se contentent de dire qu' on dit quelquefois délice au singulier: C' est un délice: quel délice! "C' est un grand délice de boire frais. Rich. Port. "Trois heures sonnent, et je ne m' arrache qu' avec effort au délice de m' entretenir avec vous. Anon.
   2°. Quelques Auteurs l' ont fait masculin au pluriel, contre l' usage constant et universel. "L' on trouve, dans le comerce des sciences, tous les plaisirs et tous les délices de l' esprit. P. Rapin. "Ces âmes se dégoûtant de leurs premiers délices, et pressées d' animer des corps matériels, viennent en effet y habiter. P. Bouchet, Let. Édif. "On en voit d' autres qui naissent dans de magnifiques palais, et à qui il ne manque rien de tous les délices. Id. Ibid. Il falait, de leurs premières délices, de toutes les délices.
   3°. On dit, être les délices, faire les délices, et faire ses délices de... On a dit de Titus, qu' il était les délices du genre humain. "La lectûre fait les délices de cet homme; elle fait mes délices. "Son pere en faisoit ses délices, et le plus doux objet de ses soins. Marm. _ On dit aussi, faire ses délices de, et mettre ses délices à, avec l' infinitif. "Vous faisiez vos délices de vivre ensemble (ou, vous mettiez vos délices à vivre;) et depuis quand vous faut-il deux maisons? Id.

DÉLICIEUX


DÉLICIEUX, EûSE, adj. DÉLICIEûSEMENT, adv. [Déli-cieû, cieû-ze, cieû-ze--man, en vers, ci-eû, ci-eû-ze, ci-eûzeman; 1re é fer. 3e lon. 4e e muet.] Délicieux, extrêmement agréable. Délicieûsement, avec délices; d' une manière délicieûse. "Vin, mets, lieux, entretien délicieux. Vie, conversation délicieûse. "Vivre, boire, être nourri délicieûsement.
   Rem. DÉLICIEUX, ne se dit point des persones, du moins quand il est employé absolument. "Antioche étoit une ville délicieuse, dit Fleury, Hist. Eccl. Il veut dire en cet endroit, voluptueûse, et c' était le terme propre. L' Acad. dit, il est vrai, que délicieux se prend quelquefois pour voluptueux, qui aime le plaisir. "C' est un homme délicieux dans le boire et le manger: mais elle avertit qu' il ne se dit guère absolument en ce sens-là. _ Voluptueux, se dit des persones et des chôses: Délicieux, ne se dit que des chôses: il ne se dit pas même de toute sorte de chôses; et c' est une afèterie ridicule que de s' en servir à tout propôs, comme on le fait aujourd'hui. M. Marmontel, pour s' en moquer sans doute, fait dire à un des Personages de ses Contes: "Ah! le joli habit!... Approchez donc, que je vous voie. Il est délicieux, n' est-ce pas, Cléon? C' est moi qui l' ai choisi. "Des Romans délicieux, des Comédies pétillantes d' esprit, des Tragédies galantes, des Opéra d' amour fondu. Coyer. "Ce qui n' est qu' un peu difforme, est à faire horreur; ce qui est médiocrement bon, est délicieux; ce qui n' est qu' ébauché, est du dernier parfait: ils escaladent tous les superlatifs. Id. = Dans l' Ann. Litt. on dit, d' une Fable, qu' elle a été mise en vers par notre délicieux La Fontaine. Le jargon précieux gagne donc jusqu' aux plus sévères Critiques. _ On emploie aussi délicieûsement à tout propôs. Gresset s' en moque, en le mettant dans la bouche de Valère, le Petit-Maître manqué de la Comédie du Méchant:
   Enfin, c' est un monde charmant;
   Et Paris s' embellit délicieusement.

DÉLIÉ


DÉLIÉ, ÉE, adj. [Déli-é, li-é-e; 1re é fer. 3e é fer. aussi, long au 2d.] Grêle, mince, menu. Fil délié: trait de plume fort délié: toile déliée: tâille déliée. Voy. MENU. _ Figurément, esprit fin et délié. Voy. FIN. On le dit même des persones: C' est un homme délié, une femme fine et déliée, qui a beaucoup de finesse, d' habileté, de pénétration, d' adresse. _ Il se prend souvent en mauvaise part. _ Coyer, pour critiquer nos Prédicateurs modernes, dit, que dans l' Ile frivole, un Orateur prononça un discours très-fleuri sur des vertus si déliées, qu' elles ne donnoient aucune prise. _ Patru emploie délié substantivement. "Il régna, dans le Conseil, de ces subtils et de ces déliés, qui pensent que hors de leur terre et de leur soleil, il n' y a ni politique, ni prudence. Él. de Pompone de Bellievre. Outre que délié n' est pas substantif, il n' a pas aujourd'hui le sens de subtil, de rafiné. Quand on dit, un homme délié, on entend, un homme fin, rusé, habile dans les afaires et les intrigues.

DÉLIER


DÉLIER, v. a. [Déli-é; 1re et dern. é fer. devant l' e muet, l' i est long; il délîe: Au futur et au conditionel, je délierai, je délierais, l' e est tellement muet, qu' on ne le fait pas sentir: on pron. déliré, délirè, en 3 syllabes.] Détacher, séparer ce qui lie quelque chôse. On le dit, et du lien, et de la chôse liée. Délier des rubans, une corde, une atache; délier un paquet, une gerbe, un fagot. _ Figurément, absoûdre. "L' Église a le pouvoir de lier et de délier.

DÉLINQUANT


DÉLINQUANT, s. m. DÉLINQUER, v. n. [Dé-lein-kan, dé-lein-ké; 1re é fer. 2e lon. 3e lon. au 1er, é fer. au 2d.] Faillir, comettre un délit, une faûte, contrevenir à la loi. Hors du Palais, on ne le dit qu' en badinant. "C' est un délinquant; il faut punir les délinquans. "En quoi a-t-il, ai-je délinqué? On punira ceux qui ont, ou qui auront délinqué, etc.

DÉLIRE


DÉLIRE, s. m. [1re. é fer. 2e. lon. 3e. e muet.] Égarement d' esprit causé par la maladie. Il est dans le délire. _ Au figuré, le délire de la raison. _ On a critiqué dans l' esprit des Croisades, les délires de la victoire, et ce mot employé au pluriel. L' Acad. dit au propre: il est sujet à des délires: on pourrait dire aussi, il a de fréquens délires; mais ce n' est pas une conséquence pour le figuré.

DÉLIT


DÉLIT, s. m. [1re. é fer. On ne prononce pas le t final] crime. Il ne se dit qu' au Palais. Voy, Faûte. _ Le corps du ou de délit. Ce qui constate le crime, indépendament des circonstances. Avant que de condamner un criminel, il faut que le corps de délit soit constant, il faut qu' on soit assuré que le crime a été comis: s' il n' y a eu ni meurtre, ni vol, comment pouvez-vous le poursuivre comme meurtrier et voleur. _ Etre pris ou surpris en flagrant délit, être pris sur le fait.
   L' Auteur des Numéros dit plus d' une fois délits d' État. Ces deux mots ne vont pas bien ensemble, et comme dit Rousseau.
   Heurlent d' éfroi de se voir acouplés.

DÉLIVRANCE


DÉLIVRANCE, s. f. DÉLIVRER, v. a. [1re. é fer. 3e. lon. au 1er. é fer. au 2d.] Délivrer c' est, 1°. Mettre en liberté, afranchir de quelque mal. "Il délivra son pays des tirans, des barbâres. Délivrer quelqu' un de prison, de captivité. "Seigneur délivrez-nous du mal, etc. Quelquefois il n' a que le régime direct. Délivrer les captifs, les prisoniers. = 2°. Acoucher. "La sage-femme, qui l' a délivrée: "Elle s' est heureûsement délivrée (Elle est acouchée) d' un garçon. Acad. = 3°. Livrer, mettre entre les mains. "Délivrer de la marchandise. Délivrer de l' argent, des deniers, etc.
   DÉLIVRANCE a ces trois significations. La délivrance d' un mal, d' un prisonier, etc. "Cette femme a eu une heureûse délivrance. "Quand la délivrance de la marchandise aura été faite.
   Rem. La Touche observe que quelques persones et surtout les Saintongeois prononcent delivrance, delivrer par un e féminin, ou muet. Trévoux ne mettait point d' accent: on en a mis un dans la suite.

DÉLIVREUR


*DÉLIVREUR, s. m. Vieux mot. Libérateur. Il ne peut être bon aujourd'hui que pour le burlesque.
   Ce délivreur d' Andromède
   Vit moins de monts et moins de vaux.       Voit.
Le Rich. Port. met délivreur, celui qui rend une chôse confiée à ses soins: en badinant, libérateur. Ce mot n' est en usage dans aucun de ces deux sens.

DÉLOGEMENT


DÉLOGEMENT, s. m. DÉLOGER, v. n. et a. [1re. é fer. 3e. e muet au 1er, déloge--man; é fer. au 2d, délogé.] Déloger neutre, c' est quiter un logement pour aler loger ailleurs. Délogement est l' action de déloger. "Il faut qu' il déloge: les troupes ont délogé, ont décampé. C' est le temps du délogement. Délogement des gens de guerre logés par étape. _ Déloger sans trompette (st. prov.) Sortir doucement et sans bruit du lieu où l' on est, soit par discrétion; soit pour ne pas payer ce qu' on doit; soit pour éviter quelque mauvaise afaire.
   C' est à ce coup qu' il faut décamper mes enfans,
   Et les petits en même temps
   Délogèrent tous sans trompette.
       La Font.
DÉLOGER, actif est 1°. faire quiter à quelqu' un son logement. "Je ne veux pas vous déloger. = 2°. Le faire sortir d' une place comode où il s' étoit mis. "Ils s' étoient mis aux premiers rangs: on les en a délogés. 3°. En termes de guerre, faire quiter un poste, chasser d' un poste. "On délogea l' ennemi de ce poste.
   Rem. M. Formey a employé délogement au figuré. "Il se vit dépérir et vit avec une résignation philosophique et chrétiène les avant-coureurs d' un prochain délogement, c. à. d. d' une mort prochaine. Je pense que cette expression ne sera pas du goût de tout le monde, et qu' elle paroîtra peu convenable dans un ouvrage sérieux. On ne pourroit le dire qu' en plaisantant.

DÉLOYAL


DÉLOYAL, ALE, adj. DÉLOYALEMENT, adv. DÉLOYAUTÉ, s. f. [Déloa-ial, ale, aleman; déloa-io-té: 1re. é fer. 3e. dout. au dern. Richelet écrit déloïal, déloïauté, etc. mais l' ï trema n' exprime point la prononciation de ces mots; car l' o en étant détaché ne forme plus avec l' i la diphtongue oi] Perfide. Perfidement. Perfidie. Ami déloyal. En user déloyalement. Insigne déloyauté.
   Rem. L' Auteur des Réflexions sur l' usage présent de la langue (qui est un usage déjà ancien) trouvait que ces mots étaient encôre beaux en poésie. L' Acad. n' en distinguait point l' usage, et elle a continué de les mettre sans remarque. On peut pourtant dire qu' aujourd'hui ils sont peu usités soit en vers, soit, et encore plus, en prôse, du moins dans le stile soutenu. On peut ajouter que c' est domage. Ces mots, ainsi que tant d' aûtres, ont péri sans être remplacés. Le simple loyal a été rélégué dans le stile familier, où il ne parait pas même souvent. On a apauvri la langue en laissant perdre beaucoup de mots sonôres et énergiques, et les nouveautés éphémères et souvent peu heureûses ne l' enrichissent pas.

DÉLUGE


DÉLUGE, s. m. [1re. é fer. dern. e muet] Inondation, grand débordement d' eau. Il se dit principalement du Déluge universel qu' on apèle absolument le déluge. _ On dit figur., un déluge de maux, un déluge de sang; un déluge de larmes, de pleurs: "elle nous acabla, si cela se peut dire, de ce déluge de confiance et de récits que je vous raporte ici. Mariv. Cette derniêre phrâse même avec son correctif, ne peut être bonne que dans le stile plaisant.

DÉMâILLOTER


DÉMâILLOTER, v. a. [Démâ-glio-té: 1re. et dern. é fer. 2e. lon. mouillez les ll] ôter un enfant du mâillot.

DEMAIN


DEMAIN, adv. De temps [de-mein: 1re. e muet.] Il sert à marquer le jour qui suit immédiatement celui, où l' on est, relativement à celui qui parle. Il arrivera demain. Je le ferai demain. Quand on parle d' un temps passé par raport à celui qui parle, et présent relativement à celui dont on parle, il faut dire le lendemain. "Il le pressa tant qu' il promit de le faire le lendemain, et non pas demain. "On me pria à diner pour le jour que je voudrois; je promis de m' y rendre le lendemain et non pas demain.
   Rem.Demain peut se placer ou avant, ou après le verbe; jamais~ pourtant entre l' auxiliaire et le participe. Demain j' irai, ou j' irai demain; quand demain nous serons allés, ou quand nous serons allés demain; et non pas quand nous serons demain allés.
   2°. Doit-on dire demain matin, ou demain au matin? Tous deux sont bons, répond Vaugelas, mais selon lui, il faut dire jusqu' à demain matin, et non pas jusqu' à demain au matin, quoiqu' on dise fort bien jusqu' à demain au soir. Th. Corneille est d' un sentiment contraire, et non seulement il ne condamne pas jusqu' à demain au matin, mais il le troûve meilleur que jusqu' à demain matin. _ L' Acad au mot matin, dit demain au matin, et plus ordinairement demain matin.
   DEMAIN est aussi subst. Mais il ne prend point l' article; et il ne se dit qu' au nominatif et à l' acusatif. "Avant que demain soit passé. "Demain est un jour de fête. "Vous avez tout demain pour y penser. _ Dans demain est vieux: on dit, dans tout demain, ou bien dans tout le jour de demain.

DÉMANCHER


DÉMANCHER, v. a. [1re. et dern. é fer. 2e. lon.] Ôter le manche d' un outil, d' un instrument. Démancher une cognée, un couteau, un balai. "Ce couteau s' est démanché, ce balai se démanche. _ Au figuré se démancher se dit d' une afaire qui comence à mal aller, d' un parti qui se détruit par la désunion. "Cette afaire, se démanche; ce parti comence à se démancher.