Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI COUROIE


COUROIE, COUROUX, COUROUCER. Voy. COURROIE, etc. avec 2 r.

COURONNE


COURONNE, ou COURONE, s. fém. COURONNER, ou COURONER, v. a. [dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] La Courone se dit, 1°. d' un ornement de tête qu' on met pour marque d' honeur, ou en signe de joie. Courone de laurier, de lierre, d' olivier, de fleurs, etc. _ Figurément, la Courone du Martyre: la Courone de gloire; de jutice, des Saints, la béatitude, céleste. = 2°. Ornement de tête, que portent les Princes pour marque de leur dignité. "Courone Impériale, Royale, Ducale, etc. et par extension, Courone de Comte, de Marquis, de Baron, mais seulement en parlant des armoiries. _ La triple Courone, la Tiare du Pape. = 3°. Figurément, souveraineté. Aspirer à la Courone; renoncer à la Courone; à son avènement à la Courone. _ Etat régi par un Roi, la Courone d' Espagne, de France, les Courones du Nord, etc. _ Traiter de Courone à Courone, de Souverain à Souverain. = 4°. Tonsûre cléricale. = 5°. Chapelet qui n' a qu' une dixaine.
   COURONER; 1°. mettre une Courone sur la tête. Il se dit, ou avec le seul régime simple (l' acusatif), couroner un Pape, un Roi, celui qui a gagné le prix, une victime, etc. ou il a pour 2d régime la prép. de: l' on couronait les vainqueurs de lauriers. = 2°. Honorer, récompenser. Dieu courone les Martyrs, les Saints. C' est couroner le crime que d' élever ce méchant à cette dignité.
   Rem. Couroner, au figuré, se dit élégamment des chôses, en style poétique. Depuis le cèdre, qui courone le front des montagnes, jusqu' à l' or, à l' argent, aux pierres précieûses qui repôsent au centre des abymes. _ "Il chantoit les fleurs, dont le Printemps se courone. = On dit, dans un style plus simple, et dans un sens diférent, que des arbres se couronent, pour dire qu' ils se dessèchent par la tête.
   * M. Racine le fils done à couroner, pour régime relatif, la prép. sur. "Qu' a-t-on à craindre pour Bérénice? Son Amant, qui la courone sur tant d' États, s' empresse lui-même à essuyer les larmes qu' il fait couler. Il a copié en cet endroit son père, qui dit de Titus:
   Il va sur tant d' États couronner Bérénice.
Mais ce qu' on pardone en vers, on ne le soufre pas toujours dans la prôse. On dit, régner sur, étendre son empire sur: mais on n' en peut rien conclurre en faveur de, couroner sur.

COURONÉ


COURONÉ, ÉE, adj. Les Têtes Couronées; les Rois, les Souverains. _ Ouvrage couroné; pièce de fortifications. _ Pays couroné (environé) de montagnes. _ Cheval couroné, qui s' est souvent blessé aux genoux en tombant, et à qui le poil du genou est tombé.

COURONÉE


COURONÉE, s. f. Rime anciène, formée par la répétition des dernières syllabes du pénultième mot de chaque vers: exemple:
   La blanche colombelle belle
   Souvent je vais priant, criant

COURRE


COURRE, v. a. il a le même sens que Courir, et il ne se dit que dans quelques phrâses: courre le cerf, le daim, le lièvre; courre la poste, courre la bague; courre ou courir sus; laisser courre, découpler les chiens; le laisser courre (s. m.) Le lieu où on les découple. _ Doner à courre à quelqu' un, le mettre dans la nécessité de faire bien des pas. Courre, ou courir le guilledou, aler en débauche. Autrefois on l' employait plus souvent à la place de courir. "Les périls, que j' ai à courre en ce voyage ne m' étonnent point. Voit.
   De ces jeunes guerriers la Flote vagabonde
   Alloit courre fortune aux orages du monde.
       Malherbe.
Vaugelas remarque qu' on dit, courre ou courir fortune, mais que le 1er est plus en usage. L' usage a changé, et courre fortune ne se dit plus. La Touche le trouvait bon, il n' y a pas encôre si long-tems. Il est certainement très-peu usité aujourd'hui, même dans le style familier.

COURRIER


COURRIER, COURRIèRE. V. COURIER, COURIèRE.

COURROIE


COURROIE, s. f. [Kou-roâ. Dans le Rich. Port. on met couroie avec une seule r. L' Acad. en met deux.] Lien de cuir: Atacher avec des couroies. _ Etendre la couroie, en style fig. fam. c' est étendre ses droits, les permissions, les dispenses.

COURROUCER


COURROUCER, v. a. COURROUX, s. m. [Kou-rou-cé, Kou-roû: 2e lon. au 2d. Plusieurs écrivent Couroucer, couroux avec une seule r, et l' on peut, sans grand inconvénient l' écrire de la sorte.] Courroux, colère, emportement. Voyez COLèRE. Courroucer, irriter, mettre en courroux. Le plus grand usage de ces mots est dans le style soutenu. Le courroux de Dieu, du Ciel, d' un Prince, d' un père, etc.
   C' est le courroux des Rois, qui fait armer la terre,
   C' est le courroux du Ciel, qui fait armer les Rois.
       Rousseau.
Entrer, se mettre en courroux. Éviter, apaiser, fuir le courroux; irriter, provoquer le courroux.
   On dit, figurément, le courroux du lion, du taureau, de l' éléphant, de la mer, des flots; poétiquement, le courroux de Neptune, le courroux du Ciel, l' enfer en courroux. _ "C' est elle (la Providence) qui apaise les flots en courroux, et retient, ou déchaine les vents.
   Courroucer, se dit aussi au propre et au figuré. "Ses crimes ont courroucé le Ciel contre lui: le Prince est courroucé. Dieu se courrouce contre les méchans. = Quand la mer se courrouce, est courroucée. _ * Se courroucer, pour se fâcher, est vieux et populaire. "Quelqu' un des assistans, à l' heure qu' on le farçoit (Socrate) et qu' on le gaudissoit, lui demanda: ne te courrouce-tu point de te voir publiquement blasoner? Amiot.
   Rem. 1°. Les anciens Poètes emploient courroux au pluriel.
   Des courroux légitimes.
       Malherbe.
  Je n' ai rien de fragile en moi,
  Que mes courroux qui sont de verre.
      Desportes.
  Plus tes courroux sont grands, plus ils sont légitimes.
      Racan.
Les Anciens aimaient les pluriels, et ils leur étaient souvent utiles. Nos Poètes ont laissé perdre le privilège de les employer au besoin.
   2°. Vaugelas n' aimait pas, être courroucé dans le propre. La Mothe le Vayer et Th. Corneille étaient d' un sentiment contraire, et ce sentiment a prévalu. En parlant de Dieu et des Princes, il vaut mieux qu' être en colère. Dieu est courroucé contre son Peuple.

COURS


COURS, s. m. [On prononce l' s.] 1°. Flux, mouvement de quelque chôse de liquide. Le cours d' une rivière: il faut que les eaux aient leur cours. Doner cours à l' eau. Arrêter, empêcher, retarder, couper, rompre le cours. Prendre son cours. "La rivière a pris son cours par le côté droit du vallon. _ Figurément, Arrêter, retarder le cours d' un procès, d' une afaire. "Qui que ce soit, qui lui ait doné cours, (à cette nouvelle) il faut que vous m' avouiez que c' est la plus méchante et la plus dangereûse persone du monde. Voit. "Les hommes font les hérésies: les femmes leur donent cours. D' Avr. = 2°. Au Figuré, aussi, progrès. Le cours de ses victoires, de son bonheur, de ses malheurs. Le cours du mal, des erreurs, etc. Couper cours à la faction, aux erreurs qui se glissent: "Sera-t-il en votre pouvoir de couper cours à des maux, dont vous aurez été les auteurs? Bourd. _ * L' Ab. Prévot dit: Couper le cours: "Lorsqu' on eut coupé le cours à l' avarice de Tristan d' Atayde. C' est couper cours, qu' il falait dire. C' est ainsi que le dit l' Acad.
   3°. Cours, se dit de l' étude que l' on fait de suite en toutes les parties d' une science. Cours de Théologie; de Philosophie; de Belles-Lettres; de Physique expérimentale; de Chimie, etc. = 4°. Il se dit encôre des chôses qui sont en vogue. Livre, qui a cours; monoie qui a cours; mode, étofe qui a cours, qui n' a plus de cours. _ Le cours du marché, de la place, le prix auquel les denrées se vendent. = 5°. L' étendue, sans avoir égard à la hauteur. Tapisserie de six aûnes de cours. = 6°. Promenoir. Le petit cours, le grand cours. _ * On dit souvent en Provence, demeurer sur le Cours, se promener sur le cours. C' est, au cours qu' il faut dire.
   Rem. S' il faut en croire Ménage, on dit indiféremment le cours, ou la course d' une rivière. Il cite pour exemple ces vers de Ronsard;
   Bien que la course de Sarte,
   Qui ton Maine fait valoir,
   En serpentant ne s' écarte
   Du cours de mon petit loir.
Ronsard n' est pas aujourd'hui une autorité à citer; et dailleurs, si course d' une rivière peut se dire en Poésie, il n' est pas bon en prôse. _ Malherbe a dit aussi:
   Et même ces canaux ont leur course plus belle,
   Depuis qu' elle est ici.
* Racine a dit, la course, pour le cours des plaisirs.
   Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs..
   Ou si quelque chagrin en interrompt la course,
   Tout l' univers soigneux de les entretenir,
   S' empresse à l' éfacer de votre souvenir.
       Britannicus.
Sans la contrainte de la rime, le Poète aurait dit, en interrompt le cours. _ * Le Traducteur du Voyage d' Anson dit, au contraire, cours, pour course ou route. "Après cet accident, nous continuames notre cours vers le Sud. M. Targe dit aussi, que le Prince Charles continua son cours jusqu' aux Isles occidentales de l' Écosse. C' est un anglicisme, et la traduction trop littérale du mot anglais course. _ On dit pourtant, voyage de long cours: mais on ne dit pas cours pour voyage.

COURSE


COURSE, s. f. [2e e muet.] Action, mouvement de celui qui court. Course légère, longue, pénible. "Léger, vite à la course. Prendre les lièvres, les chevreuils à la course. La course des chevaux, des chariots. = 2°. Acte d' hostilité, en courant les mers, ou en entrant dans le pays énemi. Vaisseau qui est en course, armé en course. Faire des courses dans le pays des énemis. = 3°. Voyages faits pour quelqu' un. Que de courses n' ai-je pas fait pour ses afaires? Il m' a bien mal payé de mes courses. = 4°. Ce que gagne le Courier pour les frais du voyage et pour récompense de sa peine. Il a eu vingt-cinq louis pour sa course. = 5°. Le cours d' un emploi, d' un travail. Il a heureusement fourni, ou achevé sa course. "Il représenta que pendant une course de 40 ans, il n' avoit jamais cessé d' être fidèle à l' honneur. Hist. des Stuarts. _ On l' a dit aussi de la durée de la vie: Il a fini ou terminé sa course. _ 6°. On dit, poétiquement, la course du Soleil, de la Lune.
   Rem. Dit-on faire course vers, pour faire route? Je ne le crois pas. Le Traducteur du Voyage à la Mer du Sud le dit souvent. Cela a tout l' air d' un anglicisme. Voyez COURS, à la fin.

COURSIER


COURSIER, s. m. [Kour-cié; 2e fer.] Il se dit, 1°. d' un cheval de haute tâille. Grand coursier: monté sur un coursier. _ En Poésie, on le dit pour cheval, quel qu' il soit. = 2°. Passage de la poupe à la proûe dans une galère. = 3°. Canon qui est sous le coursier.

COURSON


COURSON, s. m. Branche de vigne tâillé et racourcie à trois ou quatre yeux. = Branche d' arbre de cinq ou six pouces, que le Jardinier conserve, lorsqu' il est obligé de couper les aûtres.

COURT


COURT, COURTE, adj. 1°. Qui a peu de longueur. Il est oposé à long. Acad. Qui n' est pas si long qu' une autre chôse de même espèce. Trév. Petit, qui n' est pas long. Rich. Port. La 1re définition est la seule raisonable. "Cheveux courts, courte queûe. Habit, manteau court, robe fort courte, etc. = 2°. Qui ne dure guère. La vie de l' homme est fort courte: huit jours sont un terme trop court, etc.
   REM. I. Court, se joint à plusieurs verbes. Tenir quelqu' un de court, lui doner peu de liberté. "On étoit, chez les Perses, dans la classe des enfans jusqu' à 16 ou 17 ans.... C' est alors qu' on les tenoit plus de court. Rollin. Je crois que l' Auteur aurait dû dire; c' est alors qu' on étoit plus atentif à les tenir de court. Car ces sortes d' expressions, consacrées par l' usage, ne soufrent point de modification. _ Prendre quelqu' un de court: le presser sans lui doner le temps de satisfaire. _ Le faire court, abréger: pour le faire court, je me contente de dire que, etc. Il est populaire, dit l' Acad. On dit mieux, pour couper court, sans régime. _ Couper court à quelqu' un, a un autre sens. Le quiter brusquement, ou lui faire une réponse décisive, qui le réduit au silence. _ S' en retourner tout court; aussitôt, dans le même temps. _ Se trouver court: ne pouvoir parvenir à quelque dessein. _ Demeurer court. Voyez DEMEURER. _ Tirer au court bâton; ne vouloir pas céder, le disputer à, etc. Tirer à la courte paille, c. à. d. au sort.
   2°. Court, entre aussi dans plusieurs phrâses, la plupart proverbiales. "On dit d' un homme industrieux, que l' herbe sera bien courte, s' il ne trouve à brouter; de celui qui revient sans avoir réussi, qu' il revient avec sa courte honte. On dit aussi, pour exprimer la même chôse, que ses bras ont été trop courts, ou son épée trop courte, qu' il a été court d' un point, etc. _ Être court d' argent ou de finance, en avoir peu, ou n' en avoir point. _ Avoir la vue courte, n' y voir pas de loin; ce qui se dit au fig. comme au propre. Les vues de cet homme sont courtes, il a peu de prévoyance. _ Le plus court, ou, le chemin le plus court est de faire.... Le plus expédient, ou le meilleur moyen, est, etc. C' est-là votre plus court; C' est le plus court pour vous. _ Les plus courtes folies sont les meilleures.
   Être court~, ne parler pas long-temps, se dit d' un Prédicateur, d' un Avocat. "Je serai court; il a été fort court. _ Être court de mémoire, ou avoir courte mémoire: manquer de mémoire. _ Avoir l' esprit court, fort borné.
   3°. Tout court, adv. Sans addition, sans restriction. "Monsieur tout court. _ Il n' est pas du beau style. * Un Protestant acûse les Catholiques de faire des Saints un Dieu tout court. Cela est dit aussi bassement et ridiculement, qu' injustement et calomnieûsement. _ Un aûtre Auteur, parlant des diférens sels, dit: les sels tartareux, les sels acides, les sels tout court, pour dire, le sel commun. Cela n' est pas trop bien dit non plus. _ Mallebranche emploie aussi cette façon de parler, d' une manière bisârre, et qu' on traiterait de ridicule dans un aûtre. Parlant des éloges outrés, que les Commentateurs donent aux Auteurs qu' ils commentent, il dit: on ne commente guère les ouvrages des hommes tout court, ce sont toujours les ouvrages d' hommes tout divins, etc.

COURTAGE


COURTAGE, s. m. [Trév. met aussi couretage: celui-ci ne se dit plus.] L' entremise, la négociation d' un Courtier.

COURTAUD


COURTAUD, AûDE, s. m. et f. [Kour--to, tôde: 2e dout. au 1er, lon. au 2d.] 1°. Qui est de tâille courte et entassée: Gros Courtaud, grosse Courtaûde. _ Courtaud de boutique, garçon de boutique chez les Marchands. = 2°. Courtaud, cheval à qui l' on a coupé les oreilles et la queue. _ On apèle aussi de ce nom, un chien qu' on a mutilé de la sorte. _ D' où vient la phrâse proverbiale: étriller, froter quelqu' un en chien courtaud, le bien batre.

COURTAUDER


COURTAUDER, v. a. [Kour-todé.] Couper la queûe. On ne le dit que du cheval. Acad. Pourquoi ne pourrait-on pas le dire aussi d' un chien et d' un chat?

COURT-BOUILLON


COURT-BOUILLON, s. m. Manière d' aprêter le poisson. Une carpe court-bouillon.

COURTE-BOTTE


COURTE-BOTTE, s. f. En style badin et populaire; petit homme.

COURTE-HALEINE


COURTE-HALEINE, s. f. Asthme.

COURTEMENT


*COURTEMENT, adv. Brièvement, en peu de mots. Trév. Il est vieux et hors d' usage. Fénélon s' en est encôre servi dans le Télémaque: "Il racontoit si bien les choses passées, qu' on croyoit les voir: mais il les racontoit courtement, et jamais ses Histoires ne m' ont lassé.

COURTE-POINTE


COURTE-POINTE, s. f. Couvertûre piquée avec ordre et propreté. La raison et l' analogie demanderait qu' on dît contre-pointe, puisqu' on dit contre-pointer. On le disait ainsi aûtrefois; mais l' usage a prévalu de dire courte-pointe.

COURTIER


COURTIER, s. m. COURTIèRE, s. f. [Kour-tié, tïère; 2eé fer. au 1er, è moy. et long au 2d.] On a dit aûtrefois Couratier, Couratière. _ Courtier, est celui qui s' entremet de ventes et d' achats. Courtier de change, de vin, de chevaux. = On apèle, par raillerie, Courtier, ou Courtière de mariage, celui ou celle qui se mêle de faire des mariages.
   En Provence, on apèle de ce nom les Fripiers et les Fripières. Il n' est pas français en ce sens. _ À~ Marseille, on apèle les Courtiers Censaux. L' origine de ce mot est au Levant. On comence à ne plus le dire aussi comunément qu' aûtrefois.

COURTILIèRE


COURTILIèRE, s. f. [Trév. écrit courtillière avec 2 ll.] Insecte, qui se forme dans le fumier, et qui fait beaucoup de dégât dans les jardins.

COURTINE


COURTINE, s. f. 1°. Aûtrefois, rideau de lit. = 2°. En termes de Fortifications, le mur qui est entre deux bastions.

COURTISAN


COURTISAN, ANE, s. m. et f. [Kour--tizan, zane.] Ce mot a un sens bien diférent, au fém., de celui qu' il a au masc. On ne dit pas, une Courtisane, d' une femme de la Cour, comme on dit, un Courtisan, d' un homme qui est ataché à la Cour, qui fréquente la Cour, qui est assidu à faire sa Cour. _ Une courtisane, est une fille ou femme de mauvaise vie. = On dit de même, d' un homme, que c' est un coureur; mais on ne dirait pas d' une honête femme, que c' est une coureûse. Voy. COUREUR.
   Rem. On a dit ancièment Courtisane, pour Dame de la Cour. Un nomé Jean des Caures, qui écrivait dans le seizième siècle, invectivant contre les miroirs portatifs, que les petites-maitresses de ce temps-là avaient toujours avec elles, finit par dire que, "Bien qu' il n' y ait que les Courtisanes et Demoiselles qui en usent, si est-ce que avec le temps n' y trouvera bourgeoise ou chambriere, qui par accoutumance, n' en veuille porter. Sabat. Trois Siècles, etc.
   On dit quelquefois, le Courtisan, pour les Courtisans. Voy. SINGULIER, à la fin. "Rien de plus rusé, de plus souple, et de plus flexible que le Courtisan: c' est un Protée, un caméléon.

COURTISER


COURTISER, v. a. [Kourtizé; 3eé fer. devant l' e muet l' i est long: Il courtise, il courtisera, etc.] Faire la cour à quelqu' un, dans l' espérance d' en obtenir quelque chôse. La Touche dit que dans le sens de faire l' amour, ce terme est vieux, et que l' on ne s' en sert que dans le burlesque; mais que dans le sens de faire sa cour, il est encôre en usage: il faut ajouter, mais seulement dans le style familier, badin ou critique. "Je ne saurois courtiser persone. "Il courtise ce vieillard pour avoir sa succession. "Courtiser les Dames; être assidu auprès d' elles, pour leur plaire. "Il est galant, il courtise les Dames. "Il y a long-temps qu' il courtise une telle. Dans ce dernier exemple, qui est de l' Acad., courtiser paraît avoir le sens de faire l' amour; et je crois, comme La Touche, que ce mot est vieux dans ce sens-là. = On dit figurément, courtiser les Muses; être adoné aux Belles-Lettres, sur-tout à la Poésie.
   Rem. Suivant le Dict. de Trév., courtiser vieillit, et c' est depuis long temps; car on le dit vieux tout au comencement du siècle. On y ajoute, qu' il n' est bon que dans le style bâs, familier et burlesque. C' est beaucoup trop dire. Dans le Rich. Port. on dit seulement, style familier. _ L' Acad. qui le borne aussi à ce style, avertit qu' il ne se dit pas d' un sujet à l' égard de son Souverain. Ainsi, l' on ne doit pas dire, il courtise assidument le Roi: il faut dire, il fait assidument sa cour au Roi. _ J' ajoûte, qu' on ne le dit d' un particulier à l' égard d' un Grand, d' un Prince, que pour se moquer et pour critiquer.
   Rousseau, parlant de la vertu, dit:
   Quel espoir de bonheur lui peut être permis,
   Si, pour avoir la paix, il faut qu' elle s' abaisse
   À~ toujours se contraindre, et courtiser sans cesse
   Jusqu' à ses ennemis?
   Courtiser, est bien placé en cet endroit, mais il ne ferait pas également bien âilleurs dans le style relevé.

COURTOIS


COURTOIS, OISE, adj. COURTOISEMENT, adv. COURTOISIE, s. f. [Kour-toâ, toâ-ze, zeman, zi-e; 2e lon. 3ee muet au 2d et 3e, lon. au 4e.] Civil, afable, gracieux, poli. _ D' une manière courtoise. = Civilité, politesse: "Il est fort courtois; il n' est guère courtois. "Il le reçut fort courtoisement. Il l' a traité avec beaucoup de courtoisie. _ Bon ofice rendu: "Je vous remercie de votre courtoisie.
   Rem. Il y a long-temps que ces mots ont cessé d' être du bel usage. Nous disons, dit Bouhours, civil, honnête, civilité, honnêteté. Mrs. de l' Acad. ne les condamnaient point, dans la 1re édit. de leur Dict. Dans les suivantes, ils se contentent de dire que courtois comence à vieillir: ils ne disent rien des aûtres. Dans la dernière, ils disent de l' adj. et de l' adv., qu' ils vieillissent, et du subst., qu' il est du style familier La Bruyère paraît regretter courtois: "Valeur, dit-il, devoit nous conserver valeureux; joie, jovial; Cour, Courtois.

COURU


COURU. Voy. COURIR, à la fin.

COUSIN


COUSIN, SINE, s. m. et f. COUSINAGE, s. m. COUSINER, v. a. [Kou-zein, zine, zinage, ziné.] Il se dit de ceux qui sont issus, ou de deux frères, ou de deux soeurs, ou l' un du frère, l' aûtre de la soeur. "Cousins germains. Les enfans de ceux-ci s' apèlent cousins issus de germains; populairement, cousins seconds. Ceux qui sont plus éloignés s' apèlent cousins au 3e, au 4e degré, et non pas, cousins troisièmes, quatrièmes.
   Rem. 1°. Nos anciens disaient, cousin remué de germains, et on le dit encôre dans la plupart des Provinces: mais on dit, à Paris, issu de germain, et c' est comme il faut dire. Mén.
   2°. COUSIN, n' est pas du beau style; et l' on ne dirait pas aujourd'hui, dans une Tragédie, comme P. Corneille a dit, dans celle d' Horace, que chacun, dans l' armée énemie, reconaît un beau-frère, un cousin.
   3°. En style proverbial, cousin signifie quelquefois ami. "Si vous faites cela, nous ne serons pas cousins. _ Si telle chôse m' arrivait, le Roi ne serait pas mon cousin; je m' estimerais plus heureux que le Roi. _ On dit aussi burlesquement, qu' un homme est mangé de cousins, quand, sous prétexte de cousinage, une foule d' importuns viènent piquer sa table. C' est un jeu de mots sur les deux sens de cousin, qui signifie, parent, et insecte qui pique. Voyez plus bâs.
   COUSINAGE, est la parenté qui est entre cousins. "Ils s' apèlent cousins: d' où vient ce cousinage? _ Il se prend aussi pour toute l' assemblée des parens: Il a prié à ce repas tout le cousinage.
   COUSINER, c' est apeler quelqu' un cousin. "Il vous cousine; de quel côté est-il votre cousin? Ils se cousinent, mais ils ne sont point parens; ils ne sont qu' alliés fort éloignés. _ On dit, dans le Dict. de Trév., qu' il n' y a que les Provinciaux qui se cousinent. Ce terme de familiarité n' est point en usage à la Cour.
   COUSINER, est aussi neutre, pour signifier, aler piquer les tables des parens vrais ou prétendus; ce qui se dit sur-tout des paûvres Gentilshommes de campagne. "Il va cousiner chez l' un, chez l' aûtre.
   COUSIN, s. masc. COUSINIèRE, s. fém. [Kou-zein, zi-niè-re; 3eè moy. et long au 2d.] Cousin, est une espèce de moucheron piquant et importun. Cousinière, est une sorte de gaze, ou de toile de canevas, dont on entoûre un lit, pour se garantir des cousins.

COUSSIN


COUSSIN, s. m. COUSSINET, s. m. [Kou-cein, cinè; 3e è moy. au 2d.] Coussin, est une sorte de sac cousu de tous les côtés. Acad. Un oreiller ou carreau (Trév.) rempli de plumes, de bourre, de laine, d' étoupe, ou de crin, pour s' apuyer, s' asseoir dessus, etc. _ Coussinet, est une petit coussin.

COUSU


COUSU. Voy. COûDRE, à la fin.

COûT


COûT, s. m. COûTANT, adj. m. [Koû, koû-tan: l' oû est long.] Coût, est ce qu' une chôse coûte. Il est vieux, et ne se dit qu' au Palais, dans cette phrâse: les frais et loyaux coûts; et dans cette phrâse proverbiale: le coût en fait perdre le goût. _ Anciènement on l' employait en toute ocasion. "On trouveroit en France tout ce qui est nécessaire, quoique peut-être avec un peu plus de peine et de coût. Test. de Louvois.
   COûTANT, ne se dit qu' avec prix. Je vous le done au prix coûtant, au prix qu' il m' a coûté.

COUTEAU


COUTEAU, s. m. COUTELAS, s. m. [Kouto, au plur. couteaux; pron. kou-tô, ô long: kou-telâ; 2e e muet, 3e lon.] Couteau, est un instrument composé d' une lame et d' un manche, qui sert à couper, sur-tout à table. "Couteau pliant, couteau à gaine. Il lui a doné un coup de couteau: il lui a doné du couteau dans le ventre, etc. = C' est aussi une courte épée qu' on porte au côté: il ne porte qu' un couteau. = Couteau de chasse, est aussi une courte épée que portent les Chasseurs, pour couper les branches. = Couteau de tripière, qui tranche des deux côtés. Figurément, qui dit du bien et du mal de tout le monde.
   Rem. Couteau, n' est pas un terme noble. Dans le style élevé, on doit dire glaive. "Ainsi, deux mauvaises sectes seront percées du même coup, et à travers du Socinien, le Calviniste portera le couteau jusque dans son propre sein. Bossuet.
   On dit proverbialement, aiguiser ses couteaux, ou, les couteaux, se préparer au combat, à la dispute. _ Jouer des couteaux, se battre. _ En être aux coûteaux tirés, ou, aux épées et aux couteaux, être énemis mortels et jurés. "On vous a mandé comme étoit M. de Coetquen avec M. de Chaunes: il étoit ouvertement avec lui aux épées et aux couteaux. Sév. _ Avoir le pain et le couteau, c. à. d., toute sorte d' avantages pour réussir dans une afaire. _ Mettre couteau sur table, doner à manger. _ C' est son couteau pendant, se dit d' un homme qui en acompagne toujours un aûtre, et qui est prêt à le servir en toute ocasion.
   COUTELAS, épée large et courte, qui ne tranche que d' un côté.

COUTELIER


COUTELIER, s. m. COUTELIèRE, s. f. COUTELLERIE, s. f. [Kou-te-lié, liè-re; Kou-tèlerie; 2e e muet aux 2 1ers, è moy. au 3e; la 3eé fer. au 1er, è moy. et long au 2d, e muet au 3e.] Coutelier, est celui dont le métier est de faire des couteaux, ciseaux, rasoirs, lancettes, canifs, etc. Coutelière, étui dans lequel on met plusieurs couteaux: il est peu usité. _ Coutellerie, métier de coutelier. _ Ouvrage que font et que débitent les Couteliers. "Il se fait beaucoup de coutellerie à Moulins.

COûTER


COûTER, v. a. et n.[1re lon. Koû-té, plus longue encôre devant l' e muet, il coûte.] Être acheté un certain prix. Au propre, il s' entend toujours de l' argent; mais au figuré, il signifie, peine et travail. Cette étofe coûte beaucoup. "Ses lettres lui cûtent beaucoup. Les vers ne lui coûtent rien. Bouh. _ Il régit la persone au datif, et, à l' acusatif, le nom de ce qu' il en coûte: Ce bijou lui coûte cinquante louis: ce chagrin lui a coûté la vie. = Il régit encôre la prép. à devant les verbes: Il vous a beaucoup coûté à le réduire: jamais résolution ne m' a tant coûté à prendre. = Il se dit aussi sans régime. Les procès, les voyages coûtent: on sous-entend, beaucoup d' argent.
   Rem. Dans, il en coûte de, ou pour faire, la particule en est nécessaire, et l' on ne doit pas la retrancher, même en vers.
   En vain appellons-nous mille gens à notre aide:
   Plus ils sont, plus il coûte...       La Font.
Il faut, plus il en coûte. = Molière a dit aussi, parlant des femmes:
   - - - Et je sais ce qu' il coûte à de certaines gens,
   Pour avoir pris les leurs avec trop de talens.
Sans changer le vers, il aurait pu dire:
   Je sais ce qu' il en coûte à de certains gens.
Et L. Racine:
   - - - La vertu, qui n' admet que de sages plaisirs,
   Semble, d' un ton trop dur, gourmander nos desirs:
   Mais quoique pour la suivre, il coûte quelques larmes,
   Toute austère qu' elle est, nous admirons ses charmes.
Il faut, quoiqu' il en coûte quelques larmes, etc. _ Cette faûte est encôre moins pardonable en prôse. "Il ne lui coûta presque rien pour rendre à cette Chrétienté son premier lustre. Charlev. "Il ne nous coûtera pas beaucoup pour faire une lieue de chemin. Pluche. "Vous ne sauriez croire ce qui lui coûte de peines et de fatigues pour rassembler les Indiens. P. Fauque, Let. Édif. "Ils oublioient ce qui leur en coûte pour figurer dans la société des ames foibles et des esprits forts. Sabatier. Trois Siècles. _ Dans les deux derniers exemples on retranche le pron. il, ce qui est une aûtre faûte. Il faut dire, ce qu' il lui coûte de peines, etc., ce qu' il leur en coûte, comme on dit, ce qui leur plaît de faire, et non pas, ce qui leur plaît.
   Quand coûter est employé impersonellement, il faut donc, ou la prép. en, ou la prép. de; ce qu' il m' en coûte, ou, ce qu' il me coûte d' argent, de soins, etc., pour réussir. Remarquez qu' alors il régit, non pas à, mais de ou pour, devant les verbes: "Il lui en coûte beaucoup de s' abaisser: il en coûte beaucoup pour parvenir. On met de, quand, il en coûte régit les noms au datif, comme dans le 1er exemple, et pour, quand il n' a pas ce régime, comme dans le second.
   On dit figurément, que quelque chose ne coûte guère à un homme, quand il ne la ménage pas, et qu' il la prodigue; que rien ne lui coûte pour se satisfaire, pour obliger ses amis, etc.; qu' il n' épargne rien pour cela, ou qu' il ne troûve rien de dificile; et au contraire, que tout lui coûte, quand il a de la peine à le faire.

COûTEUX


COûTEUX, EûSE, adj. [Koû-teû, teû-ze; 1re et 2e lon.] Qui ocasione de la dépense. Les voyages sont coûteux.

COUTIL


COUTIL, s. m. [On ne pron. point. l' l. Le Rich. Port. met aussi coutis. Trév. et l' Acad. ne mettent que le 1er.] Toile lissée et fort serrée, qui sert à faire des lits de plume, des tentes, etc.

COûTRE


COûTRE, s. m. [1re lon. 2ee muet.] Fer tranchant, qui fait partie de la charûe, et qui sert à fendre la terre.

COUTUME


COUTUME, s. f. 1°. Habitude contractée dans les moeurs, manières, discours, actions. "Bone ou mauvaise coutume. "Il a la mauvaise contume de faire des grimaces. "Cela lui a tourné en coutume. = Figurément, ce qui arrive souvent aux chôses inanimées. "Cette cheminée a coutume de fumer. Bouhours veut qu' on dise, avoir acoutumé, quand il s' agit des chôses. Voyez ACCOUTUMER. = 2°. Usage. "Vieille coutume. "C' est la coutume d' un tel pays de faire telle chôse. _ Ou droit municipal. "La Coutume de Paris, de Normandie, de Champagne. "Ce que nous observons, quoique non rédigé par écrit, nous l' apelons usage; et lorsque cet usage a été rédigé par écrit, on l' apèle Coutume. Voy. USAGE. = 3°. Certains droits ou impôts, qui se payent en quelques passages, à l' entrée de certaines Villes. "Coutume de Baïone, de Bordeaux. "Cette marchandise doit la coutume: payer la coutume.
   Rem. 1°. Coutume a ordinairement un sens actif, mais quelquefois aussi il exprime un sens pasif. Selon ma coutume, signifie le plus souvent, ce que je fais ordinairement; mais il peut aussi signifier, ce que je soufre, ce qui m' arrive d' ordinaire. "Dans ce transport de douleur, dit Philoctète, je tombe soudainement, selon ma coutume, dans un assoupissement profond. Télém.
   2°. On disait autrefois avoir de coutume. "Le désert où Médée a de coutume de se retirer. Corn. "On a de coutume de leur aplaudir dans toutes leurs imaginations. Mallebr. "Ces invectives atroces dont les Grecs avoient de coutume de se traiter les uns les aûtres, etc. P. Rapin. On dit aujourd'hui, avoir coutume de, etc.
3°. De coutume, adv. À~ l' acoutumée. "Il en use comme de coutume; il est plus gai que de coutume.
   Le Proverbe dit: "Une fois n' est pas coutume. _ Il ne faut pas perdre les bones coutumes.

COUTUMIER


COUTUMIER, IèRE, adj. [Kou-tu-mié, miè-re; 3e é fer. au 1er, è moyen et long au 2d.] Qui a coutume de faire. "Il est coutumier du fait; coutumière de mentir. Il est du style familier. _ Qui apartient à la coutume. Voyez COUTUME, n°. 2°. Droit coutumier, pays coutumier. On le dit par oposition au Droit écrit, ou Droit Romain, et aux pays où l' on suit ce Droit.
   COUTUMIER, s. m. Droit municipal d' une Ville, d' une Province. Le Coutumier de Normandie, de Champagne, etc.
   Rem. Autrefois l' adjectif était fort en usage dans le beau style.
   Et mes yeux éclairés des plus vives lumières.
   Ne trouvent plus aux siens leurs grâces coutumières.       Corn.
La Bruyère parait le regretter. "Vanterie, dit-il, devait nous conserver vantart, mensonge, mensonger; coutume, coutumier. Les Poètes ont eu tort de le laisser perdre, ils devraient le rapeler.

COUTûRE


COUTûRE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] 1°. Assemblage de deux chôses, par le moyen de l' aiguille ou de l' alène, avec du fil, de la soie, etc. Faire une coutûre. Draps de lit sans coutûre: la coutûre ne parait point, etc. = 2°. Action de coûdre: cette coutûre est aisée ou dificile. = 3°. L' art de coûdre. Elle a quitté la coutûre. = 4°. La façon dont une chôse est cousûe: belle ou vilaine coutûre. = 5°. Cicatrice qui reste d' une plaie. "Il a le visage tout plein de coutûres. = Être batu ou défait à plâte coutûre, complètement. "Il ataqua l' énemi, et le défit à plate coutûre. d' Avr. L' expression est plus énergique que noble. _ Le Prés. Hénaut dit, à plattes coutures, au pluriel: ce n' est pas l' usage. "Le Duc de Weimar défit les Impériaux à plattes coutures, et fit les quatre Généraux de l' Empereur prisoniers.

COUTURÉ


COUTURÉ, ÉE, adj. Mot forgé. Qui a des coutûres au visage. Voyez COUTûRE, n°. 5°. "Afreûsement coutûré, il n' a pas de nez. Retif.

COUTURIER


COUTURIER, IèRE, s. m. et fém. [3e é fer. au 1er è moy. et long au 2d.] Qui fait métier de coûdre. _ Il n' est guère usité au masculin, et on le dit tout au plus des garçons Tailleurs, jamais des Maîtres; mais il est fort en usage au fém. Bon ou mauvais Couturier; Couturière en linge ou en habits; habile Couturiere.

COUVÉE


COUVÉE, s. f. COUVER, v. n. [Kou--vé-e, vé; 2e é fer. long au 1er: u~ est long devant l' e muet, il coûve, il coûvera, etc.] Couver se dit des oiseaux, qui se tiènent sur leurs oeufs, pour les faire éclôre. Couvée, ce sont tous les oeufs qu' un oiseau coûve en un même temps; et c' est aussi les petits qui en sont éclos.
   COUVÉE, ne se dit au figuré, que dans le style familier, pour engeance, famille: "Toute cette couvée ne vaut rien. _ Mais Couver se dit élégamment au figuré. "Je vois sur votre visage cette médiation, qui coûve les germes du génie et les dispôse à la fécondité. Marmont. "Je vous avoûe que je couve une grande joie; mais elle n' éclatera point que je ne sache votre résolution. Sév. "Cet homme coûve de mauvais desseins; tout cela coûve une guerre civile, de grands malheurs. Cet homme coûve une grande maladie. = Couver des yeux est du style simple et familier. C' est regarder avec tendresse et afection. "Elle coûve des yeux son fils; ou avec l' avidité produite par la curiosité. "Le Public coûve des yeux la Rosière, et l' aplaudit. Target. _ Couver est quelquefois neutre, et signifie être caché, mais pour se découvrir quelque temps après. "Le feu coûve sous la cendre, ce qui se dit au propre comme au figuré. "Ce feu qui couva long--temps sous la cendre, eut ses progrès et son explosion. Moreau. "Cette mauvaise humeur couvait dans ses entrâilles. _ Et figurément, cette conspiration couvait depuis long-temps.
   Rem. On n' emploie le réciproque se couver, qu' avec le pronom il impersonel: il se coûve quelque mauvais dessein. Hors de là, il faut employer le neutre couver: "Le feu se coûve, la sédition fermente. Test. Polit. de l' Angl. Il faut dire, le feu coûve. _ Je dois avouer, que l' Acad. dans une phrâse, dit indiféremment couver ou se couver; mais l' on peut douter aussi qu' elle suive en cela le bon usage; et c' est dans ces ocasions qu' on aimerait à lui voir citer les Auteurs.
   * OEuf couvé, pour couvi, est un Gasconisme. Desgr.

COUVENT


COUVENT, s. m. [Kou-van; 2e. lon. On a dit aûtrefois Couvent. Voy. ce mot.] Maison Religieuse d' hommes ou de Filles. "Couvent de Capucins, d' Ursulines; se mettre, se jeter dans un Couvent. Sortir du Couvent, etc.
   Rem. 1°. Couvent ne se dit, pour les hommes, que des Ordres mendians; et pour les filles, que de celles où il n' y a pas d' Abesses. Pour les aûtres, on dit, Monastère ou Abaye. On ne dit point, un Couvent de Bernardins, de Bénédictins: On dit une Abaye, ou un Prieuré. _ Mais quand on parle indéfiniment, on dit toujours, au Couvent: "On l' a mise au Couvent; elle est sortie du Couvent.
   2°. On dit ordinairement, mettre une fille au Couvent; et Mde. de Sévigné le dit comme tout le monde; mais elle dit aussi, en Couvent, qu' on ne dit pas aujourd'hui.

COUVER


COUVER, voy. COUVÉE.

COUVERCLE


COUVERCLE, s. m. [2e ê ouv. 3e e muet.] Il ne faut pas confondre, dit La Touche, couvercle avec couvertûre. Le 1er se dit de ce qui sert à fermer l' ouvertûre d' un pot, d' un vâse, d' une boète, d' un cofre ou de quelqu' aûtre chôse semblable. Le second se prend pour ce qui couvre: une couvertûre de lit, de mulet, de livre, de maison. Il ne faut pas employer un de ces mots pour l' aûtre.

COUVERT


COUVERT, ERTE, adj. COUVERT, s. masc. [2e ê ouv. 3e e muet au 2d.] I. Couvert, adj. se dit au figuré en plusieurs sens. Enemi couvert, dissimulé. _ Mots couverts, ou paroles couvertes, (le 1er est le meilleur) ambigus. _ Vin couvert, d' une couleur chargée. _ Pays couvert, rempli de bois, d' arbres, etc. Chemin couvert. Voy. CHEMIN. = Servir quelqu' un à plats couverts, lui rendre de mauvais ofices en secret. * M. Retif dit, un air couvert, pour, un air sombre. "Il entra d' un air un peu couvert. L' usage n' a point admis ce sens là.
   II. COUVERT, subst. est 1°. La nape avec les serviètes, assiètes, couteaux, fourchettes, cuillers, salières, etc. dont on coûvre la table et le bufet. "Mettre le couvert, * et non pas mettre la table, comme on dit en certaines Provinces. = 2°. Il se prend plus particulièrement pour l' assiète qu' on met pour chaque persone. "Une table à dix, à vingt couverts. = 3°. Retraite, logement. Doner le couvert à quelqu' un. "Il n' est pas nourri dans cette maison; il n' y a que le couvert. = 4°. Lieu planté d' arbres, qui donent de l' ombre. "Il n' y a point de couvert dans ce jardin: alons chercher le couvert. = À~ couvert, adv Dans un lieu, où l' on peut se garantir des injures du temps. Il régit le génitif (la prép. de): à couvert de la pluie, du canon, de la mousqueterie, etc. ou il se dit sans régime: être à couvert, se mettre à couvert. Mettre son bien, ses éfets à couvert, les cacher. _ On le dit figurément, pour dire, en sûreté. "À~ couvert de ses énemis, de la nécessité: Mettre son honeur à couvert, etc.
   5°. Couvert, envelope d' une lettre. "Je lui ai écrit sous le couvert de l' Ambassadeur. _ L' Acad. ne met pas ce sens du mot Couvert. _ À~ Marseille on dit, sous le pli, style mercantile.

COUVERTE


COUVERTE, s. f. [2e ê ouv. 3e e muet.] Il ne se dit que de l' émail qui couvre une terre, cuite, mise en oeuvre; et particulièrement de la porcelaine. _ * Comme on dit découverte, et non pas découvertûre, plusieurs ont voulu dire, couverte de lit, au lieu de couvertûre; mais ils n' ont pas été suivis: on ne dit que le dernier. Chapelain, Th. Corn.

COUVERTEMENT


COUVERTEMENT, adv. [Kou-vêrte--man, 2e ê ouv. 3e e muet.] Il ne se dit qu' au figuré; secrètement et en cachette. "Il a fait cela si couvertement, qu' on ne s' en doutait en aucune manière.

COUVERTûRE


COUVERTûRE, s. f. [2e ê ouv. 3e lon. 4e e muet.] 1°. Il se dit de certaines chôses qui servent à en couvrir d' aûtres. Couvertûre d' une maison; couvertûre de chaises, d' un livre. "Il ne connoit ce livre que par la coûvertûre. Voyez COUVERCLE. = 2°. Pris absolument, il se dit d' une couvertûre de lit. Couvertûre de laine, de soie. Couvertûre piquée, etc. _ Faire la couvertûre, c' est replier le drap et la couvertûre quand on veut se coucher. On dit aussi, couvertûre de mulet, de charette, de chariot. = 3°. Figurément, prétexte. "Sous couvertûre d' amitié. = Quelle couvertûre peut-il doner à cette méchanceté? Il est moins noble en ce sens que le mot de voile. "C' est trop aisément chercher une couvertûre à ses desirs. Acad. Sent. sur le Cid.

COUVERTURIER


COUVERTURIER, s. m. [Kou-vèrtu--rié; 2e ê ouv. dern. é fer.] Artisan qui fait, ou Marchand qui vend des couvertûres.

COUVEûSE


COUVEûSE, s. f. COUVI, adj. m. [Kou--veû-ze, Kou-vi; 2e lon. au 1er.] Couveûse se dit d' une poule qui coûve; Couvi, d' un oeuf à demi-couvé, ou gâté pour avoir été trop gardé. "Cette poule est une bonne couveûse: cet oeuf est couvi, c' est un oeuf couvi; il gâteroit ce ragoût, cette omelette.

COûVRE-CHEF


COûVRE-CHEF, COûVRE-FEU, COûVRE-PIED, s. m. Ce sont des composés de couvrir. Le mieux est de ne point leur doner de pluriel, et de les faire indéclinables; mais à leur en doner un, il ne faut pas qu' il afecte le mot couvre, qui est un verbe; mais qu' il soit plutôt au substantif, avec lequel il est joint. Des Couvre-chef, plusieurs couvre-feu, un grand nombre de coûvre-pied; ou coûvre-chefs, coûvre-feux, coûvre-pieds; et non pas des coûvres-chef, ou coûvres-chefs, etc.
   COûVRE-CHEF, sorte de coifûre de toile, que portent les paysanes.
   COûVRE-FEU, est, 1°. Ustensile de cuivre ou de fer, qu' on met sur le feu pour le couvrir et le conserver la nuit. = 2°. Coup de cloche qui, dans certains lieux, marque l' heure de se retirer. Soner le coûvrefeu.
   COûVRE-PIED; petite couvertûre d' étofe, qui ne s' étend que sur une partie du lit, et qui sert à couvrir les pieds.

COUVREUR


COUVREUR, s. m. [Kou-vreur; 2e dout.] Artisan dont le métier est de couvrir des maisons. "Un Couvreur disoit à son fils, qui étudiait au Collège: si tu montes, tu ne monteras pas, et si tu ne montes pas, tu monteras.

COUVRIR


COUVRIR, v. a. [Kou-vri.] Je coûvre, je couvris, j' ai couvert, je couvrirai, couvrirais; que je coûvre, je couvrisse, etc. Les autres temps n' ont point de dificultés. Couvrir, c' est, 1°. mettre une chôse sur une aûtre pour la cacher, la conserver, l' orner, etc. Il a la prép. de pour 2d régime. Couvrir une maison de chaûme, de tuile, d' ardoise; couvrir un habit d' or, d' argent; un livre de parchemin, de velin, de veau. Se couvrir de son manteau. _ Figurément, couvrir de honte, d' oprobre, d' ignominie: "Il s' est couvert de gloire et d' honeur. "Couvrez-moi de votre protection. "On couvre de la fierté, des défauts et des faiblesses que la fierté trahit et manifeste elle-même. Massillon. = Il s' emploie aussi avec le seul régime direct (l' acusatif.) Couvrir une statûe, une maison, bien couvrir un malade; couvrir le feu, etc. = 2°. Mettre en grande quantité sur.... Couvrir la campagne de morts, la table de pistoles; "Un boulet de canon le couvrit de terre: il était couvert de sang et de poussière. = 3°. Cacher, dissimuler. "Couvrir son jeu, ses desseins. Couvrir sa faûte, se couvrir d' un prétexte, d' une excûse: comment pourra-t-il couvrir une telle démarche? De quel prétexte, de quelle excûse pourra-t-il couvrir un procédé si odieux? = En termes de guerre, couvrir (cacher) sa marche. Au figuré, cacher ses desseins, aler adroitement à ses fins. "Il sait couvrir sa marche. = 4°. Il se dit des animaux, qui s' acouplent avec les femelles. "Il faut faire couvrir cette cavale. "Cette chiène a été couverte d' un épagneul, ou encôre mieux par un épagneul. = 5°. Se couvrir, mettre son chapeau sur sa tête. Couvrez-vous, Monsieur. "Il se coûvre devant le Roi. = On dit, que le ciel, que le temps se coûvre, pour dire, qu' il se brouille, qu' il s' obscurcit par des nuages; et qu' il est couvert, quand il est brouillé et obscur. = 6°~. Couvrir une carte, mettre de l' argent dessus. Couvrir une enchérir, enrichir au-dessus de quelqu' un. = 7°. Être couvert, régit la prép. de. "Il est couvert de plaies, de honte, de gloire. Elle étoit toute couverte d' or et d' argent. Voyez COUVERT.
   On dit, proverbialement, qu' un homme se tient clos et couvert, pour dire, qu' il ne se hasarde guère, ou qu' il se comunique à peu de gens.

CRABE


CRABE, s. m. [L' Abé Prévot le fait mal-à-propos fém. "Aux environs de Rome, les crabes de terre ressemblent beaucoup à celles de mer.] Poisson de mer à coquille, qui ressemble à une araignée.
   CRAC: Mot qui exprime (st. fam.) le bruit que font des corps qui craquent: "J' entends crac, c' était une solive qui éclatait.
   CRAC! Interj. Crac! Le voilà parti.

CRACHAT


CRACHAT, s. m. CRACHEMENT, s. m. CRACHER, v. a. et n. [Kra-cha, cheman, ché: 2e e muet au 2d, é ferm. au 3e.] Crachat, est le flegme ou la pituite que l' on crache. "Gros, vilain crachat. = Bâtir de boûe et de crachats, c' est (en st. proverb.) bâtir peu solidement. = On dit, dans le même style, d' un homme malheureux, qu' il se noierait dans un crachat.
   II. CRACHEMENT; Action de cracher. "Crachement continuel. Crachement de sang.
   III. CRACHER, Jeter dehors par la bouche la salive, le flegme ou aûtre chôse, qui incomode. "Cracher du sang, ou le sang; Cracher ses poumons. _ Et neutralement, sans régime: Il crache continuellement, Il a craché toute la nuit: ou avec un régime: "Ce Prédicateur, en préchant, crache sur son auditoire; "Cracher au nez, au visage de quelqu' un.
   Rem. Ce terme est bâs, et n' est point du beau style. Malherbe dit, dans ses Stances sur les larmes de St. Pierre.
   Le mépris éfronté que ces bourreaux me crachent.
Cracher un mépris, est une façon de parler assez extraordinaire, dit Ménage.
   N' alez point déployer toute votre doctrine,
   Faire le pédagogue, et cent mots me cracher,
   Comme si vous étiez en chaire pour prêcher.
"Ce Pédant a craché beaucoup de grec et de latin dans son discours. _ Balzac ne pouvait soufrir ce mot dans le bon style, et il avait bien raison. "Ne dites plus, s' il vous plait, cracher des sentences, des apophtegmes: le mot cracher n' est pas assez beau pour en tirer des images et des métaphôres.
   On dit proverbialement, faire cracher au bassin, obliger à contribuer à quelque aumône, ou à quelqu' aûtre dessein pieux, ou profane. _ Cracher au nez, en style figuré familier, mépriser, insulter. S' il me l' avoit dit en face, je lui aurois craché au nez. = Cracher contre le ciel, blasphémer, ou invectiver contre les Puissances: "Qui crache contre le Ciel, il lui retombe sur le visage, dit le Proverbe.
   Tout craché, Espèce d' adverbe. C' est son Père tout craché; il lui ressemble parfaitement, comme deux gouttes d' eau. On a dit autrefois, dans le même sens, tout poché. L' un et l' aûtre se troûve en cet endroit de la Farce de l' Avocat Patelin, où celui ci parlant au Drapier, dont il feint avoir conu le Père, dit:
   Onc enfant ne ressembla mieux
   À~ Père. Quel menton fourché:
   Vraiment, c' êtes-vous, tout poché...
   Car quoi, qui vous auroit craché
   Tous deux contre la parroi
   D' une manière et d' un arroi
   Êtes-vous, et sans diférence.
C' est pour dire que, comme deux crachats et deux taches d' encre, que les Écoliers apèlent pochons ou cochons, et d' aûtres, des pâtés, se ressemblent, de même le Drapier ressemblait à son Père. La Monoie. "V' là les yeux tout finis... Ma fine, à présent c' est Monsieur tout craché. Th. d' Éd. Le Portrait.

CRACHEUR


CRACHEUR, EûSE, s. masc. et fém. CRACHOIR, s. m. [Kra-cheur, cheû-ze, choar: 2e dout. au 1er et 3e, lon. au 2d.] Cracheur, eûze, est celui ou celle qui crache souvent. C' est un grand cracheur, une vieille cracheûse. = Crachoir, petit vâse d' argent, de fayence, ou d' aûtre matière, dans lequel on crache. = C' est aussi une boîte sans couvercle, remplie de sable ou de sciûre de bois, pour y cracher.

CRACHOTEMENT


CRACHOTEMENT, s. m. CRACHOTER, v. n. [Krachoteman, té; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Crachoter, cracher souvent et peu à la fois. Crachotement, action de crachoter. "Il a un crachotement perpétuel: il ne fait que crachoter.

CRAIE


CRAIE, s. f. [Krè; long, ê ouv.] Pierre tendre et blanche, propre à marquer. "Morceau de craie. Marquer avec de la craie, ou, à la craie.

CRAINDRE


CRAINDRE, v. a. [Krein-dre: 1re lon. 2e e muet.] je crains; nous craignons; je craignais; je craignis; j' ai craint; je craindrai, craindrais, crains; que je craigne, je craignisse; craignant. _ 1°. Redouter, apréhender, avoir peur que quelque mal n' arrive; craindre le péril, la mort, le tonerre, l' enfer. Il ne craint rien. Cet homme est à craindre. Je le crains comme le feu, etc.
   Rem. I. L' Abé Girard compâre craindre avec apréhender, redouter, avoir peur. Il trouve que la diférence de ces termes, c' est qu' on craint par un mouvement d' aversion pour le mal, dans l' idée qu' il peut arriver; on apréhende, par un moûvement de desir pour le bien, dans l' idée qu' il peut manquer; on redoute par un sentiment d' estime pour l' adversaire, dans l' idée qu' il est supérieur; on a peur, par un foible d' esprit pour sa conservation, dans l' idée qu' il y a du danger. _ Le défaut de courage fait craindre; l' incertitude du succès fait apréhender: la défiance des forces fait redouter; les peintûres de l' imagination font avoir peur. "Le comun des homes craint la mort au-dessus de tout. Plus on souhaite ardemment une chôse, plus on apréhende de ne la pas obtenir. Quelque mérite qu' un Auteur se flate d' avoir, il doit toujours redouter le jugement du Public. Les femmes ont peur de tout. Gir. Synon.
   II. Craindre, régit de et l' infinitif; et que avec le subjonctif; le 1er, quand le verbe régi se raporte au nominatif du verbe, (ou, autrement, au sujet de la phrâse); le 2d, quand il ne s' y raporte pas. "Craignons d' ofenser Dieu, et qu' il ne nous punisse. Avec le subjonctif, il faut toujours mettre la particule ne. P. Corneille la retranche....... Mais je crains qu' elle échape. Il faut dire, qu' elle n' échape. _ Racine a usé de la même licence:
   Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes?
Au lieu de, ne versent, etc. _ M. Moreau la retranche au 1er membre d' une phrâse, et la met au 2d, ce qui n' est pas fort conséquent. "Il craignoit qu' on désaprouvât à Rome tout ce qui s' étoit fait contre Arnoul; et que le jugement du St. Siège n' aliénât les Évêques, etc. Il falait dire, qu' on ne désaprouvât, etc.
   III. M. de Wailli remarque fort bien que, quand on ne souhaite pas la chôse exprimée par le verbe régi, on retranche pas: Je crains que sa maladie ne devienne mortelle; mais si l' on souhaite cette chôse exprimée par le verbe régi, on met, que ne pas: "Je crains que mon frère ne puisse pas arriver ce soir.
   IV. Quand la négative afecte craindre, on ne la met point devant le verbe qui est régi: Je ne crains pas qu' il ôse le faire. Racine fournit un bel exemple de l' un et de l' aûtre dans Andromaque. _
   Hélas! on ne craint point qu' il venge un jour son père:
   On craint qu' il n' essuyât les larmes de sa mère.
   * Malgré l' usage ancien et constant de retrancher la particule ne dans le sens négatif, quelques Auteurs, et des plus estimables même, l' emploient, aparemment par distraction. "Il n' est pas à craindre que son exemple ne devienne contagieux. Ann. Litt. Il faut dire, que son exemple devienne, etc.
   V. L' interrogation a le même éfet que la négative, pour faire retrancher la particule ne après craindre. Comme on dit, vous ne craignez pas qu' il vienne; on doit dire, craignez-vous qu' il vienne, et non pas, qu' il ne vienne. _ Il faut remarquer encôre que, quelquefois, le sens n' est négatif qu' en aparence, et qu' il est réellement afirmatif. Alors il faut répéter ne après la conjonction que. Exemple: "Je le ferais, si je ne craignais que vous ne vous fâchiez. C' est comme si l' on disait, mais je crains que vous ne vous fâchiez. = Quelques-uns insèrent mal-à-propos cette particule ne devant l' infinitif. "Il craint de n' être grondé; dites: d' être grondé.
   VI. * Fénélon, outre qu' il retranche la négative dans le sens afirmatif, après craindre, substitue le futur conditionel à l' imparfait du subjonctif: "Nous avons craint que quelque étranger viendroit (ne vînt) faire la conquête de l' Isle de Crete. Télémaque. _ Mde. Dacier met aussi mal-à-propos le futur à la place du présent du subjonctif. "Il est à craindre qu' on ne se souviendra plus (qu' on ne se souviène plus) de toutes les bonnes qualités de M. Perrault, et qu' on n' oubliera jamais (et qu' on n' oublie jamais) ce défaut d' esprit qui l' a poussé contre ces Héros de l' Antiquité, que tous les siècles ont admirés et consacrés.
   VII. Craindre régit quelquefois l' ablatif, (la prép. de) de la persone.
   Que craignez-vous enfin d' unPère qui vous aime?
       Créb.
"Nous avons beaucoup à craindre de notre propre coeur.
   VIII. Faire craindre, régit le datif. * M. Berault (Hist. de l' Égl.) met l' acusatif. Son humilité le fit craindre de s' exposer aux tourmens. C' est un faux régime. Il faut dire, lui fit craindre, comme on dit, lui fit espérer, lui fit croire, et non pas, le fit croire, le fit espérer. = Se faire craindre, régit l' ablatif (la prép. de.) * Fléchier lui done pour régime la prép. à (le datif.) "Une piété, qui n' étoit ni austère, ni relâchée, qui se faisoit honorer de tous, et ne se faisoit craindre à persone. Je crôis qu' il faut, de persone; comme on dit, se faire admirer, estimer, aimer de tout le monde, et non pas, à tout le monde.
   X. Être à craindre. "Je ne crains plus ni vents, ni mer, ni tempête; je ne crains que mes passions: l' amour est lui seul plus à craindre que tous les naufrages. Télém. _ À~ craindre, est là une espèce d' adjectif, et il a le sens de dangereux, redoutable: mais il ne se combine pas avec toute sorte de verbes; et l' on ne dirait point de quelqu' un, que sa méchanceté le rend à craindre, comme on dit qu' elle le rend redoutable. * Le Traducteur de l' Hist. d' Angl. de M. Hume, dit, en parlant des Anglais et de Calais, que c' était la seule place qui les rendît toujours à craindre. Cette Traduction, écrite plus élégamment que correctement, fourmille d' anglicismes, et d' expressions impropres et inusitées.
   2°. CRAINDRE, s' emploie neutralement. Il craint: pourquoi craignez-vous? Je crains pour vous: on l' a acoutumé à craindre: cela lui aprendra à craindre, etc.
   3°. CRAINDRE, ne signifie quelquefois que respecter, révérer.
   Je crains Dieu, cher Abner, et n' ai point d' autre crainte.       Rac.
C' est un homme craignant Dieu. Craindre son père, sa mère, etc.
   4°. Il se dit quelquefois dans le premier sens, non-seulement des animaux, mais des chôses inanimées: Ce chien craint les coups de bâton. Ces arbres craignent le froid. Un bon vaisseau ne craint que la terre et le feu.
   On dit proverbialement, d' un méchant homme, d' un homme déterminé, qu' il ne craint ni Dieu, ni diable.
   CRAINT, CRAINTE, participe. Vaugelas trouvait que le féminin était rude à prononcer. C' est la mer qu' il a crainte. Il ajoute, qu' il peut ocasioner quelquefois de l' équivoque, à cause du substantif crainte. Th. Corneille n' y trouvait ni rudesse, ni ocasion d' équivoque. L' Acad. se contentait de dire que ce féminin est peu d' usage; et c' est peut-être la raison qui le fait paraitre rude, quand on s' en sert. Dans la dern. édit. elle le met sans remarque, et sans citer d' exemples.

CRAINTE


CRAINTE, s. f. [Krein-te; 1re lon. 2e e muet.] Apréhension, peur; passion exaltée dans l' âme, par l' image d' un mal à venir. "La crainte du châtiment, de la mort, de l' enfer. "La crainte de Dieu est le comencement de la sagesse. _ Remarquez que cette expression, crainte de Dieu, exprime tantôt la crainte d' en être sévèrement puni, qu' on apèle crainte servile, tantôt la crainte de lui déplaire, crainte filiale.
   1°. CRAINTE, régit la prép. de et l' infinitif: "Le but de la Comédie est de corriger le peuple, par la crainte d' être moqué, et non pas, de n' être moqué, comme disent certains. _ Il régit les noms au génitif: la crainte de Dieu, du mal, du péché, des dangers, de la mort, etc. * Fénelon dit en un endroit, la crainte des Dieux, et dans un aûtre, la crainte pour les dieux. Ce dernier régime est contre l' usage.
   2°. On dit, tenir quelqu' un en crainte; mais on ne dit pas, être en crainte: "À~ l' égard de l' État et de ses Peuples, elle étoit en crainte; mais pour elle-même, elle conservoit une confiance, un courage et une femeté inébranlable. Mascar. Or. Fun. d' Anne d' Autriche.
   3°. DE CRAINTE QUE, conjonction, régit le substantif, précédé de la particule ne; de crainte de, l' infinitif sans la négative: De crainte que l' heûre ne fût passée: de crainte de vous déplaire, et non pas, de ne vous déplaire, comme je l' ai souvent ouï dire.
   --- Que la Vieille jamais ne crache,
   De crainte de cracher ses dents.
Anciènement on retranchait la prép. de devant crainte, et l' on disait, crainte qu' il ne viène, crainte de manquer, pour, de crainte que, de crainte de, etc. Vaugelas condamne fortement cette façon de parler. L' Acad. se contentait de dire qu' elle était du style familier. Elle ne l' a plus mis dans la dern. édit. _ Crainte de, se dit bien avec un nom: Crainte d' accident, crainte de pis. "Il s' est muni d' une escorte, crainte d' accident: "Il s' est soumis à cette peine, crainte de pis.

CRAINTIF


CRAINTIF, IVE, adj. CRAINTIVEMENT, adv. [Krein-tif, tîve, tîveman; 1re lon. 2e lon. au 2d et 3e, dont la 3e e muet.] Timide, peureux, sujet à la crainte. "Animal craintif, naturel craintif, âme craintive. "On a rendu cet enfant trop craintif. = Agir, parler craintivement, avec crainte. _ Cet adverbe est très-peu usité.

CRAïON


CRAïON, CRAïONER; Richelet. Voyez CRAYON, CRAYONNER.

CRAIRE


CRAIRE. Voy. CROIRE.

CRAMOISI


CRAMOISI, s. m. [Kra-moa-zi.] 1°. Sorte de teintûre, qui rend les couleurs, où on l' emploie, plus vives et plus durables: Étofe teinte en cramoisi. = 2°. Il se dit plus particulièrement d' un rouge foncé: Un beau cramoisi. _ En ce sens, il est aussi adjectif: Velours cramoisi; violet cramoisi; soie cramoisie, etc.
   On dit proverbialement, sot, ou laid en cramoisi, sot ou laid au dernier degré: d' une sotise inéfaçable, extrêment laid.

CRAMPE


CRAMPE, s. f. [Kran-pe; 1re lon. 2e e muet.] Contraction convulsive et douleureûse, qui se fait sentir principalement à la jambe et au pied. "Il lui prit une crampe en nageant. _ Adj. fém. On apèle goutte-crampe, une espèce de goutte subite, et qui dûre peu.

CRAMPON


CRAMPON, s. m. CRAMPONNER, ou CRAMPONER, v. a. [Kranpon, poné; 1re lon. 3e é fer.] Crampon, est une pièce de fer recourbée, à une ou plusieurs pointes, qui sert en maçonerie, charpenterie, menuiserie, etc.; à atacher fortement quelque chôse. _ Cramponer, c' est atacher avec un crampon. _ Cramponer des fers à cheval, y faire des crampons, c. à. d. des bouts de fer recourbé qu' on y fait exprès, quand on veut ferrer à glace. _ Cramponer un cheval; le ferrer avec des fers à crampons.
   SE CRAMPONER (fig. famil.) S' atacher fortement à quelque chôse. "Il se crampona si fortement aux bârreaux, qu' on ne put l' en tirer.
   On dit proverbialement, de quelqu' un qui a peine à mourir, et qui lutte fortement contre la mort, qu' il a l' ame cramponée (ou chevillée) dans le corps.

CRAN


CRAN, s. m. Entaillûre dans du bois, du fer, ou aûtre corps dur. "Faire un cran. Hausser ou baisser une cremaillêre d' un cran. = On dit figurément (st. fam.) baisser d' un cran, diminuer, en parlant de la fortune, réputation, santé, esprit d' un homme.

CRâNE


CRâNE, s. m. [L' â est long, et il doit être marqué d' un accent circonflexe.] L' ôs de la tête de l' homme, qui contient le cerveau. "La capacité, les sutûres, les trous, la cavité du crâne.
   * On dit, dans le jargon moderne, ce jeune homme est un crâne, un fou, un écervelé. "Il est toujours crâne. Le M. de M...

CRAPAUD


CRAPAUD, s. m. CRAPAUDIèRE, s. f. [Kra-po, po-dière; 3e è moy. et long au 2d.] Le Gendre écrit crapeau; mauvaise ortographe, contraire à l' usage et à l' analogie. _ Crapaud, est une espèce d' animal venimeux, qui ressemble à la grenouille. Crapaudière, lieu où se trouvent beaucoup de crapauds.
   En style proverbial, on dit, d' un homme fort laid, que c' est un vilain crapaud: de celui qui saute fort mal, qu' il saute comme un crapaud: de celui qui n' est guère pécunieux, qu' il est chargé d' argent comme un crapaud de plumes. Cette dernière phrâse est bâsse et populaire.
   On apèle aussi figurément (st. famil.) une crapaudière, un lieu bâs, humide et mal--propre.

CRAPAUDâILLE


CRAPAUDâILLE, s. f. [Il se dit, par corruption, de crépodâille. Pron. Krapodâ--glie; 3e lon.; mouillez les ll.] Crêpe fort délié et fort clair. "Coîfe de crapaudâille.

CRAPAUDINE


CRAPAUDINE, s. f. [Krapodine.] C' est, 1°. une espèce de pierre qu' on croyait aûtrefois se trouver dans la tête d' un crapaud, et qui est une dent ou un palais de poisson pétrifié. = 2°. Morceau de fer ou de bronze creux, dans lequel entre le gond coudé d' une porte. = 3°. Plaque de plomb, qu' on met à l' entrée d' un tuyau de bassin, ou de réservoir.
   À~ LA CRAPAUDINE, terme de cuisine, qui se dit des pigeons ou des câilles, ouverts, aplatis, et rôtis sur le gril. Mettre, ou manger des pigeons, des câilles à la crapaudine.

CRAPOUSSIN


CRAPOUSSIN, INE, s. m. et f. [Kra--pou-cein, cine.] C' est, en style familier et burlesque, un petit homme contrefait, une petite femme toute contrefaite. "Ce n' est qu' un crapoussin, une crapoussine.

CRAPULE


CRAPULE, s. f. CRAPULER, v. n. CRAPULEUX, EûSE, adj. [3e e muet au 1er, é fer. au 2d, longue aux 2 dern. le, lé, leû, leû-ze.] Ces mots ne sont pas du beau style, et le verbe est moins usité que le subst. et l' adj. _ L' Acad. les met sans remarque. _ Crapule, est une vilaine et continuelle débauche de vin et d' aûtres liqueurs, qui enivrent. Crapuler, être dans la crapule. Crapuleux, qui aime la crapule. "Il est dans la crapule, il aime à crapuler, il ne fait que crapuler. "Être crapuleux, est une honte dans un homme; mais c' est l' excès de l' infamie, dans une femme, de devenir crapuleûse. _ L' adjectif est à la mode, et on l' emploie souvent à tort et à travers. Gresset fait dire à Valère:
   Ma foi! se marier, à moins qu' on ne soit vieux;
   Fi! cela me paroît ignoble, crapuleux.
       Méchant.
C' est un petit-maître qui parle, et que l' Auteur veut rendre ridicule.

CRAQUELIN


CRAQUELIN, s. m. [Krake-lein; 2ee muet.] Espèce de gâteau qui croque sous les dents, d' où lui vient son nom.

CRAQUEMENT


CRAQUEMENT, s. m. CRAQUER, v. n. [Krakeman, kraké; 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Craquer, exprime le bruit que font certains corps, ou en se frotant violemment, ou en éclatant. Craquement, est le son que font les corps en craquant. "Avez-vous ouï le craquement de cette poûtre? On entendit craquer le mât de misaine. Il fait craquer ses doigts, en les tirant.
   En style populaire, craquer, c' est mentir, se vanter faûssement. Il ne fait que craquer.

CRAQUETER


CRAQUETER, v. n. [Kraketé; 2ee muet, 3e é fer.; devant l' e muet, la 2de devient un è moyen: Il craquette, ou craquète.] Craquer souvent et avec petit bruit. Le laurier craquète au feu.

CRAQUEUR


CRAQUEUR, EûSE, s. m. et f. [Kra--keur, keû-ze; 2e dout. au 1er, lon. au 2d.] Celui, celle qui ne fait que mentir et se vanter faûssement. C' est un grand craqueur, une grande craqueûse. Il est populaire, dit l' Acad. _ On dit plus burlesquement encôre, il est de Cracovie; il vient de Cracovie: nouvelles de Cracovie, misérable calembourg; mauvais jeu de mots.

CRASSE


CRASSE, s. f. CRASSEUX, EûSE, adj. [Krace, kra-ceû, ceû-ze; 2ee muet au 1er, lon. aux deux aûtres.] I. Au propre, ordûre, qui s' amasse sur la peau, ou dans le poil de l' animal. Crasse de la tête, des mains. Il est plein, couvert de crasse. = Au figuré, rusticité, défaut de politesse: Crasse du Collège, de l' École, pédanterie: Être né dans la crasse; être d' une naissance obscûre. = Avarice sordide, vivre dans la crasse. _ Crasse, se dit aussi des métaux: Ordûre qui en sort, quand on les fond. Au pluriel, écâilles qui se séparent de plusieurs de ces métaux, quand on les frape à coups de marteaux.
   CRASSE, adj. fém. Grôssière, épaisse. Au propre; humeur crasse et visqueûse: matière crasse et épaisse. _ Au figuré, ignorance crasse, grôssière et inexcusable.
   II. CRASSEUX, plein de crasse, couvert de crasse. "Cheveux crasseux, mains crasseûses; bonet crasseux, culotte crasseûse. = Subst. Un crasseux, une crasseûse. = Au figuré, sordidement avâre.

CRATICULER


CRATICULER, v. a. Terme de Peintûre. Réduire, par le moyen de plusieurs cârreaux, un tableau ou un dessin, pour le copier.

CRAVATE


CRAVATE, s. f. [Trév. met Cravatte avec 2 t, et dit: quelques-uns écrivent cravate, et l' on croit que c' est le mieux.] Linge qui se met autour du cou, qui se noûe par devant, et dont les deux bouts pendent sur la poitrine. Cravate de mousseline, de tafetas noir. _ * Anciènement on disait cravate, par corruption, pour Croate, cheval de Croatie. Il était, en ce sens, masculin.

CRAYE


CRAYE; écrivez craie, et voyez ce mot. En écrivant craye avec un y, il faudrait prononcer cré-ie, contre l' usage.

CRAYON


CRAYON, s. m. CRAYONER, v. act. [Kré-ion, io-né; 1re é fer. Richelet écrit craïon, craïoner, ortographe qui induit à une mauvaise prononciation; car alors il faudrait prononcer cra-ion, cra-io-né, contre l' usage.] Crayon, est un petit morceau de pierre de mine, ou de quelqu' autre matière colorée, propre à marquer, à écrire, à tracer, à dessiner. Crayoner, dessiner avec un crayon.
   CRAYON est aussi, 1°. Le portrait d' une persone fait au crayon. Il a fait le crayon d' un tel. = 2°. La première idée, ou le premier dessin d' un tableau qu' on trace avec le crayon. Il n' a fait que le crayon de ce tableau; léger crayon; crayon grossier. _ On dit aussi, en ce sens, crayoner. Cela n' est encôre que crayoné. = 3°. Il se dit figurément des ouvrages d' esprit: "Cette pièce n' est encôre qu' un crayon, un premier, un léger crayon.
   Rem. Ces deux mots sont à la mode dans la Litératûre: on ne peint plus comme aûtrefois, on crayone. On crayone les âmes, les caractères, les sentimens, les actions. Cette métaphôre marque souvent de l' aféterie, et plus souvent encôre, elle manque de justesse. "Sous ses crayons enchanteurs, les vertus devenoient de graces. Marm. C' est une fille de Couvent, qui parle ainsi de sa mère. Ce n' est pas là le ton de la conversation.

CRÉANCE


CRÉANCE, s. f. CRÉANCIER, IèRE, s. m. et f. [1re é fer. 2e lon. 3e é fer. au 2d. è moy. et lon. au 3e; cié, ciè-re.] Créance est, 1°. ce qu' un Souverain confie à son Ministre, pour en traiter avec un aûtre Souverain. "Il lui exposa sa créance. _ De--là, lettres de créance; lettres qui ne contiènent aûtre chôse, sinon, qu' on peut ajouter foi à celui qui les présente. L' Acad. dit aussi lettres en créance; celui-ci est peu usité. " = 2°. Trév. et le Rich. Port. le disent pour croyance. L' Acad. ne dit que celui-ci. Voy. Croyance. = 3°. Dette active. Sa créance est bone, anciène, privilégiée. Faire aparoir de sa créance.
   CRÉANCIER ne s' emploie que dans le dernier sens; celui à qui il est dû de l' argent, ou toute aûtre chôse équivalente. "Il est crénancier d' un tel, d' une telle succession, pour la somme de tant. Abandoner ses biens à ses créanciers.

CRÉATEUR


CRÉATEUR, s. m. CRÉATION, s. fém. CRÉATURE, s. f. [Kré-a-teur, cion, en vers ci-on, tûre; 1er é ferm. 3e lon. au dernier.] Créateur ne peut se dire que de Dieu, qui crée, qui tire du néant. Et de même, création, action de créer; créatûre, être créé. "Dieu est le Créateur de toutes chôses. La création du Monde, de l' Homme. Les Créatûres animées ou inanimées.
   Abusivement et par extension, on apèle créateur, celui qui a inventé, dans quelque genre que ce soit. Homère est regardé comme le créateur du Poème épique. _ Il s' emploie, en ce sens, adjectivement. "Cet homme est créateur; il a le génie créateur.
   CRÉATION se dit aussi pour un nouvel établissement de charges d' ofices, de rentes. _ L' Ab. Prévôt (Hist. des Voy.) met création pour créatûre. "Ils n' aperçurent aucune création animée, à la réserve d' une espèce d' oiseaux. _ Cela a bien l' air d' un anglicisme.
   Créature se dit pour persone. Bone ou étrange créatûre. Quand on parle des femmes, il se prend ordinairement en mauvaise part. "C' étoit l' esclave Frédegonde, belle et artificieuse créature. MOREAU. "Il y a long--temps que cette créature-là parloit mal de vous. SÉV. Cette créature le ruine.
   Créatûre se dit, figurément, de celui qui doit sa fortune à un Grand, à un Ministre, à un Favori. "Il s' étoit fait beaucoup de créatures. = Agripine dit à Burrhus.
   Certes, plus je médite et moins je me figûre
   Que vous m' osiez compter pour votre créatûre.
       Brit.
"Vous exigez de vos créatures une reconnoissance si vive, si marquée, si soutenue... Mesurez là dessus ce que vous devez au Seigneur. Massill.

CRÉATIF


*CRÉATIF, IVE, adj. *CRÉATRICE, adj. et s. f. [1re é fermé, 3e lon. au second.] Ces deux mots sont nouveaux. Il faut atendre ce qu' en décidera l' usage. "On le prie d' examiner si les Trouvères ont eu, à l' exclusion de leurs rivaux, cette vertu créative, cette vigueur, etc. Lett. à M. Papon. "Elisabeth, plus créatrice, peut-être, et plus hardie, etc. Marie Thérèse, etc. a déployé cette intelligence conservatrice, etc. Ces deux mots en trice sont bien durs. Ils sont de l' Ab. de Boismont. _ M. L' Ab. Du Serre Figon a aussi employé créatrice: "Cette main créatrice, qui a travaillé sur le néant.

CRÉCELLE


CRÉCELLE, s. f. CRèCERELLE, s. fém. [1re é ferm. au 1er, è moy. au 2d; 2e è moy. au 1er, e muet au 2d, dont la 3e è moy. Crécèle, crècerèle. L' Acad. met un acc. aigu à la première de tous les deux; mais devant l' e muet l' è est moyen: il faut donc mettre un accent grâve au 2d.] Crécelle est un moulinet de bois, qui fait un bruit aigre, et dont on se dert au lieu de cloches, le Jeudi et le Vendredi Saint. _ Plusieurs écrivent cresselle avec deux s au lieu du c. Boileau, dans le Lutrin, a employé cette ortographe.
   Prenez du Saint Jeudi la bruyante cresselle.
   CRèCERELLE est une espèce d' oiseau de proie, qui fait d' ordinaire son nid dans de vieilles murâilles.

CRêCHE


CRêCHE, s. f. [1re è moy. 2e e muet.] La mangeoire des Boeufs, et aûtres animaux domestiques. "Mettre du foin, du fourrage dans une crèche.

CRÉDENCE


CRÉDENCE, s. f. [Krédance; 1re é fer. 2e lon. en a le son d' an; 3e e muet.] Petite table, qui est près de l' Autel, où l' on met les burettes et aûtres chôses qui servent à la Messe, ou à quelque aûtre cérémonie éclésiastique.

CRÉDIBILITÉ


CRÉDIBILITÉ, s. f. [1re et dern. é fer.] Terme dogmatique. Il ne se dit qu' avec motifs. Les motifs de crédibilité; les motifs qu' on a pour croire que la Religion chrétiène est vraie. Quelques-uns ont dit aussi, degré de crédibilité.
   Rem. Crédibilité a un sens passif; il se dit de ce qui mérite d' être cru. Credulité a un sens actif, et se dit de la facilité à croire. On lit dans un Mémoire. "Ceci prouve le dérangement des organes de... et sa crédiblité sur, etc. C' est un mot pour l' aûtre. Il falait dire, sa crédulité, etc.

CRÉDIT


CRÉDIT, s. masc. [Krédi; 1re é fermé.] 1°. Réputation de solvabilité et d' exactitude à payer. "Ce Négociant a beaucoup de crédit, il troûveroit un million sur son crédit. _ De là, Lètre de crédit, dont le porteur peut toucher de l' argent de ceux à qui elle est adressée. "Je lui ai doné une lettre de crédit sur un tel. _ Faire crédit à quelqu' un, ou doner une marchandise à crédit, doner des denrées, des marchandises, sans exiger sur l' heûre le payement. "Vendre, acheter, prendre à crédit.
   À~ crédit, adv. 1°. Inutilement, sans profit. "Vous travaillez, vous vous tuez à crédit: persone ne vous en sait gré. = Sans preuve, sans fondement: vous avancez cela à crédit.
   Rem. On dit, figurément (st. famil.) Faire crédit à quelqu' un de quelque chôse, l' en dispenser. "Mon fils devroit baiser les pâs que je fais tous les jours dans cette allée; mais comme elle contient douze cens pas, je lui fais crédit de cette reconnoissance Sév.
   Le stile chez les uns tient toujours lieu d' esprit,
   Pourvu qu' on paye en mots, du reste ils font crédit.
       Du Resnel.
On dit, proverbialement, faire crédit de la main jusqu' à la bourse, pour dire, ne faire aucun crédit.
   2°. Crédit, autorité, pouvoir, considération. "Avoir du crédit, un grand crédit, être en crédit à la Cour, dans sa compagnie, auprès des Ministres, etc. Avoir du crédit sur l' esprit de quelqu' un.
   Rem. Dans cet emploi, il a un sens passif. Il ne se dit point de celui qui estime, qui considère, qui a de la confiance; mais de celui qui est estimé, considéré; en qui l' on a de la confiance. Aûtrefois on ne faisait pas cette distinction. "J' ai été bien trompé en ce Cardinal, et j' ai bien diminué du crédit, respect et amour que j' avois pour lui. Journ. de St. Amour. Il devait dire: qu' il avait diminué de respect et d' amour pour ce Cardinal, et que ce Cardinal avait beaucoup perdu de son crédit auprès de lui. Ou, s' il voulait se servir du verbe avoir, il falait employer le mot de confiance, qui est actif. "J' ai bien diminué de la confiance que j' avois en lui. _ "Les hommes changent aisément de parti dans les guerres civiles, sur-tout quand leur crédit est fondé sur une autorité héréditaire et indépendante. Hist. d' Angl. Là, crédit est un anglicisme: credit or trust, confiance, assurance.

CRÉDULE


CRÉDULE, adj. CRÉDULEMENT, adv. CRÉDULITÉ, s. f. [1reé fer. 3e e muet aux deux 1ers, dernière é fermé au dernier.] Crédule est celui qui croit trop facilement. Crédulement, avec trop de crédulité, de facilité à croire sur un fondement léger. "Le peuple est crédule; vous êtes trop crédule. "Vous avez trop de crédulité. "Il abusoit de la credulité des ignorans. _ * "Sans parvenir à la fin qu' on s' étoit crédulement proposée. L' Ab. Prévôt, Hist. des Stuarts. Ce mot n' est pas français, mais il semble qu' il mériterait de l' être. Jusqu' à présent, c' est encôre un anglicisme.
   Rem. 1°. Crédule aime à suivre: il peut pourtant quelquefois précéder.
   Mais, ne flattez-vous point un crédule transport?
       Gress.
= Le P. La Rue l' emploie substantivement. "Par la malice d' un envieux, par l' empressement d' un curieux, par la simplicité d' un crédule, on aura élevé, contre l' absent, un tribunal de médisance: on l' y aura condamné sans pitié. _ On dit, un envieux, un curieux, on ne dit point un crédule. La symétrie dans les membres d' une phrâse, ocasione beaucoup de faûtes contre la langue. _ M. de Sacy dit aussi les crédules.
   = 3° Crédule s' emploie sans régime. Un Auteur très-moderne lui fait régir le datif, (la prép. à). "Mde. de M... fut trop crédule aux mouvemens de son coeur.

CRÉER


CRÉER, v. a. [Kré-é, 2e é fer. devant l' e muet il est long: il crée.] Tirer du néant, doner l' être. "Dieu a créé toutes chôses de rien. "Au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre. = Abusivement et par extension, on dit créer des charges, des ofices, des rentes, etc. établir de nouvelles charges; créer une pension sur un Bénéfice; créer, contracter des dettes.
   Rem. 1°. Jusqu' à présent, on n' avait doné à ce verbe que le régime direct (l' acusatif); à présent on lui done quelquefois le datif pour 2d régime. "En créant de nouvelles jouissances aux Russes, en leur donant de nouveaux besoins, Pierre excitoit leur industrie, sur les moyens de les satisfaire. Journ. de Litt.
   2°. Ce verbe est fort à la mode: tout le monde est devenu créateur. On crée des moyens; on crée des ressources; on crée des vertus, des plaisirs. Il n' est pas jusqu' au paysan, comme l' habitant de Salency, qui ne soit "plus occupé à créer de nouvelles vertus, qu' à satisfaire de nouveaux plaisirs. _ On le dit aussi au réciproque, se créer.
   Et! mais, pourquoi
   Se créer par avance un chimérique éfroi?
       Imbert.
"Il y a aparence que M.... n' a pas voulu se créer des énemis. Ann. Litt.

CRÉMâILLèRE


CRÉMâILLèRE, s. f. CRÉMâILLON, s. m. [Krémâ-gliè-re, glion: 1reé fer. mouillez les ll.] Crémâillère, est un instrument de cuisine, ordinairement de fer, qu' on atache à la cheminée, et qui sert à y pendre les chaudrons, les marmites, etc. Crémaillon est une petite crémaillère, qu' on acroche à une plus grande. = On disait aûtrefois indiféremment crémillère ou crémaillère, et l' Acad. donait le choix entre les deux. Dans la dern. édit. elle ne met que le second. _ Dans le Dict. Gram. on voit crémaillière; c' est une faute d' impression.
   On dit, proverbialement, quand quelqu' un se met en ménage, ou change de logis, qu' on ira prendre la crémaillère chez lui, pour dire qu' on ira prendre chez lui un repâs, pour célébrer son établissement dans sa maison.
   CRÉMAILLèRE, se dit aussi des fers qui se mettent à certaines chaises et lits de repôs, pour abaisser ou relever le dôssier.

CRèME


CRèME, s. f. CRÉMER, v. n. CRÉMIèRE, s. f. [1reè moyen au 1er, é fermé aux deux aûtres; 2e e muet au 1er, é fermé au 2d, è moyen et long au dernier. Crème, mé, miè-re. On écrivait aûtrefois crême, crêmer, avec l' accent circ. pour marquer la supression de l' s qu' on mettait plus anciènement à ces mots, cresme, cresmer; mais on ne doit plus mettre cet accent que dans les mots ou l' ê est ouvert et long.] Crème est la partie la plus grâsse du lait, de laquelle on fait le beûrre. Crémer se dit du lait, quand il fait de la crème. Crémière, femme qui vend de la crème. "Plat de crème; manger de la crème. "Ce lait rend bien, fait bien de la crème. "Le lait crème plus en été qu' en hiver. "Dites à la Crémière de venir tous les jours.
   CRèME se dit au figuré (st. famil.) de ce qu' il y a de meilleur en quelque genre que ce soit. "C' est la crème des honêtes gens: "Mes parens ne sont pas riches... mais, c' est la crème de la Paroisse. Mariv. "Il a extrait cet Auteur avec soin; il en a pris toute la crème. "Il n' y a plus rien à gâgner en cette afaire, un tel en a pris toute la crème. = Crème fouettée est, au propre, celle qui, à force d' être batûe, devient en écume. Au figuré, ce qui parait quelque chôse, et qui n' est rien au fond. "Ce discours n' est que de la crème fouettée. On le dit aussi des persones: "Cet homme n' est que crème fouettée; il a quelque chôse d' agréable dans l' esprit, mais nulle solidité.

CRÉNEAU


CRÉNEAU, s. m. CRÉNELER, v. act. CRÉNELûRE, s. f. [1reé fer. 2e dout. au 1er, e muet aux deux aûtres; 3e lon. au dern. Kréno, nelé, nelûre. _ Trév. et le Dict. Gram. écrivent ces mots sans accent. L' Acad. les marque d' un acc. aigu.] Créneau est une de ces pièces de maçonerie, coupées en forme de dents, et séparées l' une de l' aûtre, par intervales égaux, qu' on voit aux anciens murs des Villes et des Châteaux. Créneler, c' est faire des créneaux, façoner en forme de créneaux. Crénelûre est une dentelûre faite en créneaux. Plusieurs font faire des créneaux aux murs de leurs maisons de campagne, pour leur doner un air d' anciens châteaux. En faisant créneler leurs murailles, ils croient se doner des titres de noblesse. "Il y a des feuilles de plantes et des dentelles qui sont en crénelûre.

CRÉOLE


CRÉOLE, s. m. et f. [1re é fer. dern. e muet. On a dit aussi autrefois criole, mais aujourd'hui on ne dit plus que Créole.] Nom qu' on done à un Européen d' origine, qui est né en Amérique: "Un Créole, un Créole.

CRêPE


CRêPE, s. m. CRÉPER, v. act. [1re ê ouv. et long au 1er, é fer. et br. au 2d; 2d e muet au 1er, é fer. au 2d. On écrivait anciènement crespe, cresper, crespon; on écrivit ensuite crêpe, crêper, etc. avec un chevron sur l' ê, pour marquer la supression de l' s. Aujourd'hui on ne conserve plus ce chevron ou accent circ. que dans l' ê qui est ouvert et long, comme dans crêpe. Cependant l' Acad. l' a conservé dans crêper, quoique dans crépon, elle ait substitué l' accent aigu, ce qui n' est pas conséquent. Le 1eré de créper n' est pas d' une autre natûre que le 1er de crépir, que l' Acad. marque d' un accent aigu.] Crêpe est une étofe un peu frisée et fort claire, qui est faite de laine fine ou de soie crûe et gommée. "Coîfe, bandeau, voile, ceintûre de crêpe. _ Pris absolument et sans addition, il se dit du crêpe qu' on met au chapeau quand on porte le deuil.
   CRÉPER, friser en manière de crêpe: Créper une étofe, des cheveux. Chevelûre crépée, cheveux crépés: "Ses cheveux comencent à se créper.

CRÉPI


CRÉPI, s. m. [1re é fer.] Enduit, qui se fait sur une murâille avec du gros mortier.

CRÉPIN


CRÉPIN (Saint.) Il ne se dit que dans cette phrâse bâsse et populaire: "Perdre, ou porter son saint crépin, c. à. d. tout ce qu' on a. Cette façon de parler vient, dit-on, de ce que les Cordoniers en courant, le pays, portent ou portaient leurs outils dans un sac qu' ils apèlent un Saint-Crépin.

CRÉPINE


CRÉPINE, s. f. [1re é fer. dern. e muet.] Frange, qui est tissûe et ouvragée par le haut. Crépine d' or, d' argent, de soie, etc.

CRÉPIR


CRÉPIR, v. a. CRÉPISSûRE, s. fém. [Krépi, pi-sûre; 1re fer. 3e lon.] Crépir, c' est enduire une murâille avec du grôs mortier. "Crépir une murâille, une murâille crépie. _ Crépissûre, est le crépi d' une murâille. "Tant pour tant de toises de crépissûre, etc.

CRÉPITATION


CRÉPITATION, s. f. [Krépita-cion.] Bruit d' une flâme qui pétille. Ce mot ne se dit que parmi les Savans, et il y aurait de la pédanterie de s' en servir dans le discours ordinaire. L' Acad. le met sans remarque.

CRÉPODAILLE


CRÉPODAILLE: Voyez CRAPAUDâILLE.

CRÉPON


CRÉPON, s. m. CRÉPU, ÛE, adj. [1re é fer. 2e lon. au dern. Voy. CRêPE.] Crépon, est une étofe de laine, qui ressemble au crêpe, mais plus épaisse. _ crépu, crépé, fort frisé. Il ne se dit que des cheveux. "Les Nègres ont les cheveux Crépus. = Crépu, se dit des cheveux qui frisent et sont crépés naturellement; crépé, de ceux qui le sont par l' art.

CRÉPUSCULE


CRÉPUSCULE, s. m. [1re é fer. dern. e muet.] Lumière imparfaite, que l' on voit avant le lever du soleil, ou après son coucher, pendant le temps qu' il est à moins de 18 degrés au-dessous de l' horison: "Il y avait déja, ou il y avait encôre un peu de crépuscule. = On dit figurément, le crépuscule de la raison, les premiers temps où un enfant comence à faire quelque usage de sa raison.

CRESSON


CRESSON, s. m. CRESSONIèRE, s. f. [Kré-son, so-niè-re: 1re é fer. 3e è moy. et lon. au 2d.] Cresson est une herbe antiscorbutique, qui croît dans les eaux vives, et qu' on mange ordinairement crûe. On en farcit aussi des chapons, des poulardes, des dindes qu' on met à la broche. _ Cressonière se dit d' un lieu où il croît du cresson.

CRêTE


CRêTE, s. f. [1re ê ouv. et long. 2e e muet. On écrivait aûtrefois creste.] Ce mot a plusieurs sens: 1°. Morceau de chair rouge et ordinairement dentelé, qui vient sur la tête des coqs et des poulets, et de quelques aûtres oiseaux qui aprochent de cette espèce. = 2°. La hupe que quelques oiseaux ont sur la tête: La crête d' une alouette. = 3°. La partie relevée, qui se troûve sur la tête. de certains serpens. = 4°. Rangée d' arêtes, que quelques poissons ont vers la tête. = 5°. Le haut de la terre relevée sur le bord des fôssés: la crête d' un fôssé.
   On dit, figurément (st. fam.) Lever la crête, s' ennorgueuillir, s' en faire acroire. Baisser la crête, perdre de son orgueuil, de son courage, de sa vigueur, etc. Rabaisser la crête à quelqu' un; lui doner sur la crête; rabatre son orgueuil, le mortifier.
   CRÉTÉ, ÉE, adj. [1re et 3e é fer. L' Académie écrit crêté avec l' acc. circ. sur le 1erê; mais cet e n' étant pas ouv., cet accent n' est pas propre à marquer la prononciation. Voyez une Remarque au mot CRêPE.] Qui a une crête, Coq bien crété, Poule bien crétée.

CREVâILLE


CREVâILLE, s. f. [1re e muet; 2e lon. Mouillez les ll.] Repas où l' on se pique de manger avec excès, et comme pour se crever. _ Ce mot est bâs et populaire.

CREVASSE


CREVASSE, s. f. CREVASSER, v. act. et neut. [1re e muet, dern. e muet au 1er, é fer. au 2d. _ Pluche, ou son Imprimeur, écrit, Crévasse, crévasser, avec un accent aigu sur l' é: mauvaise ortographe, contraire à la prononciation.] Crevasse est une fente qui se fait à une chôse qui s' entr' oûvre, ou se crève. Crevasser, c' est faire des crevasses. "Le froid lui a crevassé les mains, ou lui a fait des crevasses aux mains. "La grande sécheresse fait crevasser la terre: "Cette murâille comence à se crevasser.

CRèVE-COEUR


CRèVE-COEUR, s. m. [Krève-keur; 1re è moy. 2e e muet.] Grand déplaisir, grande mortification, mélés de dépit. C' est un grand crève-coeur de se voir si mal récompensé de ses peines.

CREVER


CREVER, v. a. et n. [1er e muet, mais devant la syllabe fém. il se change en è moyen. Il crève, il crèvera, etc. 2eé fer. Krevé.] 1°. Faire éclater, faire rompre avec un éfort violent. "La pesanteur de la terre a crevé la murâille. "Le débordement des eaux creva la digue. Crever une vessie, crever des botes, des souliers, crever les yeux. = 2°. Fatiguer, harasser. "Crever un cheval, le fatiguer si fort qu' il en meure, ou qu' il en soit outré. Se crever de travail, de fatigue. = 3°. Remplir à l' excès soûler. "Que de plats! Voulez-vous crever tous vos Convives, les crever de bonne chère. Se crever de boire et de manger, ou simplement, se crever, boire et manger avec excès.
   On dit, figurément, qu' une chôse crève les yeux, quand elle est en vûe, et que quelqu' un ne la voit pas; qu' une chôse, ou une persone crève le coeur, quand elle excite une grande compassion."Ce spectacle, ou cet homme, par ses discours, me creva le coeur.
   CREVER, neutre: se rompre par un éfort violent: "Le canon, la bombe, l' orage, le fusil creva, est prêt à crever, etc. On dit, par exagération: Crever de graisse, crever de chaud, de rire;crever de bien, en regorger; crever d' orgueuil, de rage, de dépit, d' envie. = Crever, mourir. Il avala du poison, et il en creva. _ Le Gendre lui done le verbe être pour auxiliaire. "Ils en seroient crevés, si l' on ne leur eût serré le ventre avec des bandes. = On ne trouve guère d' exemple de crever, employé dans ce sens aux temps composés; de sorte que, ils en auroient crevé, et ils en seroient crevés, surprenent et choquent également l' oreille, qui n' y est pas acoutumée. À~ cause de l' analogie, et de la règle générale, je préférerois l' auxil. avoir.
    À~ crever, adv. Manger à crever; être enrhumé à crever.
   CREVÉ, ÉE, participe, s' emploie substantivement: un grôs crevé, un grôs~ homme: une grôsse crevée, une grôsse femme. "Je ne suis plus une grôsse crevée. Sév.

CREVETTE


CREVETTE, s. f. [Krevète; 1re et dern. e muet; 2e è moy.] Petite écrevisse de mer, qu' on nomme en quelques endroits Salicoque.

CREûSEMENT~


*CREûSEMENT~, s. m. CREUSER, v. a. [Kreû-zeman, Kreu-zé; 1re lon. au 1er, 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Creûsement, est l' action de creuser, de caver, de rendre creux. "Le creûsement d' un fôssé, creuser un puits, une carrière, creuser une pierre, un tronc d' arbre. = Figurément, aprofondir quelque chôse, creuser une science, une afaire.
   CREUSER, neutre. "Creuser bien avant, creuser jusque sous les fondemens: creuser dans une matière, dans une afaire, jusqu' au fond d' une afaire.
   On dit (st. fig. fam.) Qu' un homme s' est creusé le cerveau, pour dire, qu' il s' est beaucoup fatigué à aprofondir une matière, et qu' il creûse son tombeau, lorsque, par sa conduite, ses excès, il se rend lui-même la caûse de sa mort.
   REM. 1°. Creuser, a la 1re brève devant la syllabe masc. Nous creusons, vous creusez, il creusait, creusant, etc. Mais cette diphtongue devient longue devant l' e muet: il creûse, il creûsera, etc.
   2°. * Creûsement est dans Trév. et dans le Rich. Port. Celui-ci dit avec raison qu' il est peu usité. L' Acad. ne le met point. Ce substantif peut être quelquefois utile. Il manquerait à la langue, si on le laissait perdre pour n' ôser s' en servir.

CREUSET


CREUSET, s. m. [Kreu-zè; 1re br. 2e è moy.] Vaisseau de terre où l' on fait fondre les métaux. Éprouver, épurer l' or et l' argent dans le creuset. Passer par le creuset. _ On s' en sert métaphoriquement: "Rafinez tous les plaisirs, subtilisez-les, mettez-les dans le creuset. De toutes ces transformations, il n' en sortira et n' en résultera jamais que l' ennui. Massil. "Sa vertu a été mise au creuset, elle a passé par toute sorte d' épreuves. "De cet esprit sans corps, qui s' évapôre dans le creuset du bon sens. Des Sabl.

CREUX


CREUX, CREûSE, adj. [Keû, monos. long. Kreû-ze, 1re lon. 2e e muet.] Profond, vide. Trév. Qui a une cavité intérieure. Acad. "Fossé bien creux; avoir le ventre creux: cette statûe, cette colonne est creûse. = Figurément, Visionaire, chimérique; "Esprit creux, pensée creûse. "Vous êtes insuportable de me pousser à bout avec un raisonnement~ aussi creux que celui-là. Fonten. _ Viande creûse, qui ne nourrit pas assez. "La crême fouettée, les oublies sont de la viande creûse. "La Musique est de la viande bien creûze pour un ventre afamé.
   Rem. Cet adjectif marche après le substantif, dans la prôse ordinaire et comune. En vers et dans la prôse poétique, il peut le précéder. "Il représentoit les sombres forêts qui couvrent les montagnes et les creux valons. Télém. "Par-tout la charrue avoit laissé de creux sillons. Ibid. Ses yeux creux sont pleins d' un feu sombre et farouche. Ibid. _ Ses creux yeux serait insuportable.
   On dit proverbialement, d' un grand mangeur à qui l' on sert peu de chôse, qu' il n' en a pas pour sa dent creûse. On le dit aussi figurément d' un petit gain, à l' égard d' un homme avide. _ Trouver buisson creux, ne trouver plus dans l' enceinte la bête qu' on avait détournée. Figurément, ne pas trouver la persone, la chôse qu' on cherchait.
   On dit aussi, d' un homme qui se repaît de vaines espérances, d' imaginations chimériques, qu' il se repaît de viandes creûses.
   CREUX, adv. Songer creux, réver profondément à des chôses chimériques.
   CREUX, s. m. 1°. Cavité. "Faire un creux: tomber dans un creux. _ Le creux de la main, la cavité qui se fait dans la paûme de la main, en la pliant un peu. Le creux de l' estomac, cavité extérieûre, qui est entre l' estomac et la poitrine. = 2°. Un beau creux, un grand, un bon creux, se dit d' un homme qui chante la bâsse, et qui descend fort bâs. "Il a un beau, un grand creux; ou, c' est un beau, un bon creux. = 3°. Moule pour mouler quelque figûre de relief. "Creux de plâtre, d' acier. "Gravûre en creux.

CRI


CRI, s. m. 1°. Voix haute et poussée avec éfort. "Grand cri, cri aigu. Faire, jeter, pousser un cri, des cris: Cri de joie, d' alégresse, etc. = Cri, clameur. Voyez CLAMEUR. = 2°. Voix de certains oiseaux. "Le cri de la corneille, de la chouette. = 3°. Figurément, plaintes et gémissemens. "Dieu entend les cris de la veûve et des orphelins. = 4°. Proclamation de la part du Magistrat. "Il est défendu, par cri public, etc. = 5°. Le ton dont on crie, dans les rues, plusieurs chôses à vendre ou à acheter. Les cris de Paris, etc. = 6°. Il se dit, au figuré, pour voeu, desir. Le cri de la nature est d' être heureux. _ À~ cor et à cri. Voyez COR.
   Rem. 1°. Dit-on, demander à grands cris, ou, avec grands cris? Tous les deux sont bons, mais le premier est le meilleur et le plus autorisé. Vertot a préféré le 2d, "Toute l' armée demandoit, avec grands cris, qu' on fît le procès à ces assassins. _ Le Traduct. de l' Hist. d' Angl. dit, à cris redoublés, qui vaut mieux. "Le vieux Roi pressoit, à cris redoublés, le retour de son brâve Fils.
   2°. On dit, jeter les hauts cris, et crier les hauts cris. Le 1er est de tous les styles; le 2d n' est que du style familier. "Je le trouvai, criant les hauts cris. * M. de Coulanges dit, à peu près dans le même sens, crier l' épaule, pour dire, crier par la violence d' une douleur à l' épaûle. "Je fus dernièrement ataqué à Versailles; je criois l' épaule: on mit en même-temps les fers au feu, et les femmes de chambre de Mde de St. Geran me rapasserent que rien n' y manqua. C' est une expression bisârre, qui n' a pas fait fortune.
   3°. N' avoir qu' un cri après, desirer ardemment. "Le Cardinal de Bouillon n' a qu' un cri après lui (M. de Coulanges.) Sév. On le dit aussi impersonellement: Il n' y a qu' un cri sur... chacun en parle de la même manière. "Il n' y a qu' un cri, dans les États-Unis, contre les restrictions, etc.

CRIâILLER


CRIâILLER, v. n. CRIâILLERIE, s. f. CRIâILLEUR, EûSE, s. m. et f. [Kri-â-glié, glie-ri-e, glieur, glieû-ze; 2e lon.; mouillez les ll; 3e lon. au dern.] Criâiller, c' est crier à plusieurs reprises, et faire beaucoup de bruit. Criâillerie, crierie qui recomence souvent Voy. CRIERIE. _ Criâilleur, qui criâille. Ils sont du style familier. "Cette femme criâille toujours; on est las de ses criâilleries; c' est une criâilleûse bîen importune: son mari est aussi un grand criâilleur; on ne peut être en repôs dans cette maison.

CRIANT


CRIANT, ANTE, adj. CRIARD, ARDE, adj. [Kri-an, ante; ar, arde; 2e lon. aux 2 1ers.] Le 1er ne se dit que des chôses: qui excite à crier, à se plaindre haûtement. "Passe-droit criant, injustice criante. = Le 2d se dit des persones et des chôses, mais dans des sens diférens: Qui crie, qui gronde souvent sans sujet. Il est fort criard de son naturel: il a l' humeur criarde; et substantivement, c' est un grand criard, une criarde. _ Oiseaux criards, qui crient souvent. Le geai et la corneille sont des oiseaux criards. _ Dettes criardes, ce qui est dû à divers créanciers pour fournitûres, comme du pain, du vin, de la viande, etc.

CRIBLE


CRIBLE, s. m. CRIBLER, v. a. CRIBLEUR, s. m. CRIBLûRE, s. f. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d, lon. au dern.] Crible, est une peau atachée en dedans d' un cercle, et percée de plusieurs trous, pour séparer le bon grain d' avec le mauvais, et d' avec les ordûres. Cribler, c' est nétoyer le bled avec le crible; et Cribleur, celui qui crible.
   On dit proverbialement, percé comme un crible. On dit aussi figurément, d' un homme qui a plusieurs blessûres dans le corps, qu' il est criblé de coups; qu' il est percé comme un crible.
   CRIBLûRE, est le mauvais grain et les ordûres, qui sont séparées du bon grain par le crible. "On done les criblûres aux volâilles.

CRIC


CRIC, s. m. [Pron. Kri. _ On avertit, dans le Dict. Gram. de prononcer toutes les lettres. L' Acad. au contraire, avertit que le c final ne se prononce pas: il faut suivre ce dernier avis.] Machine à roûe de fer, avec une manivelle, qui sert à élever de grands fardeaux, et-particulièrement à soulever le train d' un cârosse.

CRIC-CRAC


CRIC-CRAC. [Pron. krik-krak.] Mot qui exprime le bruit que fait une chôse qu' on déchire, qu' on casse.

CRIÉE


CRIÉE, s. f. [Kri-é-e; 2eé fer. et long; 3e e muet.] Proclamation en Justice, pour vendre des biens.. Mettre une maison, une terre en criée: s' oposer aux criées.

CRIER


CRIER, v. n. [Krié: l' i est bref devant la syll. masc.; il est long devant l' e muet. Il crie, ils crient. Au futur et au conditionel, il criera, il crierait, l' e est tellement muet, que le mot n' est que de deux syllabes: on suprime même cet e muet en vers.
   Mon amour et ma haine, et la cause commune,
   Crîront à la vengeance.       Corn.]
CRIER, est, 1°. Jeter un ou plusieurs cris. "Cet enfant crie sans cesse. _ Laissez-le crier. Il crie de toute sa force. _ Crier comme un perdu, comme un fou, ou un enragé. Crier à pleine tête, à tûe tête, comme un aveugle qui a perdu son bâton. Crier les hauts cris. Voy. CRI, Rem. n°. 2°. "Il crie comme si on l' écorchait. Toutes ces expressions sont du style familier.
   On dit proverbialement, plumer la poule sans la faire crier; exiger des chôses qui ne sont pas duês, faire des concussions, mais sans bruit et sans éclat.
   2°. Il se dit figurément, d' une chôse dûre, qui se frotant rudement contre d' aûtres, rend un son aigre. Cette porte crie, les roûes crient. "L' essieu crie et se rompt. Rac. = 3°. Prononcer quelques paroles d' un ton élevé. "Il ne peut disputer sans crier: c' est à qui criera le plus haut. _ Crier à l' aide, au secours, au meurtre, au voleur, etc. Crier miséricorde, crier merci, etc. = 3°. Se plaindre haûtement et avec aigreur. En ce sens il régit la prép. contre, de la persone et de la chôse: "Pourquoi crie-t-il sans cesse contre moi? Les Prédicateurs ne cessent de crier contre le vice. * Bossuet lui fait régir la prép. de: "On cria de cette sacrilège déprédation des biens consacrés à Dieu. _ On cria contre, est plus usité aujourd'hui. _ On dit, en ce sens, crier vengeance contre, etc. = 4°. Proclamer par autorité de Justice, crier à son de trompe, de par le Roi, etc., ou simplement, proclamer en public: Cirer du vin à six sous; crier un enfant, une montre, un sac de papiers, qui sont perdus. = 5°. Crier sur, ou après quelqu' un. Le 1er se dit des persones, et se dit au propre; le 2d se dit des persones et des chôses, et signifie apeler, se plaindre, desirer. "Tout est à l' armée: quand on voit un homme avec une épée dans les rûes, les petits enfans crient sur lui. Sév. "Vous ne m' avez pas entendu; depuis un quart-d' heûre je cours, et je crie après vous. "Des créanciers qui crient après moi, depuis si long-temps. Mde de... "Le temps passe vîte, vous criez après lui. Sév.

CRIERIE


CRIERIE, s. f. [L' e devant l' r est si muet, qu' on ne le fait pas sentir: pron. crîri-e: 1re et 2e lon. 3e e muet.] Bruit qu' on fait en criant: Sa crierie me rompt la tête: que gagnez-vous avec vos crieries? Faites cesser cette crierie, ces crieries.
   CRIERIE, CRIâILLERIE. Suivant La Touche, ces deux mots sont plus usités au pluriel qu' au singulier; et cela est vrai. Criâillement, marque le bruit et les cris des persones qui se disputent, ou qui se querellent: Crieries, se dit plutôt du cri de ceux qui se plaignent, ou qui demandent quelque chôse. "Jupiter, ému des crieries importunes des grenouilles, etc. Trad. de Phedre. _ Selon l' Acad. criâillerie, est une crierie qui recomence souvent; et c' est la seule diférence qu' elle met entre ces deux mots. L. T. Celle qu' établit La Touche me parait fort juste.

CRIEUR


CRIEUR, EûSE, s. m. et f. [Kri-eur, eû-ze; 2e lon. au 2d.] 1°. Celui, celle qui crie. "Faites taire ce crieur, cette crieûse. C' est un crieur bien incomode, une crieûse insuportable. = 2°. Qui crie du fruit, de vieux chapeaux, etc., par la ville. Un crieur de moutarde, une crieûse de vieux chapeaux, etc. _ Jurés-Crieurs, Oficiers qui publient des Édits, etc., au son des trompettes.

CRIME


CRIME, s. m. Action méchante et punissable par les lois. Acad. Action contre la loi conûe. Trév. Faûte qui mérite punition. Rich. Port. "Crime capital, énorme, inoui, atroce, détestable, etc. "Imputer un crime à quelqu' un, lui imputer une chôse à crime. "Cette rigide exécution des loix ne pouvoit éfectivement leur être imputée à crime. Hist. d' Angl. _ Faire un crime à... de.... "Vous me faites un crime de tout. "J' y trouverai des âmes sensibles à mon malheur, et qui ne me feront pas un crime d' inspirer un peu de pitié. Marm.
   Dans la conversation ordinaire, on se sert du mot crime, pour exagérer une faûte légère, comme on dit meurtre pour simple domage. "C' est un crime, c' est un meurtre d' abatre de si beaux arbres. _ Crime, délit, forfait, faûte (synon.) V. FAûTE.

CRIMINALISER


CRIMINALISER, v. a. CRIMINALISTE, s. m. [lisé, lis-te, dern. é fer. au 1er, e muet au 2d.] En termes de Pratique, criminaliser une afaire, c' est d' un procès civil en faire un criminel; comme la civiliser se dit dans un sens contraire. _ Criminaliste est un Auteur qui a écrit sur les matières criminelles; ou, un homme qui en est fort instruit. "C' est un grand criminaliste.

CRIMINEL


CRIMINEL, ELLE, adj. CRIMINELLEMENT, adv. [nèl, nèle, nèleman; 3ee moy. 4e e muet.] 1°. En parlant des persones, coupables de quelque crime. "Homme criminel, femme criminelle: tous ceux sont acusés ne sont pas criminels. = 2°. En parlant des chôses, condamnable, qui mérite punition. "Desir, atachement criminel; pensée, action criminelle. _ Et en parlant de procédûre; qui a raport aux crimes. "Procès, Juge, Lieutenant criminel. Matière, afaire criminelle; intenter une action criminelle. Il est oposé à civil. = 3°. Il se dit des persones substantivement; j' ai paru devant lui comme un criminel, comme une criminelle. "Le Tribun soutint que cette précaution étoit nécessaire pour empêcher qu' un aussi grand criminel n' échapât à la justice du Peuple. Vertot. _ Ou des chôses comme substantif abstrait. "Tirer une afaire au criminel. _ Et figurément (st. famil.) Il prend tout au criminel; il s' ofense de tout. _ Il va dabord au criminel, il juge malignement de tout sur la moindre aparence.
   Rem. 1°. Criminel adj. suit ou précède le substantif, au gré du Poète ou du Prosateur, guidé par l' oreille et le goût. Les desirs criminels, ce criminel dessein. Il est toujours bien après; et il est bien des substantifs avec lesquels il ne serait pas suportable devant; comme ce criminel Prince, et surtout ce criminel homme.
   2°. On dit, avec la prép. de: criminel de Lèse-Majesté. Hors delà, il se dit sans régime. "Déclarer criminel de trahison quiconque, etc. Hist. d' Angl. Il faut dire coupable de, etc.
   II. CRIMINELLEMENT, d' une manière criminelle. Aimer criminellement; regarder une femme criminellement. _ Au criminel, poursuivre quelqu' un criminellement. _ Expliquer, juger criminellement; expliquer, interpréter en mauvaise part.

CRIN


CRIN, s. m. CRINIèRE, s. f. CRINON, s. m. [Krein, monos. kri-niè-re, 2e è moy. et long, 3e e muet.] I. Crin est ce poil rude et long qui vient au cou et à la queûe des chevaux, et de quelques aûtres animaux. "Garnir un matelas de crin; bouton de crin, etc. _ On le dit par mépris des cheveux: "Ce ne sont pas des cheveux, c' est du crin. _ Prendre quelqu' un au crin, ou aux crins, aux cheveux; se prendre au crin, ou aux crins, se batre.
   II. CRINIèRE, tout le crin qui est sur le cou d' un lion. "Longue, épaisse crinière: il avoit la crinière toute hérissée. _ On le dit par mépris de la chevelûre de l' homme, ou d' une péruque; vilaine crinière.
   III. CRINON, petit ver mince comme le crin, qui s' engendre sous le peau.

CRIOLE


CRIOLE. C' est ainsi qu' on disait aûtrefois, et que l' avait dabord mis l' Académie. Dans la dernière édition, elle ne met que Créole. Voy. ce mot.

CRIQUET


CRIQUET, s. m.[Krikè; 2eè moyen.] Petit cheval faible et de vil prix. "Il montoit un criquet.
   Un fier et superbe coursier
   Et le criquet d' un Jardinier
   Aloient un jour de compagnie,
       St. Marcel.

CRISE


CRISE, s. f. [Krîse; 1re lon. 2e e muet.] éfort que fait la natûre dans les maladies, par la sueur, les évacuations, etc. Bone ou mauvaise crise; jour de crise; atendre la crise. _ Quelques-uns disent, faire crise, ou une crise. Cette façon de parler est douteûse. _ Il se dit élégamment au figuré: "Les afaires sont dans leur crise: "Le sort de l' Angleterre est à présent dans sa crise. "Le mal étoit porté à son comble; et son excès anonçoit la crise, qui devoit en préparer le remède. Moreau.

CRISPATION


CRISPATION, s. f. [cion, en vers ci-on.] Terme de Médecine, fort à la mode; Resserrement des parties extérieures, qui se replient sur elles-mêmes, et se crêpent par l' aproche du feu. _ Il se dit sur-tout, et plus souvent d' un éfet à-peu-près pareil, qui arrive dans les nerfs, dans les entrâilles. Comme les vapeurs, vraies ou prétendues, sont fort comunes, on parle beaucoup de crispation de nerfs.

CRISTAL


CRISTAL, s. m. CRISTALLIN, INE, adj. [Dans le 2d, on ne pron. qu' une seule l; Krista-lein, line.] Cristal, est; 1°. une pierre transparente. Cristal de roche: Il y a des cristaux de diférentes couleurs. = 2°. Espèce de verre, qui est net et clair comme le vrai cristal. "Cristal de Venise, de Bohème: verres de cristal. = On dit, poétiquement, le cristal des eaux, des fontaines.
   CRISTALLIN, qui est clair et transparent comme du cristal. Il ne se dit guère que des eaux; des eaux cristalines, extrêmement claires. _ Humeur cristalline, ou Cristallin, subst. masc. L' une des trois humeurs de l' oeil. Le cristallin épaissi, et devenu opaque, forme la cataracte.

CRISTALLISATION


CRISTALLISATION, s. f. CRISTALLISER, v. a. [Kristaliza-cion, lizé: on en pron. qu' une l.] Cristalliser, c' est congeler en manière de cristal. Cristallisation, est l' action de cristalliser, ou la chôse cristallisée. Le verbe se dit sur-tout au réciproque. "L' eau se cristallise à travers ces terres, ces rochers: les sels se cristallisent: "Cristallisation naturelle ou artificielle.

CRITIQUABLE


CRITIQUABLE, adj. CRITIQUE, subst. et adj. CRITIQUER, v. a. [Kritikable, kritike, tiké; 3e dout. au 1er, e muet au 2d; é fer. au 3e.] I. Critiquable, qui peut être critiqué. "Les meilleurs ouvrages sont critiquables.
   II. CRITIQUE, adj. se dit, 1°. du jour où il arrive ordinairement quelque crise dans les maladies. "Le 7e et le 9e, sont des jours critiques. "Dans l' accès d' une fièvre intermittente, l' évacuation critique se fait constamment par la voie des sueurs. Voullonne. _ Figurément; Dangereux. "Ocasion critique, situation critique. = 2°. Qui a raport à la critique. "Discours critique, dissertation critique.
   CRITIQUE, s. f. 1°. L' art, le goût, la capacité de juger d' un ouvrage d' esprit. Être habile, savant dans la critique; avoir la critique sûre; exercer sa critique sur un ouvrage. Soumettre ses écrits à la critique d' un homme de goût. _ Dans ce même sens: dissertation faite pour examiner un ouvrage d' esprit. "Il a fait la critique d' un tel Poême: il a fait imprimer sa critique. = 2°. Censûre maligne de la conduite d' autrui, ou de ses ouvrages. "Critique amère, mordante, maligne, injuste, outrée, etc. Voyez CENSûRE.
   CRITIQUE, s. m. Celui qui examine des ouvrages d' esprit, pour en porter son jugement. "M. Fréron a été un des Critiques les plus célèbres qui aient paru en France. M. Clément passe pour un excellent Critique. Quelques-uns trouvent pourtant qu' il est trop dificile.
   III. CRITIQUER, censurer quelque chôse, y trouver à redire. Critiquer un ouvrage. Critiquer la conduite, les actions d' autrui. Critiquer un tableau, un bâtiment. _ Il est neutre dans cette phrâse: C' est un homme qui critique sur tout.
   *CRITIQUEMENT, adv. *CRITIQUEUR, s. m. Le 1er est un néologisme assez récent. Il est employé dans le titre d' une division d' un Ouvrage immense, projeté sur l' Histoire Littéraire Universelle. "Ce titre est: de ceux, qui ont écrit sur les Savans en général, critiquement et historiquement. _ La fureur du néologisme a saisi tous les Auteurs. Chaque jour voit paraître des mots nouveaux; et chaque Écrivain fabrique sans façon tous ceux qui l' acomodent.
   *CRITIQUEUR, Celui qui critique, qui blâme, qui censûre. Ce mot ne se troûve que dans Richelet. On peut, sans crainte, le traiter de barbarisme.

CROACEMENT


CROACEMENT, ou CROASSEMENT, s. m. CROACER, ou CROASSER, v. neut. [Le 1er est du Trévoux; le 2d, de l' Acad. _ Le Rich. Port., qui met aussi celui-ci, dit qu' on devrait écrire, Croacement, croacer, de crocitus, crocire. _ Prononc. Kro-aceman, Kro-acé; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Ces mots expriment le cri des corbeaux. "Le croassement des corbeaux est désagréable. "J' entends croasser: voici des corbeaux. _ Figurément, il se disent des mauvais Poètes et Musiciens. "Pour Dieu, faites-nous grâce de vos croassemens. Il ne chante pas, il croasse.

CROC


CROC, s. m. [Krok: M. de Wailly veut qu' on prononce cro: l' Acad. au contraire avertit de prononcer le c final.] 1°. Instrument à une ou à plusieurs pointes recourbées pour y pendre ou y atacher quelque chôse. "Croc de fer, croc de bois. Pendre au croc ou à un croc. = On dit, figurément, (st. fam) Mettre ou pendre les armes, ou son épée au croc; quiter le métier. Mettre un procès au croc, le laisser indécis. "Depuis long-temps ce procès est au croc, a été mis au croc. = 2°. Longue perche avec un crochet au bout. "Croc de batelier. = 3°. Crocs, certaines dents de quelques animaux: "Les crocs d' un mâtin, d' un cheval. = 4°. Crocs, grandes moustaches, recourbées en forme de crochet: "Il a, il porte de beaux crocs.

CROC EN JAMBE


CROC EN JAMBE, s. m. Tour de lutte, pour faire manquer le pied à celui avec qui l' on est aux prises. "Doner le croc-en-jambe. = figurément et familièrement, Adresse avec laquelle on supplante quelqu' un, ou on le fait déchoir de sa place, ou de prétentions qu' il avait. "On lui a doné le croc-en-jambe: Voilà un vilain croc-en-jambe.

CROCHE


CROCHE, adj. CROCHET, s. m. [2e e muet au 1er, è moy. au 2d.] Croche, adj. signifie, qui est courbé, tortu. Il a la jambe, la main croche. L' usage de ce mot n' est pas fort étendu. = S. f. Note de Musique, qui est crochue par un bout. "La croche vaut la moitié de la noire, et la double croche, la moitié de la croche.
   CROCHET, petit Croc. "Crochet à pendre de la viande. Crochet de Serrurier, pour ouvrir une porte, quand on a perdu la clef. Crochet à pendre une montre etc.
   On dit, proverbialement: Être sur les crochets de quelqu' un, vivre à ses dépens. _ Aler aux mûres sans crochet, entreprendre quelque chôse, sans avoir tout ce qu' il faut pour l' exécuter.
   CROCHETS: Certaines dents aigûes et perçantes de certains animaux. "En termes d' Imprimerie, figures courbes pour marquer une parenthèse, [ ]: = C' est aussi le nom d' une figure recourbée, qui sert à lier ensemble deux ou plusieurs articles. {

CROCHETER


CROCHETER, v. a. CROCHETEUR, s. m. [Krocheté, teur; 2e e muet: 3e é fer. au 1er.] Crocheter, c' est ouvrir une porte, un cofre avec un crochet. = Crocheteur, est un Portefaix, ainsi nommé, parce qu' il porte des crochets sur le dôs, pour porter plus aisément les fardeaux. On apèle, par mépris, de ce nom, tous les Portefaix, même ceux qui n' ont point de crochets. "C' est un crocheteur; fort comme un crocheteur. Injûres de crocheteur. = Fig. famil. Santé de crocheteur; santé très-robuste.
   *CROCHETERAL, ou CROCHETORAL, ALE, adj. Richelet met le 1er: Façons de parler crocheterales; c. à. d. de crocheteur. Trév. met le 2d. Grossier, incivil, qui tient du crocheteur. Le Rich. Port. met ce mot, en citant Trév. _ L' Acad. ne le met point. Il ne peut être bon que pour le burlesque. Le 2d serait le meilleur; car dans le 1er, ces deux e muet de suite ne sont pas dans le génie de la Langue.

CROCHU


CROCHU, ÛE, adj. [2e lon. au 2d; 3e e muet.] Recourbé, fait en crochet. _ Il suit toujours le substantif. Doigts crochus, mains crochûes. = Fig. (st. bâs et populaire) avoir les mains crochûes, être sujet à dérober. = On a dit aûtrefois, crochue ou croche, pour exprimer une note de Musique, qui a un crochet au bout de la queûe. On ne dit plus que croche. Voy. ce mot.

CROCODILE


CROCODILE, s. m. Animal amphibie, de la figure d' un lézard, mais sans comparaison, plus grand. Il est vorace et très-dangereux. "Il y a des Crocodiles dans le Nil, dans le Gange, etc. = On apèle, proverbialement, larmes de Crocodile, des larmes feintes et hypocrites; les larmes d' un traitre, qui vent nous surprendre et nous tromper.

CROIRE


CROIRE, v. n. et act. Faut-il prononc. crêre, ou croâ-re? Plusieurs admettent les deux prononciations; la 1re, pour la conversation: la 2de pour le discours soutenu. Un habile homme interrogé, comment il falait prononcer ce mot, répondit: je crais qu' il faut prononcer, je crois. L' Ab. Tallemant, dans le Recueil des Décisions de l' Acad. Franç. (1698) dit que la prôse adoucit la prononciation à plusieurs mots, comme croire, qu' elle prononce craire. La question est encôre indécise: le plus sûr est de toujours prononcer croâre, je croâ, nous croa-ion, etc. _ On dit, dans l' Ann. Lit. "M. Retif de la Brétone écrit craire au lieu de croire, comme s' il était convenu généralement de prononcer de la première manière. Cette prononciation même n' est-elle pas ridicule, comme endrait pour endroit, étrait pour étroit, fraid pour froid, etc.
   CONJUG. Je crois, nous croyons, ils croient (et non pas croyent, qui ferait deux syllabes, croa-ient.); je croyais, nous croyions, vous croyiez, ils croyaient. Je crus, j' ai cru (et non pas crû, avec l' acc. circ.) Je croirai, croirais; que je croie. (Pron. croâ, monos. et n' écrivez pas croye, qu' on prononcerait croa-ie, et qui serait dissyllabe.); que je crus, tu crusse, il crut (et non pas crût, avec l' accent.); croyant, cru.
   Rem. 1°. L' Académie écrit à l' Imparfait comme au présent, nous croyons, vous croyez; c' est confondre un temps avec l' aûtre. Plusieurs Auteurs le font de même: "Nous croyons la chôse finie, mais le lendemain la scène changea. Let. Édif. Je crois qu' il faut écrire et prononcer, nous croyions.
   2°. On écrivait aûtrefois je creus, tu creus, il creut. J' ai creu. Aujourd'hui on écrit, et l' on prononce~ je crus, etc. J' ai cru. Quelques-uns y mettent mal-à-propos un accent circ. sous prétexte de marquer la supression de l' e; mais cet accent n' est plus employé aujourd'hui, par ceux qui écrivent bien, que pour marquer les syllabes longues.
   CROIRE; c' est 1°. Estimer une chôse véritable. "Je crois cela, je ne le crois pas; j' ai peine à le croire: il croit cela comme l' Évangile, etc. = 2°.  Ajouter foi aux persones. Il se dit alors, ou avec le régime direct (l' accusatif): je vous crois. "C' est un menteur, on ne le croit plus: il faut en croire les Auteurs, les Médecins, les Avocats; ou il est neutre, et régit le datif (la prép. à). "Je ne veux pas y croire; croire à cet homme. "Il ne faut pas croire au raport, au témoignage de cet homme. Croire aux Médecins, aux Avocats.
   Rem. I. Quelquefois croire a des sens diférens, suivant ses diférens régimes. Par exemple, croire aux sorciers, aux revenans, aux silphes, c' est croire qu' il existe des sorciers, des revenans, des silphes, "Elle a la bêtise de croire aux revenans. Élise croyait aux silphes, et brûloit d' envie d' en avoir un. Marm. _ Croire les sorciers, c' est croire vrai ce qu' ils vous disent. = Ces deux régimes et ces deux acceptions de croire sont réunis dans cette phrâse de Bossuet. "Il n' y a point de diférence entre croire l' Église catholique, et croire à l' Église catholique. Il veut dire que dès là qu' on croit qu' il existe une Église catholique, on doit croire ce qu' elle enseigne.
   II. Le datif, régi par croire, done souvent à ce verbe le sens de se fier à...
   O ciel! qu' on doit peu croire
   Aux dehors imposans des humaines vertus!
       Gress. Édouard.
Et quelquefois aussi, le sens d' espérer. "Son malheur étoit trop grand, pour qu' elle pût croire à quelque moyen d' y remédier. Anon. Mais ce régime n' est que pour les chôses, en ce sens. = * Molière lui fait régir l' ablatif (la prép. de) de la persone, et lui done le sens de présumer. "Sans trop croire de moi. _ Croire n' a pas cette signification et ce régime, en ce sens. On dit, je crois tout de lui, c. à. d. tout ce qu' on me dit sur son compte; mais on ne dirait pas, je crois tout de lui, pour dire, j' espère tout ce qu' on me promet de sa part, je le crois capable de le faire.
   III. Croire se dit des chôses, dont on n' est pas bien assuré. Il est donc ridicule de l' apliquer aux vérités certaines de l' Histoire. "Tandis que la paix régnoit en Europe, je crois que Ferdinand le catholique mourut, dit le Traducteur de M. Hume. C' est un anglicisme; un tour particulier à la langue anglaise, qu' il ne falait point transporter dans notre langue. Il falait dire simplement: Tandis que la paix régnait en Europe, Ferdinant le Catholique mourut.
   IV. S' en croire, c. à. d. en croire à ce qu' on voit, ce qu' on entend.
   Que vois-je? Ah! je m' en crois à peine.
   Quoi! c' est vous, Arondel, c' est vous que je revois?
       Gress. Edouard.
On en le dit guère qu' avec à peine.
  V. RÉGIMES. Croire régit l' infinitif sans prép. ou la conjonction que, avec l' indicatif ou le subjonctif. Le premier régime s' emploie lorsque le verbe régi se raporte au sujet du v. croire; le second, quand il ne s' y raporte pas: je crois pouvoir le faire; je crois qu' il pouvait le faire. Quelques-uns mettent mal-à-propos la prép. de devant l' infinitif. "Les nouveaux Philosophes croient d' avoir trouvé le secret d' une teintûre, qui blanchit tout ce qui est noir, et qui noircit tout ce qui est blanc. Déplorable secret! Malheureuse invention! Le Chev. des Sablons. Il falait dire, croient avoir trouvé, etc. "On croit de l' avoir déja prouvé. Brès, Avocat. "Je crois de penser à ce moment, et de dicter à mon copiste. Crousaz. "Les Romains avoient cru de leur rendre, etc. Id. Retranchez de dans ces phrâses.
   1°. Le que après croire régit l' indicatif, quand le sens est afirmatif, et le subjonctif, quand le sens est négatif ou interrogatif: je crois qu' il viendra: je ne crois pas, ou croyez-vous qu' il viène? "Croyez-vous que ses parens soient inexorables? Marin, Julie. Plusieurs Auteurs ont employé le subjonctif, quoique le sens fût afirmatif.
   La plus belle des deux, je crois que ce soit l' autre.
       Corn.
Il falait, que c' est l' autre; mais le vers aurait manqué d' une syllabe.
   Vous croyez qu' un amant vienne vous insulter.
       Racine.
Selon l' usage, il faudrait:
  Vous croyez qu' un amant viendra vous insulter.
Ou bien:
  Pensez-vous qu' un amant vienne vous insulter?
   Voiture a employé ce mode, croyant mal-à-propos que le sens était négatif. "Une des causes qui m' obligent à cette heure de me reconcilier, c' est la crainte que, si je vous témoigne de la haine, on ne croie qu' elle viène (vient) d' envie plutôt que d' un juste ressentiment. _ Ce qui a trompé cet Auteur, dailleurs très-correct pour son temps, c' est la particule négative ne, qui afecte croire; mais cette particule n' est point comandée en cet endroit par le sens négatif; mais par le substantif crainte: le sens est afirmatif. C' est comme si l' on disait: si je vous temoignais de la haine, on croirait qu' elle vient d' envie, etc. voilà ma crainte, et cette crainte m' oblige à me réconcilier. = M. l' Ab. Du Bos, qui avait une prédilection peu commune pour les subjonctifs, et qui les prodiguait souvent contre les règles, s' est aussi servi de ce mode dans une phrâse afirmative. "S' il se rencontre quelque sphinx d' une beauté merveilleûse, on peut croire qu' il soit (qu' il est) de quelque Sculpteur Grec.
   Au contraire, d' aûtres Auteurs mettent l' indicatif à la place du subjonctif dans des phrases négatives: "Je ne crois pas qu' il seroit (qu' il fût) juste de détruire tout d' un coup le droit de l' Empire Romain. "Je n' avois point cru que M. Newton étoit (fût) capable d' employer cette objection. Leibnitz. Cela est pardonable à un étranger; mais des Auteurs, français d' origine et d' éducation, ont fait la même faûte; ce qui est plus surprenant. "On prie Mr de St. Ange de ne pas croire qu' il y a (qu' il y ait) des absurdités dans Ovide, toutes les fois qu' il ne pourra pas l' entendre, sans lui en suposer. Journ. de Mons. "Croyez-vous qu' aujourd'hui on peut (on puisse) suporter ces idées de perfection? Anon.
   2°. Quand la négative afecte le verbe régi, comme le verbe croire, le câs est plus embarrassant. Faut-il dire, par exemple, je ne crois pas que je ne le fasse pas; ou que je ne le fasse, en retranchant pas; ou bien: je ne crois pas ne pas le faire, en se servant de l' infinitif? _ Mde. de Sévigné a employé la seconde manière, qui me plairait assez. "Je ne crois pas que je ne pleure quand je verrai, etc. L' infinitif me parait bon aussi en pareil câs. Mais, à mon avis, la première manière ne vaut rien du tout: je ne crois pas que je ne pleure pas, etc.
   3°. Croire que, dans les phrâses interrogatives, a des sens diférens, suivant qu' il régit le futur ou le subjonctif. Croyez-vous qu' il le fera? signifie: je crois qu' il ne le fera pas, et vous seriez trop simple de le croire. Croyez-vous qu' il le fasse? veut dire: je doute qu' il le fasse; je ne sais s' il le fera. Extr. de Mr. Andry de Bois-Regard.
   4°. Il est à croire que, a les mêmes régimes que croire: "Il est à croire qu' il le veut ainsi: est-il à croire qu' il le veuille, ou qu' il le voudra ainsi? _ On met aussi, il est à croire sans que, en parenthèse. "Une mort chrétienne le mit en possession, comme il est à croire, de la récompense que méritoient ses soufrances et la fermeté de sa foi. Lett. Edif.
   5°. Pour revenir au régime de l' infinitif, on ne doit l' employer qu' avec les verbes qui se raportent au sujet de la phrâse, et non au régime. "Je croyois cette brochure intéressante, parce que je la croyois contenir les actions journalières d' un grand Prince. M. de Barruel. Il falait: je croyais qu' elle contenait, etc.
   6°. Quelquefois, dans la conversation, on suprime le pron. le devant croire. "Vous en viendrez à bout. _ Vous croyez? _ Je le crois. On dit, vous croyez? pour, vous le croyez?
   CROIRE, signifie aussi avoir la foi, et recevoir avec soumission tout ce que l' Église enseigne. Il s' emploie, ou neutralement et sans régime: "À~ la première prédication des Apôtres, les Juifs crurent. "Il ne croit point, c' est un impie; ou avec la prép. en ou à pour régime: croire en Dieu, en J. C. au St. Esprit, à la Ste. Eglise catholique, etc.~ _ M. Crouzaz lui fait régir la prép. dans. "Les hommes vicieux et tirans crurent dans des Dieux tirans et vicieux. J' aimerais mieux en que dans; mais, à des Dieux vaut mieux encôre.

CROISADE


CROISADE, s. f. [Kroa-zade.] Ligue contre les Infidèles et les Hérétiques, ainsi nommée, de ce que ceux qui s' y engageaient prenaient une croix sur leurs habits. "Les croisades sont aujourd'hui le grand cheval de batâille des Philosophistes.

CROISÉ


CROISÉ, ÉE, adj. [Kroa-zé, zé-e: 2e é fer. long au 2d.] Chargé d' une Croix; qui est en forme de Croix. _ Étofe croisée, serge croisée, dont les fils sont entrelacés. _ Avoir, ou demeurer, se tenir les brâs croisés, demeurer oisif, ne point se remuer.
   CROISÉS, s. m. pl. Ceux qui prenaient la croix pour les guerres saintes. "L' armée des Croisés étoit composée de trois cens mille hommes.

CROISÉE


CROISÉE, s. f. [Kroa-zé-e; 2e é fer. et long, 3e e muet.] Fenêtre, ainsi apelée, de ce qu' aûtrefois elle était en croix, et à plusieurs paneaux. Elle a retenu ce nom, quoiqu' elle n' ait plus cette forme. Ce mot se dit, et de l' ouvertûre de la fenêtre, et de la menuiserie garnie de verre, qui sert à fermer cette ouvertûre. = On dit plutôt une maison de dix, de quinze croisées, que de dix ou quinze fenêtres de face. "Faire une croisée, pratiquer plusieurs croisées dans une façade. Placer, peindre, vitrer une croisée.

CROISEMENT


CROISEMENT, s. m. [Kroâ-zeman; 1re long. 2e e muet.] * Trév. le dit en général, de l' action de deux corps qui se croisent. Dans le Rich. Port. on ne le met que comme un terme d' escrime. "Le croisement consiste à mettre son épée en forme de croix sur l' épée de celui contre qui l' on se bat. _ L' Acad. ne le met point.

CROISER


CROISER, v. act. [Croa-zé; 2e fer. _ Devant l' e muet, oi est long: il croise, il croisera, etc. Pron. kroâ-ze, kroâ-zera.] 1°. Disposer en forme de croix. Croiser les brâs, les jambes: croiser les piques, les épées. = 2°. Traverser. Croiser le chemin. _ Figurément, traverser quelqu' un dans ses desseins. "Il se croisent dans leurs prétentions. = 3°. Rayer. "Il lui croisa trois ou quatre articles. _ Croiser une déclaration de dépens taxés: marquer d' une croix les articles dont on se plaint. = 4°. Croiser, neutre, se dit des robes, des habits, dont les côtés passent l' un sur l' aûtre. "Cette camisole ne croise pas assez. = En termes de Marine, il est aussi neutre: On dit, croiser sur telle côte, sur telle mer; aler et venir sur... pour découvrir les vaisseaux énemis et leur doner chasse pour tâcher de les prendre. * Mde. de B... le fait actif en ce sens, contre l' usage. "Une flote formidable... qui croisoit la mer depuis tout l' été. C' est un barbarisme ou un anglicisme. = 5°. Se croiser, réciproque, en parlant des chôses, se couper, se traverser: "Deux chemins, deux lignes qui se croisent. = En parlant des persones, s' engager dans une croisade: "Quand St. Louis se croisa, la plupart des Princes se croisèrent aussi.

CROISEUR


CROISEUR, s. m. [Kroa-zeur.] Capitaine ou vaisseau qui croise sur une côte. Trév. Rich. Port. Voy. CROISER, n° 4°. l' Acad. ne le met pas.

CROISIèRE


CROISIèRE, s. f. [Kroa-ziè-re; 2e è moy. et long.] Certaine étendûe de mer, dans laquelle les vaisseaux croisent. "Il établit sa croisière dans le détroit de Gibraltar; entre Malthe et Alger.

CROISILLON


CROISILLON, s. m. [Kroa-zi-glion; mouillez les ll.] La traverse d' une croix, d' une croisée. "La croix de Lorraine a deux croisillons; croisée à deux, à trois croisillons.

CROISSANCE


CROISSANCE, s. f. [Kroa-san-ce; 2e lon. 3e e muet.] Augmentation en grandeur, en parlant des animaux et des arbres. "Âge de croissance: il n' a pas encore toute sa croissance.

CROISSANT


CROISSANT, s. m. [Kroa-san; 2e lon.] 1°. La figure de la nouvelle lune, jusqu' à son premier quartier. "Le croissant de la Lune: elle est à son croissant. _ On dit, poétiquement, l' Empire du Croissant, pour dire, l' Empire du Turc, parce qu' il a un Croissant dans ses Armes. "Abatre le Croissant. = 2°. Instrument de Jardinier en forme de Croissant, avec lequel on tond les palissades. = 3°. Branche de fer recourbée, qu' on scelle dans les cheminées, pour y placer les pelles à feu, les pincettes, etc.
    *CROISSANT, ANTE, adj. verbal. Qui croît. "Pison, éfrayé du frémissement de la sédition croissante. J. J. Rouss. Traduct. de Tacite. Ce participe, employé adjectivement, est une nouveauté. _ M. Targe a dit aussi: "Il voyoient leur patrie oprimée par des taxes toujours croissantes. Smol.

CROISûRE


CROISûRE, s. f. [Kroa-zûre. 2e. e lon. 3°. e muet.] l' Acad. ne le dit que de la tissûre d' une étofe croisée. _ Corneille l' a dit des vers, et plusieurs Auteurs l' ont dit après lui. "La diversité de la mesûre et de la croisûre des vers, que j' y ai mêlés. Exam. d' Androm. "Il serait bon de ne régler point toutes les strophes sur la même mesûre, ni sur les mêmes croisûres des rimes. ibid. "La croisûre des grands et des petits vers. Anon.

CROîTRE


CROîTRE, v. n. Plusieurs traitent croître comme croire; ils prononcent croâ-tre ou crê--tre: on le marque ainsi dans le Dict. Gramm. en avertissant que la 2de prononciation est de la conversation. = Corneille le fait rimer avec renaître. Il fait dire à Sestorius, en parlant de son amour pour Aricie.
   La victoire aura droit de le faire renaître
   Si ma haine est trop foible, elle le fera croître.
Et avec maître:
   J' en veux être le maître
   Et malgré cet amour, que j' ai trop laissé croître.
Racine le fils, dans son Poème de la Religion le fait rimer avec reconoitre, qu' on prononce aujourd'hui reconêtre.
   La voix de l' Univers à ce Dieu me rapèle.
   La terre le publie......
   À~ de moindres objets tu peux le reconoître
   Contemple seulement l' arbre que je fais croître.
Le plus sûr~ est de prononcer toujours croître à pleine bouche, comme on dit; c. à. d. croâtre. Conjug. Je crois; nous croissons; ils croissent, je croissais; je crûs, j' ai crû; je croîtrai, je croîtrais; que je croisse; je crûsse, croissant; crû. _ M. de Wailly met ce verbe au nombre des neutres, qui prènent indiféremment être ou avoir pour auxiliaires. "Il a crû ou il est crû. L' Acad. met pour exemple: sa famille est bien crûe, a bien crû. "Le Nil perd dans un jour ce dont il étoit crû dans quatre. Granger, cité par Bufon.
   CROîTRE. C' est 1°. devenir plus grand, en parlant des animaux et des végétaux. "croître bien vîte, à vue d' oeil. Les herbes, les arbres croissent. Laisser croître ses cheveux, ou mieux, se laisser croître les cheveux, la barbe etc. = 2°. Augmenter de quelque manière que ce soit. Ainsi l' on dit de la lune qu' elle croît; des rivières, des pluies, des neiges, des jours, des douleurs, des maux qu' ils croissent etc. _ Il régit quelquefois la prép. en. "Elle croît en vertus, en grâces~, en beauté etc. = 3°. Multiplier: ses~ biens croissent sensiblement; son armée croissait tous les jours, sa famille a crû ou est crûe de six enfans. = 4°. En parlant des herbes et des plantes, venir, être produit: cette espèce d' arbres ne croît que dans des lieux humides. "Il croît du lin dans ce pays; il n' y croît ni blé ni vin, etc.
   Rem. Croître est toujours neutre, du moins en prose. L' actif est accroitre. Les Poètes sont en possession de l' employer activement,et nous pensons comme M. d' Olivet qu' on ne doit pas la leur disputer.
   Tu verras que les Dieux n' ont dicté cet orâcle,
   Que pour croître à la fois sa gloire et mon tourment.
       Rac. Iph.
  Je ne prends point plaisir à croître ma misére.
      id. Baj.
  Que ce nouvel honeur va croître son audace.
      Esther.
  C' est donc trop peu pour moi que des malheurs si proches,
  Si vous ne les croissez par d' injustes reproches.
      Corn. Androm.
  .....Vous voulez croître ce désespoir.
      Pirron, Gustave.
On dit proverbialement, à chemin battu il ne croît point d' herbe: on profite peu dans un commerce, dont tout le monde se mêle _ Mauvaise herbe croît toujours, dit, par modestie, un jeune homme dont on vante la tâille. Cela est trivial et souvent ridicule. _ On dit de ce qu' on veut louer et qui fait des progrès, qu' il ne fait que croître et embellir. On le dit aussi en mal, en mauvaise part. MARIN.

CROIX


CROIX ou CROIS, s. f. [Kroâ, monos. long. devant une voyelle croâz; l' x ou l' s se prononce en z: le Rich port. met les deux. L' Acad ne met que le premier, et Trévoux également] 1°. Espèce de gibet où l' on atachait les criminels pour les faire mourir. "La croix a été sanctifiée par la mort de N. S. J. C. = On dit en parlant de la mort du Sauveur, qu' il est mort en croix ou sur la croix. * Bossuet dit à la croix: "J. C. est mort à la croix. "Tel est l' acte de Religion qu' il exerce à la croix. Cela n' est pas de l' usage actuel. = Mettre ses injûres, son ressentiment aux pieds de la croix; les oublier, les pardonner pour l' amour de J. C. crucifié. = 2°. Figûre, qui représente la croix du Sauveur. "Croix d' or, d' argent; croix d' Evêque ou pectorale; croix de Saint-Louis, de St. Lazare, du St. Esprit etc. = 3°. Figurément, affliction de corps ou d' esprit. "Il faut porter notre croix à la suite du Sauveur. "Les croix et les afflictions sont des moyens de salut: "il est la croix de sa famille; elle est la croix de son mari, etc.
   On dit familièrement, avoir les jambes en croix, l' une sur l' aûtre; les bras en croix, élevés et étendus comme ceux du Sauveur.
   La Croix et la Banière, sont, en stile proverbial, les marques d' une réception honorable. "Pour avoir cet homme-là, il faut envoyer la Croix et la Banière. On a de la peine à l' avoir. "On est allé au devant de lui avec la Croix et la banière: on l' a reçu avec de grands honeurs.
   Jouer à croix ou pile, jeter une pièce de monoie, et nomer un des deux côtés. _ On dit, figurement, (st. fam.) Jeter à croix ou pile, en parlant d' une chôse, dont on se soucie fort peu,: "Il jète à croix ou pile, qu' on le sache, ou qu' on ne le sache pas. Sév. _ Croix ou pile, remonte, pour son origine, au temps de St. Louis, qui, en sa monoie, avait d' un côté une croix, et de l' aûtre des piliers. Hénault.
   Croix de par Dieu: l' Alphabet.
   Moi, devine! on se moque: eh! Messieurs, sais-je lire?
   Je n' ai jamais apris que ma croix de par Dieu.
       La Fontaine.
L' origine de cette expression, c' est qu' à la tête de l' alphabet, il y avait la figûre d' une croix, qu' on faisait invoquer aux enfans avant que de comencer à épeler les lettres.

CRONIQUE


CRONIQUE, CRONOLOGIE, etc. Rich. Voy. CHRONIQUE, CHRONOLOGIE, etc.

CROQUANT


CROQUANT, ANTE, adj. CROQUANT, s. m. CROQUE, s. f. [Krokan, kante, kan; Kroke; 2e lon. aux 3 1ers, e muet au dern.] I. Croquant, adj. Qui croque sous la dent. "Biscuit croquant, tourte croquante. _ S. f. Une croquante, une tourte croquante.
   II. CROQUANT, Un homme de néant, un misérable: c' est un croquant, un pauvre croquant. Il est du st. familier.
   III. CROQUE, ne se dit que dans cette phrâse: Manger quelque chôse à la croque au sel, sans autre assaisonement que le sel. = On dit, en st. prov.: Un tel mangerait cet aûtre à la croque au sel; il est bien plus fort que lui.

CROQUER


CROQUER, v. a. CROQUET, s. m. *CROQUEUR, s. m. [Kroké, kè, keur: 2e é fer. au 1er, è moy. au 2d.] Croquer, c' est manger des chôses, qui font du bruit sous la dent. "Croquer des croûtes, des galettes. _ Neutralement, il se dit des chôses qui font ce bruit, quand on les mange. "Ce pain est dur, ou trop cuit, il croque sous la dent. = Croquet, sorte de pain d' épice, mince et sec. * Croqueur, celui qui prend, qui atrape, qui croque. Trév.Rich. Port. _ L' Acad. ne le met pas: il n' est bon que pour le burlesque et le bâs comique.
   Croquer, se dit en Peintûre, pour dessiner grossièrement, en sorte que le dessin ne soit pas fini. "Ce tableau n' est que croqué: ce n' est qu' un croquis. On le dit, au figuré, des ouvrages d' esprit.
   Croquer le marmot, (st. prov.) S' ennuyer à atendre. = N' en croquer que d' une dent: n' avoir pas tout ce qu' on souhaite. "Il n' en croquera que d' une dent: il ne l' aura pas.

CROQUIGNOLE


CROQUIGNOLE, s. f. *CROQUIGNOLER, v. a. [Krokig-nole, nolé: mouillez le g] L' Acad. ne met que le substantif: espèce de chiquenaude. _ Coup qu' on done sur la tête ou sur le nez avec le 2d ou le 3e doigt et le pouce. Rich. Port. _ Chiquenaude sur le visage, ou nazarde. Trév. Doner des croquignoles. Le Rich. Port. le met aussi en citant Trév. _ C' est un mot forgé, bon pour le bâs comique.
   Rem. On a dit autrefois craquignole, ou croquignole. Le 2d seul est resté dans la Langue.

CROQUIS


CROQUIS, s. m. [Kroki.] Terme de Peintûre. Esquisse croquée et faite à la hâte. "On reconait dans un simple croquis l' habile homme, ou l' ignorant. = On le dit quelquefois des ouvrages d' esprit.

CROSSE


CROSSE, s. f. CROSSÉ, ÉE, adj. [Kroce, krocé, cé-e; 2e e muet au 1er, é fer. aux 2 autres; long au dern.] Crosse, est 1°. le bâton pastoral d' un Évêque, d' un Abé. = 2°. La partie courbe du fût d' un mousquet, qu' on apuye contre l' épaule. = 3°. Bâton courbé par le bout, avec lequel on pousse une balle, une pierre, etc.
   CROSSÉ, ne se dit que dans le 1er sens. Abé crossé et mitré, Abesse crossée.

CROSSER


CROSSER, v. n. CROSSEUR, s. m. [Krocé, ceur; 2e é fer. au 1er.] Crosser, c' est pousser une balle, une pierre avec une crosse. (n°. 3°.) Il se dit neutralement et sans régime: Il aime fort à crosser. = Crosseur, qui crosse; "Le rempart était rempli de crosseurs.

CROSSETTE


CROSSETTE, s. f. [Krocète; 2eè moy. 3e e muet.] Branche de vigne ou de figuier, où on laisse un peu du bois de l' année précédente. "Les Crossettes sont bones pour faire des boutûres.

CROTTE


CROTTE, s. f. CROTTÉ, ÉE, adj. [Kro-te, té, té-e; 2e e muet au 1er; é fer. aux deux aûtres, long au dern.] Crotte, est, 1° la boûte des rûes et des chemins, quand il a plu. "Il y a de la crotte, un pied de crotte. "Il fait bien de la crotte dans les rûes: elles sont bien sales. = Fiente de certains animaux, comme brebis, chèvres, lapins, souris, etc. Crottes de brebis, de chèvres, etc.
   On dit, proverbialement, quand la gelée ou le vent a séché les rûes, que les chiens ont mangé les crottes.
   Rem. * Dans les Provinces Méridionales, on apèle Crottes, les voûtes, les câves, les grottes. Le P. Gibrat, ou son Imprimeur, a fait ce gasconisme. "On voit, (à la Ste. Beaume) une crotte (grotte) où l' on prétend que Sainte Magdeleine est morte.
   Crotté, qui est plein de crotte. Le proverbe dit, crotté comme un barbet. Crotté jusqu' à l' échine; jusqu' aux oreilles. = Poète crotté; méchant Poète. * Crotté, pour voûté, est un provençalisme.

CROTTER


CROTTER, v. act. CROTTIN, s. m. [Kroté, kro-tein; 2e é fer. au 1er.] Salir avec la crotte. Vous crotterez votre robe, votre soutane, si vous ne la relevez pas. "Avec vos bottes, vous crotterez l' apartement. "Les chevaux d' amble se crottent plus que les aûtres. "Comment faites-vous pour ne pas vous crotter?
   CROTTIN, se dit des excrémens des chevaux, moutons, et de quelques aûtres animaux; Acad. _ Trév. ajoute durs et secs.

CROULANT


CROULANT, ANTE, adj. CROULEMENT, s. m. CROULER, v. n. [Krou-lan, lante, leman, lé; 2e lon. aux 2 1ers, e muet au 3e; é fer. au dern.] Crouler, c' est tomber en s' afaissant. Croulant, qui croule, Croulement, ébranlement d' un édifice, éboulement. "Ce bâtiment croule; la terre croula: "Édifice croulant: "Le croulement d' une terrasse, d' un bastion.
   REM. 1°. Danet et Pomey font crouler, actif: il ne l' est pas, il est neutre, et s' emploie sans régime: "la maison a croulé. _ Dans la Marine on dit, crouler un navire, le lancer. "Le cerf croule la queûe. (Terme de chasse) il s' enfuit. Il est alors actif.
   2°. On dit, dans le Dict. Gr. que croulement est peu usité, et je persiste à croire qu' on dit bien. L' Acad. le met sans remarque. _ Trév. le dit du commencement d' un tremblement de terre, et dit aussi crouler, de la terre qui tremble sous les pieds, comme des maisons qui tombent.

CROULIER


CROULIER, IèRE, adj. [Krou-lié, liè--re; 2e é fer. au 1er, è moy. et long au 2d.] Il se dit des terres dont le fonds est mouvant, Acad. qui ne sont pas fermes sous les pieds; et des sâbles mouvans, où l' on enfonce. Trév. Des prés crouliers, des terres croulières. _ Trév. met croulières s. f. plur. Le Rich. Port. met aussi une croulière, s. f. Un terrein mouvant. L' Acad. ne le met qu' adject.

CROUPADE


CROUPADE, s. f. CROUPE, s. fém. Le 1er est un terme de Ménage, qui signifie un saut du cheval plus élevé que la courbette, et qui tient le devant et le derrière du cheval en une égale hauteur. = * On a dit aûtrefois groupade, contre l' étymologie: ce mot venant de croupe, il faut l' écrire avec un c, et c' est l' usage constant aujourd'hui.
   CROUPE est, 1°. la partie de derrière du cheval, de la selle à la queûe. "Ce cheval n' a point de croupe, a peu de croupe. _ Croupe de mulet: pointûe et aigûe _ Mettre en croupe, aler en croupe. * On disait aûtrefois, aler en trousse, se faire porter en trousse. "La Présidente de Thou s' étoit toujours contentée de se faire porter en trousse à cheval. Loisel.
   On dit, (st. fig. famil.) d' un homme qui se fâche aisément et sans sujet, qu' il est chatouilleux sur la croupe; allusion aux chevaux qui n' aiment pas à porter en croupe. _ On dit aussi, gagner la croupe du cheval de son énemi, l' aprocher par derrière.
   2°. Croupe, sommet d' une montagne. Château situé sur la croupe de la montagne.

CROUPETONS


*CROUPETONS, (à) adv. D' une manière acroupie. "Être ou marcher à croupetons. Trév. Le Rich. Port. le met aussi: l' Acad. non.

CROUPIADER


CROUPIADER. Voy. CROUPIèRE, à la fin.

CROUPIER


CROUPIER, s. m. CROUPIèRE, s. fém. [Krou-pié, piè-re: 2eé fer. au 1er, è moy. et long au second.] Le premier ne se dit qu' au figuré, et le second au propre. On ne dit point croupier de celui qui monte en croupe sur un cheval; mais de celui qui est de part au jeu avec quelqu' un qui tient la carte ou le dé; et de celui qui prête aux gens d' afaire, et qui a part au profit. = Croupière est le morceau de cuir rembourré que l' on pâsse sous la queûe d' un cheval, d' un mulet, etc. et qui tient à la selle, au bât, au harnais. "Serrer la croupière d' un cheval.
   On dit, figurément, (style famil.) tâiller à quelqu' un des croupières; lui doner du fil à retordre, de l' exercice, de l' embarras.
   CROUPIèRE, en termes de Marine, se dit d' un câble, qui arrête un vaisseau par son arrière: "Mouiller en croupière. _ Le Rich. Port. met aussi croupiader en ce sens.

CROUPION


CROUPION, s. m. [Krou-pion; ces huit lettres ne font que deux syllabes.] L' extrémité du bas de l' épine du dôs. "Se demettre le croupion. = Il se dit plus souvent et plus proprement de cette partie où tient la plume de la queûe d' un~ oiseau. "Le croupion d' un chapon, d' un dindoneau.

CROUPIR


CROUPIR, v. n. CROUPISSANT, ANTE, adj. [Krou-pi, pi-san, sante,: 3e lon aux deux dern.] Croupir se dit des eaux, qui se corrompent faûte de mouvement. Croupissant, qui croupit: Les eaux croupissantes, qui croupissent, deviènent puantes. = On le dit, par extension, d' un enfant au maillot, d' un malade qu' on n' a pas soin de changer assez souvent de linges. "On le laisse croupir dans son ordûre, dans la saleté.
   Il s' emploie élégamment, au figuré. "Croupir dans le vice, dans le péché, dans l' oisiveté, y demeurer long-temps.
   À~ les laisser croupir dans le mépris,
   Dont le public les a déja flétris.       Rouss.
Le Proverbe dit: il n' y a pas de pire eau que celle qui croupit; les gens sournois et taciturnes sont les plus dangereux. Dans cette phrâse, le terme de comparaison est employé au propre, et l' aplication s' en fait au figuré. Cela est du style familier.

CROUSTE


*CROUSTE, voy. CROûTE.

CROUSTILLE


CROUSTILLE, s. fém. CROUSTILLER, v. neut. [Krous-ti-glie, ti-glié; mouillez les ll; dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Croustille est une petite croûte de pain. Croustiller, c' est manger de petites croûtes pour boire, et être plus long-temps à table. "Il se mit à croustiller pour tenir tête aux buveurs.

CROUSTILLEUSEMENT


CROUSTILLEUSEMENT, adv. CROUSTILLEUX, EûSE, adj. [Krous-ti-glieû-ze--man, krousti-glieû, glieû-ze; mouillez les ll; 3e lon. 4e e muet.] Mots populaires, qui ne se disent qu' au figuré. L' Acad. ne les dit que de ce qui est boufon et plaisant. "Voilà qui est croustilleux: cet homme est croustilleux. _ Croustilleûsement, d' une manière boufone et plaisante. _ Croustilleux a un autre sens plus commun, ce me semble, et se dit de ce qui est trop gaillard. "Des Contes croustilleux. "On croit qu' il fera valoir en Hollande, les manuscrits croustilleux qu' il a dans son porte-feuille. Anon.

CROûTE


CROûTE, s. f. CROûTELETTE, s. f. CROUTON, s. m. [1re long. aux deux premiers seulement; 2e e muet, 3e è moy. au 2d. Kroûtelète. _ L' Acad. met aussi un accent au dernier; croûton. Est-ce pour marquer la supression de l' s; mais cela est inutile aujourd'hui, et cet accent circ. peut induire en erreur, et faire croire que la syllabe est longue; mais elle est brève. = Aûtrefois on écrivait et l' on prononçait crouste: témoin le vieux Proverbe. "De Pâque à Pentecouste, le dessert est une crouste.]
   1°. Croûte est la partie extérieure du pain, durcie par la cuisson. Croûtelette, croustille, petite croûte de pain. Crouton, morceau de pain où il y a autant de croûte que de mie.
   On dit proverbialement, ne manger que des croûtes, faire mauvaise chère.
   2°. Croûte est la pâte cuite qui renferme la viande d' un pâté, d' une tourte, etc. Croûte de pâté, croûte de dessus, de dessous, croûte feuilletée. _ Le Proverbe dit: croûte de pâté vaut bien pain. = 3°. Morceau de pain où il y a plus de croûte que de mie, et qu' on a fait long-temps mitoner avec du bouillon. = 4°. Tout ce qui se durcit et s' atache à quelque chôse. "Mettre de la mie de pain sur un chapon pour y faire une croûte. "Il s' est fait une croûte de tartre autour de ce toneau. "Croûte que fait la gale, quand elle sèche, etc.

CROYABLE


CROYABLE, adj. CROYANCE, s. fém. CROYANT, s. masc. [Kroa-ia-ble, iance, ian; 2e dout. au 1er, long. aux deux aûtres.] I. Croyable se dit des persones et des chôses: qui peut et qui doit être cru. "Cet homme est croyable; cela n' est pas croyable. _ Il se dit le plus souvent avec la négative, ou en interrogeant. "Vous n' êtes pas croyable; cela est-il croyable? _ L' Acad. le met sans remarque.
   Rem. 1°. Le que, après croyable, a les mêmes régimes qu' après croire. "Il est croyable que cela est ainsi: il n' est pas croyable, ou est-il croyable que cela soit ainsi? * M. l' Ab. Du Bos emploie le subjonctif dans une phrâse afirmative. "Il paroit croyable qu' un bruit aprochant de cette symphonie, ait précédé, et qu' il ait préparé le sens articulé que l' Orâcle proféroit. Il faut dire: il est croyable qu' il a précédé, qu' il a préparé, etc.~ Voy. CROIRE, voy. aussi une remarque au mot Vraisemblable.
   2°. Un Auteur moderne emploie, il n' est pas croyable, comme un adjectif indéclinable: "Il n' est pas croyable les vives agitations et les troubles salutaires, qui se mirent tout à coup dans les consciences les plus endurcies. Let. Edif. _ Je doute que ce gallicisme soit autorisé par l' usage actuel. = Devant des adverbes, ce tour est plus régulier. "Il n' est pas croyable combien le Baptême y produit d' éfets miraculeux. Ibid. _ Remarquez que dans ces ocasions, il n' est pas croyable, ne signifie pas qu' on ne doit pas le crroire, mais que cela est merveilleux et admirable.
   II. CROYANCE. Sentiment, opinion. "Cela est arrivé contre la croyance de tout le monde. "Cela passe toute croyance. = C' est aussi ce qu' on croit dans une Religion. La croyance des Juifs, des Chrétiens: Les articles de notre croyance.
   Rem. Vaugelas avait remarqué qu' on dit croyance, en matière de Religion, et que par-tout ailleurs on dit créance. Th. Corneille pensait au contraire, que tout le monde se servait de ce dernier pour quelque sujet que ce fût. Selon MM. de l' Acad. dit La Touche, créance se dit seulement de ce que l' on confie à quelqu' un pour dire à un aûtre secrettement: Il lui exposa sa créance: est-ce là toute votre créance? Des lettres de créance. Voy. CRÉANCE. Hors de-là on dit toujours croyance.
   Avoir croyance régit la prép. en ou le pronom y: "On avoit beaucoup de croyance en lui, en ce qu' il disoit. "Nous avons marqué les endroits où se trouvent ces Prophéties de Luther, et la sérieuse croyance qu' on y avoit dans tout le parti. Bossuet.
   Mais, dit-on, un homme de croyance, peur dire, un homme en qui l' on peut prendre créance? Je ne le crois pas: "D' Aubusson ne vit dans le Renégat qu' un traite, dont il devoit se défier, et non pas un homme de croyance, avec lequel il put négocier. Dict. Hist. Art. IV. Demetrius. On peut apeler cela un barbarisme d' expression, comme s' exprimait Voltaire.
   CROYANT: qui croit ce que la Religion enseigne. Il n' est d' usage que dans cette phrâse: "Abraham est le Père des Croyans. Malgré cette remarque, l' Acad. dit croyante, celle qui croit, sans cirer aucun exemple. Croyante n' est pas en usage. _ Croyant est aussi participe présent du v. croire.

CRû


CRû, s. m. [L' Acad. ne met point d' acc. sur l' u: Il parait pourtant que c' est l' usage d' en mettre un, et que cela convient.] Terroir qui produit quelque fruit. "Du vin, du blé, des fruits d' un bon crû, de mon crû, etc. Il ne se dit que dans des phrâses semblables. = En style figuré familier; cela est de votre crû, de votre invention, en parlant de nouvelles, d' opinions, de preuves, de raisonemens.

CRU


CRU ou CRUD, CRûE, adj. [2e lon. au 2d.] Trév. met cru ou crud pour le masc. et long-temps on n' a dit que le second, aparemment à caûse de crudité. _ L' Acad. ne met que cru. = 1°. Qui n' est point cuit. "Cela est encore tout cru; viande crûe. = 2°. En parlant de la soie; qui n' est ni lavé ni teint. "Soie crûe ou écrûe, comme disent plusieurs. = 3°. En Médecine, humeurs crûes, urines crûes, qui ne sont pas sufisamment cuites par la chaleur naturelle. = 4°. Dificile à digérer. "Ce fruit est bien cru sur l' estomac. = 5°. Au figuré, fâcheux et sans adoucissement, en parlant d' un discours. "Voilà un discours bien cru, une parole bien crûe. Réponse fort crûe: "Anoncer une nouvelle bien crûe.
   À~ cru, adv. botté à cru, n' ayant pas de bas dans ses bottes. = Monter un cheval à cru, sans selle. Être armé à cru: sans habits sous ses armes.

CRUAUTÉ


CRUAUTÉ, s. f. [Kru-oté: 2e dout. 3e é fer.] 1°. Inhumanité, inclination à répandre le sang, à faire du mal aux aûtres. "Avoir de la cruauté, etc. = 2°. Action cruelle. "C' est une cruauté. Faire exercer des cruautés. = 3°. On le dit du sort, de la fortune, du destin, reste du langage payen. = 4°. Il se dit par exagération d' une chôse fâcheuse, désagréable. C' est une cruauté de n' avoir rien obtenu; après s' être doné tant de mouvemens, après avoir frapé à tant de portes.

CRUCHE


CRUCHE, s. f. CRUCHÉE, s. f. CRUCHON, s. m. [2e e muet au 1er é fer. et long. au 2d.] Cruche est un vâse de terre ou de grès, à anse, qui a le ventre large et le cou étroit. Cruchée, ce que peut contenir une cruche. "Une cruchée; de vin etc. cruchon, petite cruche.
   Rem. Cruche n' est rien moins qu' un terme noble, et nos Poètes modernes n' auraient garde d' imiter Malherbe, qui dit de l' Aurore.
   L' Aurore, d' une main, en sortant de ses portes,
   Tient un vase de fleurs, languissantes et mortes
   Elle verse, de l' autre, une cruche de pleurs.
Quoique l' Aurore soit une grande pleureûse, s' il en faut croire les Poètes, je ne crois pas, dit Ménage, que l' on puisse lui faire répandre des larmes dans une cruche pour les répandre ensuite sur la terre; si ce n' est en vers burlesques, où les plus grandes extravagances passent pour les plus grandes beautés.
   CRUCHE, dans le style figuré-familier, sot, bête, stupide. "C' est une cruche. _ Le proverbe dit: tant va la cruche à l' eau, qu' à la fin elle se câsse, ou se brise. À~ force de s' exposer au danger, enfin on y périt.

CRUCHERIE


*CRUCHERIE, s. f. bêtise. Il est du style familier. L' Acad. ne le met pas. Dans le Rich port. on dit qu' il est peu usité.

CRUCIFIEMENT


CRUCIFIEMENT, s. m. CRUCIFIER, v. act. CRUCIFIX, s. m. [Kru-cifiman, Cru--cifi-é, Crucifi: on ne pron. ni l' e du 1er, ni l' x final du dern.] Crucifier, c' est atacher à une croix; crucifiement est l' action de crucifier. Crucifix est la figure ou représentation de J. C. ataché à la croix. "Les Juifs crucifièrent N. S. J. C. "St. Pierre fut crucifié la tête en bas. "Le crucifiement de Notre-Seigneur. "Crucifix d' or, d' argent, d' ivoire. "Se mettre à genoux devant le Crucifix.
   Rem. 1°. Crucifiement se dit aussi des tableaux où le crucifiement de J. C. est représenté: "le crucifiement de Le Brun, de Rubens; c. à. d. peint par Le Brun, par Rubens.
   2°. Crucifier se dit figurément et par exagération. Je me ferois crucifier pour cela; je souffrirais tout au monde pour, etc. Il se feroit crucifier pour ses amis: il ferait tout au monde pour eux.
   3°. On dit mettre ses injures ou ses resentimens aux pieds du Crucifix ou de la croix: les oublier, les pardoner pour l' amour de J. C. crucifié.

CRUDITÉ


CRUDITÉ, s. f. 1°. Qualité de ce qui est cru: la crudité des fruits, de l' eau. = 2°. Indigestion. Il se dit au pluriel. Ces viandes caûsent des crudités. = 3°. Mauvaise qualité des humeurs, qui ne sont pas digérées. "La crudité des humeurs. = 4°. * Trév. le dit au figuré: "cet homme est incivil: il dit beaucoup de crudités à ceux avec qui il converse. _ Le Rich. port. dit aussi: crudité, discours peu obligeant. Cela n' est pas de l' usage actuel; et l' Acad. ne le met point en ce sens. On dit cru, crue, des discours, des paroles: on ne dit point crudité. Voy. CRU, adj. n°. 5°.

CRûE


CRûE, s. fém. [1re lon. 2e e muet] 1°. Augmentation: "la crûe des eaux. = 2°. Croissance: "cet arbre a pris toute sa crûe. cet enfant n' a pas pris encore toute sa crûe. Acad. M. Tissot dit faire sa crûe, qui n' est pas si bien dit: mes enfans s' ûsent avant l' âge: ils ne font pas toute leur crûe.
   CRûE, adj. fém. Voy. CRU.

CRUEL


CRUELLE, ELLE, adj. CRUELLEMENT, adv. [Kru-èl, èle, èleman: 2eè moy. 3e e muet.] 1°. En parlant des personnes; inhumain, impitoyable, qui aime le sang. "Homme cruel; cruel tyran. _ Il se dit en ce sens des animaux; "le Tigre est un animal cruel; et aussi du sort, du destin, de la fortune; "cruels destins, fortune cruelle. = Quelquefois il ne signifie que, sévère, peu complaisant: "ah! je comprends combien les Dieux me sont cruels. Télém. "Vous êtes bien cruel à vous-même de prendre un parti si douleureux. _ En plusieurs occasions, la prép. envers vaut mieux: cruel envers vous-même.
   2°. En parlant des chôses, fâcheux, douloureux, insuportable: "c' est un cruel mal, une cruelle mort: il est cruel de se voir trahir par ses meilleurs amis.
   3°. En style badin, il est subst. un cruel, une cruelle: il fait le cruel: elle fait la cruelle en public: mais elle s' adoucit dans le particulier.
   Rem. 1°. Cet adj. suit ou précède, au gré du Poète ou de l' Orateur.
   Les cruels oppresseurs de l' Asie indignée.        Rous.
"Amour, cruel amour, tes amertumes et tes douceurs sont également funestes aux hommes, et les mortels périssent toujours ou de tes maux ou de tes remèdes. Jér. del. "Barbare, ta main cruelle a fait ces blessures, tes yeux plus cruels encôre les contemplent. Ibid.
   2°. Quelquefois cependant, cruel a des sens diférens, selon qu' il suit ou qu' il précède: cruel homme, cruelle femme, se dit d' un homme, d' une femme qui ne se laissent pas toucher par les plus vives instances, ou qui font eux-mêmes les instances les plus fortes: Vous êtes un cruel homme, de ne pas vous rendre à tant de sollicitations: c' est une cruelle femme, de vouloir me forcer à faire ce qui est contre mon devoir. _ Homme cruel, femme cruelle, se dit d' un homme ou d' une femme, pleins de cruauté. C' est un homme cruel et sanguinaire, une marâtre cruelle, etc.
   CRUELLEMENT, avec cruauté, d' une manière cruelle. "Traiter quelqu' un cruellement: "Il l' a fait mourir cruellement.
   Rem. Il signifie, dans le jargon moderne, grandement, fortement. "Est-ce que notre condition et nos afaires peuvent changer? _ Non: mais c' est aussi ce qui m' ennuie cruellement. Fonten. Dial. des Morts. "Je serai cruellement grondée. Th. d' Éduc. _ C' est un mot à la mode, et pour plusieurs, une selle à tous chevaux: ils emploient cette expression à tort et à travers. L' Acad. ne met point cruellement en ce sens.

CRUEMENT


CRUEMENT, ou CRûMENT, adverbe [L' Acad. ne met que le 2d, mais sans accent sur l' u: le Rich. Port. y met l' accent, et cela est plus convenable, la syll. étant longue.] Il ne se dit qu' au figuré, dans le sens de cru, (n°. 5°.) d' une manière dure, sans ménagement. "Il m' a dit cela tout crûment: anoncer crûment une mauvaise nouvelle.

CU


CU, voyez CUL.

CUBE


CUBE, s. m. CUBIQUE, adj. Le cube, est un corps solide qui a six faces carrées. "Les dés sont des cubes. = Cubique, qui apartient au cube: "Figûre cubique.

CUEILLETTE


CUEILLETTE, s. f. CUEILLIR, v. a. CUEILLOIR, s. m. [Keugliè-te, gli, glioar: mouillez les ll.] L' ortographe n' exprime point la prononciation: ue n' a pas le son de la dipht. eu: cependant l' usage a prévalu d' écrire cueillir, orgueil, etc. On pourrait écrire cueuillir, comme M. l' Ab. du Resnel écrit orgueuil, mettant le 1er u pour doner au c et au g devant l' e, le son fort qu' il n' a pas naturellement devant cette voyelle, et le 2d u, pour former avec l' e la dipht. eu. _ M. de Wailly écrit coeuillir, recoeuillir, ce qui fait le même éfet. _ Si la Langue française n' avait pas tant d' antipathie pour le k, on pourrait écrire keuillir, et cette dernière ortographe serait encôre la plus simple et la meilleûre; mais il n' est pas à croire qu' on l' adopte jamais. On se décidera donc un jour entre cueuillette et coeuillette, cueuillir et coeuillir.
   CUEILLETTE, est l' amâs des deniers que l' on recueille dans une quête. "La cueuillette a été bone, médiocre, etc. = On l' a dit aûtrefois pour récolte: La cueillette est bonne cette année. Il est vieux en ce sens.
   CUEILLIR; je cueille; je cueillais; je cueillis; j' ai cueilli, je cueillerai, cueillerais; que je cueille; je cueillisse; cueillant; cueilli. _ Bouhours et Ménage ont remarqué, contre Vaugelas, qu' on dit, je cueillerai, je recueillerois, et non pas, je cueillirai, je recueillirois. L' usage a confirmé leur observation.
   CUEILLIR, c' est détacher, avec la main, des fruits, des fleurs, des légumes de leurs branches ou de leurs tiges. _ "Cueillir des pommes, des rôses, des pois, etc. _ Figurément, cueillir des palmes, des lauriers, remporter des victoires.
   CUEILLOIR; Panier dans lequel on met les fruits que l' on cueuille.

CUEILLEUR


CUEILLEUR, EûSE, s. m. et f. On ne le dit que dans cette phrâse proverbiale: "Il est fait en cueilleur de pommes; elle est faite comme une cueilleûse d' herbes; mal vétu, mal vétue.

CUIDER


*CUIDER, v. n. Vieux mot, qui signifie croire.
   Un Boucher, Consul de village,
   Fut envoyé loin pour chercher
   Un Prêcheur, docte personnage,
   Qui vint en carême prêcher.
   On en fit de lui aprocher
   Demi-douzaine en un couvent,
   Le plus grâs fut pris du Boucher,
   Cuidant qu' il fût le plus savant.
       Mermet, anc. Poète.
La Fontaine a encôre employé ce vieux mot.
   Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui,
   Qui souvent s' engeigne soi-même.

CUILLER


CUILLER, s. f. [On prononce fortement l' r finale, comme dans fer et mer. Acad. _ Pron. cu-glièr; mouillez les ll; 2e ê ouv.] Ustensile de table, dont on se sert ordinairement pour manger le potage, pour le servir, et à d' autres usages. "Cuiller de bois, d' argent, d' étain. Cuiller à pot, à potage, à ragoût, à olives, etc.
   Rem. 1°. Il n' y a pas de mot qui ait été écrit de plus de manières diférentes. Cuiller, cuillier, cuillère, cuillière, culière, et même cueiller ou cueillère. cette dernière ortographe et la prononciation qu' elle indique semblerait plus conforme à l' étymologie et au sens du mot, qui vient de cueillir, et qui en est l' instrument, mais elle est, aussi bien que les aûtres, contre, l' usage actuel. _ Dans les Provinces Méridionales, plusieurs prononcent keuillé ou keuillère; c' est un gasconisme.
   2°. Du temps de Malherbe, il y eut à la Cour d' Henri IV une grande contestation, s' il falait dire cuiller, ou cuillère. Ceux de delà la Loire, qu' on apelait les gens du pays d' Adiousias, étaient pour le 2d; et ceux de deçà, que Malherbe apelait, du pays de Dieu vous conduise, tenaient pour le 1er. Cette dispute dura si long-temps, qu' elle obligea le Roi d' en demander à Malherbe son sentiment. Son avis, fut qu' il falait dire cuiller. Le Roi (qui était Gascon) ne se rendant point à ce jugement; il lui dit ces mêmes paroles: "Sire, vous êtes le plus absolu Roi, qui ait jamais gouverné la France; et avec tout cela, vous ne sauriez faire dire de deçà la Loire une cueillère, à moins que de faire défense, à peine de cent livres d' amende, de la nommer aûtrement. Vie de Malherbe.
   3°. Cuiller est fém. et Ménage dit qu' il fait cette remarque en faveur des Gascons, qui le font masc. On dit, une cuiller, et non pas un cuiller.

CUILLERÉE


CUILLERÉE, s. f. CUILLERON, s. m. [Ku-glie-ré-e, glie-ron: mouillez les ll; 2e e muet; 3 é fer. et long au 1er.] Cuillerée est ce que contient une cuiller. "Une cuillerée de potage: deux ou trois cuillerées~ de bouillon. = Cuilleron est la partie creûse d' une cuiller.

CUIR


CUIR, s. m. 1°. En général, il se dit de la peau des animaux. = 2°. Plus particulièrement, on le dit de cette peau, quand elle est séparée de la chair et corroyée. = 3°. En style prov. il se dit de la peau des hommes. Jurer, enrager entre cuir et chair, secrètement, sans ôser éclater. Voy. CHAIR~ à la fin. _ Entre cuir et chair, se dit aussi~, au propre: "Je m' envelopai les pieds avec de la toile; mais le sâble s' insinuant entre cuir et chair, me causa des douleurs si aigûes, que je fus contraint d' y succomber. = Faire du cuir d' autrui large courroie, être libéral du bien d' autrui. = On apèle populairement, visage de cuir bouilli, un visage désagréable, dont la peau est rude et grossière.

CUIRASSE


CUIRASSE, s. f. CUIRASSER, v. act. CUIRASSIER, s. m. [Kui-race, racé, ra-cié: 3e e muet au 1er; é fer. aux deux aûtres.] Arme défensive, faite de fer batu, qui couvre le corps, depuis le cou jusqu' à la ceinture, par derrière comme par devant. Cuirasser, c' est revétir quelqu' un d' une cuirasse. Cuirassier, Cavalier armé de cuirasse. _ Le défaut de la cuirasse, c' est, au propre, l' endroit où la cuirasse finit. "Il fut blessé au défaut de la cuirasse. Au figuré, l' endroit foible d' un homme, d' un écrit. "On a trouvé le défaut de la cuirasse. _ Endôsser la cuirasse; prendre le parti des Armes.
   REM. Coyer a employé au figuré le verbe Cuirasser. "Je ne le trouve ce mot de Patrie que dans quelques Philosophes qui se sont cuirassés contre les ridicules. On peut dire, en se servant de la même expression, que plusieurs sont cuirassés, sur beaucoup d' aûtres articles: illi robur et ‘s triplex. _ On dit plus ordinairement, en employant adjectivement le participe, d' un homme préparé à tout, qu' il est cuirassé. "Il croyait le surprendre, mais il l' a trouvé bien cuirassé.

CUIRE


CUIRE, v. a. [Kuî-re: 1re lon. 2e e muet.] Je cuis, je cuirai, cuirais; que je cuise; je cuisisse; cuisant, cuit. = 1°. Préparer par le feu les alimens, pour les rendre propres à être mangés. Cuire des viandes, du pain, etc. = 2°. On le dit aussi de certaines matières que le feu rend propres à certains usages, comme, cuire du plâtre, de la chaux, de la brique. = 3°. Verbe neutre. Il se dit, sans régime, du pain. "Les Boulangers ne cuisent pas le Dimanche. "Tous les habitans sont obligés d' aler cuire au four banal. = 4°. Il se dit des fruits que le soleil mûrit. = 5°. De l' action de la chaleur naturelle sur les alimens, les humeurs. "Cet estomac n' est pas assez chaud pour cuire ces viandes, ces humeurs. "La pâte de guimauve est bone pour cuire le rhume. = 6°. On dit, neutralement des légumes, qu' ils cuisent bien, ou, ne cuisent pas bien, pour dire qu' ils sont faciles ou dificiles à cuire, à être bien cuits.
   REM. Cuire, au figuré, était un des mots favoris de Mde. de Sévigné: "Je vous ai vue mettre cuire des pensées, et réver profondément pour des sujets, qui le méritoient moins. C' est ce qu' elle apelait son pot au feu. "Je vous en avois parlé: il n' étoit pas temps. Il y a tant de choses, qui ont leur temps, et qui ne sont pas cuites. Voyez CUIT.
   CUIRE, v. n. Causer une douleur aigûe: "La main me cuit; les yeux lui cuisent. _ Trop grater cuit, trop parler nuit. _ "Il vous en cuira; il m' en cuit; il en cuit à la bête; (st. prov.) vous vous en repentirez, je m' en répens, il s' en répent, ou, il a lieu de s' en répentir.

CUISANT


CUISANT, ANTE, adj. [Kui-zan, zante; 2e lon.] Apre, piquant, qui cuit. Froid cuisant; remords, soucis cuisans, douleur cuisante. Cet adjectif aime à suivre le subst. En vers et dans la prôse poétique, il peut le précéder. "Le doux sommeil n' avoit pu appesantir ses paupieres, ni suspendre un moment sa cuisante peine. Télém.

CUISINE


CUISINE, s. f. CUISINER, v. n. CUISINIER, IèRE, s. m. [Kui-zine, ziné, zinié, nière; 2e e muet au 1er, é fer. au 2d et au 3e. è moy. et long au dern.] Cuisine, est, 1°. l' endroit de la maison où l' on aprête et où l' on fait cuire les viandes. "Grande ou petite cuisine. Baterie de cuisine. Chef, ou garçon, aide de cuisine. = 2°. L' art d' aprêter les viandes: "Faire la cuisine, il aprend la cuisine. = 3°. Les Oficiers qui servent à la cuisine. "Il a mené avec lui sa cuisine. = On dit proverbialement, d' un homme fort grâs, qu' il est chargé de cuisine. = Latin de cuisine, mauvais latin.
   CUISINER, faire la cuisine. "Il, ou, elle cuisine bien, ou mal.
   CUISINIER, IèRE, celui, celle qui fait la cuisine. "Mauvais cuisinier, bonne cuisinière.
   Rem. Cuisinier et ragoût sont des termes bâs, et ils déparent un peu, ainsi que certains détails minitieux, le beau Poème de Télémaque. Son illustre Auteur dit de Pigmalion. "Non-seulement toutes les viandes cuites avec des ragoûts par des cuisiniers, mais encôre le pain, le vin, l' huile et le lait, et tous les autres alimens ordinaires ne pouvoient être à son usage.

CUISSART


CUISSART, s. m. CUISSE, s. f. CUISSOT, s. m. [2e e muet au 2d; le t final du 1er et du 3e ne se prononce pas.] Cuisse est la partie du corps d' un animal, depuis la hanche jusqu' au jarret. Cuissart, la partie de l' armûre qui couvre les cuisses. Cuissot ne se dit qu' en parlant de vénaison et de la cuisse du cerf, du chevreuil, du sanglier.

CUISSON


CUISSON, s. f. [Kui-son.] Il a les deux sens de cuire: 1°. Action de cuire. La cuisson du pain, des viandes: 2° La douleur que l' on sent d' un mal qui cuit. "Je sens une grande cuisson dans cette partie. _ Plusieurs disent cuisson dans le 1er sens, et cuison dans le 2d. L' Acad. ne met que le 1er dans les deux sens; aussi bien que Trév. et le Rich. Port.

CUISTRE


CUISTRE, s. m. Nom de mépris. Valet de Collège. _ Pédant, homme grossier. "C' est un cuistre, un vilain cuistre; un cuistre fiéfé.

CUIT


CUIT, CUITE, adj. CUITE, s. f. [Kui, monos. kuite: 2e e muet.] Cuit, adj. est le partic. du v. cuire. Il se dit au propre: vin cuit, viande cuite, pommes cuites, et au figuré: il n' a pas la tête bien cuite, il est un peu fou, ou il est encôre jeune, il n' a pas encôre l' esprit formé. Mde. de Sévigné dit du jeune Marquis de Grignan: "Il n' est pas cuit (comme dit Mde. de la Fayette); encôre un petit bouillon, au coin de votre feu, lui fera tous les biens du monde. _ On dit, figurément (st. famil.) d' un homme qui a amassé du bien, qu' il a du pain cuit. "Ce Prédicateur a du pain cuit: il a tous les sermons qui lui sont nécessaires.
   Cuite, Cuisson. Le second se dit des viandes; le premier des briques, des tuiles, du plâtre, de la chaux, etc.

CUIVRE


CUIVRE, s. m. [Kuivre; 2e e muet.] Métal rougeâtre quand il est pur. Cuivre rouge. Plaque, fontaine, cuvette, chandelier de cuivre. Monnoie de cuivre. _ Cuivre jaûne, aûtrement laiton. _ Cuivre noir, est celui qui n' a pas encôre été purifié.

CUL


CUL, s. m. [On ne prononce point l' l, et souvent on ne l' écrit pas.] 1°. Le derrière. Il tomba sur son cul: il était assis sur son cul comme un singe. Les honêtes gens ne se servent guère de ce mot, au propre. Il se dit aussi de quelques animaux, comme le singe, les câilles, les ortolans. = 2°. Il se dit aussi de l' anus, du fondement, par où l' animal décharge son ventre. Le cul d' un homme, d' un cheval, d' une vache, d' une poule, etc. = 3°. On le dit par métaphôre assez bâsse, de plusieurs chôses inanimées. Mettre un muid, un toneau sur son cul, le lever sur son fond, ou le vider. Mettre une charrette à cul, la mettre le limon en haut. _ Cul d' artichaut, la partie qui fait le fond de l' artichaut. _ Cul de bâsse-fôsse, cachot. "Il faut le faire mettre dans un cul de bâsse-fôsse. _ Cul-de-lampe, ornement d' Architectûre, qui se termine en pointe comme une lampe d' Église; et aussi fleuron, ou ornement que les Imprimeurs mettent dans des livres. _ Cul-de-sac, rûe qui n' a point d' issûe. _ Cul-de-jatte, homme qui ne pouvant se servir de ses jambes, se traîne comme il peut, assis dans une grande écuelle de bois, nommée jatte, dit La Monnoie, du latin gabata. On le dit par extension des paralytiques qui ne peuvent se remuer. Ainsi l' on a dit que Scarron était cul de jatte.
   On dit, dans le style familier, montrer le cul, être mal habillé; et figurément, ne pas se tirer avec honeur d' une afaire. _ Y aler de cul et de tête; y doner tous ses soins. _ Prendre son cul pour ses chaûsses, se tromper, se belouser. _ Être à cul, ne savoir que devenir, n' avoir aucune ressource. _ Arrêter quelqu' un sur son cul; l' arrêter tout court. _ Jouer à cul lever, jouer les uns après les aûtres, en sorte que celui qui ne joue pas, prend la place du perdant. Faire le cul de poule, faire la moûe, avancer les lèvres en les pressant. _ Vouloir peter plus haut que son cul, vouloir faire plus qu' on ne peut. _ Cet homme est un cul de plomb, il travaille beaucoup dans son cabinet.
   On dit aussi, dans le même style, avoir le cul sur la selle, être à cheval; il a toujours le cul sur la selle. _ Doner du pied au cul à un valet, le chasser de son service. _ Se trouver entre deux selles le cul à terre, ne réussir dans aucune des deux chôses, sur lesquelles on fondait des espérances. _ Faire une chôse à écorche cul, à regret et en rechignant. _ Tirer le cul en arrière; avoir de la peine à se résoûdre. _ Baiser le cul à quelqu' un, lui marquer une soumission bâsse et servile. _ Tenir quelqu' un au cul et aux chaûsses, le tenir de manière qu' il ne puisse échaper.
   On dit encôre, figurément et bâssement, en avoir dans le cul, avoir essuyé quelque perte, quelque dommage. _ Il a si grand peur, qu' on lui boucheroit le cul avec un grain de millet.

CULASSE


CULASSE, s. fém. [Kulace; 3ee muet.] La partie de derrière d' un canon. = On le dit, par extension, des mousquets, fusils, pistolets.
   On dit, proverbialement et bassement d' une persone qui a les hanches et le derrière fort larges, qu' elle est renforcée sur la culasse, par la culasse.

CULBUTE


CULBUTE, s. f. CULBUTER, v. act. et neut. [Plusieurs écrivent culebute, culebuter, mais mal. Trév. met les deux.] culbute est un saut, qu' on fait en mettant la tête en bâs, les piés en haut. = Il se dit aussi d' une chute dangereûse; et figurément, déchéance de la fortune au malheur. "Il a fait une grande culbute: d' une haute fortune il est tombé dans la pauvreté. = Culbuter, actif, au propre, renverser quelqu' un la tête en bâs, les pieds en haut; au figuré, le ruiner, détruire sa fortune. _ Neutre: tomber en faisant la culbute. _ Être ruiné, perdre sa fortune.
   Rem. Mariv. emploie singulièrement ce verbe, au figuré. Il dit, d' un bredouilleur, qu' il avait la parole si rapide, que de quatre mots qu' il disait, il en culbutoit la moitié. L' expression est comique, mais elle n' est pas fort propre.

CULÉE


CULÉE, s. f. [2e é fer. et long, 3e e muet.] Grôsse masse de pierre, qui soutient la voûte des dernières arches d' un pont, et toute leur poussée.

CULIER


CULIER, adj. [Cu-lié, 2eé fer.] Boyau culier, le dernier boyau qui se termine à l' anus. C' est le nom vulgaire. En Anatomie, on dit, le rectum.

CULOT


CULOT, s. masc. CULOTTE, s. fém. Le premier se dit, au propre, de l' oiseau le dernier éclôs d' une couvée, et au figuré, (st. famil.) du dernier reçu dans une compagnie. = Le 2d. est la partie du vêtement qui coûvre depuis la ceintûre jusqu' aux genoux. Culote de drap, de satin, de velours, etc.

CULTE


CULTE, s. m. [2e e muet.] L' honeur qu' on rend à Dieu par des actes de religion. Culte divin, culte religieux.
   Rem. Ce mot ne se dit qu' à l' égard de la Divinité. Mde. Dacier, dans une note de sa Traduction de l' Iliade, cite un passage de Platon, qui dit: "Les Pères font descendre toute sorte de bénédictions sur leurs enfans, qui leur rendent le culte qui leur est dû. Le mot est très-impropre.

CULTIVABLE


*CULTIVABLE, adj. Qui peut être cultivé. Mot hasardé par un Auteur moderne. Il peut être utile, et l' on peut en bien augurer. "Les terres cultivables.

CULTIVATEUR


CULTIVATEUR, s. m. CULTIVER, v. act. CULTûRE, s. f. [2e lon. au dern. 3e é fer. au 2d, e muet au dern.] Cultiver, c' est doner les façons nécessaires à la terre, pour la rendre plus fertile. cultûre, ce sont ces façons donées à la terre. Cultivateur, celui qui cultive la terre. "Cultiver un jardin, les vignes, les plantes. Cultiver des fleurs, etc. La cultûre de la terre, des vignes, des fleurs. "Ce pays manque de Cultivateurs.
   Rem. 1°. Dans le Dict de Trév. (en 1704) on dit que cultivateur est un mot bien suspect et qu' on ne l' a point trouvé ailleurs que dans la phrâse qu' on cite. Il est aujourd'hui très-bien établi. L' Acad. le met sans remarque. On l' emploie quelquefois adjectivement: un peuple cultivateur. Raynal a dit aussi, société cultivatrice: c' est un néologisme.
   2°. Cultivateur ne se dit qu' au propre: cultiver et cultûre se disent aussi au figuré. "Cultiver les Sciences, les Arts; cultiver l' esprit, la mémoire; cultiver l' amitié de quelqu' un. "C' est un homme qu' il vous faut cultiver: il faut ménager et entretenir sa bienveillance. "La cultûre des Sciences, des Arts; la cultûre de l' esprit. = Remarquez pourtant que le substantif n' a pas un emploi aussi étendu que le verbe. Quoiqu' on dise cultiver sa raison, son esprit, on ne dit pas, la cultûre de sa raison, de son esprit. Réflex. On dit seulement, dans un sens indéfini, la cultûre de l' esprit, de la raison, mais on ne s' en sert pas avec les pronoms possessifs, son, sa, leur. = L' usage du verbe lui-même a des bornes; et quoiqu' on dise cultiver son esprit, sa raison, on ne dit pas, se cultiver soi-même. "* La passion que le Chevalier Temple avoit pour les Lettres, ne lui permettoit pas de dissimuler son mépris pour les Ministres publics, qui négligeoient de se cultiver. = De même, quoiqu' on dise cultiver sa raison, on ne dit pas cultiver ses études, par la raison qu' on dit cultiver la terre, et qu' on ne dit pas cultiver le labourage. * "Il sut encôre trouver des heûres de loisir pour cultiver ses études. = On dit fort bien, cultiver ses amis, ses Protecteurs; être assidu auprès d' eux. "Il faut que vous restiez ici, pour cultiver vos amis. MARIV.
   3°. Cultivé se dit aussi au propre et au figuré. "Terre bien cultivée, esprit cultivé; mais le dit-on de persones mêmes? J' en doute fort. " * On y est poli avec franchise, simple, mais cultivé. Marm. "Les Littérateurs cultivés reconoîtront dabord, dans ces maximes (de Mr. Cordemoi), des principes, qui nous ont été débités récemment comme de rares découvertes. Sabat. Trois siècles.

CULTIVATION


*CULTIVATION, s. f. Mot nouveau, et qui parait peu heureusement inventé. "N' auroit-elle pas montré plus de sagesse, si elle eût employé ses capitaux à la cultivation de son territoire? On dit cultûre, qui a le même sens.

CUMULATIF


CUMULATIF, IVE, adj. CUMULATIVEMENT, adv. CUMULER, v. a. Ce sont des termes de Jurisprudence. Cumuler, c' est réunir plusieurs droits, pour fortifier une prétention. Il se dit aussi des preûves. "Laissant au Juge la liberté de cumuler ou de ne point cumuler tous ces genres de preuves. Tronchet. _ Cumulatif, se dit de ce qui se fait par accumulation. Cumulativement, d' une manière cumulative.
   Rem. J. J. Rouss. emploie cumuler hors du Palais. "Quelles étonantes précautions ont été cumulées par la nature, pour amener l' embryon du pois à maturité. Let. sur la Botanique. _ L' Acad. met ce verbe sans remarque et sans exemple.

CUPIDE


*CUPIDE, adj. CUPIDITÉ, s. f. L' adjectif est un vieux mot depuis peu rajeuni. "La Noblesse avoit jeté un oeil cupide sur les revenus de l' Église. Hist. d' Angl. "Les dévastateurs les plus sanguinaires de l' Amérique n' étoient pas les plus cupides. Linguet. "Femme ambitieuse et cupide. Anon. "Ces établissemens obscurs d' usure et de rapine, où des hommes avilis et cupides abusoient sans frein de l' empire, que leur donnoient sur de jeunes gens les momens de besoin et d' égaremens. Necker. "Les Nations cupides sont comme les individus, etc. Anon. Bientôt on voudra nous persuader que le métier cupide du Courtisan est le métier le plus glorieux. Mercier.
   CUPIDITÉ, desir immodéré, convoitise. Cupidité insatiable. _ Il se prend aussi pour la concupiscence en général. "Le poids de la cupidité entraîne les hommes au péché; mais ils peuvent le surmonter avec l' aide de la grace.
   Rem. Coeffeteau et Malherbe se servaient toujours de ce mot. Vaugelas le condamnait, et lui préférait convoitise. Ménage n' aimait ni l' un ni l' aûtre, quoique Mrs de Port-Royal l' eussent souvent employé dans leurs ouvrages. Le P. Bouhours ne le trouvait bon qu' en Théologie et en Chaire, pour signifier la concupiscence. L' Acad. l' a toujours dit, pour signifier desir immodéré. Suivant Th. Corneille, on doit l' employer absolument et sans régime. On dit, à la vérité, la cupidité des hommes est insatiable; mais on ne dit point, la cupidité des richesses, la cupidité de régner. _ Aujourd'hui, cupidité est plus usité que convoitise; mais, comme dit Th. Corneille, on l' emploie sans régime.

CURABLE


CURABLE, adj. [2e dout. 3ee muet.] Qui peut être guéri. Cet adjectif est moins usité que son composé, incurable. "On peut présumer, avec raison, que toutes les maladies sont curables. Ce mot est utile: il serait bon que l' usage l' adoptât. _ Suivant le Dict. de Trév., il ne se dit guère qu' entre les Médecins: aussi la phrâse que nous avons citée est-elle d' un Médecin. Le Rich. Port. dit que ce mot est hors d' usage. L' Acad. le met sans remarque. _ Le P. Paulian le dit des maladies des plantes. "Elles sont sujettes à des maladies, dont les unes sont curables, et les aûtres tres incurables. Dict. de Phys.

CURAGE


CURAGE, s. m. Action de curer, de nétoyer, ou éfet de cette action. Le curage d' un puits, d' un port, etc.

CURATELLE


CURATELLE, s. f. CURATEUR, s. m. [Kuratèle, teur; 3e è moy. au 1er.] Curatelle, est le pouvoir et la charge du Curateur, comme tutelle du Tuteur. "Il a été nommé à la curatelle, ou, on lui a doné la curatelle de... Il est encore en curatelle. Il est sous la curatelle d' un tel.
   CURATEUR, est celui qui est établi par Justice pour administrer les biens d' un mineur, ou d' un dissipateur interdit, ou d' un furieux, d' un imbécille. = Au Palais, il a~ un usage plus étendu: Curateur aux caûses a Curateur au cadâvre, au mort, etc. Celui que le Juge nome d' ofice pour défendre la caûse d' un homme acusé de suicide. = On dit, d' un homme qui dissipe ou qui gouverne mal son bien, qu' il faut lui doner un Curateur.
   * Leibnitz, qui a écrit en français, mais qui vivait en Allemagne, apèle Curateur d' une édition, ce que nous nommons Éditeur. Ce mot n' est pas français en ce sens.

CURATIF


CURATIF, IVE, adj. CURATION, s. f. [Kuratif, ti-ve, ra-cion; 3e lon. au 2d.] Termes de Médecine. "Remèdes curatifs, qui guérissent. "Méthode de curation, de traitement d' une maladie, d' une plaie.

CURATRICE


CURATRICE, s. f. Celle qui a la curatelle. Voy. CURATEUR.

CûRE


CûRE, s. f. CURÉ, s. m. [1re lon. au 1er, br. au 2d; 2ee muet au 1er, é fer. au 2d.] I. Cûre, a plusieurs sens qui n' ont aucun raport l' un avec l' aûtre. 1°. Traitement, pansement de quelque maladie ou blessûre. Belle, grande cûre. Il a entrepris cette cûre: il n' a pas été heureux en cette cûre. = 2°. Remède qu' on done à un oiseau de proie, pour le purger. = 3°. Bénéfice ayant charge d' âmes, et la conduite spirituelle d' une Paroisse. "Les Cûres obligent à résidence. Cûre de village. Résigner, permuter, desservir une Cûre. = 4°. * Il s' est dit aûtrefois pour souci. On disait, n' en avoir cûre, ne pas s' en soucier; s' en mettre peu en peine.
   L' Ane, qui goûtoit fort cette façon d' aller,
   Se plaint en son patois. Le Meûnier n' en a cure.
       La Font.
Rem. 1°. Cûre, guérison (synon.) Il semble, dit l' Ab. Girard, que la cûre n' ait pour objet que les maux opiniâtres et d' habitude; au lieu que la guérison regarde aussi les maladies légères et de peu de durée. On dit, faire une cûre, et procurer une guérison. Le 1er a plus de raport au mal, et à l' action de celui qui traite le malade. Le 2d a plus de raport à l' état du malade qu' on traite (La cûre de ce mal; la guérison de ce malade.) "Plus le mal est invétéré, plus la cûre en est dificile. "C' est souvent plus à la force du tempérament qu' à l' éfet des remèdes, qu' on doit sa guérison. GIR. synon.
   2°. * Formey done à cûre, non le sens de guérison, mais celui de remède. Il dit, faire une cûre, non du Médecin, mais du malade. "Il ala ensuite aux Eaux de... faire une cûre, qui lui avait été prescrite.
   3°. Dit-on, faire une cûre à quelqu' un, pour dire, le guérir, ou le traiter dans une maladie? Je ne le crois pas. Boileau l' a dit, en parlant du Médecin Perrault: "C' est-là toute la cûre qu' il m' a faite. (C' est ainsi qu' il m' a guéri, en me rendant plus malade.) On lit aussi, dans l' Ann. Litt. "Vient ensuite le détail d' une cûre faite par M. Morand à un Religieux. _ Faire une cûre, se dit sans régime. On ne dit point, ce me semble, il lui a fait une cûre, pour dire, qu' il l' a guéri.
   II. CURÉ, Prêtre pourvu d' une Cûre. Bon Curé; Curé de Paris; Curé de village; Curé primitif; Curé amovible, etc.
   On dit, en style proverbial, avoir afaire au Curé et aux Paroissiens, c. à. d., à plusieurs parties à la fois, et qui ont souvent des intérêts diférens. = C' est Gros-Jean qui remontre à son Curé, se dit, quand un ignorant veut instruire un homme qui en sait plus que lui.

CûRE-DENT


CûRE-DENT, CûRE-OREILLE, s. m. Ces mots sont indéclinables, et ne doivent point prendre d' s au pluriel. Il se disent, l' un d' un instrument dont on se cûre les dents, et l' aûtre d' un aûtre instrument propre à se curer l' oreille.

CURÉE


CURÉE, s. f. [2e é fer. et long; 3e e muet.] Pâture qu' on done aux chiens de chasse, en leur faisant manger une partie de la bête qu' ils ont prise. "Faire curée (sans article), ou, doner la curée aux chiens. = Mettre en curée, se dit, au propre, des chiens à qui l' on done plus d' ardeur, par la curée qu' on leur fait; et au figuré, des hommes que le profit anime davantage à quelque entreprise: "Le profit qu' il a fait en cette afaire l' a mis en curée.

CURER


CURER, v. a. CUREUR, s. m. [Kuré, ku-reur: l' u est bref devant la syllabe masculine: il est long devant l' e muet: il cûre, il cûrera.] Curer, c' est nettoyer quelque chôse de creux. "Curer un puits, un fôssé. _ On dit aussi, se curer les dents, l' oreille, et non pas, curer ses dents, son oreille. = Curer, c' est encôre purger les oiseaux de proie. Curer l' oiseau, lui faire prendre un remède qu' on apèle cûre.
   CUREUR, qui cûre, qui nettoie. Il ne se dit que de ceux qui cûrent les puits: Un cureur de puits.

CURIAL


CURIAL, ALE, adj. [Au plur. masc., curiaux.] Ce qui concerne une Cûre; la conduite d' une Paroisse. Droits Curiaux, fonctions Curiales. Cet adjectif suit toujours le substantif.

CURIE


CURIE, s. f. [2e lon. 3ee muet.] Subdivision de la Tribu, chez les Grecs et les Romains. À~ Rome, le Peuple était partagé d' abord en trois Tribus, et chaque Tribu, en dix Curies.

CURIEûSEMENT


CURIEûSEMENT, adv. CURIEUX, EûSE, adj. [Ku-rieû-zeman, cu-rieû, rieû-ze; 2e lon. 3e e muet.] Curieux, est de trois syllabes en vers.
   - - - Ah! que vous enflâmez mon desir curieux.
       Rac.
  Et d' un oeil curieux,
  Dans son coeur palpitant, consultera les Dieux. Id.
Cet adjectif se plaît à suivre le substantif. Le P. La Rûe l' emploie substantivement, mais dans un sens où il n' est pas substantif. Voyez CRÉDULE.
   CURIEUX, qui a beaucoup d' envie et de soin d' aprendre, de voir, de posséder des chôses nouvelles, râres, excellentes. "Fort curieux, extrêmement curieux. Il régit de et en. "Il est curieux de tableaux, d' antiques, etc. = "Elle est curieûse en habits, en bijoux, etc. = Pour les verbes, il régit de et l' infinitif. Curieux de voir, de savoir, etc. = Il se prend quelquefois en mauvaise part, et se dit d' un homme qui veut pénétrer indiscrètement les secrets d' autrui. Il se dit alors, le plus souvent, comme substantif, avec une épithète: Un curieux indiscret, impertinent. Au pluriel il s' emploie absolument: Je redoute et je hais les curieux. = Quand on parle de chôses râres, il se prend en bone part. "Le cabinet d' un Curieux. Il est toujours avec les Curieux.
   CURIEUX, se dit aussi des chôses, et signifie râre, nouveau, extraordinaire, excellent en son genre. Remarque curieûse, travail, bijou curieux. _ Livre, cabinet curieux, qui renferment des chôses curieûses.
   Rem. Curieux, régit de devant l' infinitif. "Sésostris, ce Prince si doux, si affable... si curieux de voir les étrangers. Télém. * _ Mascaron substitûe à la prép. de, la prép. à. "On est souvent trop curieux à vouloir pénétrer les desseins de la Providence. Curieux de pénétrer, aurait été mieux: car, curieux à vouloir, ou de vouloir, serait un pléonasme; puisque la curiosité est une volonté ardente de quelque chôse qu' on cherche à savoir.
   CURIEûSEMENT, a deux sens: 1°. Avec curiosité: s' informer, observer curieûsement. = 2°. Exactement, soigneûsement. "Rechercher, voir, lire curieûsement. Conserver curieûsement quelque chôse.

CURIOSITÉ


CURIOSITÉ, s. f. [Ku-rio-zité, en vers, ri-ozité.] Passion, empressement de voir, d' aprendre, de posséder des chôses râres, nouvelles, etc. Avoir la curiosité de voir, d' entendre, etc. Satisfaire sa curiosité. Aler en quelque lieu par curiosité. = Il se prend, comme curieux, en mauvaise part, pour une trop grande envie de savoir les secrets, les afaires d' autrui. "Avoir trop de curiosité. Voilà une curiosité indiscrète, impertinente.
   CURIOSITÉS, au pluriel; chôses râres et curieûses. Cabinet rempli de curiosités. Il s' emploie quelquefois au singulier: "Il done dans la curiosité.

CURVITÉ


CURVITÉ, s. f. C' est la même chôse que courbûre, et celui-ci est beaucoup plus usité. L' aûtre ne s' est jamais dit que parmi les Savans; et ils ne s' en servent guère aujourd'hui.

CURûRES


CURûRES, s. f. pl. [2e lon. 3ee muet.] Ce qu' on trouve dans un puits que l' on cûre, dans une mâre qu' on dessèche, dans une cour qu' on nettoie. "Faites emporter les curûres.

CUSTODE


CUSTODE, s. f. Autrefois, Rideaux de lit. Aujourd'hui, Rideaux qu' on met dans certaines Églises à côté du Maître-Autel. _ Doner le fouet sous la custode. (st. prov.) Châtier en secret.
   Custode, se dit par-tout du pavillon qu' on met sur le Ciboire.

CUSTODINOS


CUSTODINOS, s. m. Confidentiaire, qui garde un bénéfice, pour le rendre à un autre, ou qui est le prête-nom d' un Bénéficier, n' ayant que le titre du bénéfice, et lui en laissant les fruits en tout, ou en partie. On le dit aussi d' une Charge, d' un Emploi, d' un Office.

CUTANÉE


CUTANÉE, adj. Qui a rapport à la peau: maladie cutanée, comme la gale, etc.

CUVE


CUVE, s. f. CUVÉE, s. f. CUVER, v. a. et n. [2e e muet au 1er, é fer. aux deux autres, long au 2d.] Cuve, est un grand vaisseau qui n' a qu' un fond, propre à faire le vin, et à d' autres usages. "Cuve de vendange; grande ou petite cuve. = Cuvée est ce qui se fait de vin à la fois dans une cuve. "Cuvée de tant de muids. Ces dix tonneaux sont de la même cuvée.
   CUVER, neutre et sans régime, se dit du vin, qui demeure quelque temps dans la cuve, pour se faire. "Ce vin n' a pas assez cuvé: il faut le laisser cuver davantage. = Actif, il ne se dit que dans cette expression: cuver son vin, qui signifie, au propre, dormir, reposer après avoir trop bu: il cuve son vin. = Au figuré, laisser cuver son vin à quelqu' un; c' est atendre que la colère lui ait passé. Mde. de Sévigné le dit des chagrins. "Si vous prenez le chemin de vous éclaircir avec l' Archevêque, au lieu de laisser cuver les chagrins qu' on veut vous doner contre lui, vous vuiderez bien des afaires en peu de temps.

CUVETTE


CUVETTE, s. f. [Kuvète: 2eè moy., 3e e muet.] Petit vaisseau en forme de cuve, où l' on jette l' eau dont on s' est lavé les mains, ou dont on a rincé les verres. "Cuvette de marbre, de cuivre. = Les plus petites acompagnent les pots-à-l' eau: "Cuvette d' argent. _ * Un Auteur s' en est servi pour exprimer une petite cuve. "Il tomba dans une cuvette pleine de vin. Vie de St. Pierre d' Alcantara. Il faut dire, en pareil cas, dans une petite cuve.

CUVIER


CUVIER, s. m. [Ku-vié: 2eé fer.] Cuve où l' on fait la lessive; grand cuvier, petit cuvier.

CYCLE


CYCLE, s. m. CYCLIQUE, adj. [Cikle, klike.] Cycle est une période, un cercle de révolutions du Soleil et de la Lune. "Le Cycle Solaire est de 28 années, le Cycle Lunaire, de 19 ans; le Cycle de l' indiction, de 15 ans.
   CYCLIQUE, se dit de ce qui regarde et concerne les Cycles. Trév. On le dit aussi des petits ouvrages de Poésie, tels que des chansons, et des Poètes qui les composent. L' Acad. ne le met que dans cette seconde acception. Trév. le borne aux Vaudevilles qu' on chante dans les rues, et à leurs Auteurs.
   Le Rich. Port. écrit Cicle, Ciclique avec un i, et ne dit le 2d que dans le 2d sens, comme l' Académie. Ce 2d sens est peu usité aujourd'hui.

CYGNE


CYGNE, s. m. [Cig-ne: mouillez le g: 2e e muet.] Gros oiseau aquatique, de plumage blanc, et qui a le cou fort long. "Plume, duvet, peau de Cygne. = On done aux grands Poètes le nom de Cygne. On apèle Virgile le Cygne de Mantoue; et Pindare, le Cygne Thebain. = On apèle figurément, chant du Cygne, les derniers vers qu' un Poète a fait peu de temps avant sa mort. = Blanc comme un cygne, qui a la barbe et les cheveux blancs. = Faire un Cygne d' un oison; (st. prov.) louer quelqu' un excessivement et mal-à-propos.

CYLINDRE


CYLINDRE, s. m. CYLINDRIQUE, adj. [Ci-lein-dre, lein-drike; 2e lon.] Cylindre, est, en général, un corps de figûre ronde et longue, et d' égale grosseur par--tout. Cylindrique, qui a la forme d' un cylindre. "Cylindre de verre, de marbre; miroir en cylindre; ou cylindrique. Cadran sur un cylindre, ou cylindrique.
   CYLINDRE, est en particulier, un gros rouleau de pierre ou de bois, dont on se sert pour écraser les mottes d' une terre labourée, ou pour aplanir les alées d' un jardin, etc.

CYMAISE


CYMAISE, s. f. [Cimèze: 2eè moy. et lon. 3e e muet] Terme d' Architectûre. C' est le nom d' une des principales moulûres, et qui est ondée par son profil. La partie inférieure est convexe, et la supérieure concave. Cette moulûre termine la corniche.

CYMBALE


CYMBALE, s. f. [Cein-bale.] Instrument de Musique chez les Anciens. Il était d' airain: "Airain sonant, et Cymbale retentissante: expression de St. Paul. Suivant l' Acad. c' est aujourd'hui le nom d' un triangle de fer, où sont passés des anneaux de fer. Mais le Triangle et la Cymbale sont deux instrumens diférens, en usage encore aujourd'hui en Orient dans le Service Divin; et parmi nous, dans la Musique Militaire; et au Théâtre, dans les marches. On apèle Cymbale, deux plateaux d' airain qu' on frape l' un contre l' aûtre avec mélodie.

CYNIQUE


CYNIQUE, adj. Épithète d' une Secte Philosophique chez les Anciens; la plus Philosophique de toutes, si la Philosophie consiste à braver tous les préjugés et toutes les bienséances. "Diogène, Philosophe Cynique. _ En parlant des chôses: impudent, obscène. "Discours Cynique, vers cyniques. _ S. m. C' est un Cynique.

CYNISME


CYNISME, s. m. Mot nouveau et heureûsement inventé. Impudence cynique. "Y eut-il un Cynisme plus impudent, dit M. l' Abé de Fontenai, parlant des Confessions de J. J. Rousseau?

CYPRE


CYPRE. Voyez CHYPRE.

CYPRèS


CYPRèS, s. m. [Ciprê: 2eê ouv.] Arbre toujours verd, qui s' élève droit et en pointe. Palissade, allée, bois de cyprès. = Chez les Poètes, c' est le symbole de la mort. "Le noir cyprès: le cyprès funèbre.

CYTHÉRÉE


CYTHÉRÉE, s. f. Malherbe dit, la Cythérée, pour dire Vénus.
   Telle n' est point la Cythérée.
Les autres Poètes ont dit, Cythérée sans article. Mén. _ Aujourd'hui on ne se sert guere de ce mot: On dit; la Déesse de Cythère.

CZAR


CZAR, s. m. CZARINE, s. f. [M. le Clerc, Historien de Russie, écrit Tzar.] Titres qu' on donne au Souverain de Russie et à son épouse, ou à la Princesse, qui en est Souveraine de son chef.