Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI COMPâS


COMPâS, s. m. COMPâSSEMENT, s. m. COMPASSER, v. a. [Konpâ, Konpâce--man, Konpacé; 1re lon. 2e lon. aux deux 1ers; 3e e muet au 2d, é fer. au 3e. Dans le verbe, l' a est bref devant la syllabe masc., Compassant, compassé, je compassois, je compassai, etc. Il est long devant l' e muet: il compâsse, il compâssera, etc.] Compâs est un instrument de Mathématique, qui sert à décrire des cercles et à mesurer les distances de deux points, de deux lignes, etc. _ En termes de Marine, on done ce nom à la Boussole. = Compâssement, est l' action de compasser, ou l' éfet de cette action. = Compasser, c' est, 1°. mesurer avec le compâs: il est peu usité en ce sens. = 2°. Bien proportioner une chôse: compasser des alées, un parterre. = 3°. Fig. Régler: compasser ses actions, ses démarches. = Au participe, il se prend le plus souvent en mauvaise part. "Il est bien compassé en ses discours, dans ses manières, dans son style, ou simplement, il est compassé, extrêmement compassé; exact jusqu' à l' afectation.
   Rem. Malherbe aimait beaucoup le mot de compâs, et s' en servait volontiers. "Mesurer son aise au compâs de l' envie: "Bornez-vous dans un juste compâs.
   Le destin de qui le compâs
   Marque à chacun son aventûre.
Cette expression figurée ne plairait pas aujourd'hui dans le style relevé. = On dit proverbialement, faire toutes chôses par règle et par compâs, ou par compâs et par mesûre; avec une grande exactitude, une grande circonspection. _ "Il a le compâs dans l' oeil; il mesûre presque aussi juste à l' oeil, qu' il le pourrait faire avec un compâs.

COMPASSION


COMPASSION, s. f. COMPATIR, v. n. COMPATISSANT, ANTE, adj. [Konpa-cion, konpati, konpati-san, sante; 1re lon. 4e lon. aux deux derniers. Dans le Dict. Gram. on met un acc. sur l' â dans ces trois mots et dans les deux suivans; et l' on avertit que cette 2de syll. est longue. L' Acad. n' y met point d' accent, et la syllabe est brève.] Compassion, est un mouvement de l' âme, qui compatit aux misères d' autrui. _ Compatir, c' est être sensible à la douleur, à l' afliction des aûtres. Compatissant, porté à la compassion; humain, sensible. "Exciter la compassion; être touché, ému de compassion. Ah! pourquoi la nature n' a-t-elle placé la compassion que dans le coeur des persones indigentes? MARIN, Julie. "Je compatis à votre douleur, à votre afliction: "Coeur compatissant, âme compatissante.
   I. Rem. 1°. On dit, avoir compassion de, et avoir de la compassion pour: le P. Rapin met mal à-propos de après le dernier: *"Il est vrai qu' il faut avoir de la compassion de (pour) ces aveugles, qui sont empoisonés de l' air empesté qu' on y respire. (à la Cour.)
   2°. FAIRE COMPASSION, se dit d' une chôse qu' on désaprouve avec mépris: "Cela fait compassion. "La hauteur, la morgue, les prétentions des prétendus Philosophes, font réellement compassion.
   II. COMPATIR, outre son sens propre et naturel, signifie encôre, 1°. Avoir de l' indulgence pour les défauts d' autrui: il faut compatir à la foiblesse humaine, aux foiblesses, aux infirmités de son prochain. = 2°. Être compatible avec, en parlant des chôses: l' esprit de Dieu ne peut compatir avec l' esprit du monde. En ce sens, il se dit ordinairement avec la négative. 3°. En parlant des persones, convenir ensemble par l' humeur, le caractère. "Ils sont tous deux d' une humeur à compatir aisément ensemble: persone ne peut compatir avec lui: il ne peut compatir avec persone.
   5°. Ce verbe n' étant pas actif, ne peut être employé au passif. * "Il ne me trouve d' autre défaut, que d' être compatie de tout le monde. Mde la Duch. de Mant. à Mde de Maint.
   III. COMPATISSANT, n' aime point à précéder le substantif, sur-tout au masculin: "Ce vertueux, ce compatissant Père. Mde de Riccoboni, dans un ouvrage traduit de l' Anglais. Cette construction est un anglicisme.

COMPASSIONER


*COMPASSIONER, v. a., est un anglicisme; to compassionate: "Compassionez ce pauvre malheureux, ayez compassion de lui.

COMPATIBILITÉ


COMPATIBILITÉ, s. f. COMPATIBLE, adj. [Konpatibilité, konpatible; 1re lon. Dans le Dict. Gram. on avertit que la 2de est longue, et l' on met un acc. circ. sur l' â de compatible: l' Acad. n' y met point d' accent, et l' a est bref dans ces deux mots.] Compatible, se dit, 1°. de ce qui peut compatir avec un aûtre. Au singulier, il ne se dit qu' avec la prép. avec: son humeur n' est pas compatible avec la mienne. Au pluriel, il s' emploie ordinairement tout seul et sans régime: "Nos humeurs ne sont pas compatibles. _ Corneille fait régir à cet adjectif la prép. à.
   Ah! que n' est, mon honneur, plus compatible au vôtre!       Attila.
Ce régime est irrégulier, même en vers.
  2°. COMPATIBLE, se dit d' un Bénéfice, qui peut être possédé avec un aûtre, d' une charge qui peut être exercée avec une aûtre: ces deux Bénéfices sont compatibles: ces deux charges ne sont pas compatibles.
   COMPATIBILITÉ, qualité de ce qui est compatible. "Il y a une grande compatibilité d' humeur entre ces deux persones. Il se dit le plus souvent avec la négative. _ Il n' y a pas de compatibilité entre ces deux Bénéfices. "On a jugé la compatibilité de ces deux charges.

COMPATRIOTE


COMPATRIOTE, s. m. et f. [Konpa--tri-ote; 1re lon. Maimbourg écrit Compatriot sans e: "Ses Compatriots.] Celui, ou celle qui est de même patrie, de même pays. "C' est mon, ou, ma Compatriote. _ Le peuple dit, mon pays, ma payse.

COMPENDIAIRE


*COMPENDIAIRE, s. m. [Konpan--dière; pénult. è moy. et long.] Mot forgé. Faiseur d' abrégés. "Ces masses volumineuses (les in-folio), que leur poids rendroit souvent inutiles, si, pour la commodité du Public, d' industrieux Compendiaires n' avoient soin de nous en donner l' abrégé. Coyer. _ Ce mot n' est bon que dans le style plaisant ou critique.

COMPENDIUM


COMPENDIUM, s. m. [Pron. Konpen--di-ome: en n' a pas le son d' an.] Mot emprunté du Latin; abrégé: "Un compendium de Logique, d' un traité théologique, etc. Il ne se dit guère que dans les Écoles.

COMPENSATION


COMPENSATION, s. f. COMPENSER, v. a. [Konpansa-cion, konpansé; 1re et 2e lon.] Compenser, c' est faire une estimation, par laquelle une chôse tiène lieu du prix d' une aûtre: "Il a compensé ce qu' il me devoit, avec ce que je lui dois. = Il signifie aussi balancer, réparer: Le gain de cette année compense la perte de la précédente. _ "Les bones qualités d' une persone doivent compenser ses défauts.
   COMPENSATION, est l' action de compenser. Faire compensation d' une chôse avec une aûtre. _ Cela mérite, demande compensation, c. à. d., un dédommagement: Je vous cède cela en compensation.

COMPÉRAGE


COMPÉRAGE, s. m. COMPèRE, s. m. [1re lon. 2e é fer. au 1er, è moy. et long au 2d.] Compérage, qualité de compère. Il ne se dit que dans le style familier: "Ce compérage lui tient au coeur. "Ils se voient tous les jours, sous prétexte de compérage. Dans le Droit, on dit compaternité, que l' Acad. ne met pas. = Compère, est celui qui a tenu un enfant sur les Fonts; et il a ce nom relativement au père et à la mère de l' enfant, et par raport à celle avec qui il a tenu cet enfant. "C' est mon compère, il a tenu un de mes enfans; ou, j' ai tenu un de ses enfans; ou, j' ai tenu un enfant avec lui.
   En style figuré familier, compère, homme fin, adroit, qui va à ses intérêts, et dont on doit se défier: "C' est un compère. = Bon compère, bon compagnon; homme de bone humeur. = Compère, est aussi un terme d' amitié, quand on parle des jeunes gens: "Le Marquis (de Grignan) sera ici mercredi: je vous avoue que je serai ravie d' embrasser ce petit Compère. Sév. = Tout se fait par compère et par commère; la faveur et la protection décident de tout. "Je voudrois être à deux mille lieues de mon pays, et à deux mille ans de mon siècle; c' est le pays des compères et des commères; c' est le siècle des injustices et des passe-droits. Marm. Misantrope corrigé.

COMPÉTANT


COMPÉTANT, ANTE, adj. COMPÉTAMMENT, adv. [Konpétan, tante, taman; 1re lon. 2e é fer. 3e lon. aux deux 1ers, br. au 3e. _ Trév., le Dict. Gramm. et aûtres, et le commun des Auteurs, écrit compétent: nous avons suivi l' Acad. On écrira ce mot comme on voudra. _ Richelet~ écrit compétanment; cette ortographe est contraire à l' usage et à la prononciation.] Compétant, est, 1°. un terme de Pratique. Qui apartient, qui est dû. Il n' est d' usage qu' en cette phrâse, portion compétante: "Il a doné à chacun de ses enfans leur portion compétante. = 2°. Juge compétant, qui a droit de juger, de conaître d' une afaire. Il se dit au propre, en termes de droit; et au figuré, d' un homme, qui a toute la conaissance qu' il faut pour juger d' une chôse. _ Partie compétante, capable de contester en Justice. = 3°. Sufisant; âge compétant, temps compétant pour délibérer.
   COMPÉTAMMENT, d' une manière compétante, sufisamment, convenablement. Il est peu usité.

COMPÉTENCE


COMPÉTENCE, s. f. COMPÉTER, v. n. [Konpétance, konpété; 1re lon. 2e é fer. 3e lon. au 1er, é fer. au 2d.] Trév. avertit que d' aûtres écrivent compétance: Richelet l' écrit de même. = Compétence, est le droit qu' a un Juge de conaître d' une afaire: "On lui dispute la compétence. Faire juger la compétence: "Cela n' est pas de sa compétence. _ Cette dernière phrâse se dit au figuré, de tout homme qui n' est pas capable de juger d' un ouvrage, d' une matière, etc.
   COMPÉTER, ne se dit qu' au Palais, et dans cette phrâse: ce qui peut lui compéter et apartenir.

COMPÉTITEUR


COMPÉTITEUR, s. m. *COMPÉTITION, s. f. [Konpéti-teur, ticion; 2e é fer.] Compétiteur, concurrent; celui qui brigue la même dignité, la même charge, etc. C' est son compétiteur: il a beaucoup de compétiteurs: ils étaient compétiteurs au Consulat, à l' Empire.
   *COMPÉTITION, concurrence, est un anglicisme. "Les mécontens répandoient le bruit, qu' il se servoit de son crédit pour nuire au commerce d' Angleterre, afin que celui de son propre pays (la Hollande) pût fleurir sans compétition. Targe, Traduction de Smollet. _ On a remarqué que la plupart des Auteurs font leur traduction à coups de Dictionaires: il serait à souhaiter qu' ils le fissent plus souvent.

COMPILATION


COMPILATION, s. f. COMPILATEUR, s. m. COMPILER, v. a. [Konpila-cion, lateur, , 1re lon.] Compiler, c' est faire un recueil, un amâs de diverses chôses qu' on a lûes dans les Auteurs. Compilation, est l' action de compiler, ou l' éfet de cette action. Compilateur, celui qui compile. "Il a compilé ce qu' il a trouvé de meilleur dans les Auteurs sur cette matière. "Son ouvrage n' est qu' une compilation: c' est un laborieux Compilateur.
   Rem. COMPILER, s' emploie quelquefois neutralement, et sans régime. "Il ne s' ocupe qu' à compiler. Voltaire a dit, avec plus de malignité que de vérité, de l' Abbé Trublet:
   Il compilait, compilait, compilait.

COMPLAIGNANT


COMPLAIGNANT, ANTE, adj. COMPLAINTE, s. f. [Kon-plèg-nan, nante, kon-plein-te; 1re lon. 2e lon. au dern. 3e lon. aux deux 1ers.] L' adj. dans les deux genres et les deux nombres, et le subst. dans le nombre singulier, ne se disent qu' au Palais. _ Complainte, est une plainte en Justice. Complaignant, ante, celui ou celle qui se plaint en Justice, de quelque tort qu' on lui a fait. _ Complainte, ne se dit guère qu' en matière bénéficiale; complaignant, se dit dans toute sorte de matières à procès. "Il s' est rendu complaignant, la partie complaignante. Il est aussi subst. Le complaignant, la complaignante, les complaignans.
   COMPLAINTES, au pluriel, se dit quelquefois pour plaintes, lamentations: "Il fait de grandes complaintes sur ses malheurs. "À~ quoi servent toutes ces complaintes? _ Il vieillit.
   Rem. Nos Poètes, jusqu' au temps de Bertaut, inclusivement, on dit complaintes pour plaintes. Vaug. * On a dit aussi anciènement se complaindre: depuis long-temps, on ne dit plus que, se plaindre.

COMPLAIRE


COMPLAIRE, v. n. [Konplère; 1re lon. 2e è moy. et long.] S' acomoder au goût, au sentiment, à l' humeur de quelqu' un, pour lui plaire. "Je veux bien lui complaire en cela: il cherche à lui complaire en tout. _ Complaire, ajoute au sens de plaire, la volonté, l' envie d' y réussir. On peut plaire sans le vouloir: on complaît, en conformant sa volonté à celle d' autrui. On plaît par les qualités naturelles, sans y rien mettre du sien; on complaît par la déférence, par la civilité, par les actions.
   COMPLAIRE, se dit aussi avec le pron. pers. se complaire; le pron. est au datif: se complaire (à soi-même), c' est s' admirer, se plaire, se délecter en soi-même, en ses productions, en ses ouvrages: "Il se complaît dans tout ce qu' il fait; elle se complaît en sa beauté.

COMPLAISAMMENT


COMPLAISAMMENT, adv. [Konplè--zaman; 1re lon. 2e è moy. _ Richelet écrit complaisanment, contre l' usage et la prononciation.] Avec complaisance. L' Acad. ne met point ce mot. Un Auteur moderne l' a employé depuis peu.
   Et pour saisir les traits de cet Être nouveau,
   Jetez complaisamment les yeux sur son berceau,
       Les quatre âges de l' Homme.

COMPLAISANCE


COMPLAISANCE, s. f. COMPLAISANT, ANTE, adj. [Konplézance, zan, zante; 1re et 3e lon. 2e è moy.] Douceur et facilité d' esprit, qui fait qu' on complaît, qu' on défère aux aûtres. Avoir de la complaisance, une grande complaisance. _ Avec le régime, il signifie l' éfet de cette vertu. "Ayez cette complaisance pour lui: il n' a de complaisance pour persone. _ Il se prend quelquefois en mauvaise part; mais alors il est déterminé par l' épithète qui l' acompagne: "Il ne faut point avoir de bâsse, de lâche complaisance, de complaisance criminelle. Avoir pour quelqu' un une complaisance aveugle, une fade complaisance. _ On le dit aussi dans le sens de complaire: elle se regarde avec complaisance; il a une grande complaisance pour tout ce qu' il fait.
   COMPLAISANCES, se dit quelquefois au pluriel, pour exprimer les éfets d' une complaisance ordinairement excessive et mal réglée. "Elle a de trop grandes complaisances pour ses enfans. "Les complaisances qu' elle a eues pour ses enfans lui coûtent cher aujourd'hui: "Se peut-il, Faustine, que vous ayez pris plaisir à faire mille infidélités à l' Empereur Marc-Aurèle, à un mari qui avoit toutes les complaisances imaginables pour vous. Fonten.
   COMPLAISANT, qui a de la complaisance pour les aûtres: Homme complaisant, femme complaisante. Esprit doux et complaisant; humeur complaisante. Il aime à suivre le substantif, et rarement ferait-il bien devant. Complaisant esprit, complaisante humeur, ne soneraient pas bien à l' oreille. Complaisant homme, serait insuportable.
   Il est aussi substantif; et dans cet emploi, il est fort à la mode.
   Molière lui fait régir la prép. à. Il fait dire au Misantrope, qu' il hait les hommes:
   Les uns, parce qu' ils sont méchans,
   Et les autres, pour être aux méchans complaisans.
   Racine a dit aussi, complaisant à vos desirs. M. l' Ab. d' Olivet critique ce régime, dans ses Remarques.
   Il a choisi, dit-on, Cléon pour son modèle:
   Il est son complaisant, son copiste fidèle.
       Méchant.
  Fait pour être chéri, ne serez-vous cité
  Que que pour le complaisant d' un homme détesté?
"Vous trouvez donc tout simple d' être la confidente de son mari, et le complaisant de sa femme. Marm. Dans cette dernière phrâse, il a un sens odieux: "C' est la complaisante de Madame.

COMPLANT


COMPLANT, s. m. *COMPLANTER, v. a. [Konplan, planté; 1re et 2e lon.] L' Acad. ne met que le substantif: elle croit aparemment que planter sufit pour exprimer le sens du verbe; mais planter, se dit d' un seul arbre, comme de plusieurs: complanter, se dit d' un champ tout entier; et il se dit du champ lui-même, plutôt que des arbres. Complant, plant de vigne composé de plusieurs pièces de terre. Acad. Bon complant, nouveau complant. Vignes de bon complant. _ Complanter, terme d' Agricult. Planter des vignes, des arbres, etc. Rich. Port. Il se dit sur-tout des vignes, et du lieu où on les plante. "J' ai complanté tout nouvellement une grande pièce de terre. _ Un homme de Lettres, qui a fait à Paris un séjour de 40 ans, assûre qu' on dit bien, un complant, mais que complanter un champ est un provençalisme, et qu' il ne l' a jamais entendu dire qu' en Provence.

COMPLèMENT


COMPLèMENT, s. m. COMPLET, ÈTE, adj. [Konpléman, konplè, plète; 1re lon. 2e é fer. au 1er, è moy. au 2d. et 3e.] Le complément, est ce qui s' ajoute à une chôse, pour lui donner sa perfection. "La résurrection des corps sera le complément de la béatitude des Saints. "Sainteté de Marie, source et complément de ses grandeurs. _ Ce mot n' est pas fort à la mode; quelque jour il le deviendra. = Complet, entier, achevé, parfait. Voy. ENTIER. Habit complet, nombre complet: OEuvre complète, Histoire complète. _ Il aime à suivre le substantif. _ Il est quelquefois substantif lui-même. Le complet d' un Régiment, le non-complet.

COMPLèTEMENT


COMPLèTEMENT, adv. COMPLÉTER, v. a. [Konplèteman, konplété; 1re lon 2e è moy. au 1er, é fer. au 2d, 3e e muet au 1er, é fer. au 2d. L' Acad. met un acc. aigu sur le 1er e de l' adverbe, complétement; mais devant l' e muet, l' e est moyen, et non pas fermé: il faut donc le marquer d' un acc. grâve. D' autres écrivent complettement: ce double t est inutile; il peut être aisément remplacé par l' acc. grâve sur l' e.] Complètement, d' une manière complète. "Mais, savez-vous bien, Madame, que vous êtes complètement ridicule. Sév. Ce mot n' était pas fort en usage aûtrefois; depuis quelque temps, il est à la mode. "S' il n' a pas complètement réussi. L' Ab. Royou. "C' est ici (dans les Rêveries d' un Promeneur solitaire) que Rousseau (J. J.) paroît fou, complètement fou. Fontenai.
   * Rem. Trév. met aussi complètement, subst., dans le sens de complément: on l' a employé de la sorte dans le Prospectus de l' Encyclopédie. "Solidité et complètement d' instruction, par le raprochement et la réunion de tous les articles d' une même science. L' Acad. ne le met pas comme substantif.
   COMPLÉTER, rendre complet. Compléter un recueil; un Régiment. L' emploi de ce mot n' est pas fort étendu.

COMPLEXE


COMPLEXE, adj. [Konplèkce: 1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Il est oposé à simple, et signifie, qui embrasse plusieurs chôses. Le sujet de cette Tragédie est complexe. _ * Un Auteur très-moderne l' emploie substantivement: "Tout cela, par sa totalité, forme un complexe bien admirable. Let. Édif. _ L' usage n' a pas encôre adopté ce substantif.

COMPLEXION


COMPLEXION, s. f. COMPLEXIONÉ, ÉE, adj. [Komplèk-cion, konplèk-cioné, né-e; 2e è moy. 4e é fer. aux deux dern. long au 3e.] Complexion est le tempérament, la constitution du corps: "Bonne ou mauvaise, robuste ou faible, délicate complexion. Cela est contraire à sa complexion. Il faut le traiter suivant sa complexion.
   Rem. Il se dit quelquefois pour humeur, inclination; complexion amoureuse, complexion joviale; mais il n' a pas un emploi aussi étendu que ces deux mots. On ne dirait pas, en ce sens, sa complexion, comme on dit, son humeur, son inclination.
   * La Bruyère dit d' un Ministre: "Il n' a ni humeur, ni complexion, pour ne point doner lieu aux conjectûres, et se laisser pénétrer. _ On ne le dirait point aujourd'hui.
   II. Complexioné; qui est d' un certain tempérament: bien ou mal complexioné. Il n' a d' usage que parmi les Médecins. Acad. * Il est dans Trév. et dans Richelet, sans remarque, pour signifier, qui a de bones ou de mauvaises complexions, soit du corps, soit de l' esprit. On ne dit point complexions au pluriel; on ne dit point, même au singulier, complexion de l' esprit; et quant à celle du corps, complexioné n' est point du discours ordinaire.

COMPLEXITÉ


*COMPLEXITÉ, s. f. [Konplèkcité: 1re lon. 2e è moy. dern. é fer.] Qualité de ce qui est complexe. Mot nouveau, et qui peut être utile dans l' ocasion, où Mr. Beauzée l' a employé: "Il y a dans chacun (des mots d' une langue) une complexité d' idées, qui est la source de tous les mal-entendus.

COMPLICATION


COMPLICATION, s. f. [Konplika-cion; 1re lon.] Concours de chôses de diférente natûre. Il y a là dedans complication de crimes, ou de maux, ou de malheurs. Hors de ces phrâses, ce mot n' est point usité.

COMPLICE


COMPLICE, subst. et adj. COMPLICITÉ, s. fém. [Konplice, plicité; dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Complice est celui qui a part au crime d' un aûtre. Complicité, participation au crime. "Il a été condamné à mort lui et son complice, ou sa complice, ses complices. _ La complicité a été prouvée.
   Rem. Comme substantif, il ne se dit que des crimes qui attirent l' animadvertion de la Justice. Comme adjectif, il se dit de toute sorte de désordres, et même des malheurs. "Les crimes dont les Comtes et les Ducs négligeoient de faire justice, et dont quelquefois ils étoient eux-mêmes complices. Mor. Un mari qui est complice des désordres de sa femme.
   Quoi! de tous vos malheurs, vous rendez-vous complice?
       Campistron.

COMPLIES


COMPLIES, s. f. pl. [Konplî-e; 1re et 2e lon. 3e e muet.] La dernière partie de l' Ofice Divin, laquelle se dit ou se chante après Vêpres. Aller à Complies. Dire ou chanter Complies.

COMPLIMENT


COMPLIMENT, s. m. COMPLIMENTER, v. act. COMPLIMENTEUR, EûSE, s. m. et fém. [Konpliman, manté, manteur, teû--ze.] I. Compliment, est 1°. honnêteté de paroles qu' on dit à une persone. Quand il est seul, il se prend en bone part; quand il est acompagné d' une épithète, elle en détermine le sens. Faire Compliment, ou un compliment à... Je suis alé lui faire mon compliment: je lui ai fait compliment sur le gain de son procès. _ Compliment de remercîment, de félicitation, de condoléance. Compliment sincère, ou froid, sec, ennuyeux, etc. = 2°. Cérémonies. "Laissons-là les complimens, trève de complimens! = 3°. Il est quelquefois oposé à l' intention réelle. "S' il vous fait des ofres de service, c' est par compliment: "Je vous dis, sans compliment, que votre ouvrage est fort bon.
   Dans le style familier, on dit d' un compliment, qu' il est bien troussé, pour dire, qu' il est court et bien tourné, mais on ne dit point de quelqu' un, qu' il trousse bien un compliment. L' usage admet l' un et reprouve l' aûtre. On doit dire: il tourne fort bien un compliment. _ Rengainer son compliment, s' abstenir de le faire, parce qu' il est inutile et hors de propôs.
   Rem. On dit, faire des complimens à, et avoir des complimens à faire de... "Je serois d' avis que vous allassiez chez Mde... faites lui bien des complimens de ma part. Sév. "J' ai mille complimens à vous faire de Mr. de L. R. F. La même. * Quelques-uns disent et écrivent, dans le même sens: vous avez des complimens de, etc. C' est un gasconisme.
   On dit, faire compliment, sans article, avec le datif.
   J' ai voulu le premier vous faire compliment.
       Sidney.
  II. COMPLIMENTER: Faire compliment. Il ne se dit guère que des complimens d' aparat, et se prend toujours en bone part. Le Magistrat alla complimenter le Prince, le Gouverneur. Pour les particuliers, on dit: Je suis allé faire mon compliment, ou faire compliment à M... à Mde... on ne dit pas je suis allé le ou la complimenter. _ Ce n' est que quand ce verbe s' emploie neutralement, pour signifier, faire des façons, des cérémonies, qu' il est d' un usage ordinaire entre particuliers. C' est trop complimenter. "Il est une heure à une porte à complimenter.
   Rem. Ce verbe ne s' emploie qu' avec le régime direct (l' accusatif). Le P. Rapin lui done la prép. de pour régime relatif: Athenagoras complimenta Marc-Aurèle et son fils Commodus du nom de Philosophe, croyant ne pouvoir flater plus agréablement leur vanité que par ce titre. _ On ne parlerait pas ainsi aujourd'hui: on dirait, qu' en complimentant ces Princes, il leur donna le nom de Philosophe, croyant, etc. _ Quand il s' agit d' un évènement heureux, on se sert de la prép. sur. "L' Acad. en corps vint complimenter le Roi sur cette glorieûse victoire.
   III. COMPLIMENTEUR, qui fait trop de complimens. "C' est un grand, un ennuyeux complimenteur; c' est une complimenteûse insuportable. On voit qu' il exprime un défaut et non une bone qualité.

COMPLIQUÉ


COMPLIQUÉ, ÉE, adj. [Konpliké, ké-e; 3e é fer. lon. au 2d.] Il se dit des chôses, et impliqué, des persones: une afaire est compliquée, lorsque les faits, les articles y sont compliqués les uns avec les aûtres, par leur mélange et leur dépendance: Les persones sont impliquées dans les faits ou dans les afaires, lorsqu' elles y ont quelque part, ou qu' on les en soupçone. _ On dit, dans le même sens, qu' un câs de conscience est fort compliqué, lorsqu' il y a plusieurs circonstances qui semblent prêter à des décisions contraires; et que le sujet d' une Pièce de Théâtre est trop compliqué, lorsqu' il embrasse trop d' évènemens qu' il n' est pas assez simple.
   On le dit sur-tout d' une maladie, dans laquelle il y a diverses espèces de maladies mélées ensemble.

COMPLOT


COMPLOT, s. m. COMPLOTER, v. a. et n. [Konplo, ploté.] Le complot est un mauvais dessein formé entre deux ou plusieurs persones. Comploter, c' est faire un complot. "Hardi, dangereux, détestable complot: leur complot a été découvert. Faire un complot; faire complot. "Ils avoient fait complot, ou ils avoient comploté de le prendre, de le tuer, etc. = Comploter se dit tantôt activement: ils ont comploté sa perte, sa ruine, sa mort; tantôt neutralement, avec de et l' infinitif: "Il avoient comploté de le voler: "Quelques Soldats avoient comploté de livrer une porte de la Ville aux énemis, D' Abl.; tantôt absolument et sans régime; ils ont comploté ensemble, entre eux; tantôt enfin, il régit avec devant les noms. "Il complota avec un tel.

COMPONCTION


COMPONCTION, s. f. [Konponk-cion, en vers, ci-on; les deux premières longues] Douleur, regret d' avoir ofensé Dieu. Grande, vive, véritable componction. Avoir de grands sentimens de componction. "Sans la componction du coeur, il n' y a point de véritable pénitence.

COMPONENDE


COMPONENDE, s. f. [Konponande; 1re et 3e lon. 4e e muet] Composition qui se fait sur les droits dûs à la Cour de Rome, pour l' obtention d' une dispense, ou les provisions d' un bénéfice. "Oficier de la componende.

COMPORTEMENT


*COMPORTEMENT, s. m. COMPORTER, v. a. [Konporteman, konporté: 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] I. Comportement se disait aûtrefois pour signifier la manière de se comporter, de se conduire en ses moeurs. "On donne des Gouverneurs et des Maîtres à la Jeunesse, pour prendre garde à ses comportemens. Trév. Rich. Ce mot est vieux et hors d' usage, et plus vieux et plus inusité que Déportemens. _ L' Acad. se contente de dire qu' il vieillit: il me semble que ce n' est pas assez dire.
   II. COMPORTER, c' est, en parlant des chôses, permettre, soufrir. _ Il est actif et neutre: "La médiocrité de son revenu ne comporte pas la dépense qu' il fait. "La dignité du Magistrat ne comporte pas qu' il s' abaisse jusque-là: "Le lieu ne comporte pas que je vous entretiène plus long-temps. Il s' emploie ordinairement avec la négative, et régit que et le subjonctif. _ En parlant des persones, il est réciproque; se comporter, se conduire, en user d' une certaine manière. Il régit dans pour les chôses, et en pour les persones: il s' est bien ou mal comporté dans cette afaire, dans cette ocasion. "Il s' est comporté en bon ami, en homme de bien dans les chôses que je lui ai confiées. _ Il s' emploie aussi sans régime: il se comportera mieux à l' avenir.
   Rem. 1°. Ce verbe, dans le sens actif, borné autrefois à la conversation, a passé dans les Livres, et dans les meilleurs. Le P. Bouhours même, qui le condamnait, s' en est servi depuis sa remarque. "Le Poème de Ronsard, sur les Misères du Temps, soufre des idées et des expressions qu' une Stance spirituelle, sur la vanité des Grandeurs du Monde ne comporte pas.
   * 2°. Quelques-uns disent, l' un comportant l' aûtre; et l' Auteur de Rome dit, dans ce sens, l' un pour l' aûtre. "La dépense de cet Hôpital monte par an à cent mille écus, une année pour l' autre. _ Ces deux façons de parler ne valent rien: il faut dire, l' un portant l' aûtre; une année portant l' aûtre.

COMPOSÉ


COMPOSÉ, ÉE, adj. COMPOSÉ, s. m. [Konpozé, zé-e; 1re lon. 3e é fermé, long au 2d.] Formé de plusieurs parties: c' est un mot composé, comme passe-temps, juste-au-corps. _ Cette machine est fort composée, il y a beaucoup de pièces diférentes, qui peuvent en embarrasser le jeu, l' éfet. _ Mouvement composé, qui résulte de plusieurs mouvemens. = En parlant des persones; qui afecte un air grâve, modeste. "Cet homme est toujours composé: Il a l' air sérieux et composé: toutes ses démarches, toutes ses actions sont composées.
   Rem. Quand composé est sans régime, il est adjectif; air composé, manières composées: il suit toujours le substantif: quand il a les régimes du verbe composer, il est participe: composé de chair et d' ôs. "Sa contenance étoit composée à la douceur et à la joie. Hist. des Voy.
   Noms composés sont ceux qui sont formés d' un nom primitif, et d' une particule ou aûtre nom; comme immortel composé de in, particule privative, et de mortel; entreprise, composé de entre et de prise. _ Ces noms composés le sont d' un substantif, bienfait, ou d' un adjectif, bonheur, ou d' un adjectif et d' une préposition, juste-au-corps; ou d' un adverbe, bienheureux, ou d' un verbe, porte-feuille, ou de deux substantifs, chef-d' oeuvre. _ L' usage seul peut aprendre quels sont les composés, dont les deux ou les trois parties sont unies sans espaces et sans division, et quels sont ceux qui admettent une division, un tiret entre les deux ou les trois mots qui forment la composition.
   Ce qui est à remarquer, c' est que dans presque tous ces composés, il n' y a qu' un seul de ces mots qui prène le signe du pluriel, et c' est ordinairement le dernier: bienfaits, entreprises, porte-feuilles, etc. Dans chef-d' oeuvre, c' est oeuvre qui est indéclinable, et l' article, qui le précède, l' indique assez. Il faut donc écrire, chefs-d' oeuvre, et non pas chef-d' oeuvres, au pluriel; mais dans prête-nom, porte-balle, garde-malade, les premières parties de ces mots sont des verbes, et non pas des noms: ce ne sont donc pas elles, mais les noms auxquels elles sont associées, qui doivent prendre l' s, signe du pluriel. Il faut donc écrire, prête-noms, garde-malades, porte-balles, et non pas, prêtes-noms, gardes-malades, portes-balles, comme écrit. M. Linguet, ou son Imprimeur.
   Anciènement les Poètes se donaient une grande liberté de composer des mots, au point de se former un jargon barbâre. Témoins ces deux vers de Du Bartas, où il peint la guerre.
   La guerre vint après, casse-loix, casse-moeurs,
   Rase-forts, verse-sang, brûle-hôtels, aime pleurs.
Il n' est pas étonant qu' un Poète, qui croyait parler Français, en s' exprimant de la sorte, ait été livré au ridicule. Ann. Litt.
   Aujourd'hui on ne compôse plus des mots, on se sert seulement de ceux qui sont admis par l' usage.
   Temps composés dans les verbes. Voyez AUXILIAIRE.
   COMPOSÉ, s. m. se dit dans le Physique et dans le moral. "La thériaque est un composé d' un grand nombre de drogues. "Cet homme est un composé de hauteur et de foiblesse.

COMPOSER


COMPOSER, v. a. [Konpozé; 1re lon. 3e é fer. Devant l' e muet l' o est long: il compôse, il compôsera, etc.] Composer, est 1°. dans son idée la plus générale, faire un tout de l' assemblage de plusieurs parties. Il se dit, ou avec le seul régime direct (l' acusatif). Le Sénat et le peuple composoient la République Romaine. Les Fidèles, sous un même Chef, composent l' Eglise; ou avec la prép. de pour 2d régime. "Les Apothicaires, les Chimistes, composent leurs remèdes de plusieurs drogues diférentes. _ Dans ce dernier emploi, il est sur-tout usité au mode passif: l' univers est composé de plusieurs parties. "L' Assemblée des Etats est composée du Clergé, de la Noblesse et du Tiers-État. = 2°. Composer, faire quelque ouvrage d' esprit: composer un livre, des vers, un panégyrique. _ En ce sens, il se dit neutralement et sans régime. Il compôse bien ou mal; avec soin ou avec négligence; ou avec la prép. en, lorsqu' on parle des Écoliers; composer en prôse, en vers, en grec, etc. Composer pour les prix. = 3°. En Musique, faire un air, un chant, soit qu' on ne fasse que le sujet, soit qu' on fasse le sujet avec les parties: composer un air, un menuet, un récit, une ariette. Composer un choeur. = 4°. En termes d' Imprimerie, assembler les caractères, pour en former des mots, des lignes et des pages. Composer une page, une ligne, etc. une feuille, etc. = 5°. Se composer, ou composer sa mine, son geste, sa contenance, son visage, ses actions, etc. acomoder son visage, ses manières, etc. à l' état où on veut paraître. "Il faut savoir se composer, suivant les ocasions: "Elle sait se composer, quand elle veut. Cela s' entend toujours d' un air grâve et modeste, et marque souvent un extérieur diférent de ce qu' on pense. _ On l' emploie aussi activement, en ce sens, avec le datif (la prép. à) pour 2d régime. "L' Amiral assembla ses gens, et composant son visage à la joie, il les assura que par des moyens qu' il venoit d' imaginer, il ne désespéroit pas de sauver le vaisseau. Hist. des Voy.
   6°. Composer, neutre. S' acorder sur quelque diférend, en traiter à l' amiable. Il régit avec pour les persones, et de pour les chôses: "Composer avec ses créanciers. Composer d' une somme qui est dûe, de ses intérêts, de ses droits, etc. Il s' emploie aussi sans régime; sur-tout à l' impératif. Vous me devez tant, composons! composons ensemble, à l' amiable. _ Il est beau au figuré. "Que gagne-t-on à composer avec sa conscience? "Charles essaya de composer avec ses remords. _ Composer signifie aussi capituler. "Le Gouverneur se pressa trop de composer. En ce sens, on ne le dit guère plus; on dit capituler.

COMPOSITEUR


COMPOSITEUR, COMPOSTEUR, s. m. COMPOSITION, s. f. [Konpoziteur, kopos--teur, konpozi-cion, en vers, ci-on; 1re lon. dern. dout. au sing. aux deux premiers.] Suivant Ménage, cité par la Touche, Compositeur et composteur signifient tous deux celui qui, dans une Imprimerie, assemble les lettres sur la forme pour en composer des épreuves: le 1er, ajoute-t-il, est le plus usité. La Remarque est fausse; et il est étonant que les Imprimeurs n' aient pas redressé là-dessus ces deux Gramairiens. _ Ces deux mots sont également usités; mais pour signifier diférentes chôses. Le compositeur est celui qui ârrange les lettres; et le composteur, la règle de fer sur laquelle il les ârrange, pour former une ligne.
   COMPOSITEUR a deux aûtres significations: 1°. Celui qui compose en musique. "Un bon, savant, habile Compositeur. = 2°. Amiable compositeur: Celui qui termine un diférend entre deux particuliers, suivant les lois de l' équité, sans observer les règles rigoureûses de la Justice. Voyez ARBITRATEUR.
   II. COMPOSITION, se dit 1°. de l' action de composer quelque chôse; la composition d' une machine, d' un ouvrage. = 2°. De l' ouvrage qui en résulte: "La composition du corps humain est merveilleûse. = 3°. Du mélange et de l' incorporation de certaines drogues: la composition d' un remède: "Ce parfum est d' une composition excellente. = 4°. De l' action de composer un ouvrage: "Il nous a montré une pièce de sa composition. 5°. Le thème que fait un Écolier sur le sujet qui lui est doné par son Régent. = 6°. Il se dit absolument, en termes de Musique, de l' art d' unir les diférentes parties suivant les règles: Entendre, aprendre, savoir la composition: il excelle dans la composition. = 7°. Acomodement, dans lequel une des parties, ou toutes les deux se relâchent d' une partie de leurs prétentions. "Venir à composition, à une amiable composition. Entrer en composition. = 8°. Conventions que fait une Place qui se rend. "Composition honorable, avantageûse. Recevoir à composition. Cette Place s' est rendûe par composition. En ce sens, le substantif est plus usité que le verbe. Voyez COMPOSER, à la fin.
   9°. Être de bone, de facile composition; facile à gagner, à réduire: "Si l' on en croit l' anonyme, le Prélat est de bone composition. Bossuet. "C' est une fille de bone, de facile composition. Dans cette dernière phrâse, cette locution se prend en très-mauvaise part. Dans les aûtres, c' est le sujet et le contexte qui en détermine le sens. L' Acad. dit aussi, homme de composition, pour homme d' acomodement. = De bone composition, se dit ordinairement des persones; mais, figurément, il peut se dire des chôses qui ont trait aux persones. "L' orgueil des hommes est, dans le fond, d' assez bonne composition sur certains préjugés: il semble que lui-même il en sente le frivole. Mariv. "Je troûve déjà qu' il faut que votre mal soit de bonne composition, pour soufrir tous vos voyages de Versailles. Sév.
   10°. Faire bone composition se dit au propre, d' un Général qui acorde des articles honorables à une garnison qui capitule; et plus souvent, au figuré, des avantages qu' on acorde dans d' aûtres ocasions. "De ces sortes de louanges, (outrées) on en rabat quelque chôse, pour les réduire à une mesure un peu raisonable; mais, à la vérité, on n' en rabat guère, et on se fait à soi-même bone composition. Fonten. _ Dans le Rich. Port. on le dit d' un Marchand qui done sa marchandise à un prix honête.
   11°. Entrer en composition avec, se dit au figuré: "Ceux de Zurich n' entrèrent avec Bucer dans aucune composition. Boss.

COMPOTE


COMPOTE, s. f. [Konpote: 3e e muet.] Confiture qu' on fait avec du fruit et un peu de sucre, et qui est moins cuite que les confitûres qui se font pour être gardées. "Compote de poire, de pommes, d' abricot, de cerises, etc. _ C' est aussi une certaine manière d' acomoder des pigeoneaux. Compote de pigeons; des pigeoneaux en compote. = On dit proverbialement (l' Acad. ajoute, et bassement) avoir les yeux, la tête à la compote, ou en compote: le 2d me paraît le plus usité: avoir la tête, les yeux tout meurtris. _ Viande en compote, trop bouillie.

COMPRÉHENSIBLE


COMPRÉHENSIBLE, adj. COMPRÉHENSION, s. f. COMPRENDRE, v. a. [Konpré--ansible, an-cion, andre; 2e é fer. 3e lon. en a le son d' an.] Compréhensible, qui peut être compris, conçu, entendu. Compréhension, faculté de comprendre, de concevoir. Comprendre, concevoir. "Cela n' est pas compréhensible: "Il a la compréhension aisée: il est de dûre compréhension. "La compréhension des Mistères. _ "Je comprends ce que vous voulez dire: cela est dificile à comprendre, etc.
   I. Rem. Compréhensible est moins usité que son composé, et son oposé incompréhensible. Il s' emploie presque toujours avec la négative: Raisonement qui n' est pas compréhensible: ou dans le sens interrogatif: cela est-il compréhensible? _ Avec le v. être impersonel, il régit combien avec l' indicatif, ou que avec le subjonctif: il n' est pas compréhensible combien il a mangé, ou qu' il ait mangé tant de bien en si peu de temps.
   II. COMPRENDRE régit aussi la conjonct. que avec l' indicatif, quand le sens est afirmatif; et avec le subjonctif, quand le sens est négatif ou interrogatif. Je comprends que vous devez en être fâché: je ne comprends pas que vous ayiez pu vous en ofenser: comprenez-vous que cela puisse avoir lieu? _ Mde de Sévigné emploie le subjonctif, quoique la phrâse soit afirmative: "Je comprends que le coadjuteur ait montré à Mde de Fontevraud cette Lettre qu' il a reçue de vous. Sév. Comment, avec l' indicatif, aurait été mieux: comment il a montré, etc. L' Ab. Nollet met aussi le subjonctif, quoique le sens soit afirmatif. "Nous n' aurons pas de peine à comprendre qu' il (le fluide électrique) jouisse en nous d' une parfaite continuité. _ Malgré les particules négatives, la phrâse est afirmative; car, nous n' aurons pas de peine à comprendre, signifie la même chôse que, nous comprendrons aisément. Il fallait donc, qu' il jouit, et non pas, qu' il jouisse. _ Mallebranche, dans une phrâse négative, met l' indicatif au 1er membre, et le subjonctif au 2d. "La raison humaine ne nous fait point comprendre qu' il y a un Dieu en trois persones, que le Corps de J. C. soit réellement dans l' Eucharistie. Il faut dire, qu' il y ait, etc.
   III. Se comprendre, apliqué aux persones, est un vrai réciproque actif, au lieu qu' appliqué aux chôses, il est un réciproque passif. cela ne peut se comprendre, veut dire, cela ne peut être compris: au lieu qu' un homme qui se comprend, est un homme qui comprend lui-même ce qu' il dit, quoique souvent les aûtres ne le comprènent pas. "Elle me quitta, persuadée que nous comencions enfin à nous entendre, quoiqu' au fond, il n' y eût qu' elle qui se comprît. "Comment comprendriez-vous cet homme? Il ne se comprend pas lui-même? On dit, activement, d' un homme qui a une conduite extraordinaire et bizârre, ou qui surprend, qu' on ne le comprend pas.
   IV. Comprendre, signifie aussi: 1°. Contenir, renfermer en soi: "La France comprend plusieurs Provinces. = 2°. Faire mention. "On ne l' a point compris dans la liste. "Il a tant de revenu, sans y comprendre tout ce qu' il tire de ses charges.
   V. COMPRIS, adv. On y joint ordinairement le pronom y, ou la négative non. "Le Comte de Flandre, dont les États s' étendoient depuis et y compris la forêt des Ardennes, jusqu' à la mer. Moreau. "Il a dix mille livres de rente, non compris la maison où il loge. _ Quelques-uns retranchent mal-à-propos le pron. y: Il y en a actuellement 700, compris deux compagnies d' Artillerie. Journ. de Gen.
   Rem. que compris est indéclinable, et qu' on dit y compris deux compagnies, etc. et non pas, y comprises.

COMPRESSE


COMPRESSE, s. f. [Konprèce; 2e è moy. 3e e muet.] Linge en plusieurs doubles, que les Chirurgiens mettent sur l' ouvertûre de la veine, ou sur quelque partie blessée ou malade.

COMPRESSIBILITÉ


COMPRESSIBILITÉ, s. f. COMPRESSIBLE, adj. [Konprècibilité, Konprècible: 2e è moy.] Compressibilité, est la qualité d' un corps qui est compressible: c. à. d. qui peut être comprimé. _ Ce sont des termes de Physique, qui n' entrent pas dans le discours ordinaire.

COMPRESSION


COMPRESSION, s. f. COMPRIMER, v. a. [Konprè-cion, en vers, ci-on; konpri--mé.] Compression, est l' action de comprimer, ou l' éfet de cette action. Comprimer, c' est presser avec violence, resserrer. "Compression de l' air: on comprime l' air dans un fusil à vent.

COMPROMETTRE


COMPROMETTRE, v. a. [Konpro--mètre: 1re lon. 3e è moy. 4e e muet.] 1°. Comettre quelqu' un, l' exposer à recevoir quelque chagrin, quelque dégoût, etc. Je ne vous compromettrai pas. Voyez COMMETTRE, n°. 4°. _ On dit, dans le même sens, compromettre sa dignité, son autorité, son honeur, etc. = 2°. Neutre: consentir réciproquement par acte, à s' en raporter au jugement d' un ou de plusieurs arbitres des procès qu' on a ensemble. "Ils ont compromis de toutes leurs afaires, sur tous les chefs du procès, entre les mains d' un tel, etc. _ M. Targe, suposant ce verbe actif en ce sens, l' a employé au passif. "La dispute entre l' Empereur et l' Électeur de Saxe fut compromise. _ On dit, fut mise en compromis.

COMPROMIS


COMPROMIS, s. m. [Konpromi: 1re lon.] Acte, par lequel deux persones promettent de s' en raporter de leurs diférends au jugement d' un, ou de plusieurs arbitres. Faire; passer; dresser; signer un compromis. Mettre une afaire en compromis. = En parlant des persones, mettre quelqu' un en compromis, le compromettre, le commettre. Mettre la dignité, l' autorité de quelqu' un en compromis, a le même sens. Voyez COMPROMETTRE, n° 1°. et COMMETTRE, n°. 4°.

COMPROMISSION


COMPROMISSION, s. f. Mot forgé peu heureusement. Action de se compromettre. "Jaloux d' éviter toute espèce de compromission. Anon. Ce mot n' a pas l' air de faire fortune.

COMPTABLE


COMPTABLE, adj. COMPTANT, adj. adv. et subst. [Kontable, Kontan; 1re lon. 2e dout. au 1er, lon. au 2d.] I. Comptable, se dit de celui qui est assujéti à rendre compte: Officier comptable. L' Ac. le dit aussi des Charges: Charge comptable. _ Il est aussi subst. Les Comptables sont sujets à être recherchés. _ On ne le dit guère au singulier.
   Comptable est beau au figuré, où il régit le datif (la prép. à) de la persone, et l' ablatif (la prép. de) de la chôse.
   Pour jouir d' une paix chérie
   Les cieux ne nous l' ont point prêté:
   Il est comptable à la Patrie
   Des dons qu' il tient de leur bonté.        Rousseau.
  N' avez-vous pas un absolu pouvoir
  Seigneur? - - - Oui, mais j' en suis comptable à tout le monde.       Corn.
  II. Comptant adj. ne se dit qu' avec argent: Il est riche en argent comptant. Payer argent comptant. _ Adv. Payer comptant, vendre comptant. _ S. m. Il a du comptant: Voila tout mon comptant. = On dit, proverbialement, Payer comptant, rendre sur le champ les bons ou les mauvais ofices qu' on a reçus.

COMPTE


COMPTE, s. m. [Konte; 1re lon. 2e e muet.] 1°. Calcul, nombre: Le Compte de l' argent, du linge, de la vaisselle. Je ne trouve pas mon compte, ou le compte. = 2°. Papier où l' on fait le calcul de ce qu' on a reçu, ou doné. Aportez-moi le compte. Passer quelque chôse en compte. Doner tant à compte de.... Clôrre, souder un compte. Apostiller un compte, etc. = 3°. Rendre compte. Rendre raison d' une afaire, dont on a été chargé. "Je vous rendrai compte de cette afaire. Rendre compte de sa conduite, de son administration. "Nous rendrons compte à Dieu de toutes nos actions.
   Rem. 1°. D' Olivet critique avec raison ces vers de Racine:
   De mille aûtres secrets j' aurois compte à vous rendre.
Cette construction en éfet est dûre et contre la Gramaire. Lorsque les verbes régissent des noms sans article, et ne font qu' une même expression avec eux, on ne peut transporter leur régime. On ne dit point: Je ne puis grâce faire, honte avoir, etc. _ Racine le fils, en convenant que l' inversion est hardie, troûve qu' elle n' est pas condamnable, parce qu' elle ne caûse aucune obscurité. Cette raison toute seule ne sufit pas pour la justifier. Blanc bonnet et satisfaction grande, ne sont pas des expressions fort obscures. Elles n' en pèchent pas moins contre les règles de la construction.
   II. Faire compte, régit la prép. sur: il se dit sans article et sans acompagnement: quel que soit le nominatif (le sujet) de la phrâse, on dit toujours faire compte, tout seul et absolument, sans le modifier par les pronoms possessifs mon, ton, son, leur: "Je crois pouvoir trouver à redire à cette phrâse de l' Hist. d' Angl. d' Hume: "Le Roi devoit faire son compte sur un refus de toute espèce de subside. _ On ne dit pas, je fais mon compte sur vous, pour dire, je compte sur vous; ni, vous devez faire votre compte sur moi, pour dire, vous devez compter sur moi. On dit absolument, je compte, ou, je fais compte sur vous: vous devez compter, ou faire compte sur moi. L' Acad. met: ne faites pas votre compte sur les promesses de cet homme-là. Je crois que, ne faites pas compte, est plus français. Il n' en est pas de même, quand faire compte régit les verbes, ou à l' indicatif, précédé de la conjonction que, ou à l' infinitif, précédé de la prép. de: il se combine alors avec les pronoms possessifs; encôre ne se dit-il de la sorte qu' à l' impératif ou à l' infinitif: "Faites votre compte que, si vous ne m' aimiez pas tous deux, en vérité vous seriez des ingrats. Sév. "Faites votre compte que dès demain tout sera détalé dès sept heûres du matin. Mariv.
   Non, je ne puis, aux démons odieux
   Ofrir l' encens, que je ne dois qu' aux Dieux.
   Vous ne pouvez! Faites donc votre compte,
   De devenir bientôt pour votre honte
   L' unique objet de toutes leurs noirceurs.
       Rouss.
  Neptune peut bien faire compte
  De nous laisser avecque vous.
      Malherbe.
Ménage traite cette expression de prosaïque. Elle est, en éfet, du st. fam. et n' est bone que pour des demi-marotiques, tels que ceux de Rousseau, que nous venons de citer. "Que celui, qui aspire à la gloire de cette profession, fasse compte qu' il y a bien plus à perdre qu' à gagner d' écrire en vers dans un siècle aussi dégoûté que le nôtre P. Rapin.
   Faire compte de... Estimer, avoir quelque considération. "Il en fait peu de compte.
   III. Faire le compte de... Une pareille réponse ne faisoit pas le compte des Sectaires. Berault, Hist. de l' Égl. L' expression n' est pas trop noble. "Cela ne fait pas mon compte, je n' ai pas lieu d' être content, je m' atendois à toute aûtre chôse. Il se dit ordinairement avec la négative.
   IV. N' en tenir compte, se dit communément avec la seule négative ne. "Je vous l' ai représenté plusieurs fois, vous n' en avez tenu compte, ou aucun compte. "Cela n' a rien qui frape, et l' histoire n' en tient presque pas de compte. Dans cette phrâse, pas est nécessaire à caûse de presque, mais le de est inutile   . Il aurait été mieux de dire: l' Histoire n' en tient presque pas compte. = Tenir compte, employé sans négative, régit l' ablat. de la chôse (la prép. de), et le datif de la persone (la prép. à). "Je vous tiendrai compte de ce que vous ferez pour lui; trouver son compte, le datif des noms, et la prép. à devant les verbes: Il trouve son compte à ce marché à traiter avec moi, à me doner la préférence. _ On dit, dans le même sens, avoir son compte, mais sans régime; "Quand on n' a pas son compte dans un monde, on le troûve dans un aûtre. Volt. Mais, avoir son compte, au figuré, est moins usité que trouver son compte. Il est plus en usage pour le sens propre: avez-vous votre compte? Je n' ai pas mon compte.
   V. Faire bon compte de.... se dit au propre; c' est, en d' aûtres termes, faire bon marché. "Elle raporte cette robe de chambre. Tenez, me dit-elle, elle est belle et bonne: gardez-la, je vous en ferai bon compte. Mariv. = Être de bon compte, au contraire, se dit au figuré; c' est être facile, acomodant. "Vous voyez qu' une réparation ne me coûte pas, et que je suis de bon compte. Anon. = Être loin de son compte: "Luther, qui se glorifia d' avoir lui seul mieux défendu le sens littéral, que tous les Théologiens Catholiques, étoit bien loin de son compte, puisqu' il n' avoit pas même compris le vrai fondement, qui nous atache à ce sens. Boss. = Quand on parle de plusieurs, on dit loin de compte, sans y joindre de pronom. "Nous sommes loin de compte vous et moi: ils sont bien loin de compte, ils ne s' acorderont pas.
   VI. On dit aussi, figurément, je le prends pour mon compte: Mettez-le sur mon compte; je le tiendrai fait à moi-même; faites-le pour moi. Mde. de Coulanges écrit à Mde de Grignan: "Votre fils s' en porte à merveilles, et j' en ai une joie qui n' est pas tout-à-fait sur votre compte: c. à. d. ce n' est pas seulement pour vous, c' est un peu à caûse de lui. = En avoir pour son compte; être atrapé, trompé. = On ne sait pas à quoi s' en tenir sur son compte; c. à. d., sur ce qui le regarde.
   VII. On dit, au propre, Mettre en ligne de compte, Faire mention de... dans un compte. = Recevoir à compte, comme une partie de ce qui est dû. "J' ai reçu six cens francs à compte de ce qu' un tel me doit. Il s' emploie aussi substantivement: il n' a reçu qu' un à compte. = De compte fait: "Pour obtenir l' honneur du triomphe, il falait prouver qu' on avoit tué huit ou dix mille hommes de compte fait. Rollin. L' expression n' est pas digne du style de l' Histoire.
   À~ votre compte; suivant votre opinion.
   "À~ votre compte, ce serait donc moi, qui vous en devrois de reste. On dit de même, à son compte, à leur compte, au compte des adversaires, de la partie adverse, etc.
   Au bout du compte; après tout, au pis aller: au bout du compte, quand cela seroit, qu' en résulteroit-il? aucun inconvénient.
   À~ bon compte: malgré cela et pour plus grande sureté. "Ne faut-il pas que la Providence de Dieu aie son cours?...... Voilà qui est fort chrétien; mais prenons-toujours, à bon compte, de la poûdre de M. Delorme. Sév. Mangez, buvez toujours à bon compte, arrivera ce qu' il pourra.
   En fin de compte; dans la suite: "En fin de compte, vous vous troûverez pauvre, infirme et méprisé de tout le monde.
   VIII. On dit, proverbialement, à tout bon compte revenir, on est toujours reçu à compter, à calculer de nouveau. _ Les bons comptes font les bons amis. Soyons toujours exacts, pour n' avoir pas de discussion dans la suite. "Les bons comptes font les bons amis; j' ai reçu toutes vos lettres, mon cher voisin, celle du 20 Mai, celle du 4 Juin, etc. Sév.

COMPTER


COMPTER, v. a. et n. [Konté; 1re lon. 2e é fer. _ Malherbe écrit toujours, en ce sens, conte, conter; Rapin met tantôt comter, et tantôt conter; Richelet, compte, ou comte, compter, ou comter. Toutes ces manières d' écrire sont vicieûses, et parce qu' elles sont contre l' usage, et parce qu' elles confondent ces mots avec d' aûtres, qui ont des significations bien diférentes. Voyez Comte, Conte, Compte, au mot CONTE.] 1°. Nombrer, Calculer. Compter de l' argent; compter les heures, les voix, les suffrages, etc. = 2°. Avoir au nombre de.... Compter parmi ses ancêtres des Maréchaux de France. = 3°. Neutre, venir à compte. Il faut compter: J' ai compté avec lui, je ne lui dois plus rien. "Ce n' est pas le tout que de compter: il faut payer. "Il ne veut ni compter, ni payer. = 4°. Compter sur quelqu' un, faire fond sur lui, comme sur un homme dont on est assuré. "Il a tort de compter sur moi; je compte sur vous. _ On dit, dans le même sens, compter sur ses forces, sur sa jeunesse, sur ses grands biens, sur son crédit, sur son savoir. = 5°. Compter, croire, se proposer; il régit l' infinitif sans prép., ou avec de, ou que avec l' indicatif, ou le subjonctif; le 1er, quand le sens est afirmatif, le 2e quand il est négatif ou interrogatif. Il Compte partir, ou de partir: Je compte que vous le ferez: Je ne compte pas, ou puis-je compter que vous le fassiez? "Il compte de partir demain. Sév. "Plan auquel Charlemagne comptoit dans la suite doner la dernière main. = 6°. Réputer, regarder comme. "Il faut le compter pour mort. Acad. "Le fils qui lui restoit se comptoit déja pour Roi. Rollin.
   Rem. 1°. Compter pour rien, s' emploie sans négative. "Tout espace fini comparé à l' éternité, qui n' a point de fin, non-seulement doit être compté pour peu de chôse: mais pour rien du tout. "Il compte pour rien tous les services qu' on lui rend. Acad. Tout ce que je n' ai pas, je le compte pour rien.
   On ne doit pourtant pas condamner, ne compter pour rien: il se trouve dans quelques bons livres. Bouh. "La vertu ne compte les hommes pour rien; parce que Dieu seul, qui la voit, doit être son Juge. Mass. "Innocent II. ne compta pour rien les procédûres faites par ordre du Roi. Moreau. _ Corneille dit, compter à rien, et lui fait régir le datif de la persone.
   Je ne vous compte à rien le nom de mon Époux.
       Polieucte.
On ne le dirait pas aujourd'hui. _ Boileau dit, ne compter rien: il n' est pas non plus à imiter.
   Moi qui ne compte rien ni le vin, ni la chère,
   Si l' on n' est plus au large, assis en un festin,
   Qu' aux Sermons de Cassagne, ou de l' Abbé Cotin.
   Boileau, dit Brossette, aurait pu mettre, moi qui compte pour rien: mais il a cru l' aûtre manière plus conforme à l' usage. Il est fort douteux que ce fût alors l' usage: mais ce qui n' est pas douteux, c' est que ne compter rien, serait aujourd'hui un barbarisme. _ Au reste, Brossette remarque fort bien, qu' aprês ne compter pour rien, il faut mettre ni.
   Je ne compte pour rien, ni le vin, ni la chère.
Et après compter pour rien, la conjonction et:
   Moi, qui compte pour rien, et le vin, et la chère.
   On dit aussi, compter pour quelque chôse, compter pour beaucoup.
   Quoi! lorsque vous voyez périr votre Patrie,
   Pour quelque chôse, Esther, comptez-vous votre vie?
       Racine.
"Je compte pour beaucoup le plaisir de prévoir, d' espérer, de craindre même, et d' avoir un avenir devant soi. Fonten.
   2°. En matière de reddition de compte, le verbe compter régit l' ablat. de la chôse, et le dat. de la persone. "Il comptoit du reste au Souverain, lorsqu' il n' en avoit pas obtenu un abonement. Moreau. _ On met aussi, pour la persone, la prép. avec: "Vous prendrez ce qui vous sera nécessaire, et vous compterez avec mon Intendant de ce qu' il y aura de surplus.
   3°. Se compter régit les participes; se regarder comme. "Ils virent la conspiration générale, et se comptèrent perdus. Voyez D' ANSON.
   On dit proverbialement, compter sans l' hôte, sur des évènemens incertains. _ Qui compte sans l' hôte, compte deux fois: "Quand on compte sans la Providence, il faut très-souvent compter deux fois.
   L' Acad. dit, qui compte sans son hôte, etc. mais il me semble que mon hôte, votre hôte, son hôte, ne signifie pas un aubergiste, mais un ami qui nous reçoit, etc.; et ainsi, des deux manières dont le proverbe est cité dans les Dictionaires et les Auteurs, je préfère la première.
   Il comptoit, l' insensé, dans ce nouvel état,
   Jouir d' un destin plus prospère;
   Mais il comptoit sans un vieux Chat,
   Qui... le croque en guise d' un rat.
       L' Ab. Reyre.
_ Compter ses pas, au propre, marcher lentement; au figuré, agir avec circonspection. On compte ses pâs, on l' observe de fort près. _ Compter les heûres, les momens, atendre avec impatience. _ Compter les morceaux à quelqu' un, s' impatienter de ce qu' il mange long-temps, ou, lui reprocher la nourritûre qu' on lui done. _ Tout compté, tout rabatu, tout bien considéré, avantages et inconvéniens balancés et compensés.

COMPTEUR


*COMPTEUR, s. m. Qui compte de l' argent: "Un caissier doit être habile compteur. Ce mot est peu en usage. Rich. L' Acad. ne le met pas.

COMPTOIR


COMPTOIR, s. m. [Kon-toar; 1re lon. 2e dout.] 1°. Table où il y a ordinairement un tiroir fermant à clef, et dont les marchands se servent pour compter l' argent qu' ils reçoivent, ou pour le serrer. Il sert aussi à étaler les marchandises. = 2°. Chambre où travaillent les Commis d' un Négociant. = 3°. Bureau général d' une Factorerie de Marchands, en Afrique, ou dans les Indes: Les Hollandais ont plusieurs Comptoirs dans les Indes.

COMPULSATION


*COMPULSATION, s. f. Mot forgé d' après compulser, terme de Pratique. "Il seroit nécessaire de fouiller dans toutes les sources de l' Antiquité... Ce travail de compulsation seroit aussi long que fastidieux. Anon. L' Acad. n' a eu garde de mettre ce mot.

COMPULSER


COMPULSER, v. a. COMPULSOIRE, s. m. [Konpulcé, pul-soâ-re; 3e. é fer. au 1er, longue au 2d.] Termes de Pratique. Compulser, c' est prendre communication des registres d' un Oficier public, en vertu d' une ordonance du Juge, qu' on apèle compulsoire. _ Le Rich. Port. met compulsoir: celui-ci ne vaut rien.

COMPURGATEUR


*COMPURGATEUR, s. m. Mot employé dans les anciènes Coutumes. "De là vint la ridicule pratique d' obliger les acusés à fournir leurs Compurgateurs, qui convenoient ne rien savoir du fait, et n' en atestoient pas moins avec serment, que la persone dont ils étoient caution, disoit la vérité. Hist. d' Angl.

COMPUT


COMPUT, s. m. COMPUSTISTE, s. m. [On pron. le t final dans le 1er.] Suputation des temps qui servent à régler le Calendrier Éclésiastique. _ Celui qui travaille au comput, à la composition du Calendrier. = Ces deux mots ne se disent qu' entre les Savans.

COMPUTATEUR


*COMPUTATEUR, s. m. Mot employé par un Auteur moderne, au lieu de calculateur.

COMTAL


COMTAL, ALE, adj. COMTAT, s. m. [Kontal, tale, Konta; 1re lon. Le t final ne se pron. point dans le 3e.] Comtal, se dit par raport à un Comte: courone Comtale. _ Comtat, ne se dit que du Comtat Venaissin, démembrement de la Provence, et qui apartient au Pape. Il tire son nom de Venasque, bourg de cette petite Province: mais c' est Carpentras, qui en est la Capitale. Avignon forme un Comté à part. _ On ne dit Comtat que du Comtat Venaissin; par-tout ailleurs on dit Comté. _ L' Acad. ne met ni Comtal, ni Comtat.

COMTE


COMTE, s. m. COMTÉ, s. m. et f. [Konte, Konté; 1re lon. 2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Le Comte, est celui qui est revêtu d' une dignité au-dessus du Baron. _ Comté, est le nom d' une terre dont est Seigneur celui qui a droit de porter le titre de Comte. = Comté, est masculin, excepté quand on parle de la Franche-Comté, Province de France. Pour Comté-Pairie, les uns le font fém. l' Acad. et d' autres, le font masculin. Il semble qu' à cause du genre de Pairie, qui lui est associé, le fém. est plus convenable: une Comté-Pairie.

COMTESSE


COMTESSE, s. f. [Kontèce; 1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Femme d' un Comte, ou Dame qui possède de son chef un Comté.

CONCATÉNATION


CONCATÉNATION, s. f. Latinisme employé par Mallebranche. Enchaînement. "La concaténation des caûses secondes est un éfet de la Providence de Dieu.

CONCâSSER


CONCâSSER, v. a. [Konkâcé; 2e lon. sur-tout devant l' e muet.] Briser, réduire en petites parties, avec le marteau ou le pilon, une matière dure. Concâsser du poivre, de la canelle, du sucre, etc.

CONCâVE


CONCâVE, adj. CONCAVITÉ, s. f. [1re lon. 2e lon. au 1er, br. au 2d; dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Concâve, est ce qui est creux et rond par le dedans: il est oposé à convexe, qui est rond et relevé en bôsse par le dehors. Miroir concâve, verre de lunettes concâve. _ S. m. Le concâve d' un globe. = Concavité, est le creux, la cavité, le concâve d' un corps. "La concavité d' un globe; les concavités du cerveau, du crâne, de la terre, d' une montagne, d' un rocher.

CONCÉDER


CONCÉDER, v. a. [1re lon. 2e et 3e é fer.] Aûtrefois on l' employait indiféremment, dans le sens d' acorder. Bossuet s' en est souvent servi, et on le dit journellement au Palais. = Aujourd'hui on ne l' emploie qu' en parlant des grâces, droits, privilèges, qu' un Souverain acorde à ses sujets. "Le Roi a concédé de grands privilèges à cette Ville. "Il les envoya sur l' heûre même prendre possession des terreins concédés. Charlev. _ Terreins concédés, est un terme consacré: on les apèle aussi des concessions.

CONCENTRATION


CONCENTRATION, s. f. CONCENTRER, v. a. [Konsantra-cion, konsantré; 1re et 2e lon.; en a le son d' an.] Concentrer, c' est réunir au centre. Concentration, est l' action de concentrer, ou l' éfet de cette action. "Le grand froid concentre la chaleur naturelle: "Les rayons du soleil se concentrent dans le foyer d' un miroir ardent.
   Rem. Le substantif ne se dit qu' au propre en Physique: le verbe se dit aussi au figuré, comme réciproque et comme passif. On dit, d' un homme triste et mélancolique ou méditatif, qu' il se concentre, ou qu' il est concentré en lui-même. _ On emploie aussi en ce sens le participe, pris adjectivement. Le grand Rousseau, parlant de ses malheurs, s' écrie.
   Triste loyer, châtiment lamentable,
   D' un amour-propre, il est vrai, plus traitable,
   Et de vapeurs, moins qu' un autre enivré,
   Mais dans lui même encor trop concentré.

CONCENTRIQUE


CONCENTRIQUE, adj. [Konsantrike; 1re et 2e lon. dern. e muet.] Terme de Géométrie. Il se dit presque toujours au pluriel, de divers cercles qui ont un même centre, comme excentrique, de ceux qui, s' enjambant les uns dans les aûtres, ont un centre diférent. "Ces deux cercles sont concentriques.

CONCEPT


CONCEPT, s. m. [Konsèp; 1re lon. 2e è moy.: le t ne se pron. pas.] Vieux mot scolastique, en usage encôre parmi quelques Savans. L' Acad. se contente de dire que c' est un terme didactique. _ Idée, simple vûe de l' esprit. "La Philosophie devint pointilleûse sous les Arabes, par ces précisions et ces concepts abstraits qu' elle introduisit dans l' École. P. Rapin.
   Crains, d' un brillant concept cherchant l' éclat trompeur,
   De doner pour lumière, une fausse lueur.
       L' Art de Prêcher.

CONCEPTION


CONCEPTION, s. f. [Koncèp-cion, en vers, ci-on; 1re lon. 2e è moy.] Action par laquelle un enfant est conçu dans le sein de sa mère. Ce mot a un sens passif: il se dit de l' enfant qui est conçu, et non pas de la mère qui le conçoit. La Conception de la S. V., ne se dit pas du moment où elle conçut le Verbe dans son sein, mais de celui où elle fut conçue dans le sein de Ste Anne sa mère. = Conception, n' est pas un terme propre, quand on parle du Verbe fait chair: il faut dire, Incarnation.
   2°. CONCEPTION, se dit figurément, des pensées de l' esprit humain. Râre, riche, plaisante conception. "Ils ont, ou des passions, ou des besoins qui les rendent froids sur les conceptions d' autrui. La Bruy. "Il cherche quelques femmes, auprès de qui il puisse se parer de son bel esprit, et mettre en oeuvre ses râres conceptions. Id. Dans le genre sérieux, ce mot est vieux: il n' est plus bon que pour le style badin ou critique. = 3°. La faculté de concevoir. "Conception vive, facile ou lente, dûre: Cet enfant n' a pas de conception. = On a dit burlesquement d' un Prédicateur, qu' il n' avait ni Jugement, ni Conception; ou, que son Jugement était mauvais, et sa Conception ridicule: jouant le mot sur l' équivoque de ces mots, relativement aux Sermons sur ces deux sujets.

CONCERNANT


CONCERNANT, prép. CONCERNER, v. a. [1re lon. 2e è moy. 3e lon. au 1er, é fer. au 2d.] Concernant, sur, touchant, au sujet de... Concernant, est indéclinable. On dit, un arrêt, une sentence, des avis concernant tel objet, et non pas, concernante, ou concernans. = Concernant, a toujours raport à un substantif qui précède. Touchant, se met après un verbe ou un substantif; l' Édit concernant les grains: il m' a parlé touchant cette afaire: nous avons eu une conversation touchant ce projet, etc.
   CONCERNER, REGARDER, TOUCHER. (synon.) On dit assez indiféremment, qu' une chôse nous regarde, nous concerne, nous touche, pour marquer la part que nous y avons. Il y a pourtant, entre ces trois expressions, une diférence délicate, qui vient, 1°. d' un ordre de gradation; la 1re enchérissant sur la 2de, et celle-ci sur la 3e. = 2°. Regarder, se dit plus comunément des chôses sur lesquelles on a des prétentions ou des démêlés d' intérêt; concerner, des chôses commises à nos soins; toucher, des afaires de coeur, d' honeur et de fortune. "Beaucoup de gens s' inquiètent mal-à-propos de ce qui ne les regarde pas, se mêlent de ce qui ne les concerne pas, et négligent ce qui les touche de près. GIR. synon.
   Rem. Concerner, ne peut pas s' employer passivement. On ne dit pas, les chôses dont nous sommes concernés; on doit dire, qui nous concernent.

CONCERT


CONCERT, s. m. [1re lon. 2e ê ouv. Le t final ne se pron. pas.] Harmonie composée de plusieurs voix, ou de plusieurs instrumens, ou de tous les deux ensemble. Acad. Il ne se dit guère des voix seules. Faire un concert, doner un concert. = 2°. Dans les Villes où il y a un concert public, ce mot se dit, et du lieu où se done le concert, et des Musiciens qui le composent. "Allons au concert: {A516a~} c' est le concert qui exécutera ce Motet dans cette Église. On dit, au figuré, un concert de louanges; et poétiquement, le concert des oiseaux. = 3°. Concert, signifie figurément, intelligence, union de persones qui tendent à une même fin: concert d' opinions. Sans le concert des Ministres et des Généraux, la guerre ne peut avoir d' heureux succès.
   DE CONCERT, adv. D' intelligence. Agir de concert. _ Être de concert, est plus de la Poésie, et être d' acord, de la prôse.
   Arsame est de concert avec mes énemis.        Créb.
Rem. On dit, agir de concert, et non pas, avec concert.
   Et, de concert, ces deux Monstres agiles,
   Vont, de leurs cris, épouvanter les Villes.
       Rousseau.

CONCERTANT


CONCERTANT, ANTE, s. m. et f. CONCERTER, v. a. et n. [1re lon. 2e ê ouv. 3e lon. aux deux 1ers, é fer. au 2d.] Concertant, ante, est celui ou celle qui chante ou joûe sa partie dans un concert. "Nous étions douze Concertans, ou Concertantes. Il est peu usité au fém.; mais il est pourtant des ocasions où l' on peut s' en servir. Dans une simphonie, dans une partition, on apèle parties concertantes, celles qui jouent quelquefois seules, ou qui dominent sur les aûtres, qui ne sont que de remplissage. Il peut y avoir, dans un concert, vingt violons, et deux seulement concertans. MARIN. = CONCERTER, est, 1°. répéter ensemble une pièce de Musique. "C' est un morceau qu' ils ont concerté ensemble. Acad. Il est peu d' usage dans le mode actif. _ On dit neutralement: "Ils concertent ensemble: on concerte souvent chez M... = 2°. Figurément, conférer ensemble pour exécuter un dessein: Concerter une entreprise; se concerter: "Il se sont concertés long-temps, avant que d' entreprendre cette afaire. = * Bossuet dit concerter neutre, en ce sens. "Il y avoit un moyen, qui étoit de concerter, de s' entendre. Le pron. se manque, peut-être par la faûte de l' Imprimeur. _ * M. Targe dit aussi concerter neutre, avec les prép. sur et avec. "Il concerta avec les Députés, sur les opérations de la campagne. Il falait dire: il concerta les opérations avec; ou bien, il se concerta sur les opérations, avec, etc. Le 1er est le meilleur. _ Il dit ailleurs: il partit pour Vienne, afin de concerter les opérations de la campagne: c' est comme il faut dire. {A516b~}

CONCERTO


CONCERTO, s. m. [1re lon. 2e ê ouv. 3e o ouvert et long.] Mot italien, naturalisé en France. On ne l' a d' abord dit qu' au propre; ensuite on s' est hazardé à l' employer au figuré. "L' humeur, l' invective, le sarcasme, vinrent renforcer un concerto de défenseurs, en éfet trop foibles. Sabatier de Castres. _ La métaphôre n' est pas juste; car, concerto se dit d' une pièce de Musique, et non pas de ceux qui la joûent.

CONCESSION


CONCESSION, s. f. CONCESSIONAIRE, s. m. et f. [Koncè-cion, cio-nère; 1re lon. 2e è moy. 4e è moy. et long au 2d.] Concession, est, 1°. le don que le Souverain, ou un Seigneur de terre, fait de quelque privilège, de quelque droit. Ce privilège est une concession d' un tel Roi: il n' en jouit que par la concession du Prince, du Seigneur. = 2°. Il se dit des terres concédées, dans une nouvelle Colonie, à condition de les difricher et de les cultiver. "Il a obtenu une concession dans l' île de Saint Domingue. Voyez CONCÉDER. = Concessionaire, est celui ou celle qui a obtenu une concession.

CONCETTI


CONCETTI, s. m. Mot emprunté de l' Italien. Pensées brillantes et sans justesse. _ Il ne prend point d' s au pluriel. M. de Cubières lui en done une:
   Que par des Concettis, ou de froids jeux de mots.

CONCEVABLE


CONCEVABLE, adj. CONCEVOIR, v. a. [Koncevable, konce-voar; 1re lon. 2e e muet, 3e dout.] Concevable, qui peut être conçu, compris. Il se dit plus souvent avec la négative, ou en interrogeant: cela n' est pas concevable; cela est-il concevable? On peut pourtant dire, en afirmant, cela est très-concevable, plus concevable que ce que vous dites.
   CONCEVOIR, je conçois, nous concevons, ils conçoivent, je concevois; j' ai conçu, je conçus, je concevrai, concevrois, conçois, que je conçoive, concevez; que nous concevions, conçussions; qu' ils conçoivent, conçussent; concevant, conçu.
   CONCEVOIR, est, 1°. en parlant d' un femme, être grôsse d' enfant. Conception, se dit de l' enfant, et concevoir, de la mère. Voy. CONCEPTION. _ On ne le dit activement, qu' en parlant de la Ste Vîerge, qui conçut Notre Seigneur dans ses chastes flancs. _ On l' emploie d' ordinaire neutralement et sans régime. "Dès l' instant qu' une femme a conçu. "Elle est hors d' âge de concevoir. = 2°. Figurément, il se dit des opérations de l' esprit: entendre bien quelque chôse, en avoir une juste idée. Je conçois ce que vous me dites: je ne conçois rien à cela. _ Il est aussi neutre en ce sens. Il conçoit facilement: il a de la peine à concevoir. = 3°. Il se dit aussi des sentimens: concevoir de l' espérance, ou, des espérances, de l' horreur, du dépit, de la haine, de l' aversion. Concevoir des désirs, de l' amour, de l' estime, de l' amitié, du mépris, de la jalousie. = * Aûtrefois on retranchait volontiers l' article, et Corneille a encôre dit:
   Sans aimer Ardaric, j' en conçois jalousie.
   Rem. 1°. Concevoir, a les mêmes régimes que comprendre, comme il a le même sens. Voy. COMPRENDRE. Abadie lui fait régir l' infinitif sans prép. "Il n' y a certainement que la crainte d' être puni de ses crimes après cette vie... qu' on peut concevoir servir à l' obéissance des sujets. Cette construction et ce régime, ont quelque chôse de dur, et de sauvage.
   2°. Concevable et concevoir, peuvent quelquefois se dire des persones, avec la négative. Cette femme n' est pas concevable: on ne peut concevoir cet homme; trouver les principes de leur conduite, deviner leur caractère, leur humeur.

CONCIERGE


CONCIERGE, s. m. et f. CONCIERGERIE, s. f. [Konciér-ge, geri-e; 1re lon. 2e ê ouv. 3e e muet, 4e lon.] Concierge, est celui ou celle qui a la garde d' un château, d' un palais, d' une prison. = Conciergerie, est, 1°. la charge ou commission de Concierge. = 2°. La demeure ou l' apartement d' un Concierge. 3°. Le lieu où les Parlemens tiènent leurs prisoniers.
   Rem. 1°. Suivant La Touche, dans le sens de Geolier, Concierge, se dit de celui de toutes les prisons: mais Conciergerie, dans le sens de prison, ne se dit que de celle qui est dans l' enclôs du Palais de Paris. = L' Acad. le dit des prisons de tous les Parlemens. _ Pour les Justices inférieures, on dit prisons, et pour celui qui les garde, Geolier, plutôt que Concierge.
   2°. Cependant, on peut dire Concierge, de toutes les prisons, mais on ne le dit pas de tous les châteaux, et de tous les palais ou hôtels. On dit plus souvent, pour les derniers, Suisse, ou Portier.

CONCILE


CONCILE, s. m. [Koncile; 1re lon. 2e e muet.] Assemblée de plusieurs Évêques de l' Église Catholique, pour délibérer et décider sur des questions de Doctrine et de Discipline. Concile Provincial, National, Général, Écuménique. Les Sessions, les Canons, les Décrets, les Actes d' un Concile, etc. = Il se prend quelquefois pour les Décrets et les Canons eux-mêmes. Recueil ou Collection des Conciles.

CONCILIABLE


CONCILIABLE, adj. CONCILIABULE, s. m. [Pénult. dout. au 1er. dern. e muet dans tous les deux.] Conciliable est un mot nouveau. Qui peut se concilier. Il régit la prép. avec. "Si l' autorité ne doit pas contraindre les Hommes d' y revenir, (à l' uniformité) elle doit les y ramener par tous les moyens qui sont conciliables avec la liberté légitime des Peuples. L' Ab. Royou. Il nous semble donner dans une erreur peu conciliable avec la Physique. Id. "Les principes les plus oposés et les moins conciliables. Hist. des Indes.
   CONCILIABULE se dit d' un Concile illégitime. On ne peut donc apliquer ce mot sérieûsement à une Assemblée qui ne serait pas un concile, quand même elle serait légale. "Le Conciliabule des douze Seigneurs, dressa les Ordonnances désirées. Hist. d' Angl. _ Il ne se dit que dans le style badin ou satirique, de plusieurs persones assemblées pour quelque complot. Mde. de Sévigné le dit moitié en badinant, et moitié sérieûsement. "Vous êtes tous sages, votre conciliabule est assemblé: vous prendrez les bones résolutions.

CONCILIAIRE


*CONCILIAIRE, adj. CONCILIAIREMENT, adv. Bossuet s' était servi de ces mots, mais il avait employé le caractère italique, pour montrer que c' étaient des mots hasardés. Décrets conciliaires: Ce qui se fait conciliairement. _ Un Auteur plus moderne a apellé un Concile, assemblée conciliaire. On l' a critiqué dans le Dict. Néol. Et aussi un Avocat de Province: "Cet état n' est réprouvé, ni par aucun texte, ni par aucune loi conciliaire.

CONCILIANT


CONCILIANT, ANTE, adj. CONCILIATEUR, TRICE, s. m. et f. [1re lon. 4e lon. aux deux premiers.] Conciliant se dit de ce qui est propre à la conciliation; Conciliateur, trice, de celui ou de celle qui y travaille. Esprit conciliant; sage conciliateur; faire l' ofice de conciliateur, de conciliatrice.
   Rem. Conciliateur, trice se dit adjectivement des chôses. "C' est Mr... qui a inventé ce plan conciliateur, Linguet. "Les femmes nous enseignent cette éloquence persuasive et conciliatrice~, qui convient à la société. Marm. "L' excessive facilité de l' aûtre (opération), et les aparences conciliatrices qui l' accompagnent, doivent donner la tentation de l' employer souvent. Linguet.

CONCILIATION


CONCILIATION, s. f. [Koncili-a-cion, en vers, ci-on: 1re lon.] 1°. Action de concilier, de réunir des persones qui étaient divisées. Travailler à la conciliation des esprits: il a un esprit de conciliation. = 2°. Concordance des textes et des lois. La conciliation des passages d' un Auteur, des Lois, qui semblent contradictoires.

CONCILIATOIRE


*CONCILIATOIRE, adj. est un anglicisme. Des bills conciliatoires. Linguet. C' est le mot Anglois conciliatory. Ce mot peut être bon au Palais et dans des Gazettes.

CONCILIÉ


*CONCILIÉ, ÉE, adj. Bossuet apèle des articles conciliés, des articles dont on est convenu. Cet adjectif ne se dit point en ce sens.

CONCILIER


CONCILIER, v. act. 1°. avec le seul régime direct, acorder ensemble des persones ou des chôses, qui sont ou semblent être l' une à l' aûtre contraires. "Concilier les esprits; les volontés, les nations énemies. "Concilier les opinions, les Auteurs, les Lois. = 2°. Avec le datif pour second régime, atirer. Il lui a concilié la faveur du Prince, l' afection de sa compagnie; l' estime des honêtes gens. Se concilier (à soi-même) les esprits; se concilier les bonnes grâces de... Cela lui a concilié la bienveillance du Public, etc.
   Concilier, acorder (synon.) Celui-ci supôse la contestation et la contrariété. Concilier ne supôse que l' éloignement et la diversité. "On acorde les diférends: on concilie les esprits. On emploie le mot d' acorder pour les opinions, qui se contredisent, et concilier pour les passages, qui semblent se contredire. GIR. Synon.
   Rem. Mde. de B... (Hist. d' Angl.) fait régir à concilier la prép. à des chôses. "Afin de concilier tous les esprits au gouvernement de son Pupille... C' est le régime de concilier dans le second sens, et il ne se dit que des persones. On dit bien se concilier les esprits, mais on ne dit pas concilier les esprits à son systême, à son ministère, à son gouvernement.

CONCIS


CONCIS, ISE, adj. CONCISION, s. f. [Konci, cîze, ci-zion, en vers, zi-on: 1re lon. 2e lon. au 2d.] La concision est la qualité de ce qui est concis, c. à. d. court, resserré. Ils ne se disent qu' en parlant du discours et du style. Discours concis, Auteur concis: la concision du style. "Les deux premières races paroîtront peut-être traitées avec trop de concision. "Ces éloges sont écrits avec la clarté et la concision que demande ce genre d' ouvrage. Ann. Litt. "On lui reproche (à Maupertuis) des tours recherchés, une concision afectée, un ton sec et brusque, un style plus roide que ferme, etc. Dict. Hist. "Tout le Monde convient qu' il n' y a rien de si concis que la langue anglaise. L' Ab. du Resnel. M. Pope est extrêmement concis dans ce Poème. (l' Essai sur la critique). Id. Précis et précision se disent des pensées, et concis, concision du style. V. PRÉCIS.
   Rem. "Un Écrivain peut être concis, et néanmoins difus. On est concis, lorsque, pour exprimer chaque pensée, on n' emploie que le moins de mots qu' il est possible: on est difus lorsqu' on emploie trop de pensées particulières, pour exposer et déveloper sa principale pensée. Or, tel est Sénèque. L' Ab. Trublet.

CONCITOYEN


CONCITOYEN, ENNE, s. m. et fém. [Konci-toa-ien, iène; 1re lon. en n' a pas le son d' an.] Citoyen de la même Ville qu' un aûtre. C' est mon concitoyen, votre concitoyène, ses concitoyens.

CONCLâVE


CONCLâVE, s. m. CONCLAVISTE, s. m. [1re lon. 2e lon. au 1er.] On apèle Conclâve le lieu où s' assemblent les Cardinaux pour l' élection d' un Pape. _ Il se dit aussi de l' assemblée des Cardinaux qui travaillent à l' élection du Pape: ce Conclâve dura long-temps. On dit aussi, le Conclâve d' un tel Pape, pour dire, le Conclâve où un tel Pâpe a été élu. Dans le Conclâve de Clément XIV, etc.
= Conclaviste est celui qui s' enferme dans le Conclâve avec un Cardinal.
   Le Proverbe dit, que celui qui entre Pape au Conclâve en sort Cardinal, parce que le Cardinal qui parait d' abord le plus papable, est rârement élû Pape.

CONCLUANT


CONCLUANT, ANTE, adj. CONCLûRE, v. a. [1re lon. 2e lon. au dern.] Concluant; qui conclut, qui prouve bien ce qu' on veut prouver. Argument concluant, passage concluant; raison, preuve concluante. On ne le dit point des persones.
   CONCLûRE: Je conclus; il conclut, ou Conclud (Acad.) nous concluons, vous concluez, ils conclûent. Je concluais; je conclûs; j' ai conclu; je conclurai; conclurais, conclus, qu' il conclûe; je conclûe, conclusse; conclu, ûe. _ Marivaux dit au prétérit, je concluai, c' est un barbarisme: on dit, je conclus. Un Poète a dit au participe, conclut, avec un t, pour le faire rimer avec voulut: que de faûtes n' ocasione pas la rime?
   Même marché tout du long fut conclut
   À~ l' heure près; car le cadet voulut
   Que celui-ci, pour raisons pertinentes,
   Ne vînt chez lui qu' à six heures sonantes.
   CONCLûRE, actif (avec le régime direct, (l' acusatif). Achever, terminer. Conclûre une afaire, un marché, un mariage. La chôse est conclûe. "Il conclut son discours par dire que, etc. _ Neutre, il se dit sans régime. "C' est assez délibérer, il faut conclûre, dire son avis, son opinion: ou il régit la prép. de, et signifie alors tirer une conséquence, inférer une chôse d' une aûtre. "Il conclut de là, que, etc. Que concluez-vous de là? _ Au Palais, il régit à ou contre. "L' Avocat-Général conclut à la question, aux galères, au banissement, à la mort. "On a conclu criminellement contre lui.
   Rem. 1°. Conclûre se dit ordinairement des persones. On le dit pourtant quelquefois des passages, des preuves qu' on allègue: cet argument conclut bien, cette preuve, ce texte, ce raisonement ne conclut pas. Mais alors il se dit seul et sans régime des verbes. J' ôse trouver à redire à cette phrâse de Bossuet. "Ces passages concluent seulement que nous recevons quelque chôse. On dirait fort bien: On peut seulement conclûre de ces passages que nous recevons, etc. Avec les persones (on) la conjonction que va fort bien.
   2°. Cette prép. de, que régit conclûre, marche ordinairement après ce verbe, mais elle peut élégamment le précéder, et se placer même à la tête de la phrâse. "De l' existence du mouvement on conclut évidemment l' existence d' un moteur.
   3°. Quand le sens est afirmatif, le que après conclûre, est suivi de l' indicatif; mais il doit l' être du subjonctif, quand le sens est négatif ou interrogatif. Je conclus deque vous avez tort: je ne conclus pas, ou prétends-je conclure que vous ayiez tort? Non, sans doute.

CONCLUSIVE


CONCLUSIVE, adj. fém. [1re et 3e lon. 4e e muet.] Terme de Gramaire. Il se dit des conjonctions, dont on se sert pour tirer une induction, une conséquence de quelque proposition précédente. Or, donc, par concéquent, ainsi, c' est pourquoi; cela étant; c' est pour cela que; de sorte, ou en sorte que, tellement que, de manière que.

CONCLUSION


CONCLUSION, s. f. [Konklu-zion, en vers zi-on.] Il a les deux sens de conclûre: c' est, 1°. la fin d' une afaire, d' un discours: la conclusion d' un traité, d' une afaire. Il faut venir à la conclusion; la conclusion fut que... 2°. La conséquence qu' on tire de quelque raisonement. "Cette conclusion est bone, juste, ou nulle, faûsse. On le dit sur-tout d' un argument en forme.
   On dit, familièrement, qu' un homme est énemi de la conclusion, (n°. 1°.) pour dire, qu' il est mal aisé de conclûre, de finir une afaire avec lui.
   CONCLUSIONS, au plur. se dit, au Palais, de ce que les Parties demandent dans leurs Requêtes, etc. On lui a adjugé ses fins et conclusions; et comme les Gens du Roi sont la Partie publique, on dit, les conclusions des Gens du Roi, ce à quoi ils conclûent.
   CONCLUSION; ou, pour conclusion: enfin, bref, somme toute. Conclusion! je n' en ferai rien.

CONCOCTION


CONCOCTION, s. f. [Konkok-cion, en vers, ci-on: 1re lon.] Suivant Richelet, il est peu usité; et en sa place, on dit, coction. _ Dans les Additions, il remarque que l' Acad. s' en sert en parlant de la première digestion des alimens. _ Dans la dern. Édit. l' Acad. avertit qu' on dit ordinairement coction.

CONCOMBRE


CONCOMBRE, s. m. [Kokonbre: les deux premières long. 3e e muet.] Espèce de fruit ou de légume, qui est de forme longue, et de natûre froide et aqueûse, Acad. qu' on mange en potage, en fricassée et en salade. Trév.

CONCOMITANCE


CONCOMITANCE, s. f. CONCOMITANTE, adj. fém. [1re et 4e lon. 5e e muet.] Termes dogmatiques. Leur sens propre est acompagnement, acompagnante; mais, dans leur emploi, le 1er ne se dit que dans cette expression adverbiale, par concomitance: le Sang de J. C. est sous l' espèce du pain, et le corps sous l' espèce du vin par concomitance, parce qu' ils sont inséparables. _ Le 2d se dit de la grâce, qui non-seulement nous prévient, mais nous acompagne: grâce concomitante.

CONCORD


*CONCORD, s. m. Voilà encôre un néologisme. "C' est sans doute la Providence, qui permet ce concord chez les sots, et cette désunion chez les gens d' esprit. Les Numér. L' Auteur a trouvé acord trop bourgeois, et trop trivial.

CONCORDANCE


CONCORDANCE, s. f. [1re et 3e lon. 4e e muet.] 1°. Convenance, raport. Il ne se dit que des Livres canoniques. La concordance des Évangiles, des Évangélistes. = 2°. Concordance de la Bible: Index alphabétique, qui contient tous les mots de la Bible, et marque l' endroit où il sont. Chercher un passage dans la Concordance. = 3°. En Gramaire, construction régulière des noms en même genre, câs et nombre; et des verbes, selon les persones et les nombres. Il y en a sur-tout quatre. _ La concordance de l' adjectif et du substantif, qui doivent s' acorder en genre, nombre et câs; celle du relatif avec l' antécédent, qui doivent s' acorder en genre, en nombre et en persone; celle du verbe avec son nominatif, qui doit s' y acorder en persone et en nombre; enfin celle du responsif avec l' interrogatif: ils doivent s' acorder en nombre et en câs.

CONCORDAT


CONCORDAT, s. m. [1re lon. le t final ne se pron. pas.] Transaction, acord, convention. Faire, passer un Concordat. Un Concordat entre l' Abé et les Religieux, entre les Créanciers et un négociant qui a fait faillite. Concordat homologué au Parlement. = Quand on dit le Concordat, tout seul et sans addition, on désigne l' acord fait entre François I et Léon X, touchant la nomination aux Bénéfices consistoriaux du Royaume de France.

CONCORDE


CONCORDE, s. f. L' union des coeurs et des volontés: bone intelligence entre les persones. Entretenir, maintenir la concorde: ils vivent dans une grande concorde. Cela pourroit altérer la concorde entr' eux.

CONCOURANT


*CONCOURANT, ANTE, adj. verb. C' est un néologisme. "On me permettra d' indiquer les caûses concourantes. Tissot. _ Ce mot peut être utile en quelques ocasions.

CONCOURIR


CONCOURIR, v. n. [Il se conjugue comme courir.] Le P. Rapin écrit concoureroit, le P. d' Avrigny concourreroit: on doit écrire et prononcer, je concoûrrai, je concoûrrais, etc. l' ou est long. = 1°. Produire un éfet conjointement avec quelque caûse; coopérer. Il régit à devant les noms et les verbes; et il se dit des chôses comme des persones. "Tout concourt à ma ruine: ils ont tous concouru à me perdre. "Je concourrai volontiers à cette bonne oeuvre: il concourut puissamment à faire réussir cette entreprise. _ Il régit aussi quelquefois la prép. avec pour les persones. "Il a concouru avec moi au succès de cette afaire.
   2°. Avec la prép. pour, il a un aûtre sens: entrer en concurrence pour disputer quelque chôse. Ces deux pièces ont concouru pour le prix.
   3°. En parlant de Bénéfices: deux provisions concourent, quand elles sont de même date. = 4°. En Physique et en Géométrie, concourir, c' est se rencontrer. "Deux lignes qui concourent en un point. _ * Un Auteur moderne emploie concourir, pour, afluer. Les pauvres concourent en grand nombre. "Cette place est fort commode pour l' afluence du Peuple; qui y concourt pendant l' Octâve des Morts. Rome Moderne. _ Concours, a ce sens, concourir ne l' a pas.

CONCOURS


CONCOURS, s. m. [kon-koûr; deux longues.] 1°. Action par laquelle on concourt. Le concours de Dieu avec ses Créatures, du Soleil, des Astres avec les caûses inférieures. = 2°. Dispute pour une chaire, pour un Bénéfice. Mettre au concours. = 3°. Afluence de monde. Grand concours de peuple, de monde. = 4°. En Physique, rencontre: le concours des arômes; en Gramaire, le concours des voyelles. _ * De concours, pour, de concert, n' est pas suivant l' usage. "Le Primat dénonça Cobham, et de concours avec ses trois sufragans... le condamna au feu. Hist. d' Angl. Il falait dire, avec le concours de, etc.

CONCRET


CONCRET, ÈTE, adj. CONCRÉTION, s. f. [1re lon. 2e è moy. au 1er et 2d, au 3e é fer.] L' adjectif est un terme de l' École. Il est oposé à abstrait, et se dit pour exprimer les qualités considérées dans le sujet. Piété, science, rondeur sont des termes abstraits; pieux, savant, rond sont des termes concrets. _ En Chimie, le sel volatil concret est un sel fixé par quelque acide.
   CONCRÉTION, est un terme de Physique: amâs de plusieurs parties, qui se réunissent en une masse: Concrétion saline, pierreûse, calcaire, etc.

CONCUBINAGE


CONCUBINAGE, s. m. CONCUBINAIRE, s. m. CONCUBINE, s. f. [1re lon. 4e è moy. et long au 2d. Konkubinère: dern. e muet aux trois.] Concubine est celle qui, n' étant point mariée avec un homme, vit avec lui, comme si elle était sa femme. = Concubinaire, est celui qui entretient une concubine. = Concubinage, est le comerce d' un homme et d' une femme qui, n' étant pas mariés, vivent ensemble comme s' ils l' étaient. _ L' un ne se dit que de la femme, l' aûtre que de l' homme, et l' aûtre enfin de tous les deux: C' est sa concubine; il a une concubine; c' est un concubinaire. Ils vivent dans un concubinage public.

CONCUPISCENCE


CONCUPISCENCE, s. f. CONCUPISCIBLE, adj. [Konkupi-sance, cible: 1re lon. 4e lon. au 1er.] Richelet écrit concupicence, concupicible: il est vrai que l' s est inutile et qu' elle ne sert que d' homage à l' étimologie latine. _ La concupiscence est l' inclination de la natûre corrompûe, qui nous porte aux plaisirs illicites. "La concupiscence de la chair. La concupiscence est l' éfet du péché originel.
   CONCUPISCIBLE, est un terme de la vieille Philosophie. On y parlait beaucoup de l' apétit concupiscible, et de l' irascible. L' Acad. dit qu' il n' est en usage que dans le dogmatique; mais c' est du dogmatique rance et suranné.

CONCURREMMENT


CONCURREMMENT, adv. CONCURRENCE, s. f. CONCURRENT, s. m. et fém. [Konkuraman, rance, ran, rante: em et en ont le son d' am et d' an: 3e br. au 1er, lon. aux trois aûtres.] La concurrence est la prétention, à la même chôse, de plusieurs persones, qu' on apèle pour cela concurrens ou concurrentes. _ Concurremment, par concurrence. Être ou entrer en concurrence. "Il a écarté tous ses concurrens. _ "Ils briguoient concurremment cette charge. = Cet adverbe est encôre plus usité dans le sens de conjointement, suivi de la prép. avec. "Dans tous les temps les filles avoient été exclûes de la Courone. Depuis Hugues Capet, aucun puiné ne l' a possédée, ni au préjudice de son ainé, ni concurremment avec lui. Moreau. Il faut que vous agissiez concurremment avec moi. * Un Auteur très-récent dit, concouremment avec; c' est un vrai barbarisme.
   Rem. Concurrente, fem., est peu usité. L' Acad., qui le met en titre, n' en done point d' exemple. "Carthage, cette fière concurrente de Rome. Port Royal. On dit plutôt rivale, sur-tout au sens figuré.

CONCUSSION


CONCUSSION, subst. fém. CONCUSSIONAIRE, s. masc. [Konku-cion, cio--nère: 1re lon. 4e è moy. et long au 2d.] Action, par laquelle un Magistrat, un Oficier public exige plus qu' il ne lui est dû. _ Celui qui fait des concussions. "Il est acusé, ou convaincu de concussion. "C' est un concussionaire public. _ Concussion ne se dit que des hommes publics. Dans le Dict. Hist. art. Sadolet, on dit que les Juifs dépouilloient les Chrétiens par leurs concussions et leurs usûres. Le terme est impropre.

CONDAMNABLE


CONDAMNABLE, adj. CONDAMNATION, s. f. CONDAMNER, v. a. [Kondâ--nable, et non pas condamenable: on ne prononce point l' m: Kondâna-cion, en vers ci-on, kondâné; 1re et 2e. lon. 3e dout. au 1er.] Condamnable, est ce qui mérite d' être condamné. Condamnation, jugement par lequel on condamne, ou, l' on est condamné. Condamner, c' est doner un jugement contre quelqu' un. "Action, maxime, opinion condamnable: Il est très-condamnable dans sa conduite. Prononcer condamnation: il n' atend que sa condamnation. _ Condamner à mort, à la mort, aux galères, au bannissement, aux dépens, etc.
   I. Condamnable, ne se dit que des persones et des chôses, qui ont un raport immédiat à la persone. On l' a vu par les exemples cités.
   II. Passer condamnation, au propre, c' est consentir à ce que la partie adverse obtiène un jugement à son avantage; au figuré, c' est convenir qu' on a tort. Il se dit, ou avec la prép. sur: "Je passe condamnation sur ce point, mais je soutiendrai toujours l' aûtre; ou absolument et sans régime. "Donat n' osa plus se montrer au Concile après le premier jour: c' étoit passer condamnation et s' avouer calomniateur. Berault, Hist. de l' Égl. = Subir condamnation, c' est aquiescer à une sentence dont on pourrait apeler.
   2°. Condamnation, avec le régime de la prép. de, ou les pronoms possessifs, se dit de celui qui est condamné, et non du Juge qui condamne: "Il a donc un sens passif, et non actif. _ Le Gendre s' exprime mal quand il dit: "Socrate avoit peu de sujet de regretter un reste de vie; qui ne pouvoit être que fort malheureûse après la condamnation du Peuple Athénien. _ Il devait dire, après le jugement si injuste du peuple, ou bien, après sa condamnation, si injustement prononcée par le Peuple.
   III. Rem. 1°. Rollin écrit condanner avec 2 n: cette ortographe est contre l' étymologie, condemnare; contre l' usage et contre la prononciation; car la double n rend la syllabe qui précède brève, et l' a est long. _ Richelet écrit aussi condannable, condannation, condanner. On peut lui apliquer la même remarque. = 2°. Condamner régit à devant l' infinitif. On le condamna à périr sur un échafaut. Il a été condamné au banissement, et à faire amende-honorable. _ Ferrière lui fait régir de: "Il fut condamné d' être pendu. C' est un faux régime. = On lit aussi dans le Dict. Hist. Art. Diane de Poitiers, "Son père fut condamné d' avoir la tête tranchée. Malgré la cacophonie de, à avoir, il faut le dire ainsi, ou prendre un aûtre tour de phrâse. _ L' Acad. ne met point d' exemple du régime des verbes: c' est un oubli. = Être condamné, régit par, ou de pour le régime de la persone. "Il a été condamné par le Présidial. "Il est condamné de tout le monde.
   O Ciel! si notre amour est condamné de toi,
   Je suis la plus coupable, épuise tout sur moi.
Remarquez que par vaut mieux dans le sens propre, et de, quand condamner a le sens de blâmer, désaprouver.
   3°. Condamner se dit quelquefois des chôses: Condamner une porte, une fenêtre, la fermer de telle manière qu' on ne puisse plus l' ouvrir: en interdire l' usage. Il n' y a que le verbe, qui ait cette signification. On ne dit point, cette porte est condamnable, ni, prononcer la condamnation d' une fenêtre.

CONDENSATION


CONDENSATION, s. f. CONDENSER, v. a. [Kondansa-cion, en vers ci-on, kondansé; 1re et 2e lon.] Condensation, est l' action de condenser, de rendre un corps plus dense, plus serré. "La condensation de l' air; le froid condense les corps: l' air se condense aisément, l' eau ne saurait se condenser

CONDESCENDANCE


CONDESCENDANCE, s. f. CONDESCENDANT, ANTE, adj. CONDESCENDRE, v. n. [l' s est muette: Richelet la suprime: elle n' est-là que pour l' étymologie. Pron. Kondé-sandance, sandan, dante, sandre: 1re lon. 2e é fer. 3e lon.] La condescendance est une complaisance, qui fait qu' on se rend aux sentimens, aux volontés d' autrui, ou qu' on compatit à ses foiblesses. Condescendant, qui a de la condescendance. Condescendre, se rendre aux sentimens d' autrui, ou compatir à ses foiblesses. "Sage ou lâche, molle condescendance: "Esprit condescendant: "Je ne puis condescendre à ce que vous voulez." Condescendre aux foiblesses, aux besoins de quelqu' un.
   Rem. 1°. Condescendance, régit pour, et condescendre, la prép. à. Bossuet done ce dernier régime au subst. "Par une charitable condescendance aux infirmes de l' Église, il a voulu éclaircir ce doute. Dites, pour les infirmes, ou plutôt, pour les foibles. _ M. Linguet lui fait régir à devant l' infinitif, et ce régime fait fort bien. "Henri IV, réduit à conquérir son patrimoine, fut enlevé au moment où il cherchoit, dans une administration paternelle, le remède aux maux de la France, épuisée presque également, et par les éforts qu' il avoit faits pour vaincre les rebelles, et par sa condescendance à acheter leur soumission.
   2°. Condescendant, n' est pas aussi usité que condescendance et condescendre; mais il est des ocasions où il va très-bien. "Jesus se rendoit condescendant pour les pécheurs, jusqu' à manger avec eux, et loger chez eux. Fleury. "Sa réponse fut gracieûse et condescendante. Hist. des Stuarts.

CONDISCIPLE


CONDISCIPLE, s. m. [Kondiciple; 1re lon.] Compagnon d' étude: Il a été mon condisciple.

CONDITION


CONDITION, s. f. [Kondi-cion, en vers ci-on.] 1°. La natûre, l' état, la qualité d' une chôse ou d' une persone. "La condition des chôses d' ici-bas est sujète à beaucoup de misères. "Cette marchandise n' est pas de la condition, ou n' a pas les conditions requises. _ La condition des Princes est souvent plus triste que celle des particuliers. = 2°. Etat d' un homme considéré par raport à sa naissance. Suivant l' Ab. Girard, le 1er (condition) a plus de raport au rang qu' on tient dans les diférens Ordres, qui forment l' économie de la République; le second (état) en a davantage à l' ocupation ou au genre de vie dont on fait profession. "Les richesses nous font aisément oublier le degré de notre condition, et nous détournent quelquefois des devoirs de notre état. _ Être de grande, de médiocre, d' honête, de basse condition. "Cela est au-dessus de sa condition: il est de condition à pouvoir aspirer à cette charge. _ On dit absolument, homme de condition, pour dire, de naissance. = 3°. Domesticité, place de domestique. Bonne ou mauvaise condition. "Il est en condition. "Il cherche condition (sans article): il a changé de condition: il est hors de condition: "Le Barbier me trouva une condition, et me fit laquais d' un Chevalier de Malthe. Volt. = 4°. Clauses, charges, obligations, moyènant lesquelles on fait quelque chôse. Condition douce, avantageûse, ou onéreûse, facheûse. "Aposer une condition, des conditions à un contrat. _ * Bossuet dit, à même condition, pour aux mèmes conditions: "S' ils étoient sujets comme les aûtres et à même condition. _ On ne le dirait pas aujourd'hui. = 5°. Parti avantageux ou désavantageux qu' on fait à quelqu' un. "Dans cette afaire, votre condition est meilleûre que la miène. "Je vous ferai une condition si bone que vous ne refuserez pas le marché.
   Rem. 1°. * Condition, s' est dit aûtrefois pour qualité de l' âme. "Il (Voiture) étoit parfaitement bon ami, et c' est cette condition de son coeur, autant que celles de son esprit, qui lui en a acquis un si grand nombre. Préface.
   2°. condition dit moins que qualité, et homme de qualité, est en notre Langue quelque chôse de plus que, homme de condition. = 3°. Je ne suis pas de pire condition que vous: j' ai droit à prétendre les mêmes avantages, est une expression du st. fam.
   À~ condition que, conjonction, régit ordinairement le subjonct. et quelquefois le futur ou le conditionel présent. "Je le lui acorde, à condition qu' il n' en abûse pas, ou qu' il n' en abusera pas. Je lui avois pardonné, à condition qu' il n' en abusât, ou n' en abuseroit pas. Voy. À~ charge que, au mot CHARGE. _ À~ condition que suit les mêmes règles. = Sous condition que, a les mêmes régimes. = Mais dit-on, à condition de avec l' infinitif? J' en doute fort. * Le bel esprit est un luxe: il est libre à chacun de l' aficher, mais à condition de voir l' afiche tournée en ridicule, si elle est téméraire. Nécr. des homm. Illust. Art. Roi.

CONDITIONÉ


CONDITIONÉ, ÉE, adj. [Kondi-cio--né, né-e: 1re lon. 4e é fer. long au 2d.] Qui a les conditions requises. Il est ordinairement, on peut même dire presque toujours, modifié par bien ou mal: des vins, des draps bien ou mal conditionés: marchandises bien ou mal conditionées. _ Marivaux lui fait régir la prép. de: "elle bredouille plus de prières dans un jour, qu' il n' en eût fallu dans un mois, si elles avoient été conditionées de l' atention nécessaire. _ Ce régime ne ferait pas bien avec toute sorte de mots. = Fig. (st. fam.) Cet homme est bien conditioné, plein de vin et de bone chère. Rich. Port.

CONDITIONEL


CONDITIONEL, ELLE, adj. CONDITIONELLEMENT, adv. [Kondi-cionèl, nèle, nèleman: 1re lon. 4e è moy. 5e e muet.] Qui porte de certaines claûses ou conditions, moyénant lesquelles la chôse doit se faire. "Traité, contrat conditionel; promesse conditionelle. = Conditionellement, à la charge de certaine condition. "S' obliger conditionellement: "Il a été institué héritier conditionellement. * Un Auteur moderne lui fait régir la prép. à: "Si le plaisir se fait sentir, ce n' est que conditionellement à la réalité, dont ou voudroit revêtir des rêveries agréables. Du Plaisir. Ce régime est peu usité, et la phrâse que nous venons de citer est peu propre à l' acréditer.
   I. Rem. On apèle temps conditionel, ou absolument conditionel dans les verbes, un des imparfaits du subjonctif, parce qu' il ne s' emploie qu' avec une de ces conjonctions, si, pour, ou, que, à condition que, quand même, etc. qui expriment une condition: J' irois si je pouvois, etc. c' est le conditionel présent, parce qu' il marque ce qui se ferait présentement, si la condition était posée. Il se termine en rois, roit, rions, riez, roient, ou en rais, rait, etc. suivant l' ortographe de Voltaire, plus raprochée de la prononciation, et par là même préférable. J' irois, ou j' irais, vous iriez, ils iroient ou iraient, etc. = Le conditionel passé marque qu' une chôse aurait été faite, si la condition d' où elle dépendait avait été remplie, ou avait eu lieu: "Je vous aurois, ou aurais écrit, si j' avais su où vous étiez. Il est formé du conditionel présent des verbes avoir ou être, et du participe passif du verbe; j' aurais fait, vous seriez venu, si, etc. = Il y en a un 3e qui se forme du prétérit du subjonctif de l' auxiliaire, et du participe du verbe, j' eusse aimé, je fusse venu, si, etc. Celui-ci apartient tantôt à l' indicatif, comme conditionel, quand il n' est point précédé de la conjonct. que: et tantôt au subj., comme plusque parfait, quand cette conjonction le précède: je l' eusse fait, ou je l' aurais fait, si vous l' aviez voulu; était-il possible que j' eusse fait sitôt? _ Les deux aûtres conditionels apartiènent à l' indicatif.
   1°. Dans les verbes en ier, eer, uer, comme, prier, employer, créer, continuer, etc. On change, dans la Poésie, er en rois ou rais; je prirois, j' emploirois, je crérois, je continurois, etc. mais dans la Prôse, la plupart des Auteurs écrivent, je prierois, j' emploierois, je créerois, je continuerois, etc. Wailly.
   2°. Les deux futurs, le conditionel présent, et le conditionel passé, formé par j' aurais, ou je serais, ne peuvent pas s' employer avec si, mis pour suposé que. Les étrangers font souvent cette faûte. Ils disent, par exemple: Les soldats feront bien leur devoir, s' ils seront bien comandés: Vous auriez vu le Roi, si vous seriez venu avec moi. "Je serais content, si je vous verrais apliqué à vos devoirs. On emploie alors le présent après si, au lieu du futur: s' ils sont, etc. le plusque parfait, au lieu du conditionel passé, si vous étiez venu, etc. et l' imparfait, au lieu du conditionel présent: si vous faisiez bien, etc. Id.
   On peut employer avec si, mis pour suposé que, les conditionels formés par j' eusse, ou je fusse: "Je fusse venu, si j' eusse eu le temps. Id.
   Les futurs et les conditionels s' emploient avec si, qui marque doute, incertitude. "Je ne sais si votre frère viendra: "Demandez-lui s' il seroit venu avec nous, suposé qu' il n' eût pas eu afaire. Id.
   3°. Le conditionel ne régit pas par lui-même le subjonctif: il suit le régime des verbes auxquels il apartient. "On diroit que le ciel.... veuille inonder, etc. Boil. Sat. VI. Sur ce vers, M. de St. Marc dit que bien des gens préfèrent veut, et que c' est aujourd'hui l' usage le plus commun. _ Ce serait diférent, si la phrâse était négative ou interrogative. Car, comme alors beaucoup de verbes régissent le subjonct., les conditionels de ces verbes doivent le régir aussi; Je ne croirais pas qu' il dût venir, s' il ne l' assuroit lui-même.
   4°. * Les Étrangers, nomément les Suisses et les Allemands, mettent le conditionel à la place de l' imparfait du subjonct. "On lui demanda s' il persistoit à empêcher que notre vaisseau feroit voile vers la mer. Journ. de Gen. Il faut dire, que notre vaisseau ne fît voile, etc. _ Leibnitz fait souvent cette faûte. "Il n' y a guère de qualités matérielles auxquelles il ne seroit (il ne fût) possible de satisfaire. "Il n' y a point de Ministre maintenant qui voudroit (voulût) proposer à l' Empereur, etc.
   5°. * En style d' Ordonnances, on emploie le conditionel au lieu du prétérit, et Voltaire se plaint que ce style barbare des anciènes formules se soit glissé dans les papiers publics. "On imprime, dit-il (Let. à M. d' Olivet) que Sa Majesté auroit reconu (pour a reconu) qu' une telle Province auroit été (pour a été) endomagée, etc. _ On ôse dire qu' il serait à souhaiter que ces barbarismes disparussent des Ordonances mêmes.
   II. Conjonctions conditionelles, sont celles qui expriment une condition: si, sinon: pourvu que, suposé que, bien entendu que, à condition que, à la charge que, etc.

CONDITIONER


CONDITIONER, v. a. Trév. [Kondi--cio-né: 1re lon. 3e é fer.] 1°. Faire une marchandise avec les conditions requises. = 2°. Aposer des conditions à un contrat, à un marché. _ Le 2d sens est moins usité que le 1er, qui peut se dire, à ce que je crois. _ L' Acad. ne met que le participe de ce verbe dans le 1er sens. Voyez CONDITIONÉ, à sa place.

CONDOLÉANCE


CONDOLÉANCE, s. f. *SE CONDOULOIR, v. réc. [Kondolé-ance, dou--loar: 3e é fer. au 1er, douteûse au 2d.] Condoléance ne se dit qu' avec compliment, ou lètre; on dit compliment, ou lètre de condoléance; compliment qui se fait, ou lètre qui s' écrit pour témoigner la part que l' on prend à l' afliction de quelqu' un. = * Se Condouloir avec... c' est prendre part au déplaisir de... Il ne se dit qu' à l' infinitif, et il est vieux. _ M. de Vaugelas dit, dans ses remarques, que, se condouloir avec quelqu' un de la mort d' une persone, est fort bien dit, et il ajoute que condoléance semblait alors un étrange mot. C' est aujourd'hui tout le contraire. Multa renascentur, etc.

CONDUCTEUR


CONDUCTEUR, TRICE, s. m. et f. Celui, celle qui conduit. "Moyse étoit le conducteur du Peuple de Dieu. "Sage conducteur, ou conductrice de la jeunesse. "Conducteur du troupeau, se dit au propre et au figuré. = Conducteur, tube de fer--blanc, suspendu sur des cordes de soie; ou bârre de fer, qui communique au globe de verre dans la Machine Électrique. Paul. Dict. de Phys. _ C' est aussi le nom d' un instrument de Chirurgie, dans l' opération de la tâille.

CONDUIRE


CONDUIRE, v. a. [1re et 2e lon. 3e e muet, ui ne forme qu' une syllabe.] 1°. Mener, guider. Il se dit des persones. Conduire un aveugle, des voyageurs; des animaux: conduire des chevaux, des mulets, un troupeau; des chôses inanimées: conduire des vivres, du vin, des marchandises. = Conduire l' eau, la faire aler d' un endroit à une aûtre par des rigoles, des canaux. = Suivant l' Ab. Girard, dans le sens litéral, c' est la tête, qui conduit, l' oeil qui guide, la main qui mène. On conduit un procès, on guide un voyageur, on mène un enfant. Les deux premiers supôsent plus de lumières, et le dernier plus d' ascendant. _ Il me semble que le premier exemple est mal choisi; car, conduire un procès, apartient au style fig. plus qu' au sens litéral.
   Conduire, a pour 2d régime la prép. à devant les noms et les verbes. "Le libertinage conduit les hommes à leur perte. "Ce dessein l' a conduit à se faire chasser de la Cour. = Au figuré, il a quelquefois trois régimes; le direct (l' acusatif) et les prép. de et en.
   Et d' apas en apas conduisant la victime,
   Il la fait à la fin passer de crime en crime.
       Créb.
  2°. CONDUIRE, en parlant des ouvrages matériels, en avoir la direction: Conduire un bâtiment, un travail, une tranchée, un ouvrage; et en parlant des chôses spirituelles et morales, conduire un dessein, une entreprise, une intrigue: Conduire bien, ou mal, une afaire, une pièce de théâtre, un poème, etc. Conduire un ouvrage à sa perfection. = 3°. Servir de chef, régir, gouverner: Conduire une armée, des troupes, l' avant-garde, etc. Ce peuple-là est dificile à conduire. _ Se conduire, se comporter: il se conduit bien, ou mal: Cette femme s' est toujours bien conduite. = 4°. Acompagner quelqu' un par honeur, par civilité, par ocasion, ou pour sa sûreté. Conduire à l' Audience: Ne me conduisez pas plus loin. Il avait peur des voleurs, il se fit conduire. = Conduire un convoi, une voiture d' argent.
   On dit familièrement, d' un homme habile dans son commerce, dans ses afaires, qu' il conduit bien sa barque.

CONDUIT


CONDUIT, s. m. CONDUITE, s. f. [ui ne fait qu' une syllabe.] Conduit, tuyau, canal par lequel coule et passe quelque chôse de liquide, de fluide; de l' eau, de l' air, etc. "Conduit souterrein, conduit de pierre, de plomb, etc. Conduit d' eau. Les conduits de l' urine. En parlant des médicamens, ouvrir ou resserrer les conduits, etc.
   Rem. Malherbe emploie conduites, au lieu de conduits pour des tuyaux à conduire les eaux: Conduites souterreines. Mot de Normandie, dit Ménage. On dit, conduits, à la Cour, à Paris, et dans les Provinces. _ Fontenelle dit aussi: "Dans ce temps-là, le feu Roi fit faire à Versailles ces grandes conduites d' eau, qui l' ont tant embelli. Fontenelle était Normand: cette expression sentirait-elle le terroir? Non; et je pense qu' en cet endroit il parle, non des tuyaux, mais des travaux pour la conduite des eaux; et alors, conduite vaut mieux que conduit. Il dit âilleurs: "Pénétrer par des conduits souterrains, dans l' intérieur des familles. El. de M. d' Argenson. Là il l' emploie au figuré. = L' Acad. dit conduite, pour signifier une suite de tuyaux ou d' aqueducs; et c' est dans le même sens que Fontenelle, dans la 1re phrâse; mais elle dit conduit, pour signifier un tuyau, un canal, comme le même Auteur le dit dans la 2de.
   CONDUITE, s. f. 1°. Action de conduire. La conduite d' un aveugle, d' un troupeau, d' un convoi. "Le 5 Avril, fut le jour pris pour conduire l' enfant: la mère seule fit la conduite. CAûSES CÉLèBRES. = 2°. Exécution, direction d' un ouvrage. La conduite d' un bâtiment, d' un pont, d' une tranchée. La conduite d' une horloge. La conduite d' un poème, d' une pièce de théâtre. = 3°. Gouvernement; la conduite d' un État, d' une Armée, d' un Diocèse. La conduite des âmes. = 4°. Son emploi le plus ordinaire est pour signifier la manière d' agir, de se conduire. Bone ou mauvaise, sage ou imprudente conduite. On dit, dans le 1er sens, avoir de la conduite, tout seul; et dans le 2d, n' avoir pas de conduite, n' avoir nulle conduite, manquer de conduite.
   Rem. 1°. * Mde de Sévigné met conduites au pluriel. "Il est dans l' embarras d' acomoder les conduites de l' Église dans les premiers siècles, avec les conduites d' aujourd'hui. _ On doit toujours dire, la conduite. _ Ce mot n' a de pluriel que quand on parle d' une suite de tuyaux. Voy. CONDUIT: Rem.
   2°. *PAR CONDUITE, adverbe de l' invention de Bossuet. "Ils avoient tort de s' imaginer que Rome s' agrandissoit plutôt par hasard que par conduite. On dit, par hasard; on ne dit pas, par conduite, sans pronom, ni article. L' afectation de la symétrie, dans les diférens membres d' une phrâse, produit souvent des irrégularités et de faûsses analogies.

CôNE


CôNE, s. m. [1re lon. l' ô doit porter un acc. circ. 2e e muet.] Corps solide, composé de diférens cercles placés les uns sur les aûtres, et qui vont toujours en diminuant, depuis la bâse jusqu' à la pointe. "Les pains de sucre sont faits en cône.

CONFABULATION


*CONFABULATION, s. f. CONFABULER, v. n. Conversation, converser. On ne dit ces mots qu' en plaisanterie. Acad. Des gens de goût troûveront peut-être cette plaisanterie un peu pédantesque.

CONFECTION


CONFECTION, s. f. [Konfèk-cion; 1re lon. 2e è moy.] En Apothicairerie, composition faite de plusieurs drogues. Confection d' hyacinthe, d' alkermès. = Dans la Pratique, action de faire: Confection d' un terrier, d' un inventaire. Hors de là, il n' est point en usage. "Le Clergé étoit déchargé, par le Traité, de la Confection du sel, dont le Roi demeuroit chargé. Marsolier. On dit, fabrication, et non pas, confection.

CONFÉDÉRATIF


*CONFÉDÉRATIF, IVE, adj. Mot nouveau. Traité Confédératif: forme de gouvernement Confédérative. Rousseau (J. Jaques) a employé ce mot. Voy. CONFÉDÉRATION.

CONFÉDÉRATION


CONFÉDÉRATION, s. f. CONFÉDÉRER (se), v. réc. [Konfédéra-cion, déré; 2e et 3e é fer. aussi au 2d.] La Confédération, est une ligue, une alliance. Il ne se dit que des Souverains. _ Aûtrefois on le disait des particuliers, en parlant de la Pologne. = Se confédérer, se liguer ensemble. Il se dit, ou sans régime; ils se confédérèrent; ou il régit la prép. avec: se confédérer avec plusieurs Nations, pour ataquer ou pour se défendre.

CONFÉDÉRÉS


CONFÉDÉRÉS, subs. et adj. m. pl. Abandoner ses Confédérés: les Princes Confédérés. _ Il ne se dit point au singulier. On dit, un des Confédérés, et non pas, un Confédéré.

CONFÉRENCE


CONFÉRENCE, s. f. *CONFÉRENT, s. m. CONFÉRER, v. a. et n. [2e é fer. 3e lon. aux 2 1ers, é fer. au 3e.] Conférence, est, 1°. comparaison de deux chôses, pour voir en quoi elles conviènent, et en quoi elles difèrent. Conférence des coutumes, des textes, des passages: Conférence de la Fable avec l' Histoire. En ce sens, il ne dit guère qu' au Palais, et en quelques ocasions, parmi les Savans. Il n' est pas du discours ordinaire. = 2°. Entretien de deux ou plusieurs persones, sur quelque afaire ou matière sérieûse. "Ils eurent de grandes, de longues Conférences ensemble. "Entrer en Conférence. "Les Conférences pour la paix. "La Conférence fut rompûe, fut renouée. _ Conférences Académiques. = 3°. Discours en forme de dissertation. Conférences Éclésiastiques de Massillon, d' Angers, de Paris, etc.
   *CONFÉRENT, qui confère. Vieux mot. "Théodore de Bèze se plaignait que les Prélats, au Colloque de Poissi, se fussent rendus Juges, au lieu de Conférents amiables.
   CONFÉRER, a les 2 1ers sens de Conférence. 1°. Comparer. "Conférer les lois, les coutumes: Conférer des passages; conférer un Auteur avec un aûtre. = 2°. Parler, raisoner ensemble de quelque afaire, de quelque point de doctrine. "Nous avons conféré ensemble: ils ont conféré de leurs afaires communes. = Il a un aûtre sens que Conférence n' a pas, et auquel répond le mot Collation. Pourvoir à un Bénéfice: il a droit de conférer ce Bénéfice. Doner, acorder; les Sacremens confèrent la grâce. = L' Acad. dit aussi, en parlant des Princes, conférer des grâces, des honneurs. Ils est tout au moins douteux dans cet emploi.
   I. Rem. On dit, entrer en Conférence avec. "On vous troûve levée à huit heûres... et que faites-vous? Vous êtes en Conférence avec votre cuisinier et votre maître-d' hôtel. Coyer. _ Tenir des Conférences: "Ces deux hommes (le Comte de Saxe et le Chev. de Folard), que le même goût, ou plutôt, la même passion avoit unis, tenoient tous les jours ensemble des Conférences de deux ou trois heûres. Thomas.
   II. CONFÉRER, a diférens sens, suivant les diférens régimes. Conférer de, c' est parler de, s' entretenir de... Conférer à, c' est doner, acorder; conférer avec, c' est comparer, collationer. En ce dernier sens, il ne se dit guère qu' au Palais, et parmi les Savans. = Bossuet, qui employait volontiers les termes de Pratique, a dit: "Ayant conféré les exemplaires avec les Archives. Et Boileau, grand Poète; mais,
   Fils, frère, oncle, cousin et neveu de Gréfiers.
"J' ai déjà commencé à conférer les Dialogues des Orateurs avec le Latin. _ Et Mallebranche: "Quand on arrange, et qu' on confère les idées des chôses, les unes avec les aûtres. _ Conférer, n' est pas fort propre avec le mot idées, et l' on dirait aujourd'hui, comparer.

CONFèS


*CONFèS, adj. Il s' est dit aûtrefois pour confessé: "Contrit et confès.

CONFESSE


CONFESSE (à). Espèce d' adverbe. Aler, être, retourner à Confesse, c. à. d., aler se confesser. _ Suivant l' Acad. on dit aussi, revenir de Confesse: je crois qu' on peut douter de celui-là. _ On l' emploie quelque--fois avec aler, suivi de la prép. à, pour régime de la persone: il va à Confesse à un tel.
   *CONFESSE, pour Confessional, est un gasconisme, un barbarisme. "Où est M. le Curé? Il est à la Confesse: dites, au Confessional.

CONFESSER


CONFESSER, v. a. [Konfècé; 1re lon. 2e è moy. 3e é fer.] 1°. Avouer. Confesser la vérité. "Cela est vrai, je le confesse. Confesser sa faute, son crime; se confesser vaincu. Je confesse avoir reçu de M. tel, telle somme. Je vous confesse que j' ai tort. _ Dans toutes ces phrâses, avouer est d' un usage plus commun, excepté dans les quittances et déclarations. _ Pour les divers régimes, voy. AVOUER. = 2°. En parlant~ du Sacrement de Pénitence, il se dit, et de celui qui déclâre ses péchés à un Prêtre, et du Prêtre qui entend sa déclaration. Dans le 1er sens, il se dit, ou avec le seul régime direct, confesser ses péchés, ou avec la prép. à, de la persone, et la prép. de (l' ablatif), de la chôse: se confesser à un Prêtre aprouvé, à M. le Curé, à l' un de ses Vicaires, au Père tel, etc. Se confesser de tous ses péchés: vous êtes-vous confessé de cette faûte? Vous en êtes-vous confessée? * Plusieurs lui font régir la prép. de la persone; je me confesse de M. le Curé. On leur répond: M. le Curé n' est pas un péché. _ C' est une faûte grossière. _ En parlant du Confesseur, il confesse un grand nombre de persones; et neutralement, il confesse bien; il s' est trouvé mal en confessant. = 3°. Quand on dit simplement, se confesser, on l' entend toujours de la Confession sacramentelle.
   On dit proverbialement, confesser la dette, avouer qu' on a tort. _ Se confesser au renard, faire confidence d' une afaire à un homme qui a intérêt de la traverser.
   CONFESSÉ, ÉE, participe. Il est adjectif dans ces deux phrâses du discours familier. "C' est homme est mort bien confessé, après s' être bien confessé, et avoir doné toutes les marques d' un bon Chrétien. _ Une faûte confessée est à demi réparée; une faûte qu' on avoûe en devient plus pardonable.

CONFESSEUR


CONFESSEUR, s. m. CONFESSION, s. f. CONFESSIONAL, s. m. [Konfé-ceur, cion, (en vers, ci-on,) cio-nal; 1re lon. 2e è moy. Plur. Confessionaux (cionô); dern. lon.] I. Confesseur, est le Prêtre qui confesse, qui a les pouvoirs d' ouïr les Fidèles en Confession. = 2°. Dans la primitive Église, on le disait des Martyrs: Confesseur de la Foi, ou simplement, Confesseur. Le saint, le généreux Confesseur. Dans le Rit du Bréviaire Romain, on apèle de ce nom un Saint qui n' a été ni Apôtre, ni Martyr. Confesseur-Pontife, et Confesseur non Pontife. On dit, dans les Litanies de la Ste Vierge, Reine des Martyrs, Reine des Confesseurs, Reine des Vierges, etc.
   II. CONFESSION~, est, 1°. l' aveu, la déclaration qu' on fait de quelque chôse. Vous demeurez d' acord, par votre propre confession, que... La confession d' un criminel, est ce qu' il confesse devant le Juge. = 2°. Confession de Foi, déclaration, ou exposition de bouche, ou par écrit, de la Foi qu' on professe. _ Quelquefois on dit, Confession, tout seul: la Confession d' Ausbourg, la Confession des Églises Réformées. = 3°. Confession sacramentelle, déclaration de ses péchés à un Prêtre. "Faire sa Confession au Prêtre, à un Prêtre. Faire une bonne Confession, une Confession générale, une Confession mauvaise, nulle, sacrilège, etc. etc. = On dit familièrement, confier quelque chôse à quelqu' un sous le sceau, ou, sous le secret de la Confession (le 1er est le meilleur), à condition qu' on en gardera le secret inviolablement.
   III. CONFESSIONAL, siège de menuiserie, où se met le Prêtre, pour entendre les Confessions: On a fait plusieurs Confessionaux dans cette Église: Il est au Confessional; il sort du Confessional. _ En Provence et âilleurs, le peuple dit, la Confesse, pour dire, le Confessional. Voy. CONFESSE.

CONFIANCE


CONFIANCE, s. f. CONFIANT, ANTE, adj. [Konfi-ance, an, ante; 1re et 3e lon.] Confiance, est, 1°. Espérance ferme en quelqu' un, ou en quelque chôse. Avoir, prendre confiance en quelqu' un. Mettre sa confiance en Dieu. Avoir grande confiance: sans article, j' ai grande confiance en vous. = II. Assurance qu' on prend sur la probité, sur la discrétion de quelqu' un. Prendre confiance en... doner, lui doner sa confiance. Il a abusé de ma confiance. Placer mal sa confiance, etc. = III. Liberté honête qu' on prend en certaines ocasions. Aborder un Grand avec confiance. = IV. Hardiesse, assurance. Aler au combat, parler en public, braver les dangers avec confiance. = V. Présomption, fatuité. Cet homme a des airs de confiance; il est plein de confiance.
   Rem. 1°. Ce mot a un sens, tantôt actif, tantôt passif, relativement à la persone qui parle. "J' ai de la confiance en cette persone, veut dire, que je me confie à lui: j' ai la confiance de cette persone, signifie, qu' elle a confiance à moi.
   2°. CONFIANCE, ne s' emploie point au pluriel. On dit à plusieurs persones, comme à une seule, votre confiance, et non pas, vos confiances. "On ne peut rien ajouter aux confiances, aux honêtetés, et aux extrêmes considérations de M. Lavardin pour moi, dit Mde de Sévigné. On aimait aûtrefois les pluriels bien plus qu' aujourd'hui.
   3°. Suivant Bouhours, il y a de la diférence entre mettre sa confiance, et prendre confiance: l' un peut regarder la persone et la chôse; l' aûtre ne peut regarder que la persone. L' un signifie, s' apuyer sur quelqu' un, ou sur quelque chôse; l' aûtre, se fier à quelqu' un. "Il faut mettre sa confiance en Dieu: il ne faut pas mettre sa confiance en ses richesse: J' ai pris une entière confiance en lui. _ Mde. de Sévigné a pourtant dit, et l' on dit tous les jours, come elle: "J' ai pris une entière confiance en ce qu' elle m' a dit; ce qui parait contredire la remarque de Bouhours: mais les discours de la persone se prènent pour la persone même.
   4°. Avoir ou prendre confiance ne régissent pas à, mais en: "J' ai ou j' ai pris une grande confiance à lui. _ Dans l' Ann. Litt. on critique ce régime dans l' Esprit de la Ligue: "On ne dit point, prendre de la confiance à, mais en quelqu' un. _ M. Linguet emploie la prép. dans, qui ne va pas si bien, ce me semble. "Quelle confiance auriez-vous dans cette pièce? _ Voyez CONFIDENCE.
   5°. Homme, persone de confiance, en qui on se confie. Là, confiance, a encôre le sens passif. Il ne se dit pas, comme on voit, de celui qui a confiance, mais de celui en qui l' on a confiance.
   CONFIANT: l' Acad. ne le traduit que par présomptueux. Il est vrai que les présomptueux sont confians; mais tous ceux qui sont confians, ne sont pas pour cela présomptueux. "L' innocence confiante. Linguet. _ Confiant est donc, ou téméraire et présomptueux, ou seulement, qui espère aisément, qui prend aisément confiance. "On devient téméraire à force d' être confiant. "Trop confians dans leurs lumières, ils semblent dédaigner de marcher sous l' apui de leurs maîtres. Ann. Litt. Si vous êtes si confiant, vous serez souvent dupe. Il régit quelquefois la prép. en. "L' autorité confiante en ses forces, semble dédaigner ces cris séditieux. Journ. de Mons.

CONFIDEMMENT


CONFIDEMMENT, adv. CONFIDENCE, s. f. CONFIDENT, ENTE, s. m. et f. [Konfidaman, dance, dan, dante: 1re lon. 3e lon. excepté au 1er.] La confidence, est la part qu' on done ou qu' on reçoit d' un secret. Confident, confidente, est celui ou celle à qui l' on confie ses plus secrettes pensées. Confidemment, en confidence. "Faire confidence de quelque chôse à quelqu' un. Parler en confidence; être dans la confidence. _ C' est son confident, sa confidente; le Confident du Prince, la Confidente de la Favorite, etc. _ Dire une chôse confidemment.
   I. Richelet écrit confidenment, et veut qu' on prononce confidanman. Et l' ortographe et la prononciation sont également vicieûses.
   II. Confidence ne se dit jamais seul: et il ne faut pas le confondre avec confiance. "L' Évêque de Palence eut toujours beaucoup de part à la confidence de Jean II. Révol. d' Esp. "Ces Savans, qui avoient part à sa confidence (de Crésus) n' avoient garde de heurter le goût du Prince. Rollin. _ Là, confiance était le mot propre. Confiance est un sentiment permanent, confidence n' en est que l' éfet passager. Confident, au contraire, a un sens plus étendu. Il se dit, et de celui à qui l' on fait une confidence, et plus souvent de celui en qui l' on a une entière confiance, et à qui l' on fait part de tous ses secrets.
   Un Auteur moderne done à confidence le sens de hardiesse, assurance. "Il faudroit plus que de la confidence pour oser célébrer Voltaire parmi les vrais enfans de Thalie. Trois Siècles. _ Il n' est pas usité en ce sens.
   CONFIDENCE est aussi une espèce de simonie, par laquelle on done un Bénéfice à quelqu' un, à la charge qu' il nous en laissera la disposition ou le revenu notre vie durant. Acad. Possession d' un Bénéfice sous le nom d' un aûtre, qui en a le titre sans jouir des fruits. Rich. Port. C' est aussi un crime de confidence de doner un Bénéfice, avec le pacte secret qu' on le remettra dans la suite à un aûtre.
   III. Confident se dit quelquefois des chôses inanimées. Les Poètes Érotiques apèlent les bois, les forêts, les déserts, leurs confidens. Il serait à souhaiter qu' ils n' en eussent pas d' aûtres.
   Chers confidens de mes peines secrettes.
Racine l' emploie plus noblement.
   Prêt à faire sur vous éclater la vengeance
   D' un geste confident de notre intelligence.
* Bourdaloue l' emploie, au propre, comme adjectif. "Prélat que ce Héros a distingué entre ses plus confidens amis. _ On ne le dit point de cette manière.

CONFIDENCIAIRE


CONFIDENCIAIRE, s. m. [L' Acad. écrit confidentiaire avec un t: ce t sent le latin: le c est plus français, ce mot venant de confidence. Pron. konfidenci-ère; 1re et 3e. lon. 4e è moyen et long.] Celui qui tient un Bénéfice par confidence.

CONFIDENTIEL


*CONFIDENTIEL, ELLE, adj. Mot employé, et peut-être inventé par M. Necker: Des discours confidentiels; par lesqueles on fait des confidences à quelqu' un. Si ce mot s' établit dans la Langue, on écrira confidenciel.

CONFIER


CONFIER, v. a. [Konfi-é; 1re lon. 3e é fer. l' i est bref devant la syll. masc. il est long devant l' e muet: il confie. _ Au futur et au conditionel: je confierai, je confierais, l' e est tellement muet, que le mot n' est que de trois syllabes, en vers. Plusieurs Poètes écrivent même confirai, confirais.] Commettre quelque chôse à la fidélité et au soin de quelqu' un. Confier un dépôt, un secret, une place, le gouvernement d' une Province, l' éducation d' un fils à quelqu' un, etc. _ Se confier, s' assurer, prendre confiance; se confier en la Providence, en la divine Bonté; en ses amis, en soi-même, en ses forces.
   Rem. L' actif et le réciproque difèrent, comme on voit, et par le sens et par le régime: confier à et se confier en. _ D' Olivet critique ce vers de Racine.
   Elle trahit mon Père, et rendit aux Romains
   La place et les trésors confiés en ses mains.
Il me semble, dit cet habile Gramairien, que confiés en ses mains n' est pas autorisé par l' usage. _ À~ la vérité, il ne faut pas être si rigide envers les Poètes; mais il faut du moins avertir de ne pas les imiter en prôse.

CONFIGURATION


CONFIGURATION, s. f. [Konfigura--cion, en vers ci-on; 1re lon.] Forme extérieure des corps, qui leur done une figûre particulière. Configuration des corps, des parties, etc. = Peut-on le dire d' un Royaume? Je ne le crois pas: "Toutes les fois que j' ai voyagé dans l' intérieur de la France, je n' ai pu me lasser d' admirer son heureuse configuration "La parfaite configuration d' un État assure sa prospérité, sa gloire, sa durée. Les Numéros. _ La parfaite configuration d' un État! Que veut dire l' Auteur? Je n' en sais rien; je ne le comprend pas.

CONFINER


CONFINER, v. a. et neut. CONFINS, s. m. pl. [Konfiné, con-fein; 1re lon. 2e lon. au 2d.] Confiner, actif, c' est réléguer dans un certain lieu. Confiner dans une prison, dans un Monastère, dans un désert, parmi des bêtes sauvages; se confiner dans une Province, dans une solitude.
   Se confiner aux lieux les plus cachés.
Neutre, régissant avec ou à; être situé proche les confins d' un Pays. "La France confine avec l' Espagne: "La Thrace confine à la Macedoine. Vaug. _ Le P. Barre le fait actif, et lui fait régir l' acusatif. "Ce Prince se retira vers Luntembourg, qui confinoit la Hongrie et l' Autriche. Hist. d' Al. c' est un faux régime.
   CONFINS, limites, extrémités d' un Pays. "Sur les confins du Royaume, de la Province. "Les confins d' un Diocèse, d' une Juridiction.

CONFIRE


CONFIRE, v. a. CONFIT, ITE, adj. [Konfire, fi, fite; 1re lon. 2e. lon. au 1er.] Je confis, nous confisons, ils confisent; je confisais; je confis; j' ai confit; je confirai; confis; que je confise; confisant; confit, confite. _ Plusieurs disent mal-à-propos, nous confissons, ils confissent, je confissois, etc. _ Acomoder des fruits avec du sucre ou du miel; ou avec du sel et du vinaigre. _ Confire des pêches, des abricots, des oranges, etc. des capres, des olives, des pimens, etc.
   CONFIT, ITE; abricot confit, poire confite, etc. = On dit, de certains fruits, qu' ils sont confits sur l' arbre, pour dire qu' ils sont extrémement mûrs, et cuits par le soleil. = Figurément et familièrement, confit en dévotion, rempli de dévotion; confit en malice, Rich. Plein de malice.
   Bien est-il vrai qu' il parlait comme un Livre,
   Toujours d' un ton confit en savoir-vivre.
       Ver-vert.

CONFIRMATIF


CONFIRMATIF, IVE, adj. CONFIRMATION, s. f. CONFIRMER, v. act. [1re lon. 4e lon. au 2d; dans le 3e le t se prononce comme un c; cion, en vers, ci-on.] 1°. Confirmer, c' est rendre plus ferme, plus stable; confirmatif se dit de ce qui confirme; confirmation, de l' action de confirmer. "Confirmer des privilèges; la confirmation d' une Sentence, Arrêt confirmatif; Lettres-Patentes confirmatives d' un Privilège.
   2°. Confirmer se dit, en ce sens, des opinions, des sentimens. Il fut confirmé dans ce dessein, par un évènement, etc. Ce miracle le confirma dans la Foi. Confirmation et confirmatif ne sont point en usage dans ce sens.
   3°. Doner de nouvelles assurances d' une chôse. Confirmer une nouvelle. Cela ne se confirme pas: on me l' avait confirmé. "Il faut atendre la confirmation d' une nouvelle si étrange. _ On pourrait dire aussi: des nouvelles confirmatives des premières. "Cela a besoin de confirmation, mérite confirmation.
   4°. Aporter de nouvelles preuves. "Il a confirmé cette vérité par de grandes autorités. "Voici un raisonement qui sera une confirmation de ce que j' ai avancé. "Preuve confirmative de ce qui a été dit jusqu' à présent.
   5°. Confirmer et Confirmation se disent du second des sept Sacremens de l' Église. C' est un tel Évêque qui l' a confirmé: il n' a pas été encôre confirmé. _ Recevoir la confirmation; et en parlant des Évêques, doner la confirmation.
   6°. Être confirmé, dans le sens du n°. 3°. régit la prép. par, et non pas de: Molière parlant de nouvelles, dit:
   Et du vieux Dom Louis les trouve confirmées;
Il faut, par le vieux Dom Louis, etc.

CONFISCABLE


CONFISCABLE, adj. CONFISCATION, s. f. CONFISQUER, v. a. [Konfiskable, ka--cion, ké: 1re lon. 3e dout. au 1er; é fer. au 3e.] Confisquer, c' est adjuger au fisc pour cause de crimes, de contravention confiscable, qui peut être confisqué; confiscation, action de confisquer. "On a confisqué tous ses biens; confiscation des biens, des marchandises prohibées. "Toute marchandise de contrebande est confiscable.
   Rem. Confisquer ne se dit qu' avec le régime direct. * Du Cerceau lui done pour 2d régime le datif. "Il se contenta de le condamner à une prison perpétuelle, et de lui confisquer ses biens. Hist. de Perse. Retranchez lui.
   CONFISQUÉ, au propre; biens confisqués, marchandises confisquées. Il ne se dit que des chôses. = Au figuré, il se dit des persones: C' est un homme confisqué, dont la santé est désespérée, ou la fortune ruinée.

CONFISEUR


CONFISEUR. Voy. CONFITURIER.

CONFIT


CONFIT. Voy. CONFIRE.

CONFITûRE


CONFITûRE, s. fém. CONFITURIER, IèRE, s. m. et fém. [1re lon. 3e lon. au 1er, 4e e muet au 1er, é fer. au 2d, è moy. et lon. au dern.] Confitûre se dit des fruits ou des racines confites au sucre, au miel, etc. "Confitûres sèches ou liquides. "Boite ou pot de confitûres. "Tourte de confitûres.
   CONFITURIER: suivant Ménage, il ne se dit que de celui qui vend des confitûres: suivant La Touche, l' Acad. Richelet, il se dit aussi de celui qui les fait. _ Confiseur n' a que ce dernier sens. On ne le dit que des Oficiers des maisons particulières. Pour les Marchands, on dit Confiturier. On dira d' un Marchand, c' est un excellent Confiturier, et d' un Chef d' ofice, c' est un bon Confiseur. "Il a un oficier qui est bon Confiseur. _ * Quelques-uns disent Confisseur, et le disent d' un Marchand Confiturier. C' est ainsi qu' on le dit en Province; et l' ortographe et la prononciation et l' emploi de ce mot sont également vicieux.
   Rem. On dit plus communément, à Paris, Marchand Confiseur, que Confiturier. Le premier est plus doux que l' aûtre, et il est plus autorisé par l' usage. MARIN.

CONFLAGRATION


*CONFLAGRATION, s. f. Grand embrâsement. Suivant La Touche, il n' a d' usage que dans le style sublime; la conflagration de l' Univers. Encôre, dit-il, peu d' Auteurs l' ont-ils employé. Il ne se troûve point dans le Dict. de l' Acad. _ Il est peut usité. Rich. Port.

CONFLANT


*CONFLANT, ou CONFLANS, s. m. Il y a plusieurs Villes en France qui s' apèlent Conflant, par corruption, au lieu de Confluent. Vaug. Un auteur moderne emploie ce mot pour des lieux hors de la France, et non pas comme nom propre de Ville, mais comme nom commun. "Ces deux rivières forment l' Euphrate de leur conflans... À~ peu de distance au-dessus du conflant, il y a un grôs Village. Missions du Levant. _ Il faut dire confluent. Vaugelas, Th. Corneille.

CONFLIT


CONFLIT, s. m. [On ne pron. point le t final.] Choc, combat. Au propre, il est vieux. On ne s' en sert plus qu' au figuré, en parlant des diférentes Juridictions, dont chacune veut s' atribuer la conaissance d' une afaire. Il y a souvent conflit de Juridiction entre le Présidial et le Grand-Prévôt.

CONFLUENT


CONFLUENT, s. m. CONFLUENTE, adj. fém. [Confluan, flu-ante; 1re et 3e lon. en a le son d' an.] Le subst. se dit de l' endroit où se joignent deux rivières. "Lyon est bâti au confluent du Rhône et de la Saone. Voy. CONFLANT. _ L' adj. est un terme de Médecine. Il se dit d' une petite vérole extrêmement abondante, et dont les grains se touchent.

CONFONDRE


CONFONDRE, v. a. [1re et 2e lon. 3e e muet.] Ce verbe a deux significations principales, bien diférentes l' une de l' aûtre. _ 1°. Méler, brouiller plusieurs chôses ensemble. Il régit la prép. avec: il ne faut pas confondre une chôse avec l' aûtre. Au passif, il a aussi ce régime: votre argent est confondu avec le mien. Il se dit aussi absolument: Dans le chaos, les élémens étoient confondus. = Dans un sens aprochant, il se dit des persones: Ne pas faire distinction entre une persone et une aûtre. "Il ne faut pas confondre l' innocent avec le coupable. "Vous confondez Rousseau le Poète, avec Rousseau de Genève. Vous atribuez à l' un ce qui a été dit de l' aûtre. = 2°. Convaincre, en causant de la honte. "Ce raisonement, ce fait a de quoi le confondre. = 3°. C' est aussi troubler, abatre, couvrir de honte. Dieu se plait à confondre l' orgueil des superbes, les vains projets des hommes. _ Vos louanges me confondent. Formule de Politesse.

CONFORMATION


CONFORMATION, s. f. CONFORMÉ, ÉE, adj. [Konforma-cion, en vers, ci-on; Konformé, mé-é: 1re lon. 3e é fer. aux deux derniers, long au féminin.] La conformation d' un corps et de ses parties, est la manière dont ils sont formés. "Conformation vicieuse des organes. "Cette maladie vient d' un vice de conformation. "Il est bien conformé, elle est mal conformée.

CONFORME


CONFORME, adj. CONFORMÉMENT, adv. CONFORMITÉ, s. f. [3e e muet dans l' adj. é fer. dans l' adv. quoiqu' il viène de conforme.] Qui a la même forme, qui est semblable, qui ressemble. "Cet ouvrage est conforme au modèle: "La copie est conforme à l' original: "Son habit n' est pas conforme à sa Profession: ses moeurs le sont encôre moins. = Conformément à... d' une manière conforme. "Vivre conformément à son état. "J' ai agi conformément à vos intentions. = Conformité est, 1°. Raport qu' il y a entre les chôses qui sont conformes. "Conformité d' humeurs, de sentimens, d' inclinations. _ Il régit de, avec, entre: La conformité de votre pensée avec la miène, me flate extrêmement. "Il y a une grande conformité entre l' un et l' autre. = 2° Soumission; conformité à la volonté de Dieu: il ne se dit qu' en cette phrâse, dans ce 2d sens.
   En conformité, adv. régit la prép. de. "J' ai agi en conformité de ce que vous m' avez mandé. _ Il se dit aussi absolument et sans régime. "Archidamus parla en conformité. Rollin. c. à. d. d' une manière conforme à ce qu' on avait dit avant lui. "J' ai agi en conformité.
   Rem. * Bossuet emploie conforme au lieu d' uniforme. Sous prétexte de rendre conformes les moeurs de ses sujets. Conforme ne s' emploie guère sans régime, excepté au Palais, où l' on dit, trois Sentences conformes.

CONFORMER


CONFORMER, v. act. Rendre conforme. Il régit la prép. à. Conformer sa vie, ses actions à la Doctrine de l' Évangile; ses sentimens à ceux d' un ami. _ Se conformer aux inclinations, à la façon de vivre de quelqu' un. _ Se conformer (se soumettre) aux ordres de la Providence.

CONFORT


*CONFORT, s. m. CONFORTATIF, IVE, adj. CONFORTATION, s. f. CONFORTER, v. act. Le premier est vieux; les aûtres se disent encôre, mais leur usage est fort borné. On dit, un remêde confortatif, qui fortifie; et substantivement, un confortatif. "Cela est bon pour la confortation des nerfs; cela conforte l' estomac, le cerveau. = Conforter, dans le sens d' encourager, est vieux. L' Acad. dit seulement qu' il vieillit. Il peut encôre trouver place dans le style badin ou critique.

CONFRATERNITÉ


CONFRATERNITÉ, s. f. CONFRèRE, s. m. CONFRÉRIE, s. f. [2e è moy. et long. au 2d, é fer. au 3e, dont la 3e est longue. _ Richelet écrit Confrairie ou Confrérie. Le dernier a prévalu. Le Dict. d' Ortogr. préfère le premier, parce que ce mot ne tire pas son origine de Confrère, mais de frairie. Et l' opinion et la raison qui l' apuie, sont peu solides.] Confrères sont ceux qui sont d' une même compagnie. Confraternité exprime cette relation entre confrères, cette qualité de confrère; et Confrèrie, la Compagnie des Confrères. C' est mon Confrère: nous sommes Confrères; de la même Confrérie. Je vous le pardone en considération de la confraternité.
   Rem. 1°. Confrère se dit particulièrement des persones associées pour quelque oeuvre de piété. On le dit aussi des persones d' un même corps. Les membres du Parlement, les Religieux et membres de quelques Congrégations de Prêtres séculiers, se traitent de Confrères. Confraternité se dit dans les deux sens. Confrérie ne se dit que dans le premier.
   2°. Confrère, Collègue, Associé. (Synon.) Les Confrères sont les membres d' un même corps, soit religieux, soit politique: Les Collègues travaillent à la même opération, soit volontairement, soit par quelque ordre supérieur: les Associés ont un objet commun d' intérêt. _ Le fondement nécessaire de l' union entre des Confrères, c' est l' estime réciproque; entre des Collègues, c' est l' intelligence; entre des Associés, c' est l' équité. Beauzée. _ Les Religieux ont des Confrères; les Consuls, Commissaires, Professeurs, etc. ont des Collègues; les Marchands ont des Associés, etc.
   3°. Confrère et Confrérie ne peuvent se dire des Anciens qu' en badinant. Ils ne paraissent point à leur place dans les Histoires des Grecs et des Romains. "Il exhorta les Athéniens à avoir compassion de leurs Confrères. ROLLIN. Concitoyens était là le terme propre. "Quand, en qualité de Sénateur, Catilina voulut prendre sa place, tous ses Confrères s' éloignèrent de lui. Vertot. J' aurais mieux aimé répéter le mot, Sénateurs. _ Rousseau, dans le style marotique et demi burlesque, a pu dire:
   Du vieux Zenon l' antique Confrérie
   Disoit tout vice être issu d' ânerie.

CONFRONTATION


CONFRONTATION, s. f. CONFRONTER, v. a. [1re et 2e lon.] Confrontation est l' action de confronter, de mettre en présence, les unes des aûtres, deux ou plusieurs persones, pour voir si elle conviendront de quelque fait dont il s' agit. On le dit sur-tout des témoins et des acusés. "Confronter les témoins à l' acusé. "Recolement et confrontation des témoins. = En parlant des chôses, comme des écritûres, des passages, etc. c' est les comparer ensemble. Confronter deux écritûres, deux étofes. Confronter la copie à l' original. Confrontation de deux écritures; confrontation des passages.

CONFUS


CONFUS, ÛSE, adj. CONFUSÉMENT, adv. CONFUSION, s. f. [Konfu, fûze, fuzéman, fuzion, en vers, zi-on: l' u est long dans le 2d seulement, 3e e muet au 2d, é fermé au 3e.] Confus est, 1°. ce qui est confondu, brouillé, mélé ensemble. Assemblage confus de chôses disparates; cris confus, bruit confus. = 3°. Pour les chôses de l' esprit; obscur, embrouillé. "Esprit confus, discours confus. = 3°. En parlant des persones; honteux, embarrassé: "Il a été tout confus d' être pris sur le fait. Il étoit confus de l' honeur qu' on lui faisoit. Je suis confus de vos bontés, etc. = 4°. Bruit confus, bruit incertain. "Il court un bruit confus.
   CONFUSÉMENT, d' une manière confuse. Il ne se dit guère que dans le premier et dernier sens de confus. "Tout est mis confusément dans sa maison. "J' en ai entendu parler confusément.
   CONFUSION est, 1°. un mélange confus. Tout est en confusion; ou il y a bien de la confusion dans son cabinet. _ 2°. Désordre, trouble dans les chôses morales. "Esprit de désordre et de confusion. "Dans des temps de confusion et de trouble. = 3°. Ignominie. "On lui a fait une grande confusion. = 4°. Honte, pudeur. "J' ai de la confusion de la peine que vous prenez. = 5°. En parlant de rubans, mauvais arrangement, assortiment sans goût. Une confusion de rubans. = 6°. En confusion, adv. Confusément, sans ordre; les troupes marchaient en confusion. _ Abondamment. "Vous y trouverez de tout en confusion. Voy. plus bâs, Rem. II.
   Rem. I. Confus, apliqué aux persones, régit quelquefois la prép. de: "Il se retira confus de sa méprise. _ Cet adjectif aime à suivre le substantif: en vers il peut précéder.
   Les Poètes, dont l' art, par une audace étrange,
   Sait du faux et du vrai faire un confus mélange.
       L. Rac.
  Au lieu de ces amas, de ce confus mélange,
  Variez les objets, ou que leur aspect change.
      De Lille Jardins.
   II. On dit, parler confusément d' un fait, d' un évènement. * Bossuet dit, en ce sens, parler en confusion. "Des faits, dont les Historiens ne parlent qu' en confusion. Cette locution n' est pas usité dans cette ocasion.
   À~ ma confusion, à sa confusion, expressions adverbiales: à ma honte, à sa honte. "Je dois le dire à ma confusion. "Il éprouva, à sa confusion, que, etc.

CONFUSIONER


*CONFUSIONER, v. act. Gasconisme. "Vous me confusionez, dit, dans certaines Provinces, quelqu' un à qui l' on done des louanges. L' expression est vicieûse et barbâre.

CONGÉ


CONGÉ; s. m. 1°. Permission d' aler, de se retirer. On dit doner congé, sans article; et ainsi, demander congé, avoir congé, prendre congé. _ Avec les pronoms possessifs mon, son, leur, il signifie renvoyer ou se retirer. "On lui a donné son congé; il a demandé, il a eu, il a pris son congé. _ 2°. En parlant des Écoliers, jour de congé est un jour où ils sont exemptés d' aler en classe. _ Congé se dit de quelques jours seulement, et vacances d' une suite considérable de jours de congé. = 3°. Prendre congé se dit quelquefois pour aler, avant que de partir, saluer les persones à qui l' on doit du respect, et prendre leurs ordres. Il part pour l' armée, il a pris congé du Roi; ou simplement, il a pris congé. En parlant des Ambassadeurs qui se retirent, on dit, prendre son audience de congé.

CONGÉDIER


CONGÉDIER, v. a. [1re lon. 2e et dern. é fer.] Renvoyer quelqu' un, lui doner ordre de se retirer. Il a congédié ses Domestiques; congédier des Troupes, un Ambassadeur, un importun, etc. Congédier une assemblée, la terminer.

CONGÉLATION


CONGÉLATION, s. f. CONGELER, v. a. [Konjélacion, en vers, ci-on, konjelé; 1re lon, 2e é fer. au 1er, e muet au 2d. devant l' e muet cet e devient moyen: il congèle.] Ces deux mots expriment l' action par laquelle le froid durcit les liqueurs. "L' eau est dilatée dans sa congélation. "Le froid congèle l' eau. "Il y a des poisons qui congèlent, qui coagulent le Sang. _ Se congeler; l' eau se congèle par le froid. _ Ces mots ne se disent que parmi les Savans.

CONGLUTINATION


CONGLUTINATION, s. f. CONGLUTINER, v. a. Ils expriment l' action par laquelle une chôse est rendûe gluante et visqueûse. "Poison qui conglutine le sang; la conglutination du sang, des humeurs. _ Ces mots ne sont pas du discours ordinaire: ils ne se disent que parmi les Savans.

CONGRATULATION


CONGRATULATION, s. f. CONGRATULER, v. a. Ces mots me paraissent vieux. On se sert de préférence de félicitation, féliciter. _ L' Acad. le met sans remarque, et se done la peine d' en citer des exemples.

CONGRÉGATION


CONGRÉGATION, s. f. CONGRÉGANISTE, s. m. et fém. [2e é fer. tion se prononce dans le 1er, comme cion, en prôse, et comme ci-on, en vers.] Le 1er a plusieurs sens: le 2d. n' en a qu' un seul. Congrégation, est, 1°. Corps de plusieurs persones vivant sous une même règle. Congrégation Séculière, régulière, d' hommes, de filles. _ Ordre, se dit plutôt des Réguliers, et Congrégation, des Séculiers. L' Ordre de St. Benoît; la Congrégation de l' Oratoire. Cependant, parmi les Réguliers, on le dit de certaines portions des Ordres, qui se sont réformées, ou séparées, et font un corps à part. Congrégation de St. Maur, des Feuillans, des Augustins Réformés, des Chanoines Réguliers, apelés la Congrégation de France. * Il enseigna la Théologie dans son Ordre avec un succès distingué. Dict. Hist. Art. Semelier, Prêtre de la Doctrine Chrétienne. Le mot n' est pas propre. = 2°. Certaines Confréries de Dévotion. L' Acad. ne le dit que de celles qui sont sous l' invocation de la Ste. Vierge; mais il y en a sous d' autres titres. Être de la Congrégation, fréquenter la Congrégation. = 3°. À~ Rome, Assemblée de Cardinaux et de Prélats, qui s' ocupe d' objets importans. Congrégation des Rites, du St. Ofice, de la Propagande, etc.
   CONGRÉGANISTE, ne se dit que dans la 2de acception: c' est un Congréganiste, une Congréganiste.

CONGRÉGER


CONGRÉGER, v. act. Vieux mot. "Que vous observiez ce pourquoi vous êtes assemblées et congrégées. St. Fr. de S. Le substantif Congrégation s' est conservé dans la Langue: le verbe Congréger s' est perdu.

CONGRèS


CONGRèS, s. m. [1re lon. 2e è ouv. et lon.] Assemblée de plusieurs Ambassadeurs pour traiter de la paix. Le Congrès de Cambrai, d' Utrecht, de Soissons, etc.
   Rem. Ce n' est pas un mot propre, pour désigner un Concile. "Les Orientaux retirés du Congrès Général de Sardique, s' assemblèrent à Philippopolis. Berault, Hist. de l' Église. À~ ne vouloir pas se servir du mot de Concile, il faut du moins employer celui d' Assemblée.

CONGRU


CONGRU, ÛE, adj. CONGRûMENT, adv. [2e lon. Autrefois on écrivait congruement.] L' adjectif ne se dit plus qu' au fém. et seulement avec grâce et portion. Pour le second, on dit aussi congrûe tout seul, et substantivement. La Portion Congrûe, ou la Congrûe, est la somme que les grôs Décimateurs sont obligés de payer aux Curés, qui n' ont pas d' autre revenu, ou qui n' en ont pas assez pour subsister. _ Hors de là, congru n' est plus d' usage, et c' est dommage. Il était plus énergique que convenable, en ce qu' il s' employait sans régime, au lieu que convenable, ne peut pas toujours être employé tout seul, et sans être acompagné du nom qu' il régit. _ * Autrefois, en Gramaire, on disait congru, au lieu de propre, en parlant des mots: "La diction doit être congrûe, et n' avoir rien d' impur, ni de barbâre. P. Rapin. Aujourd'hui on ne dit pas plus congru qu' impur: on dit propre et impropre. _ L' Acad. parle encôre, dans sa dernière édition, de diction congrûe. C' est un vieux article qui n' a pas été discuté. _ * On disait aussi anciènement qu' un homme était congru, quand il parlait à propos; et qu' un écolier était congru, quand il composait son thême sans faûte. Tout cela est du vieux langage, et presque du gaulois.
   CONGRûMENT, d' une manière congrûe. Parler sa langue congrûment: Acad. Il est vieux en ce sens: on dit pûrement, correctement. On dit encôre, parler d' une afaire congrûment, avec netteté, avec capacité. _ Corneille dit, dans la suite du Menteur:
   Et quand nous en parlons, nous parlons congrûment.
Il le prend, dans ce vers, au premier sens. On le pourrait encôre dire dans une Comédie et dans le style badin.

CONJECTURAL


CONJECTURAL, ALE, adj. CONJECTURALEMENT, adv. [2e è moy. 5e e muet. dans la 6e, en a le son d' an.] Conjectural, est ce qui n' est fondé que sur des conjectûres. "Un art conjectural; science conjecturale, comme est, par exemple, la Médecine. "Parler d' une chôse conjecturalement, c' est n' en parler que par conjectûre.

CONJECTûRE


CONJECTûRE, s. f. CONJECTURER, v. a. et n. [2e è moy. 3e lon. au 1er.] Conjectûre, est un jugement probable, qui n' est fondé que sur des vraisemblances. Conjecturer, juger par conjectûre. "Forte, puissance ou foible, légère, vaine conjectûre. "Tirer une conjectûre de... Apuyer une conjectûre sur. "Cet Art n' est fondé que sur des conjectûres et des probabilités. _ De ses démarches, de son régime, je conjectûre sa perte. _ Je conjectûre de là que..... Conjecturer de l' avenir par le passé, etc.
   Rem. 1°. Bien des gens, et des Écrivains même, emploient conjectûres pour conjonctûres. Ce sont des mots, qu' il ne faut pas confondre, et qui ont des significations fort diférentes. Cette méprise se rencontre souvent dans la Traduction de l' Hist. d' Angleterre d' Hume, peut-être par un defaut d' attention de la part de l' Imprimeur.
   2°. On dit, avoir des disputes, et faire des conjectûres sur: * L' Ab. de Houteville emploie mal-à-propos le verbe avoir pour l' un et pour l' autre. "C' étoit la grande année astronomique, sur laquelle les anciens ont eu tant de conjectûres et de disputes. _ Dites, ont fait tant de conjectûres, et ont eu tant de disputes. _ On ne dit point faire conjecture de, sans article, pour soupçoner.
   Non que de ma naissance il fasse conjectûre.
       Héraclius.

CONJOINDRE


CONJOINDRE, v. a. CONJOINTS, s. m. pl. [Kon-joein-dre, joein; 1re et 2e lon.] Joindre à..... Joindre ensemble. On faisait aûtrefois un grand usage du verbe. "l' Église a conjoint ces sortes de faits à la caûse de la Foi. Bossuet. On dit aujourd'hui joindre, et conjoindre ne se dit que du mariage. Conjoindre par mariage. Il ne faut pas que l' homme sépare ce que Dieu a conjoint. _ Conjoints, terme de Pratique: le mari et la femme. "Les conjoints; les futurs conjoints. _ On ne le dit point au singulier. On dit, un des futurs conjoints, l' un des conjoints, et non pas un conjoint, un futur conjoint.
   REM. Conjoint, adj. masc. est l' épithète que M. de Wailly done aux pronoms possessifs, que d' autres Gramairiens, et le plus grand nombre, apèlent absolus; mon, ton, son, sa, leur, notre, votre, etc. Il les nome Conjoints, parce qu' ils sont toujours joints à un nom substantif; mon père, ton frère, sa mère, leur soeur, etc.

CONJOINTEMENT


CONJOINTEMENT, adv. [Kon-joein--teman: 1re et 2e lon. pénult, e muet: en a le son d' an.] Ensemble, de concert, l' un avec l' aûtre. "Agissons conjointement en cette afaire.
   Rem. Cet adverbe régit la prép. avec. Mde. de B... Hist. d' Angl. lui fait régir la prép. à. "Édouard noma le Primat conjointement à Reginald de Grey, tuteur du Prince. "Les Évêques, conjointement aux Aldermans ou Comtes, les présidoient. C' est un anglicisme, et pour le régime, et dans la 2de phrâse, pour la construction; car, conjointement doit être placé après le verbe: les Évêques les présidaient, conjointement avec les Aldermans.

CONJONCTIF


CONJONCTIF, IVE, adj. Terme de Gramaire, pronoms conjonctifs, particules conjonctives.
   I. Les pronoms conjonctifs, sont ceux qui se mettent ordinairement pour les câs des pronoms personels. On leur done ce nom, parce qu' ils sont toujours joints à quelques verbes, dont ils sont le régime. _ 1°. Ceux de la 1re pers. sont, me et nous; de la 2e, te et vous; de la 3e, lui, le, la, les, leur, se. _ Il y en a deux qui conviènent aux 3es persones, savoir, en, et y. = 2°. Cinq de ces pronoms servent pour le datif et l' accusatif; me, te, se, nous, vous; trois ne se mettent que pour le datif, lui, leur, et y; trois ne se mettent que pour l' acusatif, le, la, les. Enfin, en est au génitif ou à l' ablatif. = 3°. On substitûe ces pronoms conjonctifs aux personels, parce que, parmi ceux-ci, il y en a, qui ne peuvent se dire que des persones, et que les pronoms conjonctifs; qui y répondent, ou se disent également des persones et des chôses, ou ne se disent que des chôses. _ Je, moi et nous; tu, toi et vous; lui, eux, tant au nominatif qu' aux aûtres câs; et les câs d' elle et elles, hors le nominatif, tous ceux-là se raportent toujours à des persones, ou à des chôses personifiées. Il, ils, elle, elles, au nominatif, se disent indiféremment des persones et des chôses: voilà pour les pronoms personels. _ À~ l' égard des conjonctifs, me, nous; te, vous, ils ne doivent se raporter qu' aux persones; lui, leur, se disent ordinairement des persones, et en quelques ocasions, des chôses: le, la, les, se et en, se disent également des chôses et des persones; y, ne se dit ordinairement que des chôses. Voy. ces pronoms, chacun à leur place, dans l' ordre alphabétique.
   II. CONJONCTIF, s. m. * C' est de ce nom que quelques Gramairiens apèlent le mode subjonctif des verbes. Nous avons conservé l' ancien nom, commun aux Gramaires de toutes les Langues de l' Europe. Pourquoi changer d' anciens noms auxquels tout le monde est habitué, pour en substituer de nouveaux, auxquels on a de la peine à se faire. Ces innovations ne sont bones qu' à brouiller les idées.
   III. Particules conjonctives, sont celles qui ont la force de conjoindre: ET, NI, sont des particules conjonctives. Leur principale propriété est, en liant les membres des phrâses, de faire observer le même ordre de phrâse, par raport aux articles et prépositions, dans chacun d' eux. Voy. ET, NI.

CONJONCTION


CONJONCTION, s. f. [Konjonk-cion, en vers, ci-on; 1re et 2e lon.] 1°. Union. Conjonction par mariage. En ce sens, il ne se dit que dans cette ocasion. = 2°. Conjonction des planètes, se dit de la rencontre de deux planètes dans le même point de quelque signe. La conjonction de la lune; la lune en conjonction.
   3°. CONJONCTION, en Gramaire, se dit des particules qui lient les mots, ou les parties du discours: Car, parce que, mais, etc., sont des conjonctions.

CONJONCTûRE


CONJONCTûRE, s. f. [3 longues et un e muet.] Ocasion, rencontre d' afaires; circonstances, disposition où se troûvent plusieurs chôses en même temps. "Heureûse, favorable; ou, fatale, funeste conjonctûre. "Dans les diférentes conjonctûres de la vie. _ Voy. CONJECTûRE.

CONJOUIR


*CONJOUIR (se), v. réc. CONJOUISSANCE, s. f. [Kon-jou-i, i-sance.] Se réjouir avec. "Se conjouir avec quelqu' un, de quelque chôse d' heureux, qui lui est arrivé. "Compliment de conjouissance. Les quatre Seigneurs nous firent, le lendemain, des conjouissances sur la bonté de notre remède. Lett. Édif. = Le substantif vieillit, et le verbe est tout-à-fait vieux. Il serait à souhaiter qu' on les rajeunît, car ils seraient utiles: ils expriment ce que féliciter et félicitation ne rendent pas si bien; et il sont plus français que congratulation et congratuler.

CONIQUE


CONIQUE, adj. [Konike; dern. e muet.] 1°. Qui a la figûre d' un cône: miroir conique, cadran conique. = 2°. Qui apartient au cône: sections coniques.

CONJUGAISON


CONJUGAISON, s. f. CONJUGUER, v. a. [Konjughè-zon, jughé; 3e è moy. au 1er, é fer. au 2d.] Conjuguer, c' est doner à un verbe les diférentes inflexions et terminaisons qu' il doit avoir, selon les temps et les modes. Conjugaison, est la manière de conjuguer. = Déclinaison et décliner, se disent des noms et des pronoms; conjugaison et conjuguer, des verbes.

CONJUGAL


CONJUGAL, ALE, adj. CONJUGALEMENT, adv. [4e e muet; dans la 5e, en a le son d' an: galeman.] Qui concerne l' union de l' homme et de la femme par un légitime mariage. "Lien, amour, devoir conjugal; afection, foi conjugale. _ Vivre conjugalement. = Conjugal, même en vers, suit toujours le nom qu' il modifie.
   _ Si Dieu daigne écouter un conjugal amour.
       Polîeucte.
L' inversion est dûre et sauvage.

CONJURATEUR


CONJURATEUR, s. m. CONJURATION, s. f. [1re lon. Dans le 2d, tion, a le son de cion, en prôse, et de ci-on, en vers.] Suivant La Touche, le mot de Conjurateur n' est bon que pour signifier le prétendu magicien, qui conjûre par de certaines paroles. Aûtrement on doit dire Conjuré. _ L' Acad. avait d' abord aprouvé Conjurateur, dans ce dernier sens; dans les éditions suivantes, elle se contenta de dire qu' on dit plus souvent les Conjurés que les Conjurateurs: dans la dernière, elle aprouve celui-ci, pour signifier celui qui forme, qui conduit une Conjuration. Dangereux Conjurateur.
   CONJURATION, est, 1°. une conspiration, un complot, contre l' État, contre le Prince. "Faire, former, tramer une conjuration. = 2°. Il se dit des paroles dont on se sert pour conjurer le démon, la tempête, etc. "La Pythonisse, par ses Conjurations, évoqua Samuel. 3°. Ce mot, pour exprimer des prières instantes, n' est guère en usage. "Il s' est rendu à toutes les conjurations de ses amis. L' Acad. n' en parlait point dans ce sens. Dans la dern. édit. elle le met sans remarque: "Il se rendit aux pressantes conjurations qu' on lui fit.

CONJURÉS


CONJURÉS, s. m. pl. CONJURER, v. a. [L' u est bref devant la syll. masc., mais devant l' e muet, il est long: je conjûre, il conjûrera, etc.] Conjurer, signifie, 1°. prier instamment. Je vous conjûre de le faire; je vous en conjûre. = 2°. Chasser avec certaines paroles ou charmes, la tempête, la peste, la fièvre. C' est un terme introduit par la superstition. _ Il est beau au figuré: Conjurer la tempête, détourner par prudence un malheur, dont on est menacé. = 3°. Former un complot contre l' État, contre le Prince. _ En ce sens, il est ordinairement neutre: Catilina conjura contre la République, Cinna contre Auguste. = Quelquefois il est actif. Par exemple, conjurer la ruine de sa patrie. _ On dit par extension, conjurer contre quelqu' un, conjurer sa perte.
   CONJURÉS, ne se dit que dans le dernier sens de conjurer. Pour le second, on dit Conjurateur. "On se saisit des Conjurés. _ On ne le dit qu' au pluriel. Au lieu de dire, un Conjuré, il faut dire, un des Conjurés.
   Rem. Neuville fait régir à conjurer (n°. 3°.) la prép. à devant l' infinitif. "Que d' énemis conjûrent à nous l' enlever (l' innocence): c' est le régime de conspirer: mais avec ce régime, conspirer n' a pas tout-à-fait le sens de conjurer; il signifie plutôt concourir, contribuer à: tout conspire à me faire périr. _ Le même Orateur done au participe de conjurer, la prép. à, pour régime devant les noms. "Tant d' énemis, conjurés à sa perte. _ Je crois que ces deux régimes peuvent être utiles dans l' ocasion.

CONNÉTABLE


CONNÉTABLE, s. m. et f. CONNÉTABLIE, s. f. [2e é fer. 4e lon. au 2d.: Conétable, tabli-e.] Connétable, est le nom d' une anciène charge de la Courone, la première dans le Militaire, et au-dessus de celle des Maréchaux de France. Le Connétable de Montmorenci, de Luines, etc. "Le Roi le fit Connétable, lui dona l' épée de Connétable _ S. f. On apelait la femme du Connétable, Mde la Connétable. "La Connétable de Montmorenci, belle-mère du Prince de Condé. Hénaut.
   CONNÉTABLIE, Juridiction des Maréchaux de France. Siège de la Connétablie, Mandement de la Connétablie.

CONNEXE


CONNEXE, adj. CONNEXION, s. f. CONNEXITÉ, s. f. [Konèk-ce, nèk-cion, en vers, cion, nèkcité; 2e è moy.] Ces mots expriment la liaison que les chôses ont les unes avec les aûtres. Ils ne sont pas du discours ordinaire. Le 1er ne se dit qu' au Palais; matières connexes: les aûtres ne sont usités que parmi les Savans: On ne voit pas la connexion de ces deux idées, de ces deux propositions. "Il y a une grande connexité entre la Morale et la Jurisprudence.
   Rem. 1°. Connexion, ne se dit point au pluriel, ni au singulier même, dans le langage commun. Le Traducteur d' un Manifeste de l' Impératrice de Russie, lui fait dire, que ses connexions avec le plus grand nombre des Princes de l' Empire, lui ont fait une loi de ne rien omettre pour prévenir un éclat dangereux. _ On dit, ses liaisons.
   2°. CONNEXITÉ, régit la prép. avec. Quelques Auteurs, sur-tout au Bârreau, lui font régir la prép. à: "Un droit, qui n' a aucune connexité au spirituel. Caûses Célèbres. C' est un faux régime: il faut dire, avec le spirituel.

CONIL


*CONIL, CONILLER, sont vieux. Le 1er se disait pour lapin; le 2d, pour chercher des subterfuges, des échapatoires, qu' on apelait conillières.

CONNIVENCE


CONNIVENCE, s. f. CONNIVER, v. n. [Konivanse, konivé; 3e lon. au 1er, é fer. au 2d.] Conniver, c' est participer, en dissimulant, à un mal qu' on peut, et qu' on doit empêcher. Connivence, est donc la complicité, par tolérance et dissimulation, d' un mal, etc. "La connivence des Magistrats, d' un père à l' égard de ses enfans. "Conniver aux désordres: conniver ensemble: conniver avec un aûtre, pour tromper, etc.

CONNOISSABLE


CONNOISSABLE, ou CONAISSABLE, adj. CONNOISSANCE, ou CONAISSANCE, s. f. [Konè-sable, sance; 2e è moy. 3e. dout. au 1er, lon. au 2d.] Conaissable, qui est aisé à conaître. Il se dit ordinairement avec la négative. "Il n' est pas conaissable, tant il est changé.
   CONAISSANCE, est, 1°. Idée, notion qu' on a de quelque chôse. N' avoir aucune conaissance d' une afaire. "Cela est de ma conaissance, est venu à ma conaissance. = 2°. Fonction des facultés de l' âme. Il a perdu toute conaissance; il est sans conaissance: elle a eu, conservé toute sa conaissance jusqu' au dernier moment. = 3°. Habitude qu' on a avec quelqu' un. "Il est de ma conaissance: ce n' est pas un ami, ce n' est qu' une conaissance. Faire nouvelles conaissances: être en pays de conaissance, où l' on conaît ceux qui y sont, et où l' on est conu. = On le dit figurément, relativement aux sciences. Cet homme est universel; dans quelque société de Savans qu' il se trouve, il est en pays de conaissance.
   Rem. I. Conaissance, ne se dit au pluriel, que quand il se dit des persones, ou qu' on parle de science.
   On prend pour des amis, de simples conoissances;
   Et, que de repentirs suivent ces imprudences!
       Gresset.
"Cet homme a de grandes conaissances: il est fort savant.
   II. On dit, prendre conaissance de, sans article. "Il a voulu prendre conaissance de cette afaire. * Bossuet dit, prendre la conoissance: "Le Pape, ému des clameurs qu' excitoit dans toute l' Église la doctrine de Luther, en avoit pris la conoissance. Retranchez la.
   III. On dit aussi, sans article, faire conaissance avec; et avec l' article, faire la conaissance de: "Ce Milord y avoit fait conaissance d' une femme de qualité. Ann. Litt. Je pense qu' il faut dire, y avait fait la conaissance d' une femme de qualité, ou, y avait fait connaissance avec, etc.
   IV. Parler en conaissance de cause, et agir avec conaissance de cause, montrent encôre une diférence dans l' expression, quoique le sens soit le même. On dit, en conaissance de, avec le verbe parler, et avec conaissance, quand on emploie le verbe agir.
   V. Avoir une grande conaissance des tableaux, des pierreries, des livres, de l' histoire, etc., s' y conaître parfaitement.
   VI. Plusieurs disent adverbialement, à ma conaissance, à sa conaissance: "Il dit qu' il étoit d' autant plus nécessaire de continuer le même nombre de troupes, qu' à sa conoissance, le Papisme faisoit des progrès considérables dans les campagnes. Targe, Traduct. de Smollet. "Persone, à sa conaissance, n' a jamais contrefait des lettres de... Anon. _ On dit, de sa conaissance, comme si l' on disait, il n' est pas de ma conaissance que, etc.

CONNOISSANT


*CONNOISSANT, ANTE, adj. verbal, employé par Bossuet. "Quelque connoissant que soit un être, etc. "Il faut établir la correspondance entre la chose connue et la chose connoissante. _ Ce mot ne se dit qu' au Palais. Estimation faite par gens experts, et à ce connoissans. Ferrière. Par experts, et gens connoissans. Id.

CONNOISSEMENT


CONNOISSEMENT, ou CONAISSEMENT, s. m. (Commerce Maritime.) Déclaration des marchandises qui sont dans un vaisseau, de ceux à qui elles apartiènent, etc. "On ne trouve sur ce vaisseau, ni Coinnoissement, ni passeport.

CONNOISSEUR


CONNOISSEUR, ou CONAISSEUR, s. m. [Konè-ceur; 2e è moy.] Celui qui se conait à quelque chôse. "C' est un grand conaisseur en tableaux; un bon conaisseur en chevaux. Rien n' est si redoutable pour les Auteurs, que la foule des prétendus Conaisseurs. "Ceux qui n' osent s' apeler Connoisseurs, se disent Amateurs.
   On dit aussi au fém., Conaisseûse: elle est Conaisseûse en diamans, etc.

CONNOîTRE


CONNOîTRE, ou CONAîTRE, v. act. [Konêtre; 2e ê ouv. et long.] Je connois, ou, je conais; nous connoissons, ou, conaissons: ils connoissent, ou, conaissent. Je connoissois, je connus, j' ai conu, je connoitrai, connoitrois: connois, que je connoisse, je connusse, connoissant, connu. _ 1°. Avoir une notion d' une chôse, ou d' une persone. Conaitre le bien et le mal. Je conais bien cet homme, je le conais parfaitement; Je ne conais l' aûtre que de nom et de vûe. = 2°. En parlant des chôses, s' y entendre, en avoir une grande pratique. "Conaitre le monde, la cour; les tableaux, les pierreries, les bons livres, etc.; et avec le pronom personel, s' y conaitre, se conaitre en tableaux, etc. = 3°. En parlant des persones, avoir quelque liaison, quelque habitude avec.... Je ne conais aucun de vos Juges. Il conait tout le monde; je vous le ferai conaitre. = 4°. Discerner les objets: "La nuit étoit si noire que l' on ne pouvoit conaitre persone: "Je le conaitrais entre mille. = 5°. Sentir, éprouver. Je ne conais point la migraine. "Les Sauvages ne conaissent point la gravelle. Les anciens ne conaissaient point la petite vérole. En ce sens, il ne se dit qu' avec la négative. = 6°. Neutre, régissant l' ablatif: Avoir autorité de juger en certaines matières: "Ce Juge conait des matières civiles et des criminelles: "il en conait en première instance. = 7°. Il s' emploie aussi neutralement, dans son sens ordinaire. "L' art de conaitre contribûe plus qu' on ne pense à l' art de jouir. Cerutti. _ On sous-entend de conaitre les chôses, de jouir des chôses, etc.
   Rem. I. Conaître ne régit pas l' infinitif sans prép. excepté peut être avec les verbes être et avoir, précédés de la conjonction que: * "Je n' ai pas conu peu de persones m' avoir avoué apréhender plus la disette de tabac que de pain. Du Plaisir. Cette phrâse a un air sauvage. _ L' infinitif fait mieux dans la suivante. "Ne recevoir jamais aucune chôse pour vraie, qu' on ne la conoisse être telle. Descartes. "Je ne conois persone avoir plus d' esprit que lui. Anon.
   II. Ce verbe a quelquefois pour 2d régime le datif de la persone. "Je lui conais deux campagnes et trois maisons. Elle lui conaissait une humeur sévère. "Toutes les fois qu' on conait à l' État des besoins extraordinaires, on est tenté de raporter à cette idée toutes les opérations de Finance du Gouvernement. Necker.
   III. Conaitre, se dit des chôses du temps présent, relativement à celui qui parle, et non d' un temps éloigné sous ce raport. On ne dit pas: nous conaissons, nous avons conu César et Pompée, à moins qu' on n' ajoutât par l' histoire. On ne doit donc pas dire, comme Raynal (Hist. du Parl. d' Angl.) "Quand on conoit l' humeur de Guillaume (le Conquérant) et le caractère des Anglois, on n' est pas étonné que cette confiance réciproque qui faisoit la tranquillité comune, ait cessé. Il falait dire: quand on réfléchit sur, etc. ou, quand on considère ce que l' Histoire nous aprend du caractère, etc.
   IV. Doner à conaitre, régit l' indicatif, quand le sens est afirmatif: "Il donait à conaitre qu' il étoit lâs des grandeurs et fatigué des plaisirs. Miss. du Lev. _ Mais quand la phrâse est négative, ou interrogative, on emploie le subjonctif. "Je ne donai pas à conaitre que je voulusse soutenir cette prétention. "A-t-il doné à conaitre qu' il prétendît à cette place?" _ Faire conaitre, est dans le même câs. "* La Société ne m' a pas fait conaitre qu' elle vouloit examiner l' afaire. Leibnitz. Il falait, qu' elle voulût.
   V. Pour les noms, faire conaitre, régit à, et être conu, gouverne de. "Je le ferai conaitre au Prélat: Il est conu du Ministre. *Plusieurs Auteurs ont employé un régime pour l' aûtre. "M. du Terron le fit conaitre de (à) M. de Seignelai. Font. "Cette égalité si judicieûse est peu conue aux Historiens. P. Rapin. "Ils verront des chôses qui n' étoient conues qu' aux Dieux Immortels. Bouh. Pens. Ing. "On lui fait dire à ses soldats que bientôt ils verroient des chôses, qui n' étoient conûes qu' aux Dieux Immortels. Linguet. C' est la même phrâse que celle de Bouh. _ Je crois que des, dans ces phrâses, aurait mieux valu que aux. L' usage fait dire, inconu à et conu de. _ Cependant, avec les pronoms personels, ce datif fait fort bien. "Cela m' est conu, ce nom ne m' est pas conu. "D' où savez-vous, Monsieur, que ce mot leur ait été conu du temps de Saül, et comment une idée si bisârre vous est-elle venûe à l' esprit? L' Ab. Guénée à M. de Voltaire.
   VI. Se conaitre, est tantôt réciproque actif: Il faut savoir se conaitre (soi-même.) Cet homme ne se conait pas; l' orgueil lui fait oublier ce qu' il est; ou bien, il ne se possède pas, la passion le met hors de lui. _ Tantôt il est réciproque neutre: "Il s' y conait, il se conait en tableaux, etc. "Nous nous conaissons tous si bien en orgueil, que persone ne saurait nous faire un secret du sien.
   Autant que je puis voir, et que je m' y conais,
   Mon Maître est honnête homme, à quelque chôse près.       Gress.
VII. Conu, employé adjectivement: Homme conu, femme conûe. Il est conu comme le loup blanc, etc. * Aûtrefois on disait, rendre conu, ou reconu. Le 1er plaisait à Malherbe, l' un et l' aûtre déplaisait à Balsac. "Quelle sorte de langage est-ce, disait-il: je veux vous rendre ce Cavalier conu, cette Dame conûe, pour dire, je veux vous les faire conoitre., je veux vous en doner la conoissance? Est-ce une façon de parler poétique? ou plutôt n' est-ce pas une nécessité de la rime? n' est ce point quelque reste de collège? On peut dire, se rendre célèbre; se rendre illustre, mais on ne dit point se rendre conu. Cela sent le pays Latin: notum reddere, que Ménage croyait avoir lu dans quelque Auteur Latin.
   VIII On dit d' un homme, qu' il ne conait persone, pour dire qu' il n' a point d' égards, ni de considération pour qui que ce soit. "Dès qu' il est question d' intérêt, il ne conait plus persone. "Depuis qu' il est devenu Grand Seigneur, il ne conait plus ses amis. _ Ne conaitre point de supérieur, de maître: n' en avoir point, ou n' en point reconaitre. _ On dit, proverbialement, dans le même sens, d' un libertin, qu' il ne conait ni Dieu, ni diable.

CONQUE


CONQUE, s. f. Grande coquille concave. "On voyoit dans ce tableau Vénus portée dans une conque. _ On done aussi ce nom à des coquilles en spirale, dont, suivant la fable, les Tritons se servaient comme de trompettes.

CONQUÉRANT


CONQUÉRANT, s. m. *CONQUÉREUR, s. m. [2e é fer. 3e lon. au 1er, dout. au 2d.] Qui a conquis beaucoup de pays, qui a fait beaucoup de conquêtes. "Alexandre a été un grand Conquérant. * L' on disait autrefois, Conquéreur de plusieurs Empires.. _ Il n' y a plus que le premier de ces mots qui soit en usage, a dit, depuis long-temps, Vaugelas; et la décision de cet illustre Gramairien a été toujours plus confirmée. Conquéreur, dans un ouvrage sérieux, serait un vrai barbarisme. Il ne peut être bon que pour le style marotique et burlesque. _ Il, ou elle, a l' air Conquérant, se dit dans le style familier, d' un homme, d' une femme, qui ont plus d' agrément, qui sont plus parés qu' à l' ordinaire.
   Rem. Richelet écrit Conquerir, Conquerant, sans accent; mais l' e est fer. et non pas muet: il faut donc le marquer d' un accent aigu; et c' est ainsi que l' écrit l' Acad. et tous les Dictionaires, et tous les Auteurs.

CONQUÉRIR


CONQUÉRIR, v. a. [Konkéri: 1re lon. 2e é fer. _ Des Auteurs, ou peut-être leurs Imprimeurs, écrivent conquêrir avec l' acc. circonfl. aparemment, parce que conquête a cet accent. C' est une faute grossière: l' e de conquête est ouv. et long; celui de Conquérir est fer. et bref. Cette diférence essentièle doit en mettre une décidée dans les accens.] _ Conquérir se conjugue comme Acquérir; mais il n' a guère d' usage qu' au prétérit et aux temps composés: je conquis, j' ai conquis, j' avois conquis, etc. Conquérir, c' est aquérir par les armes: Conquérir une ville, un pays, une Province, un Royaume. Alexandre conquit toute l' Asie. Les Romains conquirent tout l' Univers alors conu.

CONQUêT


CONQUêT, s. m. CONQUêTE, s. f. [1re lon. 2e ê ouv. et long, 3e e muet.] Conquêt, est un terme de Pratique; Il se joint toujours avec acquets, et s' emploie au pluriel. Dans plusieurs Coutumes, la femme a sa part dans tous les acquets et les conquets, c. à. d. dans toutes les aquisitions et accroissemens de biens et de fortune, faits durant la communauté entre le mari et la femme. "À~ proprement parler, on entend par conquêt, un immeuble, dont l' aquisition a été faite par deux persones, au lieu que, par aquêt, on entend un immeuble, dont l' aquisition a été faite par une seule persone. Ferrière.
   CONQUêTE, est tout à la fois l' action de conquérir, et la chôse conquise. Faire des conquêtes, faire la conquête d' un Pays. "Belle, grande, glorieûse conquête. Pays de conquête. = On dit, proverbialement, vivre comme dans un pays de conquête; c. à. d. à discrétion. = En style figuré, on dit la conquête des coeurs. Cette beauté fait tous les jours de nouvelles conquêtes.

CONQUêTER


*CONQUêTER, v. a. est aujourd'hui entièrement hors d' usage. Dans les Réflexions sur l' usage présent de la Langue, qui est déja un usage un peu ancien, on dit que beaucoup de gens trouvent ce mot vieux, mais qu' il y en a d' aûtres, qui croient qu' on peut s' en servir, et même avec grâce. On y cite le P. Rapin. "Alexandre n' avoit point encôre conquêté la moitié du monde. _ On aurait pu citer aussi Malherbe:
   Quelle moins hautaine espérance
   Pouvons-nous concevoir alors,
   Que de conquêter à la France
   La Propontide en ses deux bords.
   Mais Malherbe et le P. Rapin même ne sont point des autorités à citer pour l' usage présent de la langue, qui a reprouvé conquêter, ainsi que l' Acad. _ Dès 1704, on disait dans Trév., que ce mot était un peu vieux. Aujourd'hui il est entièrement suranné, et l' on ne peut plus s' en servir que dans le comique et le marotique.

CONSACRANT


CONSACRANT, adj. et s. m. CONSACRER, v. a. [3e lon. au 1er, é fer. au 2d.] Consacrant se dit de l' Évêque, qui sacre un autre Évêque: l' Évêque consacrant, ou le Consacrant: "Cranmer dit la Messe, suivant la coutume, avec son consacrant. Boss. _ On dit aussi, Consécrateur, et celui-ci est aujourd'hui plus usité. _ Consacrer, c' est, 1°. Dédier à Dieu avec certaines cérémonies: Consacrer une Église, un Autel, un Calice: Elle consacre sa virginité à J. C. se consacra à Dieu, au service de Dieu. = 2°. Doner, dévouer à Dieu, sans aucune cérémonie: "il a consacré à Dieu le reste de sa vie. = 3°. Dévouer, destiner. Consacrer sa jeunesse, sa vie à l' étude, à la guerre, au barreau. Consacrer à quelqu' un son temps, ses veilles, ses soins. _ Il régit en ce sens, quelquefois la prép. à et l' infinitif. "J' ai consacré cette somme à augmenter ma bibliothèque. Trév. = 4°. Prononcer les paroles sacramentelles sur le pain et le vin, etc. Ce Prêtre a consacré un grand nombre d' hosties.
   Rem. Consacrer se dit, au figuré, des chôses dans le mode passif. "Cette solitude est consacrée à la douleur; cette somme a été consacrée au soulagement des pauvres, à secourir les malades. = Consacrer~ des lois et des usages, les rendre sacrés, respectables, inviolables. "Tu veux suivre les lois et les usages que le vulgaire a consacrés sous le nom de l' honeur. Jér. Déliv.
   Termes consacrés. On apèle ainsi des termes, des expressions, qui ne sont bons qu' en certains endroits et en certaines ocasions, comme, consubstantiel, dépouiller le vieil homme, combattre les combats du Seigneur, être selon son coeur, etc. Voy. COEUR, COMBAT, etc.
   Que tes citations soient courtes et serrées!
   Et n' en change jamais les phrâses consacrées.
       Villiers.
Le P. Bouhours, dans la Préface de sa Traduction du Nouveau Testament, dit qu' il n' a jamais pris la liberté de donner, sans nécessité, un aûtre tour à ces hébraïsmes, qui étaient ordinaires aux Apôtres, lors même qu' ils parlaient en grec, comme, fils de perdition, enfans de lumière, abomination de la désolation, portes de l' enfer, vâse d' élection, vâse de colère, enfans de ténèbres, homme de péché, etc. etc., et semblables expressions, qui sont comme consacrées, et qui perdent souvent beaucoup de leur force, quand on veut les exprimer en d' aûtres termes, ou par périphrâse.

CONSANGUIN


CONSANGUIN, INE, adj. CONSANGUINITÉ, s. f. [Konsanghein, ghine, gui-nité: l' u se prononce dans le dernier; il est muet dans les deux premiers, et n' y est mis que pour doner au g un son fort, qu' il n' a pas devant l' i.] Consanguin, se dit des frères et des soeurs qui ont le même père, par distinction des utérins, qui sont de la même mère et d' un père diférent. _ L' Acad. ne le met que masc.: frère consanguin: on dit pourtant aussi, soeur consanguine, soeur utérine. _ Consanguinité, a plus d' étendue: il se dit de tout degré de parenté du côté du père; degré de consanguinité.

CONSCIENCE


CONSCIENCE, s. f. CONSCIENCIEUX, EûSE, adj. CONSCIENCIEûSEMENT, adv. [Kon-sian-ce, sieû, cieû-ze, cieû-zeman: en vers, ci-eû, etc. 1re et 2e lon. 3e e muet au 1er, lon. aux aûtres, 4e e muet aux 2 dern.] La Conscience est cette lumière intérieûre, ce sentiment intérieur, par lequel l' homme se rend témoignage à lui-même du bien et du mal qu' il fait. "Bonne conscience, ou conscience erronée. Remords de conscience; le ver rongeur de la conscience. "Agir, parler contre ou selon sa conscience, etc. Troubler, alarmer les consciences; câs de conscience.
   Rem. Conscience entre dans plusieurs expressions du discours familier. _ Avoir de la conscience, ou être homme de conscience; être atentif à ne rien faire qui puisse blesser la conscience. On dit, au contraire, n' avoir point de conscience, être sans conscience. _ Avoir la conscience large, ne pas regarder de trop près à ce qui concerne le devoir. _ Faire conscience de... s' en faire scrupule. "Je fais conscience de vous importuner si souvent de la même chôse. _ Avoir la conscience de avec le même régime: "Aurez-vous la conscience de m' abandoner? "Je n' osois pas répéter les mêmes termes; j' avais la conscience d' en prendre d' autres. Mariv. _ Je mets, je laisse tout cela sur votre conscience, je m' en remets, je m' en raporte à votre conscience; vous aurez cela sur votre conscience; si vous agissez en cela contre votre conscience, vous en répondrez à Dieu. _ Dire tout ce qu' on avait sur sa conscience, c. à. d. sur le coeur. _ Se mettre sur la conscience, dans l' estomac:
   Notre vieux Curé chaque jour
   Se mettoit sur la conscience
   Un chapon de sa basse-cour.
       Car. In-promptu.
On exhorte populairement les faussaires et les menteurs à mettre la main sur la conscience: "Alons, Mr. le Marquis, la main sur la conscience, dit le soi-disant Curé de Kokerbourn. Tart. Épist. "Alons, la main sur la conscience, vous n' aimez pas plus Mlle. Amélie qu' une aûtre. Th. d' Educ.
   En conscience, adv. En vérité, selon les règles de la conscience. Il peut se placer à la tête de la phrâse: en conscience, je ne puis vous le doner à moins; ou après le verbe: je l' ai fait en conscience; vous êtes obligé, en conscience, de réparer ce tort que vous m' avez fait, etc. Quand il est à la tête de la phrâse c' est une espèce de serment. _ On dit aussi en ma conscience, sur ma conscience. Ces expressions sont bâsses et populaires. Ceux qui atestent si souvent leur conscience, n' ont pas ordinairement la conscience délicate.
   CONSCIENCIEUX: Trév. écrit conscientieux, et Richelet consientieux: Pourquoi ce t? Est-ce pour l' étymologie latine, conscientia; mais la française, conscience, doit prévaloir. _ Qui a la conscience délicate. "Homme consciencieux, femme consciencieûse: il faut être consciencieux, mais non pas scrupuleux. = Consciencieûsement; d' une manière consciencieûse; en conscience. "Agir consciencieûsement.

CONSCRIT


CONSCRIT, adj. m. Il se dit ordinairement au pluriel, et n' a lieu que dans cette phrâse: Les Pères conscrits, les Sénateurs Romains. Patres conscripti.

CONSÉCRATEUR


CONSÉCRATEUR, s. m. C' est la même chôse que consécrant: Voy. ce mot.

CONSÉCRATION


CONSÉCRATION, s. f. [Konsékra-cion, en vers, ci-on; 2e é fer.] C' est, 1°. l' action par laquelle une chôse est consacrée. Voy. CONSACRER, n°. 1°. "La consécration d' une Église, d' un autel, d' un Calice. = 2°. Absolument et sans régime, c' est l' action par laquelle le Prêtre consacre, en disant la Messe. "Avant, après la consécration: les paroles de la consécration. _ On dit quelquefois avec le régime, la consécration de l' Hostie, la consécration du Calice.

CONSÉCUTIF


CONSÉCUTIF, IVE, adj. CONSÉCUTIVEMENT, adv. [Konsékutif, tive, tiveman; 1re lon. 2e é fer. 4e lon. au 2d et au 3e, dont la 5e e muet.] Consécutif se dit toujours au pluriel. L' Acad. dit que c' est un terme de Pratique, mais il est aussi reçu dans le discours ordinaire: Trois jours, trois dimanches consécutifs, trois fêtes consécutives; c. à. d. trois jours, trois fêtes de suite. _ Dans plusieurs ocasions, de suite vaut mieux que consécutif, hors du Palais.
   CONSÉCUTIVEMENT, tout de suite, à peu d' intervale. "Il a exercé consécutivement trois grandes charges: il a eu consécutivement trois grandes maladies.

CONSEIL


CONSEIL, s. m. CONSEILLER, v. a. CONSEILLER, ÈRE, s. m. et f. [Kon-sèil, sé-glié, sé-glié, gliè-re; 1re lon. 2e è moy. au 1er, é fer. aux aûtres; 3e é fer. au 2d, et au 3e è moy. et long au dern.] Conseil est 1°. Avis qu' on done à quelqu' un sur ce qu' il doit faire ou ne pas faire. Acad. Avis qu' on done ou qu' on demande sur quelque afaire ou aûtre chôse. Doner conseil ou un conseil à... Prendre conseil de... "Il ne prend conseil que de sa tête; aider de ses conseil: homme de bon conseil. Ne rien faire que par conseil, etc. = 2°. Celui qui conseille. "Un tel est son conseil. _ Aler au conseil, aler consulter un Avocat. Le Conseil est d' avis que, etc. = Résolution. "Le conseil en est pris: je ne sais quel conseil prendre. En ce sens, il ne se dit guère que dans ces deux phrâses. =4°. Assemblée établie par le Prince, soit pour l' administration de la Justice, soit pour les afaires importantes de l' État. Le Grand Conseil; le Conseil Supérieur de... Le Conseil d' État; Conseil de Ville, Conseil de guerre, etc. etc.
   Rem. I. Conseil n' a pas de régime par lui-même, dans le premier sens: il ne régit les noms et les verbes qu' à l' aide des verbes auxquels il est associé. Rousseau de Genève a pourtant dit: Je finirai ce que j' ai à dire par un conseil à mes adversaires. Je pense qu' il devait dire, en donant un conseil à, etc.
   II. On dit, demander conseil à, et prendre conseil de, sans article; mais on ne dit pas suivre conseil, comme dit Rollin: "C' étoit un petit esprit, mais fier, plein de lui-même... et qui auroit cru se déshonorer, s' il avoit demandé ou suivi conseil. La précision du style nuit souvent à sa pûreté. Il falait dire, ce me semble, s' il avait demandé des conseils, ou suivi ceux qu' on lui donait. _ L' Acad. dit, suivre conseil, et suivre le conseil de... Je pense qu' on peut douter du premier. Le P. Grifet a aussi employé suivre conseil, sans article et sans régime: "Qui pourra donc justifier ceux qui refusent de suivre conseil, et qui aiment mieux faire des fautes, que de se laisser reprendre et corriger par les aûtres. Ann. Chrét. Il falait, dire qui refûsent de suivre les conseils de leurs amis, ou des gens de bien, etc. _ Le P. Bouhours a fait pis encôre; il a dit croire conseil: "Les Dévotes de profession ne croyent pas toujours conseil, ou ne défèrent pas en tout aux lumières de leurs Directeurs. Vie de St. Ignace _ Je pense qu' on ne le dirait pas aujourd'hui, ou qu' on dirait mal.
   III. Prendre conseil se dit figurément et élégamment des chôses mêmes. "Je prendrai conseil de la situation de son âme. Marm. c. à. d. elle règlera ma conduite, mes démarches: "Maurice prend conseil des évènemens, distribûe des secours, done des ordres, etc. Thomas. "Souvent, dans les plus grands périls, les conseils de l' audace sont les conseils de la prudence. Jérusal. Dél.
   Toi, qui courant à ta ruine,
   Rejetant toute discipline,
   N' as pris conseil que de tes sens.
       Rousseau.
Rem. IV. Les conseils sont des inspirations; ainsi, inspirer des conseils, c' est inspirer des inspirations. Racine fait dire par Jocaste à Créon.
   Vous inspirez au Roi vos conseils dangereux.
       Fr. Én.
Et Brébeuf.
  Cet enfant de Memphis, ce Pontife du Phare...
  Inspire des conseils sagement concertés.
   On inspire, on conseille des démarches, des procédés, etc. mais on n' inspire pas des conseils. C' est l' observation qui se présente dabord à quiconque n' a dans l' esprit que la signification ordinaire du mot conseil, (n°. 1°.). Mais quand on sait que du temps de Brébeuf et de Racine ou employait conseil pour desseîn, résolution, et que Bossuet a dit: l' on prit aussi-tôt après d' autres conseils, il veut dire d' aûtres résolutions, on trouve les vers de Racine et de Brébeuf moins bisârres, et l' on se contente de dire que conseil n' est pas aujourd'hui synonime de dessein, résolution, excepté dans les deux phrâses citées n°. 3°.
   V. En parlant de la Providence, on donne à conseils le sens de décrets. "Voilà l' ordre des Conseils de Dieu, tels que lui-même nous les a révélés. Boss. "Dès l' entrée, Homère fait conaître que tout ce qui arrive, n' arrive que par les conseils secrets de Jupiter, qui conduit tout par sa Providence. Mde. Dacier, Iliade.
   On dit, proverbialement, la nuit porte conseil: il ne faut pas prendre son parti à la hâte: il faut se doner le loisir d' y réfléchir. _ À~ nouvelles afaires, nouveaux conseils; il faut régler ses résolutions suivant les occurrences, les conjonctûres.
   On a dit de la mule de Louis XI, qu' elle devait être bien vigoureûse, puisqu' elle portoit le Roi et tout son Conseil, parce que ce Prince ne consultait persone, et ne prenait conseil que de sa tête. L' on dit d' un homme qui est de ce goût là, qu' il a bientôt assemblé son Conseil.
   CONSEILLER, actif. Doner conseil. Il régit l' acusatif de la chôse, le datif de la persone, et la prép. de devant l' infinitif. "Je le lui ai conseillé; Qui vous a conseillé cela? Je lui ai conseillé de le faire.
   Rem. * On employait aûtrefois le réciproque, se conseiller avec la prép. à; se conseiller à quelqu' un, prendre ses conseils. _ L' Acad. dit seulement qu' il vieillit. * On disait aussi, se conseiller à, ou avec... de... "Si ce n' est pas chôse assurée, qu' on s' en conseille au Médecin: on dit aujourd'hui, qu' on consulte le Médecin. "C' est avec eux que je me suis conseillé du choix que je devois faire de ses lettres. Préf. des oeuvres de Voiture. On dit, c' est eux que j' ai consultés sur.
   Et sans se conseiller qu' à son bouillant courage,
   D' un air impétueux passe au prochain rivage.
       Bréb.
On dirait, en prôse, sans prendre conseil que de son courage.
   CONSEILLER, subst. 1°. Qui done conseil; bon, sage ou mauvais Conseiller. = 2°. Juge dans des Cours souveraines, et dans certaines Juridictions particulières. Conseiller au Parlement, à la Chambre des Comptes, à la Cour des Monnoies, etc. au Présidial.
   Rem. Conseillère ne se dit pas souvent au propre: On peut pourtant dire d' une femme qui a doné un bon ou un mauvais conseil, qu' elle est une bone ou une mauvaise Conseillère. _ On le dit au figuré, comme Conseiller: la faim, la passion, la colère, est une mauvaise conseillère: le désepoir est un mauvais Conseiller. Mascaron, parlant des sens, dit que: Notre ame s' atache opiniâtrément aux préjugés de ces Conseillers infidèles. "La Colère et la Nécessité sont de mauvaises Conseillères. _ Les Précieûses ridicules apelaient le miroir, le Conseiller des grâces. La Fontaine l' apèle.
   Le Conseiller muet, dont les Dames se servent.
   On dit, proverbialement, à ceux qui s' ingèrent à doner des conseils qu' on ne leur demande pas: ici les Conseillers ne sont pas gagés, pour leur dire, qu' on n' a que faire de leurs conseils.

CONSENT


*CONSENT, voyez CONSENTANT, Rem. I.

CONSENTANT


CONSENTANT, ANTE, adj. CONSENTEMENT, s. m. CONSENTIR, v. n. [Konsan--tan, tante, santement, santi; 1re et 2e lon. 3e lon. au 1er, e muet au 2d.] Consentir, c' est aquiescer à quelque chôse; trouver bon, vouloir bien ce que l' on propôse. Consentement, est l' action de consentir, d' aquiescer. Consentant, celui qui consent, qui aquiesce. "Il y a consenti; il y a donné son consentement. "Il en est consentant.
   I. Rem. Consentant ne se dit qu' au Palais, et en termes de Pratique: Le mari est consentant: la femme ici présente et consentante. _ Dans le discours ordinaire, on doit dire je consens, elle y consent, et non pas j' en suis consentant, elle en est consentante. Un Auteur tout récent dit, dans une Histoire sérieûse: "Une cession, dont l' autre partie n' étoit pas consentante. _ * En Provence, on dit, en ce sens, être consent, qui est un vrai barbarisme.
   II. Consentement ne se dit pas au pluriel; on dit à plusieurs, ou de plusieurs, comme on dit à un seul, votre consentement, leur consentement.
   Cet infame conseil, ces lâches sentimens,
   De cette Cour barbare ont les consentemens.
       Bréb.
La rime exigeait ce pluriel; et d' âilleurs aûtrefois on les aimait et on les employait plus volontiers qu' aujourd'hui~. = Consentement régit la prép. à: "Il obtint sans peine leur consentement à une action aussi atroce. Bossuet le fait suivre de la prép. avec: "On rendit grâces à Dumoulin pour son consentement avec la Doctrine du Synode, c. à. d. pour la conformité de sa Doctrine avec celle du Synode. _ Le terme est impropre, et le régime irrégulier. = On dit, adverbialement, du consentement de; de mon, son, ou leur consentement; d' un commun consentement: "je l' ai fait du consentement du maître, du propriétaire, de son consentement. = Le dernier s' emploie sans régime. "On s' y détermina d' un commun consentement. _ * Bossuet lui fait régir la prép de.: "D' un commun consentement de tous les Auteurs Catholiques et Protestans. Dabord, puisque c' est du consentement de tous, commun est inutile et sent le pléonasme. Ensuite à employer le régime, il falait dire, du commun, et non pas d' un commun, comme on dirait, du consentement unanime de tous les intéressés.
   Consentement, aprobation, ratification, adhésion (synon.) Aprobation est, de ces termes, celui qui a le sens le plus général: il se raporte également aux opinions de l' esprit, et aux actes de la volonté; et il peut s' apliquer au présent, au passé et à l' avenir: Consentement et ratification sont relatifs aux actes de la volonté; mais le premier ne s' aplique qu' aux actes du présent et de l' avenir, et le second ne se dit qu' à l' égard des actes du passé. Adhésion n' a raport qu' aux opinions et à la doctrine. _ On dit: l' aprobation d' un ouvrage; le consentement à des articles; la ratification d' un traité; l' adhésion à la bone doctrine, etc. etc.
   III. CONSENTIR, aquiescer, adhérer, tomber d' acord (synon.) Il semble que consentir supôse de la supériorité; les Parens consentent à l' établissement de leurs enfans. Aquiescer emporte de la soumission; les parties aquiescent au jugement d' un Arbitre: il entre dans l' idée d' adhérer de la complaisance; les amans adhérent aux caprices de leurs maîtresses: enfin, tomber d' acord marque de l' aversion pour la dispute; les bones gens tombent d' acord de tout. _ Nous consentons à ce que les aûtres veulent: nous aquiesçons à ce qu' on nous propôse, en l' acceptant, et en nous y conformant: nous adhérons à ce qui est fait et conclu par les aûtres, en l' autorisant, et en nous y joignant: nous tombons d' acord de ce qu' on nous dit, en l' avouant, et en l' aprouvant. GIR. Synon.
   CONSENTIR régit la prép. à ou de devant l' infinitif; le 1er régime est le meilleur. "Ce ne fut qu' après plusieurs menaces qu' il consentit enfin d' obéir. Hist. d' Angl. _ À~ obéir aurait été plus conforme à l' usage et à l' analogie: les verbes qui régissent la prép. à devant les noms, la régissent communément devant les verbes. M. Moreau met, dans la même page, les deux régimes. "Les deux Rois consentirent à se voir. "Louis ne voulut jamais consentir de le chasser de ses États. _ L' Acad. ne met point d' exemple du régime de l' infinitif.
   Au Palais on fait consentir actif: on lui done le régime direct; (l' acusatif) on dit, consentir une société, consentir une claûse: et ce qui en est une conséquence, on dit un apointement consenti par les parties. _ Hors du Palais ce serait un barbarisme.
   Du moins César l' eût fait, s' il l' avoit consenti.
       Corn.
On dirait aujourd'hui, en prôse, s' il y avait consenti.

CONSÉQUEMMENT


CONSÉQUEMMENT, adv. CONSÉQUENCE, s. f. CONSÉQUENT, s. m. [Kon--sékaman, kance, kan; 1re lon. 2e é fer. 3e lon. aux deux derniers. Richelet écrit ces mots sans accent. Cette ortographe ocasionerait une prononciation gascone.] I. Conséquemment a deux sens: 1°. D' une manière juste et raisonée relativement aux principes qu' on s' est formé; parler, agir, raisoner conséquemment. = 2°. Par une suite raisonable et naturelle. En ce 2d sens, il régit la prép. à, comme en conséquence régit la prép. de. "Conséquemment à ce que nous avions réglé: en conséquence de nos arrangemens.
   II. CONSÉQUENCE: conclusion tirée d' une ou de plusieurs propositions. Tirer une conséquence: nier, prouver une conséquence, ou la conséquence. La conséquence est juste ou fausse, mal tirée, etc. = Importance: il ne se dit en ce sens, qu' avec la prép. de. "Homme, afaire, terre, place de conséquence; charge, emploi de conséquence. * "Il ne fit rien de conséquence sans le consulter. Marsolier. _ Je doute qu' avec rien l' usage l' aprouve. De conséquence est une espèce d' adjectif, le de en fait partie, et l' acompagne toujours: Rien, régit aussi cette prép. de: avec rien, le mot conséquence se trouverait donc tout seul, et ne signifierait plus rien. Ceci paraîtra trop subtil; mais qu' on y fasse attention, et l' on comprendra la justesse de cette Remarque. = Je ne crois pas non plus que cette espèce d' adjectif puisse s' associer avec le v. être impersonel: "Il est de conséquence de s' oposer au commencement du mal. Le Gendre. J' aimerais mieux dire: il est important. = Suite qu' une action ou quelqu' aûtre chôse peut avoir. "Cela peut avoir de terribles conséquences: "C' est un exemple de dangereuse conséquence. _ Tirer à conséquence se dit dans le même sens. "Je ne sais s' il est permis de juger des hommes par une faûte unique, et si un besoin extrême, une violente passion, ou un premier mouvement tirent à conséquence. La BRUY. _ Le même Auteur dit, dans un aûtre endroit, tirer en conséquence: celui-ci ne se dit point aujourd'hui. "Combien de sortes de ridicules, répandus parmi les hommes, mais qui, par leur singularité, ne tirent point en conséquence. _ * On a dit aussi, plus anciènement, tirer de conséquence. "Elle prendra garde de ne point l' importuner, comme elle ferait, si, pour des faûtes légères, et qui ne tirent point de conséquence, elle venoit à tous propos faire des avertissemens. Saint François de Sales.
   L' usage a préféré par conséquent à par conséquence, qu' on disait autrefois, et en conséquence à en conséquent.
   En conséquence, adv. Conséquemment. Il se dit, ou sans régime. "J' ai reçu votre lettre et j' agirai en conséquence: on sous-entend, de ce que vous me dites, vous m' ordonez, etc. ou avec la prép. de, en conséquence de vos ordres, de vos avis, etc. _ Un Auteur anonyme l' emploie singulièrement. "L' Église Catholique fait profession de ne rien enseigner qui ne soit contenu formellement, ou en conséquence dans la parole de Dieu. _ Il veut dire, ou formellement dans les principes, ou dans les conséquences qui en découlent; mais il s' exprime mal.
   Sans conséquence, adv. "Tout ce qu' il dit est sans conséquence, on n' y fait nulle atention. "On vous acorde cette grâce, mais sans conséquence, sans que d' autres puissent s' en prévaloir. _ Homme sans conséquence, c. à. d., méprisable, et aux discours de qui il ne faut pas prendre garde, ou bien, en parlant de galanterie, homme qui, par la réputation, ou par l' âge, met à l' abri de tout soupçon.
   III. CONSÉQUENT, subst. En Logique, c' est la seconde proposition d' un enthymème, dont la 1re est l' antécédent: "Dieu est infinement aimable. _ Donc, nous devons l' aimer. _ En Mathématique, c' est le second terme d' une raison, ou d' un raport. "Dans la raison de trois à quatre, trois est l' antécédent, et quatre le conséquent.
   Dans le discours ordinaire, conséquent, se dit surtout, avec la prép. par: "Le soleil est levé: par conséquent, il fait jour. Il signifie donc, ou, par une suite naturelle. C' est une conjonction illative ou conclusive, qui exprime l' action d' inférer, ou de conclûre de l' un à l' aûtre. _ Par conséquent, peut se placer avant ou après le verbe, mais rârement entre l' auxiliaire et le participe. "Vous aviez tort; par conséquent, vous auriez dû, ou, vous auriez dû, par conséquent, faire des satisfactions, ce serait mal dire: vous auriez par conséquent, dû, etc.
   IV. CONSÉQUENT, ENTE, adj. ne se dit que des persones. Qui agit, qui raisone conséquemment. Trév., Rich. Port. _ L' Acad. ne le met point. Est-ce un oubli? Est-ce qu' elle le désaproûve? Mais ce mot est du bon et du bel usage, et l' on peut s' en servir sans dificulté. "C' est un homme très-conséquent dans ses raisonemens, dans ses démarches. "Vous êtes étonée de la conduite de cette femme: elle est très-conséquente, et sait bien ce qu' elle fait. = Dans l' Ann. Litt. on lui fait regir la prép. à: "Les Stoïciens faisoient d' inutiles éforts pour être conséquens à leurs principes. _ Ce régime est inusité. = Le P. Grifet l' associe avec être, impersonel: "Parce que Dieu est infiniment juste, il est conséquent que cette Justice, qui lui est essentielle, se communique à ses Jugemens. Cette manière de parler me paraît douteûse. _ * Dans le sens d' important, considérable, il est du style mercantile. "Je vous ferai bientôt un envoi plus conséquent. "Il n' est pas de Fermiers, qui, l' un portant l' autre, ne nourrissent douze chevaux dans leurs fermes, pour peu qu' elles soient conséquentes. Anon. _ Dans cet emploi, c' est un barbarisme, et l' on est étoné de le trouver dans le Journ. de Litt. "Je vous ai anoncé la prise de deux bâtimens Russes par les Anglois, parce que je regarde cet évènement comme un des plus extraordinaires et des plus conséquens, dans les circonstances actuelles. * "L' Auteur auroit déjà donné avis au Public, qu' il travailloit à un Poème conséquent. (l' Harmonie imitative de la Langue Française) Anoncer par un barbarisme un ouvrage de cette importance, ce n' était pas un début heureux. Ann. Litt. = Conséquent, ne se dit pas des chôses, à moins qu' elles n' aient un raport immédiat avec la persone. On dit, des raisonemens conséquens, une conduite conséquente, des démarches conséquentes.

CONSERVATEUR


CONSERVATEUR, TRICE, s. m. et f. CONSERVATION, s. f. [konsèrva-teur, trice, Konsèrva-cion, en vers, ci-on; 1re lon., 2e ê ouv.] Conservation, état d' une chôse conservée. _ Conservateur, trice, celui ou celle qui conserve.
   Rem. 1°. CONSERVATION, a un sens passif: il n' exprime pas l' action de celui qui conserve, mais l' état de celui, ou de ce qui est conservé. La conservation des fruits, de la santé, de ses droits, sa conservation, etc. "Leibnitz s' exprime donc mal, lorsqu' il dit: "La Conservation de Dieu est une préservation et continuation des Êtres. Il falait dire, l' acte par lequel Dieu conserve les Êtres, est une continuation de création. Brevis esse laboro, obscurus fio.
   Je tâche d' être court, et je deviens obscur.
Ou, je pêche contre la Langue.
   On dit, en termes d' Antiquaires, qu' une médâille est d' une belle, d' une grande conservation, pour dire, qu' elle est bien entière, bien conservée.
   2°~. CONSERVATEUR, ne se dit jamais seul: il est toujours suivi de la prép. de, ou joint aux pron. possessifs: Dieu est le Conservateur de toutes chôses. Ce Héros a été notre conservateur.
   3°. CONSERVATRICE, apliqué aux persones, est peu usité, parce qu' on n' a pas souvent ocasion de s' en servir. Mais il est fort en usage en parlant des chôses, et employé adjectivement. "Conservatrice de leurs droits, cette donation étoit, pour les créanciers, un bien, un profit, un avantage. Cochu. "Henri II n' avoit que trop souvent doné atteinte à ces loix conservatrices des propriétés. Moreau. "En vain vous rameneriez les hommes à cette première égalité conservatrice de l' innocence, et source de toute vertu. J. J. Rouss. Voy. CRÉATRICE.

CONSERVATOIRE


CONSERVATOIRE, s. m. [Konsèrva--toâ-re; 1re lon. 2e ê ouv. 4e lon. 5e e muet.] Ce mot est employé aux Relations et Voyages d' Italie, qui sont aujourd'hui en grand nombre. C' est le nom qu' on done, en ce pays-là, aux Hôpitaux où l' on élève de paûvres enfans de l' un et de l' aûtre sexe.
   * Un Auteur moderne s' est servi de ce mot adjectivement. "Cette Providence conservatoire éclate, en ce que, etc. Il devait dire, conservatrice. Voy. le mot précédent, Rem. 3°. _ Conservatoire, adj., se dit au Palais. "Elle n' a pas la faculté de dissiper son bien, mais seulement de le conserver, et de faire tous actes nécessaires pour cela, qu' on apèle Actes conservatoires. Ferrière.

CONSERVE


CONSERVE, s. f. [1re lon. 2e ê ouv. 3e e muet.] 1°. Espèce de confitûre: Conserve de rôses, de violettes, de framboises, etc. = 2°. En termes de Marine, vaisseau qui fait route avec un aûtre, pour le secourir ou en être secouru, dans l' ocasion. "Nous eûmes le malheur de perdre notre conserve. _ Aler de conserve, de compagnie. _ Mascaron, qui était de Marseille, emploie ce mot dans une Oraison Funèbre. "Il va sous les forts de la Goulette brûler l' amiral et sa Conserve. On s' exprimerait aûtrement aujourd'hui, et l' on éviterait d' employer, dans le style relevé, ce terme de Marine. = 3°. Conserves, au pluriel,sont des lunettes,qui grossissent peu les objets, et conservent la vûe. Il se sert de conserves; il met des conserves; il prit ses conserves.

CONSERVER


CONSERVER, v. a. [Konsèrvé; 1re lon. 2e ê ouv. 3e é fer.] 1°. Garder avec soin, empêcher qu' une chôse ne se gâte. "Conserver des fruits, des meubles, des habits, etc. _ Au figuré, conserver sa santé, sa réputation: en parlant d' une Dame, conserver son teint. "Conserver ses droits, ses privilèges, etc. "Conservez-moi vos bones grâces, votre amitié, etc. = Se conserver, parlant des chôses, est réciproque passif: Ces fruits se conservent aisément, c. à. d., sont aisément conservés. En parlant des persones, il est réciproque actif. "Cet homme se conserve; on sous-entend soi-même: il a soin de soi, de sa santé. "Conservez-vous; il faut se conserver. = L' Acad. ajoute un 3e sens, qui est synonyme de, se maintenir: Il est dificle de se conserver entre deux partis si animés l' un contre l' aûtre. Je pense que se maintenir, est bien plus usité en ce sens.
   2°. CONSERVER, ne pas se défaire de... ne pas renvoyer. L' Acad. ne le dit que des troupes, dans cette acception: "Après la paix, on licencia tels et tels Régimens, et l' on n' en conserva que tant. Mais il se dit des domestiques, des pensionaires, des meubles, des livres, et aûtres chôses, dont on renvoie, ou on vend une partie, et l' on garde l' aûtre.
   CONSERVÉ, ÉE, adj. Tableau, monument antique, bien conservé, médâille bien conservée, qui ont encôre toute leur beauté, toute leur fraîcheur.

CONSIDÉRABLE


CONSIDÉRABLE, adj. CONSIDÉRABLEMENT, adv. [1re lon. 3e é fer. 5e e muet. Dans l' adv. en a le son d' an.] Qui doit être considéré; important; dont on doit faire câs. Somme, dépense considérable; ouvrage considérable, etc. C' est un homme fort considérable: il tient un rang considérable, etc.
   Rem. 1°. Cet adjectif n' a plus que le sens de grand, important, en parlant des chôses, et d' illustre, en parlant des persones. "Aûtrefois on lui donait les sens d' estimable, cher, agréable, et on lui donait les régimes de ces adjectifs. "Vous me serez toujours plus considérable que le reste du monde. Voit. "Bien loin que les fictions d' Homère doivent le rendre méprisable... elles doivent, au contraire, le rendre considérable. Mde Dacier. "Les riches Bourgeois vouloient maintenir l' autorité des Magistrats, pour se rendre considérables au Prince de Condé. D' Avrigny. "Il est mort au milieu des siens... dans les larmes d' une épouse, que sa piété, et tant d' autres rares qualités, lui rendoient considérable. Mascaron. "Ils veulent, après plusieurs Auteurs très-considérables, etc. Mallebr. "D' Urfé, de Bergers très-frivoles, avoit fait des Héros de Roman très-considérables. Ces Auteurs, au contraire, des Héros les plus considérables de l' Histoire, firent des Bergers très-frivoles. Boil.
   * Apliqué aux chôses, on l' employait dans le sens de remarquable: "Ce qui est considérable (digne de remarque), c' est que ces souhaits que je faisois... vous les faisiez aussi, etc. Voit. "Charles V arriva à Ausbourg le 15 juin 1530. Ce temps (cette date) est considérable. Bossuet. Ailleurs il dit, la date est remarquable: c' est le terme propre.
   2°. CONSIDÉRABLE, ne marche pas volontiers devant le substantif: il n' est guère bien qu' après. Profit considérable, faûte considérable. Rârement, même en vers, ferait-il un bon éfet, placé devant. "Les plus considérables villes de la Grèce, comme dit Rollin, forme une inversion dûre. Il falait dire, les villes les plus considérables de la Grèce.
   CONSIDÉRABLEMENT, adv. Beaucoup, notablement. "Il a perdu considérablement dans cette afaire: il fut considérablement blessé. _ Il se met, ou après le verbe, ou entre l' auxiliaire et le participe. = Il s' emploie sans régime. * Un Auteur moderne lui fait régir la prép. de. "Les plantes aquatiques ont la propriété d' absorber considérablement de ce mauvais air. C' est le régime de beaucoup. Il ne fait point mal dans cette phrâse. Encôre quelques exemples, et l' usage s' en introduira.

CONSIDÉRANT


CONSIDÉRANT, ANTE, adj. CONSIDÉRATION, s. f. [Konsidéran, rante, ra--cion, en vers, ci-on; 1re lon. 3e é fer. 4e lon. aux deux 1ers.] I. Considérant, circonspect, qui a beaucoup d' égards. "Cet homme est fort considérant. Trév. Rich. _ Dans les Additions au Richelet, on remarque que l' Acad. met ce mot. Dans la dern. édit. elle dit qu' il n' est d' usage qu' avec quelque adverbe, et dans ces phrâses du discours familier: Vous n' êtes guère considérant: c' est une persone extrêmement considérante.
   II. CONSIDÉRATION, est, 1°. Action par laquelle on considère, on examine. Il a fait cela sans considération. Cela mérite considération. = 2°. Circonspection. C' est un homme qui agit sans considération. Voyez CIRCONSPECTION. = 3°. Motif. "Je l' ai fait par telle et telle considération: il y a été obligé par de grandes considérations. = 4°. Égard qu' on a pour quelqu' un. En, ou, à votre considération. L' Acad. met les deux: Si ce n' était votre considération, etc. "Le Roi a mis vos services en considération; il y aura égard. "Il fera entrer vos services en considération. Acad. = 5°. Réputation, estime qu' atirent les talens, la naissance, les dignités. "C' est un homme de grande considération; qui est en haute, en grande considération; qui s' est aquis une grande considération. "Il n' a nulle considération dans le monde; on n' a nulle considération pour lui. C' est un homme de peu de considération, de nulle considération; sans considération dans le monde, ou simplement, sans considération. "Cette charge done peu de considération. _ En parlant des chôses, de peu de considération, de peu de valeur.
   Dans ce dernier sens, on peut comparer considération avec réputation; en voici la diférence. "Celle-ci est, en général, le fruit des talens et du savoir faire; celle-là est atachée à la place, au crédit, aux richesses, etc. _ Corneille avait de la réputation, comme Auteur de Cinna, et Chapelain de la considération, comme Distributeur des grâces de Colbert. Encycl.
   Rem. I. CONSIDÉRATION, n' a de pluriel que dans le sens de motifs. Saint-Évremont dit des Romains, eu égard aux Carthaginois: "C' étoient tantôt des injures, tantôt des considérations. Il veut dire, des égards. Il n' a pas de pluriel dans cette acception.
   II. CONSIDÉRATION, a un sens, tantôt actif, et tantôt passif; et il y a bien de la diférence entre avoir de la considération pour quelqu' un, le beaucoup considérer, et être en grande considération, ou, avoir de la considération dans le monde, dans une société, y être fort considéré. "Aman avoit une grande considération dans le Royaume. Nicole. _ L' Auteur des Réflexions, etc. prétend qu' avoir de la considération, c' est considérer, et non pas, être considéré: mais il n' a pas fait atention à la diférence de pour et de dans, qui acompagnent cette expression. L' Acad. aprouve, être en haute, en grande considération; mais elle dit aussi: "Il n' a nulle considération dans le monde.
   Cependant, quoiqu' on dise fort bien d' un homme, qu' il a de la considération dans, on ne dit point, avec le régime de la prép. de: la considération de cet homme, comme dit Bossuet. "La considération d' Erasme étoit grande dans toute l' Europe: il faut dire, Érasme étoit en grande considération, ou, avoit une grande considération dans toute l' Europe. _ On peut le dire avec les pronoms possessifs, quoiqu' ils équivalent à la prép. de: "Il perdit sa considération, et conserva son autorité.
   Avoir de la considération pour, et être avec beaucoup de considération, etc. ne doivent se dire que quand on parle, ou qu' on écrit à ses inférieurs. _ Dans cette ocasion, il n' a point de pluriel. "Les considérations dont M. de Tournehen l' honora (Ch. Coypel), valûrent à l' Académie Royale la gloire d' avoir le Roi pour Protecteur immédiat. Dandré Bardon. Dites, la considération, etc. Voyez une phrâse de Mde de Sévigné, au mot CONFIANCE, Rem. 2°.
   III. Mettre en considération, régit les persones, et prendre en considération, les chôses. "Cela le mit en considération: il prit cette afaire en considération.
   IV. * Chôse de considération, se disait aûtrefois en parenthèse, pour chôse remarquable: "Quoique je n' aie point dormi (chose de considération) depuis trois mois, je suis arrivé ici plus fort et plus sain que jamais. Voit.

CONSIDÉRÉ


CONSIDÉRÉ, partic. et adj. Il s' unit avec tout, pour former ce que les Latins apèlent un ablatif absolu. Il se met à la tête de la phrâse. "Tout considéré, il jugea sa présence inutile. Charlev. "Tout bien considéré. Rapin. Acad. Au Palais on dit, ce considéré, il vous plaise, etc.
   * Considéré que, pourvu que, était déjà hors d' usage du temps de Vaugelas.

CONSIDÉRÉMENT


*CONSIDÉRÉMENT, adv. Vieux mot. D' une manière prudente et circonspecte. Trév. Agir, se conduire considérément. _ L' Acad. ne met pas cet adverbe. _ L' usage a conservé inconsidérément, et a laissé perdre considérément.

CONSIDÉRER


CONSIDÉRER, v. a. [1re lon. 3e et 4e é fer.] 1°. Regarder atentivement. "Considérer un bâtiment, un tableau, un homme, etc. = 2°. Examiner avec atention. Considérez ce que vous faites, et vous verrez que... Je vous prie de considérer atentivement cette afaire, etc. Considérer en soi-même. = 3°. Avoir égard. "Considérez le travail qu' il y a dans cet ouvrage. "Considérez les services qu' il vous a rendus. "Un Juge ne doit considérer ni les persones, ni les recommandations. = 4°. Avec les persones, pour régime, estimer, faire câs: Je ne considère ni sa persone, ni ses richesses. Je ne considère que son mérite. Il se dit sur-tout au mode passif: il est fort considéré à la Cour et dans la ville. _ Quand on parle de la persone même, on ne le dit qu' à l' égard de ses inférieurs: c' est un homme que je considère beaucoup.
   Rem. * Un Auteur moderne done à considérer (regarder,) le même régime que le verbe voir, le participe passif. "Parlant de la République des Lettres, il dit: Quand on la considère ravagée depuis plusieurs années par des guerres polémiques, on croit voir un combat de dogues acharnés à se dévorer. Anon. Ce régime n' est pas plus suivant l' usage que guerres polémiques, qui est un pléonasme. Voy. POLÉMIQUE. _ * Un Auteur plus ancien lui fait régir la prép. de: "La Cour donne aussi charge à d' autres Commissaires de considérer de plusieurs autres circonstances. Procès de Charles I. C' est le régime d' informer.

CONSIENCE


CONSIENCE, CONSIENCIEUX. Voyez CONSCIENCE, CONSCIENCIEUX.

CONSIGNATAIRE


CONSIGNATAIRE, s. m. CONSIGNATION, s. f. [On dit, dans le Dict. Gr., qu' on ne pron. point le g: on s' est trompé; il faut le prononcer. Konsignatère, na-cion; 1re lon.: mouillez le g à la 2de; 4e è moy. et long.] Consignataire, est le dépositaire d' une somme consignée. Consignation, est le dépôt public de quelqu' argent, ou d' aûtre chôse, en main tierce. Faire une consignation au Grèfe: Receveur, Bureau des Consignations.

CONSIGNE


CONSIGNE, s. f. CONSIGNER, v. act. [Mouillez le g: dern. e muet au 1er, é fer. au 2d.] Consigne, ne se dit que de l' ordre doné à une sentinelle, par celui qui la pôse. Consigner, se prend dans deux acceptions: 1°. Déposer de l' argent entre les mains de la Justice, ou de quelque particulier, pour être délivré, en temps et lieu, à qui il apartiendra. Consigner une somme au Grèfe, ou chez un Notaire. = 2°. Doner ordre à une sentinelle. Il est neutre dans cette acception, et se dit avec le datif des noms, et la prép. de devant les verbes: "On lui a consigné de ne laisser entrer persone, d' empêcher les cârrosses de passer. _ On dit figurément (st. famil.), je l' ai consigné à ma porte; j' ai défendu de le laisser entrer, et quelquefois (mais plus rârement), j' ai doné ordre qu' on le laissât entrer.

CONSISTANCE


CONSISTANCE, s. f. CONSISTANT, ANTE, adj. CONSISTER, v. n. [3e lon. aux 3 1ers, é fer. au dern. _ Trév. écrit consistence, mais l' a convient mieux que l' e: il ne met ni consistent, ni consistant.] I. Consistance, est, 1°. L' état d' épaississement des chôses fluides. "De la gelée, du blanc-manger, du câillé qui n' a pas assez de consistance. = 2°. État de solidité. "Ce terrein n' a point de consistance; il comence à aquérir de la consistance. _ Et dans les chôses morales: "Les chôses du monde n' ont point de consistance. Les afaires sont dans un état de consistance; le temps qu' il fait, l' esprit de cet homme, les afaires d' un état, n' ont point de consistance, quand ils n' ont point de solidité. = 3°. Pour les arbres, on dit qu' ils sont dans leur âge, dans leur état de consistance, quand ils sont dans un état, où ils ne croissent ni ne diminûent. = 4°. Quelques Auteurs l' ont employé pour considération, pris passivement: "Le Cardinal de Rohan venoit de donner l' exemple, ce qui fournit matière à des plaintes, à l' ocasion du Cardinal Du Bois, à qui sa naissance ne donoit pas la même consistance. Anon.
   II. CONSISTANT, ANTE, qui consiste. Il régit, comme son verbe, la prép. en. "Terre consistante en bois, en terres labourables, en prés, etc. "Escadre consistante en vingt vaisseaux, etc.
   III. CONSISTER: Être composé de... Cette flotte consiste en tant de vaisseaux, _ Quelquefois, et même le plus souvent, il n' a que le sens du verbe être. Il régit alors la prép. à devant l' infinitif. Tout l' art de l' éloquence consiste à émouvoir les passions: c' est en cela que consiste son triomphe.

CONSISTOIRE


CONSISTOIRE, s. m. CONSISTORIAL, ALE, adj. CONSISTORIALEMENT, adverb. [Konsis-toâ-re, torial, ri-ale, ri-aleman. 3e. lon. au 1er, 6e e muet aux deux dern.] Consistoire, se dit et de l' Assemblée des Cardinaux, convoquée par le Pape, et du lieu où se tient cette Assemblée. Le Pape tint Consistoire. Entrer au Consistoire, au sortir du Consistoire, etc. = Consistorial, qui apartient au Consistoire; jugement Consistorial, Avocats Consistoriaux; Congrégation, matière Consistoriale. = Consistorialement, en Consistoire, selon les formes du Consistoire. Cela fut jugé Consistorialement.

CONSOLABLE


CONSOLABLE, adj. CONSOLANT, ANTE, adj. [1re lon. 3e dout. au 1er, lon. aux 2 aûtres.] Consolable, se dit des persones, et Consolant, des chôses: sa perte est si grande, qu' il n' est pas consolable; il ne peut se consoler. "C' est une nouvelle bien consolante; qui console. Le 1er a le sens passif; le 2d, le sens actif.
   I. Rem. 1°. On dit, dans le Dictionaire Gram. que consolable n' est plus en usage, quoique inconsolable soit usité. L' Acad. admet le 1er avec la négative, et lui fait même régir l' ablatif. "Il n' en est pas consolable. _ Inconsolable vaut toujours mieux, sur-tout avec le régime. Il est inconsolable de cette perte: il en est inconsolable.
   2°. Suivant Vaugelas et Th. Corneille, consolable et inconsolable ne s' acomodent qu' avec douleur. On dit, sa douleur n' est pas consolable, ou, est inconsolable: mais on ne dit pas de même, son déplaisir est inconsolable. Mais l' Acad. dans ses Observations sur les Remarques de Vaugelas, est du sentiment que, consolable ne se dit point de la douleur, mais seulement de la persone afligée. _ Aujourd'hui que plusieurs disent, consoler la douleur, on est moins étonné de leur entendre dire qu' une douleur est, ou n' est pas consolable, qu' elle est inconsolable.
   II. Dans le Dict. Gram. on dit que consolant, se dit des chôses et des persones. Quelques-uns disent en éfet, cet homme est fort consolant; c' est un Prédicateur, un Confesseur bien consolant. Mais il est douteux que le bel usage autorise ces sortes de phrâses.
   Consolant, suit ordinairement le substantif. "On a fort embrouillé tous les corollaires qu' on pouvoit tirer de ce grand et consolant dogme (de la Providence). Consolant dogme forme une inversion dure. _ Le f. peut plutôt précéder: consolante maxime.
   Avec le verbe être impersonel, consolant régit la prép. pour devant les noms, et la prép. de devant les verbes: Un des Auteurs des Let. Edif. lui fait régir le datif des noms. "Il est bien consolant à un Missionaire qui, etc. d' être dans le souvenir d' un Magistrat, de votre réputation. Il faut, pour un Missionaire, etc.

CONSOLATEUR


CONSOLATEUR, TRICE, s. m. et f. CONSOLATION, s. f. *CONSOLATOIRE, adj. [Konsola-teur, trice, la-cion, en vers, ci-on, la-toâ-re: 1re lon. 4e lon. au dern.] Consolation, est l' action de consoler, ou ce qui console. Consolateur, qui done de la consolation: = Consolatoire, consolant, qui console. "Doner, aporter, recevoir de la consolation. "Le consolateur des malheureux, des malades, des afligés; consolatrice des afligés: * Discours, lettre consolatoire.
   Rem. 1°. Consolateur s' emploie quelquefois adjectivement. "Un rayon consolateur pénètre dans son ame. Anon. _ On pourrait dire aussi, réflexion consolatrice, si la mélodie de la phrâse ne s' y oposait pas.
   II. Consolation, ne se dit pas seulement, du soulagement que l' on done à l' afliction, à la douleur, au déplaisir de quelqu' un: il se dit encôre d' un véritable sujet de satisfaction et de joie. "C' est une grande consolation à un père, pour un père, de voir ses enfans se porter au bien. _ Il se dit quelquefois aussi de ce qui console: "La Philosophie est toute sa consolation~; et de celui qui console. Vous êtes toute ma consolation: "Dieu est toute sa consolation.
   On dit, avoir de la consolation à faire et avoir la consolation de faire: J' ai de la consolation à penser que vous prenez part à mes peines: "Il vous en coûtera sans doute, mais il y va de ma vie, et vous aurez la consolation de m' avoir sauvé. Marmontel. "J' avois une grande consolation à croire que vous saviez le fond de ma pensée. Mariv.
   * Voiture dit, doner consolation, sans article, comme on dit, doner satisfaction. "Si vous saviez le contentement que vos lettres m' ont aporté, vous auriez regret de ne m' avoir pas écrit davantage, et de ne m' avoir pas doné consolation en un temps où j' en avois tant de besoin. _ M. de Sacy dit de même, recevoir consolation: c' est la même faûte: "Ne recevoir consolation d' aucune créature, c' est l' éfet d' une grande pureté de coeur. _ On dirait aujourd'hui dans la première phrâse et aûtres semblables: de ne m' avoir pas doné cette consolation, ou quelque consolation, ou une si grande consolation, ou simplement, de la consolation, dans un temps, etc. Et dans la 2de, ne recevoir nulle consolation, ou de consolation d' aucune créature, etc. _ L' Acad. dit, aporter, doner de la consolation, recevoir de la consolation: c' est ainsi qu' il faut dire.
   Avoir cette consolation que régit l' indicatif, si la phrâse est afirmative, et le subjonctif, si elle est négative, ou interrogative. "J' ai cette consolation que l' on rend, ou je n' ai pas cette consolation que l' on rende justice à mes intentions. "Aurai-je cette consolation qu' on me plaigne dans mes malheurs?
   * Mascaron atribue du sentiment aux êtres insensibles, en leur atribuant de la consolation. "La fécondité sert de consolation aux êtres corporels, dans la nécessité qu' ils ont de mourir. La métaphôre est un peu forte.
   III. Consolatoire vieillit, dit l' Acad. Je crois que ce n' est pas assez dire, et qu' il est tellement surané, qu' on ne s' en sert plus.

CONSOLE


CONSOLE, s. f. Pièce d' architecture saillante et ornée, qui sert d' apui à une corniche, à un fronton de croisée. _ Pour l' ornement des chambres, on se sert de consoles de bois doré, sur lesquelles on pôse des tables de marbre, des bronzes, des pendules, des porcelaines, etc.

CONSOLER


CONSOLER, v. a. Adoucir, diminuer l' afliction, la douleur. "Je tâche de le consoler sur la mort de sa femme: il ne peut se consoler de la perte qu' il a faite. "Il vaut mieux se consoler avec Dieu qu' avec les hommes.
   Rem. 1°. Consoler ne régit que les persones: on ne dit point consoler, mais calmer la douleur. Cela doit s' entendre de la prôse; car les Poètes sont en possession d' employer cette expression, et de faire régir les chôses à consoler.
   De peur d' aigrir les maux qu' elle veut consoler.
   Comencez, consolez de funestes amours.
       Gresset.
  Pour consoler l' espoir du Laboureur avide.
      L. Racine.
"Ni les discours des sages, ni les douceurs de l' amitié, ne peuvent consoler ses douleurs. Jér. Déliv. "Je ne voudrois pas jurer qu' au lieu d' aler à la nôce, elle n' alât à Malicorne consoler la douleur de Mde. de Lavardin. Sév.
   2°. Il est des Écrivains qui font régir à consoler la prép. de et l' infinitif: "Je fais tout ce que je puis pour consoler ma mère, et du mauvais temps qu' il fait, et d' avoir quité Paris. Sév. le fils. De ce qu' elle a quité Paris, aurait été plus régulier; mais il aurait été plus lâche et plus traînant. _ Avec le réciproque, l' infinitif fait mieux. "Je me console aisément d' avoir fait cette perte. La raison de la diférence entre l' actif et le réciproque, c' est que l' infinitif, dans cette ocasion, comme dans un grand nombre d' aûtres, doit se raporter au sujet de la phrâse (au nominatif), qu' avec le réciproque il s' y raporte, et qu' avec l' actif il ne s' y raporte pas.

CONSOLIDATION


CONSOLIDATION, s. f. CONSOLIDER, v. a. [Dans le 1er, tion a le son de cion, et en vers, de ci-on.] Consolidation, est l' action de consolider, c. à. d. de rendre ferme et solide. Ils ne se disent, au propre, qu' en Chirurgie: la consolidation d' une plaie: consolider une plaie. L' un et l' aûtre se disent aussi au Palais; la consolidation de, et consolider l' usufruit à la propriété; c. à. d. la réunion de, ou réunir l' usufruit à la propriété. _ Mais il n' y a que le verbe, qui se dise au figuré. Consolider (afermir) une union, un traité, etc. 

CONSOMMATEUR


CONSOMMATEUR, s. m. CONSOMMATION, s. f. [Konsoma-teur, Konsoma-cion, en vers ci-on. 1re lon.] Le 1er ne se dit que dans cette phrâse consacrée. "J. C. est l' Auteur et le Consommateur de notre foi. _ L' Acad. parle de cultivateurs et de consommateurs, sans s' expliquer davantage. Elle entend, sans doute, par consommateurs, ceux qui consomment les denrées que d' aûtres cultivent, ou plutôt, produisent par la cultûre.
   Consommation, est en usage dans les deux diférentes significations de consommer, et de consumer. On dit, la consommation des vivres, comme la consommation du mariage. Th. Corneille. _ M. Beauzée dit, la consommation du Sacrifice, et la consomption de l' Hostie. Bossuet a dit aussi; la consomation actuelle de l' Eucharistie.
   La vraie signification de consomption~, c' est achèvement, acomplissement, perfection. La consommation d' un ouvrage, d' une afaire: la consommation des Prophéties: la consommation (la fin) des siècles; la fin du monde. Expression consacrée.
   Rem. * Le Traducteur du Voyage d' Anson a employé consomption à la place de consommation: "Nous recevions chaque jour à bord autant de boeuf frais, qu' il en faloit pour notre consomption journalière. C' est la traduction trop litérale du mot Anglois consumption. _ Suivant le Dict. de Trév. Consomption, a le même sens que consommation, et se dit des mêmes chôses. On y avoue pourtant que le Critique du Dict. de l' Acad. (d' alors) soutient qu' on ne doit point confondre ces deux mots. L' Acad. les distingue, excepté pour les vivres et les denrées. Grande consommation de bois, de blé, de sel, de fourrages. Voyez CONSOMMER.

CONSOMMÉ


CONSOMMÉ, s. m. [Konsomé: 1re lon. 3e é fer.] On dit, un consommé de viandes, ou simplement, un consommé, et non pas un consumé; quoiqu' on dût naturellement dire celui-ci. C' est une des bisârreries de l' usage. _ Bouillon fort succulent d' une viande extrêment cuite. "Faire, prendre, avaler un consommé: il ne vit que de consommés. "Un consommé de viandes, de perdrix, de chapons, etc.

CONSOMMER


CONSOMMER, v. a. [Konsomé: 1re lon. 3e é fer.] Ce verbe a deux sens, le 1er, le principal et le plus ordinaire, est achever, acomplir, mettre en sa perfection. "Consommer un mariage, une afaire. "Toutes les Prophéties ont été consommées dans N. S. J. C. _ "Faire consommer de la viande, la faire tellement cuire, que presque tout le suc, toute la substance soit dans le bouillon. = Le 2d sens, c' est détruire par l' usage les denrées. Consommer des fourrages, des provisions de bouche.
   CONSOMMÉ, ÉE, part. et adj. "Vertu, sagesse, science consommée, parfaite, acomplie. _ Homme consommé en science, très-savant. On dit aussi, sans régime, homme consommé, savant consommé, on sous-entend, en vertu, en science.
   REM. 1°. La Touche prétend qu' on confond consommer et consumer en plusieurs phrâses, comme: consommer, ou consumer des denrées, du blé, du vin, du bois, etc. _ L' Acad. ne dit, en ce sens, que consommer, et c' est l' usage actuel. _ Ce qui a fait confondre ces deux mots, dit Vaugelas, c' est que l' un et l' autre emporte avec soi le sens et la signification d' achever. _ Il y a pourtant une étrange diférence entre ces deux mots, dit M. Beauzée, entre ces deux manières d' achever; car consumer achève en détruisant, et consommer en perfectionant. "Un homme consommé dans les sciences, n' a certainement pas consumé tout son temps dans l' inaction ou dans les frivolités: "Il est nécessaire, pour consommer le Sacrifice de la Messe, que le Prêtre consume les espèces consacrées. Beauzée, synon. Voy. CONSOMMATION.
   * 2°. Le P. Sicard a donc mal parlé, quand il a dit: Nous descendîmes de la montagne comme Abraham, sans avoir consumé (consommé) le sacrifice, que nous espérions ofrir au Seigneur. Miss. du Lev.

CONSOMPTION


CONSOMPTION, s. f. [Kon-sonp-cion, en vers, ci-on: 1re et 2e lon.] Il se dit de certaines chôses qui se consument. "Il se fait une grande consomption de bois dans ce fourneau: la victime fut brûlée jusqu' à entière consomption. La consomption des espèces sacramentelles dans l' Eucharistie. Pour les denrées, on dit, consommation. Voyez ce mot. = 2°. Consomption est une espèce de phthisie fort commune en Angleterre, qui consume et dessèche le poumon, les entrâilles et toute la substance du corps. "Il est mort de la consomption. _ On dit aussi, d' une persone qui dépérit, qu' elle est malade de consomption.

CONSONANCE


CONSONANCE, s. f. CONSONANT, adj. masc. [1re et 3e lon.] La consonance est, en Musique, l' acord de deux sons, dont l' union plaît à l' oreille. Consonance parfaite, ou imparfaite. Varier les consonances. = Consonance est, en Gramaire, l' uniformité ou ressemblance de sons dans la terminaison des mots, qui riment ensemble. "Il faut éviter les consonances dans la phrâse.
   CONSONANT se dit, en Musique, d' un acord formé par des consonances: Acord consonant.

CONSONE


CONSONE, s. f. [On écrit ordinairement ce mot et les précédens avec deux n: mais on peut l' écrire avec une seule, sans grand inconvénient.] Il se dit de toutes les lettres de l' Alphabet, qui n' ont pas de son par elles-mêmes, et ne peuvent se prononcer qu' étant jointes à des voyelles: a, e, i, o, u, sont des voyelles; b, c, d, f, g, etc. sont des consones. _ L' Acad. marque aussi ces mots adjectifs; lettres voyelles, lettres consones; mais on s' exprime rârement de la sorte.
   Rem. 1°. Quand une consone est redoublée au milieu du mot, on n' en prononce qu' une: Abbé, consommer, annoncer, quitter, passer; pron. Abé, consomer, anoncer, qui--ter, pa-ser, etc. Cette règle est à remarquer, sur-tout pour les deux n: plusieurs les prononcent toutes les deux fort désagréablement: an-née, an-noncer, etc. _ Exceptez 1°. les deux n dans certains mots où on les prononce toutes deux: annal, annales, annate, etc. Nous en avons averti en leur lieu. _ 2°. Les deux c, dont le 2d est devant un e ou un i: Accéder, accident: Pron. akcédé, akcidan, etc. Quand ces deux c sont devant a, o, u, on n' en pron. qu' un: accabler, accomoder, accuser; prononcez akablé, akomodé, akuzé. _ 3°. Les deux d dans les deux mots addition, reddition, qui sont les seuls où le d se redouble: on les y prononce tous deux. _ 4°. Les deux m et les deux ll après i, au commencement des mots, immoler, illustrer, etc. on les fait sentir aussi toutes les deux. _ Il serait à souhaiter qu' on suprimât peu à peu une de ces consones redoublées dans les mots où l' on n' en prononce qu' une. On l' a déjà fait pour un certain nombre de mots. Petit à petit on le fera pour tous, et nous espérons que ce Dictionaire contribuera à accélérer cette réforme utile.
   II. Lorsqu' un mot finit par deux consones proprement dites, on ne prononce que la 1re, lorsque le mot se lie avec le suivant, commençant par une voyelle: d' abord après, respect humain, pron. dabo-raprè, respè-ku-mein, et non pas, dabor-daprè, respèk-tu-mein, etc. _ Quand l' n forme une voyelle nazale, elle est exceptée de cette règle: ou plutôt ce n' est pas une exception, puisque l' n n' étant pas alors consone, il n' y a pas deux consones finales. "Ils ont aimé, puissant apui: pron. on-témé, pui-san--tapui, etc. III. Du temps de Malherbe, et même longtems après, on retranchait au pluriel la dernière des consones finales dans les mots qui en avaient deux. On écrivait chams, chans, grans, fors, vieillars, etc. au lieu d' écrire champs, chants, grands, forts, vieillards, etc. Ensuite on les écrivit toutes deux. _ Depuis quelque temps on les a retranchés encôre, mais seulement dans les mots terminés en ent et en ant; sentimens, négligens, abondans, puissans. _ Ceux qui veulent qu' on les conserve toutes deux, et qu' on écrive sentiments, puissants, en donent une raison spécieûse; c' est qu' en conservant au pluriel cette consone caractéristique, par le pluriel on reconait et l' on distingue l' ortographe du singulier. Si je vois tirans, et attirans écrits de même, je croirai qu' atiran s' écrit sans t au singulier, comme tiran. Si au contraire je vois tirans sans t et atirants avec un t, je comprendrai que le 1er n' a point de t au singulier, et que le second en a un. Mais il n' y a pas d' aparence que cette raison prévale sur la commodité, et qu' elle arrête le cours d' un usage, qui s' établit tous les jours plus universellement. _ M. Linguet écrit grans sans d au pluriel; cela est nouveau, et pourra prendre comme le reste. _ Quand à chams, chans, fors et vieillars, et aûtres mots de ces terminaisons, je doute que de longtemps l' usage s' introduise de les écrire de la sorte.

CONSONER


*CONSONER, v. n. S' acorder (néologisme.) "Le bouvreuil consone et contraste très-agréablement avec l' épine blanche. St. Pierre.

CONSORTS


CONSORTS, s. m. pl. Terme de Pratique: ceux qui ont intérêt avec quelqu' un dans un procès, dans une afaire civile, etc. "On l' a condamné, lui et ses consorts, à payer solidairement, etc.
   Rem. Mr. Targe apèle consort d' un vaisseau ce que nous apelons Matelot. "N' étant pas soutenu par son consort, il fut obligé de se retirer. Si ce Traducteur eût consulté le Dict. de Boyer, il aurait vu, a consort-ship, interprété par vaisseau matelot.

CONSPIRANT


*CONSPIRANT, ANTE, adj. verb. (Néol.) Qui conspire. "Des forces conspirantes ne se détruisent pas par le choc. Paulian, Dict. de Phys.

CONSPIRATEUR


CONSPIRATEUR, s. m. CONSPIRATION s. f. CONSPIRER, v. n. [Kons-pira--teur, ra-cion, en vers, ci-on, konspiré; 1re lon.] Conspirateur est celui qui conspire pour quelque mauvais dessein, particulièrement contre la Puissance et l' autorité légitime. On le dit guère au sing. on dit plutôt, un des conspirateurs, qu' un conspirateur.
   CONSPIRATION est une conjuration, une entreprise contre l' État, contre les Puissances légitimes. Dangereuse, horrible conspiration. Ourdir, tramer, faire, machiner, former une conspiration. _ Il se dit aussi entre particuliers. "Il y a une conspiration contre vous: "On a fait une conspiration pour lui faire perdre ou lui faire avoir une telle charge.
   Conspirateur et conspiration se prènent toujours en mauvaise part. Conspirer est indiférent au bien ou au mal, et c' est son régime qui en détermine le sens.
   Conspirer à, c' est concourir. "Tout conspire à la fortune, ou à la ruine, à la destruction de... Ils conspirent tous à même fin, au bien de l' État. _ Conspirer contre anonce un mauvais dessein. Conspirer contre l' État; ils ont conspiré contre vous. _ Il est quelquefois actif, et il se dit alors en mauvaise part. "Ils ont conspiré la ruine de l' État: il a conspiré ma perte. _ Corneille lui donne pour second régime la prépos. contre.
   Voilà contre un ingrat tout ce que je conspire.
       Surena.
Il lui done en cet endroit le sens et le régime de méditier, et il n' aurait pas manqué de dire, tout ce que je médite, si la rime l' avait permis. Et que de faûtes contre la langue n' a pas ocasioné cette rime?
   Rem. Quand conspirer se dit des chôses, il régit la prép. à devant l' infinitif: "Tout conspire à me chagriner, à me ruiner _ Rollin et d' Avrigni lui donent ce même régime, quoique apliqué aux persones: "Il conspira ouvertement à repousser ceux qu' il avoit apelés. Rol. "Toutes les Villes conspirèrent à s' oposer aux ordres de la Cour. D' Avr. _ Avec les persones, il faut employer la prép. pour: il conspira avec, etc. pour repousser, etc. Elles conspirèrent ensemble pour s' oposer, etc. La diférence de ces deux régimes vient de ce qu' avec les chôses, conspirer signifie concourir, et qu' avec les persones, il a le sens de faire une conspiration. Or, l' on dit concourir à perdre, à ruiner; et faire une conspiration pour perdre, pour ruiner.

CONSPUER


CONSPUER, v. a. Cracher sur quelque chôse; mépriser d' une façon marquée. Il ne se dit point au propre; et au figuré il n' est suportable qu' en conversation, ou dans le style comique ou satirique. "Molière auroit ambitioné la gloire d' avoir fait la Métromanie, en même temps qu' il auroit conspué cette multitude de Drames, qui continuent si obstinément~ à défigurer~ la Scène. Sabat. Trois siècles.

CONSTAMMENT


CONSTAMMENT, adv. CONSTANCE, s. f. CONSTANT, ANTE, adj. [1re lon. 2e br. au 1er lon. aux trois aûtres.] Constamment a deux sens, qui n' ont aucun raport l' un avec l' aûtre. 1°. Avec constance et fermeté, soufrir constamment; ou avec persévérance, suivre constamment un dessein; s' atacher constamment à une chôse. = 2°. Certainement, assurément: Cette nouvelle est constamment vraie: "Constamment il l' a écrit. Bossuet. _ Constamment c' est un fait, était le mot et le refrein d' un grand Nouvelliste.
   CONSTANCE a aussi les deux sens de fermeté et de persévérance. "Il a eu, il a montré bien de la constance dans ses maux, dans ses malheurs: soufrir avec constance. _ Poursuivre un dessein avec constance: la constante dans l' amitié, dans le bien, est une vertu bien râre. Voy. Stabilité.
   CONSTANT a les trois significations de constamment. _ Qui a de la fermeté et de la constance dans les maux, les adversités. "Constant dans les revers et les disgrâces; âme constante dans les plus grands maux. _ Persévérant, qui ne change pas. Constant dans la Foi, dans l' amitié; constant en amour, ou dans ses amours. Volonté ferme et constante; esprit constant. _ Indubitable, certain. Cela est constant, passe pour constant; il est constant que, etc. En cette acception, il ne se dit point des persones. On ne dit point qu' un homme est constant à Paris, pour dire qu' il y est certainement. Ainsi Fontenelle n' est pas à imiter, quand il dit: "Les Démons étant constans par le Christianisme, pour dire, que leur existence est certaine.
   CONSTANT se dit des chôses dans le sens de ferme, solide. État constant et immuable; fortune solide et constante; constante prospérité. "Tout change dans ce monde: il n' y a rien de constant.
   CONSTANT, ferme, inébranlable, inflexible, (synon.) Les trois derniers ajoutent au premier une idée de courage avec ces nuances diférentes, que ferme désigne un courage qui ne s' abat point, , inébranlable un courage qui résiste aux obstacles, et inflexible un courage qui ne s' amollit point. Un homme de bien est constant dans l' amitié, ferme dans les malheurs; et lorsqu' il s' agit de la justice, inébranlable aux menaces, et inflexible aux prières. Encycl.
   Rem. 1°. Constant, ferme, durable, stable, suit ordinairement le nom qu' il modifie. Quelquefois pourtant, sur-tout en vers, il peut le précéder.
   Si la fortune le traverse,
   Sa constante vertu s' exerce
   Dans ces obstacles passagers.
       Rousseau.
  Telle est de l' univers la constante harmonie.
      L. Racine.
Constante prospérité est aussi bien en prôse que prospérité constante; mais constante vertu, et encôre plus constante fortune, auraient quelque chôse de dur. _ Le masculin sur-tout n' aime pas à marcher devant un nom terminé en e muet. Constant Prince ne vaudrait rien, constant homme écorcherait les oreilles.
   2°. Constance et constant régissent l' infinitif avec la prép. à: "Sa constance à soutenir les revers, fait l' admiration de tout le monde. "Il est constant à poursuivre ses prétentions.
   3°. Il est constant que régit l' indicatif, lorsque le sens est afirmatif, et le subjonctif, quand le sens est négatif ou interrogatif: "Il est constant que vous l' avez dit: "Ce n' était pas peut-être une chôse si constante parmi le peuple, que les oracles fussent rendus par les Divinités. Fonten. "Est-il aussi constant que vous le dites, que cette Doctrine soit erronée, etc.

CONSTATER


CONSTATER, v. a. On dit constater un fait, l' établir par des preuves convaincantes. Il est constaté qu' il est coupable: il n' est pas constaté, ou est-il bien constaté qu' il soit coupable? Voy. l' Art. précédent Rem. 3°.

CONSTELLATION


CONSTELLATION, s. f. CONSTELLÉ, ÉE, adj. [On pron. les deux ll: tion, dans le 1er a le son de cion, et en vers, de ci-on.] on apèle constellation, l' assemblage de plusieurs étoiles. "Les Astronomes ont divisé le zodiaque en douze constellations. _ Constellé est un terme d' astrologie: qui est fait sous certaines constellations: anneau constellé, pierre constellée.

CONSTER


CONSTER, v. n. impers. Il ne s' emploie qu' au Palais; il conste que... il est constant que... Il a les mêmes régimes. Voy. CONSTANT, Rem. 3°. Voy. CONSTATER.

CONSTERNATION


CONSTERNATION, s. f. CONSTERNER, v. a. [1re lon. 2e ê ouv. 3e é fermé au 2d: tion dans le 1er se prononce comme cion, en prôse, et ci-on en vers.] Consterner, c' est fraper d' étonement et abatre le courage. Consternation est donc un étonement qui produit un abatement de courage. "Consterner les esprits. "Cette nouvelle inatendue a consterné tout le monde. "La consternation a été universelle. Voy. ÉTONNEMENT.
   Rem. 1°. On dit, être consterné: on ne dit pas se consterner: la consternation ne vient point de la volonté, mais d' une caûse extérieure. Un Poète, que le réciproque acomodait mieux, l' a employé: il n' est pas à imiter.
   Il veut trouver un sage et me voit que des fous:
   Déja son front se ride et son coeur se consterne.
       Clerc de Montmercy.
2°. Être consterné régit l' ablatif des chôses, qui sont l' ocasion de la consternation, et la prép. par pour les sentimens intérieurs qui la produisent: "Je suis consterné de cette nouvelle, de cet événement; je fus consterné par une terreur subite, qui m' ôta entièrement le courage _ Les Poètes sont en possession, quand la chôse les acomode, de substituer la prép. de à la prép. par.
   Ne vous figurez point que dans cette journée
   D' un lache désespoir ma vertu consternée
   Craigne les soins d' un trône où je pourrois monter.
       Racine.
  Le Seigneur dans leurs camps a semé la terreur;
  Il parle, et nous voyons leurs trônes mis en poudre,
   Leurs chefs aveuglés par l' erreur,
   Leurs soldats consternés d' horreur.
       Rouss.
Cette dernière expression pourrait être employée en prôse: mais celle de Racine n' y serait pas suportable. Il faudrait dire, consternée par un lâche désespoir.

CONSTIPATION


CONSTIPATION, s. f. CONSTIPER, v. a. [1re lon. 3e é fer. au 2d: dans le 1er tion se pron.~ comme cion.] Constiper, c' est resserrer le ventre de telle sorte qu' on ne puisse aller librement à la selle. Constipation est l' état de celui qui est constipé. "Fruits qui constipent. Une longue constipation est dangereûse.

CONSTIPÉ


CONSTIPÉ, ÉE, adj. Qui n' a pas le ventre libre. _ On dit aussi substantivement (st. famil.) il a la mine d' un constipé.
   --- Phebus voyant sa mine constipée,
   Dit: Quelle est donc cette Mûse éclopée
   Qui vient chez nous, racler le violon,
   En manteau court?        Rouss.

CONSTITUT


*CONSTITUT. Un Auteur très-moderne a dit, mettre de l' argent à constitut, pour dire, à constitution de rente. "Au café, on vendoit publiquement, en gros et en détail, tous les autres présens, même décorés de ses armes, dont il mettoit aussi-tôt l' argent à constitut. Anon. Ce mot n' est en usage ni au Palais, ni dans le discours ordinaire.

CONSTITUANT


CONSTITUANT, ANTE, adj. CONSTITUER, v. a. [4e lon. aux 2 1ers, é fer. au 3e.] Constituant, se dit des persones, en style de Pratique: qui constitûe un Procureur. Ledit sieur constituant, ladite Dame constituante, etc. _ En Physique, il se dit des chôses: les molécules constituantes du soufre. Aff. de Prov. _ On dit plus souvent, constitutives
   CONSTITUER, composer un tout: "La matière et la forme constitûent le corps physique: ce qui constitûe le poème dramatique est, etc. _ Suivant l' Acad. c' est aussi faire consister en... "Les Philosophes constitûent le souverain bien dans la vertu. _ Je crois qu' on peut douter que cette façon de parler soit de l' usage actuel. Elle me paraît surannée et hors d' usage. On dit aujourd'hui, font consister dans, etc. _ On disait aûtrefois, constituer, en ce sens: "Les femmes, trompées de leurs imaginations, constituent la sainteté en l' austérité. St. Fr. de Sales. _ Au Palais, on dit, constituer (établir) un Procureur, constituer quelqu' un prisonier, le mettre en prison: constituer une rente, une pension: il a constitué à son fils une telle somme, pour lui servir d' alimens: constituer une dot, l' établir, l' assigner sur tels deniers, sur tel héritage.
   Dans le discours ordinaire, on dit, constituer un homme en frais, en dépense, lui causer, lui ocasioner des dépenses, des frais.
   CONSTITUÉ, ÉE, adj. Il se dit, ou sans régime; bien, ou mal constitué, qui est de bone ou mauvaise complexion. _ On le dit plutôt de la complexion que de la conformation. "Tout son bien est en rentes constituées. _ Ou il se dit avec de, ou en, le 1er dans le physique, le 2d dans le moral: Un tout, constitué de telles et telles parties: homme constitué en dignité.

CONSTITUTIF


CONSTITUTIF, IVE, adj. CONSTITUTION, s. f. [Konstitutif, tîve, titu-cion, en vers, ci-on; 4e lon. au 2d.] L' adjectif se dit de qui constitûe essentiellement une chôse: les parties constitutives d' un corps: la divisibilité est une propriété constitutive de l' étendûe.
   CONSTITUTION, a plusieurs significations: 1°. Composition. "La forme et la matière forment la constitution du corps naturel. = 2°. Établissement, création d' une rente, d' une pension, etc. "Contrat de constitution; argent placé à constitution de rente, ou simplement, à constitution. "Il a tout son bien en constitutions. = 3°. Ordonance, Loi, Règlement. Constitutions Impériales, Canoniques, Pontificales. La Constitution Unigenitus. "Les Constitutions d' un Ordre Religieux. "Cette République étoit gouvernée par de bones Constitutions. 4°. Il se dit du tempérament. "Il est de bone, ou de mauvaise constitution. _ 5°. Construction: la constitution du corps humain, la constitution du monde. Cette dernière phrâse est consacrée, et chez les Philosophes, pour signifier l' ordre et la situation des parties du monde, entre elles, et dans les Livres saints, pour signifier la création du monde: Quod vobis paratum est à constitutione mundi.

CONSTITUTIONEL


*CONSTITUTIONEL, ELLE, adj. Mot à la mode, depuis qu' on parle tant des afaires d' Angleterre. Il signifie, conforme à la Constitution du gouvernement. "Il est légal, constitutionel, indispensable, que le peuple retire son dépôt des mains infidèles (des Ministres) qui en auroient négligé le soin. Linguet. Annales.

CONSTRICTION


CONSTRICTION, s. f. CONSTRINGENT, ENTE, adj. [Kons-trik-cion, kons-trein-jan, jante; 2e et 3e lon. aux 2 dern.] Ce sont deux termes de Physique. Resserrement des parties d' un corps. = Ce qui les resserre. _ L' adj. est plus usité que le substantif.

CONSTRUCTION


CONSTRUCTION, s. f. CONSTRUIRE, v. a. [Kons-truk-cion, kons-truire; 1re lon. 2e lon. au 2d.] Construction, est, 1° L' arrangement, la disposition des parties d' un bâtiment. La construction d' un Palais; la construction d' un vaisseau. _ Dans ce dernier emploi, il se dit absolument: les règles de la construction: il entend bien la construction. _ Au figuré, il se dit d' un ouvrage d' esprit.
   CONSTRUCTION, en Gramaire, est l' arrangement des mots, suivant les règles et l' usage de la Langue. "La construction de cette phrâse est régulière, ou louche, mauvaise, dûre, barbâre, etc. Défaut de construction; faûte contre la construction.
   Rem. La régularité dans la construction, est une des choses les plus nécessaires pour la netteté et la clarté du discours. Toutes les phrâses louches et obscûres pèchent par quelque défaut dans la construction. Elle montre souvent à découvert le vice des expressions, mais elle sert aussi à les cacher; et tels mots, qui, raprochés, feraient de la peine, n' en font plus, quand ils sont éloignés l' un de l' aûtre. Voy. SYNTAXE.
   CONSTRUIRE: Je construis, nous construisons; je construisais; je construisis; j' ai construit; je construirai; construirais; construis: que je construîse; je construisisse; construisant: construit, uite. _ 1°. Bâtir, faire un édifice: Construire une maison, un palais: cela est solidement construit. _ On dit aussi, construire un vaisseau, une barque, etc. _ Figurément, on dit, construire un poème, en arranger, en disposer toutes les parties: ce poème a été construit avec beaucoup d' art. = 2°. En termes de Gramaire, arranger les mots suivant les règles et l' usage. Construire une phrâse: cette phrâse est mal construite.

CONSUBSTANTIALITÉ


CONSUBSTANTIALITÉ, s. f. CONSUBSTANTIEL, ELLE, adj. CONSUBSTANTIELLEMENT, adv. [Konsubstanci-alité, cièl, èle, èleman; 1re et 3e lon. 5e è moy. 6e e muet aux 3 dern.] Termes de Théologie. Unité et identité de substance: Les Ariens niaient la Consubstantialité du Fils avec le Père. "Les trois Persones de la Trinité sont Consubstantielles. "Le Fils est Consubstantiel, ou, est Consubstantiellement uni avec le Père; et le Saint-Esprit, avec le Père et le Fils.