Dictionnaire critique de la langue française Dictionnaire critique de la langue française 1787 Français 2007-4-4 ARTFL Converted to TEI CELUI


CELUI, CELLE, pronom démonstratif. [Cè-lui, cèle, 1re e muet au 1er, è moy. au 2d. Au plur. ceux, celles.] 1°. Ils supléent pour les substantifs qui précèdent, et sont très-utiles pour faire éviter une répétition, souvent désagréable. Au lieu de dire, par exemple: mes regards ne sont pas les regards d' un Juge sévère, on dit, ne sont pas ceux d' un Juge, etc. Racine retranche ceux:
   Voyez si mes regards sont d' un Juge sévère. Andr.
Le tour du vers en est plus vif, quoique la construction soit moins régulière.
   2°. La principale propriété de celui et de celle, est d' avoir les mêmes régimes que les mots, pour lesquels ils supléent. "Il en a tous les droits, toutes les prérogatives, même celui (ou celle), de nomer aux emplois. Celui ou celle, dans cette phrâse, régit l' infinitif et la prép. de, qui est le régime des substantifs droit, prérogative, qu' ils représentent.
   3°. Par lui-même, celui régit fort bien les noms au génitif. "Ce fut celui de tous les jeunes gens, que j' aimais le plus. Télém. _ Ce génitif peut quelquefois précéder celui; et l' on pourrait dire, en tournant aûtrement la phrâse: "De tous les jeunes gens, ce fut celui que j' aimais le plus. Voy. GÉNITIF. = Dans cette ocasion, faut-il mettre le verbe au subjonctif, ou à l' indicatif? Doit-on dire avec Pluche: "L' air est, de tous les élémens, celui dont le feu se puisse moins passer, ou dire, se peut moins passer: Écoutons Aristote: c' est celui de l' École d' Athènes, qui se soit (ou qui s' est) le plus mêlé de Physique. Id. Il y a des exemples et des autorités pour les deux manières. J' aime mieux la 2de; elle est d' un usage plus commun. Voy. SUPERLATIF.
   4°. Celui, celle, ne doivent pas être trop éloignés du nom qu' ils remplacent. "Le courage, cette qualité spéciale des armées Françoises, devenoit presque toujours inutile et souvent funeste, parce que la discrétion n' étoit pas celle de nos Conseils. Linguet. À~ la fin de la phrâse, on a déjà oublié le mot qualité, et l' on ne sait plus à quoi celle se raporte. _ On peut apliquer ici cet avis de Bouhours: Quand celui fait quelque équivoque, ou quelque embarras dans la phrâse, il faut s' en abstenir, et répéter le mot qui précède.
   5°. Ce pronom, quand il se dit des persones, peut s' employer avec raport ou sans raport à un nom, qui précède ou qui suit. "Une femme vraiment estimable, est celle qui remplit exactement les devoirs de son état. "Celui qui fera plus, sera plus récompensé. _ Mais quand il se dit des chôses, il est toujours relatif à un nom: "C' est un méchant métier que celui de médire: que celui, c. à. d., que le métier: "Choisissez celle de ces éditions, qui vous paroîtra la plus belle. Wailly.
   6°. Celui, comme les aûtres pronoms relatifs, ne doit pas se raporter à un nom pris dans un sens indéfini. Exemple: Il faut que vous ayiez soin de travailler avec la grâce, et que vous remettiez à Dieu celui de vous visiter. Il faut dire, que vous ayiez un grand soin, etc., et que vous laissiez à Dieu le soin, etc. Wailly. _ Ainsi l' on dit avec l' article indéfini, des sentimens d' honneur et de probité; mais on ne doit pas dire: il a perdu tous les sentimens, même ceux d' honeur et de probité. Il faut dire, ceux de l' honeur et de la probité. Dict. Gram.
   7°. Quoique celui fasse fonction de substantif, il n' en a pas pourtant tous les droits: il ne peut être modifié par des adjectifs. "Quoique les troubles d' Angleterre encourageassent la France à entrer dans quelques expéditions contre son anciène énemie, ceux plus considérables encôre, qui l' agitoient elle-même, l' obligèrent bientôt de prendre des mesûres pacifiques. Hist. d' Angl. "Je ne puis mieux finir cette lettre, qu' en vous faisant part de celle écrite par M. de Bufon à cette Dame respectable (Mde la Comtesse de Genlis). Ann. Litt. "Sa faûte est ensuite couverte par celle beaucoup plus grande que commit le Pape. Moreau. "Pline dit que Carès inventa les augûres tirés des oiseaux, et qu' Orphée inventa ceux tirés des aûtres animaux. Le Gendre. = * La chôse est plus choquante encôre, quand on unit celui, ou celle, à des superlatifs: "Elle débite à tout venant.... toujours les chôses les plus futiles, et souvent celles les plus ridicules. Mercûre. Cela est d' une dureté insuportable. La phrâse suivante l' est peut-être encôre plus. "Le goût de la Philosophie n' étoit pas alors celui dominant. Dict. Hist. Art. DELISLE. Addit. au T. IV, IIe part. _ Ce tour est propre au Palais, et du style de la Chancellerie. Voy. CE III, n° 3°.
   8°. Après celui, on ne doit point mettre il: ce seraient deux nominatifs pour le même verbe. "Ceux, dont le cerveau n' est point rempli de traces profondes... ils peuvent se passer des secours qu' on tire des passions. Mallebr. Retranchez ils.
   * 9°. Aûtrefois on disait celui et celle, pour cet, cette. "Les Gantois firent ouvrer une bombarde merveilleûsement grande... et quand celle bombarde décliquoit, on l' oïoit de cinq lieues loin, par jour, et de dix par nuit. Froissard. Ce vieux Auteur parle au même endroit d' un engin merveilleûsement grand, et apeloit-on celui engin un mouton. "Les gens disent, en celui pays, que, etc. Dites, en ce pays-là. _ Plus récemment, celui s' est dit pour persone: "Il n' y eut celui qui ne s' intéressât dans leurs maux. Vaugelas, dans son Quinte-Curce. L' Auteur des Réflexions aprouvait cette acception de ce pronom. La Touche doutait qu' elle fût d' usage. Nous pouvons dire qu' elle est aujourd'hui entièrement inusitée, vieille et barbâre.
   CELUI-CI, celle-ci; celui-là, celle-là. 1°. Ils s' emploient, comme celui, à la place des persones, ou des chôses, dont on parle. La principale diférence, qui se trouve entre ces trois pronoms, c' est que celui n' a de lui-même qu' une signification vague, et qu' il exige toujours, après un qui relatif, qui en détermine le sens; celui qui veut être heureux, doit pratiquer la vertu. Celui-ci et celui-là, au contraire, ont une signification fixe, par le moyen de ci et là, qui en sont inséparables, dont l' un marque les chôses plus proches de la persone qui parle, et l' autre, les chôses qui en sont plus éloignées. _ Ils n' exigent point de qui, et ce serait mal d' en ajouter un immédiatement, et de dire: celui-là qui voudra être heureux, etc. Aûtrefois on l' employait de la sorte sans dificulté.
   Mais qu' il soit une amour si forte
   Que celle-là que je vous porte,
   Cela ne se peut nullement.
       Malherbe.
  Car le feu, qui brûla Gomôre,
  Ne fut jamais si véhément,
  Que celui-là qui me dévore.
      Voiture.
  * 2°. Plus anciènement, on employait celui dans le même goût, mais en le séparant de qui relatif: "Celui est en abomination au Seigneur, qui fiche (fixe) et arrête l' oeil sur des objets indécens. St. Fr. de S. "Celui s' estimoit heureux, qui pouvoit mener un Frère mineur avec soi. Chron.
   Celui n' écrit aucune chôse,
   Duquel l' ouvrage on ne lit point.
       Marot.
_ Aujourd'hui on dit, celui-là; car lorsqu' il y a quelque chôse entre ce pronom et qui, on peut employer le relatif: celui-là est heureux, qui ne désire rien. Mais remarquez qu' alors là est une particule surabondante et que celui-là ne signifie rien de plus que celui; c' est comme si l' on disait, celui qui ne désire rien est heureux.
   3°. Celui-là, modifié par seul, peut aussi être suivi du pronom relatif. "Toujours immédiatement soumis à celui-là seul, qui portoit la courone.
   4°. Pour celui-ci, il peut être suivi du qui relatif dans une seule circonstance, et c' est, lorsque qui est le sujet, le nominatif d' une phrâse, qui est comme en parenthèse; par exemple: celui-ci, qui est déjà usé, vaut mieux que celui-là, qui est tout neuf: "J' aime mieux celui-là, qui est assez grôs, que celui-ci, qui est trop petit, etc. _ Dans le sens indéfini, on doit toujours dire, celui-là, et non pas, celui-ci, comme dit Jean-Jaques: "Celui-ci doit avoir plus de voix, qui peut se passer de crier. Dites: Celui-là doit, etc., qui peut, etc.
   5°. Il est des ocasions, où non-seulement on peut, mais où l' on doit employer là ou ci, après celui, quoiqu' il soit suivi d' un qui relatif, comme quand on dit, en montrant du doigt: C' est celui-là, qui m' a volé; c' est celui-ci qu' il faut arrêter.
   6°. Hors de là, il n' y a que le peuple qui dise, celui-là qui m' ataquera, s' en repentira, pour celui qui m' ataquera, etc. "Toi, (c. à. d. d' être tutoyé) c' est ma part, et celle-là du pauvre peuple. Mariv. C' est un paysan qui parle. Cet exemple montre qu' on ne doit pas plus mettre la prép. de, que les pronoms relatifs, après celui-là.
   7°. Celui-là, au lieu de, cela, est du style familier. "Lucinde. Espèrent-ils de mieux plaire aux femmes, en s' éforçant de leur ressembler? Marton. "Pour celui-là, ils auroient tort. J. J. Rouss. Narcisse, ou l' Amant de lui-même. "Des réflexions! toi! Je n' aurois pas deviné celui-là. Ibid. "Moi, acomplie! Oh! celui-là est trop fort. Th. d' Educ.
   * 8°. On disait aûtrefois, cettui-ci, cettui-là, et même, cette-ci. Voy. CETTUI.

CÉMÉTIèRE


CÉMÉTIèRE, Voy. CIMÉTIèRE.

CÉNâCLE


CÉNâCLE, s. m. [1re é fer. 2e lon.] Salle à manger. Il n' a d' usage qu' en parlant de la salle, où le Sauveur fit la Cène, et où les Apôtres reçurent le Saint-Esprit.

CENDRE


CENDRE, s. f. [Sandre; 1re lon. 2e e muet.] La poûdre, qui reste du bois et des aûtres matières combustibles, lorsqu' elles ont été consumées par le feu: Cendre chaude; réduire, ou mettre en cendres. _ Cette dernière expression s' emploie au propre, dans son sens naturel; et au figuré, dans le sens de ravager, désoler, mettre tout à feu et à sang. "Tamerlan réduisit toute l' Asie en cendres.
   Rem. 1°. Selon l' Académie, on dit en Poésie, la cendre, ou, les cendres, en parlant des morts. Suivant La Touche, on doit toujours se servir du pluriel. Il dit pourtant, que le singulier est excusable en vers; et il cite ce vers de Corneille:
   Cette urne, que je tiens, contient-elle sa cendre?
   Rousseau a dit aussi, en parlant du Prince de Conti.
   Élevons à sa cendre un monument célèbre.
   2°. On lit dans le discours de Catilina aux Conjurés, dans Cicéron, Tragédie de Voltaire.
   Entrez dans leurs Palais, frappez, mettez en cendre
   Tout ce qui prétendra l' honeur de se défendre.
   Il y a plusieurs chôses à remarquer dans ces deux vers. 1°. On dit mettre en cendres, au pluriel, et non pas en cendre au singulier. 2°. On met en cendres des bâtimens, et au figuré, un pays qu' on ravage; mais on ne met pas en cendres des hommes. Or, tout ce qui, signifie là, tous les hommes qui feront mine de se défendre. 3°. Je ne parle pas de prétendre l' honeur, qui est un faux régime. Cette Remarque n' est pas de cet article. Voy. Prétendre.
   3°. M. Racine le Fils, sur ce vers d' Alexandre,
   Sans lui déja nos murs seroient réduits en cendre.
demande si l' on brûle des murs. Il n' ôse pourtant pas acuser cette expression de négligence. On peut en éfet la regarder comme une métonymie. Le contenant est mis là pour le contenu, les murs pour les maisons de la Ville. _ L' Observateur ne dit rien de réduits en cendre au singulier.
   On dit, figurément, feu caché sous la cendre, passion qui n' est pas bien éteinte. _ Il ne faut pas remuer les cendres des morts, rechercher leurs actions pour flétrir leur mémoire. _ En parlant d' un bon mari, d' une bone femme, on dit, proverbialement, qu' il faudrait les brûler pour en avoir de la cendre, pour faire entendre que l' un et l' aûtre sont fort râres. _ Dans l' Ann. Litt. on critique ce vers du Méchant.
   C' est un homme à brûler pour en avoir la cendre.
Le Critique avait oublié ce Proverbe. _ On dit aussi de ce qui est mauvais, rôti, bouilli trainé par les cendres.
   On dit encôre, que les cendres ne peuvent pas couvrir le feu, quand les dettes sont plus fortes que les revenus.
   Renaître de ses cendres, se dit au figuré par allusion au Phénix, oiseau fabuleux. "Sa prospérité ralume sans cesse le feu, qui le dévôre, et le fait renaître de ses cendres. Massillon. La Métaphôre n' est pas juste. Ce n' est pas le feu qui renaît de ses cendres, mais ce que le feu a consumé.
   Prendre la cendre et le cilice (Fig.) faire pénitence.

CENDRÉ


CENDRÉ, ÉE, CENDREUX, EûSE, adj. CENDRIER, s. m. [Sandré, dré-e, dreû, eû-ze, drié: 1re lon. 2e é ferm. long. au 2d; longue aussi au 3e et 4e; é fer et dout. au 5e.] Cendré se dit de ce qui est couleur de cendre: cendreux, de ce qui est plein de cendre. Gris cendré; blond cendré. Celui-ci se dit en parlant des cheveux. "Habit tout cendreux, table toute cendreûse.
   CENDRIER est la partie du fourneau qui est au dessous de la grille, et dans laquelle tombent les cendres.

CèNE


CèNE, s. f. [1re è moy. 2e e muet.] 1°. Le souper, que le Seigneur fit avec ses Disciples la veille de sa passion. = 2°. Les Calvinistes donent le nom de Cène à l' espèce de Communion qu' ils font. = 3°. Faire la Cène, chez les Catholiques, c' est servir à manger à treize paûvres le Jeudi-Saint, après leur avoir lavé les pieds.

CÉNOBITE


CÉNOBITE, s. m. CÉNOBITIQUE, adj. [1re é ferm. dern. e muet.] Cénobite est un Religieux qui vit en communauté. On ne le dit guère qu' en parlant des anciens Moines, par oposition à ceux qui vivaient séparés les uns des aûtres, qu' on apèle Anachorètes. Cénobitique, qui apartient au Cénobite. Il se dit proprement des anciens Cénobites, et par extension, de tous les Moines qui vivent en Comunauté. Vie cénobitique.

CÉNOTAPHE


CÉNOTAPHE, s. m. [Cénotafe, 1re é ferm. tout bref.] Tombeau vide, dressé à la mémoire d' un mort enterré âilleurs, ou dont on ne peut trouver le corps.

CENS


CENS, s. m. [Sans, et devant une voy. sanz.] Redevance en argent, que certains biens doivent au Seigneur annuellement. "Terre qui doit tant de cens de rente. Payer les cens = Quiter, ou abandoner la terre pour le cens, se dit au propre dans son sens naturel; et au figuré, c' est se défaire des biens qu' on possède à des conditions trop onéreûses.

CENSAL


*CENSAL, s. m. En Provence et dans les Échelles du Levant, on le dit pour Courtier, Trév. Mais ce mot n' est pas Français.

CENSE


CENSE, s. f. C' est un mot de certaines Provinces, comme la Picardie, le Hainaut, la Flandre, la Bourgogne. Métairie, ferme.

CENSÉ


CENSÉ, ÉE, adj. [Sansé, sé-e; 1re lon. 2e é ferm. long au 2d.] Réputé. "Il est censé présent. "Celui, qui est trouvé avec les coupables est censé complice: "Une loi est censée abolie par le non-usage.

CENSEUR


CENSEUR, s. m. [San-ceur: 1re lon. 2e dout.] 1°. Celui qui reprend et contrôle les actions d' autrui. Il se prend, ou en bone, ou en mauvaise part, suivant l' épithète qui le modifie. = 2°. Chez les Romains, Magistrat qui tenait un registre des citoyens, et qui avait droit de rechercher leurs moeurs et leur conduite. = 3°. Critique qui juge des ouvrages d' esprit. "Consulter un Censeur éclairé. = 4°. Celui que le Chancelier commet pour l' examen d' un livre. Il est Censeur Royal, etc. etc.

CENSIER


CENSIER, IèRE, adj. [San-sié, siè-re: 1re lon. 2e é fer. dout. au 1er, è moy. long au 2d.] Celui ou celle, à qui le cens est dû. Seigneur censier, Dame censière. _ Papier censier, où sont écrits les cens et rentes. _ Subst. Celui ou celle qui tient une cense à ferme. Il ne faut pas le confondre avec censitaire.

CENSITAIRE


CENSITAIRE, s. m. [Sansitère, 1re lon. 3e è moy. long aussi.] Celui qui doit cens et rente à un Seigneur de fief.

CENSîVE


CENSîVE, s. f. [Sansîve, 1re et 2e lon.] 1°. Redevance en argent ou en denrées, que certains biens doivent annuellement au Seigneur du fief, d' où ils relèvent. "Cette terre doit tant de censîve. = 2°. Étendûe des terres roturières, qui doivent lods et ventes. "Il est dans la censîve de...

CENSORIAL


*CENSORIAL, ALE, adj. Qui apartient au Censeur. "Dans la suposition que vous faites, quel seroit l' instigateur du Ministère public? De quel dénonciateur le crayon censorial enregistra-t-il le nom? Le C. de M... C' est un néologisme. Il faut atendre ce que l' usage en ordonera.

CENSUEL


CENSUEL, ELLE, adj. [Sansu-èl, èle, 1re lon. 3e è moy.] Qui a raport au cens: Droit censuel, rente censuelle.

CENSURABLE


CENSURABLE, adj. CENSûRE, s. f. CENSURER, v. a. [Sansurable, sansûre, suré: 1re lon. 2e lon. au 2d. seulement: mais, dans le verbe, elle est longue aussi devant l' e muet: il censûre, il censûrera, etc.] L' adjectif se dit de ce qui peut être censuré, qui mérite censûre: "Proposition, conduite, action censurable. = Le substantif a plusieurs sens. 1°. Correction, répréhension. Soumettre ses écrits à la censûre de, subir, soufrir la censûre, être exposé à la censûre. = 2°. En matière de dogme, Jugement doctrinal, qui porte condamnation. = 3°. Excommunication, interdiction, suspension, peines éclésiastiques. Encourir la censûre, les censûres, absoudre des censûres, etc. = 4°. Parmi les anciens Romains, dignité et fonction du Censeur.
   Censûre, critique (synon.) Suivant un Encyclopédiste, critique s' aplique aux ouvrages Littéraires, et censûre aux propositions de doctrine, ou aux moeurs. Suivant Mr. Beauzée, une critique est l' examen raisoné d' un ouvrage, de quelque natûre qu' il soit, et une censûre est la répréhension précise de ce qui blesse la vérité ou la loi. Ainsi la critique peut s' étendre aux ouvrages théologiques, et la censûre peut tomber sur des ouvrages pûrement littéraires. "Il faut critiquer avec goût, et censurer avec modération. _ Cette distinction parait fort juste. = On dit exercer sa censûre sur... "On croit se doner pour génie supérieur, quand on a exercé une censure amère sur toutes les branches du gouvernement. Journ. de Monsieur.
   Censurer a les deux premiers sens de censûre. 1°. Reprendre, blâmer. On a fort censuré sa conduite dans cette afaire. "Elle ne se plait qu' à censurer les actions d' autrui. 2°. Déclarer qu' un livre, une proposition contiènent des erreurs. La Sorbone a censûré tel livre, etc.
   Censurer ne se prend qu' en mauvaise part. * On lit dans des notices du Mercûre. "M. Riballier (Censeur Royal) qui a censûré cet ouvrage, etc. et cette prétendûe censûre est un éloge de cet ouvrage. C' est mal s' exprimer. Ce n' est pas à dire qu' on censûre un ouvrage, parce qu' on en a été nommé le censeur, c. à. d. l' examinateur. L' Ab. Grosier le fait neutre, et lui fait régir la prép. sur: "Il lui apartient bien de censurer sur le fait de la littérature. Je doute que ce régime soit d' usage.

CENT


CENT, adj. numéral. [San.] Nombre, qui contient dix fois dix.
   Rem. 1°. Cent est-il déclinable et a-t-il un pluriel ou non? C' est surquoi les opinions ont été longtemps partagées. Aujourd'hui l' usage constant est d' y mettre une s quand il est suivi d' un subst. plur. et de l' y prononcer, quand ce substantif commence par une voyelle: deux cens soldats, deux cens hommes; mais on l' écrit sans s, quand il est suivi d' un aûtre nombre: trois cent soixante chevaux; l' an mil sept cent soixante.
   2°. Dans les denrées qui se vendent, on dit un cent, un demi-cent, comme, une centaine, une cinquantaine; on dit: un cent ou une centaine de pommes; un demi-cent, ou une cinquantaine de noix. Mais on ne dit pas, un cent de lettres, une demi-cent d' hommes; il faut dire, une centaine, une cinquantaine de lettres, d' hommes, etc. Wailly.
   3°. On se sert souvent de cent, comme de mille, pour signifier un nombre indéterminé. "On lui a donné cent coups, c. à. d. un grand nombre de coups. Bouh.
   On dit, par exagération, qu' il y a à gagner cent pour cent dans une afaire, quand le profit est fort grand.

CENTAINE


CENTAINE, s. f. [Santène: 1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Nombre collectif, qui renferme cent unités. "Une centaine d' écus, de louis, etc. _ À~ centaines, par centaines, adv. En grande quantité. Voy. cent, n°. 2°. et 3°.

CENTAINE


CENTAINE, ou mieux, SENTAINE, s. f. [L' Acad. met le 1er. seulement: le Rich. Port. les met tous deux sans distinction.] Brin de fil ou de soie, par lequel on comence à dévider un écheveau.

CENTAûRE


CENTAûRE, s. m. [Santôre, 1re et 2e lon. 3e e muet.] Animal fabuleux, moitié homme, moitié cheval. "Achile fut élevé par le Centaûre Chiron. "Le combat des Centaûres contre les Lapithes.

CENTENAIRE


CENTENAIRE, adj. [Santenère, 1re lon. 2e et dern. e muet, 3e è moy. et long.] L' Acad. ne le dit que dans ces phrâses: nombre centenaire; possession, prescription centenaire. Rich. Port. dit aussi, homme centenaire. Il ne le marque point substantif. Cependant on dit fort bien: "Il y a plusieurs centenaires dans cette Ville: "Du vivant de Mr. le Cardinal de Fleury, les Gazettes ne parloient que de centenaires.

CENTENIER


CENTENIER, s. m. [Sante-nié: 1re lon. 2e e muet 3e é fer. et dout.] Capitaine de cent hommes. Le Centenier de l' Évangile. Chez les Romains on disait Centurion. _ Dans quelques Villes on apèle Centenier un oficier qui commande cent hommes.

CENTIèME


CENTIèME, adj. [San-tiè-me: 1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Nombre d' ordre (ou ordinal) de cent. "Le centième denier, la centième année. _ Subst. Vous êtes le centième, ou la centième dans le rôle.

CENTON


CENTON, s. m. [Santon, deux longues.] Ouvrage de Poésie, composé de vers, ou parties de vers, empruntés de quelque Auteur célèbre: "Les Centons d' Homère ou de Virgile. L' Acad. le met au singulier: on le dit plus ordinairement au pluriel. _ Par extension, on apèle centon un ouvrage composé de morceaux dérobés. _ Ce mot vient du latin cento, qui signifie un habit cousu de pièces.

CENTRAL


CENTRAL, ALE, adj. CENTRE s. m. [Santral, trale, santre, 1re lon.] L' adj. ne se dit qu' en Géométrie et en Physique: point central, ligne centrale; feu central, force centrale. Il ne peut se trouver dans le langage ordinaire que par métaphôre. "Vous regardez-vous comme le point central de l' univers, où tout doit aboutir? = Centre est 1°. Le milieu, le point du milieu d' un cercle ou d' un globe, d' une sphère. On le dit aussi d' une figûre ovale, cârrée, etc. = 2°. Le lieu où les chôses tendent naturellement: chaque chôse tend à son centre. _ Figurément, être dans son centre, où l' on se plait; hors de son centre, loin de l' endroit, de la situation où l' on aime à être. = 3°. Il se dit pour milieu en plusieurs phrâses. Le centre d' un Royaume, d' une Province, d' une armée, d' une Ville; "le centre des afaires, le lieu où se traitent les principales afaires; "la Cour est le centre de la politesse. "Le Siège de Rome est le centre de l' unité de l' Église~.

CENTRIFUGE


CENTRIFUGE, CENTRIPèTE, adj. Le 1er se dit de ce qui tend à s' éloigner du centre, et le 2d de ce qui tend à s' en aprocher; force centrifuge, force centripète. _ Ils ne se disent qu' en Astronomie et en Physique; et ce serait pédantisme que d' employer ces mots figurément.

CENTUPLE


CENTUPLE, s. m. *CENTUPLER, v. act. [Santuple, tuplé: 1re lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d. L' Acad. ne met point le verbe: c' est un mot nouveau, dont on peut bien augurer.] Cent fois autant. On lui a doné le centuple: cette terre rend au centuple. _ Adj. nombre centuple d' un aûtre. = Centupler, c' est augmenter au centuple. "Les donner à Dieu (ces biens), ce n' est pas les perdre, c' est les centupler, les immortaliser. Neuville. "L' énergie des passions centuple les forces du corps.

CENTURIATEUR


CENTURIATEUR, s. m. Mot consacré pour désigner des Historiens Allemands Luthériens, qui ont composé une Histoire éclésiastique, divisée par siècles ou centaines d' année: Les Centuriateurs de Magdebourg.

CENTURIE


CENTURIE, s. f. CENTURION, s. m. [Santuri-e, tu-rion: 1re lon. 3e lon. au 1er.] Centurie, centaine. On ne le dit que dans l' Histoire Romaine: "Le peuple romain fut distribué par centuries. _ Les Centuries de Nostradamus: ses prédictions rangées par centaines de quatrains ou de sixains. Faire une centurie, faire un quatrain dans le goût de ceux de Nostradamus. _ Centurion, Capitaine de cent hommes. Il n' est d' usage qu' en parlant des anciens Romains.

CEP


CEP, s. m. [1re è moy. on pron. le p final.] Suivant La Touche, on écrit cep ou sep assez indiféremment. L' Acad. ne met que le premier. Ménage tirait le mot de cep de cippus. _ Cep est 1°. pied de vigne. Cep de vigne, cep tortu. Arracher le cep. = * 2°. Espèce de chaine. Il ne se dit qu' au pluriel, et il est vieux. "Avoir les ceps aux piés, aux mains; rompre les ceps.

CÉPÉE


CÉPÉE, s. f. Toufe de plusieurs tiges de bois, qui sortent d' une même souche.

CEPENDANT


CEPENDANT, adv. [Cepandan, 1re e muet, 2e et 3e lon.] 1°. Pendant cela, pendant ce temps-là. = 2°. Néanmoins, toutefois, nonobstant cela.
   Rem Dans le 1er sens, où il est adverbe de temps, il n' est usité qu' au commencement de la phrâse: hors de là, on doit dire, en même temps. On dit, par exemple, cependant César aprochait; c. à. d. tandis que tout cela se passait à Rome, César aprochait; mais on ne doit pas dire, comme Rollin: "Le Détachement de Nicostrate entra cependant dans une bouche du Nil. Il faut dire, entra en même temps, etc.
   2°. Dans le 2d. sens, il se met au commencement du membre de la phrâse, ou après le verbe: "Vous disiez qu' il ne viendroit pas: cependant il est venu, ou il est venu cependant. _ Pourtant, qui a le même sens, ne se met jamais au commencement.
   3°. Cependant que pour pendant que est très-vicieux: cependant est toujours adverbe, et n' est jamais conjonction, ni préposition. Voltaire l' a encôre employé; mais il faut le pardoner aux Poètes, qui ont quelquefois besoin d' une syllabe de plus pour faire leurs vers.

CERCEAU


CERCEAU, s. m. [Cèrso, 1re ê ouv. 2e. dout. au sing. lon. au pluriel, cerceaux.] Cercle. On se sert de ces deux mots, en parlant des liens de fer ou de bois, dont on se sert pour relier les toneaux et les cuves. La Touche dit que cercle est fort usité dans les Provinces où il croît beaucoup de vin. = Cerceau est aussi une espèce de filet à prendre des oiseaux. = On le dit au pluriel des plumes du bout de l' aile des oiseaux de proie. "Les vautours et les éperviers ont trois cerceaux.

CERCELLE


CERCELLE, ou CERCERELLE, s. f. Trév. L' Acad. ne met que le 1er. [Cèrcèle: 1re ê ouv. 2e è moy. 3e e muet. En Provence, plusieurs disent Sarcelle, mais mal.] Oiseau aquatique, semblable au canard, mais beaucoup plus petit.

CERCHE


CERCHE, Voy. CHERCHE.

CERCLE


CERCLE, s. m. [Cèrkle. 1re ê ouv. 2e e muet.] 1°. Figure, dont toutes les extrémités sont également éloignées d' un de ses points, qu' on apèle le centre. Paulian. Dict. de Phys. = 2°. La ligne circulaire, qu' on apèle circonférence. = 3°. Cerceau. Voy. Ce mot. = 4°. Figurément, vice d' un argument, où l' on supôse le principe, qu' on doit prouver; ou définition de deux mots synonymes l' un par l' aûtre; comme si l' on disait que le cercle est un cerceau, et que le cerceau est un cercle, sans en expliquer l' usage. = 5°. Assemblée: "La Reine tient le cercle, aller au cercle. _ On le dit par extension des assemblées particulières, qui se font chez les Dames: il brille fort dans les cercles. "Elle me fit, d' un air froid, mille questions indiférentes; et tant qu' elle fut en cercle, ne parut avoir, ni dessein, ni empressement de m' entretenir. Anon. "C' est à Naples, comme à Palerme: on ne vient guère au spectacle que pour y faire cercle, y recevoir compagnie. Voy. d' Italie. _ Faire cercle est une expression nouvelle. = 6°. Cercle se dit des États qui font ensemble le Corps politique d' Allemagne. Les dix Cercles de l' Empire, le Cercle de Franconie, de Suabe, de Vestphalie, etc.

CERCLER


CERCLER, v. a. CERCLIER, s. m. [Cèr--klé, cèr-klié, 1re é ouv. 2e é fer.] Mettre des cercles: Cercler un toneau. _ Faiseur de cercles. _ L' Acad. ne met pas ces mots: c' est un oubli.

CERCUEIL


CERCUEIL, s. m. [Cèr-keuil. Il serait à souhaiter qu' on adoptât l' ortographe de Mr. de Wailly, qui écrit cercoeuil; car ueil dans l' ortographe ordinaire n' exprime pas le son d' euil. Voy. une Remarque au mot Accueil, qui est dans le même câs. Malherbe écrivait accueuil: On devrait aussi écrire cercueuil, ou cercoeuil.] Espèce de cofre où l' on met les corps morts. Cercueuil de bois, de plomb, de marbre. Mettre un mort dans le cercueuil. Figurément, la mort, le tombeau. "Le chagrin l' a mis au cercueil, l' a fait mourir.
   Rem. Quoique cercueuil se prène au figuré pour tombeau, il n' en est pas le synonyme. On dit creuser le tombeau, mais on ne dit pas creuser le cercueuil; la métaphore n' est pas juste.
   Je livrerai vos jours au Démon de l' orgueuil,
   Qui, par vos propres mains, de vos grandeurs funestes
   creûsera le cercueuil.
       Rouss.
Corneille avait dit aussi dans Théodore.
  As-tu vu, Stéphanie, un plus farouche orgueuil?
  As-tu vu des mépris plus dignes du cercueuil?
C. à. d. plus dignes d' être punis par la mort du coupable. _ On ne le dirait pas aujourd'hui. = Dans l' une et l' aûtre endroit la rime a produit ces barbarismes.

CÉRÉMONIAL


CÉRÉMONIAL, s. m. CÉRÉMONIE, s. f. CÉRÉMONIEUX, EûSE, adj. [Cérémoni-al, nî-e, ni-eû, ni-eû-ze: les deux premières é fer, 4e lon. au 2d: 5e lon. aussi aux deux dern.] Cérémonial est 1°. le Livre où sont contenus l' ordre et les règles des cérémonies Éclésiastiques. = 2°. L' usage de chaque Cour, de chaque pays pour les cérémonies politiques. = 3°. L' usage des cérémonies qui se pratiquent entre particuliers. "Il entend bien le cérémonial. = Être fort sur le cérémonial a deux sens; entendre les règles du cérémonial, et être pointilleux et dificile sur les cérémonies.
   CÉRÉMONIE est aussi 1°. action mystérieûse qui acompagne la solennité du culte extérieur de la Religion. = 2°. Les formalités qu' on observe dans les actions solennelles pour les rendre plus éclatantes. "L' entrée du Roi se fit avec de grandes cérémonies. = Les deux sens de ce mot se trouvent réunis dans la phrâse suivante. "La cérémonie des Chevaliers se fera sans cérémonie, à Versailles, dans la Chapelle. Sév. _ En cérémonie, avec apareil. "Il nous a régalés en cérémonie. _ Habit, dîner de cérémonie. Visites de cérémonie. _ Faire des cérémonies, des civilités importunes: C' est grand faiseur de cérémonies; ne faisons point de cérémonies, bannissons la cérémonie. _ Sans cérémonie! point de cérémonie! agissons librement, sans contrainte, sans façon.
   CÉRÉMONIEUX, qui fait trop de cérémonies. "C' est un homme fort cérémonieux. _ On dit ironiquement d' un homme, qui en ûse plus familièrement qu' il ne faudrait, qu' il n' est point cérémonieux.
   Rem. Cérémonieux n' est pas ancien dans la langue: La Bruyère le met encôre en italique. "Timon peut avoir l' âme austère et farouche: mais extérieûrement il est civil et cérémonieux. _ Il se prend en mauvaise part: "Un homme cérémonieux est incomode dans la société.

CERF


CERF. s. m. [On dit dans le Dict. Gram. que dans les mots composés, comme cerf-volant, l' f ne se prononce point. Suivant l' Acad. elle ne se prononce jamais; cèr, ê ouv.] Espèce de bête fauve. Cerf en rut, cerf qui brame; vite comme un cerf. Lancer le cerf, courre le cerf, etc.
   On dit dans le Rich. Port. bois de cerf: c' est ce qu' on nomme aussi corne de cerf. _ Je crois qu' on dit le premier des cornes du cerf vivant; et le second de ces mêmes cornes, qui en sont séparées après sa mort.
   Le Proverbe dit: on conoit le cerf à ses abatûres, c. à. d. le caractère d' un homme par ses discours et ses actions.

CERF-VOLANT


CERF-VOLANT, s. m. [Cèrvolan.] 1°. Espèce d' escarbot qui vole. = 2°. Jouet d' enfant, composé de quelques bâtons, sur lesquels on étend du papier, et que le vent fait voler.

CERFEUIL


CERFEUIL, s. m. [mouillez l' l finale: cèr-feuil.] Herbe potagère. Elle porte sur une queuë six feuilles incisées à l' entour. Trév. profondément découpées. Acad.

CERISAIE


CERISAIE, s. f. CERISE, s. f. CERISIER, s. m. [Cerizê, rize, ri-zié: 1re e muet: 3e ê ouv. et long au 1er, e muet au 2d, é ferm. et dout. au 3e.] Cerisaie est un lieu planté de cerisiers: Cerise, fruit à noyau, dont la~ peau~ est rouge: Cerisier, arbre qui porte des cerises. _ Quelques-uns disent cerisée, au lieu de cerisaie: celui-ci est le meilleur. Dict. Gram. Ce n' est pas assez dire: il est le seul bon.

CERNE


CERNE, s. m. CERNER, v. a. Le 1er se dit d' un rond tracé sur la terre, ou sur le sâble. _ Il se dit aussi du rond livide, qui se fait quelquefois autour d' une plaie, ou autour des yeux quand ils sont batus. = Cerner, c' est faire une cerne, un rond autour de quelque chôse: Cerner l' écorce d' un arbre. _ Cerner des noix, faire des cerneaux, et tirer le cerneau hors de la coque. _ "Il ou elle a les yeux cernés, les yeux batus.

CERNEAU


CERNEAU, s. m. [Cèrno; 1re é ouv. 2e dout. au sing. lon. au pl., cerneaux.] La moitié du dedans d' une noix, partagée en deux, et tirée de la coque de noix encôre verte. _ Vin de cerneaux, vin rôse, qui est bon à boire dans la saison des cerneaux.

CERSIFI


*CERSIFI, est un barbarisme. Voyez SALSIFI.

CERTAIN


CERTAIN, AINE, adj. [Cèr-tein, tène: 1re ê ouv. 2e è moy. au 2d.] En parlant des chôses; Indubitable, vrai; cela est certain, la nouvelle est certaine. = En parlant des persones, Assuré: être certain de quelque chôse; "Êtes-vous bien certain de cela? J' en suis très-certain.
   CERTAIN, SûR, ASSURÉ (Synon.) La diférence entre ces trois mots, c' est que Certain semble mieux convenir à l' égard des chôses de spéculation, et partout où la force de l' évidence a lieu. "Les premiers principes sont certains. _ Sûr, parait être à sa place, dans les chôses, qui concernent la pratique, et dans tout ce qui sert à la conduite. "Les règles générales sont sûres. _ Assuré a un raport particulier à la durée des chôses, et au témoignage des hommes. "Les fortunes sont assurées, mais légitimes dans tous les bons Gouvernemens. "Les évènemens ne peuvent être mieux assurés que par l' atestation des témoins oculaires, ou par l' uniformité des relations. _ On est certain d' un point de science: on est sûr d' une maxime de morale: on est assuré d' un fait ou d' un trait d' histoire.
   Certain, régit la conjonction que, et l' indicatif, quand la phrâse est afirmative, et le subjonctif, quand le sens est négatif, ou interrogatif, ou qu' il y a du doute. "Soyez certain que vous êtes seul de votre sentiment. "Je ne suis pas certain que je puisse le faire: "Êtes-vous certain qu' il soit ârrivé à temps? Si j' étois certain que vous le fissiez, je vous en prierois. Il en est de même de, il est certain, impersonel: est-il bien certain que je puisse compter sur lui? Th. d' Educ.
   Être certain, régit aussi de devant l' infinitif: Je suis certain de réussir avec votre secours: Je ne suis pas certain de pouvoir le faire. _ Avec ce régime, assuré vaut mieux.
   Rem. Ce régime de l' infinitif s' emploie, quand le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse, et celui de que, quand il ne s' y raporte pas. Je ne suis pas certain de partir; je suis certain qu' il partira.
   Tenir pour certain, a les mêmes régimes qu' être certain, pour ce qui regarde la conjonction que; mais il n' est pas du beau style. "Il faloit comencer l' ouvrage sur le champ, et tenir pour certain que le Centurion ne pourroit arriver. Voy. D' ANSON. _ Se tenir certain, régit de et l' infinitif.
   Faites si bien qu' on ne remarque en vous
   Que ce qu' il faut pour doner le courage
   De vous louer, et non pour faire ombrage;
   Ou tenez-vous parfaitement certain
   D' avoir affaire à tout le genre humain.
       Rouss.
Certain, est quelquefois subst. masc. "Il ne faut pas quiter le certain pour l' incertain.
   CERTAIN, pronom, s' emploie quelquefois à la place de quelque. Il se dit des persones et des chôses: Certaines persones, certaines gens, certaines chôses. Il doit toujours être mis devant le substantif. Un fait certain et un certain fait sont deux chôses bien diférentes. _ Certain, comme les autres pronoms, tient lieu d' article. "Il n' avoit pas même certain air réservé et mystérieux qu' ont d' ordinaire les gens secrets. Télém. _ On met pourtant quelquefois un devant certain au sing. et de, au plur. J' ai oui dire à certain homme, ou à un certain homme: à certaines gens, ou à de certaines gens.

CERTAINEMENT


CERTAINEMENT, CERTES, adv. [Cèrtèneman, cèrte, et devant une voyèle, certez: 1re ê ouv. 2e è moy. au 1er, e muet au 2d. Le Rich. Port. met certe, ou certes: Trév. et l' Acad. ne mettent que le 2d. Ménage a remarqué depuis long--temps que certes s' écrit toujours avec une s, soit en vers, soit en prôse.] Certes ne se dit plus dans la conversation, si ce n' est par les Gascons, dit Bouhours; mais il se dit encôre dans les histoires, et dans les discours d' éloquence. Il ajoute que certainement est peut-être meilleur que certes. _ La Bruyère trouvait qu' il était beau dans sa vieillesse, et qu' il avait encôre de la force dans son déclin. On peut le croire rajeuni, et s' en servir encôre. Vaugelas et Patru l' employaient souvent. Racine s' en est servi.
   Le feu de ses regards, sa haute majesté
   Font conoître Alexandre. Et certes son visage
   Porte de sa grandeur l' infaillible présage.
       Alex.
  Certes, plus je médite, et moins je me figûre
  Que vous m' osiez compter pour votre créatûre.
      Brit.
Boileau avait coutume d' employer certainement. _ L' Acad. les admettait tous deux sans distinction: mais dans les dernières éditions, elle dit que certes ne s' emploie guère que dans les sytle soutenu.
   Rem. 1°. Certes et certainement, quand celui-ci est adverbe d' afirmation, comme celui-là, se placent toujours à la tête de la phrâse. Le 1er est quelquefois précédé par et: Et certes. _ Certainement signifie aussi assurément: alors il se place après le verbe: Le savez-vous certainement?
   2°. Il en est, qui mettent la conjonct. que après certainement: c' est contre l' usage. "S' ils (les Prêtres) prient, demandent pour vous, certainement que leurs prières, leurs demandes ne vous sont point étrangères. Anon. Retranchez que.

CERTIFICAT


CERTIFICAT, s. m. CERTIFIER, v. a. [Certifika; on ne prononce point le t. Certifi-é: 1er ê ouv. dern. é fer. au 2d.] Le certificat est un écrit faisant foi de quelque chôse: "Avoir, prendre, doner un certificat, de service, de mariage, de vie et moeurs. = Certifier, c' est assurer une chôse, témoigner qu' elle est vraie. "Certifier la vérité d' un fait, etc. _ V. n. Je certifie que cela est, je ne certifie pas que cela soit de même. Puis-je certifier que cela est ou soit ainsi, quand je sais le contraire? Remarquez la diférence du régime de l' indicatif ou du subjonctif, suivant que le sens est afirmatif, négatif ou interrogatif.
   Certifier une caution, est, en terme de Pratique, se rendre en quelque sorte caution de la caution, répondre qu' elle est solvable. _ Certifier les criées, atester que les criées ont été faites dans les formes.
   Être certifié de, n' est pas une locution française: "Comment cet homme, qui savoit tout, n' a-t-il rien écrit? Et comment serons-nous donc certifiés de son érudition! Anon. "On dit, être assuré, on ne dit point, être certifié d' une chôse.

CERTIFICATEUR


CERTIFICATEUR, s. m. CERTIFICATION, s. f. Ces deux mots ne sont pas du discours ordinaire. On ne dit point certificateur, de celui qui done un certificat; ni certification, de l' action de certifier. Ce sont des termes de Pratique. Le 1er se dit de celui qui certifie une caution, une promesse, un billet: le 2d, d' une assurance par écrit que l' on done, ou qu' on reçoit en matière d' afaires. "Sa certification est au bâs de la promesse. Certification de, caution, de criées. Voy. CERTIFIER, à la fin, article précédent.
   M. Linguet dit Certificateur, de celui qui a doné un certificat. "Ces Certificateurs, honnêtes, irréprochables, mais amis du repos, sont bien assez courageux pour rendre gloire à la vérité, mais non pas pour braver la haine philosophique.

CERTITUDE


CERTITUDE, s. f. Assurance pleine et entière. Il régit le pronom en, ou la prép. de: Quelle certitude en avez-vous: avez-vous de ce que vous dites? Savoir une chôse de certitude, avec certitude: "Cela est certain, de toute certitude. _ Il régit aussi de devant les verbes. "La certitude de vivre dans les siècles à venir sert d' atrait et de récompense aux grandes âmes, Laugier.
   Certitude, signifie aussi stabilité. "Il n' y a nulle certitude dans les chôses du monde.

CERVAISON


CERVAISON, s. f. [Cêrvèzon: 1re ê ouv. 2e è moy.] Le temps où le cerf est grâs et bon à chasser.

CERVEAU


CERVEAU, s. m. CERVELLE, s. f. [Cèrvo, Cèrvèle, 1re ê ouv. 2e dout. au sing. du 1er, lon au pl. Cerveaux: cette 2de è moy. et bref au 2d.] Le cerveau est la substance molle renfermée dans le crâne. La cervelle est la partie blanche, molle et spongieûse du cerveau. "Cerveau froid, humide, sec, débile, desséché. Être enrhumé du cerveau: avoir le cerveau pris, le cerveau vide. _ "Manger de la cervelle. Il reçut un coup qui lui fit sortir la cervelle de la tête.
   CERVEAU se dit quelquefois pour signifier esprit. "Cerveau mal bâti, mal timbré; cerveau démonté, foible, débile; cerveau creux, visionaire. = S' alambiquer le cerveau, s' apliquer à quelque chôse avec une grande contention d' esprit. Le Rich. Port. met, s' alambiquer le cerveau de quelque chôse. L' Acad. ne met pas ce régime. = Tirer de son cerveau, produire quelque pensée, quelqu' ouvrage d' esprit. = Avoir le cerveau timbré, être un peu fou. = Cerveau brûlé, imagination ardente et déréglée. Il dit plus que tête chaude. "Antoinette Bourignon étoit un cerveau brûlé: elle prêchoit le fanatisme, et avoit fait des disciples. Le Prés. Hén.
   On dit d' un homme qui a été long-temps exposé à l' ardeur du soleil, et qui en a été incomodé: que le soleil lui a fait bouillir la cervelle, lui a desséché la cervelle. = On apèle, proverbialement, cervelle de lièvre, un homme qui a mauvaise mémoire. _ On dit, dans le même stile, tenir, ou mettre en cervelle, tenir en peine, mettre en inquiétude.
   Rem. Les anciens Poètes employaient souvent cerveau et cervelle. Ces mots sont devenus bâs: ils ne sont plus du beau style. On ne dirait pas aujourd'hui, comme l' a fait autrefois Malherbe.
   Et moi, si de mes jours l' importune durée,
   Ne m' eût, en~ vieillissant, la cervelle empirée.
   Mais on dirait encôre, dans le st. fam. avec La Fontaine:
   Un Rat, hôte d' un champ, et de peu de cervelle,
   Des lâres paternels un jour se trouva soû.

CERVOISE


CERVOISE, s. f. [Cèr-voâ-ze: 1re ê ouv. 2e lon.] Boisson faite avec du grain et des herbes. "La bière est une espèce de Cervoise. _ On ne le dit guère qu' en parlant de quelques breuvages des Anciens. = * Trév. met aussi cervoisier, ou cervisier, qui vend de la cervoise. Ce mot n' est pas d' usage.

CERûSE


CERûSE, s. f. [1re é fer. 2e lon. Cé--rûze.] Couleur blanche, en laquelle la vapeur du vinaigre~ a changé le plomb. Acad. Blanc de plomb, très-fin, qui est une préparation de plomb et de vinaigre. Trév. _ Suivant le Rich. Port. Faux brillant, au figuré: c' est un latinisme.

CÉSAR


CÉSAR, nom propre d' un fameux Empereur, qui est devenu un nom commun, synonyme d' Empereur, dans la haute Poésie. Rousseau dit du Turc:
   Et paisible tyran de la Grèce abatûe,
   Partage à notre vûe
   La plus belle moitié du regne des Césars.
   Rendre à César ce qui apartient à César, est aussi une expression consacrée. _ Le P. Bouhours voulait qu' on dit un César. La Touche est d' un sentiment contraire, et il le motive. La meilleure raison, c' est que depuis long-temps l' usage veut qu' on dise César tout court. _ On ne dit un que dans cette locution proverbiale: c' est un César; brâve comme César. _ Il veut être ou César, ou rien: tout, ou rien. Allusion à la devise de César Borgia, Duc de Valentinois: aut C‘sar, aut nihil.

CESSANT


CESSANT, ANTE, adj. [Cè-san, sante, 1re è moy. 2e lon.] Qui cesse. Il n' est guère employé qu' au fém. et dans cette phrâse du st. fam. "Toute affaire cessante. Mde. de Sévigné dit, toutes chôses cessantes; et Marsolier, toutes raisons cessantes. "Le Cardinal de Bouillon m' étoit venu prier, toutes chôses cessantes, d' aler voir ce chef d' oeuvre. Sév. "Il lui ordonoit, toutes raisons cessantes, de partir. L' expression de la Dame est plus suportable dans une lettre, que celle de l' Auteur dans une histoire. Mais ni l' une, ni l' aûtre n' est bien juste. On ne dit point, cesser une chôse, et encôre moins, cesser des raisons. _ L' Acad. met pourtant en exemple, toutes chôses cessantes, toutes afaires cessantes, tous empêchemens cessans. Elle ne dit point à quel style apartient cette locution. Hors du Palais, elle n' est que du style fam. * M. Targe emploie cessant comme participe, sans le décliner. "Le Duc d' Hamilton proposa que le Parlement procédât aux limitations toute afaire cessant. Smollet. * M. Moreau fait marcher cessant devant le substantif. "S' il faloit que, dans ce câs, les oncles permissent à leur neveu de regner; cessant ce câs, les oncles étoient donc propriétaires du pouvoir. Il le répète plus bâs. Il falait, ce câs cessant. _ * Suivant le Dict. de Trév. on dit, cessant quoi, pour, faute de quoi. "L' argent est le nerf de la guerre, cessant quoi les soldats se débandent. Je me trompe fort, si cette locution est de l' usage actuel. _ Le Richelet Port. ne dit que, toute afaire cessante.

CESSATION


CESSATION, s. f. [Cè-sa-cion, en vers ci-on: 1re è moy.] Intermission, discontinuation. Cessation d' armes, d' hostilités, de service, de travail, etc.

CESSE


CESSE, s. f. Il ne se dit que dans ces phrâse: sans cesse, continuellement; n' avoir point de cesse, ne point cesser: il n' a ni repos ni cesse.
   Depuis l' aube du jour, je n' ai point eu de cesse.
       Desportes.
_ Malherbe dit, avoir cesse. Celui-ci ne dit plus.
   Astres, par qui vont avoir cesse
   Nos ténébères et nos hivers.
   Point de cesse, point de relâche.
       La Font.

CESSÉ


CESSÉ, ÉE, adj. [Cècé, cé-e: 1re è moy. 2e é fer. long au 2d.] L' Académie n' aprouva point Scuderi, qui avait blâmé Corneille d' avoir dit, mes ennuis cessés; elle décida que cessés est bien dit en Poème, pour apaisés, finis. _ On a donc eu tort, dans le Dict. Gram. de trouver mauvais que Racine ai fait cesser passif.
   Et du Dieu d' Israël les fêtes sont cessées.
Et d' ajouter que le besoin de la rime ne peut justifier cette licence. Sans examiner si sont cessées est là au passif, on peut croire que cesser, neutre, prend au prétérit être, ou avoir pour auxiliaires. L' Acad. dit, sa fièvre a cessé, est cessée. _ Le P. Grifet a dit plus récemment: "Quand la contagion fut cessée, St. Charles Borromée fit rendre à Dieu de solennelles actions de grâces.

CESSER


CESSER, v. n. [Cècé: 1re è moy. 2e é fer.] Discontinuer. Il régit de et l' infinitif: Cesser de vivre, de parler, d' agir, de pleurer, de travailler. Il a cessé de pleuvoir: "Quand cesserez vous de calomnier la vertu?
   Rem. 1°. M. de Wailly pense que cesser prend l' auxil. avoir, quand il a un régime, soit direct. (cela s' en va sans dire) soit relatif: "Vous avez cessé votre travail: il n' auroit point cessé de chanter: et que sans régime, il prend indiféremment être, ou avoir. Je crois que avoir est plus sûr et plus usité, et qu' il vaut mieux dire: l' orage, le bruit a cessé, que, il est cessé. Voy. CESSÉ, adj.
   2°. Cesser, de sa nature, est neutre, mais depuis quelques années, dit M. de Vaugelas, on le fait souvent actif, soit en prôse, soit en vers. Cessez vos plaintes, vos poursuites, vos murmûres. _ Il se dit ainsi activement, sur-tout à l' impératif; mais il ne ferait pas bien avec toute sorte de noms. L' Acad. dit aussi: Cessez vos cris, cessez votre travail. = Au Palais, on dit: cesser le service, cesser ses fonctions. _ Rousseau dit:
   Les élémens cessent leur guerre,
   Les cieux ont repris leur azur.
Et Mde Dacier: "Mes amis, dit Ulysse, Cessez ces larmes de joie. _ Cesser des larmes est une expression assez singulière; mais cesser des larmes de joie, est, à mon avis, tout-à-fait bârroque.

CESSION


CESSION, s. f. CESSIONAIRE, subst. et adj. [Cè-cion, en vers ci-on: Cè-cio--nère: 1re è moy. 3e è moy. et long au 2d.] Cession, est un transport, une démission: Faire cession de son droit. = Cessionaire, est celui ou celle, qui accepte une cession, un transport. "Il agit en qualité de cessionaire: il, ou elle est cessionaire des droits d' un tel.
   Rem. Des Imprimeurs trop inattentifs mettent cession pour session. "La cession du Parlement. On trouve souvent cette faûte dans l' Hist. des Stuarts.

CESTE


CESTE, s. m. [On pron. l' s: 1re è moy. 2° e muet
.] Espèce de gantelet garni de fer ou de plomb, dont les anciens Athlètes se servaient dans les combats du pugilat.

CÉSûRE


CÉSûRE, s. f. [1re é fer. 2e lon.] Repôs qui, dans le vers alexandrin, se fait après la sixième syllabe, et après la quatrième dans les vers de dix syllabes.

CET


CET, CETTE, pronom démonstratif. Voy. CE. _ Quand avec Cet ou cette, on veut indiquer des objets plus ou moins éloignés; on met après les noms substantifs, qui y sont joints, les particules ci ou là: Cet homme-ci, cette chambre-ci, cet enfant-là; cette femme-là.
   *CETTUY. Vieux mot, qui s' est dit autrefois pour Ce:
   De cettuy preux maints grands clercs ont écrit,
   Quoncques dangier n' étons son courage.
   Cettui-ci, cette-cy: "Où l' amour et l' ambition seroient en égale balance et viendroient à se choquer de forces pareilles, je ne fais aucun doute que cette-ci ne gagnât le prix de la maitrise. Montaigne. = Scuderi a encôre dit, dans ses Observations sur le Cid: "Cettui-cy (le sujet mélé, et non simple) étant assez intrigué de soi, ne recherche presque aucun embellissement. Voyez SAGE HOMME, au mot SAGE.

CHâBLIS


CHâBLIS, s. m. Bois abatus dans les forêts par le vent.  

CHABOT


CHABOT, s. m. Poisson qui a la tête plus grosse que le corps.

CHACONE


CHACONE, s. f. Air de symphonie, sur lequel on fait diférens couplets, ordinairement avec un refrein.

CHACUN


CHACUN, UNE, pronom distributif. [Cha-keun, kune. Il y en a qui écrivent chaqun; c' est une mauvaise ortographe. "Les deux premières Villes ont chaqune leur Évêque. Anon.]
   1°. CHACUN, se décline sans article: de chacun, à chacun, etc. Il se dit des persones et des chôses: "Chacun de nous, chacun en particulier. "Remettez ces médâilles, chacune à leur place.
   2°. Quand chacun se dit des persones, il s' emploie, tantôt dans une acception générale et indéfinie; chacun veut être heureux; et alors il signifie, toute persone; tantôt dans une acception plus restreinte: chacun fait ce qu' il lui plaît; et alors il signifie, chaque persone. Mais en parlant des chôses, il ne se dit jamais dans une acception générale et indéfinie; il n' a alors qu' une signification individuelle et distributive: chacun de ces tableaux est d' un grand prix; chacune de ces statuës est parfaite.
   3°. Quoique le nom régi par chacun soit au pluriel, le verbe se met toujours au singulier. Un Auteur moderne a dit: "Chacun d' eux se disputent: il falait dire, se dispute.
   4°. Si chacun se raporte à un nom collectif, qui ne comprend que des hommes, on met ce pronom au masculin, quoique le nom collectif soit au fém. "Les Communes se retirèrent toutes irritées, chacun chez soi. On dit pourtant, les Provinces y envoyèrent chacune leur Député. M. L' Ab. Regnier done pour raison de cette diférence, que dans ce dernier exemple, le nom collectif peut se diviser par un et deux; ce qu' on ne peut pas dire des Communes.
   5°. Chacun, chacune, ne se disent des chôses qu' avec un raport à un substantif; et ils ne peuvent être sujets de la phrâse: il faut qu' il y ait un aûtre nominatif. En montrant des couteaux, on ne doit pas dire, chacun coûte un écu; il faut dire, ils coûtent un écu chacun. Il est mieux après le subst. que devant; un écu chacun est mieux que chacun un écu. * _ Plusieurs disent chaque pour chacun; c' est un style mercantile et barbâre. L' Ab. Guénée a parlé comme les Marchands, quand il a dit, en parlant de Salomon, qu' il avait douze mille écuries de dix chevaux chaque. Il devait dire, chacune.
   6°. Ce pronom n' a point de pluriel. Aûtrefois on disait, chacuns, chacunes, et Bossuet a encôre dit: encôre "que chacunes à part puissent subsister par leur propre force. _ On dirait aujourd'hui, chacune puisse; mais cela n' empêche pas qu' on ne poursuive avec cet illustre Auteur, elles se prêtent la main, et se donent un mutuel secours. = Chacun porte le pluriel avec lui-même: Chacun supôse plus d' un. _ Ceci n' est pas contraire à la remarque du n° 3°., où l' on a dit que le verbe se met au singulier: car dans la dernière partie de la phrâse de Bossuet, c' est elles, et non pas chacune, qui régit se prêtent et se donent.
   7°. Chacun, quoique matériellement singulier, est tantôt suivi de leur, tantôt de son, sa, ses. _ Il faut employer celui-ci après chacun, quand il n' y a point de pluriel, dont chacun doive faire la distribution. "Il faut doner à chacun sa part, et non pas, leur part. _ Dans les phrâses où il y a un pluriel, dont chacun doit faire la distribution, il faut voir si l' on veut placer le verbe devant ou après le régime du verbe. Si l' on place chacun devant le régime, on emploie leur après chacun: "Ils ont aporté chacun leur ofrande, et ont rempli leur devoir de Religion. On emploie son, sa, ses, après chacun, quand on veut placer chacun après le régime du verbe: "Ils ont tous aporté des ofrandes au Temple, chacun selon ses moyens et sa dévotion. Gir. Wail. _ Le Dict. Gramm. done un exemple qui paraît contraire à cette remarque: Remettez ces médâilles chacune en leur place: mais là, chacune n' est pas sujet de la phrâse, mais régime lui-même. Quoiqu' il en soit, l' Acad. dans la même phrâse, dit sa, au lieu de leur: Il faut remettre ces livres chacun à sa place. = Si le verbe n' a point de régime, on peut employer son, sa, ses, ou leur, indiféremment. "Tous les Juges ont opiné chacun suivant leurs lumières, ou, ses lumières. Wailly. = On met au pluriel le pronom, qui doit se trouver après chacun. "La Reine dit elle même aux Députés, qu' il étoit temps qu' ils s' en retournassent chacun chez eux. Il y a un exemple qui paraît contraire au n°. 4°., où l' on dit, chacun chez soi; mais soi est pour les deux genres et pour les deux nombres, et il convient mieux après un nom collectif, tel que Communes. = Enfin, quand chacun précède le verbe et régit des noms au génitif, faut-il mettre le verbe au pluriel ou au singulier? Doit-on dire, comme M. Linguet: "Chacun des Membres en particulier, se doivent des complaisances réciproques; ou, faut-il dire, chacun des Membres se doit, ou plutôt, doit aux aûtres? etc. La dernière manière est la seule qui me paraisse régulière: se doivent est contre la Syntaxe (Voyez n°. 3°.), Se doit fait une équivoque: il pourrait signifier, se doit à lui-même; ce qui est contre la pensée de l' Auteur, et le sens de la phrâse. = Chacun, après une énumération. Voy. NOMINATIF, IV, n°. 2°.
   8°. À~ chacun, se dit quelquefois pour de chacun~. Ainsi, au lieu de dire, la demie intelligence de chacun d' eux, M. Linguet a dit, leur demie intelligence à chacun d' eux travaillant à part, etc. Il s' agit d' un sourd et d' un muet. _ Je n' oserais ni condamner cette façon de parler, ni conseiller de l' imiter. Elle n' est pas fort usitée.
   9°. Chacun est toujours substantif, et chaque toujours adjectif. On les employait aûtrefois l' un pour l' aûtre.
   Aussi-tôt que chacune Soeur.
       La Font.
"À~ la tête de chacun bataillon. Mém. de Villars. "Quoique chacune espèce ait son ton propre. L' Ab. du Bos. _ On dit encôre au Palais, chacun jour, chacun an. Il faut dire, chaque soeur, chaque bataillon, chaque espèce, chaque année, chaque jour.
   10°. Un chacun ne se dit plus. Dict. Gr. Wailly. _ La Touche se contente de dire qu' il est moins bon que chacun. L' Auteur des Réflexions, etc., ne le condamne qu' au nominatif, un chacun le disoit. Hors de là, il trouvait qu' il fait fort bien. "Mon père me formoit, en me faisant remarquer les défauts d' un chacun. Je ne le désaprouverais pas dans cette dernière phrâse; mais, en général, il n' est pas du bon style. Plusieurs Auteurs, d' âilleurs estimables, l' ont employé: "Afin qu' un chacun remarque plus aisément dans son esprit la caûse de tous les changemens, qu' il y sent en diférens temps. Mallebr. _ M. Linguet a dit tout récemment: "La postérité pourra un jour aprécier les talens... les vertus d' un chacun d' eux. Ann. Polit. Cela n' avait jamais été dit de la sorte, et un chacun était toujours employé absolument et sans régime: ce pourrait bien être une faute d' impression. _ On a dit aussi, anciènement, une chacune: "Non pas également à toutes, mais à une chacune, selon qu' il sera besoin. St. Fr. de Sales.
   * Tout chacun est encôre plus suranné, et ne peut être bon que pour le style marotique.
   Sous ce tombeau gît Françoise de Foix,
   De qui tout bien, tout chacun vouloit~ dire.
       Marot.

CHACUNIèRE


*CHACUNIèRE, s. f. Mot plaisant, forgé par Mde de Sévigné: "Les Filles (de la Reine) qui avoient toutes été renvoyées) s' en vont chacune à leur chacunière, comme je vous l' ai dit; c. à. d., chacune chez soi. Ce mot est en italique, comme de raison.

CHAFOUIN


CHAFOUIN, OUINE, adj. et subst. Qui est maigre, de petite tâille, et a la mine basse. Air chafouin, mine chafouine. _ Petit chafouin, petite chafouine. Style familier.

CHAGRIN


CHAGRIN, s. m. [Cha-grein.] 1°. Peine, afliction. Grand chagrin; chagrin mortel; noirs chagrins. Avoir du chagrin; vivre avec chagrin, dans le chagrin: le 2d est le meilleur. Mourir de chagrin, etc.
   CHAGRIN, TRISTESSE, MÉLANCOLIE. (synon.) Le 1er vient du mécontentement et des tracasseries de la vie; le 2d, est ordinairement causé par les grandes aflictions; le 3e, est l' éfet du tempérament. GIR. Synon.
   2°. CHAGRIN, aigreur, colère, dépit. Parler, disputer sans chagrin; cacher, dissimuler son chagrin.
   Rem. Chagrins, au pluriel, ne se dit qu' au 1er sens. Boileau s' en sert pour humeur chagrine.
   Je n' arme point contre eux mes ongles émoussés;
   Ainsi que mes chagrins, mes beaux jours sont passés.
Je ne le blâme point dans Boileau; je le désaprouverais dans un Prosateur.
   3°. AU CHAGRIN DE, adv. Comme on dit, il a fait cela au contentement, à la satisfaction de tout le monde. M. Targe a dit, par imitation: "Le Gouverneur capitula, au chagrin inexprimable de Guillaume. _ Cette façon de parler n' est pas fort usitée, mais elle est bone, et peut être souvent utile.
   CHAGRIN, INE, adj. Mélancolique, triste. Air chagrin, esprit chagrin, âme, humeur chagrine. _ Cet adjectif se plaît à suivre le substantif. Homme chagrin et bourru. Le fém. peut précéder: la chagrine vieillesse:
   * Rem. Le peuple dit au fém. chagreine.
   Car çà te rendroit chagreine;
   Car çà t' f' roit bian d' la peine.
   CHAGRIN, s. m. Cuir fort rude, fait de peau de mulet ou d' âne. Ce mot vient du mot Arabe sagri, qui signifie âne. "Étui de chagrin. = C' est aussi le nom d' une étofe de soie, qui a des grains comme le chagrin.

CHAGRINANT


CHAGRINANT, ANTE, adj. CHAGRINER, v. a. L' adject. est le participe du verbe, qui signifie atrister, rendre chagrin. "Cela me chagrine: je n' ai pas eu intention de vous chagriner. Se chagriner, s' afliger, se fâcher: ne vous chagrinez pas. _ Cela est bien chagrinant; cet homme est bien chagrinant. Acad. Il se dit plus souvent des chôses que des persones. "Tant de propôs, les uns favorables, les aûtres chagrinans pour le Ministère. Linguet. "Ambassade fâcheûse, chagrinante dans tous les sens. Id. "Nous n' en chercherons pas les motifs, parce qu' il seroit peut-être trop chagrinant de les trouver. Merc.

CHAîNE


CHAîNE, s. f. [Chêne; 1re ê ouv. et long, 2e e muet. On écrivait aûtrefois chaisne.] 1°. Lien composé d' anneaux entrelâcés les uns dans les aûtres; chaîne de fer, d' or, d' argent, la chaîne d' une montre. Tenir un chien à la chaîne. 2°. La peine des galères; condamner, mettre à la chaîne. _ La troupe des criminels condamnés aux galères; la Chaîne a passé par ici. = 3°. Figurément et poétiquement, servitude, captivité: ces peuples ont rompu leurs chaînes; ils se sont mis en liberté. Cet amant aime ses chaînes, ou sa chaîne; il a brisé ses chaînes. = 4°. Il est fort à la mode aujourd'hui dans le sens d' enchaînement, on n' entend parler que de la chaîne des vérités. "La plus générale, la plus naturelle, la plus durable des liaisons, c' est celle qui nous attache aux êtres de notre espèce, par le noeud de l' amour et de la pitié: c' est une chaîne composée, pour ainsi dire, de toutes les fibres de notre coeur. Cerutti. Cela est un peu précieux.
   5°. On dit, en style de dévotion, les chaînes du péché. = Chaînes de montagnes; plusieurs montagnes, qui tiennent les unes aux aûtres. = Chaîne de Tisserand, les fils tendus sur le métier pour faire de la toile.

CHAîNER


*CHAîNER, v. a. Atacher. (Néologisme) Voyez quels avantages découlent de ces opérations: leurs résultats sont géométriquement chaînés. Test. Polit. de l' Angl. Pourquoi ne pas dire enchaînés, en sous-entendant, l' un à l' aûtre. _ Chaîner n' a pas l' air de faire fortune?

CHAîNETTE


CHAîNETTE, s. f. CHAîNON, s. m. [Chênète, chênon; 1re lon. ê ouv. 2e è moy. au 1er.] Chaînette est une petite chaîne. _ Chaînon est un des anneaux d' une chaîne.

CHAIR


CHAIR, s. f. [Chèr, ê ouv. douteux.] 1°. Substance molle et sanguine, qui est entre la peau et les os de l' animal. Chair vive, chair morte, chair ferme. Avoir la chair bone ou mauvaise: "Ceux qui ont les chairs mauvaises sont dificiles à guérir. _ Être en chair se dit proprement d' un cheval qui est en bon état, et par extension, d' une persone qui a de l' embonpoint. _ 2°. Chair, en terme de l' Écritûre, signifie plusieurs chôses: L' humanité, la nature humaine, le corps humain: le Verbe s' est fait chair, il s' est revêtu de notre chair; la Résurrection de la chair. _ L' homme terrestre et animal, oposé à l' homme spirituel; la prudence de la chair; écouter la chair et le sang. _ La concupiscence: les désirs de la chair, les aiguillons de la chair, les révoltes de la chair; le péché de la chair, l' impureté: mater, mortifier sa chair. = 3°. Chair, considérée comme aliment, se dit des poissons comme des animaux terrestres et des oiseaux: Ce brochet a la chair ferme. _ On le dit même des fruits: La chair de la pêche, du melon, etc. _ Cependant, son usage le plus ordinaire est en parlant des animaux terrestres et des oiseaux. Chair de mouton, de boeuf, de cochon, etc. Chair rôtie, bouillie: On ne mange point de chair en carême. Acad. _ Malgré cette autorité, je crois qu' on dit plutôt manger de la viande, que manger de la chair, quoiqu' on dise la chair de cet animal est tendre, dûre, faisandée, etc. On dit aussi viande bouillie, rôtie, etc. plutôt que de la chair, etc. et il me semble que chair ne va guère bien que quand on parle relativement à l' espèce; chair de mouton, de cochon, etc. _ Chair ou viande blanche, celle des chapons, des poulardes, des dindons, etc. Chair ou viande noire, celle des chevreuils, des lièvres, des bécasses, des pigeons, etc. _ En parlant des animaux carnassiers, chair vaut mieux: "Le tigre, quoique rassasié de chair, semble toujours altéré de sang. Bufon.
   On dit, proverbialement, d' un homme fort grâs, surtout quand il est stupide; c' est une grosse masse de chair; de celui qui est couvert et dissimulé, ou froid et indiférent, ou qui n' est bon à rien, ou qui n' embrasse aucun parti, qu' il n' est ni chair ni poisson. _ On dit aussi, rire entre cuir et chair, se moquer intérieurement d' une persone, sans qu' il y paraisse au dehors.

CHAIRCUTER


CHAIRCUTER, CHAIRCUTIER seraient plus conformes à l' étymologie; mais l' usage est pour Charcuter, Charcutier. Acad. _ Un habile homme pense que c' est le peuple qui dit Charcutier, que les bourgeois disent Chaircutier, et les gens qui parlent bien, Chaircuitier, et cela lui parait mieux. Chaircuitier, qui vend de la chair cuite. La raison et l' étymologie favorisent ce sentiment; mais l' usage y est contraire, s' il faut en croire les Lexicographes, et notamment l' Académie.

CHAIRE


CHAIRE, s. f. [Chère, 1re è moy. et lon.] Siège. Il se dit 1°. du Siège Épiscopal, ou du siège qu' un Évêque a dans son Église Cathédrale; la Chaire de l' Evêque. _ La Chaire apostolique, la Chaire de St. Pierre, le St. Siège. = 2°. Du lieu élevé d' où un Prédicateur parle au peuple: la Chaire de vérité, l' éloquence de la chaire. = 3°. De la charge d' un Professeur public, et du lieu d' où il done ses leçons. Chaire de Philosophie, de Théologie, etc.
   Rem. 1°. Il est peut-être inutile d' avertir de prendre garde à ne pas confondre chaire avec chaise: les ignorans le font pourtant quelquefois. Ils disent la chaise du Prédicateur, et donez-moi une chaire. Du temps de Voiture on disait encôre chaire pour chaise: "Quelques-uns, dit-il, disent encore chaire pour chaise, sans qu' on se moque d' eux: il vaut mieux dire chaise. _ Au contraire, chaise, suivant le Dict. de l' Acad. (1re. édit.) se dit au lieu de chaire. Mais il a été suprimé en ce sens dans les éditions postérieûres.
   2°. S' il en faut croire Th. Corneille, la prononciation de chaire tient le milieu entre celle d' afaire et celle de guerre, et il ne veut pas qu' on le fasse rimer ni avec l' un, ni avec l' aûtre, quoiqu' il dise qu' il aproche plus du dernier. Avec quel mot chaire pourra-t-il donc rimer? Je pense que cette distinction est frivole. On ne conoît point dans la langue de prononciation moyène entre l' r simple et l' r redoublée. Tout ce qu' on peut dire, c' est que ai dans chaire est plus ouvert que l' è de chère. Boileau a fait rimer chaire avec terre.
   Cotin à ses sermons traînant toute la terre;
   Fend les flots d' Auditeurs pour aller à sa chaire.
Cette rime est fausse.

CHAISE


CHAISE, s. f. [Chèse, 1re è moy. et long; 2e e muet.] 1°. Siège qui a un dôs et quelquefois des brâs. Chaise de bois, de pâille, de velours, de tapisserie. _ Chaise de Chanoine. _ On dit plus communément stalles, dit l' Acad. = 2°. Espèce de siège fermé et couvert où l' on se fait porter par deux hommes. "Se faire porter en chaise, porteur de chaise. 3°. Voiture légère à deux roûes; chaise roulante, chaise de poste. Monter dans sa chaise, descendre de sa chaise. = 4°. Siège où l' on se met pour faire ses nécessités naturelles: chaise percée, aler à la chaise.
   CHAISE, voy. Chaire, Rem. n°. 1°.

CHALAND


CHALAND, ANDE, s. m. et f. Celui ou celle qui achète ordinairement chez un Marchand. Bon chaland; Marchand qui a beaucoup de chalands. _ Il est peu usité au fém. L' Acad. dit pourtant: c' est une de ses chalandes. Il ne se dit que dans cette ocasion. Pratique se dit à l' égard des ouvriers, et chaland par raport aux Marchands. = On done aussi ce nom à une espèce de bateau plat, dont on se sert pour transporter les marchandises. En ce sens, le Rich. Port. met chaland ou chalant. L' Acad. ne met que le 1er.

CHALANDISE


CHALANDISE, s. f. [Chalandîze, 2e et 3e lon.] Habitude d' acheter chez un Marchand. "Vous êtes trop cher, vous n' aurez pas ma chalandise. _ Suivant l' Acad. il se dit aussi pour chaland. "Ce Marchand a de bones chalandises: il a perdu la plupart de ses chalandises.
   Rem. Suivant Trev. chalandise est le concours des persones qui vont acheter dans une boutique. Ainsi c' est un terme collectif. le grand nombre des chalands: Ce Marchand a une grande chalandise. _ Suivant le Rich. Port. c' est le commerce de chaland: Que veut-il dire? on ne le comprend pas bien. _ C' est aussi plusieurs sortes de marchandises. Ce mot n' a pas cette signification. _ J' aime mieux l' idée que Trév. en done.

CHALDAïQUE


CHALDAïQUE, CHALDÉEN, adj. et s. m. [Kalda-ike, Kaldé-en: en n' a pas le son d' an.] Chaldéen se dit des persones, et Chaldaïque des chôses. Pour le langage on dit ordinairement le chaldéen, et quelquefois le chaldaïque.

CHALEUR


CHALEUR, s. f. Il se dit dans le propre et dans le figuré; il fait de grandes chaleurs; chaleur étoufante, chaleur du feu, du soleil, etc. il sert ses amis avec chaleur, c. à. d. avec zèle, avec ardeur. Dans la chaleur du combat, de la dispute, du travail, de la composition, etc. _ Mais il se dit, même dans le figuré, seul et sans régime; et l' on ne doit point imiter Molière quand il dit:
   Et que par la chaleur de montrer ses ouvrages.
       Misant.
CHALEUR se dit élégamment du style: Son style manque de chaleur et de sentiment.
   Rem. Chaleur et ardeur, au figuré, ne sont pas tellement synonymes, qu' on puisse toujours mettre l' un pour l' autre: le second a un usage et un emploi plus étendu que le premier. On lit, dans l' Alexandre de Racine:
   J' avoûrai que brûlant d' une noble chaleur,
   Je vais contre Alexandre éprouver ma valeur.
La mesûre des vers et la richesse de la rime ont fait préférer ce mot à celui d' ardeur, qui aurait été plus propre. _ Rousseau a mis le pluriel pour le singulier, ce qui doit être encôre moins imité en prôse. Il dit aux Mûses:
   À~ vous poursuivre épuiser mes chaleurs.
       Epit. I.

CHALEUREUX


CHALEUREUX, EûSE, adj. [3e lon. 4e e muet: cha-leu-reû, reû-ze.] Qui a beaucoup de chaleur naturelle. "Ce vieillard est encôre chaleureux. _ On disait aussi chaloureux; et dans la 1re édit. de son Diction. l' Acad. les disait tous deux indiféremment. Dès la seconde on ne trouve plus chaloureux; et pour chaleureux, il y est dit qu' il n' est guère en usage. _ Dans le Rich. Port. on le qualifie de terme bâs.
   CHALEUREUX et Chaloureux étaient déja vieux du temps de la Bruyère, et il les regrettait. Douloureux, dit-il, ne vient pas plus naturellement de douleur, que de chaleur vient chaleureux ou chaloureux. Celui-ci se passe, bien que ce fût une richesse pour la langue, et qu' il se dise fort juste où chaud (adj.) ne s' emploie que fort improprement.

CHALIBÉ


CHALIBÉ, ÉE, adj. [On ne pron. point l' h: Kalibé, bé-e, 3e é fer. long au 2d.] Il se dit, en Médecine. des préparations où il entre de l' acier. Eau chalibée, tartre chalibé.

CHâLIT


CHâLIT, s. m. [1re lon. On ne pron. point le t final.] Bois de lit. Ce mot vieillit.

CHALOIR


*CHALOIR, v. n. Il est vieux, et ne s' emploie qu' impersonellement. Il ne m' en chaut, peu m' importe. Il n' est plus bon que pour le marotique et le burlesque.
   Et moi je dis: peste l' impertinent!
   Et ne me chaut que sa voix théatrale
   Ait de Sénèque épuisé la morale.
   À~ sa vertu je n' ai plus grande foi
   Qu' à son esprit, etc.
       Rousseau.
  Que j' aye un livre ou semblable écriture,
  Il ne me chaut de belle couverture. Id.

CHALOUPE


CHALOUPE, s. f. Sorte de petit vaisseau dont on se sert sur mer. Acad. Petit bâtiment de mer, fort léger, destiné au service des grands vaisseaux, sur lequel on fait aussi de petites traversées. Trév. Vaisseau à porter des gens et des marchandises dans quelque navire ou bâtiment. Rich. Port. La meilleûre définition est celle de Trévoux. Celle de l' Acad. est trop vague et n' aprend rien. Mettre la chaloupe à la mer: "Ils se sauvèrent dans une chaloupe.

CHALUMEAU


CHALUMEAU, s. m. [Chalumo, 3e dout. au sing. lon. au pluriel. Chalumeaux.] 1°. Tuyau de pâille ou de roseau, etc. qui sert à sucer quelque liqueur en aspirant: "Quand le Pape communie solemnellement, il prend le sang dans le calice avec un chalumeau d' or. = 2°. Petit tuyau creux, qui sert à souder. Trév. = 3°. En Poésie, flute, flageolet, et tout instrument à vent qui entre dans une musique champêtre: Au son des chalumeaux.

CHAMADE


CHAMADE, s. f. Signal du tambour ou de la trompette que done une énemi, pour faire conaître qu' il a quelque proposition à faire. Batre la chamade.

CHAMâILLER


CHAMâILLER, v. n. CHAMâILLIS, s. m. [2e lon. mouillez les ll: ai n' a pas le son d' e: l' i ne se pron. pas; il n' est là que pour faire mouiller les ll.] Châmailler se dit au propre, d' une émeute où plusieurs persones se batent confusément et avec grand bruit. "Ils chamâillèrent; ou, encôre mieux, ils se chamâillèrent comme il faut pendant deux heures. _ Au figuré, disputer, contester avec beaucoup de bruit. "Deux Ergoteurs qui se trouvoient là chamâillèrent, ou se chamâillèrent une heure durant. _ Chamâillis: mélée, combat où l' on se chamâille.

CHAMâRRER


CHAMâRRER, v. a. CHAMâRRûRE, s. f. [Chamâré, rûre; 2e lon. surtout devant l' e muet, il chamârre.] Ils expriment l' action d' orner un habit, un meuble, de galons, de passemens, de dentelles, etc. _ Il a chamârré son habit de galons, etc. La chamârrûre en est très-riche. _ Ils se disent au figuré, mais en mauvaise part: chamârrer un discours d' antithèses et de métaphôres. "C' est une ridicule chamârrûre.

CHAMâRRÉ


CHAMâRRÉ, ÉE, adj. Se dit, ou tout seul, ou avec la prép. de. Habit chamârré, corps de jupe chamârré de dentelles, etc. Quand il est sans régime, il se prend en mauvaise part.

CHAMBELLAN


CHAMBELLAN, s. m. [Richelet écrit Chambelan. Il devait du moins écrire Chambélan avec un acc. aigu, car l' e n' est pas muet, mais fermé.] Oficier de la chambre d' un Roi, d' un Prince, etc.

CHAMBERLAN


CHAMBERLAN, ou CHAMBRELAN. Rich. Port. L' Acad. ne met que le second. Voy. ce mot.

CHAMBRANLE


CHAMBRANLE, s. m. [Chambranle; 1re et 2e lon. 3e e muet.] Ornement de menuiserie ou de pierre, qui borde les côtés des portes, des fenêtres et des cheminées.

CHAMBRE


CHAMBRE, s. f. [Chan-bre, 1re lon. 2e. e muet.] 1°. Il se dit des principales pièces d' une maison, en particulier, de celles où l' on couche. Chambre à coucher, chambre de parade; chambre à feu: Valet de chambre, Femme de chambre; robe de chambre, pot de chambre.
   Rem. On dit un valet de chambre, et non pas un homme de chambre; mais on dit, femme de chambre, et non pas fille de chambre; et quand une Dame en a plusieurs, elle dit, mes femmes, sans ajouter de chambre. Voy. FEMME.
   Rousseau (Jean Jaques) dit, avec son emphâse ordinaire et son exagération coutumière. "Tels sont les hommes: ils changent de langage comme d' habits: ils ne disent la vérité qu' en robe de chambre (en secret.) En habit de parade, (en public) ils ne savent plus que mentir.
   2°. Lieu des assemblées des Cours de justice, des États, etc. Le Parlement est divisé en plusieurs Chambres, la Grand' chambre, les Chambres des Enquêtes, des Requêtes. L' Assemblée des Chambres, etc. La Chambre des comptes. _ Chambre ardente, assemblée de Juges, commis pour conaître des malversations des Comptables, de ceux qui ont eu le maniement des deniers publics, etc.
   Rem. Quoique le nom Anglais des deux Chambres du Parlement d' Angleterre signifie maison et non pas chambre, on doit pourtant dire les deux Chambres, et non pas les deux Maisons, comme a dit aûtrefois le Traducteur Gaulois du Procès de Charles I.
   3°. Il se dit aussi de plusieurs bureaux où l' on traite de plusieurs afaires. Chambre de comerce. À~ Rome, Chambre Apostolique. En Allemagne, Chambre Impériale. Chambre Éclésiastique à Paris, etc. etc.
   4°. Chambre se dit encôre en termes d' Art. Chambre dans un canon ou dans un mortier, espace ovale qu' on pratique en les fondant, et où l' on met la poudre pour lui doner plus de force. _ Dans une cloche et aûtres machines de fonderie, vide qui s' y est fait à la fonte. _ Chambre d' une mine, l' endroit où l' on met la poudre. _ Chambre obscûre, espèce de boîte dans laquelle, par le moyen de verres disposés d' une certaine façon, on voit ce qui se passe au dehors.
   5°. Dans le style proverbial, avoir des chambres vides; ou des chambres à louer dans la tête, c' est être un peu fou. _ Pour dire que les chemins sont fort beaux, on dit qu' ils sont comme dans cette chambre. "Tout le monde disoit que les chemins étoient comme dans cette chambre car c' est toujours la comparaison. "Ils étoient si bien comme dans cette chambre, que nous n' arrivâmes qu' après minuit, toujours dans l' eau. Sév.

CHAMBRÉE


CHAMBRÉE, s. f. [Chanbré-e, 1re et 2e lon.] Il ne se dit que des Soldats, qui logent ensemble dans la même chambre, ou sous la même tente; et à l' Opéra, de la quantité des spectateurs, et du produit de la recette. Bone ou foible chambrée.
   Rem. Ce mot n' est pas fort noble, et il est fort peu digne du style de l' Histoire. "Les Députés commencèrent à raconter de chambrée en chambrée (per contubernalia) les injures qu' ils reçevoient. J. J. Rouss. Tacite.

CHAMBRELAN


CHAMBRELAN, s. m. [Chanbrelan, 1re lon. 2e e muet.] 1°. Ouvrier, qui travaille en chambre, parce qu' il n' est pas maître. = 2°. En style populaire, locataire, qui n' ocupe qu' une chambre dans une maison.

CHAMBRER


CHAMBRER, v. n. Être dans la même chambrée. Ces Soldats chambrent ensemble. = 2°. v. a. Tenir quelqu' un enfermé malgré lui. = Le tirer en particulier dans une assemblée.

CHAMBRETTE


CHAMBRETTE, s. f. [Chanbrète, 1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Petite chambre. Il est du style familier. "Il est logé, elle se tient renfermée dans une petite chambrette.

CHAMBRIER


CHAMBRIER, s. m. [Chan-brié, 1re lon. 2e é fer. dout.] 1°. Oficier claustral dans quelques Monastères et dans quelques Chapitres, etc. = 2°. Grand-Chambrier était aûtrefois un grand Oficier de la Courone, qui avait l' Intendance de la chambre du roi. = 3°. En plaisantant, Conseiller de la Grand' Chambre du Parlement. Il est Grand Chambrier.

CHAMBRIèRE


CHAMBRIèRE, s. f. [Chan-briè-re. 1re lon. 2e è moy. et long.] Ce mot est bâs et presque entièrement hors d' usage. Mrs. de l' Académie disent que c' est une Servante de persones de petite condition. On peut ajouter qu' il n' y a que le peuple qui se serve de ce mot, même en parlant de cette espèce de Servantes. La Fontaine dit, pour la comodité de la rime:
   Il étoit une vieille avec deux Chambrières.
Mais au titre de la Fable, il met: La vieille et les deux Servantes.

CHAMEAU


CHAMEAU, s. m. CHAMELIER, s. m. [Chamo, 2e dout. au sing. lon. au plur. Chameaux. _ Chame-lié, 2e e muet, 3e é fer.] Le chameau est un animal, haut de jambes, qui a le cou fort long, la tête petite, les oreilles courtes et une espèce de bôsse sur le dôs. _ Chamelier, conducteur de chameaux.

CHAMOIS


CHAMOIS, s. m. [Cha-moâ, 2e lon.] Chèvre sauvage, qui vit dans les rochers et les montagnes. = Peau de cet animal, corroyée et passée en huile. Camisole, caleçon, gants de chamois.

CHAMP


CHAMP, s. m. [Chan, long: on ne prononce jamais le p.] 1°. Pièce de terre labourable, qui ordinairement n' est pas fermée de murailles. = Champs au pluriel se prend pour toutes sortes de terres, tant labourables, que près, bois, bruyères, pris tout ensemble et collectivement: aller aux champs; mener les bêtes aux champs. = Il se dit aussi de tous les lieux qui ne sont point dans les villes, ou dans les fauxbourgs. "Maison des champs; il est alé aux champs. = Campagne est plus usité en ce dernier sens. = Suivant Bouhours, maison des champs est plus relative aux vûes économiques, et maison de campagne, aux vûes d' agrément. La distinction paraît fort juste.
   2°. Ocasion, sujet, matière. "Voilà un beau champ pour l' Histoire, pour la Poésie. "On lui a doné, on lui a ouvert un beau champ, pour acquérir de la gloire, pour faire valoir ses talens, etc. = 3°. Étendue qu' embrasse une lunette d' aproche. "Cette lunette grossit beaucoup, mais elle a trop peu de champ. = 4°. Champ de batâille, place où se fait le combat de deux armées. * On disait autrefois champ tout seul. On disait, demeurer maître du champ: le champ lui est demeuré.
   Rem. Doit-on dire, les champs Élisées, ou les Champs Élisiens? Ménage croit qu' on dit l' un et l' aûtre, et que le 1er est le plus usité. L' Acad. les dit également et sans remarque. L' usage le plus commun, du moins en prôse, me paraît être pour le premier.
   À~ TRAVERS CHAMPS, adv. Il couroit à travers champs. _ Sur le champ: sur l' heure même, sans délai. â tout bout de champ, ou à chaque bout de champ. L' Académie ne met en titre que le 2d, qui est à mon avis, le moins usité. À~ chaque moment, à tout propos. "Il retombe dans la même faute à chaque bout de champ; à tout bout de champ.
   DE CHAMP, adv. Mettre, poser de champ des briques, des pierres, des solives. Les mettre, les poser sur la face la moins large.
   Dans le st. prov., courir les champs, c' est être fou: "C' est trop perdre de temps: ..nous devrions déjà avoir couru tout Paris. _ Du train dont vous alez, vous courrez bientôt les champs. _ On done quelquefois à cette expression un sens moins odieux. "Il a guéri promptement, parce que sa blessure n' étoit pas dangereûse, et l' envie de revoir Mdlle. Sophie l' a fait courir les champs, aussi-tôt qu' il a pu marcher. _ Se mettre aux champs, fort en colère. _ Mettre quelqu' un aux champs, le mettre en colère, ou en crainte.
   Des biens à réparer, des partages à faire,
   Vous voyez que voilà de quoi le mettre aux champs.
   En lui faisant prévoir un procès de dix ans.        Méc.
_ Laisser le champ libre à quelqu' un, cesser de disputer, de se défendre. On dit, à peu près dans le même sens, le laisser maître du champ de batâille. _ Avoir un oeil aux champs, et l' aûtre à la ville, être fort vigilant, penser à tout. _ Avoir la clef des champs, la liberté de sortir, de s' enfuir.

CHAMPêTRE


CHAMPêTRE, adj. [Chanpêtre: 1re lon. 2e ê ouv. et lon.] Qui apartient aux champs; maison, lieu champêtre, musique champêtre. _ Solitaire, éloigné des villes, vie champêtre. = Ordinairement il suit le substantif. En vers, il peut le précéder.
   Achevons de dicter ces champêtres leçons.
       De Lille.
  J' obtiens souvent le prix des champêtres chansons.
      Gres.
  De vos champêtres airs répétez les plus beaux. Id.
Cette dernière inversion est un peu dûre. C' est que les adjectifs de plusieurs syllabes ne font guère bien devant les substantifs monosyllabes.
   Rem. Champêtre ne se dit point des persones. On ne dit point un homme champêtre, pour dire, un homme qui vit à la campagne. Voy. PROSPèRE.

CHAMPIGNON


CHAMPIGNON, s. m. [Chanpi-gnon: mouillez le gn; 1re lon.] 1°. Plante spongieûse, qui vient sans racines, et croît en très-peu de temps. 2°. Certain bouton qui se fait au lumignon d' une mêche, qui brûle. = 3°. Excroissance de chair spongieûse, qui se forme dans les plaies, etc.
   On dit, d' un homme qui a fait fortune en peu temps, qu' il s' est élevé en une nuit comme un champignon; n°. 1°.

CHAMPION


CHAMPION, s. m. [Chan-pion: en vers, pi-on: 1re lon.] Celui qui combatait en champ clôs. _ On dit par raillerie d' un homme peu vaillant, c' est un vaillant champion. _ Dans la Poésie, il se dit sérieûsement, en bone part.

CHANCE


CHANCE, s. f. [1re lon. 2e e muet.] 1°. Sorte de jeu de dés. Jouer à la chance. = Fig. Heureûse fortune. Bonne chance; être en chance; la chance a tourné.
   Le proverbe dit, que chance vaut mieux que bien jouer; il vaut mieux être heureux qu' habile; ce qui s' aplique à toute sorte d' afaires. _ Conter sa chance, ses aventûres, ses déplaisirs. _ Livrer chance à quelqu' un, le défier, le provoquer à la dispute.

CHANCELANT


CHANCELANT, ANTE, adj. CHANCELER, v. n. [1re lon. 2e e muet: 3e lon. aux 2 prem. é fer. au 3e.] Devant la syll. fém. l' e muet se change en è moy. Je chancelle, ou chancèle, il chancellera ou chancèlera~, etc. _ Chanceler, au propre, c' est être peu ferme sur ses piés, pencher de côté et d' aûtre, comme si on alait tomber. "Il chanceloit comme un ivrogne. _ Au fig. n' être pas ferme, assuré: il varie, il chancelle dans ses réponses, dans ses résolutions. "Il est fort ébranlé, il chancelle. "Sa fortune chancèle.
   Chancelant, se dit, au propre et au fig. des persones et des chôses: Je le vis chancelant et près de tomber. "D' un pas chancelant, démarche chancelante. _ Esprit chancelant, irrésolu; fortune chancelante, mal assurée. _ Il suit, ou précède; mais il aime à suivre.
   Soutien ma foi chancelante,
   Dieu puissant, inspire-moi
   Cette crainte vigilante,
   Qui fait observer ta loi.
       Rouss.

CHANCELIER


CHANCELIER, s. m. CHANCELIèRE, s. f. [1re lon. 2e e muet; 3e é fer. au 1er dout. è moy. au 2d lon.] Le Chancelier est en France le Chef Suprême de la Justice. Les Reines, et les Fils de France ont aussi leurs Chanceliers. = Dans les Universités, c' est celui qui confère les degrès. = Dans certains Chapitres, c' est une dignité. = Dans les Échelles du Levant, c' est celui qui a le sceau du Consulat: il y a fait les fonctions de Gréfier et de Notaire.
   CHANCELIèRE, est 1°. la Femme du Chancelier. 2°. Petite caisse de bois garnie de peau d' ours, qui sert à mettre les piés pendant l' hiver.

CHANCELLEMENT


CHANCELLEMENT, Acad. CHANCèLEMENT. Danet, Tachard, Trév. s. m. [1re lon. 2e è moy. 3e e muet: en a le son d' an.] Démarche qui n' est pas ferme. Action de ce qui penche de côté et d' aûtre, et menace de tomber. "Je m' aperçus de son chancèlement. Ce mot est peu usité. L' Acad. le met sans remarque.

CHANCELLERIE


CHANCELLERIE, ou CHANCèLERIE, s. f. [1re lon. 2e è moy. 3e e muet, 4e lon.] Tribunal, où l' on scelle les Lettres avec le sceau du Prince. = Maison destinée pour le Chancelier. = Chancellerie, au Parlement, lieu où l' on scelle des Lettres avec le petit sceau. = Dans les Universités, lieu où l' on scelle les Lettres de Maître-és-Arts, de Docteur, etc.

CHANCEUX


CHANCEUX, EûSE, adj. [Chan-ceû, ceû-ze: 1re et 2e lon.] Qui est en chance, en bonheur. "Il est chanceux; je ne suis pas si chanceux. Il est bâs et populaire. Il se dit en bone ou en mauvaise part, pour heureux et malheureux. "Il est chanceux, il gagne toujours. "Elle est chanceûse à se blesser, à gagner des rhûmes. Dict. de Trév.

CHANCIR


CHANCIR, v. n. et réc. [Chanci, 1re lon.] Moisir. Il ne se dit que des chôses qui se mangent. Il ne se conjugue qu' à la 3e persone. "Ce pâté, ces jambons, ces confitûres comencent à chancir, à se chancir. "Ils chancissent, ou se chancissent.

CHANCISSûRE


CHANCISSûRE, s. f. [1re et 3e lon.] Moisissûre. "Il faut ôter la chancissûre de dessus ce pâté.

CHANCRE


CHANCRE, s. m. CHANCREUX, EûSE, adj. [1re lon. 2e e muet au 1er, lon. aux 2 aûtres.] Le Chancre est, 1°. une espèce d' ulcère malin, qui ronge la partie du corps sur laquelle il s' est formé. = 2°. Élevûre qu' une fièvre ardente, ou autre caûse fait venir sur la langue, aux lèvres, dans le palais. = 3°. Crasse qui s' atache aux dents. = 4°. En termes de Jardinage, maladie qui survient aux arbres, et qui les ronge. = On dit proverbialement: manger comme un chancre, c. à. d. extrêmement.
   CHANCREUX, qui tient de la malignité du chancre: Ulcère chancreux; bôsse chancreuse: arbre chancreux.

CHANDELEUR


CHANDELEUR, s. f. CHANDELIER, s. m. [1re lon. 2e e muet, 3e dout. dans les deux.] La Chandeleur, ou la Fête de la Chandeleur, est la Fête de la Présentation de Notre-Seigneur au Temple, et de la Purification de la Ste Vierge. Elle tire son nom des chandelles de cire, ou des cierges qu' on bénit ce jour-là.
   CHANDELIER, est un ustensile à mettre de la chandelle, de la bougie, des cierges. Chandelier de bois, d' étain, de cuivre, d' argent. _ On dit figurément, mettre le chandelier sous le boisseau, laisser les grands talens dans l' obscurité; expression tirée de l' Évangile: Neque accendunt lucernam et ponunt eam sub modio. _ Mettre quelqu' un sur le chandelier, l' élever en dignité; c' est la suite de la même sentence: sed super candelabrum.

CHANDELLE


CHANDELLE, ou CHANDèLE, s. f. [1re lon. 2e è moy. 3e e muet.] Petit flambeau de suif ou de cire. On le dit presque toujours de ceux de suif; pour ceux de cire, on dit bougie, ou cierge. = Ce mot fournit à plusieurs expressions figurées du style familier et proverbial. _ On dit, de celui qui a de l' intelligence dans deux partis contraires, ou, qui mène une vie mélangée de bien et de mal, qu' il done une chandèle à Dieu, et l' aûtre au diable; de celui, qui est fort vieux, et qui s' en va mourant, que la chandèle s' éteint; de celui, qui est à l' agonie, qu' il est réduit à la chandèle bénite; de celui, qui a échapé à un grand danger, qu' il doit une belle chandèle à Dieu; d' une femme, qui ne soufre pas le grand jour, qu' elle est belle à la chandèle; de ceux, qui dépensent en beaucoup d' articles diférens, qu' ils brûlent la chandèle par les deux bouts; de ce qui ne done aucun profit, que le jeu ne vaut pas la chandèle. _ Voyez BRûLER et DEVANT. _ Donez-lui une chandèle, dit-on, quand on voit un homme qui ne saurait trouver ce qu' il veut dire. Et quand quelqu' un se met devant le jour, et qu' il empêche qu' on ne voie à lire ou à travailler: mouchez la chandèle, lui dit-on. _ Cet homme vient se brûler à la chandèle, il se confie à ceux qui le trahissent; ou, il cherche un asyle dans le lieu, où il y a le plus de danger pour lui: allusion au papillon qui se brûle à la chandèle, en cherchant la lumière. _ À~ chaque Saint, sa chandèle, il faut rendre des devoirs à tous ceux de qui dépend le succès des afaires. "Cet homme est ménager de bouts de chandèle; il est économe dans les petites chôses, et ne l' est pas dans les plus importantes. _ La chandèle brûle; le temps se pâsse.

CHANGE


CHANGE, s. m. [1re lon. 2e e muet.] 1°. Troc d' une chôse contre une aûtre; il ne se dit, en ce sens, que dans les phrâses suivantes: gagner au change, perdre au change. _ On dit figurément, d' un homme qui répond vivement et ingénieûsement à un aûtre, qui le veut râiller, qu' il lui a rendu le change, qu' il lui a doné son change. De ces deux expressions, la 1re est du bon style; l' autre, du st. fam. = 2°. En termes de Vènerie, on dit, prendre le change, garder le change, doner le change. Les deux 1ers se disent des chiens, ou qui quitent la bête qu' il chassent pour courir après une aûtre; ou qui continuent à chasser la première, sans se laisser détourner. Le 3e se dit de la bête qui fait prendre le change aux chiens. _ On dit, en ce sens, doner le change à quelqu' un, le détourner adroitement du dessein, ou de la pensée qu' il a; et prendre le change, se laisser ainsi tromper. "Est-ce à moi que vous voulez donner le change? "Il a pris le change; il s' est laissé duper. On dit aussi ce dernier, lorsque, dans un raisonement, on sort de son sujet, pour s' atacher à des chôses dont il n' est pas question: Vous prenez le change; ce n' est pas de cela qu' il s' agit. _ * Plusieurs disent, doner et prendre l' échange, pour le change: c' est un vrai barbarisme; et j' ai été fort surpris de le trouver dans le Journal de Littératûre. "Il (le Parterre) ne prend pas l' échange sur les bons et les mauvais ouvrages, sur les bons et les mauvais Auteurs. _ C' est sans doute une faûte d' impression.
   3°. CHANGE, lieu où l' on va changer des pièces de monnoie pour d' aûtres. _ Banque, métier de faire tenir de l' argent d' une Ville à une aûtre, de place en place. Faire le change; Courtier, Agent de change; lettre de change. _ La place même où s' assemblent les Banquiers. _ Le prix que le Banquier prend pour l' argent qu' il fait remettre: "Le change d' ici à telle place est de tant pour cent. Le change est au pair; le change a augmenté. _ L' intérêt de l' argent qu' on prête selon le cours de la place: prendre, doner à change.
   Rem. * Change, s' est dit aûtrefois pour changement.
   O que nos fortunes prospères
   Ont un change bien aparent!
       Malherbe.
  Quoi! vous apelez crime un change raisonable.
      Corn.
"Voir punir son change. _ Son change est odieux. Id.
   Corneille dit aussi, bailler le change, pour doner le change: c' est que de son temps on disait souvent bailler pour doner.
   Mais insensiblement je baille ici le change.
       Ép. à Ariste.

CHANGÉ


CHANGÉ, ÉE, adj. On dit qu' un homme est bien changé, qu' une femme est bien changée; qu' ils ont le visage bien changé, soit par l' âge, soit par la maladie. "D' Orval est malade aussi: comme il est changé! Th. d' Éduc. Être bien changé, c' est aussi avoir changé entièrement de sentimens, ou, de moeurs et de conduite.

CHANGEANT


CHANGEANT, ANTE, adj. [Chan-jan, jante, 1re et 2e lon. l' e devant l' a est muet; il n' est là que pour doner au g un son doux, qu' il n' a pas naturellement devant la voy. a.] Variable, qui change facilement. Il se dit particulièrement de ce qui a raport aux persones: esprit changeant, humeur changeante. On le dit des persones même. Homme fort changeant, nation extrêmement changeante. Voy. LÉGER. = On le dit aussi du temps, quand il est variable; de certaines couleurs, qui changent, suivant les diférentes positions, comme la gorge d' un pigeon. "Tafetas changeant, qui paraît de diférentes couleurs, parce que la trame est d' une couleur, et la chaîne d' une aûtre.

CHANGEMENT


CHANGEMENT, s. m. [Chanjeman; 1re lon. 2e e muet.] Action de changer; mutation, conversion. Changement de vie, de conduite; d' état, de condition. Changement de théâtre, de scène; ce qui se dit sur-tout au figuré. Aimer le changement: tout est sujet au changement.
   Être d' un grand changement; être fort changé, se dit sur-tout du visage, par raport à la santé. "Il passe la nuit à écrire, à travailler; aussi, Monsieur est-il d' un changement... Il se tuera Th. d' Éduc. _ L' Acad. ne met point cette locution: elle est pourtant reçue dans le style familier.

CHANGER


CHANGER, v. a. [Chanjé; 1re lon. 2e é fer.] Je change, je changeois, je changeai, tu changeas, il changea. etc. L' e devant l' o et l' a, est muet: il n' est là que pour doner au g un son doux qu' il n' a pas devant l' o et l' a. _ Se défaire d' une chôse pour en prendre une à la place. Changer ses tableaux contre des meubles; changer sa vieille vaisselle pour de la neuve.
   Rem. 1°. Changer et échanger, ne signifient pas tout-à-fait la même chose. On dit, par exemple, changer un écu, changer une garnison; mais on dit, échanger des prisoniers, échanger des Places, c. à. d., les échanger pour d' aûtres prisoniers, pour d' aûtres Places.
   Rem. 2°. Plusieurs Auteurs ont doné, à changer, pour 2d régime, la prép. à (le datif.) "Je ne voudrois pas changer mon destin au leur. D' Ablancourt.
   Quel Dieu peut renoncer au droit de tous les Dieux?
   Et qui peut, à la terre, avoir changé les Cieux?
       Brébeuf.
  Peut-être, avant la nuit, l' heureûse Bérénice,
  Change le nom de Reine au nom d' Impératrice.
      Racine.
On aurait dû dire en prôse: Change le nom de Reine en celui d' Impératrice; mais cela n' acomodait pas les Poètes, ni même le Prosateur cité. _ L' Acad. met un exemple qui paraît les autoriser. "Dans le Sacrement de l' Eucharistie, le pain est changé au Corps de Notre-Seigneur: mais c' est une phrâse consacrée, et qui ne fait pas loi pour le langage commun. D' Oliv. _ Avec rien on met aussi la prép. à, mais c' est dans un aûtre sens, et sans conséquence pour d' aûtres mots: "La vûe de la flote Portugaise ne changea rien à l' ardeur que la ville de Brava marquoit pour se défendre.
   Rem. 3°. * Corneille a dit, changer des persones, pour faire changer.
   Oui, l' honeur qu' il me rend ne fait que m' outrager;
   Je vous le dis encor: rien ne peut me changer.
       Pertharite.
  CHANGER est aussi neutre. Il se dit, et dans le propre, et dans le figuré, ou avec la prép. de: Changer d' habit, de chemise, de logis, de place; changer de résolution, d' avis, de sentiment, d' opinion; changer de vie, de langage, de couleur, de visage, etc.; ou absolument et sans régime: "Le vent change, le temps a changé; tout change dans ce monde.
   Rem. 1°. Changer ne s' emploie plus au réciproque. On ne dit plus, se changer; on dit, changer, neutre. "Toutes les fois que je me représente le visage de l' une ou de l' aûtre, il m' est avis que celui de ma fortune se change. Voit. On dirait aujourd'hui, que celui de ma fortune change. Ainsi, l' on dit de quelqu' un qui montre sur son visage le trouble ocasioné par quelque discours, par quelque évènement, qu' il change de visage, et non pas, que son visage se change. _ * Se changer, dit le Rich. Port., changer d' air et de manières, prendre un autre air. Au figuré, se convertir. Cela n' est pas de l' usage actuel: on dit, être changé, ou, changer.
   Rem. 2°. * En certaines Provinces, on dit, se changer, pour, changer de chemise, de linge. C' est un barbarisme. "Je demandai une chemise pour me changer. Anon. Je ne sais de quelle Province est cet Auteur. _ "Il se démène, se met en nage, en répétant cette maudite casaque: on est obligé de le recoifer d' heure en heure, et même de le changer de chemise. Th. d' Éduc. C' est comme il faut dire, et non pas, le changer, tout seul.
   On dit figurément, dans le style familier, changer de note, c. à. d., de conduite, ou de langage; changer de baterie, prendre d' aûtres moyens. _ Changer son cheval borgne contre un aveugle; changer une chôse qui n' est pas bone contre une plus mauvaise.

CHANGEUR


CHANGEUR, s. m. [1re lon. 2e dout. au sing. lon. au plur.] Celui qui est préposé, en titre d' ofice, pour changer les espèces d' or et d' argent. = En style proverbial, payer comme un Changeur, c' est payer comptant. Riche comme un Changeur, fort riche.

CHANOINE


CHANOINE, s. m. CHANOINESSE, s. f. [Cha-noâ-ne, noa-nèce; 2e. lon. au 1er, 3e è moy. au 2d.] Celui qui possède un Canonicat dans une Église Cathédrale ou Collégiale. _ Fille qui possède une Prébende dans un Chapitre de Filles.

CHANOINERIE


*CHANOINERIE. Vieux mot. On dit Chanoinie, ou Canonicat.

CHANOINIE


CHANOINIE, s. f. [Cha-noa-ni-e; 3e lon.] Canonicat. Posséder une Chanoinie; conférer une Chanoinie. _ Canonicat est plus usité. Chanoinie, paraît être du style de Pratique. L' Acad. le met sans remarque.

CHANSON


CHANSON, s. f. Vers que l' on chante sur quelque air. _ Figurément, sornette, discours frivole: "Ce qu' il vous dit là est une Chanson: Chansons que tout cela! _ Chanson! c. à. d., je n' en crois rien; je ne m' y fie pas. Sur ce qu' on avait imprimé les Chansons de M. de Coulanges, sans le consulter, sa femme écrit à Mde de Sévigné: "Il est très-touché de cette aventûre, que j' ai encore agravée, par ne pouvoir la prendre sérieûsement. À~ tout cela je réponds: Chansons! Chansons! _ Chanter, ou redire toujours la même Chanson; ou, ne savoir qu' une Chanson, dire sans cesse la même chôse. _ Je ne me paye pas de Chansons, c. à. d., de paroles; je veux des éfets.

CHANSONER


CHANSONER, v. a. CHANSONETTE, s. f. CHANSONIER, IèRE, s. m. et f. [Chan--soné, sonète, so-nié, nière; 3e é fer. au 1er et 3e, è moy. au 2d et 4e, longue au dern.] Chansoner quelqu' un, c' est faire des Chansons contre lui. = Chansonette, petite Chanson. = Chansonier, ière, faiseur ou faiseûse de Chansons. (st. famil.)
   Rem. Rousseau fait chansoner neutre, mais c' est dans le style marotique.
   O qu' il chansone bien!
   Seroit-ce point Apollon Delphien?

CHANT


CHANT, s. m. [Le t ne se pron. point.] Élévation et inflexion de voix sur diférens tons, avec modulation. Chant agréable, harmonieux, mélodieux; chant triste, lugubre. "Mettre un air en chant: "Il a fait les paroles, un aûtre a fait le chant. "Ce n' est pas là le chant de... etc. Il se dit aussi du ramage des oiseaux, du cri du coq, et de celui de la cigale.
   CHANT, division des Poèmes Épiques: Le 1er Chant de la Jérusalem du Tasse; le second Chant du Lutrin de Boileau. Pour d' aûtres Poèmes, on dit Livre, comme pour l' Iliade, l' Énéïde, etc.

CHANTANT


CHANTANT, ANTE, adj. [2de lon. Le t ne se prononce point au masc.] Qui se chante aisément: air chantant, musique chantante. _ Qui est propre à être mis en chant: vers chantans, paroles chantantes.

CHANTEAU


CHANTEAU, s. m. [Chanto; 1re lon. 2e dout. au sing. lon au pl. Chanteaux.] Morceau coupé d' un grand pain. = C' est aussi un morceau d' étofe coupée d' une plus grande pièce.

CHANTEPLEûRE


CHANTEPLEûRE, s. f. [1re et 3e lon. 2e et dern. e muet.] 1°. Entonoir qui a un long tuyau percé de plusieurs trous par le bout d' en bâs, pour faire couler du vin ou quelqu' autre liqueur dans un muid de vin, sans le troubler. = 2°. Fente qu' on pratique dans des murs, pour laisser écouler les eaux. 

CHANTER


CHANTER, v. a. [Chanté; 1re lon. 2e é fer.] 1° Pousser la voix avec des inflexions diférentes, et avec modulation. "Chanter un air, une chanson, le dessus, la basse. Chanter Vêpres, la Grand' Messe, etc. = V. n. Chanter bien, juste, agréablement, etc. Chanter faux: chanter à pleine voix, à basse note, etc. = 2°. Louer, célébrer: Toute les créatûres chantent les louanges du Seigneur. "Chanter la gloire, les hauts faits de quelqu' un. _ Au contraire, Chanter des injures, chanter pouille; chanter goguettes à quelqu' un, lui dire des chôses ofensantes. Tout cela est du style fam. = 3°. Les Poètes disent au comencement de leurs poëmes: je chante, etc.
   Je chante le Vainqueur des Vainqueurs de la Terre.
       Bréb.
= 4°. Chanter, neutre: Déclamer, réciter d' une manière qui n' est pas naturelle, et qui aproche du chant. "Ce Comédien, ce Prédicateur chante. = 5°. Dans le discours familier, on dit chanter, pour raconter: "Mais lisez donc: voyez ce qu' il chante: c. à. d. ce qu' il dit dans sa lettre. Th. d' Educ. Que me chantez-vous là? Il chante toujours la même chôse.
   Rem. Malherbe dit, tantôt chanter une chôse, tantôt chanter d' une chôse. Ce 2e régime n' est pas de l' usage actuel.
   Aussi bien chanter aûtre chôse, etc.
   Ayant chanté, de sa grandeur, etc.
   Le proverbe dit: Le Moine répond comme l' Abé chante: quand on voit des inférieurs, des valets, prendre le ton de leurs supérieurs, de leurs maîtres. _ Chanter pouille à quelqu' un, le quereller; lui chanter sa gamme, le réprimander, lui faire des reproches. _ Je le ferai bien chanter, je le mettrai à la raison, je le rendrai plus traitable. _ Chanter plus haut, faire des ofres plus avantageûses. _ Quand un homme dit quelque chôse qu' on n' aprouve pas: c' est bien chanté, dit-on, par moquerie. _ Voy. Matines, Palinodie.

CHANTERELLE


CHANTERELLE, s. f. [Chanterèle, 1re lon. 2e e muet, 3e è moy.] 1°. La corde d' un violon et aûtres instrumens à cordes, qui est la plus déliée, et qui a le son le plus aigu. = 2°. Oiseau qu' on met dans une cage au milieu d' un bois ou d' une campagne, pour atirer, par son chant, les aûtres oiseaux dans les filets qu' on a tendus pour les prendre.

CHANTEUR


CHANTEUR, EûSE, s. m. et f. [1re lon. 2e dout. au 1er, lon. au 2d.] Qui fait le métier de chanter.
   CHANTEUR, CHANTRE. Il ne faut pas confondre ces deux mots. Le 1er se dit, à l' Opéra et aux Concerts, des Musiciens et des Musiciènes: c' est un bon Chanteur, les Chanteûses de l' Opéra; les Chanteurs du Pont-Neuf. L. T. On dit plutôt: c' est une belle voix, qu' un bon Chanteur, ou, une bonne Chanteûse. _ Depuis quelque temps, on dit, Cantatrice, pour Chanteûse. _ Chantre, se dit ordinairement de ceux qui chantent au Choeur, dans l' Église, au Service Divin, et qui sont gagés pour cela: Les Chantres de Notre-Dame, de la Chapelle du Roi, etc. Boileau parle de ces riches Bénéficiers, qui, vivant dans l' oisiveté et la molesse, laissent,
   À~ des Chantres gagés, le soin de louer Dieu.
   CHANTRE, est aussi une dignité, dans des Églises Cathédrales ou Collégiales: Le Chantre de Notre-Dame; le Grand-Chantre, etc. = Il se dit encôre, figurément et poétiquement, d' un Poète: Le Chantre de la Thrace (Orphée); le Chantre Thébain (Pindâre); les Chantres des bois; les rossignols et aûtres oiseaux.

CHANTIER


CHANTIER, s. m. [Chan-tié; 1re lon. 2e dout.] 1°. Grande place où les Marchands de bois arrangent leurs bois. = 2°. Lieu où les Charpentiers travaillent; où l' on tâille les pierres; où l' on construit les Vaisseaux. = 3°. Pièces de bois, sur lesquelles on construit les Vaisseaux. "Ce vaisseau est sur le Chantier; sur lesquelles on place des muids de vin. "Il a tant de pièces de vin en Chantier, ou, sur le Chantier. = Quelques-uns disent d' un ouvrage comencé, qu' il est sur le Chantier: on dit plutôt, sur le Métier.

CHANTIGNOLE


CHANTIGNOLE, s. f. [Mouillez le gn.] Pièce de bois qui soutient les pannes d' une charpente. = 2°. Trév. le dit aussi d' une espèce de brique, qui n' a que la moitié de l' épaisseur des aûtres, et qu' on apèle pour cela demi-brique.

CHANTILLER


*CHANTILLER, ou CHANTONER, v. n. Chanter à demi-voix. Ces mots ne sont pas dans les Dictionaires. Le 1er est plus usité que le 2d. "Il persifle, il sautille, il chantone. M. de St. Haippy.

CHANTOURNÉ


CHANTOURNÉ, s. m. CHANTOURNER, v. a. [Le verbe et le substantif se prononcent de même: 1re lon. 3e é fer.] Un Chantourné est la pièce d' un lit, qui est d' un bois bien travaillé, ou couvert d' étofe, et qui se met entre le dôssier et le chevet. _ Chantourner, couper en dehors, ou évider en dedans une pièce de bois, de fer ou de plomb, suivant un dessein. = L' Acad. ne met pas ce verbe. Le Rich. Port. ne le dit que de ce qui est coupé en dehors, suivant un profil.

CHANTRE


CHANTRE, s. m. CHANTRERIE, s. f. [1re lon. 2e e muet: 3e lon. aussi.] On apèle Chantres, ceux dont la fonction est de chanter dans l' Église au service divin. Voy. CHANTEUR. _ Chantrerie, est une Dignité dans un Chapitre.
   On apèle, par dérision, un mauvais Musicien, Chantre de Lutrin.

CHANVRE


CHANVRE, s. m. La Fontaine le fait féminin.
   La chanvre étant tout-à-fait crûe.
Chanvre se dit, 1°. d' une plante qui porte le chenevis, et dont l' écorce sert à faire de la filasse. = 2°. Il se dit plus particuliérement de la filasse de chanvre.

CHAôS


CHAôS, s. m. [On ne pron. pas l' h. Ka-ô, et devant une voyelle, ka-ôz.] Confusion de toutes chôses. _ Il se dit au propre, de l' état, où l' on supôse qu' étaient toutes les chôses dans le moment de la création; et au figuré, de ce qui est confus et embrouillé: Ses afaires sont dans un afreux chaôs. "À~ ces deux bienfaits (de Descartes) joignons-en un troisième, l' ordre, cet ordre si nécessaire pour débrouiller le chaôs des idées. Gaillard.

CHAPE


CHAPE, s. f. Sorte de long et ample manteau, qui va jusqu' aux talons. Il se dit sur-tout de l' ornement d' Église apelé pluvial; de l' habit de cérémonie des Cardinaux, de l' habit de choeur pendant l' hiver. (Dans plusieurs Chapitres on a quité la chape pour le camail.)
   Chape se dit aussi du couvercle d' un alambic et de la partie d' une boucle, par laquelle elle tient au soulier, ou à la ceintûre.
   On dit, proverbialement, Disputer, ou se débatre de la chape à l' Évêque. Contester sur une chôse où l' on n' a point d' intérêt. _ Chercher chape chute, se gouverner de façon qu' on s' atire quelque chôse de fâcheux. Trouver chape chute; trouver quelque chôse de désagréable à la place de ce qu' on cherchait d' avantageux. Voyez PROVENDE.

CHAPEAU


CHAPEAU, s. m. [Chapo; 2e dout. au sing. lon. au plur. Chapeaux.] 1°. Couvertûre de tête, dont se servent communément les hommes en Europe. _ Ôter son chapeau à quelqu' un, le saluer en se découvrant la tête. Mettre chapeau bâs. Coups de chapeau; salutations qu' on fait en ôtant son chapeau. = Dans le style fam., chapeau, se dit pour homme; il y avoit là plusieurs femmes, et pas un chapeau.
   2°. Chapeau, dignité de Cardinal. "Il aspiroit au Chapeau.
   3°. Bouquet de fleurs qu' on met derrière la tête d' une fille le jour de ses noces. Voy. RôSE.
   Rem. On apèle Frère à chapeau, un second vers, qui n' est mis que pour acompagner le 1er, comme les Frères acompagnent les Pères chez les Religieux. Ces Frères portaient autrefois le chapeau au lieu du capuchon. L' Éditeur des oeuvres de Boileau lui atribuë l' invention de cette expression. M. Linguet dit: Frère Chapeau.

CHAPELAIN


CHAPELAIN, s. m. et non pas Chapellain, puisque l' e est muet. = 1°. Bénéficier titulaire d' une Chapelle. = 2°. Prêtre entretenu pour dire la Messe à quelque persone de condition. Acad. On dit plutôt Aumônier. = 3°. Prêtre du Roi, de la Reine, dont la fonction est de leur dire la Messe. Chapelain ordinaire, Chapelain de quartier.
   CHAPELAINIE. Trév. Voyez CHAPELLENIE.

CHAPELER


CHAPELER, v. a. [2e e muet, 3e é fer.] Il ne se dit que du pain, et signifie ôter le dessus de la croûte.

CHAPELET


CHAPELET, s. m. [2e e muet, 3e è moy. On ne prononce point le t.] 1°. Certain nombre de grains enfilés, sur lesquels on dit des Avé Maria. À~ chaque dixaine, il y a un grain plus gros, sur lequel on dit le Pater. Enfiler des chapelets, dire son chapelet. = 2°. Machine à élever les eaux, composée de plusieurs godets, ou petits sceaux, atachés de suite à une chaîne. = 3°. Couple d' étrivières, garnies chacune d' un étrier, qui s' atachent au pommeau de la selle, pour monter à cheval. = 4°. Pustules, élevûres qui viènent autour du front: on les croit la marque d' une maladie honteûse. Il faut donc prendre garde, en employant ce mot, de ne pas l' apliquer à des boutons, à des élevûres ordinaires.
   On dit, proverbialement, que le chapelet se défile, quand une société se dissout, et que les membres quitent les uns après les aûtres: et qu' un homme a défilé le chapelet, lorsqu' il cesse d' être dévot. Et quand quelqu' un est puni de quelque faûte, on dit qu' il n' a pas gagné cela en disant son chapelet.

CHAPELIER


CHAPELIER, s. m. CHAPELIèRE, s. f. [2e e muet, 3e é fer. et dout. au 1er, è moy. et long au 2d.] Chapelier est celui qui fait ou vend des chapeaux. _ Chapelière, femme de Chapelier, ou celle qui vend des chapeaux.

CHAPELLE


CHAPELLE, s. f. CHAPELLENIE, s. f. [Chapèle, pèlenie: la 2de est un è moy. la 3e est un e muet. Il ne faut donc point écrire chapelainie, comme écrit Trév.] Chapelle est, 1°. une petite Église, un petit édifice consacré à Dieu. = 2°. Il se dit des diférens lieux où l' on dit la Messe dans une Église, et des lieux pratiqués dans une maison, pour y dire la Messe. = 3°. Bénéfice simple, dont le Titulaire est obligé de dire, ou de faire dire la Messe plus ou moins souvent, selon les claûses de la fondation. = 4°. Il se dit de toute l' argenterie dont on se sert dans une Chapelle. Quelques-uns y comprènent les ornemens. "Ce Prélat a une belle, une riche chapelle. = 5°. Chapelle ardente: apareil funèbre qui environe le corps ou la représentation d' un défunt. Elle est ainsi nomée du grand nombre de cierges alumés qui la décorent. = 6°. Tenir Chapelle, se dit du Pape, lorsqu' étant acompagné de ses Cardinaux, il assiste à l' Ofice Divin, ou dans sa Chapelle, ou dans une Église. On le dit aussi de l' Empereur et du Roi d' Espagne, lorsqu' ils assistent en cérémonie à l' Ofice Divin.
   Chapellenie, Bénéfice d' un Chapelain. Autrefois Capellenie.

CHAPELûRE


CHAPELûRE, s. f. [2e e muet, 3e lon. On écrivait aûtrefois Chapeleure.] Ce que l' on a ôté de la croûte du pain en le chapelant.

CHAPERON


CHAPERON, s. m. [2e e muet.] Autrefois, coîfure de tête comune aux hommes et aux femmes. _ Les Docteurs, Consuls et Échevins ont conservé le chaperon, mais ils le portent sur l' épaule. = 2°. Espèce de coîfe de cuir, dont on couvre la tête et les yeux d' un oiseau de proie. = 3°. Ornement relevé en broderie, qui est au dos de la chape. Acad. Pourquoi en broderie? C' est suivant les chapes. Il en est d' étofe très-simple. = 4°. Le haut d' une murâille de clôture, fait en forme de toit. Acad. ou de dôs-d' âne.
   Rem. Pour une jeune Demoiselle, Chaperon est une persone âgée, qui l' acompagne pour la décence, et comme pour répondre de sa conduite. "Il ne voulait point inviter d' étrangers, disoit-il, jusqu' à ce que je n' eusse quelqu' un qui me servît de chaperon. Anon. Le Rich. Port. dit grand chaperon. L' Acad. le dit aussi, mais elle ajoute, ou absolument chaperon.
   On disait aûtrefois: deux têtes dans un chaperon. (n°. 1°.) comme on dit: deux têtes dans un bonnet.

CHAPERONER


CHAPERONER, v. a. On le dit d' une murâille et d' un oiseau de proie. Mettre un chaperon. Voyez CHAPERON, n°. 2°. et 4°.

CHAPIER


CHAPIER, s. m. [Cha-pié: 2e é fer. et dout.] Celui qui porte chape. "Les deux Chapiers se promènent dans le choeur en certain temps de l' ofice divin. Acad.
   Gresset a employé ce mot figurément.
   Les politiques rêveries
   Des vieux Chapiers des Tuileries,
   Intéressant fort peu mes soins,
   Vous amuseroient encor moins.
Cela peut être bon dans le style badin.

CHAPITEAU


CHAPITEAU, s. m. [Chapito; 3e dout. au sing. lon au pl. Chapiteaux.] 1°. La partie du haut de la colonne qui pôse sur le fût. = 2°. En chimie, vaisseau qu' on place au-dessus d' un aûtre qu' on apèle cucurbite, et dans lequel s' élèvent les vapeurs que le feu fait monter.

CHAPITRE


CHAPITRE, s. m. 1°. Une des parties en quoi certains livres sont divisés. _ Figurément, la matière, le sujet dont on parle. Puisque nous sommes sur ce chapitre, je vous dirai que..... Il est fort sur ce chapitre. On en étoit sur votre chapitre; on parloit de vous. = 2°. Corps de Chanoines d' un Église Cathédrale ou Collégiale. = 3°. Assemblée des Chanoines, ou des Religieux, pour délibérer de leurs afaires. _ Lieu où se tiènent ordinairement ces assemblées. _ N' avoir pas voix, ou de voix au ou en chapitre: le 2d, est meilleur de beaucoup: c' est en style figuré familier, n' être pas consulté, n' avoir aucun crédit. "On se feroit honeur de le servir, si on avoit quelque voix en chapitre. J' en parlerai au hasard, mais mon crédit ne répond point à mes bones intentions. Sév. "Si l' Université avoit eu voix au chapitre, la Faculté de Théologie n' auroit pas si long-temps disputé sur le dispositif de la sentence.
   Suivant le Rich. Port. Chapitre signifie, au figuré, réprimande. L' Acad. ne le met point en ce sens, quoiqu' elle dise, chapitrer, pour réprimander.

CHAPITRER


CHAPITRER, v. a. Il n' est point usité au propre, où il signifie faire correction à un Chanoine ou à un Religieux en plein chapitre. _ Au figuré, réprimander une persone, lui remontrer sa faûte en paroles un peu fortes. Il est du st. fam. "Je l' ai chapitré sur le peu de respect qu' il portoit à son père.

CHAPON


CHAPON, s. m. CHAPONER, v. a. Le subst. se dit d' un coq châtré; le verbe, de l' action de châtrer un jeune coq.
   En st. prov., chapons de rente, ce sont deux chôses de la même espèce, mais diférentes en valeur ou en bonté, ou deux persones, dont l' une est grasse et l' aûtre maigre. = On dit, d' un homme qui a les doigts crochus, retirés, qu' il a les mains faites en chapon rôti, et de celui qui porte le nom d' une terre, et qui n' en touche pas les revenus, qu' il en porte le nom, mais n' en mange pas les chapons, ou qu' un aûtre en mange les chapons. = Qui chapon mange, chapon lui vient: les biens viènent plutôt à ceux qui en usent, qu' à ceux qui les épargnent.
   Vol du Chapon le voisinage.
   Chapon, morceau de pain qu' on trempe dans le potage. _ En Provence, morceau de pain qu' on frote d' ail et qu' on met dans la salade.

CHAQUE


CHAQUE, adj. Acad. Pronom. Trév. [Chake; 2e e muet.] Il est des deux genres, et n' a point de pl. Il se dit des chôses et des persones. Il prend l' art. indéfini, et précède toujours le substantif, dont il ne peut être séparé que par un adjectif. Chaque homme, de chaque femme, à chaque persone, chaque chôse: de chaque maison il sortoit une foule de persones. À~ chaque moment., à chaque nouvel avis. Chaque fou a sa manie.
   Rem. Chaque est toujours adjectif. * Les Marchands le font subst. et disent, par ex. ils coûtent quinze sous chaque, pour chacun. On lit aussi dans l' Ann. Litt. "Mais ces défauts, que je vous reproche, il faut les justifier par des exemples: il y en a une foule dans votre pièce: je n' en choisirai qu' un pour chaque. Voy. CHACUN, n°. 5°.

CHAR


CHAR, s. m. Sorte de voitûre à deux roûes, dont les Anciens se servaient dans les combats, dans les jeux, dans les triomphes, etc. Char de triomphe. Il monta sur son Char. Son Char se brisa contre la borne.
   Il étoit sur son char, ses gardes afligés
   Imitoient son silence, autour de lui rangés.
       Racine.

CHARâCTèRE


*CHARâCTèRE Vieille ortographe. Le Gendre l' a encôre employée. Voy. CARACTèRE.

CHARANSON


CHARANSON, s. m. On écrit ce mot de quatre manières: Charanson, charançon, charenson, charençon. L' Acad. s' est décidée pour la seconde: mais pourquoi ce ç avec la cédille, lettre Espagnole, qu' on ne doit employer que par nécessité. La 1re manière nous parait la meilleûre. Voy. CHARENSON.
   CHARANSON est un petit ver, qui s' atache aux blés et les ronge dans les greniers.

CHARBON


CHARBON, s. m. 1°. Morceau de bois qui est entièrement embrasé, qui ne jète plus de flâme. _ C' est aussi du bois que l' on brûle pendant un temps considérable, et que l'~ on~ éteint tout d' un coup d' une manière particulière, ce qui fait que le charbon est fort noir et s' allume aisément. = 2°. Espèce de furoncle, qui, le plus souvent, est pestilentiel. _ On le dit plus particulièrement de la tumeur qui parait à ceux qui sont frapés de la peste. _ On dit, noir comme un charbon, ou comme le charbon.

CHARBONÉE


CHARBONÉE, s. f. [3e é fer. et long.] Petit aloyau, côte de beuf. Manger une charbonée.

CHARBONER


CHARBONER, v. a. CHARBONIER, s. m. CHARBONIèRE, s. f. [On écrit assez communément ces mots et les précédens avec deux n, nous avons cru pouvoir en retrancher une sans inconvénient. 3° é fer. aux deux premiers, è moy. et lon. au 3e.] Charboner c' est noircir avec du charbon. = Charbonier, ière, celui ou celle qui vend du charbon. = Charbonière, le lieu où l' on fait le charbon dans les bois.
   Rem. En quelques endroits, charbonière se dit du lieu où l' on serre le charbon.
   On dit, la foi du Charbonier, pour dire une foi simple et aveugle, qui ne raisone point. _ Le Charbonier est maître en sa maison; chacun est maître chez soi. "Le Roi fit comprendre qu' il le vouloit ainsi. M. d' Armagnac lui dit: Sire, le Charbonier est maître à sa maison. On a trouvé cela fort plaisant. Sév.

CHARBOUILLÉ


CHARBOUILLÉ, ÉE, adj. CHARBOUILLER, v. a. [Char-bou-glié, mouillez les ll.] Ces mots expriment l' éfet que la nielle produit sur les blés. "La nielle a charbouillé ces blés. Ils sont charbouillés.

CHARCUTER


CHARCUTER, v. act. CHARCUTIER, IèRE, subst. [3e é fer. aux deux premiers, è moy. et long au 3e. On disait aûtrefois Chaircuter, Chaircutier, ou Chaircuitier. Voy. CHAIRCUTER.] Le verbe n' est plus en usage au propre, où il signifiait découper de la chair et la mettre en pièces. _ On ne le dit plus qu' au figuré: 1°. Couper mal-proprement de la viande à table: "Il a charcuté cette longe de veau. 2°. Découper, taillader les chairs d' un malade, d' un blessé. Il se dit des mauvais Chirurgiens.
   CHARCUTIER, IèRE, vendeur ou vendeûse de chair de porc, de boudins, de saucisses, d' andouilles, etc. etc.

CHARDON


CHARDON, s. m. Plante, dont la tête est couverte de piquans fort pointus, et dont les feuilles ont aussi beaucoup de piquans. "Terre pleine de chardons; les ânes mangent les chardons. _ Il y a plusieurs espèces de chardons, le chardon à bonetier, ou à foulon, dont on se sert pour carder, le chardon bénit, le chardon étoilé, ou chausse-trape, le chardon de Notre-Dame, ou le chardon-marie, le chardon hémorroidal, ou cirsium, le chardon roland, ou à cent têtes, etc. = Gracieux comme un chardon, mal gracieux, bourru.

CHARDONERET


CHARDONERET, s. m. [3° e muet, 4e è moy. le t ne se pron. pas.] Petit oiseau qui a la tête rouge, qui a les ailes marquetées de jaune et de brun, et qui a un joli ramage.

CHARGE


CHARGE, s. f. 1°. Fardeau, faix (synonymes.) La charge est ce qu' on doit ou ce qu' on peut porter: de là l' expression proverbiale, qui dit, que la charge d' un baudet n' est pas celle d' un éléphant. Le fardeau est ce que l' on porte: ainsi l' on peut dire, dans le sens figuré, que c' est risquer sa place que de se décharger totalement du fardeau des afaires sur son subalterne. Le faix joint, à l' idée de ce que l' on porte, celle d' une certaine impression sur celui qui porte. Voilà pourquoi l' on dit, plier sous le faix. _ On dit, de la charge, qu' elle est forte; du fardeau, qu' il est lourd; du faix, qu' il acâble. GIR. Synon. = 2°. Charge, ce qui met dans la nécessité de quelque dépense. "C' est une grande charge, que beaucoup d' enfans: il est à ma charge, il faut que je le nourrisse. = 3°. Imposition: les charges de l' État, des Villes, etc. C' est le peuple qui porte les charges. = 4°. Obligation; condition onéreuse: bénéfice à charge d' âmes. "Les charges excédent le revenu. "Cette terre, ce bénéfice vaut tant, toutes charges déduites. = 5°. Ofice dont on prend les provisions: Charges de Judicatûre, de finance. Charge Militaire; Charge de Président, de Conseiller, etc. V. Office. = 6°. Il a quelquefois le sens de commission, ordre qu' on done à quelqu' un; mais il ne se combine pas toujours avec les mêmes verbes que ce dernier mot. On dit bien, doner charge à quelqu' un de dire, de faire, etc. Mais on ne doit pas dire: ayant exposé sa charge, (Vertot) quoiqu' on dise, ayant exposé sa commission. = On dit, qu' une chôse est à la charge de quelqu' un, pour dire qu' on lui en a doné le soin, ou la garde. = Femme de charge; domestique dans une grande maison, qui a soin ordinairement du linge, de la vaisselle d' argent, etc. = 7°. Choc de deux troupes, qui en viènent aux mains. "Rude, furieûse, vigoureûse charge. "Soner la charge, retourner à la charge; première, seconde charge. = 8°. Ce qu' on met de poudre et de plomb dans une arme à feu pour tirer un coup. = 9°. Preuve et indice qu' il y a contre un criminel. Il se dit ordinairement au pluriel. "Il y a contre lui de terribles charges. = 10°. En Peintûre, représentation exagérée de quelque objet, sur--tout d' une persone à laquelle le Peintre conserve de la ressemblance en ridicule. _ On le dit figurément en Littérature: "Cette charge est du plus mauvais goût. Le personage de ce Garçon de café n' est, ni dans la natûre, ni dans la vérité. Ann. Litt. "Cette charge grossière, (de la Muse du Drame) cette farce burlesque et dégoûtante n' ofre pas la moindre étincelle de gaîté. Ibid. La Mûse du Drame est une charge digne de la Foire. L' Ab. Fontenai. Voy. CARICATûRE.
   Rem. Faire sa charge, au figuré, n' est pas une locution fort noble. Bossuet l' a employée en parlant du Messie: Le Christ doit faire sa charge. On serait plus délicat aujourd'hui sur cette expression. _ Elle est mieux placée dans la phrâse suivante de Marivaux, au sujet de la modestie qui désarme la censûre. "Vous frustrez la malignité de ses droits: elle ne vouloit que vous humilier et vous faites sa charge; vous vous humiliez-vous-même: elle ne sait plus que dire.
   Doner charge et prendre la charge régissent de devant l' infinitif. "Il m' a donné charge, ou j' ai pris la charge d' exécuter ce projet. _ Être à charge à quelqu' un, lui causer de la dépense ou de l' incomodité. "Je sens que je vous suis à charge; il craint de lui être à~ charge.
   Acablé du fardeau d' une tristesse extrême,
   Réduit au sort afreux d' être à charge à moi-même,
   J' épargne aux yeux d' autrui l' objet fastidieux
   D' homme ennuyé par tout, et par tout ennuyeux.
       Sidney.
Revenir ou retourner à la charge, se disent au propre et au figuré. Le premier, est meilleur pour le figuré; le second, pour le propre. "L' intrépide Mortel revint pour la quatrième fois à la charge. Mde. Dac. Iliade. "Les États Généraux étoient revenus souvent à la charge, et les pressoient vivement.
   À~ la charge, conjonction. À~ condition. Elle régit de devant l' infinitif, et que devant le subjonctif, le futur de l' indicatif et le conditionel présent. "Je lui ai vendu ma maison, à la charge de payer telle somme aux créanciers. _ J' y consens à la charge qu' il viène ou qu' il viendra, etc. J' y consentois, ou j' y avois consenti, ou j' y consentis, à la charge qu' il vînt ou qu' il viendroit, etc. _ On voit que quand le verbe est au présent, on met le verbe, qui suit, au présent du subjonctif, ou au futur de l' indicatif; et que quand ce premier verbe est à l' imparfait, ou au plus que parfait, ou au prétérit défini, on met le verbe, qui suit, au conditionel présent, ou à l' imparfait du subjonctif. Enfin, si le premier verbe est au prétérit indéfini, on met le second au futur de l' indicatif: J' y ai consenti, à la charge qu' il viendra, etc.
   À~ la charge d' autant: expression adverbiale. À~ condition que vous en ferez autant pour moi.
   Informer à charge et à décharge; pour et contre l' acusé.
   Pour les expressions proverbiales. Voyez ACQUITTER, BÉNÉFICE, CHAUSSE-PIED.

CHARGÉ


CHARGÉ, ÉE, adj. [2e é fer. long au 2d] 1°. Au figuré et même au propre: qui a trop de quelque chôse: Cheval chargé de tête, homme chargé de graisse. 2°. En termes de Peintûre, exagéré. Voy. CHARGE, n°. 10°. = 3°. Le temps est chargé, couvert de nuages. = 4°. Avoir les yeux chargés, enflés, remplis d' humeurs. = 5°. Couleur chargée, qui est trop forte. = 6°. Homme chargé de cuisine, fort gras: il est populaire; chargé de ganache, au propre, qui a de grosses machoires; au figuré, qui, étant épais de corps, a aussi l' esprit grossier.

CHARGEMENT


CHARGEMENT, s. m. [Charjeman, 2e e muet, 3e lon.] 1°. Marchandises chargées sur un vaisseau: aûtrement cargaison. = 2°. L' acte par lequel il parait qu' un Marchand a chargé telle quantité de marchandises sur un vaisseau. _ L' Acad. ne le prend que dans ces deux acceptions: mais il signifie aussi l' action de charger un vaisseau. Voy. DÉCHARGEMENT.

CHARGER


CHARGER, v. a. 1°. Mettre une charge sur., charger un crocheteur, un cheval, un bateau. _ Peser sur: cette poutre charge trop cette murâille. _ Figurément, mettre trop de... charger une pièce de Théâtre d' incidens; un discours de figûres, de métaphôres, de citations. _ Charger sa mémoire de bones chôses, etc. s' apliquer à les retenir. _ Cette viande charge trop l' estomac: elle pèse trop sur l' estomac. = 2°. Charger une arme à feu, y mettre ce qu' il faut de poudre et de plomb pour tirer un coup. = 3°. Imposer quelque charge, quelque condition onéreuse. Charger les peuples, les charger de tâilles, d' impôts. Charger une terre d' une redevance, un bénéfice d' une pension: charger un homme de coups, d' injûres, d' oprobres, de malédictions. = 4°. Ataquer les énemis en campagne: "Nous les chargeâmes si vigoureûsement, que nous les fimes plier. = 5°. Doner commission ou ordre. Il régit de devant les noms et les verbes: "Il m' a chargé de cette afaire; on l' a chargé de porter la parole; il est chargé, ou il s' est chargé d' une négociation délicate, de faire des propositions désagréables. = 6°. Déposer contre: les témoins le chargent furieûsement. = 7°. Charger un registre d' un article, le marquer dans le registre. = 8°. En Peintûre, charger un portrait; représenter avec exagération les traits. Voy. CHARGE, n°. 10°. Il se dit ordinairement au passif; ce portrait est trop chargé; ce qui se dit aussi en Litératûre dans l' Histoire, la Tragédie, la Comédie, la Satyre, de la représentation des moeurs et des caractères.
   Rem. 1°. Bossuet, qui cherchait plus l' énergie que l' élégance, dit de l' Ab. Du Pin, qu' il se plait à charger sur St. Cyrille, c' est-à-dire, à le critiquer. Cette expression n' est pas du beau style.
   2°. Être chargé de faire, c' est avoir comission, ou ordre de faire. * M. Targe, trop servile Traducteur de Smolet, lui fait signifier, être acusé ou soupçoné de: "La Chambre fut chargée de favoriser le Presbytéranisme.

CHARGEUR


CHARGEUR, s. m. Qui charge. Chargeur de bois, de charbon. = Oficier comis pour charger le canon. = Manoeuvre qui sert à charger les aûtres ouvriers. = Celui qui charge un vaisseau. Trév. Rich. Port.

CHARIAGE


CHARIAGE, s. m. CHARIER, v. act. et neut. CHARIOT, s. m. [Quelques-uns écrivent mal-à-propos ces mots avec deux r, Charriage, etc.] Chariage est l' action de charier, de voiturer dans une chârrette ou chariot. _ Chariot: Sorte de voitûre à quatre roûes: la chârrette n' en a que deux.
   On dit figurément, que les rivières charient du sâble, que les urines charient du gravier. _ Quand on parle de glaçons, on dit neutralement: la rivière charie. _ V. n. Au figuré (st. famil.) charier droit, se bien conduire: cet homme est sévère: avec lui, il faut charier droit.

CHARITABLE


CHARITABLE, adj. CHARITABLEMENT, adv. CHARITÉ, s. f. [3e dout. au 1er, 4e e muet.] Charitable se dit des persones qui ont de la charité pour le prochain, et en particulier de celles qui font volontiers l' aumône: "C' est n' être guère charitable, que de médire: Cette Dame est fort charitable; et des chôses qui partent d' un principe de charité; discours, conseil, avis charitable. = Charitablement, d' une manière charitable: penser charitablement du prochain; l' assister, le consoler charitablement. _ Par charité. Avertir, reprendre charitablement.
   CHARITÉ est 1°. la plus parfaite des vertus Théologales. La Foi, l' Espérance, la Charité. En ce sens, c' est la même chôse que l' amour de Dieu. = 2°. L' amour qu' on a pour le prochain en vûe de Dieu. Charité fraternelle: avoir de la charité. 3°. Aumône. Demander la charité. Faire la charité.
   Rem. Ce mot doit toujours être employé au singulier, quand on parle de la vertu de charité. On dira à plusieurs persones, je recomande ce misérable à votre charité, et non pas à vos charités. On ne sert du pluriel que pour exprimer les actes de la charité, les aumônes: Faire des charités; cet homme fait des charités immenses. _ On le dit aussi dans ce nombre, par antiphrâse, des calomnies: Prêter des charités à quelqu' un, c' est le calomnier. "Lorsque le P. de la Chaise a cessé de parler, je lui ai dit que j' avois été fort surpris qu' on m' eût prêté des charités auprès de lui. Boil. Let. à Rac.

CHARIVARI


CHARIVARI, s. m. Bruit tumultueux de poeles, poelons, etc. acompagné de cris et de huées, pour faire injure à quelqu' un, et surtout à ceux qui se remarient. _ Figurément, il se dit d' une mauvaise musique, et du bruit confus, excité par des querelles domestiques entre petites gens.

CHARLATAN


CHARLATAN, s. m. CHARLATANER, v. a. Vendeur de drogues, d' orviétan sur les places publiques. = Médecin hableur, et qui se vante de guérir toute sorte de maladies. = Figurément, celui qui tâche d' amadouer par de belles paroles, par des promesses spécieûses, ce qui est le sens de charlataner: "Cet homme est un Charlatan; il veut vous charlataner.

CHARLATANERIE


CHARLATANERIE, s. f. CHARLATANISME, s. m. [4e e muet, 5e lon. dans le 1er.] Le premier, signifie hablerie, flaterie, discours artificieux pour tromper quelqu' un: le second, exprime le caractère du Charlatan. "Tout ce qu' il vous dit n' est que charlatanerie. "Vous êtes la dupe de son charlatanisme.

CHARLES


CHARLES, s. m. Nom propre. Vaugelas veut qu' on écrive toujours Charles, Jacques, Jules avec une s. Pour Philipes, il croit qu' on peut l' écrire avec une s ou sans s. Ménage, au contraire, est du sentiment qu' on peut retrancher l' s de tous ces mots, et particulièrement en vers. _ Nous ajoutons que pour Philipe sur-tout, ce serait une faûte aujourd'hui de l' écrire avec une s.

CHARMANT


CHARMANT, ANTE, adj. [2e. lon. 3e e muet.] Agréable, qui plait extrémement, qui ravit. Il peut suivre ou précéder le substantif. Il se dit des persones et des chôses. "C' est un homme charmant, une femme charmante. Lieux charmans, concert charmant, voix charmante~, etc.
   Prépare, heureux rival, cette charmante fête.
       Gresset.

CHARME


CHARME, s. m. 1°. Puissance magique par laquelle les Sorciers prétendent produire des éfets extraordinaires et surnaturels. Faire un charme, des charmes. User de charme: le charme est levé. = 2°. Figurément, atrait, apâs, ce qui touche sensiblement. Son plus grand usage est au pluriel: "On ne peut se défendre de ses charmes. _ Malherbe fait toujours quelque diférence entre charmes et apas. Le premier, dit quelque chôse de plus fort et de plus inexplicable que le second. Ce n' est donc pas un pléonasme que de joindre ces deux mots.
   S' en va porter ailleurs ses apas et ses charmes.
Voy. Apas et Atraits.
   Rem. 1°. Charmes doit être employé avec précaution quand on parle des Femmes. Je n' aprouve pas Rollin quand il dit: "Antoine retourne à Alexandrie, où il se livre de nouveau aux charmes et aux caresses de Cléopatre.
   * 2°. Éprouver des charmes est une expression qui n' est pas fort juste. M. d' Alembert, dans son Parallèle de Despreaux, Racine et Voltaire, dit: "Cette facilité délicieuse pour l' esprit et pour l' oreille est un des principaux charmes que la lectûre de Racine fait éprouver. C' est-là, dit M. Linguet, un barbarisme de phrase, pour emprunter une expression de Monsieur de Voltaire. On dit, éprouver de l' ennui, de la crainte, de la joie, parce que ces sentimens sont le résultat d' un principe qui afecte l' âme: mais on ne peut dire, éprouver des charmes, parce que les charmes sont ce principe même.
   * Être sous le charme, être charmé: expression moderne, précieûse et bisârre. "Vous serez sous le charme, en style philosophique, dit l' Ab. Grosier, en se moquant. "Le Comte étoit encôre sous le charme. Dans l' Ann. Litt. on met cette expression en italique, pour montrer qu' on ne l' aprouve pas. = Charme. Arbre de haute tige, qui pousse des branches dès sa racine, et sert à faire des palissades.

CHARMEUR


*CHARMEUR, CHARMERESSE, s. m. et f. s' est dit aûtrefois, pour enchanteur, enchanteresse. "Le sixième câs est de Sorciers et Sorcières, Charmeurs et Charmeresses, qui font bénissons et disent paroles sur herbes, pour faire cuider qu' elles ont plus grande vertu ou brevet (pouvoir) pour guarir. Olivier Maillard.
   *CHARMEûSE (st. burlesque.) Fille, femme, qui se fait aimer.

CHARMER


CHARMER, v. a. 1°. Produire un éfet extraordinaire par charme, par un prétendu pouvoir magique. = 2°. Plaire extrêmement, ravir en admiration. Il se dit des persones et des chôses. Cet Orateur, ce Musicien, cet Acteur a charmé tout le monde. Cette Comédie vous charmera. = Être charmé régit la prép. de devant les noms et les verbes. "Je suis charmé du bonheur qui vous arrive. "Je serai toujours charmé de trouver des ocasions de vous obliger. = 3°. En parlant des douleurs, de l' ennui, en suspendre le sentiment. "Il a charmé mes douleurs par ses discours. "La lecture; charme mes ennuis.

CHARMILLE


CHARMILLE, CHARMOIE, s. f. [Char--mi-glie, char-moâ; mouillez les ll au 1er; 2e lon. au 2d.] Le 1er, se dit d' un plant de petits charmes; le 2d, d' un lieu planté de charmes.

CHARNAGE


CHARNAGE, s. m. Mot populaire. Le temps auquel il est permis de manger de la chair.

CHARNEL


CHARNEL, ELLE, adj. CHARNELLEMENT, adverbe [Charnèl, nèle, nèleman, 2e è moyen, 3e e muet.] Il ne se disent qu' au figuré de ce qui apartient à la concupiscence, aux desirs de la chair. Plaisir charnel, apétit charnel. _ Charnellement, selon la chair. Il ne se dit qu' en cette phrâse. Conaitre une femme charnellement. Voyez CHARNEUX.

CHARNEUX


CHARNEUX, EûSE, CHARNU, ÛE, adj. [2e lon. excepté au 3e.] Charneux se dit de ce qui est composé de chair; charnu de ce qui est bien fourni de chair. "Les joues sont des parties charneuses: corps charnu, persone charnûe; pruneaux bien charnus, olives bien charnûes. _ Ces deux adjectifs se disent dans le physique; charnel ne se dit que dans le moral.

CHARNIER


CHARNIER, s. m. [Char-nié; 2e é fer. dout.] Lieu couvert, qui est auprès ou autour de quelques Églises paroissiales, où l' on met les ôs des morts. _ Aujourd'hui on apèle Charniers, une galerie autour des Églises paroissiales, où l' on done la Communion les jours de grandes Fêtes. Acad. Ce mot, dans l' un et l' aûtre sens, n' est guère d' usage qu' à Paris.

CHARNIèRE


CHARNIèRE, s. f. [Char-niè-re; 2e è moy. et long.] Deux pièces de métal, qui s' enclâvent l' une dans l' aûtre, et qui étant percées, sont jointes ensemble par une broche qui les traverse. La charnière d' un compâs, d' une montre, d' une tabatière.

CHARNU


CHARNU, ÛE, adj. CHARNûRE, s. f. [2e lon. au 2d et 3e.] Pour le premier, voyez CHARNEUX. _ Charnûre, qualité de la chair des persones: Charnûre belle, vive, molle, ferme, etc. "Il avoit le corps robuste et ramassé, et d' une belle charnûre. Vaug. 

CHAROGNE


CHAROGNE, s. f. [Mouillez le gn.] Corps de bête morte exposé et corrompu. Puant comme une charogne. Oiseaux qui s' atachent à la charogne.

CHARPENTE


CHARPENTE, s. f. CHARPENTER, v. a. [En a le son d' an; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Charpente, est un ouvrage de grosses pièces de bois tâillées et équârries. Il se dit sur-tout du toit d' un édifice. _ On le dit figurément, de l' assemblage et de la disposition des ôs du corps des animaux, et sur tout de l' homme, et de la tissûre de plusieurs aûtres corps. = Charpenter, est beaucoup moins en usage au propre, pour signifier tâiller, équârrir des pièces de bois avec la hache, qu' au figuré, où il signifie, couper, tâiller grossièrement et mal-adroitement. "Ce tâilleur a charpenté cette étofe; ce Chirurgien a charpenté le brâs de ce paûvre homme.

CHARPENTERIE


CHARPENTERIE, s. f. CHARPENTIER, s. m. [Charpanteri-e, Charpan-tié; 2e lon. 3e e muet au 1er, é fer. au 2d; 4e lon. au 1er.] Le 1er signifie, et l' art de travailler en charpente, et la charpente même. On dit: la charpente, ou la charpenterie de cette Eglise est fort belle. _ Charpentier, artisan, qui travaille en charpente dans la construction des maisons, ou dans celle des vaisseaux.

CHARPIE


CHARPIE, s. f. [2e lon. 3e e muet. Plusieurs disent charpis, masculin, mais mal: on dit, de la charpie, et non pas, du charpis. On les disait l' un et l' aûtre assez indiféremment; et l' Acad. se contenta d' abord de dire que quelques-uns disent charpis, et le font masc. Dans la dern. édit. elle ne met que charpie. _ La Touche préfère celui-ci, sans condamner l' aûtre. Aujourd'hui charpis est hors d' usage.] Amas de petits filets tirés d' une toile usée et dépécée: il sert à mettre dans la plaie et les ulcères. _ En Provence, plusieurs disent de l' écharpie pour de la charpie: c' est un grossier barbarisme. On dit figurément, (st. famil.) d' une viande bouillie, qui est trop cuite, qu' elle est en charpie.

CHâRRÉE


CHâRRÉE, ou CHâRÉE, s. f. [1re et 2e lon. 3e e muet.] Cendre qui a servi à faire la lessive: La chârée est bone au pied des arbres.

CHâRRETÉE


CHâRRETÉE, s. f. CHâRRETIER, s. m. CHâRRETTE, s. f. [On pourrait écrire comme on prononce, châretée, Châretiè, chârète; 1re lon. r f. 2e e muet aux deux 1ers, è moy. au 3e; la 3e é fer. long au 1er, dout. au 2d; e muet au 3e.] Chârette, est une voitûre à deux roûes et à deux limons. _ Châretée est la charge d' une chârette: une châretée de foin. = Châretier, qui conduit une chârette.
   Rem. Trév. met Châretier ou Chartier; et Rollin chartée: des chartées de pâille ou de bois. Hist. Anc. _ Le Rich. Port. ne met que chârette, châretée, Châretier. L' Acad. écrit ces mots avec 2 r. = On dit proverbialement, jurer comme un Châretier; on ajoute quelquefois, embourbé. = On dit aussi: il n' est si bon Châretier, qui ne verse; ni si bon cheval, qui ne bronche: les plus habiles sont sujets à faire des faûtes. Voyez CHâRRûE.

CHARRIAGE


CHARRIAGE, CHARRIER. Voy. CHARIAGE, CHARIER.

CHâRRIER


CHâRRIER, ou CHâRIER, s. m. [1re lon. 2e é fer. et dout.] Pièce de grôsse toile, dans laquelle on met la cendre au-dessus du cuvier, quand on fait la lessive.

CHâRRON


CHâRRON, ou CHâRON, CHâRRONAGE, ou CHâRONAGE, s. m. [1re lon. r f. le reste bref.] Le 1er se dit d' un ouvrier, ou artisan, qui fait des trains de carrosse, des châriots, des chârettes, etc.; le 2d, de l' ouvrage du Châron. "Ce Châron est habile: bois de châronage.

CHâRRûE


CHâRRûE, ou CHâRûE, s. f. [2e lon. r f. 3e e muet.] Machine à labourer la terre. Chârûe bien atelée: valet de chârûe: tirer la chârûe, etc. = Il signifie quelquefois l' étendûe de terre que peut labourer par an une chârûe. Cette ferme est de trois, de quatre chârûes.
   On dit figurément (st. famil.), tirer la chârûe, avoir beaucoup de peine; faire un travail rude et pénible. _ Cheval de chârûe; homme stupide et grossier. _ On dit des persones d' une société, qui s' acordent mal ensemble, que c' est une chârûe à chiens, une chârûe mal atelée. _ Mettre la chârûe avant les boeufs, comencer par où il faut finir. Mde de Sévigné, employant cette expression proverbiale, met chârette pour chârue. "On veut faire jeter les bans (de mariage) avant que les articles soient présentés: jamais il ne s' est vu tant de chârettes (chârûes) devant les boeufs.

CHARTON


*CHARTON, vieux mot. Châretier. Il a été employé par La Fontaine.
   Une Chèvre, un Mouton, avec un Cochon grâs,
   Montés sur même Char, s' en aloient à la Foire....
   Le Charton n' avoit pas dessein
   De les mener voir Tabarin.

CHARTRE


CHARTRE, s. f. CHARTE, s. f. Ces mots ont signifié une prison, une maladie de langueur, et de vieux papiers, de vieux titres. Il n' y a pas de doute que Chartre ne soit le meilleur, dans le sens de prison et de maladie; mais quand on parle de papiers, on devrait dire Charte, suivant l' étymologie (Charta): cependant le grand usage est pour Chartre. Men. _ L' Acad. dit indiféremment Chartres et Chartes, pour anciens titres, L. T. _ Chartre pour prison, est vieux. On dit encore au Palais, tenir en Chartre privée, pour, tenir en prison sans autorité de Justice. _ Pour la maladie, on ne le dit que des enfans: Cet enfant est en chartre, est tombé en chartre; il est étique, il ne profite point.

CHARTRIER


CHARTRIER, s. m. Lieu où l' on conserve les Chartres d' une Abaye.

CHâRûE


CHâRûE, voyez CHâRRûE.

CHâS


CHâS, s. m. Le trou d' une aiguille.

CHâSSE


CHâSSE, s. f. [1re lon.] Sorte de caisse, de cofre, où l' on garde les reliques d' un Saint.

CHASSE


CHASSE, s. f. [1re brève.] Action de chasser, de poursuivre. Il se dit particulièrement, 1°. de la poursuite des bêtes. Aler à la chasse, chien de chasse, habit de chasse: 2°. des chasseurs, des chiens, et de tout l' équipage: la chasse est loin, est près; la chasse a passé par là. 3°. Du gibier que l' on prend: faire bone chasse; il vit de sa chasse; je vous enverrai de ma chasse.
   Rem. 1°. Dit-on doner chasse, ou doner la chasse à... poursuivre? On dit le 1er sur mer, et le 2d sur terre: dès qu' on aperçut le vaisseau, on lui dona chasse.
   L' Aigle donoit la chasse à Maître Jean Lapin.
       La Font.
L' Acad. dit, doner la chasse aux énemis, aux vaisseaux énemis. _ En termes de Marine, prendre chasse, c' est se retirer à pleines voiles, pour éviter le combat.
   2°. Dit-on, être en chasse, pour être à la chasse? Je ne le crois pas. Un Anonyme le dit: "Lorsqu' ils furent en chasse, son ami, le prenant de loin pour une bête faûve, le tira, et lui cassa la cuisse.
   CHASSE, entre dans la composition de quelques mots. _ Chasse-bosse, espèce de plante; chasse-cousin, méchant vin, et tout ce qui peut éloigner les importuns; chasse-marée, voiturier qui aporte la marée. Les huitres que les Chasse-marées aportent s' apèlent huitres de chasse.

CHASSELAS


CHASSELAS, s. m. Sorte de raisin.

CHASSER


CHASSER, v. a. [1re br. même devant l' e muet, il chasse.] 1°. Mettre dehors avec violence; forcer de sortir de quelque lieu. Il se dit, ou avec le seul régime direct; on l' a chassé comme un coquin. Chasser les mouches, les oiseaux, les pigeons, qui viènent manger le grain; ou, avec la prép. de chasser les énemis du Royaume, les chiens, les gueux, d' une Église, etc. = 2°. Faire marcher devant soi, en parlant des bestiaux. Chasser les vaches, un troupeau de moutons: "Ce Capitaine ayant pris et désarmé un grand nombre d' énemis, les chassoit devant lui comme un troupeau de moutons. = 3°. Pousser en avant. "La charge n' est pas assez forte pour chasser~ un boulet si pesant. Le vent chasse la pluie, la neige de ce côté-là. Chasser un clou dans une poutre à grands coups de marteau.
   4°. CHASSER, poursuivre le gibier pour le prendre. En ce sens, il est tantôt actif, et tantôt neutre. Il s' emploie au premier mode, quand on parle de poursuivre et de tâcher de prendre à la course, avec des chiens, certaines bêtes, comme lièvre, renard, chevreuil, loup, cerf, sanglier, etc. Chasser le lièvre, le loup, etc.; et dans le 2d; quand on cherche seulement le gibier pour le tirer, ou quand on l' atire dans des filets, dans des pièges: Chasser aux perdrix, aux bécasses, aux oiseaux, au lièvre, etc. _ M. de Bufon réunit les deux régimes dans la même phrâse. "Il y a deux espèces de loups cerviers; les uns plus grands, qui chassent et ataquent les daims et les cerfs; les aûtres, plus petits, qui ne chassent guère qu' au lièvre.
   On dit proverbialement, que la faim chasse le loup du bois, pour dire, que la nécessité oblige à s' évertuer, pour trouver de quoi vivre. _ Chasser sur les terres de quelqu' un, entreprendre sur ses droits. _ Leurs chiens ne chassent pas ensemble; ils ne s' acordent pas. _ Un bon chien chasse de race; les enfans ont ordinairement les inclinations de leurs pères. "Cet homme chasse de race. _ Il chasse bien au~ plat~; il aime à manger le gibier que les aûtres tûent. _ Un clou chasse l' aûtre; une nouvelle passion en chasse une plus anciène.
   Rem. Le Traducteur de l' Hist. d' Angl. par M. Hume, fait régir à chasser (dans le 1er sens, la prép. en: "Ils (les Flamands) avoient chassé leur Souverain en France. Il chassa en Angleterre Malcolm... et usurpa la Courone. Ce régime est inusité, sur-tout dans cette ocasion. On dira bien, qu' on chasse un troupeau dans le parc, pour dire, qu' on l' y fait entrer; mais quand on dit, chasser des hommes, on exprime seulement le lieu d' où on les fait sortir, sans parler du lieu où ils se retirent. _ Je soupçone que la phrâse anglaise porte cette prép. en, que le Traducteur a rendûe trop litéralement. Il devait dire: les Flamands avoient chassé leur Souverain, qui s' étoit retiré, ou réfugié en France. "Il força Malcolm de se réfugier en Angleterre.
   5°. En termes de Marine, chasser sur ses ancres, se dit neutralement, d' un vaisseau qui mouille sur un fond de mauvaise tenûe, et dont les ancres ne tiènent point.

CHASSERESSE


CHASSERESSE, CHASSEûSE, s. f. [Cha--cerèce, cha-ceû-ze; 2e e muet au 1er, lon. au 2d, 3e è moy. au 1er, e muet au 2d.] Le premier se dit en Poésie, et le second en prôse. L' Acad. dit seulement, que l' usage le plus ordinaire de chasseresse est en Poésie. Je crois que ce n' est pas assez dire. "La Chasseresse Diane: "Cette femme est une grande chasseûse.

CHASSEUR


CHASSEUR, s. m. [Cha-ceur, 2e. dout.] Qui chasse actuellement, ou qui aime à chasser. "Je trouvai des Chasseurs dans la plaine: il n' est point chasseur. = On dit proverbialement, afamé comme un Chasseur. _ Messe de Chasseur; Messe dite à la hâte.

CHASSIE


CHASSIE, s. f. CHASSIEUX, EûSE, adj. [Chaci-e, ci-eû, eû-ze; 2e lon. au 1er, 3e lon. aux deux aûtres.] La chassie est une humeur gluante, qui sort des yeux malades. Chassieux, qui a de la chassie aux yeux.

CHâSSIS


CHâSSIS, s. m. [Châ-ci, 1re lon.] Il se dit en général de ce qui enferme et enchâsse quelque chôse. _ Il se dit en particulier d' un ouvrage de menuiserie divisé en plusieurs cârrés, où l' on met des pièces de verre ou de toile, ou des feuilles de papier huilé, pour garantir du vent, des injûres du temps. _ Châssis dormant, est celui qui ne se lève, ni ne s' ouvre.

CHASTE


CHASTE, adject. CHASTEMENT, adv. CHASTETÉ, s. f. [2e e muet: dans le 2d, en a le son d' an.] Chaste, se dit de celui qui s' abstient du plaisir de la chair, ou qui n' en ûse que suivant la Loi de Dieu. Vierge chaste; chaste époûse. = Chastement, d' une manière chaste: vivre chastement. = Chasteté, vertu par laquelle on est chaste. Garder la chasteté: cela est contraire à la chasteté; blesser la chasteté. Chasteté conjugale. = Continence perpétuelle: faire voeu de chasteté.
   Rem. 1°. Ménage dit, sur un vers de Malherbe, que chaste se dit des chôses, comme chastes desirs, chastes pensées; mais qu' il ne se dit presque plus des persones, si ce n' est en parlant de Diane, d' Hypolite, de Joseph, de Susanne. Il avoue pourtant qu' il avait dit, dans son Idylle de l' Oiseleur:
   Tu pourras, déloyal, recevoir dans ce coeur,
   Pour la chaste Sylvie, une amoureûse ardeur.
_ La remarque de Ménage est juste. Les bons Auteurs n' emploient point chaste en parlant des persones, et sur-tout quand il est question des hommes. Rousseau a bien dit:
   Hâtez-vous, ô chaste Lucine!
   Jamais plus illustre origine
   Ne fut digne de vos faveurs.
Mais cet exemple n' est pas contraire à la remarque. On sait que Lucine est la même que Diane. _ Cependant l' Acad. met en exemple, homme chaste, femme chaste, sans avertir que cet adjectif est de peu d' usage en parlant des persones.
   2°. CHASTETÉ, CONTINENCE (synon.) La 1re s' étend jusqu' aux pensées, discours, lectûres, etc.; la 2de n' envisage que la privation actuelle des plaisirs de la chair. Tel est chaste, qui n' est pas continent; et tel est continent, qui n' est pas chaste. _ La chasteté est de tous les temps, de tous les âges, de tous les états: la continence n' est que du célibat. _ L' âge rend les vieillards nécessairement continens; il est râre qu' il les rende chastes. Encycl.

CHASUBLE


CHASUBLE, s. f. CHASUBLIER, s. m. [Chazuble, zu-blié; 3e e muet au 1er, é fer. et dout. au 2d.] La chasuble est l' ornement que le Prêtre met par-dessus l' aûbe et l' étole, pour dire la Messe. _ Chasublier, ouvrier qui fait toute sorte d' ornemens d' Église.

CHAT


CHAT, CHATE, s. m. et f. Animal domestique, qui prend les rats et les souris. _ On dit bassement, d' une femme friande, qu' elle est friande, ou gourmande comme une chate, que c' est une chate.
   Ce mot fournit à plusieurs expressions du style proverbial. _ À~ bon chat, bon rat, se dit de ceux qui se rendent finesse pour finesse. _ Chat échaudé, craint l' eau froide; quand on a échapé à un péril, on en craint jusqu' à la moindre aparence. _ La nuit, tous les chats sont gris; tout est de la même couleur. _ Il ne faut pas réveiller le chat qui dort; il faut laisser en repôs un énemi qui ne pense pas à vous. Mde de Sévigné dit, d' un remède dont elle usait: "C' est un remède pour ôter le superflu (des humeurs) qui ne va pas chercher midi à quatorze heures, ni réveiller les chats qui dorment. _ On dit, de deux persones, qui ne sympatisent point, qu' elles sont comme chien et chat.
   Un Epagneul jouoit avec Mitis,
   Non comme chien et chat, mais comme bons amis.
       Reyre.
_ On dit aussi, de celui qui part sans dire adieu, qu' il a emporté le chat; d' un aûtre qui a des égratignûres, qu' il a joué avec les chats. _ Il n' y a pas là de quoi fouetter un chat (ou un page); l' afaire dont il s' agit est une bagatelle. _ Bailler le chat par les pattes; présenter une chôse par l' endroit le plus dificile. _ On dit, d' un homme qui en épie un aûtre, qu' il le guette comme le chat fait la souris. _ Payer en chats et en rats, en mauvais éfets. _ Musique de chats, dont les voix sont aigres et discordantes. _ Jeter le chat aux jambes à quelqu' un; rejeter la faûte sur lui. Voyez ACHETER, BRAISE, ÉCUELLE, FROMAGE, MITAINE, PATTE.

CHâTAIGNE


CHâTAIGNE, s. f. CHâTAIGNERAIE, s. f. CHâTAIGNIER, s. m. [Il y en a qui écrivent et prononcent chatagne, chatagnier: ortographe et prononciation vicieûses; d' aûtres écrivent chataigner. Voy. SEMER. Richelet écrit comme on prononce, chateigne, chateignier: mouillez le gn.] La châtaigne est une sorte de fruit, dont la substance est farineûse, et l' écorce de couleur brune, tirant un peu sur le rouge. = Châtaignier, arbre qui produit des châtaignes. = Châtaigneraie (chateig-nerè.) Lieu planté de Châtaigniers.

CHâTAIN


CHâTAIN, adj. masc. [Châ-tein.] Il n' est d' usage qu' en parlant du poil et des cheveux qui sont de couleur de châtaigne. Poil châtain, cheveux châtains. _ Suivant l' Acad. il est indéclinable, quand il est suivi d' un aûtre adjectif, qui le modifie: "Des cheveux châtain clair.

CHâTEAU


CHâTEAU, s. m. [Châto, 1re. lon. 2e dout. au sing. lon. au pluriel, Châteaux.] 1°. Forteresse, environée de fôssés et de gros murs, flanquée de tours et de bastions. , "Le Château commandoit la Ville, ou à la Ville. _ Le Proverbe dit: Ville prise, Château rendu. = Faire des Châteaux en Espagne, des projets chimériques, des idées agréables, dont on se repait: "Je vous remercie, ma Fille, de conserver quelque souvenir del paterno nido. Hélas! notre Château en Espagne seroit de vous y voir. Sév. "Mde. de Villars dit qu' il n' y a qu' à être en Espagne, pour n' avoir plus d' envie d' y bâtir des Châteaux. La même.
   Quel esprit ne bat la campagne?
   Qui ne fait châteaux en Espagne?       La Font.
Cette expression n' est que du style famil. On la trouve dans un ouvrage moderne, à côté d' expressions figurées, pompeûses et recherchées: c' est là méler les styles. "Quand l' espérance est apuyée sur des aparences tout-à-fait, ou presque contraires, cela s' apèle se repaître de fumée, dresser des Châteaux en Espagne, bâtir sur des chimères d' ambition. Du Plaisir. = 2°. Maison où demeure le Seigneur d' un lieu. _ Château de carte; (st. prov.) petite maison de campagne, fort ajustée et peu solidement bâtie. = Château d' eau, bâtiment qui ne renferme que des réservoirs. = En termes de Marine, Château de poupe ou d' arrière, et Château de proûë ou d' avant; logement qui est élevé sur la poupe ou sur la proûe d' un vaisseau, au dessus du dernier pont.

CHâTELAIN


CHâTELAIN, s. m. [1re lon. 2e e muet: châte-lein.] * 1°. Celui qui comande dans un Château. En ce sens, il est vieux. = 2°. Seigneur d' une certaine étendûe de pays, qui était aûtrefois comandée par un Château, et qui y ressortit encôre pour la Justice: Seigneur Châtelain d' un tel endroit.

CHâTELLENIE


CHâTELLENIE, s. f. [1re et 4e. lon. 2e è moy. 3e et dern. e muet.] Seigneurie et Juridiction du Seigneur châtelain. _ Certaine étendûe de pays sous cette Juridiction.

CHAT-HUANT


CHAT-HUANT, s. m. [Cha-u-an, le t de la 1re syll. ne se prononce pas: l' h est aspirée.] Sorte de hibou, qui mange les souris et les petits oiseaux.

CHâTIER


CHâTIER, v. act. [1re lon. 3e é fer.] Ce verbe dit moins que punir: Celui-ci a raport aux crimes et châtier aux faûtes: les pères châtient leurs enfans: les Juges font punir les malfaiteurs. Le châtiment dit une correction: la punition ne dit précisément qu' une mortification faite à celui qu' on punit , Dieu nous châtie en père pendant le cours de cette vie mortelle, pour ne pas nous punir en Juge pendant toute une éternité. GIR. Synon. = Figurément, et en parlant du style, polir, retoucher, rendre plus exact. On ne l' emploie guère qu' au passif. Son style n' est pas assez châtié. _ Aûtrefois on l' employait plus souvent au mode actif. "Voiture a plus châtié~ sa prôse que ses vers. L' Acad. done aussi un exemple de ce mode: "Il n' a pas assez châtié ses derniers ouvrages; mais elle avertit qu' il est plus en usage au participe que dans les aûtres temps.
   * Plus anciènement encôre, on disait se châtier pour, se corriger, s' amender. Une tante blâmait du jeu son neveu avec grands reproches.
   À~ la fin, ce dit le neveu,
   Quittez le jeu d' amour, ma tante,
   Et moi les dez, je le promets.
   Va, traitre, dit la reprenante,
   Tu ne t' en châtieras jamais.
   C' est une épigramme de Théodore Agrippa d' Aubigné, imitée dans la suite par le Chev. de Cailly.

CHATIèRE


CHATIèRE, s. f. [2e è moy. et long.] Trous qu' on laisse aux portes des greniers ou âilleurs, pour laisser passer les chats.

CHâTIMENT


CHâTIMENT, s. m. [1re. lon. châti--man.] Punition, correction. Voy. Châtier.

CHATON


CHATON, s. m. 1°. Petit chat. = 2°. La partie d' une bague où une pierre précieûse est enchâssée.

CHATOUILLE


CHATOUILLE, s. f. Mot barbâre qu' on dit en Provence pour chatouillement. "Je n' aime pas qu' on me fasse des chatouilles: il craint les chatouilles. Il faut dire, je n' aime pas qu' on me chatouille: Il craint le chatouillement.

CHATOUILLEMENT


CHATOUILLEMENT, s. m. CHATOUILLER, v. act. CHATOUILLEUX, EûSE, adj. [Cha-tou-glie-man, glié, glieû, glieû--ze: mouillez les ll; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d; lon. aux deux aûtres.] Chatouillement est l' action de chatouiller, c. à. d. de causer, par un léger atouchement, un tressâillement, qui provoque ordinairement à rire. = Chatouilleux, qui est fort sensible au chatouillement. On le dit des chevaux comme des hommes: cet homme est bien chatouilleux; ce cheval est chatouilleux.
   Rem. 1°. Chatouiller était aûtrefois fort en usage au sens figuré. Il l' est moins aujourd'hui.
   Mais, ô rigueur du sort! tandis que je m' arrête
   À~ chatouiller mon ame en ce contentement,
   Je m' apperçois que le destin m' apprête
   Un autre partement.
       Malherbe.
Ce chatouiller mon âme ne plaisait pas à Ménage, et il serait encôre moins du goût d' aujourd'hui. Il cite pourtant un exemple à peu près, semblable, de Balzac. "Ce M. de Luçon (le Card. de Richelieu) avoit vu, je ne sais quoi, de votre voisin, qui lui avoit chatouillé l' esprit. Ces deux exemples sont diférens, en ce que dans le 1er, chatouiller se dit des persones, et dans le 2d des chôses, ce qui est plus régulier. Réflexions.
   La Fontaine, Rousseau, Boileau et Gresset ont employé ce mot, mais les deux premiers dans le style marotique, et les deux aûtres dans un sens qui tient plus du propre que du figuré.
   La louange chatouille et gagne les esprits.
       La Font.
Rousseau dit à Marot.
  Mon odorat, par vos vers éveillé,
  Des autres vers plus ne fut chatouillé~.
  Un Auteur vertueux, dans ses vers~ innocens~,
  Ne corrompt point le coeur, en chatouilant les sens.
      Boil.
  Irois-je, par de vains accens,
  Chatouiller l' oreille engourdie
  De cent ignares importans.
      Gress.
On le disait plus communément dans le sens de touché, avec la prép. de: "Chatouillé du desir de la gloire. Un Auteur moderne l' emploie sans régime. "Combien un homme de ce caractère devoit-il être chatouillé, en voyant la Gloire qui revenoit à la Puissance Romaine.
   L' Acad. admet chatouiller au figuré, dans le sens de flater agréablement. "Quand on lui dit du bien de ses enfans, on le chatouille par l' endroit le plus sensible. "Les flateurs ne parlent que pour chatouiller les oreilles des Grands. _ Enfin, M. Linguet l' a employé tout nouvellement dans le sens de satisfaire, flater. Des répétitions hors d' oeuvre, absolument inutiles à la cause, destinées uniquement à chatouiller la malignité de leur Auteur.
   Rem. 2°. Chatouilleux se dit des chôses dans le sens de délicat, critique. "Dans des matières si chatouilleuses et si délicates, il (Voiture) s' est toujours gouverné avec beaucoup de jugement. Pref. de ses OEuvres. "Afaire chatouilleuse; où il est dificile de se~ bien gouverner. Acad. Dans ces ocasions, cet adjectif a un sens passif. Rousseau et M. Roucher lui donent un sens actif, et la signification de flateur, flateûse. _ Rousseau dit à Racine le fils.
   J' en eusse été peut-être moins épris,
   Si de tes vers la chatouilleuse amorce
   N' eût secondé sa puissance et sa force.
   M. Roucher parle de l' instinct chatouilleux des insectes.
   En parlant des persones, chatouilleux signifie, délicat, sensible, qui s' ofense aisément. "C' est un homme bien chatouilleux.
   On dit, proverbialement, se chatouiller pour se faire rire, s' éforcer de rire et d' être gai. "Vous voyez bien que se chatouiller pour se faire rire, c' est justement ce que nous faisons. Sév. _ On dit aussi que le vin, la musique chatouillent le palais, le gosier ou les oreilles, pour dire qu' ils les flatent agréablement. _ Chatouiller un cheval de l' éperon, le toucher légèrement avec l' éperon.

CHâTRER


CHâTRER, v. a. CHâTREUR, s. m.[1re lon. 2e dout. au 2d.] Le verbe, au propre, signifie rendre inhabile à la génération. Châtrer un taureau, un cheval, un belier~, etc. Au figuré, retrancher le superflu. Châtrer des cotrets, des fagots, des ruches, un fraisier. _ En parlant des Livres, ôter ce qui est contraire aux bones moeurs. Il est bâs en ce sens. L' Acad. le met sans remarque. _ Châtreur ne se dit que de celui qui fait métier de châtrer des animaux.

CHATTE-MITE


CHATTE-MITE, ou CHATEMITE, s. f. [2e et dern. e muet.] Qui afecte une contenance humble et flateûse pour tromper quelqu' un: Il ne se dit qu' avec faire, et seulement dans le style familier: faire la chatemite.

CHATTER


CHATTER, ou CHATER, v. n. Il ne se dit que d' une chate qui fait ses petits: Cette chate est près de chater; elle a chaté cette nuit.

CHAûD


CHAûD, CHAûDE, adj. CHAûDEMENT, adv. [Chô, chôde, chôdeman: 1re lon.] 1°. Qui a de la chaleur: le soleil est chaûd; temps chaûd, eau chaûde, etc. = 2°. Qui done ou qui procûre de la chaleur: le vin est chaûd; les épiceries sont chaûdes _ Fièvre chaûde, qui ataque ordinairement le cerveau. _ Chaûde alarme, grande et soudaine alarme: Doner l' alarme bien chaûde, ou la doner bien chaûde. (en sous-entendant alarme); doner une grande alarme. _ Ocasion ou ataque chaûde, où le combat est rude et sanglant. = 3°. En parlant des persones, vif, emporté; il est chaûd et emporté; il a la tête chaûde; ou gai, il est chaûd de vin; ou ardent, empressé; ami chaûd. = 4°. En parlant des nouvelles, récent: Cela est encôre tout chaûd. Voy. Tout chaûd, adv. plus bâs.
   Rem. Il faut employer le féminin avec précaution, quand on parle des femmes ou à des femmes, pour éviter des sens peu honêtes; et même pour les hommes, il ne faut pas confondre avoir chaûd et être chaûd. _ On dit des femelles des animaux qu' elles sont chaûdes, quand~ elles sont en amour.
   II. CHAûD, s. m. Chaleur Il fait chaûd, grand chaûd: crever, brûler, mourir, étoufer de chaûd. = Figurément, on dit qu' il fait chaûd dans un combat, quand il y a beaucoup de périls à essuyer et que l' ataque est vive et meurtrière.
   III. CHAUD, adv. Boire Chaûd: boire une liqueur, qui est chaûde. On le dit ordinairement de l' eau qu' on a fait chaufer, pour la boire avec le vin.
   Tout chaûd, adv. Tout de suite. "Le Roi est si content de M. de Castries, qu' il l' a fait Brigadier tout seul sans conséquence... Ces récompenses toutes chaûdes ont un prix merveilleux. Sév. "Je lui en fis mes complimens tout chaûds.
   À~ la chaûde a le même sens. "Je reçois le lundi une de vos lettres: j' y fais un commencement de réponse à la chaûde. SEV.
   On dit, dans le style familier, d' un homme qui s' acomode de tout, qui veut tout avoir, qu' il ne trouve rien, ni de trop froid, ni de trop chaûd. "La Maréchale de la Ferté est tellement convertie, qu' on ne sauroit l' être plus sincèrement... Elle ne trouve rien de trop chaûd (dans le service de Dieu.) Sév. C' est détourner joliment le sens ordinaire de ce proverbe. = On dit aussi, de celui qui acomode son langage aux circonstances ou aux goûts divers des diférentes persones avec qui il traite, qu' il soufle le froid et le chaûd; d' un homme indolent, qu' il n' est ni froid, ni chaûd; d' une chôse, d' un remède, qui ne sert ni ne nuit, que cela ne fait ni froid ni chaûd~. Voy. Battre, causer.
   IV. CHAUDEMENT. 1°. Au propre, de manière que la chaleur se puisse conserver: se tenir, se vétir chaûdement: on est~ chaûdement dans cette chambre. = 2°. Au figuré, avec ardeur, avec vivacité: prendre, poursuivre une afaire chaûdement: cet avantage si chaûdement célébré..... pourroit bien être regardé comme un malheur, plutôt que comme une prospérité. Linguet. = 3°. À~ la chaude, promptement. Cette résolution fut prise chaûdement. Acad. Il est moins usité dans ce dernier sens.

CHAUDIèRE


CHAUDIèRE, s. f. [Cho-diè-re; 2e è moyen et long, 3e e muet.] Grand vaisseau, ordinairement de cuivre, où l' on fait cuire, bouillir quelque chôse.

CHAUDRON


CHAUDRON, s. m. CHAUDRONÉE, s. f. [Trév. écrit chauderon, etc. On a suivi cette ortogr. dans le Dict. Gram. _ Prononcer chodron; droné-e; 1re dout. 3e lon.] Chaudron est une petite chaudière, qui sert à la cuisine. Chaudronée, est ce qu' un chadron peut contenir.

CHAUDRONERIE


CHAUDRONERIE, s. f. CHAUDRONIER, s. m. [Autrefois, Chauderonerie, Chauderonier. Pron. chodroneri-e, dro-nié; 3e e muet au 1er, é fer. au 2d: 4e lon. au 1er.] Le 1er se dit de la marchandise du chaudronier; c. à. d. d' un Artisan qui fait et vend des chaudrons, marmites et autres ustensiles de cuisine.

CHAUFAGE


CHAUFAGE, s. m. CHAUFER, v. a. [Chofaje, chofé.] I. Le chaufage est, 1°. la quantité de bois que l' on consomme dans une année pour se chaufer. Il m' en coûte tant pour mon chaufage. = 2°. Le droit de couper dans une forêt une certaine quantité de bois pour se chaufer. Droit de chaufage. Il a tant de cordes de bois pour son chaufage.
   II. CHAUFER, v. a. Doner de la chaleur. Chaufer le four, le poele, de l' eau. Se chaufer les piés, les mains. _ On dit aussi, se chaufer, tout seul et absolument. = On voit dans la phrâse suivante la diférence qui se trouve entre se chaufer, et s' échaufer. "Il ne se chaufoit point, même dans le plus grand froid de l' hiver, mais quelquefois il portoit du bois pour s' échaufer. Vie de M. Le Maître.
   CHAUFER, v. n. Le four chaufe, le bain chaufe.
   On dit dans le style proverbial: Ce n' est pas pour vous que le four chaufe: ce n' est pas en votre faveur qu' on fait cela. = Et quand un homme dit du mal d' un aûtre; Alez-lui dire cela, lui dit-on, et vous chaufer au coin de son feu. _ Voyez BOIS.

CHAUFERETTE


CHAUFERETTE, s. f. CHAUFOIR, s. m. [Choferète, cho-foar; 2e e muet, 3e è moy. au 1er.] Le 1er se dit d' une boîte doublée de fer blanc, et percée de plusieurs trous par le haut, dans laquelle on met du feu, pour se tenir les piés chauds. _ En Provence on dit banquette. C' est un barbarisme. = Le 2d est, 1°. un lieu d' un Monastère, où les Religieux et les Religieuses vont se chaufer. = 2°. Un lieu derrière le Théâtre, où les Comédiens et les Spectateurs se chaufent. = 3°. Chaufoirs, au plur. Linges chauds, avec lesquels on essuye un homme qui est en sueur.

CHAUFOUR


CHAUFOUR, s. m. CHAUFOURNIER, s. m. [Cho-four, Chofour-nié; 3e é fer.] Le 1er est vieux: on dit four à chaux. Le 2d se dit d' un Ouvrier qui fait la chaux.

CHAULER


CHAULER, v. a. Préparer des blés avec la chaux pour les semer. "Il faut chauler ces blés pour la semence.

CHâUME


CHAûME, s. m. CHAUMER, v. a. et n. [Chôme, Chomé; 1re long. au 1er dout. au 2e; 2e e muet au 1er, é fer. au 2d. Dans le verbe, au est dout. devant la syll. masc. Nous Chaumons, je chaumois, il chauma, etc. Il est long devant l' e muet; il chaûme, il chaûmera.] Le chaûme est, 1°. la partie du tuyau des blés, qui reste dans le champ, quand on les a coupés. Les chaûmes sont hauts, sont forts. Le chaûme sert à faire de la litière. = 2°. Il se prend quelque--fois pour le tuyau tout entier du blé. = 3°. Pour le champ même où le chaûme est encôre sur pied. Il y avoit trois lièvres dans ce chaûme.
   CHAUMER, Couper, ârracher le chaûme. Il se dit, ou activement: je ne veux pas qu' on chaûme mon champ: ou neutralement, qu' on chaûme dans mon champ: elle est alée chaumer.

CHAUMIèRE


CHAUMIèRE, CHAUMINE, s. f. [Cho--miè-re, chomine; 2e è moy. et long au 1er.] Chaumière, est une petite maison couverte de chaûme; Chaumine, une petite chaumière. _ Le 2d est plus d' usage en poésie qu' en prôse.
   Sans ce penchant, qui nous domine,
   Par un invisible ressort,
   Le Laboureur en sa chaumine
   Vivroit-il content de son sort?
       Gresset, Ode sur l' Amour de la Patrie.
Rem. Le Dict. de Trév. au mot Chaumière, dit: on disoit autrefois chaumine, et au mot Chaumine, il dit, petite chaumière: cela n' est pas fort exact. L' Acad. met ces deux mots sans remarque.

CHAUSSANT


CHAUSSANT, adj. [Cho-san; 1re dout. 2e lon.] Qui se chaûsse aisément. On ne le dit que des bâs. "Un bâs d' estame est plus chaussant qu' un bâs de drap.

CHAûSSES


CHAûSSES, s. f. pl. [Chô-ce; 1re lon.] 1°. La partie du vêtement de l' homme depuis la ceintûre jusqu' aux genoux. Prendre, mettre ses chaûsses: atacher, boutoner ses chaûsses; mettre chaûsses bâs; où chaûsses est employé sans article. = On dit, proverbialement, tirer ses chaûsses, s' enfuir: il est bâs. _ Cette femme porte les chaûsses; elle gouverne son mari et toute la maison. _ Ce jeune homme a la clef~ de ses chaûsses; il est hors d' âge d' être châtié. = 2°. Aûtrefois on apelait aussi chaûsses, ce qui sert à couvrir les jambes et les piés. Aujourd'hui on dit en ce sens, des bâs. = 3°. Chaûsse, chaperon que les Docteurs portent sur l' épaule dans les cérémonies. Chaûsse de Docteur en Théologie, ou en Droit, etc. = 4°. Chausse d' aisance, le tuyau des latrines. = 5°. Chaûsse d' hypocras, ou simplement chaûsse. Pièce de drap taillée en capuchon pointu, dans laquelle on passe des liqueurs.

CHAUSSÉE


CHAUSSÉE, s. f. [Chocé-e; 2e é fer. et long, 3e e muet.] 1°. Levée de terre que l' on fait au bord de l' eau, pour retenir ou contenir l' eau d' un étang, d' une rivière. = 2°. Levée qui se fait dans des lieux bâs pour servir de chemin.

CHAûSSE-PIED


CHAûSSE-PIED, s. m. [Chôce-pié; 1re lon. 2e e muet, 3e é fer. et dout.] Au propre, long morceau de cuir, dont on se sert pour chausser plus aisément les souliers. = Au figuré, (st. prov.) moyen qui facilite les afaires. Ainsi l' on dit qu' une charge est un chaûsse-pied pour le mariage, parce qu' on trouve plutôt à se marier, quand on en a une. Et quand on a réussi dans une afaire sans le secours de persone. Nous voilà dedans, dit-on, sans chaûsse-pied.

CHAUSSER


CHAUSSER, v. a. et n. [Chocé; 1re dout.: devant l' e muet, elle est longue: il chaûsse, il chaûssera, etc.] Il se dit, ou avec le régime direct (l' acusatif) chausser ses bâs, ses souliers; chaussez-vous, faites-vous chausser; ce Cordonier chaûsse toute la Cour; ou sans régime: ce Cordonier chaûsse~ bien, chaûsse mal: je chaûsse à tant de points, je porte des souliers d' une telle longueur.
   On dit, proverbialement, chausser une opinion, se chausser d' une chôse, se la mettre fortement dans l' esprit. _ Avoir son bonnet chaussé, sa tête chaussée, être aheurté à une opinion. _ N' être pas aisé à chausser, à persuader. _ Chausser au même point, se dit de deux hommes de la même humeur, du même génie. _ Elle est des mieux chaussées, des plus jolies, des plus recherchées. _ Il est sorti un pied chaussé, et l' aûtre non; il s' est sauvé avec précipitation. _ Il n' a pas bien chaussé ses lunettes; il n' a pas vu ce qu' il y avait à voir dans cette afaire. Chaussez mieux vos lunettes; regardez-y mieux. Voyez CORDONIER.
   Chausser le Cothurne est du st. critiq. Enfler son style.

CHAûSSETIER


CHAûSSETIER, s. m. CHAUSSETTE, s. f. [1re lon. au 1er, 2e e muet au 1er, è moy. au 2d.] Le 1er se dit de celui qui fait et qui vend des bâs, des bonets, etc. Chaussetier-Bonetier: le 2e se dit des bas de toile ou de fil qu' on met sur la chair. Paire de chaussettes, chaussettes~ à étrier.

CHAUSSON


CHAUSSON, s. m. [1re dout. Cho-son.] 1°. Chaussûre qu' on met aux pieds avant de prendre les bâs. Il se dit ordinairement~ au pl. Paire de chaussons; des chaussons de toile, de fil, de coton, de laine, de flanelle, etc. _ On dit, en plaisantant, d' un homme qui n' a guère de hardes, que tout son équipage tiendroit dans un chausson.
   2°. CHAUSSON, espèce de soulier plat à semelles de feutre, dont on se sert pour jouer à la paûme, pour faire des armes.

CHAUSSûRE


CHAUSSûRE, s. f. [Cho-sûre; 2e lon. 3e e muet.] Ce que l' on met aux pieds pour se chausser, comme souliers, pantoufles, botes. _ On dit, proverbialement, trouver chaussûre à son pied, trouver ce qui nous convient; ou dans un sens contraire: trouver à qui parler, et qui saura nous riposter. _ Il se dit le plus souvent dans le 2e sens.

CHAûVE


CHAûVE, adj. [Chove, 1re lon. 2e e muet.] Qui n' a plus de cheveux, ou qui n' en a guère: être, devenir chaûve: avoir la tête chaûve.

CHAûVE-SOURIS


CHAûVE-SOURIS, s. f. [Chôve-sou-ri; 1re lon. 2e e muet.] Oiseau nocturne, qui a des ailes membraneûses, et qui ressemble à une souris. _ La Fontaine dit souris-chaûve, en quoi il n' est pas à imiter, même dans une fable.
   Je conois maint detteur, qui n' est ni souris-chaûve,
   Ni buisson, ni canard, ni dans tel câs tombé,
   Mais simple Grand-Seigneur, qui tous les jours se saûve
   Par un escalier dérobé.
   On voit bien que c' est la rime qui a ocasionné ce barbarisme: car, c' en est un dans toutes les formes.

CHAûVETÉ


*CHAûVETÉ, s. f. [Chôveté; 1re lon. 2e e muet, 3e é fer.] État d' une tête chaûve. _ Les Médecins disent calvitie: d' aûtres, dit Richelet, aiment mieux chaûveté, et il s' en trouve qui ne veulent ni l' un ni l' aûtre. _ L' Académie ne met que calvitie; mais celui-ci paraît pédantesque: dans le discours familier, j' aimerais mieux dire chaûveté.

CHAUVIR


CHAUVIR, v. n. [Chovi 1re dout.] Il ne se dit que des chevaux, des mulets et des ânes, et avec le mot oreilles; pour dire, dresser les oreilles: ce cheval chauvit des oreilles.

CHAUX


CHAUX, s. f. [Chô, long: l' x ne se prononce pas.] Pierre calcinée par le feu, qui entre dans la composition du mortier, pour bâtir. _ Être à chaux et à sable, (st. fig. fam.) se dit des afaires solides, et pour lesquelles on a pris toutes les précautions possibles. On dit aussi, à chaux et à ciment. _ L' Acad. ne met que celui-ci.

CHEF


CHEF, s. m. [Chèf: è moy.] Tête. Ce mot, qui n' est plus usité en prôse, dans le sens propre, est très-beau en vers.
   Le chef ceint de lauriers sur un superbe char.
Cependant, même dans la poésie, il ne peut pas toujours se mettre à la place de tête. L' Académie, dans ses sentimens sur le Cid, n' aprouve point la critique de ce vers.
   Et le mortel afront
   Qui tombe sur mon chef, réjaillit sur ton front.
Elle trouve l' observateur (Scuderi) trop rigoureux de reprendre ce mot de chef, qui n' est pas, dit-elle, tant hors d' usage qu' il dit. Aujourd'hui on est plus délicat, et l' on ne trouverait pas trop rigoureûse la critique de cette expression. Voyez TêTE.
   Chef, au figuré, est plus usité. 1°. Celui qui est à la tête d' un Corps, d' une Assemblée; le Pape est le Chef visible de l' Église; le Chef d' une Ambassade, d' une Députation, les Chefs de l' Armée, etc. = Abaye, Chef d' Ordre, la principale maison de l' Ordre. _ Chef de cuisine, d' ofice; le principal Oficier de, etc. = 2°. Articles, points; les divers chefs d' une acusation. Crime de leze Majesté au premier, au second chef. = 3°. En termes de Chirurgie, chef est le nom d' un bandage pour la saignée du front.
   EN CHEF, adv. Gréfier en chef, premier Gréfier: comander une Armée en Chef, en qualité de Général.
   Du chef de... De son chef, adv. Du côté de, de son côté. "Il a tant de bien de son chef, tant du chef de sa femme. _ De son chef, signifie aussi, de sa tête, de son autorité. Il a dit cela de son chef, sans y être autorisé. Il a fait cela de son chef, sans en avoir d' ordre.
   *À~ CHEF, adv. Mettre à chef. Expression suranée. Achever. "Les Héros ont entrepris plusieurs actions dificiles qu' ils ont mises à chef. Trév. Dans ce Dictionaire on ne désaprouve pas cette locution. L' Académie la met aussi sans remarque. Je ne la crois bone que pour le style comique ou satirique.

CHEF-D' OEUVRE


CHEF-D' OEUVRE, s. m. [L' f ne se prononce pas. Ché~-d' eû-vre: 1re é fer. 2e lon. 3e e muet.. _ Malherbe écrit comme on prononce, ché-d' oeuvre.] OEuvre est indéclinable dans ce mot. Il faut écrire au pl. chefs-d' oeuvre, et non pas chef-d' oeuvres, comme on le lit souvent dans l' Ann. Litt. dans le Journ. de Mons. et dans les Annal. de M. Linguet. _ On voit dans d' aûtres endroits de l' Ann. Litt. chefs-d' oeuvre. _ L' Ab. Racine, ou son Imprimeur, met une s à chacun des deux mots; chefs-d' oeuvres. Chef-d' OEuvre, au propre, est l' ouvrage que font les ouvriers pour faire preuve de leur capacité dans le métier où ils veulent être reçus maîtres. _ Au figuré, ouvrage parfait en son genre. = Ce n' est pas un terme noble: "Il y en avoit certains, (parmi ces Martyrs) qu' on pouvoit regarder comme ses chefs-d' oeuvres (de la grâce.) Hist. Éccl. de Racine. Cette expression est déplacée dans cette ocasion.
   Rem. Quand chef-d' oeuvre est employé absolument, il se prend toujours en bone part, à moins qu' on ne parle ironiquement: "Vous avez fait-là un beau chef-d' oeuvre, mon maître, c. à. d. une grande sotise. _ Mais quand il régit un nom au génitif, il se prend en bone ou en mauvaise part, suivant le nom qu' il régit. "C' est un chef-d' oeuvre d' habileté, un chef-d' oeuvre de malice.

CHÉFECIER


CHÉFECIER, Voyez CHÉVECIER. Le Richelet Portatif met les deux. Trév. met le 1er. L' Acad. du 1er renvoye au 2d.

CHEF-LIEU


CHEF-LIEU, s. m. [On prononce l' f.] Lieu principal. Il se dit du principal manoir d' un Seigneur, et d' un Chef d' Ordre

CHêMER


CHêMER (se) v. réc. Maigrir, tomber en chartre. "Cet enfant se chême.

CHEMIN


CHEMIN, s. m. [Che-mein; 1re e muet.] Au propre, voie, route, espace par où l' on va d' un lieu à un aûtre. Le chemin de Lyon à Paris. Aler, pâsser son chemin, se mettre en chemin, avancer chemin, faire bien du chemin; rebrousser chemin, etc. = Au figuré, moyen, conduite qui mène à quelque fin, à quelque terme: "Il veut faire fortune, il n' en prend pas le chemin: le chemin du Ciel, du Salut, le chemin de l' enfer, de la perdition: la vertu est le vrai chemin de la gloire et du bonheur, etc.
   Rem. Il est peu de mots, qui entrent dans un plus grand nombre d' expressions, presque toutes du st. fam. _ Aler son droit, ou son grand chemin: ou simplement, aler son chemin, agir avec droitûre, simplement, sans façon.
   On l' emporte souvent sur la duplicité,
   En alant son chemin avec simplicité.
       Méchant.
"Je logerai chez la bonne Marbeuf, quoiqu' elle ne soit pas trop bien avec ce Duc et cette Duchesse (de Chaulnes)..... j' irai toujours mon chemin; je ne suis mal avec persone. Sév. = Prendre le chemin de l' école; faire un circuit pour arriver en un endroit. _ Trouver quelqu' un en son chemin, le trouver toujours oposé à nos desseins. "Il est cruel de trouver ce devoir sur mon chemin, lorsque je suis prête à vous aler voir. Sév. _ Trouver une pierre en son chemin, trouver un obstacle dans son entreprise~. _ Faire voir du chemin à quelqu' un, lui doner de l' embârrâs, du fil à retordre. = Avoir du chemin à faire, avant de... Avoir du temps à passer, des dificultés à surmonter, pour pouvoir y réussir. " Rien de plus riant que cette méthode nouvelle; mais nous avons, vous et moi, bien du chemin à faire, avant que de la goûter sincèrement. Marm. _ Prendre le chemin de, avec l' infinit. "M. de Luxembourg prend le chemin de garder sa Flandre. "Celui qui sait atendre le bien qu' il souhaite, ne prend pas le chemin de se désespérer, s' il ne lui arrive pas. La Bruyère.
   Faire son chemin, s' avancer dans la voie de la fortune, des grades, des honeurs.
   Fuir Paris ce seroit m' égorger de ma main,
   Quand je puis m' avancer, et faire mon chemin.
       Gress.
Mde. de Sév. dit, dans le même sens, aler son chemin: "je me réjouis que Sanzei soit Capitaine: Il ira son chemin. _ Faire vaut mieux en ce sens.
   N' aler pas par deux chemins; parler et agir franchement et rondement. _ Aler par le grand chemin, ou par le chemin batu, suivre les principes comuns dans la doctrine ou dans la conduite. _ Bârrer, ou croiser le chemin à quelqu' un, former des opositions à ses desseins, lui susciter des obstâcles. "N' admirez-vous pas la bizârre disposition des chôses de ce monde, et de quelle manière elles viènent croiser notre chemin. Sév. Nous croiser le chemin, aurait été mieux. _ Couper chemin à; arrêter. Couper chemin à l' énemi, à la maladie. _ Au propre, on dit: Couper le chemin. _ Fermer les chemins à quelqu' un, l' empêcher de faire ce qu' il voulait. Demeurer en beau chemin: quiter lorsqu' il n' y a plus de dificultés. "Nous avons trop bien comencé, pour rester en si beau chemin. _ Non sûrement, je ne resterai pas en chemin, car je me sauve. Marin, Farce.
   Dans le propre, on dit, se mettre en chemin; comencer un voyage. "Il se mit en chemin, sans avoir égard à son grand âge. Miss. du Lev. _ Passer son chemin; continuer de marcher, sans s' arrêter. "Je passai mon chemin, d' un air refrogné. Mariv. "Le fameux Cynique de la Grèce eut bientôt quité ce toneau, d' où il bravoit les préjugés et les Rois, si les Athéniens eussent passé leur chemin sans le regarder. _ Avancer chemin, faire diligence pour arriver: "Cependant Eugene avançoit chemin. Rollin. "Le vent contraire nous obligeoit de louvoyer, pour avancer chemin, à la faveur du flot. Let. Édif. _ Se ranger du chemin de quelqu' un, s' arrêter, pour le laisser passer. "Ils avoient condamné à mort un certain Veturius, parce que lui seul n' avoit pas voulu, dans la place de Rome, se ranger du chemin d' un Tribun. Le Gendre. Je doute de la bonté de cette expression. _ Rebrousser chemin, revenir sur ses pâs. "Il se détermina à rebrousser chemin. Let. Édif.
   * Rem. On dit ordinairement, rencontrer quelqu' un sur son chemin, ou, dans son chemin. Vertot dit, dans le même sens, à son chemin. "Appius saluoit les moindres Plébéïens qu' il rencontroit à son chemin. C' est encôre, à mon avis, une expression au moins douteûse. _ * On dit aussi, prendre sa route par une Ville. Le P. de Charlevoix a dit, par analogie, prendre son chemin: "Le P. Xavier prit son chemin par cette Ville.
   CHEMIN FAISANT, adv. Il doit se raporter au sujet de la phrâse (au nominatif du verbe).
   Malgré ses cris, la Tourière l' emporte,
   Il la mordoit, dit-on, de bone sorte,
   Chemin faisant,        Ververt.
Quelques Auteurs disent, en chemin faisant, et Mde de Sévigné le dit toujours de la sorte. Le Dict. de Trév. le dit ainsi. Voyez EN PASSANT, au mot PASSANT, adjectif. _ Le P. d' Orléans non-seulement dit, en chemin faisant, mais il le fait raporter au régime du verbe. "En chemin faisant, Robert et Philipe se joignirent à eux (au Roi d' Aragon et à Lauria.) Suivant la construction, il semble que c' est Robert et Philipe, qui faisaient chemin; et dans le sens de l' Auteur, indiqué par les phrâses précédentes, c' est le Roi d' Aragon et Lauria. Il y a donc faûte de locution et vice de construction. _ Il falait dire, ils furent joints, chemin faisant, par Robert et Philipe. _ Le P. Sicard dit tantôt, chemin faisant, et tantôt, en chemin faisant. _ Le Rich. Port. ne met que le 1er, d' après l' Acad.
   Chemin battu, chemin détourné, employés au figuré. "Il y a, pour ârriver aux dignités, ce qu' on apèle la grande voie, ou le chemin batu: il y a le chemin détourné, ou de traverse, qui est le plus court. La Bruy.
   CHEMIN COUVERT. Terme de Fortification. * Fontenelle dit d' un Berger:
   Par des chemins couverts, en secret, il se coule.
Il veut dire, par des chemins cachés: mais, quand les termes sont consacrés pour un objet, il faut éviter de s' en servir pour un aûtre.
   PAR VOIE ET PAR CHEMIN, adv. Voyez VOIE.

CHEMINÉE


CHEMINÉE, s. f. [1re et dern. e muet; 3e é fer. et long.] Endroit où l' on fait du feu, dans les maisons, et où il y a un tuyau, par où passe la fumée.
   On dit, adverbialement, dans le style familier, sous la cheminée, clandestinement et sans observer les formalités. "Ce mariage a été fait sous la cheminée. Arrêt fait ou doné sous la cheminée, par surprise et sans garder les formes ordinaires. _ On dit aussi populairement, quand on voit un homme entrer dans une maison, où il y avait long--temps qu' il n' avait paru, il faut faire la croix à la cheminée.

CHEMINER


CHEMINER, v. n. [1re e muet, 3e é fer.] Marcher. L' Acad. le dit dans le propre, sans le dire vieux: "Ce laquais chemine bien, chemine long-temps. Je crois marcher beaucoup meilleur, dit La Touche, et moi aussi. M. de Bufon l' a employé: "Les chameaux d' Arabie cheminent quatre jours sans boire. La Fontaine dit de la Mouche du Coche:
   Aussi-tôt que le char chemine,
   Et qu' elle voit les gens marcher,
   Elle s' en attribue uniquement la gloire.
Rousseau dit du Juste, dans une de ses Odes sacrées:
   Dans les routes ambigûes,
   Du bois le moins fréquenté,
   Parmi les ronces aigûes,
   Il chemine en liberté.
Ce mot vaut mieux pour les vers que pour la prôse.
   Dans le figuré, il n' est pas non plus fort usité. On disait plus souvent aûtrefois, un tel cheminera, s' avancera, poussera sa fortune: il a cheminé fort vîte; il est parvenu bien vîte à quelque chôse de considérable. On disait aussi d' une afaire, elle chemine, elle va son train; d' un discours uni et coulant, cela chemine bien. En tous ces sens, cheminer est un terme de conversation, dit La Touche, et l' on ne l' écrit point encôre. _ L' Acad. a mis ces expressions figurées sans parler du style qui leur convient. _ La Bruyère, en employant cheminer, l' a mis en italique: "Celui dont il lui échaperoit de dire ce qu' il en pense, est celui-là même qui, venant à le savoir, l' empêcheroit de cheminer. _ L' Ab. Du Bos s' en est servi sans cette précaution. "Les vers de Properce ne cheminent pas d' aussi bone grâce que ceux de Tibulle. M. Moreau a dit tout récemment: "Les autres vérités... ont cheminé lentement à travers les ténèbres qu' elles écartoient, et les passions dont elles avoient à se garantir. _ Enfin, le P. Bouhours dit, que cheminer en la présence de Dieu, est une expression un peu surannée. = On dit encôre, dans le style fig. famil. cheminer droit, ne point faire de faûte. "Il fera bien de cheminer droit, aûtrement, etc.

CHEMISE


CHEMISE, s. f. [Chemîze; 1re et dern. e muet, 2e lon.] Vêtement de linge qu' on porte sur la chair, et qui prend depuis le cou et les épaûles jusqu' au genou. Acad. Les chemises des femmes sont plus longues, et descendent plus bâs. Mettre sa chemise, prendre une chemise blanche; changer de chemise, et non pas, se changer, comme on dit en Provence. Voy. après CHANGER neutre. Rem. 2e.
   EN CHEMISE, adv. N' ayant que sa chemise sur soi. Être en chemise, se sauver en chemise.
   On dit d' un homme fort pauvre, qu' il n' a pas de chemise. _ Mettre quelqu' un en chemise, PATRU, le ruiner. * Suer une chemise, deux chemises, etc. expression barbâre. Voy. SUER: voy. aussi VENDRE. _ Notre peau nous est plus proche que notre chemise; nous devons préférer nos intérêts à ceux des aûtres. _ J' y mangerai jusqu' à ma chemise; je me ruinerai, plutôt que d' abandoner cette afaire. _ Vendre, engager, jouer, manger jusqu' à sa chemise, c. à. d., tout ce qu' on a. _ On dit que "On cacherait, ou qu' on voudrait cacher entre sa chair (ou entre sa peau) et sa chemise; ou qu' on mettrait dans sa chemise, un homme; pour dire, qu' on emploierait tous ses soins pour le mettre en sûreté.
   CHEMISE DE MâILLE, était aûtrefois un corps de chemise qui était fait de petits annelets d' acier, et dont on se servait à se couvrir, comme d' une arme défensive.
   Rem. Suivant La Touche, on ne dit pas chemise en matière de Fortification: on dit, revêtement: "Le revêtement de la Place est de briques, ou, cette Place est revêtue de briques. Il remarque pourtant que l' Acad. ne condamne pas chemise en ce sens. Elle a continué de le mettre jusque dans la dern. édit.

CHEMISETTE


CHEMISETTE, s. f. [Chemizète; 1re et dern. e muet, 3e è moy.] Vêtement qui se met sur la chemise, et qui prend d' ordinaire depuis les épaûles jusqu' aux hanches. _ C' est aussi une sorte de camisole que portent les persones de bâsse condition. _ En ce dernier sens, camisole est plus en usage.

CHêNAIE


CHêNAIE, s. f. [Chênê; 2 ê ouv. et longs.] Lieu planté de chênes.

CHENAL


CHENAL, s. m. [1re e muet: on pron. l' l finale.] Courant d' eau, bordé de terres, par lequel les vaisseaux peuvent passer.

CHENAPAN


CHENAPAN, s. m. Mot allemand, qui signifie en cette Langue, un brigand des Montagnes noires. En français, un vaurien, un bandit: C' est un vrai chenapan. _ Le Rich. Port. renvoie à SCHNAPAN, qui est l' ortographe allemande.

CHêNE


CHêNE, s. m. CHêNEAU, s. m. [1re ê ouv. et lon. 2e e muet au 1er, dout. au sing. Chêno, lon. au plur. chêneaux: pron. chênô.] Le chêne est un grand arbre qui porte le gland. Chêneau, jeune chêne. Des cotrets de chêneau.
   CHÉNEAU, s. m. La diférence d' avec le précédent est dans la 1re, qui est un ê ouv. et accentué du circonflexe, quand il signifie un jeune chêne, et fermé et accentué de l' aigu, quand il signifie un conduit de plomb ou de bois, qui recueille les eaux du toit, et les porte dans la goutière.

CHENET


CHENET, s. m. [1re e muet, 2e è moy. le t ne se pron. pas.] Ustensile de cuisine et de chambre, sur quoi on met le bois, dans la cheminée, afin qu' il brûle mieux.

CHENEVIèRE


CHENEVIèRE, s. f. CHENEVIS, s. m. [Les 2 1res e muet, 3e è moy. et long dans le 1er: l' s ne se pron. pas dans le 3e. Trév. écrit chenevi.] Le chenevis est la graine du chanvre; une chenevière, est un champ semé de chenevis, où croît le chanvre. _ En style proverbial, on dit d' une chôse qui paraît terrible à d' aûtres, et dont on se moque, que c' est un épouvantail à (ou de) chenevière. "Vos tonerres ont un un éclat et une majesté au-dessus de tous les aûtres. Lucien n' auroit pas ôsé apeler cette foudre, un vain épouvantail de chenevière. Sév. _ On le dit aussi d' une persone laide et mal bâtie, ou mal habillée.

CHENEVOTE


CHENEVOTE, s. f. CHENEVOTER, v. n. [Les deux 1res e muet, 4e e muet au 1er, é fer. au 2d.] La chenevote est le tuyau de la plante du chenevis, quand il est sec et qu' il a été dépouillé de son chanvre. _ Chenevoter, en termes d' Agricultûre, se dit de la vigne, quand elle pousse du bois foible comme des chenevotes.

CHENIL


CHENIL, s. m. [Le Dict. d' Orth. écrit chénil avec un acc. l' Acad. n' en met point: l' e est muet; l' l ne se pron. pas.] Lieu où l' on met les chiens de chasse. _ Figurément, logement fort sale et fort vilain: "Cette chambre est un vrai chenil.

CHENILLE


CHENILLE, s. f. [1re et dern. e muet: mouillez les ll.] Insecte à plusieurs pieds, qui ronge les feuilles des arbres. = Figurém. Méchante chenille, persone qui se plaît à mal faire.
   CHENILLE, tissu de soie velouté, qui imite la chenille, et dont on se sert dans les broderies et dans d' aûtres ornemens.

CHENU


CHENU, ÛE, adj. [1re e muet, 2e lon. au 2d.] Qui est tout blanc de vieillesse. Devenir chenu: barbe chenûe. _ En style poétique, on le dit des montagnes couvertes de neige.
   Rem. Suivant La Touche et l' Auteur des Réflexions qu' il cite, chenu, depuis long--temps, ne se dit plus en prôse: il peut encôre avoir lieu en poésie. L' Acad. ne le condamnait point d' abord. Elle a dit ensuite qu' il était vieux, en l' aprouvant pourtant en poésie: dans la dern. édit. elle l' a mis sans remarque. _ Rousseau s' en est servi.
   Tel qu' on voit la tête chenûe
   D' un chêne, aûtrefois arbrisseau,
   Égaler le plus haut rameau
   Du cèdre caché dans la nûe.

CHER


CHER, CHèRE, adj. [ê ouv. au 1er, è moy. et long au 2d.] 1°. Qui est tendrement aimé. Il régit le datif (la prép. à) Cher à Dieu et aux hommes: de tous ses enfans, c' est celui qui lui est le plus cher. = 2°. Qui coûte beaucoup: le blé est cher, cette étofe est chère. = 3°. Qui vend à plus haut prix que les aûtres: ce marchand, cet ouvrier est cher; cette marchande, cette faiseûse de modes est fort chère.
   Rem. Dans les deux derniers sens, cher, suit toujours le substantif. Dans le 1er sens, il le précède toujours, lorsqu' il est employé sans régime: Mon ami cher, n' est bon que dans le style marotique.
   Bien le savez, Clement, mon ami cher.
Dans le langage ordinaire, on dit, mon cher ami, mon cher père, ma chère mère, etc. _ Mais quand cet adjectif a un régime, il doit marcher après le substantif. "Cet homme, si cher à sa femme, à ses enfans, à tout le monde, etc.
   CHER, adv. À~ haut prix. Cela coûte cher, fort cher, bien cher, plus cher. _ Il ne se combine pas avec tous les adverbes de comparaison. On dit bien cher, fort cher; on ne dit pas beaucoup cher, peu cher, comme a dit Voltaire. "On achète peu cher quelques Magistrats, quelques Officiers.
   Vendre bien cher sa vie, se bien défendre. _ On lui fera payer plus cher qu' au marché, dit quelqu' un en parlant d' un homme qui lui a fait quelque injûre. La 1re expression est plus noble que la 2de, qui est du style proverbial.

CHERCHE


*CHERCHE, s. f. Action de chercher. Ce mot est fort peu usité. "Quand on a besoin de trouver quelque' acte, il faut payer le Notaire, le Grefier pour la cherche. Trév. _ Être en cherche de, pour être ocupé à chercher, est un vrai gasconisme.
   CHERCHE, CERCE ou CERCHE. Trait d' un arc surbaissé et rampant, ou de quelqu' autre figure tracée par des points.
   Rem. De ces trois manières d' écrire et de prononcer: la 1re est la plus mauvaise: la 2de n' est pas trop bone: la 3e. est la plus conforme à l' étymologie de l' Italien cerchio, et au sens du mot. _ L' Acad. met les deux premiers. Le Rich. Port. met cherche et cerche, et il préfère celui-ci par la raison que nous avons dit. Trév. ne met que cerche.

CHERCHER


CHERCHER, v. a. Se doner du mouvement, du soin, de la peine pour trouver. Chercher quelqu' un, quelque chôse, chercher du secours, etc.
   Rem. 1°. Ce verbe ne se dit point au passif. On ne dit point je suis cherché, vous êtes cherchée~, etc. mais on doit dire, on me cherche, etc. Fleuri n' a pas fait cette atention. Il dit dans l' Hist. Éccl. "St. Athanase étoit alors dans le désert, persecuté et cherché pour le faire pêrir. Il devait dire persécuté par des énemis implacables, qui le cherchoient pour le faire périr. "On dit qu' une telle personne devoit être cherchée au bout du monde, par ce qu' il y avoit de meilleur. Mde. de Coulanges. Être cherché est plus suportable dans cette phrâse. _ M. Linguet a dit aussi de Pline l' ancien, étoufé par les cendres vomies par le Vésuve. "Cependant son neveu prétend que dès le lendemain de sa mort, son cadavre fut cherché et retrouvé sans peine. Le voisinage de retrouvé fait passer plus aisément fut cherché. Cependant il aurait été plus régulier de dire: dès le lendemain de sa mort on chercha son cadâvre, et on le retrouva sans peine. Il est rare que nous soyons cherchés par d' autres périls que par les périls que nous cherchons, ou que nous pouvons éviter. Neuville. Je ne crois pas que cet exemple soit à imiter.
   2°. On dit, sans article, chercher querelle, chercher noise, chercher retraite, chercher malheur. _ Chercher fortune. * M. Moreau, qui aime à retrancher l' article, dit aussi: chercher gloire. "Les Seigneurs allèrent chercher, ou gloire, ou fortune en Asie.
   3°. Chercher est quelquefois neutre: il régit à devant l' infinitif. Il cherche à se faire battre.
   4°. Il se dit quelquefois figurément des chôses inanimées; l' eau cherche un passage, cherche le niveau. L' aiguille aimantée cherche le Nord. On dit proverbialement, le bien cherche le bien. Le bien vient à celui qui en a déja beaucoup.
   5°. En style proverbial, chercher quelqu' un par mer et par terre, avec le plus grand soin, et par-tout où l' on peut croire qu' il sera. _ Chercher une aiguille dans une botte de foin, chercher une chôse qu' il est presque impossible de trouver. _ Chercher midi à quatorze heures, dire des chôses qui ne viènent point au sujet; ou plutôt subtiliser, faire de mauvaises dificultés sur des chôses où il n' y en a point à faire. _ Chercher son pain, mendier.

CHERCHEUR


CHERCHEUR, s. m. Qui cherche. Ce mot n' est bon que pour le style comique ou satirique. La Fontaine apelle les voyageurs dans les pays lointains, chercheurs de mondes inconus. On conait l' Opéra comique, qui a pour titre: La Chercheuse d' esprit. Il se prend en mauvaise part, et ne se dit qu' en blâmant. Chercheur de trésors, de franches lipées, de pierre philosophale. Un héros de Roman, un chercheur d' aventures. Rollin.

CHèRE


CHèRE, s. f. [1re è moy. et long; 2e e muet.] 1°. Régal, bon repas. Maigre chère, grande chère. "Nous avons fait bone chère chez lui. Il nous fit la meilleure chère du monde. Vous ferez maigre chère. Ils font petite chère. Faire une chère délicate, etc. = 2°. Accueuil, réception. Suivant l' Acad. il n' a plus d' usage qu' en cette phrâse: il ne sait quelle chère (quel acueuil) lui faire. Aûtrefois on disait, faire bonne chère à; le bien accueuillir, lui témoigner de l' amitié. "Cet hiver elle sera si aise, qu' elle fera bone chère à tout le monde. Sév.
   On apelle (st. famil.) chère de Commissaire, un repâs où l' on sert en grâs et en maigre. _ Grande chère et beau (ou bon) feu: bone chère, acompagnée de toute sorte d' agrémens. _ Il n' est chère que de vilain, ou chère d' avâre. Les gens qui, par avarice, donent rarement à manger, donent avec plus de profusion que les aûtres, quand ils s' en mêlent.
   * Chère lie, bone chère, est vieux, et tout au plus bon dans le style burlesque.
   Là, vivant à discrétion.
   La galande fit chère lie.
       La Font.

CHèREMENT


CHèREMENT, adv. [Chèreman; 1re è moy. et long, 2e e muet.] 1°. Tendrement: je l' aime chèrement. = 2°. À~ haut prix. Hazaël m' acheta chèrement, dit Mentor dans Télémaque. _ Vendre ou faire acheter chèrement sa vie, ou sa peau. (Le 1er est noble, le 2d est bâs.) Tuer beaucoup d' énemis avant que de périr.

CHèRETÉ


*CHèRETÉ, s' est dit aûtrefois pour cherté: "Si la disette et la chereté continuent. Trad. de Den. d' Halic. _ On trouve aussi ce mot dans la Trad. de l' Hist. d' Hume, par Mde. de B...

CHÉRI


CHÉRI, IE, adj. [1re é fer. 2e lon. au 2d.] Qui est aimé. Il régit la prép. de: Mortel chéri des Dieux. Télém. _ Lors même qu' il est sans régime, il suit toujours le substantif.

CHÉRIF


CHÉRIF, s. m. [1re é fer. on pron. l' f.] Chez les Turcs, descendant de Mahomet; chez les Arabes et les Maures, Prince.

CHÉRIR


CHÉRIR, v. a. [1re é fer. chéri.] Aimer tendrement. Il chérit extrémement sa femme. Chérir le souvenir, la mémoire de... Amant qui chérit ses peines, homme qui chérit son erreur, etc.

CHÉRISSABLE


*CHÉRISSABLE, adj. [Chéri-sable; 1re é fer.] Il n' est pas bien reçu, dit Vaugelas: à sa place on dit, aimable. Il n' est point dans le Dict. de l' Acad. ni dans Trév. Il est dans le Rich. Port. _ Un Auteur moderne l' a employé. "J' y découvre un autre avantage encôre, s' il se peut, plus chérissable. Let. de Milady, etc. Dans l' Ann. Litt. où l' on raporte cette phrâse, on met ce mot en italique, critique indirecte.

CHERTÉ


CHERTÉ, s. f. [1re ê ouv. 2e é fer.] On écrivait aûtrefois Chèreté. Voy. ce mot. _ Prix excessif des chôses qui sont à vendre. Mettre la cherté aux vivres. Faire, causer la cherté. _ La cherté y est, tout le monde veut en avoir. _ Je n' y mettrai pas la cherté; je n' en acheterai pas.

CHÉRUBIN


CHÉRUBIN, s. m. [Chéru-bein, 1re é fer.] Ange du second choeur de la première Hiérarchie. _ On dit, proverbialement, rouge comme un Chérubin.

CHÉTIF


CHÉTIF, IVE, adj. [L' é est fermé: il doit être marqué d' un acc. aigu. C' est l' ortographe et la prononc. la plus autorisée. Dans le Dict. Gramm. on l' écrit sans acc. en avertissant que dans le Dict. d' Ort. il est avec l' acc. aigu. L' Acad. l' écrit avec l' acc. sur l' é: Trév. et Rich. sans accent. Dans le Rich. Port. avec l' accent: l' f se prononce au masc. Aûtrefois on écrivait chetifve au fém.] 1°. Vil, méprisable. Chétive créatûre. = 2°. Mauvais dans son espèce; moutons fort chétifs. Faire une chétive récolte; chétive recrûe, réception, chère, etc. Avoir chétive mine. La mine bâsse, ou l' air malade.
   Rem. Ce mot est plus du style familier que du beau style.
   Et c' est par là, beau sire,
   Que moi chétif, vous prise et vos admire.        Rouss.
Aûtrefois on lui donait le sens de malheureux, témoin Malherbe.
   Et celui qui chétif aux misères sucombe...
   Pendant que le chétif en ce point se lamente.

CHÉTIVEMENT


CHÉTIVEMENT, adv. [1re é fer. 2e lon. 3e e muet.: chétîveman.] D' une manière chétive. Vivre, se traiter chétivement.

CHEVAL


CHEVAL, s. m. [1re e muet; on pron. l' l: au plur. chevaux, (chevô, ô long.)] Animal à quatre pieds, qui hennit, propre à porter et à tirer. _ On apèle bon homme de cheval, ou bon cavalier, celui qui sait bien manier un cheval; et bel homme de cheval, ou beau cavalier, celui qui a bone grâce à cheval. _ Être à cheval sur: être à califourchons, etc.
   Ce mot entre dans un grand nombre de Proverbes, ou d' expressions proverbiales. _ Il n' y a bon cheval qui ne bronche; les plus habiles se trompent. _ À~ cheval doné on ne regarde point à la bouche, ou à la bride; il faut recevoir les présens tels qu' ils sont. _ Être mal à cheval; n' être pas bien dans ses afaires. _ Faire le cheval échapé; être libertin, ou s' emporter. "Persone ne doute de leur courage: à quels propos faire les aventuriers et les chevaux échapés? Sév. Il s' agit des Princes de Conti, qui avaient été en Hongrie. _ Monter sur ses grands chevaux; parler avec hauteur et en colère. Cette expression a un aûtre sens dans une lettre de Mde. de Sévigné. "Quand je vous vois écrire sur du grand papier, il me semble que je vous vois montée sur vos grands chevaux; vous galopez sur le bon pied, je l' avoûe, mais vous allez trop loin, et je ne puis en soufrir les conséquences~. _ Être bon cheval de trompette; ne pas s' étoner du bruit, des reproches, des remontrances, et aler toujours son train quoique l' on nous dise. _ Brider son cheval par la queûe; comencer une afaire par où il faudrait la finir. _ Son cheval n' est qu' une bête; il se trompe lourdement. _ Fièvre de cheval; fièvre violente. _ Médecine de cheval; médecine forte.
   On dit aussi, dans le même style, chercher quelqu' un à pied et à cheval, faire toutes les diligences possibles pour le trouver. _ L' oeil du maître engraisse le cheval; quand on prend soin de ses afaires soi-même, tout en va mieux. _ Jamais bon cheval ne devint rosse, se dit de ceux qui conservent jusqu' à la fin la vigueur et l' esprit de leur jeunesse. On dit, au contraire, et cela est plus généralement vrai: il n' est si bon cheval qui ne deviène rosse. _ Après bon vin, bon cheval, quand on a bien repu, on fait mieux aler son cheval. _ Qui aura de beaux chevaux, si ce n' est le Roi; il n' est pas étonant qu' un homme riche ait de beaux meubles, une bonne table. _ Fermer l' écurie quand les chevaux sont dehors; prendre des précautions, quand le mal est arrivé. _ Écrire à quelqu' un une lettre à cheval; lui écrire avec hauteur, avec menace.
   CHEVAUX, au pluriel, se prend quelquefois pour gens de guerre à cheval. "Escadron de deux cens chevaux; armée de vingt mille hommes de pied et de six mille chevaux.
   L' Acad. s' est crue obligée d' avertir qu' on dit vingt et un chevaux, et non pas vingt et un cheval.

CHEVALER


*CHEVALER, v. n. Vieux mot: Faire plusieurs allées et venûes, plusieurs pas pour une afaire. J' ai chevalé plus de six mois pour cette afaire. Acad. _ V. a. Presser vivement: il les chevala tant qu' il leur dona sur la queûe (de l' armée.) Mezeray. Il est encôre plus surané dans cette acception. _ Étayer une maison, un mur, que l' on reprend sous oeuvre, avec des chevalets. Trév. _ L' Acad. ne le met pas en ce sens.

CHEVALERESQUE


*CHEVALERESQUE, adj. Mot nouveau. "L' enthousiasme chevaleresque de M. de la Fayette a réchaufé plus d' une fois l' enthousiasme de la liberté dans le coeur des Américains. Mercûre. On le dit même des persones, ce qui est encôre moins conforme à l' analogie. "Ce Monarque (François) trop chevaleresque. Ibid. _ On peut douter que ce mot fasse fortune, du moins dans le style sérieux. Sa terminaison ne le rend guère propre que pour le style comique ou satirique. Presque tous les mots ainsi terminés se prènent en mauvaise part: burlesque, grotesque, pédantesque, philosophesque.

CHEVALERIE


CHEVALERIE, s. f. [1re, 3e. et dern. e muet: 4e lon.] Dignité et grade de Chevalier. Il est vieux en ce sens. _ On ne le dit aujourd'hui qu' avec Ordre. Un Ordre de chevalerie: L' Ordre du St. Esprit, de la Toison d' Or, etc. sont des Ordres de Chevalerie.

CHEVALET


CHEVALET, s. m. [1re e muet, 3e è moy. le t final ne se pron. pas.] 1°. Morceau de bois fort mince, qui sert à tenir élevées les cordes d' un violon, basse, viole, luth, etc. _ 2°. Instrument de bois, sur lequel les Peintres pôsent les tableaux de médiocre grandeur, pour y travailler: tableau de chevalet. = 3°. Étaies qu' on met à un batiment qu' on veut reprendre sous oeuvre. = 4°. Sorte de suplice usité parmi les Anciens. On n' en parle qu' à l' ocasion des martyrs. "Il fut condamné à être mis sur le chevalet.

CHEVALIER


CHEVALIER, s. m. [Cheva-lié; 1re e muet; 3e é fer. et dout.] 1°. C' étoit aûtrefois un honeur militaire. "François I fut reçu Chevalier par le Chevalier Bayard. = 2°. Aujourd'hui, membre d' un Ordre de Chevalerie. Chevalier des Ordres du Roi, de St. Michel, de St. Louis, de St. Lazare, etc. = 3°. Chez les anciens Romains l' Ordre des Chevaliers avait le 2d rang dans la République. Ciceron étoit fils d' un Chevalier. = 4°. Titre que prènent les nobles, qui sont au dessus des Écuyers.
   On dit, dans le style familier, qu' un homme est le Chevalier d' une Dame, quand il lui est ataché. _ Se faire le Chevalier de quelqu' un, prendre sa défense avec chaleur. _ Chevalier d' industrie; homme qui vit d' adresse: un escroc.

CHEVALINE


CHEVALINE, adj. f. Il ne se dit qu' avec le mot bête, et il est peu d' usage, hors du Palais. Bête chevaline, cheval ou jument.
   J' ai, dit la bête chevaline,
   Une apostume sous le pied.
       La Font.

CHEVANCE


*CHEVANCE, s. f. Vieux mot: Il a perdu toute sa chevance, tout son bien.
   Il avoit dans la terre une somme enfouïe,
   Son coeur avec; n' ayant d' autre déduit
   Que d' y ruminer jour et nuit,
   Et rendre sa chevance à lui-même sacrée.
       La Font.

CHEVAUCHÉE


CHEVAUCHÉE, s. f. [Chevochée, 1re et dern. e muet: 3e é fer. et long.] Il ne se dit que de la tournée, que certains Oficiers de Justice font dans l' étendûe de leur ressort, parce qu' ils la font, ou la faisaient du moins ordinairement, à cheval. C' est un terme de Palais.

CHEVAUCHER


CHEVAUCHER, v. n. Vieux mot. Aler à cheval.
   Ils chevauchent deux à deux,
   Tout droit vers le gué périlleux.
Il n' est plus usité que dans cette expression, chevaucher court, ou long: se servir d' étriers courts ou longs.

CHEVAU-LÉGER


CHEVAU-LÉGER, s. m. [Chevolégé: 1re e muet, 3e et dern. é fer.] Nom de quelques Compagnies d' Ordonance. "Les Chevau-légers de la Garde du Roi, ou, simplement, de la Garde; les Chevau-légers de la Reine.
   Rem. Quoiqu' on dise un cheval, et non pas un chevau, on dit un Chevau-léger, et non pas un Cheval-léger. De même au pluriel on dit, les Chevau-légers, et non pas les Chevaux-légers.

CHEVECIER


CHEVECIER, s. m. [1re et 2e e muet, 3e é fer. et dout.] On apèle ainsi, dans quelques Églises Collégiales, celui qui est pourvu de la première dignité, et qui a soin de la cire.

CHEVELU


CHEVELU, LûE, adj. [1re et 2e e muet. 3e lon. au 2d.] Qui porte de longs cheveux. Les Peuples Septentrionaux sont plus chevelus que ceux du Midi. _ Racines chevelûes, qui poussent des filamens aussi déliés que des cheveux. _ Comète chevelûe, qui jette des rayons comme des cheveux. _ S. m. Le chevelu des arbres.

CHEVELûRE


CHEVELûRE, s. f. [3 e muets: 3e lon.] Les cheveux de la tête, pris collectivement. Belle, longue chevelûre. _ Il se dit des rayons d' une comète et des feuilles des arbres. La chevelûre de la comète: les arbres ont perdu leur chevelûre.

CHEVET


CHEVET, s. m. [Chevè: 1re e muet, 2e è moy.] 1°. Long Oreiller sur lequel on apuye sa tête, quand on est dans le lit. Il aime le chevet bien bâs, bien haut. Entretenir~ quelqu' un au chevet de son lit. = 2°. Chevet d' une Église, la partie qui est derrière le maître-Autel, et qui est plus élevée que le reste. = 3°. Droit de chevet~, certaine somme qu' un Oficier de compagnies supérieures paye à ses Confrères, quand il se marie.
   On dit, en st. prov.: c' est son épée de chevet, comme on dit: c' est son cheval de batâille, sa ressource en toute ocasion. _ Rousseau le Poète dit de Voltaire: "c' est alors qu' il me favorisa de ce joli mot de germanisme, dont il fait depuis douze ans son épée de chevet, pour combattre tous mes écrits présens, passés et à venir.

CHEVêTRE


CHEVêTRE, s. m. Vieux mot. Licou. _ Il se dit encôre, mais dans un aûtre sens, d' une pièce de bois, dans laquelle on emboite les chevilles d' un plancher; et d' un bandage pour la fractûre ou la luxation de la machoire inférieûre.

CHEVEU


CHEVEU, s. m. [1re e muet, 2e dout. au sing. long au plur. Cheveux.] Poil de la tête de l' homme. Il n' a pas un cheveu. Cela est délié comme un cheveu. Faire couper, faire rafraichir ses cheveux, etc.
   Rem. Malherbe parle d' un amoureux en cheveux gris. Ménage aurait mieux aimé que ce Poète eût dit, aux cheveux gris, comme on dit vieillard à barbe grise, et non pas en barbe grise. _ Balsac a dit aussi, un Grammairien en cheveux gris. Par réflexion, Ménage les excuse, en disant, que l' un et l' aûtre sous-entendoit, qui est. Je crois qu' on peut les imiter, et que l' usage est plutôt pour, en cheveux gris, que pour, aux cheveux gris.
   Se prendre aux cheveux, se tirer par les cheveux en se batant.
   On dit, proverbialement: prendre l' ocasion aux (ou par les) cheveux, la saisir dès qu' elle se présente. Fendre un cheveu en deux, ou en quatre, rafiner, subtiliser. "L' esprit de l' aûtre siècle manquoit d' une qualité essentielle: il n' étoit pas subtil: il ne saisissoit que les grands traits. Le nôtre ne s' atache qu' aux petits: nous disséquons les vertus; nous analysons les sentimens: nous fendrions un cheveu en quatre. Coyer. _ On dit d' une chôse qui fait horreur, qu' elle fait dresser les cheveux. On ajoute quelquefois, à la tête, ou sur la tête: d' un passage, d' une preûve, qui ne viènent pas naturellement au sujet, mais qui sont amenés de force, qu' ils sont tirés par les cheveux. Et quand il s' en faut peu qu' une chôse ne soit, on dit, qu' il ne s' en faut pas de l' épaisseur d' un cheveu.

CHEVILLE


CHEVILLE, s. f. CHEVILLER, v. act. [Mouillez les ll. 1re e muet: 3e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Morceau de fer, ou de bois, qui va en diminuant, et que l' on fait entrer dans un trou, ou pour le boucher, ou pour tenir ferme l' assemblage de plusieurs pièces. _ On apèle cheville ouvrière, la cheville de fer, qui joint le train de devant d' un cârrosse avec la flèche. _ En parlant des violons et aûtres instrumens à cordes, on apèle chevilles, ce qui sert à tendre ou à détendre les cordes. _ La cheville du pied, la partie de l' ôs de la jambe, qui s' élève en bosse aux deux côtés du pied. _ En parlant de vers, cheville, mot qui n' est mis que pour la mesûre ou la rime.
   Cheviller, c' est joindre, assembler avec des chevilles: n°. 1°.
   On dit proverbialement, d' une maison, qu' il n' y manque pas une cheville, qu' elle est achevée et en bon état; d' un homme inférieur à un aûtre, qu' il ne lui viendrait pas à la cheville du pied; de celui qui a obtenu un bon poste: le voilà bien, il ne lui faut plus qu' une cheville pour le bien tenir. _ Autant de chevilles que de trous; autant de répliques que de réponses. _ Être en cheville, c' est, à certains jeux de cartes, n' être ni le premier, ni le dernier en cartes.
   On dit aussi proverbialement, de celui qui ne peut mourir, malgré une complication de maladies mortelles, qu' il a l' âme chevillée dans le corps. Un Anonyme dit, dans le même sens, à un insigne faussaire, fabricateur de lettres suposées: "Ces nouvelles épîtres sentent de cent lieues à la ronde l' esprit de parti, chevillé dans l' âme de celui qui les a composées. La métaphôre est un peu forte; cela est à peine bon dans le style satirique.
   On apèle chevillés, des vers où il y a des épithètes oiseûses et des mots, qui étant inutiles, ne servent qu' à remplir la mesure, ou à amener la rime.

CHEVIR


*CHEVIR, v. n. Venir à bout de... C' est un mot populaire. "Cet enfant est si mutin, qu' on ne peut chevir de lui. Richelet.

CHèVRE


CHèVRE, s. f. CHEVREAU, s. m. [1re è moy. et lon. au 1er, e muet au 2d: 2e dout. au sing. du 2d, lon. au pl. Chevreaux: pron. Chevrô. On lit dans plusieurs livres chévreau avec l' acc. aigu sur l' é: dans Pluche, on voit, tantôt chevreau sans acc., et tantôt chévreau avec l' acc. À~ qui faut-il atribuer cette ortographe? Aux Auteurs, ou aux Imprimeurs?] La chèvre est la femelle du bouc. Le chevreau est le petit de la chèvre.
   En st. prov., prendre la chèvre, c' est se fâcher, se mettre en colère. _ Barbe de chèvre, homme qui n' a de la barbe qu' au menton. = On dit de celui qui n' est pas dificle en amour, qu' il aimerait une chèvre coîfée; et quand ceux, qui pensent tromper les aûtres, sont eux-mêmes dupés, que la chèvre a pris le loup. _ On ne peut pas sauver la chèvre avec le chou, réunir tous les avantages, et éviter tous les inconvéniens. "Si, en tournant le feuillet, ils veulent dire le contraire, pour ménager la chèvre et les choux, je les traiterai sur cela comme ces ménageurs politiques. Sév. _ Où la chèvre est atachée, il faut qu' elle broute. Il faut s' en tenir à la condition, à la profession où l' on se trouve engagé.
   Chèvre, signifie aussi une machine propre à élever des fardeaux, des poutres, etc.

CHèVRE-FEUILLE


CHèVRE-FEUILLE, ou CHèVRE-FEUIL, s. m. [Mouillez les ll du 1er, et l' l finale du 2d.] L' Acad. avait d' abord dit l' un et l' aûtre, et semblait pourtant préférer le 1er, que La Touche trouve aussi le meilleur. Boileau a dit chèvrefeuil. _ Trév. le Richelet Port. et l' Acad. dans la dern. édit. ne mettent que chèvre-feuille. _ Sorte de plante qui porte des fleurs odoriférantes, et dont on se sert pour les berceaux des jardins et pour des palissades.

CHèVRE-PIED


CHèVRE-PIED, s. m. [Chèvre-pié: 1re è moy. et long, 2e e muet, 3e é fer. dout.] Qui a des piés de chèvre. Il n' est usité qu' en parlant des satyres. Ces divins chèvrepieds. Les Dieux chèvre-pieds.

CHEVRETTE


CHEVRETTE, s. f. CHEVREUIL, s. m. [1re e muet, 2e è moy. au 1er, dout. au 2d: mouillez l' l finale.] Le chevreuil est une bête fauve, beaucoup plus petite que le cerf, et qui a quelque chôse de la figûre de la chèvre. _ Chevrette est, 1°. la fémelle du chevreuil: 2°. une sorte de petite écrevisse de mer, que d' autres apèlent crevette.

CHEVRIER


CHEVRIER, s. m. [1re e muet, 2e é fer. et dout.] Celui qui mène paître les chèvres.

CHEVRILLARD


CHEVRILLARD, s. m. [1re e muet: mouillez les ll: on ne prononce point le d.] Petit chevreuil. Faon de chevrette.

CHEVRON


CHEVRON, s. m. [1re e muet.] Pièce de bois, qui sert à la couverture d' une maison, et qui soutient les lates sur lesquelles on pôse la tuile ou l' ardoise. = Plusieurs apèlent chevron l' accent circonfl. (^) parcequ' il a la figûre d' un chevron.

CHEVROTER


CHEVROTER, v. n. [1re e muet: 3e é fer.] 1°. En parlant des chèvres, faire des chevreaux. "La chèvre blanche a chevroté. = 2°. En st. fig. famil. Perdre patience, se dépiter. Vous me feriez chevroter. = C' est aussi aler par sauts et par bonds: Il chevrote en marchant. = Il chevrote en chantant, ou sa voix chevrote: il chante par secousses et en tremblotant. _ On dit en ce sens, des cadences chevrotées.

CHEVROTIN


CHEVROTIN, s. m. CHEVROTINE, s. f. [Chevro-tein, tine: 1re e muet.] Le 1er, se dit d' une peau de chevreau corroyée, le 2d, du plomb à tirer le chevreuil.

CHEZ


CHEZ, préposition, [Ché devant une consone, chez devant une voyelle: é fer. Dans certaines Provinces, on dit cheuz; mauvaise prononciation.] Dans la maison de... Au logis de... Chez moi, chez soi, chez lui, chez nous, etc. Chez M. un tel, etc. Il est quelquefois précédé de la prép. de: Je sors de chez lui; ils l' ont chassé de chez eux, etc., ou de par; j' ai passé par chez vous. On l' emploie quelquefois pour parmi: Chez les Athéniens, chez les Grecs; mais l' expression n' est pas noble. C' est une négligence dans l' Auteur du Télémaque, d' avoir dit: "Voilà votre Roi, s' il est vrai que vous desiriez de faire regner chez vous les Lois de Minos. _ Plusieurs disent chez les étrangers, pour dire, en un pays étranger; mais plusieurs les condamnent, et je crois, dit Vaugelas, qu' ils ont raison. _ * Chez ne vaut rien pour citer un Auteur. On disait aûtrefois chez Platon, chez Plutarque, etc. On doit se servir de dans: on trouve dans Plutarque, etc.
   Chez, marque quelquefois qu' on est au service de quelqu' un: "Ce garçon est chez le Marquis de... Ce Gentilhomme est chez le Roi L. T. _ Avec les pronoms personels, il forme quelquefois un substantif. Avoir un chez soi: quand j' aurais un chez moi, j' y recevrai mes amis. "Quand Mde. la Duchesse de... vous a donné si généreusement un hospice, dont vous abusez contr' elle avec tant d' indignité, elle avoit sans doute un chez elle. Linguet.
   REM. Mallebranche l' emploie au figuré: "Nos passions nous tiènent toujours hors de chez nous.
   Malherbe s' en est servi souvent au propre.
   Et si j' ai desiré que tu fusse chez moi....
   Nous ayant fait perdre l' envie
   De nous en retourner chez nous...
   Le jeune Atride avec larmes
   S' en fut retourné chez lui.
Ménage a raison de trouver que cette façon de parler est bâsse. Elle n' est bone que pour le style fam.
   Boileau, après avoir dit du regne de Titus:
   Le cours ne fut pas long d' un empire si doux.
Ajoute:
   Mais où cherché-je ailleurs ce qu' on trouve chez nous.
   Je crois qu' on peut lui apliquer ce que Ménage dit de Malherbe.

CHIAOUX


CHIAOUX, s. m. [Chi-a-oû.] Espèce d' Huissier chez les Turcs.

CHIASSE


CHIASSE, s. f. [Chi-a-ce.] Écume des métaux; chiasse de fer, de cuivre, etc. = 2°. Chiasse de mouche, de ver, leurs excrémens. = On dit, figurément (style familier et mordant), qu' un homme est la chiasse du genre humain, pour dire, qu' il est le plus méprisable et le dernier des hommes.

CHICANE


CHICANE, s. f. CHICANER, v. n. et a. Au propre, chicane est une subtilité, en matière de procès. = Au figuré, il se dit des subtilités captieûses, dans les disputes de l' École, ou de la conversation; et des contestations mal fondées que l' on fait au jeu, ou en toute aûtre chôse. _ Chicaner a ces deux sens; user de chicane, faire des chicanes. _ Il est quelquefois actif: il chicane tous ses voisins, il leur intente des procès à tous. Vous chicanez trop ce discours, vous le critiquez mal-à-propos. _ Chicaner sa vie, se dit d' un acusé qui se défend bien, et qui tâche, par toute sorte de moyens, de reculer l' arrêt de sa condamnation. "Cette confirmation étoit peu nécessaire, car les prisoniers ne chicanèrent point leur vie.
   CHICANER, se dit figurément des chôses qui font de la peine, quoique souvent peu considérables. "Cela me chicane: "Il a un rhumatisme qui le chicane depuis long-temps. _ Mde de Sévigné emploie le substantif en ce sens. "Le Chevalier est au coin de son feu, incomodé d' une hanche: c' est une étrange chicane, que celle que lui fait ce rhumatisme.

CHICANERIE


CHICANERIE, s. f. [3e e muet, 4e lon.] Tour de chicane. C' est une pure chicanerie; il m' a fait mille chicaneries.

CHICANEUR


CHICANEUR, EûSE, CHICANIER, IèRE, s. m. et f. [3e dout. au 1er et 3e, lon. au 2d et 4e.] Le 1er se dit en matière de procès: grand chicaneur; c' est une chicaneûse; le 2d, en matière de disputes, de contestations, au jeu et âilleurs: c' est un chicanier, une chicanière. _ Il est aussi adj.: cela est chicanier. _ L' un et l' aûtre~ sont du style familier.

CHICHE


CHICHE, adj. CHICHEMENT, adv. [2e e muet; en a le son d' an.] Trop ménager: il est bien chiche! Que vous êtes chiche~! _ Il n' est festin que de gens chiches. Voyez CHèRE, à la fin. _ Figurément, être chiche de ses paroles, de ses pâs, de ses peines; chiche de louanges, n' aimer pas à parler, à agir pour ses amis; n' aimer pas à louer. Tout cela est du style familier, et n' est pas digne de l' Histoire. "Son mérite seul avoit atiré à François de Sales ces louanges: Ce grand homme (le Président Faure) en étant assez chiche. Marsolier. _ Avâre aurait été un peu plus noble.
   CHICHEMENT, avec avarice; d' une manière chiche: il done, il récompense chichement.

CHICHETÉ


*CHICHETÉ, s. f. Avarice, épargne trop grande. Trév. Ce mot est vieux, et n' est bon que pour le burlesque.

CHICORÉE


CHICORÉE, s. f. [Chikoré-e; 3e é fer. et long.] Herbe potagère qu' on met au pot, ou en salade. Chicorée blanche, chicorée sauvage.

CHICOT


CHICOT, s. m. [On ne pron. point le t.] 1°. Reste d' arbre, qui sort un peu de terre. = 2°. Petit morceau de bois rompu: Son cheval s' est mis un chicot dans le pied. = 3°. Reste d' une dent rompue.

CHICOTER


CHICOTER, v. n. Terme populaire. Contester sur des bagatelles.

CHICOTIN


CHICOTIN, s. m. [Chiko-tein.] Suc amer, dont on frote le bout des mamelles des nourrices, pour sevrer les enfans.

CHIEN


CHIEN, CHIèNE, s. m. et f. [2e è moy. au 2d; le 1er est monos.] Animal domestique qui aboie. _ Par injûre et par mépris, il se dit, figurément des persones. Quel chien de Musicien, de Poète; et des chôses inanimées, voilà une chiène de Comédie, de Musique. "Ma chère enfant, ne sortirai-je point des nouvelles de Bretagne? Quel chien de comerce avez-vous là avec une femme de Vitré. Sév. "O la chiène de vie! Gress.
   "Le raisonement sur le chien, est un chien de raisonement. Beaumarchais. "Voilà, dit quelqu' un, un chien de calembourg.
   Ce mot entre dans une foule de phrâses du style proverbial. _ Faire le chien couchant, flater pour tromper. _ Être comme le chien du Jardinier, ne vouloir ni faire, ni laisser faire. "Il lui a fait, comme par force, continuer son chemin: nous croyons que c' est par jalousie; car jamais il n' y a eu un si véritable chien de Jardinier. Sév. _ Être abandoné comme un pauvre chien; mener une vie de chien; étrillé comme un chien courtaut. _ Vivre comme un chien, sans religion: fou comme un jeune chien; étourdi comme un chien fou. _ Cela n' est pas tant chien, n' est pas si mauvais.
   Ne pas jeter sa part aux chiens, être économe. Mde de Sévigné fait allusion à cette expression proverbiale: "Ce sont gens qui ne jettent pas leurs louanges aux chiens. _ Batre le chien devant le loup, corriger les petits pour doner des leçons aux grands. "Ils n' avoient jamais voulu atenter à la persone des gens d' État (de qualité), se contentant de batre le chien devant le loup. BEZE, cité par BOSSUET. _ Entre chien et loup. Voyez ENTRE. _ On dit encôre d' une chôse tortûe, d' une jambe mal faite, droite comme la jambe d' un chien. _ Chien au grand collier, celui qui prime, qui comande dans un corps, dans une société. _ Voy. BERGER, BON, BOUCHERIE, CHASSER, CHAT, DORMIR, FLATER, LOUP, MORDRE, ÔS, OREILLE, PIED, PISSER, QUILLE, RAGE.

CHIENDENT


CHIENDENT, s. m. [Chiendan; dans la 1re syll. en a son propre son; dans la 2de il a le son d' an.] Herbe qui jète en terre quantité de racines longues et déliées, et que les chiens mangent pour se purger. "Terre pleine de chiendent. "Les racines de chiendent sont propres à faire de la tisane.

CHIENNER


CHIENNER, ou CHIÉNER, v. n. [2e é fermés.] Faire des chiens: votre chienne a chiéné.

CHIER


CHIER, v. n. CHIEUR, EûSE, s. m. et f. [Chi-é, chi-eur, eûze; 2e é fer. au 1er, dout. au 2d, lon. au 3e.] Ce verbe exprime l' action de se décharger le ventre des excrémens; le substantif se dit de celui, ou de celle qui fait cette action.

CHIEURE


CHIEURE, anciène ortographe. Voyez CHIûRE. Richelet, les met tous deux.

CHIFFE


CHIFFE, ou CHIFE, s. f. ne se dit que par mépris, d' une étofe foible et mauvaise. "Ce n' est là que de la chife.

CHIFFLER


*CHIFFLER, s' est dit aûtrefois pour siffler. "Le peuple nous chiffle, après nous avoir aplaudis. Balz. CHIFFLET. Voyez SIFFLET.

CHIFFON


CHIFFON, ou CHIFON, s. m. CHIFONER, v. a. CHIFONIER, IèRE, s. m. et f. [3e. é fer. au 2d et 3e, è moy. et long au 4e.] Chifon, se dit d' un méchant linge, ou d' un méchant morceau de quelque vieille étofe. Chercher, vendre, acheter des chifons: "Il n' est vêtu que de chifons, il est fort mal vêtu. = Chifoner, c' est bouchoner, froisser. Chifoner du linge, un habit, une robe, un collet. Il a été au Parterre; il y avoit presse; on l' a tout chifoné. = Chifonier, est, au propre, celui qui ramasse des chifons par la Ville: au figuré, celui qui ramasse et qui débite sans choix, ce qu' il entend dire par la Ville. _ C' est aussi un homme vétilleux et tracassier. _ Rousseau l' a employé dans le premier sens:
   Comment nomer la rampante vermine
   Des Chifoniers de la double colline?
   Rem. Dans le jargon moderne, on apèle chifons, de petits ajustemens à la mode. "Madame n' achète plus de chifons; elle est revenûe de cela. Th. d' Éduc. "Le plus drôle, c' est quand on lui montre quelque chifon, visiblement trop jeune pour elle. Ibid. "Elle n' aime pas les chifons chers; elle n' a pas besoin de cela; elle est si jeune et si jolie. Ibid.

CHIFFRE


CHIFFRE, ou CHIFRE, s. m. 1°. Caractère dont on se sert pour marquer les nombres. Chifre Arabe, 1, 2, 3, 4, 5, etc. Chifre Romain, I, II, III, IV, V, etc. = 2°. Manière secrète d' écrire par le moyen de certains mots ou caractères, dont on est convenu avec celui à qui l' on écrit. Écrire en chifre, doner un chifre, etc. = Figurément, on apèle chifre, certaines façons de parler, que quelques persones ont entr' elles, et qui ne sont pas entendûes des aûtres. = 3°. Ârrangement de deux ou plusieurs lettres capitales entrelacées l' une dans l' aûtre, pour exprimer un nom en abrégé. Graver un chifre dans un cachet, le peindre dans un écusson, etc.
   Rem. CHIFRE, est toujours masc. * Dans certaines Provinces, on le fait fém. On dit, il sait la chifre, pour dire, il sait l' Arithmétique. Il y a là une double faûte, et dans le genre, et dans l' emploi du mot. Chifre, ne se dit que des caractères des nombres. Pour l' art de calculer, on ne dit ni le chifre, ni la chifre; on dit, l' Arithmétique.
   Un zéro en chifre, est un homme qui a peu de crédit: l' expression est bâsse, et Racine la critique, dans sa Lettre à M. Nicole: "Vous croyez dire, par exemple, quelque chôse de fort agréable, quand vous dites, sur une exclamation que fait M. Chamillard, que son grand O n' est qu' un o (un zéro) en chifre... On voit bien que vous vous éforcez d' être plaisant, mais ce n' est pas le moyen de l' être.

CHIFFRER


CHIFFRER, ou CHIFRER, v. a. et n. CHIFREUR, s. m. Le verbe se dit, ou avec le régime direct, chifrer les pages d' un livre, les marquer par des chifres; ou, neutralement, ne savoir pas chifrer; aprendre à chifrer: il chifre bien. _ On dit dans le 2d sens (chifre, n°. 2°.) chifrer une dépêche, l' écrire en chifre.
   CHIFREUR, celui qui compte bien avec la plume. "C' est un habile Chifreur.

CHIGNON


CHIGNON, s. m. [Mouillez le gn.] Le derrière du cou. _ Il paraît, par une observation de Ménage, qu' on disait aûtrefois le chaignon, au lieu de dire, le chignon: celui-ci est le seul usité aujourd'hui.

CHIMèRE


CHIMèRE, s. f. CHIMÉRIQUE, adj. [1re br. 2e è moy. et long au 1er, é fer. et bref au 2d.] La Chimère est un monstre fabuleux, ayant le devant d' un lion, le milieu du corps d' une chèvre, et le derrière d' un dragon. = Figurément, chimères, sont des imaginations vaines et sans fondement. Avoir des chimères dans la tête: "O chimère de l' ambition et de l' orgueil! _ C' est-là sa chimère, sa ridicule prétention à une noblesse imaginaire, à des talens qu' il n' a pas.
   CHIMÉRIQUE, visionaire, plein de chimères: esprit chimérique. = Sans fondement, prétention, dessein, espérance chimérique.
   Rem. Chimérique, ne se dit point des persones mêmes. L' Ab. Sabatier dit, des raisoneurs chimériques (Trois siècles, etc.) Il n' est pas à imiter en cela: on le dirait mieux des raisonemens. Voyez VISIONAIRE.

CHIMIE


CHIMIE, s. f. CHIMIQUE, adj. CHIMISTE, s. m. [On écrivait aûtrefois Chimie et ses dérivés avec un y; mais cet y était mis là sans nécessité et sans fondement.] La Chimie est l' art de décomposer et d' analyser les corps, et de les recomposer de nouveau. Acad. Science qui aprend à résoudre les corps naturels dans leurs premiers principes. Paulian, Dict. de Phys. = Chimique, est ce qui apartient à la Chimie. Remède chimique, opération chimique. = Chimiste, qui sait bien la Chimie, qui en fait les opérations.

CHINE


CHINE, s. f. On dit, dans le Dict. de Trév., que les Français établis à la Chine, ou dans les Indes, disent plus comunément en Chine, qu' à la Chine. Mais on raporte ce fait, sans prétendre que cet usage doive prévaloir sur celui qui est établi en France.

CHINFRENEAU


*CHINFRENEAU, s. m. Terme bâs et populaire. Coup de bâton ou d' épée au travers du visage.

CHINQUER


*CHINQUER, v. n. Boire du vin en débauche. Il est aussi populaire et bâs.

CHIO


CHIO, Île de l' Archipel. On a prononcé ou écrit ce mot de quatre manières: Chio, Scio, Cio, Kio. Presque tout le monde, dit La Touche, écrit et prononce Chio. Il est des persones qui, ne voulant point de cette prononciation, à cause du verbe chier, prononcent Cio; et je crois qu' on peut le prononcer de la sorte, en écrivant pourtant Chio. Il semble que Kio serait plus selon l' étymologie grecque. Pour Scio, rien ne l' autorise.

CHIOURME


CHIOURME, s. f. [Chiour-me; 2e e muet.] Les forçats et aûtres, qui rament sur une galère, collectivement pris. La Chiourme fit force de rames. On assembla toutes les Chiourmes.
   Rem. On a dit aûtrefois Chiourme, Chourme, et Chiorme. Le grand usage est pour le premier. Richelet, Danet, Trév., l' Acad., ne disent que Chiourme. M. Guillet dit Chiorme, et il a été imité par Brébeuf et Le Gendre. _ Celui-ci fait plus, car il le fait synonyme de Forçat. "Les trente Galères, toutes armées, contenoient 5600 chiormes, ou forçats: c' est comme si l' on disait, cinquante mille bataillons, ou soldats.

CHIPOTER


CHIPOTER, v. n. CHIPOTIER, IèRE, s. m. et f. [3e é fer. aux deux 1ers, è moy. et long. au 3e.] Lanterner, ou barguigner. = Vétiller. Il ne fait que chipoter. = Chipotier, a les deux sens; barguigneur, vétilleur. "C' est un chipotier, une chipotière, style familier.

CHIQUE


CHIQUE, s. f. Espèce de ciron, qui entre dans la chair.

CHIQUENAûDE


CHIQUENAûDE, s. f. [Chikenôde; 2e et dern. e muet, 9e lon.] Coup que l' on done, du doigt du milieu, sur le visage, sur le nez, etc. Doner une chiquenaûde.

CHIQUET


CHIQUET, s. m. [Chikè; 2e è moy. On ne pron. point le t.] Il ne se dit plus que dans cette locution adverbiale et familière: payer chiquet à chiquet, peu à peu, par petites parcelles. _ Suivant Trév. c' est la petite partie d' un tout. _ Quelques-uns disent, un chiquet de vin, pour, un petit coup de vin.

CHIRâGRE


CHIRâGRE, s. f. [Kirâgre; 2e lon. 3e e muet.] Il se dit, et de la goutte qui ataque les mains, et de celui qui en est ataqué. Il est de peu d' usage.

CHIROGRAPHAIRE


CHIROGRAPHAIRE, adj. [Kirogra--fère; 4e è moy. et long.] Qui n' est créancier qu' en vertu d' un acte sous seing privé.

CHIROMANCIE


CHIROMANCIE, s. f. CHIROMANCIEN, s. m. [Kiroman-ci-e, cien; en vers, ci-en.] Le Gendre écrit Cheiromancie; et dans l' Ann. Litt. on dit Chyromancier. Et l' y grec, et la terminaison en ier sont contre l' usage. _ La Chiromancie, est l' art prétendu de deviner et de prédîre par l' inspection de la main. = Chiromancien, est celui qui professe cet art.

CHIRURGICAL


CHIRURGICAL, ALE, CHIRURGIQUE, adj. Qui apartient à la Chirurgie. Opérations chirurgicales, ou chirurgiques. Le 1er est le plus usité.

CHIRURGIE


CHIRURGIE, s. f. CHIRURGIEN s. m. [Suivant le Dict. Gram., on devrait prononcer Sirugie, Sirugien. On ne cite point d' autorités pour justifier cette prononciation. Tenons-nous-en à La Touche, qui avertit qu' il faut dire Chirurgien, et non pas Chirugien. _ La prononciation marquée dans le Dict. Gram. est du peuple. Dans la Comédie du Portrait, Fanchon, domestique villageoise, dit,: A (elle) travâilloit jour et nuit, pour pouvoir payer le Médecin et le Sirugien. _ Ceux qui parlent mal, dit Richelet, disent, Chirugie, Chirugien.] La Chirurgie, est l' art de guérir les maladies externes par les opérations de la main. Chirurgien, est celui qui professe, qui exerce cet art.

CHISTE


CHISTE, s. m. [Le Rich. Port. écrit comme on prononce, kiste.] Capsule membraneûse, dans laquelle la matière qui produit les tumeurs est souvent renfermée. De là on les apèle tumeurs enkistées. _ Il serait donc raisonable d' écrire kiste.

CHIûRE


CHIûRE, s. f. [2e lon. 3e e muet.] Il ne se dit que des excrémens des mouches.

CHOC


CHOC, s. m. [Choc.] 1°. Heurt d' un corps contre un aûtre. Acad. Rencontre de deux corps, qui se heurtent avec violence. Trév. Choc furieux, rude choc. Choc de deux vaisseaux. = 2°. Rencontre et combat de deux troupes de gens de guerre. "Les énemis furent renversés au premier choc, ou, du premier choc. = 3°. Figurément, malheur, disgrâce, dans la fortune et dans la santé. "Il a reçu un rude choc.

CHOCâILLER


*CHOCâILLER, v. n. CHOCâILLON, s. f. Ils sont vieux, bâs et populaires. Chocâiller, c' est s' enivrer. Chocâillon, est une femme adonée au vin.

CHOCOLAT


CHOCOLAT, s. m. CHOCOLATIèRE, s. f. [Trév. (en 1704) met chocolate. Richelet les met tous deux. L' Acad. et le Rich. Port. ne mettent que le 1er.] Le chocolat est une composition faite de cacao, de sucre, de canelle, etc., et réduire en pâte. On la dissout dans de l' eau bouillante, pour en faire une boisson agréable. _ Chocolatière, est un vâse d' argent, de cuivre étamé, de fer blanc ou de terre, où l' on fait fondre et bouillir le chocolat.

CHOEUR


CHOEUR, s. m. [Pron. keur; dout. au sing. lon. au plur. Choeurs.] 1°. Troupe de Musiciens qui chantent ensemble; Motet à grand Choeur. = 2°. Morceau de musique à plusieurs paroles, qui est chanté par le Choeur. Il y a, dans ce Motet, deux, trois beaux Choeurs. _ Dans les anciènes Tragédies, il y avait toujours des Choeurs, mais ils ne chantaient pas toujours. = 3°. Les neuf Ordres des Anges s' apèlent les neuf Choeurs des Anges. = 4°. Choeur, partie de l' Église où l' on chante l' Ofice Divin. _ Il se dit aussi des Prêtres qui chantent ensemble. Les Choristes entonent, le Choeur poursuit. _ Enfans de Choeur, qui chantent au Choeur. _ On dit, proverbialement, tondu comme un enfant de Choeur. _ Religieuses de Choeur, Dames de Choeur, toutes les Religieuses qui ne sont pas Soeurs domestiques, ou Converses.
   Rem. * Des Imprimeurs peu instruits confondent, pour l' ortographe, Choeur avec coeur: "Il me dona une Patente, qui me permettait de bâtir des Églises dans le choeur de ses États. Let. Edif. Il falait, dans le coeur. * D' aûtres mettent coeur pour choeur: les enfans de Coeur.

CHOIR


CHOIR, v. n. Tomber. _ On écrivait aûtrefois cheoir.
   Rem. 1°. Presque tous les Gramairiens n' admettent que l' infinitif de ce verbe. M. de Wailly, d' après l' Acad., ajoute le participe: il s' est laissé choir, il est chu. Ces expressions sont du style familier.
   Ils sont chus dans la rivière:
   Ah! qu' ils sont bien là!
* Quelques-uns disent chut; il est chut, et au fém. chute. Celui-ci ne s' est conservé que dans chape-chute. V. ce mot, au mot CHAPE.
   2°. La Touche dit, que les bons Auteurs ne se servent plus de ce verbe qu' au figuré. L' Acad., qui ne le désaprouvait point d' abord, a dit ensuite qu' il vieillissait. Dans la dern. édit. elle le met sans remarque. = Segrais ne l' aprouvait que dans le sens figuré, comme en cet endroit de Malherbe:
   Fait choir en sacrifice au démon de la France.
Mais Ménage dit, qu' il ne ferait pas dificulté de l' employer dans le propre, à l' infinitif, comme a fait le même Poète, en cet aûtre endroit:
   Et le Po, tombe certaine...
   S' aprète à voir, en son onde,
   Choir un autre Phaéton.
   Il résulte de toutes ces remarques, que choir, au propre, est plus des vers que de la prôse, et plus du style familier et badin, que du style sérieux et élevé; et que dans le figuré, il n' est guère bon qu' en Poésie.

CHOIS


CHOIS: c' est ainsi qu' écrivent quelques Auteurs, et c' est ainsi que tout le monde devrait écrire; car pourquoi cet x à la fin de ce mot? Il n' est plus que dans choix, poix, et loix; et plusieurs, dans ce dernier mot, l' ont remplacé par l' s, et écrivent lois. Voyez CHOIX.

CHOISI


CHOISI, IE, adj. Il suit toujours le substantif. Soldats choisis, troupe choisie, Pièces choisies: "Il ne va dans cette maison que des gens choisis.

CHOISIR


CHOISIR, v. a. [Choa-zi.] Préférer une chôse, ou une persone, à une aûtre, ou à plusieurs aûtres. Choisir entre mille: choisissez des deux. Là il est neutre. _ Ordinairement il est actif: choisir bien ses amis; choisir des fruits, des étofes.
   Rem. 1°. Brébeuf done à ce verbe, pour 2d régime, le datif (la prép. à.)
   Il vous avoit choisi à des travaux insignes;
   Mais si vous vous lassez, vous n' en êtes plus dignes.
   M. de Lille dit aussi:
   Enfin, à ton vignoble, as-tu choisi sa terre?
   Ce régime fait mieux avec les persones: "M. Anson s' étoit atendu qu' on lui choisiroit ce qu' il y avoit de meilleur. Voyage d' Anson. Voy. ÉLIRE.
   2°. CHOISIR, régit-il des substantifs sans article? Dit-on, il a été choisi Gouverneur, comme on dit, il a été envoyé Ambassadeur? J' en doute. D' un côté, quelques Auteurs l' ont dit: "Il le fit choisir Principal du Collège. D' Avr. "Il (St Pallade) fut donc choisi Evêque d' Auxerre. Griffet: "Il est redevable à cette excellente éducation, d' avoir été choisi Gouverneur du Duc de B... Causes Célèbres. _ De l' autre, le plus grand nombre des Écrivains et l' Acad. mettent devant la prép. pour: "Ils le choisirent pour leur Chef: "Le Roi l' a choisi pour être Gouverneur d' une telle Place.
   3°. CHOISIR, neutre, régit de, devant l' infinitif. "Vous avez encôre à choisir, de prendre, ou de laisser: Choisissez, ou d' accepter ces conditions, ou de vous exposer à une ruine totale: "Vous avez choisi d' être le ministre, le coopérateur du démon, plutôt que de Jésus-Christ.
   4°. Boileau fait régir à l' actif la prép. de, au lieu des prép. entre, ou, parmi.
   La Fable ofre à l' esprit mille Héros divers?
   Ulysse, Agamemnon, Oreste, Idoménée...
   O le plaisant projet d' un Poète ignorant,
   Qui, de tant de Héros, va choisir Childebrand.
   Le P. Rapin le fait suivre de d' avec: "Ce n' est pas assez de s' atacher à la Nature... Il faut choisir ce qu' elle a de bon, d' avec ce qui ne l' est pas. Ces deux régimes sont contre l' usage: mais le dernier est le plus inusité.

CHOIX


CHOIX, s. m. [Trév. met Choix, ou Chois. Le premier est plus suivant l' usage; le second est plus conforme à l' analogie de choisir. Pron. choâ, monos. long..] Préférence d' une chôse ou d' une persone à une aûtre, ou à plusieurs aûtres. _ L' Acad. dit aussi élection dans sa définition, comme elle dit élire dans celle de choisir. Cela n' est pas fort exact. _ 1°. Choix et élection ne sont rien moins que synonymes. Celui-là se dit de celui qui choisit, celui-ci de celui qui a été choisi: l' un a le sens actif, l' aûtre le sens passif. Votre élection c' est quand vous avez été élu; votre choix quand vous avez choisi. Quand on dit l' élection du Consul, on parle du Consul qui a été élu; quand on parle du choix du Sénat, on parle du Sénat qui a choisi. "L' Election miraculeuse de St. Ambroise, pour le gouvernement de l' Église de Milan, justifia le choix que le Prince en avoit fait pour gouverner la Province. Bouh. Beauz.
   2°. Choix se dit d' un seul, et élection de plusieurs. Un Souverain choisit; un Corps, une Communauté élisent. Bouhours. Le Roi ayant nommé M. de Turenne pour comander, ce choix plut à tout le monde. Aûtrefois l' élection des Evêques se faisait par le peuple. Election ne vaudrait rien dans le premier exemple, ni choix dans le second. Bouh. L' Acad. ne distingue point l' usage de ces deux mots; mais la remarque du Père Bouhours est fort juste. L. T.
   3°. Choix et élite ont aussi des sens et des emplois diférens. Le premier a une signification active, et le second, une signification passive. L' élite est ce qui est choisi parmi ce qu' il y a de meilleur; le choix est l' action de choisir. On peut dire des Soldats dont un Général a fait choix pour une expédition importante et délicate, qu' ils sont l' élite de l' armée. _ Brébeuf n' a pas fait cette distinction. Il n' y a pas regardé de si près, parce que le mot élite ne l' acomodait pas.
   Tu vois toute la pourpre et tout le choix de Rome
   Se ranger à l' envi sous les lois d' un seul homme...
   C' est là qu' est réuni tout le choix d' Italie.
   Élite était là le mot propre: l' élite des Romains, l' élite de l' Italie.
   4°. Un troisième parti n' est pas un troisième choix, comme le dit l' Ab. Prévot. (Hist. des Voy.) "Ce qui les chagrina, (ces Princes Japonois) c' est qu' ils se voyoient dans la nécessité de revenir à la Cour Impériale... mais on ne leur laissoit pas de troisième choix entre ce parti et celui de s' ouvrir le ventre. _ Je ne sais si c' est la traduction litérale de l' Anglais, mais cela n' est bon dans aucune langue. Il falait dire: on ne leur laissait que le choix entre ce parti, etc.
   5°. On dit adverbialement, à votre choix, à son choix: Un Anonyme dit simplement à choix. "Il semble que vous tenez la vie et la mort en votre main, et qu' il vous est facile de la dispenser à choix. J. J. Rouss. dit aussi: "Je défie que vous puissiez éviter à la fois ces deux reproches: mais, à choix, préférez le premier. Dans la première phrâse, il faut dire à votre choix; dans la seconde, si vous avez à choisir.

CHOMABLE


CHOMABLE, adj. CHOMAGE, s. m. CHOMER, v. n. et act [Trév. écrit ces mots avec 2 m: Chommable, etc. Richelet et l' Acad. n' en mettent qu' une; mais Richelet ne met point d' accent sur l' o: l' Acad. en met un; je ne sais pas d' après quel principe. Pâsse pour cet o devant l' e muet, je chôme, tous les mots en ôme ont cet ô long: axiôme, fantôme; mais pour chomable, chomage, chomer, je doute fort que l' usage le plus commun et le plus autorisé soit d' y faire l' ô long.] Chomable se dit des fêtes qu' on doit chomer: Chomage est une cessation de travail. Chomer c' est, 1°. ne rien faire faute d' avoir à travailler. 2°. En parlant des terres, reposer, quand on n' y sème rien. 3°. En parlant des fêtes, les solenniser en ne travaillant pas. "Fête chomable. On paye tant pour le chomage d' un moulin, quand on l' empêche de moûdre. "Mde. de Richelieu me parut abatûe: les fatigues de la Cour ont abaissé son caquet: son moulin me parut en chomage. "Un bon ouvrier ne doit point chomer; mais quelquefois il chome de besogne, parce qu' il manque de travail. "Il faut laisser chomer les terres de temps en temps. _ Chomer de... manquer de... n' épargnez point le bois, vous n' en chomerez point, on ne vous en laissera point chomer.
   Rem. En parlant des fêtes, chomer n' est que du discours familier. On dit plutôt célébrer une fête, fêter un jour. L. T. L' Académie ne distingue point l' usage de ce mot.
   On dit, proverbialement, il ne faut pas chomer les fêtes avant qu' elles soient venûes, ou avant qu' elles arrivent; il ne faut pas s' afliger des malheurs par avance, ni se réjouir prématurément des biens incertains qu' on espère. _ "C' est un Saint qu' on ne chôme plus; un homme disgracié et oublié.
   La Fontaine fait dire aux membres irrités contre l' estomac:
   Il faudroit, disent-ils, sans nous, qu' il vécût d' air;
   Nous suons, nous peinons comme bêtes de somme.
   Et pour qui? pour lui seul: nous n' en profitons pas.
   Notre soin n' aboutit qu' à fournir ses repas: Chomons.
C. à. d. reposons-nous, ne travaillons pas.

CHOPEMENT


CHOPEMENT, CHOPER, voy. CHOPPEMENT, CHOPPER.

CHOPINE


CHOPINE, s. f. Mesûre de liqueur, qui contient la moitié d' une pinte. Chopine d' étain. _ Il se prend aussi pour la quantité de liqueur, qui est contenue dans cette mesûre. Boire chopine, payer chopine. Il se dit sans article. _ Mettre pinte sur chopine; s' ennivrer: l' expression est bâsse.

CHOPINER


CHOPINER, v. n. Boire du vin fréquemment, boire chopine à chopine. Il s' amûse à chopiner. Ce mot est bâs.

CHOPPEMENT


CHOPPEMENT, s. m. CHOPPER, v. neut. [Chopeman, chopé: 2e e muet au 1er, é ferm. au 2d. Richelet, Trév. le Rich. Port. écrivent avec un seul p chopement, choper. L' Acad. ne met que le verbe, et l' écrit avec deux p.] Chopement est l' action de celui qui chope, c. à. d. au propre, qui fait un faux pas en heurtant du pied contre quelque chôse; et au figuré, qui fait une faûte grossière. _ Ces deux mots sont vieux depuis long-temps. Bossuet a encôre employé le verbe: il choppe à chaque pas. _ On doit dire pierre d' achopement, et non pas de chopement.

CHOQUANT


CHOQUANT, ANTE, adj. CHOQUER, v. a. [Chokan, ante, choké, 2e lon. aux deux premiers, é fer. au 3e. * Mde. de B... (Hist. d' Angl.) écrit chocquer vieille ortographe.] Choquant est ce qui est ofensant, déplaisant, désagréable. Air choquant, mine choquante; paroles, manières choquantes. L' Acad. dit aussi homme choquant: je doute qu' il se dise des persones.
   CHOQUER, au propre, doner un choc, heurter: le vaisseau a choqué la barque, elle est endomagée; choquer le verre à table. On dit aussi, neutralement et sans régime, choquer. "Buvons, choquons! etc. = En parlant de deux troupes de gens de guerre, s' ataquer avec vigueur. "Quand les deux armées vinrent à se choquer. Il se dit en ce sens ordinairement avec le pronom personel. = Au figuré, ofenser. Il fait cela pour me choquer; il se choque de tout. = Déplaire: choquer la vûe, l' oreille. Ce mot, cette expression me choque. _ Cela choque le bon sens, la bienséance, l' honeur; est contraire à, etc.
   Rem. Être choqué regit de et l' infinitif. "Les Japonois seraient choqués de ne point voir dans un parterre cette variété.
   On dit heurter de front, et c' est une expression consacrée par l' usage. M. L' Abbé Guyon dit, choquer de front, qui a la même signification, mais qui n' a pas l' usage pour lui. "Il y a dans l' Hist. de Voltaire grand nombre de faussetés palpables, qui choquent de front tout ce qu' on a cru jusqu' à présent. Oracle des Nouv. Phil.

CHOQUEUR


*CHOQUEUR, CHOQUÉ, s. m. Mots forgés pour exprimer l' action de deux batimens qui se choquent, dont l' un la fait, l' aûtre la reçoit. "Presque toujours il en résulte des domages réciproques: le choqueur en est rarement exempt, et il arrive quelquefois au choqué d' en être plus brisé qu' il ne l' auroit été du tour du monde. Linguet.

CHORÉGRAPHIE


CHORÉGRAPHIE, s. f. [Pron. Koré--grafi-e; 2e é fer. 4e. lon.] Art de noter les pâs et la figûre d' une danse.

CHORÉVêQUE


CHORÉVêQUE, s. m. [Korévêke, 2e é fer. 3e. ê ouv. et long, 4e e muet.] Il s' est dit anciènement de certains Prélats, qui faisaient quelques fonctions épiscopales à la campagne. "Les Suvans ne conviènent pas des fonctions, ni des droits des Chorévêques.

CHORISTE


CHORISTE, s. m. [Koriste.] Chantre au Choeur. "Une Antiène chantée par deux Choristes. C' est l' exemple que done l' Acad. et une suite de la définition qu' elle a donée d' Antiène. Voy. ce mot.

CHOROGRAPHIE


CHOROGRAPHIE, s. f. CHOROGRAPHIQUE, adj. [Pron. korografi-e, fike, 4e. lon. au 1er, 5e e muet.] La Chorographie est la description, la représentation d' un pays particulier. Chorographique est ce qui apartient à la chorographie. Table, description chorographique.

CHORUS


CHORUS, s. m. [Korus.] Mot emprunté du latin, qui signifie choeur. Il entre dans des locutions françaises du style badin et comique. _ Faire chorus, chanter ensemble à table, et ordinairement le verre à la main.
   Tous en chorus bernent le pauvre sire.
       Ver-vert.

CHôSE


CHôSE, s. f. [1re lon. il convient de mettre l' acc. circ. sur l' ô.] C' est le mot le plus souvent employé, et il suplée pour je ne sais combien d' aûtres mots. Dieu a créé toûtes chôses: Le monde est une chôse admirable, etc. etc. _ C' est pourtant une négligence dans la langage que de s' en servir trop souvent à la place du mot propre. Exemple: "Tout le monde sait bien que les Chinois n' impriment qu' avec des planches gravées, et qui ne peuvent servir que pour une seule chôse. L' Ab. du Bos. Qu' est-ce qu' imprimer une chôse, servir pour une seule chôse? Est-ce une expression élégante et correcte? _ Mde. de Sévigné s' en moque. "Vous avez l' ame belle. Ce n' est peut-être pas de ces ames du premier ordre, comme chose, ce Romain (Regulus) qui retourna chez les Carthaginois pour tenir sa parole, sachant bien qu' il y seroit mis à mort: mais au dessous, vous pouvez vous vanter d' être du premier rang. "M. de Sauvebeuf rendant compte à M. le Prince d' une négociation, pour laquelle il étoit allé en Espagne, lui disoit: chose, chose... Le roi d' Espagne m' a dit, etc. Sév. _ Ceux qui ont cette mauvaise habitude le disent des persones, comme des chôses: "Va dire à chose d' aller chercher la petite chose, qui est sur la grande chose.
   1°. Grande devant chôse perd l' e muet final et prend l' apostrophe: grand' chôse; ce n' est pas grand' chôse.
   Quand je vous ofre ou vers sou prose,
   Grand Ministre, je le sais bien,
   Je ne vous offre pas grand' chose,
   Mais je ne vous demande rien.
       De Cailli.
Cette supression de l' e ne se fait que dans le style familier. Wailly. J' ajoute que grand' chôse ne s' emploie qu' avec la négative. On dit, ce n' est pas grand' chôse; mais on ne dit pas c' est grand' chôse. Molière fait dire au Misantrope:
   Je voudrois, m' en coutât-il grand' chôse,
   Pour la beauté du fait, avoir perdu ma cause.
On dirait en prôse, dût-il m' en coûter quelque chôse de bon.
   2°. Chôse étrange est une exclamation souvent employée; mais chôse y est employé indéfinement et ne soufre point de raport. "Chose étrange que le Roi rendît hommage à ses sujets, et qui fut abolie par Philipe Le Bel. Le Pres. Henaut. _ Chôse étrange est bien-là; mais, qui fut abolie gâte tout. Car, qu' est-ce qu' une chôse abolie? Là, coutume était le mot propre; ou bien, il falait mettre un point admiratif après sujets, et ajouter, cette coutume fut abolie, etc.
   3°. Quelque chôse est masc. quoique chôse soit du genre féminin. On dit, par exemp. Ai-je fait quelque chôse que vous n' ayez pas aprouvé, et non pas aprouvée? On dit aussi quelque chôse de bon, quelque chose de vrai. Le de est alors nécessaire devant l' adjectif, et il ne faut pas imiter Molière, quand il dit: quelque chôse aprochant, pour, d' aprochant. Vaug. prétend qu' on peut retrancher cette préposition devant un adjectif, qui la régit lui-même, pour éviter la cacophonie de deux de, si voisins l' un de l' aûtre. Il est vrai que quelque chôse de digne de lui est dur: mais, pour éviter de mauvaises consonances, il ne faut pas changer une construction consacrée par l' usage. Il vaut mieux changer de tour, et dire, quelque chôse qui soit digne de lui. Wailly. 4°. On dit, peu de chôse, tantôt au pluriel, tantôt au singulier: il est peu de chôses plus agréables. Il se contente de peu de chôse, et non pas de peu de chôses, comme dit un des Auteurs des Lettres Édifiantes. _ La raison de cette diférence c' est que dans la 1re. phrâse, peu de chôses est employé d' une manière définie et déterminée, et que dans la seconde on le dit dans un sens indéterminé, indéfini.
   5°. Aûtre, joint à chôse, a la propriété de renvoyer le nominatif (le sujet) après le verbe: "Aûtre chôse était chez les Romains, la qualité de Patricien et aûtre chôse était la Noblesse. _ Ce tour de phrâse n' est pas du beau style.
   6°. La chôse publique, pour, la République, l' État; vieille expression, renouvellée de nos jours. Dans les Fables de la Fontaine, la Grenouille dit au Rat, pour l' atirer dans le marais:
   Qu' un jour il conteroit à ses petits enfans
   Les beautés de ces lieux, les moeurs des Habitans
   Et le gouvernement de la chose publique.
   Aquatique.
   Nos Philosophes modernes parlent souvent de la chôse publique: c' est un mot à la mode. M. Rigoley de Juvigni, qu' il ne faut pas confondre avec eux, s' est servi de cette locution. "À~ la commotion universelle de la chôse publique succéda le calme le plus heureux. Cette expression est renouvellée de l' ancien langage. Voy. INNUMÉRABLE. _ Du reste, remarquez que chôse publique et République ne sont pas synonymes: celui-ci ne se dit que des États démocratiques et aristocratiques. Celui-là est commun à tout les Gouvernemens.
   On dit, proverbialement, à chôse faite conseil pris. Il n' est plus tems de demander conseil, quand la chôse sur laquelle on devoit délibérer est faite.